Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2025 TCDP 53

Date : Le 21 mai 2025

Numéro(s) du/des dossier(s) : T2578/13520

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Hamid Arabzadeh

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

la partie intimée

Décision sur requête

Membre : Jo-Anne Pickel

 


I. APERÇU

[1] Pour les motifs ci-après, je rejetterai la requête présentée par la partie intimée en vue de faire rejeter la plainte.

[2] Le plaignant et plus de 50 autres personnes ont déposé des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») en 2018 ou vers cette année-là (les « plaintes individuelles »). De façon générale, les plaignants, qui sont tous de nationalité iranienne, ont allégué qu’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et Sécurité publique Canada, les parties intimées, ont fait preuve de discrimination à leur égard, en raison de leur origine nationale ou ethnique, en retardant le traitement de leurs demandes de résidence permanente, de visa ou de citoyenneté. Outre ces plaintes, un groupe de plus de 40 autres plaignants a déposé des plaintes énonçant les mêmes allégations à l’encontre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, de l’Agence des services frontaliers du Canada et du Service canadien du renseignement de sécurité (les « plaintes collectives »).

[3] Comme je l’explique en détail ci-après, le plaignant n’a pas remédié aux lacunes dans son exposé des précisions jusqu’à ce que la partie intimée présente une requête pour demander le rejet de sa plainte.

II. DÉCISION

[4] Je rejette la requête de la partie intimée, étant donné que le plaignant a maintenant remédié aux lacunes dans son exposé des précisions.

III. QUESTION EN LITIGE

[5] La présente décision porte sur la question de savoir si le non-respect initial par le plaignant de la décision sur requête, des directives et des Règles de pratique du Tribunal justifie le rejet de sa plainte.

IV. ANALYSE

A. Diverses occasions de remédier aux lacunes dans l’exposé des précisions ont été offertes

[6] Les plaintes connexes mentionnées ci-dessus ont un long historique qui est décrit dans une décision antérieure du Tribunal (Irannejad et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Agence des services frontaliers du Canada et Service canadien du renseignement de sécurité, 2024 TCDP 23). Comme il a été précisé dans cette décision, le Tribunal a d’abord mis les plaintes en suspens, en attendant le résultat d’un examen effectué par l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (l’« Office »). Le Tribunal a repris le traitement des plaintes en suspens en avril 2024, au terme de l’examen de l’Office. Le Tribunal a initialement fixé au 14 août 2024 la date limite pour le dépôt d’un exposé des précisions par le plaignant. Le plaignant a déposé son exposé des précisions initial le 13 août 2024.

[7] Toutefois, la partie intimée était d’avis que l’exposé des précisions déposé par la plupart des plaignants comportait des lacunes au point de ne pas être conforme aux Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) (les « Règles de pratique »). Le 13 février 2025, j’ai rendu une décision sur requête enjoignant au plaignant de remédier aux lacunes dans son exposé des précisions. Le plaignant n’y a pas donné suite.

[8] Le 1er avril 2025, la partie intimée a déposé une requête en vue de faire rejeter la plainte. Le 14 avril, le plaignant a déposé un exposé des précisions modifié qui, sans être parfait, remédie suffisamment aux lacunes relevées dans ma décision sur requête du 13 février 2025.

B. Les principes juridiques et leur application

[9] Le fait qu’il soit possible pour une personne de déposer une plainte pour discrimination auprès d’un tribunal des droits de la personne financé par l’État revêt une grande importance. Toutefois, cette possibilité va de pair avec l’obligation de suivre la procédure du Tribunal et de se conformer à ses décisions sur requête, à ses directives et à ses Règles de pratique. La procédure du Tribunal est moins formelle que celle d’une cour de justice et vise à faciliter l’accès, y compris pour les parties qui n’ont pas de représentant. Toutefois, ce caractère informel ne doit pas être interprété comme signifiant que les parties peuvent adopter une attitude désinvolte quant au respect des décisions sur requête ou des directives du Tribunal. Certaines circonstances peuvent justifier qu’une partie ne se conforme pas à une décision sur requête ou à une directive du Tribunal. Toutefois, un plaignant qui ne se conforme pas à une décision sur requête ou à une directive du Tribunal, sans raison valable, risque de voir sa plainte rejetée (voir l’art. 9 des Règles de pratique; voir aussi Ouwroulis v. New Locomotion, 2009 HRTO 335, aux par. 4-7).

[10] Le Tribunal doit instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des Règles de pratique (voir le par. 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6; voir aussi l’art. 5 des Règles de pratique). Il incombe au plaignant de faire avancer son dossier et de fournir ses coordonnées les plus récentes (Towedo c. Service correctionnel du Canada, 2024 TCDP 6, aux par. 4 et 5).

[11] Bien que la partie intimée ait articulé ses observations autour de la question du retard, je juge que la question au cœur de sa requête concerne le non-respect, par le plaignant, de la décision sur requête du Tribunal, datée du 13 février 2025, de ses directives et de ses Règles de pratique.

[12] Le Tribunal a appliqué le critère de Seitz dans les cas où une requête a été présentée en vertu de l’article 9 des Règles de pratique, qui traite des conséquences de la non-conformité aux Règles de pratique ou aux ordonnances du Tribunal (voir Oleson c. Première Nation de Wagmatcook, 2023 TCDP 3, appliquant le critère élaboré dans Seitz c. Canada, 2002 CFPI 456, aux par. 16-18). Ce critère exige que le Tribunal détermine si : i) le plaignant n’a tenu absolument aucun compte des délais et des Règles de pratique du Tribunal; ii) l’affaire est demeurée dormante trop longtemps; et iii) le plaignant ne semble pas avoir l’intention de faire aboutir l’affaire. En l’absence d’argument contraire du plaignant, je suis disposée à conclure que le critère de Seitz est approprié pour déterminer si la présente plainte doit être rejetée.

[13] Je conviens avec la partie intimée que le plaignant aurait dû remédier aux lacunes dans son exposé des précisions bien avant qu’il ne le fasse finalement. Il n’est pas loisible au plaignant de faire simplement abstraction des directives et des décisions sur requête du Tribunal en supposant que cela n’aura pas de conséquences. Dans l’ensemble, compte tenu du dépôt par le plaignant d’un exposé des précisions modifié, je ne suis pas disposée à conclure que le troisième volet du critère de Seitz est respecté. Cela dit, même si je suis disposée à accepter l’exposé des précisions modifié du plaignant, je tiens à l’aviser que le mépris des directives et des décisions sur requête du Tribunal à l’avenir est susceptible d’entraîner le rejet de sa plainte.

V. ORDONNANCE

[14] Pour les motifs qui précèdent, la requête de la partie intimée est rejetée.

Signée par

Jo-Anne Pickel

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 21 mai 2025

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro(s) du/des dossier(s) du Tribunal : T2578/13520

Intitulé de la cause : Hamid Arabzadeh c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 21 mai 2025

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

J. Sanderson Graham, Helen Gray, Jennifer Francis et Clare Gover , pour la partie intimée

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