Contenu de la décision
Tribunal canadien |
|
Canadian Human |
Référence : 2025 TCDP
Date : Le
Numéro du dossier :
[TRADUCTION FRANÇAISE]
Entre :
la plaignante
- et -
Commission canadienne des droits de la personne
la Commission
- et -
la partie intimée
Décision sur requête
Membre :
Table des matières
(i) Recours collectif intenté par des membres des FAC et d’autres
(ii) Dispositions de l’ERD pertinentes
(iii) Règles de droit applicables en matière d’abus de procédure
(iv) Application des principes susmentionnés à l’espèce
(iii) Observations des parties
(iv) Directive du Tribunal datée du 4 mars 2025
(v) Réponses des parties à ma directive
(vi) Question de la portée de la plainte
C. Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif
I. APERÇU
[1] La présente décision sur requête a trait à la requête présentée par les Forces armées canadiennes (les « FAC »), la partie intimée, en vue de faire rejeter la plainte en partie ou en totalité ou, subsidiairement, de faire radier certaines parties de l’exposé des précisions de C.D., la plaignante.
[2] La plaignante est une femme transgenre qui a travaillé pour les FAC. En octobre 2020, elle a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») dans laquelle elle affirmait que la partie intimée l’avait harcelée et avait fait preuve de discrimination à son égard, en violation de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « LCDP »). En plus d’avoir déposé une plainte auprès du Tribunal, la plaignante a présenté une réclamation d’indemnisation financière en vertu de l’Entente de règlement définitive (l’« ERD ») conclue dans le cadre des recours collectifs intentés contre le gouvernement du Canada — Cour fédérale (dossiers nos T-2111-16 et T-460-17). Les recours collectifs ont été intentés par des membres des FAC et des employés de la fonction publique qui auraient été victimes d’inconduite sexuelle en lien avec leur service militaire ou leur emploi au sein du ministère de la Défense nationale ou d’un autre organisme gouvernemental lié aux FAC.
[3] La partie intimée a soulevé deux objections à l’égard de la plainte. Tout d’abord, elle a fait valoir que toutes les allégations de discrimination et de harcèlement contenues dans la plainte sont irrecevables en vertu de la disposition de l’ERD relative à la quittance complète et définitive, que les incidents se soient produits avant ou après l’approbation de l’ERD. À titre subsidiaire, elle a affirmé que les allégations contenues dans l’exposé des précisions de la plaignante qui se rapportent à des incidents survenus après le dépôt de la plainte auprès de la Commission ne s’inscrivent pas dans la portée de cette plainte. Plus précisément, la partie intimée a soutenu que toute allégation de discrimination ou de harcèlement liée au fait que la plaignante ait été transférée à l’unité de transition d’Esquimalt en raison de ses limitations médicales vers novembre 2021, et aux événements qui ont suivi, ne relevait pas de la portée de la plainte. Je traite de ces objections ci‑dessous. Même si la partie intimée a soulevé ses objections dans une lettre après que j’aie tenu une conférence de gestion d’instance avec les parties, je les traite ici comme une requête visant à faire rejeter la plainte en partie ou en totalité ou à faire radier certaines parties de l’exposé des précisions de la plaignante.
II. DÉCISION
[4] La requête présentée par la partie intimée est accueillie en partie. Les allégations suivantes ne font pas partie intégrante de la plainte et sont radiées de l’exposé des précisions de la plaignante :
-
a)Toutes les allégations de discrimination ou de harcèlement fondées sur l’identité ou l’expression de genre qui se rapportent à des événements survenus au plus tard à la date à laquelle l’ERD a été approuvée (le 25 novembre 2019);
-
b)Toutes les allégations de discrimination ou de harcèlement qui se rapportent au fait que la plaignante a été transférée à l’unité de transition d’Esquimalt vers novembre 2021, ainsi que toutes les allégations subséquentes. Cela étant dit, la plaignante pourra se fonder sur des éléments de preuve datant de la période suivant le dépôt de sa plainte pour faire valoir qu’elle a continué à subir les effets des actes de discrimination ou de harcèlement qui font l’objet de sa plainte. Toutefois, ces éléments de preuve ne serviraient qu’à statuer sur la réparation à accorder dans le cas où la plaignante prouverait le bien-fondé des allégations de discrimination ou de harcèlement sur lesquelles repose la plainte dont je suis saisie.
III. QUESTIONS EN LITIGE
[5] La présente décision sur requête vise à trancher les deux questions suivantes :
-
a)Étant donné que la plaignante a présenté une réclamation en vertu de l’ERD, y aurait-il abus de procédure si elle était autorisée à faire valoir la totalité ou une partie des allégations de discrimination et de harcèlement contenues dans sa plainte?
-
b)Les allégations de discrimination et de harcèlement que la plaignante a formulées dans son exposé des précisions relativement à son transfert à l’unité de transition d’Esquimalt et aux événements subséquents s’inscrivent-elles dans la portée de la plainte dont je suis saisie?
IV. ANALYSE
A. Étant donné que la plaignante a présenté une réclamation en vertu de l’ERD, y aurait-il abus de procédure si elle était autorisée à faire valoir la totalité ou une partie des allégations contenues dans sa plainte?
[6] En partie seulement. Il y aurait abus de procédure seulement si la plaignante était autorisée à faire valoir les allégations qui ont fait l’objet d’un règlement dans l’ERD et qui sont donc assujetties à la disposition relative à la quittance. Plus précisément, il y aurait abus de procédure si la plaignante était autorisée à faire valoir les allégations qui ont trait aux incidents survenus jusqu’au jour où l’ERD a été approuvée (25 novembre 2019).
(i) Recours collectif intenté par des membres des FAC et d’autres
[7] En 2016 et 2017, plusieurs anciens membres des FAC ont intenté des recours collectifs contre le gouvernement du Canada (recours collectifs Heyder et Beattie). Ceux-ci alléguaient des actes de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle ou de discrimination fondée sur le sexe, le genre, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle en lien avec leur service militaire ou leur emploi au sein du ministère de la Défense nationale ou d’un autre organisme gouvernemental lié aux FAC. Les représentants demandeurs des recours collectifs Heyder et Beattie ont conclu l’ERD pour régler ces recours collectifs.
[8] Le 25 novembre 2019, la Cour fédérale a autorisé les recours collectifs et a approuvé l’ERD. Entre autres choses, le gouvernement du Canada a accepté d’accorder une indemnisation financière à certaines personnes qui font partie du groupe autorisé par la Cour fédérale aux fins du recours collectif (les « membres du groupe »). Tout membre du groupe, tel que défini dans l’ERD (voir ci-dessous), peut demander une indemnisation financière en vertu de l’ERD en présentant une réclamation suivant les procédures prévues dans l’ERD.
(ii) Dispositions de l’ERD pertinentes
[9] L’article 4.01 de l’ERD définit les membres du groupe des FAC de la façon suivante :
Tous les membres et anciens membres des FAC qui ont vécu de l’inconduite sexuelle jusqu’au 25 novembre 2019 et qui n’ont pas demandé l’exclusion des recours collectifs Heyder ou Beattie. [Non souligné dans l’original.]
[10] L’inconduite sexuelle est définie comme suit :
« Inconduite sexuelle » s’entend d’un ou plusieurs événements, en lien avec le service militaire pour les membres du groupe des FAC et en lien avec l’emploi pour les membres du groupe des employés du MDN/PFNP :
i. le harcèlement sexuel;
ii. l’agression sexuelle;
iii. la discrimination fondée sur le sexe, le genre, l’identité de genre ou l’orientation sexuelle.
[11] Nul ne conteste que la plaignante était, au sens de la définition, membre du groupe des FAC, car ses allégations de discrimination fondée sur l’identité ou expression de genre correspondent à la définition d’« inconduite sexuelle » qui figure dans l’ERD.
[12] La plaignante aurait pu décider de s’exclure des recours collectifs et de l’ERD. Or, elle a choisi de ne pas le faire. Nul ne conteste qu’elle a présenté des réclamations en vue d’obtenir une indemnisation financière en vertu de l’ERD et qu’elle a reçu une indemnisation sur la base de certaines des allégations de discrimination et de harcèlement contenues dans sa plainte.
[13] À l’article 13 de l’ERD figurent une disposition prévoyant une quittance complète et définitive ainsi que des limitations relatives à d’autres procédures judiciaires. L’article 13.01 prévoit notamment ce qui suit :
Les Parties demanderesses et les Avocats des membres du groupe conviennent qu’après que la Cour aura approuvé la présente ERD, les procédures judiciaires, et les réclamations des Membres du groupe et du groupe dans son ensemble, seront abandonnées contre le Canada, sans frais et sous toutes réserves, et cet abandon constituera une défense et une interdiction absolue à l’égard de toute procédure judiciaire subséquente contre le Canada afférente à toute réclamation ou à toute demande faite dans le cadre des Recours collectifs et ayant trait au sujet de ceux-ci, et il en est donné quittance aux Renonciataires, et en particulier le ou les Renonciateur(s) libèrent et dégagent les Renonciataires entièrement, définitivement et à jamais de toute action en justice, [...] d’une autre manière ayant trait ou afférente à un aspect quelconque des Recours collectifs, et cette quittance comprend toute réclamation présentée ou qui pourrait avoir été présentée dans le cadre d’une quelconque procédure, y compris des Recours collectifs, qu’elle soit revendiquée directement par le ou les Renonciateur(s) ou par toute autre personne, groupe ou personne morale au nom du Renonciateur ou en tant que représentant de celui-ci. [Non souligné dans l’original.]
[14] Il est ensuite précisé à l’article 13.01 que, dans certains cas, la quittance ne s’applique pas. Toutefois, ces exceptions ne sont pas pertinentes en l’espèce, car elles ne s’appliquent pas à la plaignante.
(iii) Règles de droit applicables en matière d’abus de procédure
[15] L’article 10 des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) (DORS/2021-137) confère au Tribunal le pouvoir de rendre toute ordonnance qu’il estime nécessaire pour prévenir un abus de procédure. La doctrine de l’abus de procédure est l’une des doctrines de common law qui vise à protéger les principes du caractère définitif, de l’équité et de l’intégrité de l’administration de la justice (Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c. Figliola, 2011 CSC 52, au par. 31; voir aussi par exemple Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29, aux par. 34 à 36).
[16] Instruire une plainte pour atteinte aux droits de la personne fondée sur des allégations qui ont fait l’objet d’un règlement et d’une quittance complète et définitive peut constituer un abus de procédure compte tenu des principes du caractère définitif et de l’économie des ressources judiciaires. Lorsque deux parties conviennent de régler un différend juridique, le principe du caractère définitif exige que le règlement soit exécuté et empêche, aussi par souci d’économie des ressources judiciaires, les parties de débattre de questions déjà tranchées, à moins qu’il n’existe des raisons impérieuses de le faire. La plupart des litiges aboutissent à un règlement et presque tous les règlements renferment une disposition par laquelle le plaignant libère entièrement l’intimé de toute réclamation qui pourrait être présentée relativement à l’objet du règlement. Il faut que les règlements soient définitifs pour être efficaces; sinon rien n’inciterait les parties à mettre fin à leur litige par la voie d’un règlement. Pour cette raison, instruire une plainte dont l’objet est visé par un règlement et une quittance constituerait un abus de procédure, à moins qu’il n’y ait des raisons impérieuses de procéder ainsi (voir Nolan v. Royal Ottawa Health Care Group, 2014 HRTO 1604, au par. 43; Cawson c. Air Canada, 2015 TCDP 17, au par. 25).
[17] Corollairement, autoriser un plaignant à faire valoir des allégations qui ne s’inscrivent pas dans la portée du règlement et de la quittance approuvés par les parties ne constitue pas un abus de procédure. J’y reviendrai plus loin lorsque j’examinerai la position de la partie intimée.
[18] Les principes généraux du droit des contrats s’appliquent à l’interprétation des règlements et des dispositions de quittance. Les décideurs appelés à interpréter un contrat doivent donner aux mots figurant dans celui-ci leur sens ordinaire et grammatical, qui s’harmonise avec les circonstances dont les parties avaient connaissance au moment de la conclusion du contrat (voir Corner Brook (Ville) c. Bailey, [2021] 2 RCS 540, aux par. 21 et 35).
(iv) Application des principes susmentionnés à l’espèce
[19] Je conviens avec la partie intimée qu’autoriser la plaignante à faire valoir les allégations contenues dans sa plainte et dans son exposé des précisions qui font l’objet de l’ERD constituerait un abus de procédure. La quittance de l’ERD s’applique à toutes les réclamations, ou à un aspect quelconque des réclamations, ayant trait au sujet des recours collectifs Heyder et Beattie. L’ERD s’applique aux allégations d’inconduite sexuelle, selon la définition qui est donnée dans l’entente. Il est clair, à la lecture de la définition du groupe des FAC qui figure dans l’ERD, que l’inconduite sexuelle visée par l’ERD se rapporte à des événements survenus avant le 25 novembre 2019, date à laquelle l’ERD a été approuvée.
[20] Les parties ont toutes deux présenté des arguments sur l’interprétation de l’ERD qui ne sont pas étayés par l’interprétation qu’il convient de donner au texte de l’entente.
[21] Tout d’abord, la partie intimée a fait valoir que la quittance prévue dans l’ERD s’appliquait non seulement aux incidents survenus avant l’approbation de l’ERD, mais aussi à toute plainte pour harcèlement fondé sur l’identité ou l’expression de genre et à tout traitement défavorable subi par un réclamant en lien avec son service militaire. Autrement dit, la partie intimée a affirmé que la quittance ne s’appliquait pas seulement aux événements qui se sont produits avant la date d’approbation de l’ERD, mais aussi à toute allégation se rapportant à des événements survenus après cette date. Je ne peux pas accepter cet argument. Rien dans l’ERD ou dans les circonstances dans lesquelles elle a été conclue n’étaye une telle interprétation. En fait, interpréter ainsi l’ERD reviendrait à protéger la partie intimée contre toute nouvelle allégation d’inconduite sexuelle qu’un réclamant pourrait formuler en lien avec son service militaire. Si les parties à l’ERD avaient voulu mettre en place une disposition de non-responsabilité aussi large et générale, elles l’auraient indiqué dans des termes clairs et non ambigus. Elles ne l’ont pas fait.
[22] L’interprétation que propose la partie intimée reviendrait à permettre aux parties de se soustraire à l’application des lois sur les droits de la personne pour tout futur incident de discrimination ou de harcèlement. Or, il est bien établi que les parties ne peuvent pas, par contrat, se soustraire à l’application des lois sur les droits de la personne (Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke, [1982] 1 R.C.S 202, aux p. 213 et 214; voir aussi Chow v. Mobil Oil Canada, 1999 ABQB 1026, aux par. 57 à 67).
[23] Somme toute, la partie intimée n’a rien trouvé dans l’ERD qui suggère que la quittance s’applique aux incidents d’inconduite sexuelle survenus après le 25 novembre 2019, et ce, même si les incidents sont inextricablement liés à des incidents survenus avant ou le 25 novembre 2019.
[24] Parallèlement, la plaignante a aussi présenté des arguments qui ne sont pas étayés par le libellé de l’ERD ou de la quittance. Elle a affirmé qu’elle ne devrait pas être liée par la quittance, car les membres du groupe avaient accepté le règlement à condition, entre autres, que la partie intimée s’engage implicitement à empêcher qu’il y ait d’autres cas d’inconduite sexuelle. Pour des raisons semblables à celles décrites au paragraphe précédent, je n’accepte pas cet argument. À l’instar de l’argument de la partie intimée, rien dans la quittance ou dans l’ERD n’étaye l’argument de la plaignante selon lequel elle n’était pas liée par la quittance si la partie intimée ne parvenait pas à empêcher que d’autres actes d’inconduite sexuelle ne se produisent après l’approbation de ladite entente. Si les parties avaient voulu qu’il en soit ainsi, elles l’auraient clairement indiqué dans l’ERD. Elles ne l’ont pas fait. Rien ne permet non plus de conclure que les parties avaient l’intention de limiter implicitement l’application de la quittance.
[25] Les autres arguments avancés par la plaignante pour tenter de démontrer qu’il n’y aurait pas d’abus de procédure si elle était autorisée à faire valoir des allégations ayant fait l’objet d’un règlement ne me convainquent pas. Premièrement, je ne partage pas l’avis de la plaignante selon lequel il suffit qu’elle accepte de déduire la somme qu’elle a reçue au titre de l’ERD de toute réparation qu’elle pourrait obtenir du Tribunal. En l’espèce, l’abus de procédure ne se limite pas au fait que la plaignante pourrait obtenir une double indemnisation si elle était autorisée à faire valoir les allégations faisant l’objet du règlement, mais il tient également au fait que la partie intimée devrait engager des ressources pour se défendre contre des allégations qui ont déjà fait l’objet d’un règlement. De plus, le Tribunal devrait employer des ressources publiques limitées pour entendre et juger des allégations qui font déjà l’objet d’un règlement et d’une quittance complète et définitive, laquelle empêche la remise en litige.
[26] Deuxièmement, je ne trouve pas convaincant l’argument de la plaignante selon lequel elle devrait pouvoir faire valoir les allégations visées par l’ERD étant donné que, selon elle, la quittance aurait probablement été formulée différemment si les FAC avaient modifié leur politique avant la date d’approbation de l’ERD. Plus précisément, la plaignante a affirmé qu’elle devrait pouvoir faire valoir les allégations visées par l’ERD parce que la politique des FAC concernant ce type de plaintes a été modifiée après l’approbation de l’ERD. Elle estime que si les modifications avaient été apportées avant l’approbation de l’ERD, la quittance aurait probablement autorisé les membres des FAC à déposer des plaintes en vertu de la LCDP. Je ne peux pas accepter cet argument. Comme je l’ai mentionné précédemment, les principes généraux d’interprétation des contrats s’appliquent à l’interprétation des quittances. Par conséquent, le libellé que je dois interpréter est celui qui figure dans la quittance, et non celui qui, selon une partie, aurait figuré dans la quittance si la politique avait été différente au moment de l’approbation.
[27] Comme il a déjà été mentionné, la plaignante aurait pu se retirer des recours collectifs et de l’ERD si elle avait souhaité faire valoir les allégations d’inconduite sexuelle faisant l’objet de ces recours. Elle a choisi de ne pas le faire. À mon avis, autoriser la plaignante à remettre en litige les allégations faisant l’objet d’un règlement aurait pour effet de dissuader la partie intimée de conclure des règlements comme l’ERD.
[28] Pour les raisons susmentionnées, autoriser la plaignante à faire valoir les allégations contenues dans sa plainte en ce qui concerne des événements survenus au plus tard le 25 novembre 2019 constituerait un abus de procédure.
[29] Le Tribunal peut, dans certains cas, permettre l’audition de témoignages portant sur des événements qui ne sont pas visés par la plainte afin de mettre en contexte les allégations qui lui ont été dûment présentées. Cependant, je ne juge pas nécessaire d’entendre des témoignages portant sur des événements survenus avant le 25 novembre 2019 pour comprendre le contexte des allégations formulées après cette date.
[30] Enfin, je tiens à souligner que les parties ont consacré beaucoup de temps à présenter des observations sur la question de savoir si la position défendue par la partie intimée devant le Tribunal allait à l’encontre de celle qu’elle avait adoptée devant la Commission. À mon avis, je n’ai pas besoin de me pencher sur les questions susmentionnées puisqu’il ressort clairement de l’ERD elle-même que les seules allégations visées par la quittance sont celles qui concernent des incidents d’inconduite sexuelle survenus au plus tard le 25 novembre 2019, et ce, que la position adoptée par la partie intimée devant le Tribunal diffère ou non de celle qu’elle avait adoptée devant la Commission.
B. Est-ce que les allégations qui se rapportent à des événements survenus après le dépôt de la plainte dépassent, en totalité ou en partie, la portée de la plainte dont je suis saisie?
[31] Oui. Les allégations de discrimination et de harcèlement que la plaignante a formulées dans son exposé des précisions relativement à son transfert à l’unité de transition d’Esquimalt et aux événements subséquents ne s’inscrivent pas dans la portée de la plainte dont je suis saisie.
(i) Cadre législatif
[32] Le rôle du Tribunal est d’instruire les plaintes que lui renvoie la Commission (voir les articles 40, 44 et 49 de la LCDP). Le Tribunal peut modifier, clarifier et déterminer la portée d’une plainte afin d’établir quelles sont les véritables questions en litige entre les parties, pourvu que la modification soit suffisamment liée à la plainte initiale et que les autres parties n’en subissent aucun préjudice.
[33] Lorsqu’une partie ajoute à son exposé des précisions des allégations de discrimination qui n’ont pas été soulevées dans sa plainte, le Tribunal doit déterminer s’il existe un lien suffisant entre les nouvelles allégations et celles à l’origine de la plainte initiale. Le Tribunal peut autoriser un plaignant à ajouter de nouvelles allégations qui se rattachent aux faits exposés dans la plainte (voir Canada (Procureur général) c. Parent, 2006 CF 1313; Richards c. Service correctionnel Canada, 2025 TCDP 5, par. 36 [Richards]). Toutefois, les modifications ne peuvent pas servir à introduire fondamentalement une nouvelle plainte, étant donné que cela contournerait le processus de renvoi prévu par la Loi (Richards, au par. 10).
[34] Lorsqu’il détermine la portée d’une plainte, le Tribunal peut consulter notamment le rapport d’enquête de la Commission, les lettres envoyées par celle-ci au président et aux parties, la plainte initiale et les formulaires administratifs (Levasseur c. Société canadienne des postes, 2021 TCDP 32 [Levasseur], au par. 17).
[35] Les mêmes principes s’appliquent que le Tribunal ait à déterminer l’étendue d’une plainte ou à se prononcer sur une requête visant à radier des allégations d’une plainte ou d’un exposé des précisions (Levasseur, au par. 7).
(ii) Allégations contenues dans la plainte par opposition à celles contenues dans l’exposé des précisions
[36] La plaignante a déposé sa plainte auprès de la Commission en octobre 2020. Elle y alléguait avoir été victime de discrimination et de harcèlement pendant son affectation à bord du NCSM Winnipeg, à la BFC Esquimalt, et y décrivait des incidents qui se seraient produits pendant une période d’environ 15 mois, soit entre le 14 janvier 2019 et le 13 avril 2020, date à laquelle elle aurait subi le dernier acte discriminatoire visé dans sa plainte. Essentiellement, elle alléguait que ses supérieurs et ses collègues la mégenraient et l’ostracisaient constamment et qu’elle faisait l’objet de commentaires harcelants ou discriminatoires de la part de ses supérieurs. Elle affirmait également avoir été traitée différemment en raison de son identité ou de son expression de genre, notamment en ce qui concerne la gestion des dortoirs, l’attribution des rôles de dirigeant et l’évaluation du rendement.
[37] En revanche, dans son exposé des précisions, la plaignante couvre une période de plus de cinq ans, soit de janvier 2019 à avril 2024, lorsqu’elle a été libérée pour des raisons médicales. Dans cet exposé, elle a ajouté la déficience comme motif de discrimination et a allégué s’être vu imposer des contraintes à l’emploi pour raisons médicales à cause de son anxiété et de sa dépression. La plaignante a finalement été transférée à l’unité de transition d’Esquimalt en 2021 et a été libérée pour raisons médicales en 2024 sous prétexte qu’elle ne satisfaisait pas à l’exigence d’universalité du service en raison de ses contraintes à l’emploi pour raisons médicales. Dans son exposé des précisions, la plaignante a formulé diverses allégations quant au traitement qu’elle a subi à l’unité de transition d’Esquimalt, notamment :
- qu’elle n’a pas reçu beaucoup de soutien dans cette unité;
- qu’elle n’a pas été informée de sa nouvelle description de poste ou des tâches qui lui seraient confiées;
- qu’elle n’a pas été autorisée à suivre des cours de perfectionnement professionnel alors que les contraintes à l’emploi qu’elle s’était vu imposer ne l’en empêchaient pas;
- qu’elle n’a pas reçu ses évaluations annuelles obligatoires de rendement;
- que la partie intimée n’a pas facilité la reprise de ses fonctions habituelles, même lorsque les contraintes à l’emploi pour raisons médicales ont été modifiées de manière à ce qu’elle puisse reprendre le travail à temps plein.
[38] Selon la plaignante, tous les éléments susmentionnés ont eu une incidence sur son classement annuel sur la liste permanente de promotion au mérite, ce qui a nui à son avancement professionnel, à tel point qu’elle a finalement été libérée de ses fonctions pour raisons médicales.
(iii) Observations des parties
[39] La partie intimée a fait valoir qu’elle subissait un préjudice du fait que la plaignante tentait d’étendre la portée de sa plainte de manière à y inclure un autre affichage de poste et à prolonger la période visée pour la faire passer de 15 mois à 5 ans. En réponse, la plaignante a affirmé qu’elle avait discuté de ses allégations de discrimination avec l’agente des droits de la personne de la Commission chargée de son dossier. L’avocate de la plaignante a aussi fait valoir que celle-ci avait expressément fait état d’incidents survenus jusqu’à la fin de 2022 dans une réplique qu’elle avait déposée auprès de la Commission. Elle a donc affirmé que la partie intimée savait depuis des années que la plainte portait également sur des allégations relatives au transfert de la plaignante à l’unité de transition d’Esquimalt.
[40] Par ailleurs, la commissaire n’a fait aucune mention des allégations de discrimination continue (postérieure à la plainte) dans sa décision, c’est-à-dire le document par lequel elle a renvoyé la plainte au Tribunal. La décision porte entièrement sur la question de savoir si les allégations contenues dans la plainte de la plaignante étaient visées ou non par la LFI et par la quittance.
[41] Sans se prononcer sur la question, l’avocate de la Commission a fait remarquer que la commissaire n’avait pas limité la portée de la plainte dans sa lettre de décision. Elle a ajouté que la commissaire avait clairement indiqué dans sa lettre avoir examiné la plainte, le rapport d’enquête et les observations présentées par les parties en réponse au rapport et que, de ce fait, la commissaire avait pris connaissance des allégations concernant le transfert de la plaignante à l’unité de transition d’Esquimalt et la suite des événements. L’avocate de la Commission a fait remarquer qu’il n’était pas indiqué que la commissaire avait rejeté les allégations se rapportant aux événements survenus après le dépôt de la plainte qui étaient résumées dans le rapport d’enquête.
[42] Selon moi, ces arguments posent problème étant donné que l’agente des droits de la personne n’a fait aucune mention dans son rapport du fait que la plaignante avait allégué avoir continué de subir de la discrimination ou du harcèlement à la suite de son transfert à l’unité de transition d’Esquimalt ou de tout autre événement subséquent. Elle traite des allégations de discrimination fondée sur l’identité et l’expression de genre de la plaignante qui, selon elle, couvrent une période d’environ deux ans, de 2019 à 2021 (au par. 62). Elle s’est penchée plus particulièrement sur trois séries d’allégations concernant des événements survenus entre 2019 et novembre 2021 (aux par. 29 à 50). Le dernier incident qu’a analysé l’agente des droits de la personne est survenu vers le 9 novembre 2021 lorsque le supérieur hiérarchique de la plaignante lui aurait fait un commentaire harcelant ou discriminatoire.
[43] Dans son rapport, l’agente des droits de la personne parle d’événements postérieurs au dépôt de la plainte dans seulement trois paragraphes. Au paragraphe 23 de son rapport, elle a noté que la plaignante avait indiqué dans sa réplique qu’elle était, en 2023, en voie d’être libérée des FAC pour raisons médicales et qu’elle lui avait par la suite fait savoir qu’elle avait été libérée en avril 2024. De même, au paragraphe 47, l’agente des droits de la personne a noté que la plaignante lui avait dit qu’elle avait quitté le NCSM Winnipeg parce que la partie intimée n’avait donné suite à aucune des allégations qu’elle avait soulevées, ce qui lui avait fait perdre des possibilités d’emploi et avait finalement conduit à sa libération pour raisons médicales. Enfin, au paragraphe 64 du rapport d’enquête, l’agente des droits de la personne a souligné que la plaignante avait vu sa santé mentale se détériorer. Elle a répété que la plaignante avait quitté son poste à bord du NCSM Winnipeg parce que la partie intimée n’avait rien fait pour arranger les choses. L’agente des droits de la personne a aussi mentionné que la plaignante avait ensuite perdu des possibilités d’emploi et qu’elle avait été libérée pour raisons médicales. Ainsi, elle a indiqué que la preuve permettait raisonnablement de conclure que les actes de harcèlement allégués avaient pu créer un climat de travail malsain ou avoir des conséquences néfastes pour la plaignante.
[44] Cependant, nulle part dans ces paragraphes ni dans le reste du rapport d’enquête il n’est question d’allégations de discrimination ou de harcèlement concernant le transfert de la plaignante à l’unité de transition d’Esquimalt ou tout autre événement ultérieur dont elle a fait état dans son exposé des précisions (résumé au paragraphe 37 ci-dessus).
(iv) Directive du Tribunal datée du 4 mars 2025
[45] Après avoir examiné les observations des parties, j’ai remarqué qu’il y avait un décalage entre les arguments soulevés par la plaignante et la Commission et le contenu du rapport d’enquête de la Commission. D’une part, l’avocate de la plaignante a affirmé que celle-ci avait fait part à la Commission de ses allégations de discrimination continue concernant son transfert à l’unité de transition d’Esquimalt et les événements qui ont suivi. De même, la Commission a soutenu que ces allégations avaient été portées à l’attention de la commissaire avant qu’elle ne renvoie la plainte au Tribunal. D’autre part, ni la décision de la commissaire ni le rapport d’enquête de l’agente des droits de la personne ne font mention d’allégations de discrimination ou de harcèlement concernant le transfert de la plaignante à l’unité de transition d’Esquimalt et les événements qui ont suivi, jusqu’à sa libération pour raisons médicales.
[46] Compte tenu de ce décalage, j’ai demandé à la plaignante de déposer une copie de sa réplique et de toute autre communication dans laquelle elle aurait soulevé ses allégations de discrimination continue concernant son affectation à l’unité de transition d’Esquimalt et les événements qui ont suivi. J’ai également donné à la partie intimée la possibilité de déposer une copie de tout document déposé en réponse à ces allégations. De plus, j’ai donné aux parties la possibilité de se prononcer sur la pertinence, le cas échéant, de ces documents supplémentaires pour la question dont je suis saisie, à savoir celle relative à la portée de la plainte.
(v) Réponses des parties à ma directive
[47] En réponse à ma directive, la plaignante a déposé une copie de la réplique à la réponse de la partie intimée qu’elle avait déposée auprès de la Commission. L’avocate de la plaignante a également déposé une copie des observations qu’elle avait présentées à la Commission concernant l’application de l’alinéa 41(1)a) de la LCDP, lequel confère à la Commission le pouvoir de ne pas statuer sur une plainte si la victime présumée doit épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs.
[48] Entre-temps, la Commission a divulgué divers courriels que lui avait envoyés la plaignante. Elle a toutefois fait valoir que le Tribunal pouvait uniquement se fonder sur le rapport d’enquête de l’agente des droits de la personne, les observations des parties sur le rapport et le dossier de décision de la commissaire pour trancher la question de la portée. L’avocate de la Commission a clairement indiqué que la commissaire n’aurait pas eu à sa disposition la réponse de la partie intimée à la plainte, la réplique de la plaignante ou toute autre correspondance envoyée par la plaignante lorsqu’elle a renvoyé la plainte au Tribunal. Elle a aussi clairement indiqué que la commissaire n’aurait eu à sa disposition que le résumé de ces documents figurant dans le rapport d’enquête de l’agente des droits de la personne.
[49] Enfin, la partie intimée a présenté un certain nombre d’arguments en réponse à mes directives. Elle a notamment fait valoir qu’elle devrait pouvoir se fier à la période indiquée dans la plainte initiale. Elle a affirmé que les nouvelles allégations que formule un plaignant dans ses communications avec la Commission ne peuvent pas être considérées comme des modifications de facto de la plainte. Autrement, les parties intimées se retrouveraient à devoir répondre à de plus en plus d’allégations au fur et à mesure que le plaignant les formulerait dans sa correspondance avec la Commission.
(vi) Question de la portée de la plainte
[50] Sur la base des documents déposés par les parties en réponse à ma directive du 4 mars 2025, j’estime que l’argument avancé par la Commission dans ses observations initiales, à savoir que la commissaire était au courant des allégations de discrimination de la plaignante au moment où elle a renvoyé la plainte au Tribunal, n’est pas fondé. Comme il a été mentionné précédemment, ni la décision de la commissaire ni le rapport d’enquête de l’agente des droits de la personne ne font mention d’allégations de discrimination ou de harcèlement concernant le transfert de la plaignante à l’unité de transition d’Esquimalt ou concernant les événements qui ont suivi.
[51] Le rapport fait toutefois état de l’allégation de la plaignante selon laquelle elle continuait de subir les effets persistants de la discrimination dont elle se disait victime dans la plainte qu’elle avait déposée auprès de la Commission. Plus précisément, l’agente des droits de la personne a déclaré que la santé mentale de la plaignante s’était détériorée en raison de la discrimination dont elle se disait victime dans sa plainte. L’agente des droits de la personne a également affirmé que la plaignante soutenait avoir perdu des possibilités d’emploi et avoir fini par être libérée pour raisons médicales. Les allégations selon lesquelles la plaignante continuait de subir des effets persistants diffèrent considérablement des allégations que j’ai résumées au paragraphe 37 ci-dessus, soit celles formulées par la plaignante dans son exposé des précisions selon lesquelles elle aurait continué d’être victime de discrimination à la suite de son transfert à l’unité de transition d’Esquimalt jusqu’à sa libération pour raisons médicales.
[52] Compte tenu de ce qui précède, toute allégation de discrimination ou de harcèlement liée au transfert de la plaignante à l’unité de transition d’Esquimalt et aux événements qui ont suivi, jusqu’à sa libération pour raisons médicales, ne relève pas de la plainte dont je suis saisie. À mon avis, il n’existe pas un lien suffisant entre, d’une part, ces nouvelles et vastes allégations se rapportant aux limitations médicales de la plaignante et à leurs effets sur son avancement professionnel, et, d’autre part, le fond de la plainte, fondée sur la discrimination et le harcèlement dont la plaignante aurait été victime en raison de son identité et de son expression de genre. Ces allégations constituent une nouvelle plainte et, si elles s’avèrent être des allégations de discrimination, elles s’appuient essentiellement sur un autre motif de distinction, si bien qu’elles ne s’inscrivent pas dans le même continuum factuel que les allégations contenues dans la plainte. Par conséquent, j’estime qu’elles constituent une plainte distincte qui devrait être examinée par la Commission en vertu des dispositions applicables de la LCDP.
[53] Comme je l’ai indiqué précédemment, dans son rapport, l’agente des droits de la personne a analysé l’allégation de la plaignante selon laquelle son supérieur lui aurait fait une remarque le ou vers le 9 novembre 2021, soit après que la plaignante eut déposé sa plainte. À mon avis, cet incident s’inscrit clairement dans la portée de la plainte puisqu’il fait partie des incidents à avoir été examinés par la Commission. De plus, il s’inscrit dans le même continuum factuel que les allégations contenues dans la plainte, car il se rapporte à un commentaire harcelant qui aurait été fait en raison de l’identité de genre de la plaignante.
[54] Nonobstant ce qui précède, la plaignante pourra se fonder sur des éléments de preuve datant de la période suivant le dépôt de sa plainte pour faire valoir qu’elle a continué à subir les effets des actes de discrimination ou de harcèlement qui font l’objet de sa plainte. Toutefois, ces éléments de preuve ne serviraient qu’à statuer sur la réparation à accorder dans le cas où la plaignante prouverait le bien-fondé des allégations de discrimination ou de harcèlement dont je suis saisie.
C. Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif
[55] La partie intimée a dit qu’elle comptait invoquer l’article 9 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. (1985), ch. C-50, puisque la plaignante reçoit des prestations d’invalidité d’Anciens Combattants Canada depuis qu’elle a servi dans les FAC. Selon cet article, l’État n’est pas susceptible de poursuites « pour toute perte — notamment décès, blessure ou dommage — ouvrant droit au paiement d’une pension ou indemnité sur le Trésor ou sur des fonds gérés par un organisme mandataire de l’État ». La partie intimée n’a pas précisé en quoi cet article s’applique à la présente procédure, si tant est qu’il s’applique. Il n’est pas évident, à la lecture de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, que l’article 9 s’applique de manière à faire obstacle à la présente procédure, d’autant plus qu’il est bien établi que la LCDP est une loi quasi constitutionnelle et que toute exemption à son application doit être énoncée clairement (Canada (Chambre des communes) c. Vaid, 2005 CSC 30, au par. 81). À mon avis, la question de savoir si la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif s’applique aux questions en litige en l’espèce devrait être soulevée, si nécessaire, dans le cadre des observations présentées plus tard dans la procédure.
V. DÉCISION SUR REQUÊTE
[56] Les objections de la partie intimée à la portée de la plainte sont accueillies en partie. Plus précisément, je tire les conclusions suivantes :
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a)Étant donné que la plaignante a présenté une réclamation en vertu de l’ERD, il y aurait abus de procédure si elle était autorisée à faire valoir des allégations de discrimination ou de harcèlement fondées sur l’identité ou l’expression de genre qui sont liées à des événements survenus au plus tard le 25 novembre 2019;
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b)Les allégations de discrimination et de harcèlement que la plaignante a formulées dans son exposé des précisions relativement à son transfert à l’unité de transition d’Esquimalt et aux événements survenus par la suite, jusqu’à sa libération pour raisons médicales, ne s’inscrivent pas dans la portée de la plainte dont je suis saisie;
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c)La plainte dont je suis saisie englobe, à juste titre, les allégations de discrimination et de harcèlement formulées par la plaignante en ce qui concerne les événements survenus entre le 25 novembre 2019 et le dernier incident examiné par la Commission qui s’est produit avant que la plaignante ne soit affectée à l’unité de transition d’Esquimalt. Cet incident se rapportait à un commentaire que le supérieur avait adressé à la plaignante le 9 novembre 2021 ou aux alentours de cette date;
-
d)Comme je l’ai indiqué précédemment, la plaignante pourra se fonder sur des éléments de preuve datant de la période postérieure au 9 novembre 2021 pour faire valoir qu’elle a continué à subir les effets des actes de discrimination ou de harcèlement qui font l’objet de sa plainte. Toutefois, ces éléments de preuve ne serviraient qu’à statuer sur la réparation à accorder dans le cas où la plaignante prouverait le bien-fondé des allégations de discrimination ou de harcèlement sur lesquelles repose la plainte.
Signée par
Membre du Tribunal
Ottawa (Ontario)
Le
Tribunal canadien des droits de la personne
Parties au dossier
Numéro du dossier du Tribunal :
Intitulé de la cause :
Date de la
Requête traitée par écrit sans comparution des parties
Observations écrites par :