Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2025 TCDP 34

Date : Le 30 avril 2025

Numéro(s) du/des dossier(s) : HR-DP-2885-22

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Steven Labelle

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Mega International Air Services

l’intimée

Décision

Membre : Athanasios Hadjis

 


[1] Le plaignant, Steven Labelle, n’a pas communiqué avec le Tribunal depuis le 11 mars 2024. Pour les motifs ci-après, je rejetterai la plainte pour cause d’abandon.

[2] M. Labelle a déposé sa plainte contre l’intimée, Mega International Air Services, le 28 mars 2019. Il a allégué avoir fait l'objet de harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite alors qu’il était à l’emploi de l’intimée. Le 19 octobre 2002, la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction et elle l'a informé qu’elle ne participerait pas au processus.

[3] Le 30 décembre 2022, le Tribunal a envoyé une lettre aux parties afin de les informer des délais fixés pour le dépôt des documents requis par les articles 18 à 20 des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) (DORS/2021-137) (les « Règles »). Le Tribunal enjoignait à M. Labelle de déposer son exposé des précisions au plus tard le 8 février 2023, et précisait ce que cet exposé devait contenir, à savoir une liste de tous les documents relatifs à un fait, à une question ou à une réparation se rapportant à l’affaire, une liste des témoins qu’il avait l’intention de citer, y compris un résumé du témoignage prévu de chacun. M. Labelle devait également préciser les mesures de réparation qu’il demandait, et fournir une ventilation détaillée des pertes financières qu'il avait subies, des dépenses qu'il avait engagées à ce jour et des autres mesures de réparation demandées au titre du paragraphe 53(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985 ch. H-6, y compris les dates d’emploi, les salaires reçus ou réclamés, et toute autre somme réclamée. Il devait par ailleurs communiquer tous les documents justifiant les réparations demandées, notamment les talons de paie, les feuillets T4 et les déclarations d’impôt sur le revenu.

[4] Le 13 février 2023, l’intimée a informé le Tribunal qu’elle n’avait pas encore reçu l’exposé des précisions de M. Labelle.

[5] Le 16 février 2023, le Tribunal a envoyé un courriel à M. Labelle pour lui rappeler que son exposé des précisions se faisait attendre et lui demander de communiquer avec le Tribunal dès que possible afin de lui faire savoir s’il avait besoin d’un délai supplémentaire pour le déposer ou s’il souhaitait retirer sa plainte. M. Labelle a répondu le jour même qu’il souhaitait une prorogation. Le Tribunal a prorogé le délai jusqu’au 8 mars 2023.

[6] Le 14 mars 2023, l’intimée a informé le Tribunal qu’elle n’avait toujours pas reçu l’exposé des précisions de M. Labelle. Elle a fait remarquer que, selon l’article 9 des Règles, le Tribunal pouvait rejeter la plainte si une partie ne se conformait pas aux Règles ou à une de ses ordonnances. L’intimée a demandé au Tribunal de rejeter la plainte. Le courriel de l’intimée a été transmis à M. Labelle.

[7] Le 15 mars 2023, M. Labelle a envoyé un courriel au Tribunal pour s’excuser et lui dire qu’il attendait de recevoir la déclaration de son témoin.

[8] Le 30 mars 2023, l’intimée a de nouveau informé le Tribunal qu’elle n’avait reçu aucun document de la part de M. Labelle et elle a réitéré sa demande de rejet de la plainte pour cause de non-conformité aux Règles.

[9] Le 2 mai 2023, suivant mes instructions, le greffe du Tribunal a envoyé à M. Labelle un courriel lui enjoignant d’informer le Tribunal, au plus tard le 5 mai 2023, de ses intentions concernant sa plainte et le dépôt de l’exposé des précisions. M. Labelle était aussi avisé qu'il devait déposer l’exposé des précisions dans le délai fixé par le Tribunal, même si sa liste de témoins n’était pas complète à ce moment-là. Il pouvait demander à modifier sa liste de témoins ultérieurement, au besoin.

[10] Le même jour, soit le 2 mai 2023, M. Labelle a répondu qu’il souhaitait aller de l’avant avec la plainte, et a répété qu’il attendait toujours la déclaration de son témoin.

[11] Le 4 mai 2023, M. Labelle a déposé une photo numérique d’une page manuscrite contenant cinq paragraphes. Il y décrivait les incidents de harcèlement qui, alléguait-il, seraient survenus sur le lieu de travail de l’intimée.

[12] Le 8 mai 2023, l’intimée a écrit au Tribunal pour lui faire remarquer que le document photographié ne contenait toujours pas la liste des documents, la liste des témoins avec le résumé de leurs témoignages prévus, l'énoncé des réparations sollicitées par M. Labelle et le calcul détaillé de la perte financière alléguée, avec les documents à l’appui. L’intimée a de nouveau demandé au Tribunal de rejeter la plainte pour cause de non-conformité aux Règles.

[13] Le 23 mai 2023, j’ai tenu une conférence téléphonique de gestion préparatoire avec M. Labelle et l’avocat de l’intimée. J’ai expliqué à M. Labelle les documents et les renseignements qu’il devait fournir dans son exposé des précisions, comme le prévoit l’article 18 des Règles. Je lui ai dit que les résumés des témoignages de ses témoins ne devaient comporter que quelques lignes, et qu’il n’avait pas besoin de rencontrer ceux-ci pour obtenir des déclarations détaillées ou des affidavits. J'ai prorogé jusqu’au 7 juin 2023 le délai pour déposer le reste du contenu de l’exposé des précisions. J’ai rejeté la demande de rejet de la plainte formulée par l’intimée.

[14] Le 6 juin 2023, M. Labelle a envoyé un courriel indiquant qu’il ne disposait d’aucun document. Il a affirmé qu’on ne lui avait rien donné lorsqu’il avait été [traduction] « congédié ou harcelé » et que les caméras de l’aéroport devraient avoir tout filmé. Il a déclaré avoir deux témoins et a donné le nom complet de l’un d’eux. Il n’a donné que le prénom de l’autre. Il a conclu le courriel en disant qu’il demandait une [traduction] « une indemnité financière pour le traumatisme, la douleur, la souffrance et la perte potentielle de salaire qu'il avait subis ». Il n’a joint aucun document ni aucun renseignement à l’appui de sa demande.

[15] Le lendemain, le 7 juin 2023, M. Labelle a envoyé un autre courriel qui comportait une seule phrase. Il y relatait un fait supplémentaire lié à l’allégation de harcèlement. Aucun autre renseignement ni aucun autre document n’était inclus.

[16] Le même jour, l’intimée a écrit au Tribunal pour faire observer que les résumés des témoignages prévus manquaient toujours, que l'énoncé des réparations sollicitées était vague et insuffisant, et qu’il n’y avait pas de calcul de la perte alléguée ou de détails sur les dépenses engagées. Elle faisait remarquer que, même si M. Labelle avait eu plusieurs occasions de le faire, il ne s’était toujours pas conformé aux Règles et aux directives du Tribunal. Elle a demandé à nouveau que la plainte soit rejetée.

[17] Le 13 juin 2023, suivant mes instructions, le greffe du Tribunal a envoyé à M. Labelle, par courriel, une lettre détaillée dans laquelle il énonçait clairement et explicitement les renseignements et les documents que celui-ci devait encore fournir pour se conformer aux Règles. Il expliquait que M. Labelle devait donner le nom complet de ses témoins et fournir un résumé du témoignage prévu de chacun. Étant donné qu’il demandait une indemnité financière, il devait préciser la nature de cette indemnité et la somme qu’il souhaitait obtenir. Par ailleurs, même s’il a dit qu’il n’avait aucun document se rapportant aux incidents de harcèlement, il devait tout de même communiquer les documents relatifs à l’indemnité financière qu’il demandait, notamment ceux qui appuyaient sa demande pour perte de salaire. La lettre comprenait des liens vers le site Web du Tribunal pour chaque point et fournissait des explications claires et des exemples pratiques pour l'aider à se conformer aux exigences.

[18] J’ai de nouveau rejeté la demande de l’intimée de rejeter la plainte pour cause de non-conformité aux Règles. Toutefois, la lettre avisait clairement M. Labelle que, s’il ne fournissait pas les renseignements manquants et qu’il ne déposait pas son exposé des précisions avant le 26 juin 2023, sa plainte serait classée sans suite et pourrait être rejetée.

[19] M. Labelle n’a pas répondu à ce courriel.

[20] Le 5 juillet 2023, l’intimée a réitéré sa demande de rejet de la plainte. Le courriel de l’intimée a été transmis à M. Labelle. Le 17 juillet 2023, suivant mes instructions, le greffe du Tribunal a envoyé à M. Labelle une lettre l’informant que la demande de rejet de l’intimée était à nouveau rejetée, car il n’était pas encore évident qu’il avait abandonné sa plainte. Toutefois, M. Labelle a clairement été informé que, s’il ne donnait pas suite au courriel, le Tribunal considérerait que la plainte était abandonnée et la rejetterait. Malgré cet avertissement, le Tribunal n’a reçu aucune autre communication de la part de M. Labelle.

[21] Le 26 février 2024, le Tribunal a envoyé un courriel à M. Labelle pour lui dire qu’il n’avait pas communiqué avec le Tribunal depuis le 8 juin 2023, et lui rappeler que le Tribunal l’avait avisé que s’il ne fournissait pas les renseignements manquants, sa plainte serait rejetée. Le Tribunal lui a enjoint de fournir les renseignements requis avant le 1er mars 2024, à défaut de quoi la plainte serait rejetée pour cause d’abandon.

[22] Le 11 mars 2024, M. Labelle a envoyé le courriel suivant au Tribunal :
[traduction]

Je ne comprends pas ce que vous attendez de moi? J’ai donné tous les renseignements à maintes reprises et on m'en demande toujours plus. Tout est filmé, car cela s’est passé dans un aéroport international! Sortez l’enregistrement vidéo! (ou l’ont-ils supprimé?) J’en ai assez de devoir faire les mêmes démarches encore et encore sans que rien ne se passe!!! C’est de la pure connerie! C’est moi qui ai été blessé dans cette situation et je me sens à nouveau harcelé. Je ne sais pas ce dont vous avez besoin!? Je veux juste mettre ça derrière moi et continuer ma vie! Donc, soit vous faites quelque chose au sujet d’une entreprise qui se cache derrière des formalités administratives et qui tolère ce comportement, soit vous laissez tomber! Cela va trop loin et pour quoi? Ma tête, ma douleur, les frais juridiques qui s’accumulent, et leur fin??

 

[23] Le 12 mars 2024, le Tribunal a répondu par courriel à M. Labelle et a joint une copie de la lettre qu'il avait envoyée le 13 juin 2023. Il a rappelé à M. Labelle que la lettre jointe donnait tous les détails des documents qu’il devait fournir pour faire avancer son dossier. Il lui a rappelé qu’en l’absence de ces documents, le dossier ne progresserait pas et la plainte serait finalement rejetée. Le Tribunal a demandé à M. Labelle de prendre connaissance de la lettre et de suivre les directives. Il a également informé M. Labelle que s’il avait besoin d’aide ou de précisions, il pouvait communiquer avec le greffe du Tribunal au moment qui lui conviendrait le mieux.

[24] Le 12 mars 2024, pour donner suite au courriel envoyé par le Tribunal le jour même, l’intimée a envoyé à ce dernier et à M. Labelle un courriel dans lequel elle soulignait les nombreuses fois où le Tribunal avait indiqué à M. Labelle ce qu’il devait faire, à défaut de quoi sa plainte serait finalement rejetée. L’intimée a de nouveau mentionné que l’affaire devait être rejetée au motif que M. Labelle ne s’était pas conformé aux [traduction] « directives très raisonnables ni aux nombreuses demandes connexes » du Tribunal.

[25] M. Labelle n’a répondu à aucun des courriels du 12 mars 2024. Le Tribunal n’a reçu aucune communication de la part de M. Labelle depuis son courriel du 11 mars 2024 dans lequel il se disait frustré par les demandes de renseignements du Tribunal et indiquait qu’il considérait que sa demande était complète.

[26] M. Labelle a omis à plusieurs reprises de se conformer aux directives du Tribunal malgré de multiples rappels, des explications claires sur les mesures à prendre et des invitations à demander au besoin l’aide du greffe du Tribunal pour fournir les documents et les renseignements demandés.

[27] Il incombe aux plaignants de faire avancer leurs dossiers (Towedo c. Service correctionnel du Canada, 2024 TCDP 6, aux par. 4 et 5). Malgré les nombreuses occasions qu'il a eues de fournir les renseignements et les documents demandés, et bien qu'il ait été averti des conséquences de ne pas le faire, M. Labelle a continué à ne pas se conformer aux directives, ce qui démontre un manque de volonté à faire avancer l’instance. Je conclus que M. Labelle n’a pas l’intention de faire avancer son dossier et qu’il a abandonné la plainte. Selon l’article 9 des Règles, la plainte doit être rejetée.

ORDONNANCE

[28] La plainte est rejetée. Le greffe du Tribunal fermera le dossier et transmettra une copie de la présente décision sur requête aux parties.

Signée par

Athanasios Hadjis

Membre du Tribunal

Ville (province)

Le 30 avril 2025

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro(s) du/des dossier(s) du Tribunal : HR-DP-2885-22

Intitulé de la cause : Steven Labelle c. Mega International Air Services

Date de la décision du Tribunal : Le 30 avril 2025

 

 

Steven Labelle , pour son propre compte

Paul M. Pulver , pour l’intimée

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