Contenu de la décision
Tribunal canadien |
|
Canadian Human |
Référence : 2025 TCDP
Date : Le
Numéro(s) du/des dossier(s) :
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Entre :
le plaignant
- et -
Commission canadienne des droits de la personne
la Commission
- et -
l’intimé
Décision
Membre :
I. APERÇU
[1] Voici mes motifs pour rejeter la plainte.
[2] Le plaignant et plus de 50 autres personnes ont déposé des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) vers 2018 (les plaintes individuelles). En termes généraux, les plaignants sont tous des ressortissants iraniens qui ont allégué que le ministère Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada (IRCC), l’intimé, avait fait preuve de discrimination à leur égard en raison de leur origine nationale ou ethnique dans le traitement tardif de leurs demandes de statut de résident permanent, de visas ou de citoyenneté. En plus de ces plaintes, un groupe de plus de 40 autres plaignants ont déposé des plaintes contenant les mêmes allégations contre IRCC, l’Agence des services frontaliers du Canada et le Service canadien du renseignement de sécurité (les plaintes collectives).
[3] Comme précisé ci-dessous, le Tribunal a donné au plaignant plusieurs occasions de corriger les lacunes de son exposé des précisions (EDP), mais celui-ci ne l’a pas fait. L’intimé a déposé une requête en vue du rejet de la plainte.
II. DÉCISION
[4] J’accueille la requête en rejet de la plainte présentée par l’intimé. Le plaignant n’a pas respecté la décision et les directives du Tribunal ni les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) (les Règles de pratique), sans fournir aucune explication. De plus, rien ne permet de croire qu’il a l’intention de faire avancer son dossier en remédiant aux lacunes de son EDP.
III. QUESTION EN LITIGE
[5] La présente décision traite de la question suivante : le non-respect par le plaignant de la décision, des directives et des Règles de pratique du Tribunal justifie-t-il le rejet de sa plainte?
IV. ANALYSE
A. Multiples possibilités offertes pour remédier aux lacunes de l’EDP
[6] Les plaintes connexes mentionnées ci-dessus ont un long historique qui est décrit dans une décision antérieure du Tribunal : Irannejad et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Agence des services frontaliers du Canada et Service canadien du renseignement de sécurité, 2024 TCDP 23. Comme il est expliqué en détail dans cette décision, le Tribunal a initialement suspendu l’examen des plaintes en attendant le nouveau rapport d’enquête de l’Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement (OSSNR). Le Tribunal a levé la suspension des plaintes en avril 2024, à l’issue de l’examen de l’OSSNR. Le Tribunal a initialement fixé au 14 août 2024 la date limite pour le dépôt d’un EDP par le plaignant. Le plaignant a déposé son EDP le 15 août 2024.
[7] En décembre 2024, le Tribunal a rejeté les plaintes déposées par 19 autres plaignants pour cause d’abandon : Haddadnia et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Agence des services frontaliers du Canada, Service canadien du renseignement de sécurité, 2024 CHRT 134.
[8] Lors d’une conférence téléphonique de gestion d’instance tenue avec les plaignants qui ont déposé des plaintes individuelles contre IRCC en janvier 2025, l’intimé a fait valoir que la plupart des EDP qui avaient été déposés étaient lacunaires au point de ne pas être conformes aux Règles de pratique. L’intimé a fait remarquer que bon nombre des plaignants avaient utilisé un modèle d’EDP qui n’était pas suffisamment adapté à la situation particulière de chaque plaignant. La présidente du Tribunal, qui était chargée de ces affaires à l’époque, a expliqué aux plaignants les informations qui devaient figurer dans leurs EDP. Elle a accordé au plaignant et aux autres plaignants individuels un délai supplémentaire jusqu’au 21 janvier 2025 pour remédier aux lacunes de leurs EDP. Même après cette date, l’intimé a continué à soutenir que de nombreux EDP restaient lacunaires. Cela incluait l’EDP du plaignant.
[9] En janvier 2025, j’ai ordonné à l’intimé de transmettre au Tribunal une liste des lacunes alléguées pour chacun des EDP qui, selon lui, n’étaient pas conformes aux Règles de pratique. J’ai examiné chacun des EDP visés et la liste des lacunes alléguées dressée par l’intimé. À la suite de cela, le 13 février 2025, j’ai rendu des décisions à l’intention des plaignants concernés, leur enjoignant de corriger leurs EDP déficients. Les décisions identifiaient précisément les parties de chaque EDP qui étaient déficientes et expliquaient pourquoi elles l’étaient. J’ai clairement énuméré les informations que chaque plaignant devait fournir pour corriger son EDP. J’ai accordé aux plaignants jusqu’au 3 mars 2025 pour corriger les lacunes de leurs EDP. Le plaignant faisait partie des plaignants qui ont reçu une décision lui enjoignant de corriger les lacunes de son EDP. Le plaignant n’a pas répondu à ma décision du 13 février 2025, et le délai pour le faire est largement dépassé.
[10] Lors d’une conférence téléphonique de gestion d’instance avec les parties le 25 mars 2025, l’intimé a indiqué qu’il demanderait le rejet de toutes les plaintes déposées par les plaignants qui n’auraient pas répondu à ma décision du 13 février 2025. J’ai ordonné à l’intimé de déposer ses requêtes avant le 1er avril 2024 et j’ai fixé au 15 avril 2025 la date limite pour que les plaignants déposent leurs réponses à la requête. Après que l’intimé a déposé ses requêtes le 1er avril 2025, j’ai envoyé un courriel à tous les plaignants visés par les requêtes pour leur rappeler que la date limite pour répondre aux requêtes était le 15 avril 2025. Le plaignant n’a jamais répondu à la requête de l’intimé. En outre, je n’ai reçu aucune information concernant les difficultés ou la situation personnelle du plaignant qui pourraient expliquer son absence de réponse à ma décision du 13 février 2025 ou à la requête de l’intimé visant à rejeter sa plainte.
B. Les principes juridiques et leur application
[11] La possibilité pour un individu de porter plainte pour discrimination devant un tribunal des droits de la personne financé par des fonds publics revêt une grande importance. Toutefois, cette possibilité s’accompagne de l’obligation de se conformer au processus du Tribunal et à ses décisions, directives et Règles de pratique. Le processus du Tribunal est moins formel que celui d’un tribunal judiciaire et vise à faciliter l’accès, notamment pour les parties qui se représentent elles-mêmes. Toutefois, ce caractère informel ne doit pas être interprété comme signifiant que les parties peuvent adopter une attitude désinvolte à l’égard du respect des décisions ou des directives du Tribunal. Certaines circonstances peuvent justifier le non-respect d’une décision ou d’une directive du Tribunal par une partie. Toutefois, un plaignant qui ne répond pas à une décision ou à une directive du Tribunal sans raison valable risque de voir sa plainte rejetée (voir la règle 9 des Règles de pratique; voir également Ouwroulis c. New Locomotion, 2009 TDPO 335, paragraphes 4 à 7).
[12] Le Tribunal doit mener les procédures de la manière la plus informelle et la plus rapide possible, dans le respect des exigences de la justice naturelle et des Règles de pratique (paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (L.R.C. (1985), ch. H-6); voir également la règle 5 des Règles de pratique). Il incombe au plaignant de faire avancer son dossier et de tenir à jour ses coordonnées (Towedo c. Service correctionnel Canada, 2024 TCDP 6, paragraphes 4 et 5).
[13] Bien que l’intimé ait axé ses observations sur la question du retard, je suis d’avis que la question principale soulevée dans sa requête concerne le non-respect par le plaignant de la décision rendue par le Tribunal le 13 février 2025, de ses directives et de ses Règles de pratique.
[14] Le Tribunal a appliqué un critère appelé « critère de Seitz » dans les affaires où une requête a été présentée au titre de la règle 9, qui traite des conséquences de la non-conformité aux Règles de pratique ou aux ordonnances du Tribunal (voir Oleson c. Première Nation de Wagmatcook, 2023 TCDP 3, appliquant le critère élaboré dans Seitz c. Canada, 2002 CFPI 456, aux paragraphes 16 à 18). Selon ce critère, le Tribunal doit se demander (i) si le plaideur n’a tenu absolument aucun compte des délais et des règles que le Tribunal a établis, c’est-à-dire (ii) du fait qu’une action est laissée trop longtemps dormante et que (iii) le plaideur ne semble pas avoir l’intention de clore le dossier. En l’absence de contre-arguments de la part du plaignant, je suis prête à conclure que le critère de Seitz est approprié pour déterminer si cette plainte doit être rejetée.
[15] Comme indiqué précédemment, j’ai accordé au plaignant plusieurs prolongations afin qu’il puisse remédier aux lacunes de son EDP, ce qui a abouti à ma décision du 13 février 2025. Le plaignant n’a jamais répondu à ma décision ni à la requête en irrecevabilité déposée par l’intimé. Dans ces circonstances, je conclus que le fait que le plaignant n’ait toujours pas remédié aux lacunes de son EDP constitue un mépris total de la décision, des directives et des Règles de pratique du Tribunal.
[16] Je suis également d’accord avec l’intimé pour dire que cette plainte est restée sans suite pendant une période déraisonnable, les lacunes dans l’EDP du plaignant n’ayant pas été corrigées pendant environ huit mois. Plus important encore, rien n’indique que le plaignant ait l’intention de faire avancer son dossier en corrigeant les lacunes de son EDP. Deux autres plaignants ont corrigé les lacunes de leurs EDP après avoir reçu la requête en rejet de l’intimé. Je ne rejette pas leurs plaintes. En revanche, le plaignant n’a pris aucune mesure pour répondre à la requête de l’intimé ou pour corriger les lacunes de son EDP, même après avoir reçu la requête en rejet. Dans ces circonstances, rien n’indique que le plaignant ait l’intention de corriger les lacunes de son EDP.
[17] Je suis pleinement consciente que bon nombre des plaignants dans ces affaires connexes sont frustrés par le temps considérable qui s’est écoulé depuis le dépôt de leurs plaintes. Toutefois, cela ne constitue pas une raison valable pour ignorer les décisions et les directives du Tribunal qui visent précisément à faire avancer les plaintes aussi rapidement que possible tout en respectant l’équité procédurale pour l’intimé.
V. ORDONNANCE
[18] Pour les motifs susmentionnés, la présente plainte est rejetée.
Signée par
Membre du Tribunal
Ottawa (Ontario)
Le
Tribunal canadien des droits de la personne
Parties au dossier
Numéro(s) du/des dossier(s) du Tribunal :
Intitulé de la cause :
Date de la
Requête traitée par écrit sans comparution des parties
Observations écrites par :