Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Dans cette décision sur requête, le Tribunal examine le caractère confidentiel de certains renseignements commerciaux et confirme qu’ils peuvent rester protégés.

Le plaignant, M. Zawilski, a une déficience visuelle. Il soutient que les films et les émissions diffusés sur Cogeco sur demande ne lui sont pas accessibles en raison de sa déficience.

L’intimée, Cogeco, demande une ordonnance de confidentialité pour protéger des documents qui contiennent des renseignements commerciaux confidentiels, soit des renseignements techniques et financiers de nature délicate qui sont déjà assujettis à des clauses de confidentialité.

Le Tribunal a d’abord établi que l’intimée avait traité tous les documents de manière confidentielle. Il a ensuite conclu que la divulgation publique des renseignements confidentiels contenus dans les documents causerait un préjudice irréparable aux intérêts commerciaux de l’intimée et présenterait un risque grave pour deux intérêts publics importants : l’intérêt général à l’égard de la protection de renseignements confidentiels entre cocontractants et l’intérêt général à l’égard du maintien d’un marché concurrentiel.

Le Tribunal a estimé que les documents pouvaient être pertinents pour l’affaire. Il a donc conclu qu’il était nécessaire de les communiquer et qu’aucun autre moyen raisonnable ne permettrait de protéger ces informations autrement qu’en les gardant confidentielles.

Enfin, le Tribunal a déterminé que les effets bénéfiques de l’ordonnance de confidentialité l’emportaient sur ses effets négatifs quant au principe de la publicité des débats judiciaires (principe selon lequel les procédures judiciaires doivent être ouvertes et accessibles au public). Les documents sont pertinents à l’égard du litige entre les parties et soutiennent le Tribunal à établir la vérité.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2025 TCDP 12

Date : Le 7 février 2025

Numéro du dossier : HR-DP-2975-23

Entre :

Jan Zawilski

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Cogeco Connexion Inc.

l’intimée

Décision sur requête

Membre : Sarah Churchill-Joly


Table des matières

I. APERÇU 1

II. DÉCISION 2

III. CONTEXTE 2

IV. CADRE JURIDIQUE ET QUESTIONS EN LITIGE 4

V. ANALYSE 7

A. Documents Visés 7

(i) Document intitulé Statement of Work Between Cogeco and MediaKind- CMS Upgrade (énoncé de travail conclu entre Cogeco et MediaKind - mise à jour du système de gestion de contenu) 7

(ii) Document intitulé HOR-10588 - DV Functional Analysis (analyse fonctionnelle de la vidéodescription) 8

(iii) Document intitulé En liasse, documents liés à l’incident INC0000521 8

(iv) Le ou les contrats conclus entre l’intimée et ses fournisseurs de contenu, advenant que l’intimée les communique aux parties et les dépose au dossier du Tribunal 9

B. Question no 1 : Existe-t-il un risque sérieux que la divulgation publique des documents cause un préjudice injustifié à Cogeco Connexion Inc., ce qui pose un risque sérieux pour un intérêt public important? 9

C. Question no 2 : L’ordonnance de confidentialité est-elle nécessaire dans le sens qu’aucune autre mesure ne permettrait d’écarter le risque sérieux de préjudice injustifié pour Cogeco Connexion Inc. tout en préservant les valeurs qui sous-tendent le principe de la publicité des débats judiciaires? 13

D. Question no 3 : Le risque sérieux de préjudice l’emporte-t-il sur l’intérêt public que présente l’information contenue dans les documents d’évaluation : les avantages de l’ordonnance sont-ils plus importants que ses effets négatifs? 15

VI. ORDONNANCE 17

 


I. APERÇU

[1] La présente décision porte sur une demande d’ordonnance de confidentialité en vertu du paragraphe 52(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6.

[2] Le plaignant, Jan Zawilski, a déposé une plainte contre l’intimée, Cogeco Connexion Inc. (Cogeco), une société de communications qui offre à ses clients au Québec et en Ontario des services Internet, de vidéo et de téléphonie au moyen de ses réseaux de câbles coaxiaux et de fibre optique à large bande.

[3] M. Zawilski a une déficience visuelle. Il soutient que Cogeco n’a pas adapté l’offre de service de vidéo sur la plateforme Cogeco Sur Demande à sa déficience. Cette plateforme de vidéo sur demande permet à ses clients, comme M. Zawilski, de profiter d’un accès instantané à une vaste sélection de films et d’émissions sur demande. Toutefois, la vidéodescription, à savoir une description orale des principaux éléments visuels de l’émission qui permet à M. Zawilski de suivre le déroulement de celle-ci, y est indisponible. M. Zawilski soutient que ce manque le prive, lui et les autres clients de Cogeco Connexion Inc. ayant une déficience visuelle, d’un plein accès aux vidéos sur la plateforme.

[4] Le dossier soulève ainsi des questions quant à l’obligation de prendre des mesures d’adaptation dans le contexte des services de télécommunication et télédiffusion. En août 2021, M. Zawilski dépose une plainte de discrimination à l’encontre de l’intimée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »). Le 14 novembre 2023, la Commission renvoie la plainte au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») pour instruction.

[5] L’audience est prévue du 10 au 14 février 2025. L’intimée dépose une demande d’ordonnance de confidentialité le 20 janvier 2025, dans laquelle elle demande au Tribunal d’assurer la confidentialité de quatre documents ou groupes de documents que les parties comptent déposer en preuve lors de l’instruction. Elle soutient que les documents visés par sa demande doivent demeurer confidentiels puisque leur divulgation entraînerait une violation d’une entente de non-divulgation avec un tiers et dévoilerait des renseignements techniques et financiers de nature délicate qui pourraient procurer un avantage concurrentiel important à ses compétiteurs. Elle propose donc que le Tribunal maintienne cette confidentialité en ordonnant des directives en matière de confidentialité, qui limiteraient l’usage et la conservation de ces renseignements et prévoiraient leur destruction éventuelle.

[6] La Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à cette requête. Le plaignant se fie à l’avis de la Commission.

II. DÉCISION

[7] La requête est accueillie. Pour les motifs qui suivent, le Tribunal ordonne que la confidentialité des documents visés soit préservée, conformément aux conditions prévues dans l’ordonnance ci-après.

III. CONTEXTE

[8] Dans une directive aux parties envoyée le 1er août 2024, j’ai rappelé aux parties que, au stade de la communication des documents, elles ont l’obligation de maintenir la confidentialité de tous les documents qui leur sont communiqués. Ainsi, M. Zawilski et la Commission doivent maintenir la confidentialité de tous les documents qui leur sont communiqués par l’intimée, et celle-ci a la même obligation quant aux documents que lui envoie le plaignant ou la Commission (voir Constantinescu c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 3, aux par. 152 à 155, au sujet de cet engagement implicite de confidentialité).

[9] Le 30 août 2024, l’intimée dépose une requête officielle pour une ordonnance de confidentialité au stade de la communication des documents. La requête porte sur quatre documents qui figurent sur sa liste de documents. Elle demande au Tribunal de les mettre sous scellés s’ils sont versés au dossier officiel, car ils contiennent des renseignements techniques et financiers de nature délicate et sont aussi assujettis à des clauses de confidentialité avec des tiers. Si le Tribunal ne rend pas une telle ordonnance, l’intimée lui demande d’établir des lignes directrices, analogues à celles adoptées par le Tribunal dans l’affaire Eadie c. MTS Inc., 2013 TCDP 5, afin d’assurer leur protection lors de l’étape de la communication des documents.

[10] La Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas à cette requête et estime que l’intimée a correctement déterminé et appliqué la jurisprudence et les principes juridiques pertinents. Le plaignant, qui n’était pas représenté au moment où la requête a été déposée, estime pour sa part que la demande de Cogeco était bien cernée et que celle-ci ne représente pas pour lui un enjeu majeur dans le cadre de l’audience. Il s’en est remis à la Commission pour analyser et commenter la demande.

[11] J’ai conclu que, à ce stade, cette requête était prématurée. Lors de la téléconférence du 27 novembre 2024, j’ai demandé à l’intimée de confirmer au Tribunal, au plus tard le 20 janvier 2025, que les documents visés par sa requête de confidentialité allaient bien faire partie des preuves que les parties prévoient déposer à l’audience. J’ai aussi demandé à l’intimée de fournir une explication plus détaillée de la nature et de la portée du préjudice qu’elle pense subir si le document intitulé HOR-10588 - DV Functional Analysis (analyse fonctionnelle de la vidéodescription), qui contient des détails financiers et techniques et des secrets commerciaux confidentiels, devait être divulgué.

[12] Conformément à ces directives du Tribunal, l’intimée a déposé une demande d’ordonnance de confidentialité modifiée le 20 janvier 2025, dans laquelle elle demande au Tribunal d’assurer la confidentialité de quatre documents ou catégories de documents que les parties comptent déposer en preuve lors de l’audience. Elle a ainsi retiré un document de sa requête initiale et ajouté une nouvelle catégorie de documents au point « d. ». Les documents ou catégories de documents visés sont les suivants :

a. Document intitulé HOR-10588 - DV Functional Analysis (analyse fonctionnelle de la vidéodescription) et désigné sous la rubrique I-3 de la Liste des documents AMENDÉE de l’intimée;

b. Document intitulé Statement of Work Between Cogeco and MediaKind-CMS Upgrade (énoncé de travail conclu entre Cogeco et MediaKind-mise à jour du système de gestion de contenu) et désigné sous la rubrique I-4 de la Liste des documents AMENDÉE de l’intimée;

c. Document intitulé En liasse, documents liés à l’incident INC0000521 et désigné sous la rubrique I-36 de la Liste des documents AMENDÉE de l’intimée;

d. Le ou les contrats conclus entre l’intimée et ses fournisseurs de contenu, advenant que l’intimée les communique aux parties et les verse au dossier du Tribunal.

[13] La présente décision sur requête porte sur cette demande d’ordonnance de confidentialité modifiée de l’intimée.

[14] Les parties ont bénéficié de versions caviardées de ces documents. Le Tribunal, quant à lui, a reçu une version caviardée du Media First Master Agreement (l’« accord‑cadre ») conclu entre l’intimée et MediaKind, qui ne fait pas partie de ces documents mais dont la clause de confidentialité vise les trois premiers documents qui font l’objet de cette ordonnance.

[15] Le plaignant et la Commission ont choisi de ne pas présenter des observations supplémentaires et se fient à leurs observations initiales. Ils ne s’opposent donc pas à la demande visant les trois premiers documents et n’ont pas pris de position quant à la dernière catégorie de documents qui a été rajoutée par l’intimée.

IV. CADRE JURIDIQUE ET QUESTIONS EN LITIGE

[16] Le principe de la publicité des débats judiciaires est présumé (Procureur général de la NouvelleÉcosse c. MacIntyre, 1982 CanLII 14 (CSC), au par. 34). Ce principe est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie canadienne et il est inextricablement lié à la liberté d’expression (A.B. c. Bragg Communications Inc., 2012 CSC 46, au par. 11) et au droit du public d’obtenir au préalable de l’information sur les tribunaux, ce qui est garanti par l’alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés (Société Radio-Canada c. Nouveau-Brunswick (Procureur général), 1996 CanLII 184 (CSC), au par. 23). Il s’applique aux instances judiciaires du Tribunal. Dans le contexte québécois, l’article 23 de la Charte des droits et libertés de la personne, RLRQ, c. C-12 (la « Charte québécoise ») reconnaît aussi le droit de toute personne à une audition publique de sa cause.

[17] Le droit canadien reconnaît que l’application du principe de la publicité des débats judiciaires doit se faire avec une certaine souplesse, car il existe des circonstances où ce principe doit être pondéré avec d’autres droits et intérêts dont la protection peut en exiger l’imposition de limites discrétionnaires. L’article 23 de la Charte québécoise prévoit qu’un tribunal peut ordonner le huis clos « dans l’intérêt moral ou de l’ordre public ».

[18] Dans le cadre de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP), cette exception se trouve à l’article 52. Cet article confère au Tribunal de vastes pouvoirs lui permettant de rendre les ordonnances qu’il juge nécessaires pour assurer la confidentialité de l’instruction dans certaines circonstances (par. 52(2) de la LCDP). Le Tribunal peut notamment se prévaloir de ces pouvoirs lorsqu’il y a un risque sérieux de divulgation, de sorte que la nécessité de l’empêcher dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’à la société à ce que l’instruction soit publique (al. 52(1)c) de la LCDP).

[19] Le libellé de l’alinéa 52(1)c) est le suivant :

52 (1) L’instruction est publique, mais le membre instructeur peut, sur demande en ce sens, prendre toute mesure ou rendre toute ordonnance pour assurer la confidentialité de l’instruction s’il est convaincu que, selon le cas : (…)

52 (1) An inquiry shall be conducted in public, but the member or panel conducting the inquiry may, on application, take any measures and make any order that the member or panel considers necessary to ensure the confidentiality of the inquiry if the member or panel is satisfied, during the inquiry or as a result of the inquiry being conducted in public, that (…)

c) il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique; (…)

(c) there is a real and substantial risk that the disclosure of personal or other matters will cause undue hardship to the persons involved such that the need to prevent disclosure outweighs the societal interest that the inquiry be conducted in public; (…)

[20] Ces critères législatifs sont, dans leur ensemble, compatibles avec ceux établis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25 [Sherman (Succession)]. Celle-ci reformule, au paragraphe 38, le test que doit établir une personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption de publicité. Ce test, autrefois décrit par la Cour comme une analyse en deux étapes, soit l’étape de la nécessité et celle de la proportionnalité de l’ordonnance proposée, dans l’arrêt Sierra Club du Canada c. Canada (Ministre des Finances), 2002 CSC 41 [Sierra Club], est reformulé dans Sherman (Succession) en trois conditions préalables cumulatives :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque;

3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[21] Ce n’est que lorsque ces trois conditions préalables sont remplies qu’une ordonnance limitant la publicité des débats judiciaires pourra dûment être rendue. La Cour suprême précise que ce test s’applique à toutes les limites discrétionnaires à la publicité des débats judiciaires, sous réserve uniquement d’une loi valide (Sherman (Succession) au par. 38, citant Toronto Star Newspapers Ltd. c. Ontario, 2005 CSC 41, aux par. 7 et 22).

[22] Le Tribunal met donc en œuvre l’alinéa 52(1)c) à la lumière de ce critère, à trois volets, formulé par la Cour suprême (SM, SV et JR c. Gendarmerie royale du Canada, 2021 TCDP 35, au par. 10). Dans le cadre de mon analyse de la demande de confidentialité de l’intimée dans le cas présent, ce critère à trois volets guide l’énoncé des questions que je dois trancher dans la présente décision sur requête :

Question no 1 : Existe-t-il un risque sérieux que la divulgation publique des documents cause un préjudice injustifié à Cogeco Connexion Inc., ce qui pose un risque sérieux pour un intérêt public important?

Question no 2 : L’ordonnance de confidentialité est-elle nécessaire dans le sens qu’aucune autre mesure ne permettrait d’écarter le risque sérieux de préjudice injustifié pour Cogeco Connexion Inc. tout en préservant les valeurs qui sous-tendent le principe de la publicité des débats judiciaires?

Question no 3 : Le risque sérieux de préjudice l’emporte-t-il sur l’intérêt public que présente l’information contenue dans les documents visés : les avantages de l’ordonnance sont-ils plus importants que ses effets négatifs?

[23] Il incombe à l’intimée de s’acquitter du fardeau de démontrer qu’elle remplit ces conditions, ce qui permettrait au Tribunal de répondre à ces questions dans l’affirmative et d’accorder la requête en confidentialité sollicitée.

V. ANALYSE

[24] L’intimée demande au Tribunal d’ordonner le maintien de la confidentialité des documents ou catégories de documents suivants :

A. Documents Visés

(i) Document intitulé Statement of Work Between Cogeco and MediaKind- CMS Upgrade (énoncé de travail conclu entre Cogeco et MediaKind - mise à jour du système de gestion de contenu)

[25] Le 18 juin 2018, l’intimée et Ericsson Inc. ont signé l’accord-cadre, qui régit les relations entre l’intimée et ce fournisseur de services. Le 1er février 2019, Ericsson Inc. a cédé son intérêt dans l’accord-cadre à MediaKind, le tout tel qu’il appert de la clause 1 du Statement of Work Between Cogeco and MediaKind- CMS Upgrade (énoncé de travail conclu entre Cogeco et MediaKind - mise à jour du système de gestion de contenu), liant l’intimée et son fournisseur de services.

[26] L’accord-cadre prévoit la clause générale de confidentialité suivante :

8.8 Confidentiality

8.8.1 This Agreement, including the terms and conditions herein, the Statement of Works, the Services, Purchase Orders, the Software and Documentation and any and all parts thereof, shall be deemed to be confidential information. Further, any and all other information received under this Agreement (including documents, reports, plans, designs, processes, know-how, lists, accounts, computer data, business, technical and other information of a Party, communicated or made available to the other Party, in writing, orally, through visual observation or in any other tangible or intangible form, whether or not marked “confidential”, and all notes, analysis, compilations, studies, summaries and other material prepared by a Party containing or based, in whole or in part, on Customer’s or Ericsson’s Information, all techniques and ideas embodied and expressed in such information), irrespective of the way of disclosure shall be deemed confidential information; All of the above are hereinafter referred to as “Confidential Information”.

[27] Je partage l’avis de l’intimée selon lequel, aux termes de la clause précitée, la divulgation de cette entente et des renseignements qu’elle contient placerait l’intimée en contravention de ses engagements de confidentialité à l’égard de son cocontractant.

[28] Il en ressort également que ce document tombe sous la portée de cette clause de l’accord-cadre et est donc de nature confidentielle.

(ii) Document intitulé HOR-10588 - DV Functional Analysis (analyse fonctionnelle de la vidéodescription)

[29] L’intimée soutient que ce document contient des notes sur les échanges entre l’intimée et son fournisseur de services relativement à divers enjeux et spécifications techniques afférents aux tests nécessaires afin de pouvoir rendre disponible du contenu avec vidéodescription sur la plateforme de vidéo sur demande de l’intimé.

[30] Je partage son avis selon lequel ces notes, qui portent sur des informations techniques entre les parties, sont visées par la clause 8.8.1 de l’accord-cadre et que par conséquent, ce document est aussi de nature confidentielle.

(iii) Document intitulé En liasse, documents liés à l’incident INC0000521

[31] Pour les mêmes motifs, l’intimée soutient que le document intitulé En liasse, documents liés à l’incident INC0000521 est également confidentiel. En effet, il s’agit d’échanges entre l’intimée et son fournisseur de services relativement à divers enjeux techniques survenus dans le cadre des tests effectués dans l’objectif de rendre disponible du contenu avec vidéodescription sur la plateforme de vidéo sur demande de l’intimée. Ces échanges sont couverts par la clause 8.8.1 de l’accord-cadre et, par conséquent, sont également de nature confidentielle.

[32] En somme, les trois premiers documents visés par la demande d’ordonnance de confidentialité sont protégés par l’entente contractuelle entre l’intimée et une tierce partie qui prévoit leur confidentialité. Ils contiennent des détails portant sur leur relation contractuelle ainsi que sur des aspects techniques et des échanges d’information entrepris en fonction de l’accord-cadre.

[33] Je conclus par conséquent qu’ils sont de nature confidentielle.

(iv) Le ou les contrats conclus entre l’intimée et ses fournisseurs de contenu, advenant que l’intimée les communique aux parties et les dépose au dossier du Tribunal

[34] Cette catégorie de documents inclut des contrats entre l’intimée et ses fournisseurs de contenu, dont le plaignant et la Commission, dans le cadre d’une requête en divulgation séparée, ont demandé la communication étant donné leur pertinence probable à l’égard du dossier. Ces contrats contiennent des clauses de confidentialité qui protègent leur contenu et les données qui sont communiquées entre les parties, en conformité avec ses termes. Certaines clauses exigent par ailleurs que l’intimée avise l’autre partie d’une obligation de divulgation par un tribunal afin de permettre à cette dernière d’obtenir une injonction ou tout autre recours approprié. Elles exigent aussi que l’intimée prenne des mesures pour faire en sorte que l’information divulguée au tribunal soit traitée de façon confidentielle.

[35] Ces contrats avec de tierces parties ne font pas encore partie de la preuve anticipée des parties à ce dossier et cette demande d’ordonnance de confidentialité s’appliquerait, en ce qui a trait à ces documents précis, au stade de la communication des documents. Étant donné la date imminente du début de l’audience, qui commence le 10 février 2025, cette demande n’est toutefois plus prématurée et le Tribunal doit la trancher de manière urgente.

[36] Il me faut donc déterminer si l’intimée a fait la preuve des 3 questions que j’ai formulées ci-haut, qui émanent du test dans l’arrêt Sherman (Succession).

B. Question no 1 : Existe-t-il un risque sérieux que la divulgation publique des documents cause un préjudice injustifié à Cogeco Connexion Inc., ce qui pose un risque sérieux pour un intérêt public important?

[37] Pour les motifs qui suivent, je réponds à cette question dans l’affirmative.

[38] D’abord, un intérêt public important peut être un intérêt de nature commerciale. Dans l’arrêt Sherman (Succession), la Cour suprême examine la portée de cette première condition par rapport à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de limiter la présomption de publicité dans le cadre de ce dossier. Celui-ci porte sur une requête visant à mettre sous scellés les dossiers d’homologation d’un couple important, dont le décès suspect avait été fort médiatisé. La Cour réitère, aux par. 41 et 42, ses commentaires dans l’arrêt Sierra Club selon lesquels l’expression « intérêt important » vise un large éventail d’objectifs d’intérêt public, qui transcendent les intérêts des parties au litige, et dont il n’y a aucune liste exhaustive. Les tribunaux doivent par ailleurs faire preuve de « prudence » et « avoir pleinement conscience de l’importance fondamentale de la règle de la publicité des débats judiciaires ». La Cour souligne qu’un intérêt important peut être un intérêt de nature commerciale. Pour être qualifié d’« intérêt commercial important », « l’intérêt en question ne doit pas se rapporter uniquement et spécifiquement à la partie qui demande l’ordonnance de confidentialité; il doit s’agir d’un intérêt qui peut se définir en termes d’intérêt public à la confidentialité ». La Cour cite à l’appui le paragraphe 55 de l’arrêt Sierra Club. Elle précise également que le test énoncé dans Sierra Club « continue d’être un guide approprié en ce qui a trait à l’exercice du pouvoir discrétionnaire des tribunaux dans des affaires comme en l’espèce » (Sherman (Succession) au par. 43).

[39] Je suis d’avis que le raisonnement de la Cour dans Sierra Club sert, par ailleurs, de meilleur guide à mon analyse du cas présent. Dans l’arrêt Sherman (Succession), la Cour suprême met en œuvre sa reformulation du test de Sierra Club dans le contexte d’intérêts touchant la protection à la vie privée et la dignité de la personne, alors que Sierra Club porte sur une demande de confidentialité de documents contenant des détails techniques d’intérêt commercial. En somme, bien que le test, tel qu’il est formulé dans l’affaire Sierra Club, n’est plus d’actualité, sa reformulation dans Sherman (Succession) n’en change pas l’essence. De plus, puisque les faits qui sous-tendent l’analyse de la Cour dans Sierra Club se rapprochent plus de ceux qui nous incombent, cette reformulation constitue à plusieurs égards un guide mieux adapté aux fins de notre analyse.

[40] Je rejoins, avec ces propos, les commentaires de la Cour supérieure du Québec dans l’affaire Raymond Chabot Grant Thornton c. Bourgeois, 2021 QCCS 2933, citée par l’intimée, où la cour exprime que Sherman (Succession) « n’est pas parfaitement transposable à un litige commercial comme celui en l’instance où il est question de renseignements commerciaux plutôt que de la vie privée d’individus ». Je nuancerai cet énoncé pour préciser que, à mon avis, le test dans Sherman (Succession) se transpose à un litige commercial, mais que d’autres décisions, comme Sierra Club, élaborent mieux sa mise en œuvre dans ce contexte particulier.

[41] Dans l’affaire Sierra Club, la Cour suprême affirme que si la divulgation de renseignements doit entraîner un manquement à une entente de non-divulgation, cet intérêt, qui prend tout d’abord sa source dans une entente touchant personnellement les parties contractantes concernées, fait alors état d’un « intérêt public à la confidentialité ». Il s’agit d’un intérêt commercial général dans la protection des renseignements confidentiels (Sierra Club, au par. 55).

[42] En l’espèce, cela soutient que l’intérêt commercial que Cogeco cherche à protéger est de nature publique, même s’il relève d’ententes particulières entre l’intimée et ses cocontractants. En effet, les clauses de non-divulgation qui y figurent se lient à un intérêt général de la protection de renseignements confidentiels et au maintien de la confiance essentielle aux bonnes relations contractuelles entre cocontractants, qui va au-delà des intérêts des parties aux ententes visées.

[43] En outre, la Cour suprême affirme que la préservation de renseignements confidentiels est un intérêt commercial suffisamment important pour satisfaire ce premier volet de l’analyse dès lors que certaines conditions relatives aux renseignements mêmes sont réunies. Le requérant doit, à cet égard, démontrer que les renseignements en question « ont toujours été traités comme des renseignements confidentiels », qu’ils sont de « nature confidentielle » et qu’ils ont été « recueillis dans l’expectative raisonnable qu’ils resteront confidentiels ». Leur divulgation doit par ailleurs, selon la prépondérance des probabilités, risquer de compromettre les droits exclusifs, commerciaux et scientifiques du requérant. (Sierra Club, aux par. 59 à 61).

[44] L’intimée fait valoir en l’espèce qu’un préjudice irréparable sera causé à ses intérêts commerciaux si les documents confidentiels sont divulgués. Je suis d’avis que les renseignements qu’ils contiennent ont été recueillis et traités de manière confidentielle étant donné qu’ils sont clairement visés par les clauses de confidentialité expresses. Les parties à ces ententes ont déterminé, avant d’entamer leurs relations commerciales, leurs intentions de traiter et de maintenir certains renseignements entre elles de manière confidentielle.

[45] Non seulement leur divulgation causerait une violation d’une entente de non-divulgation avec un tiers, mais elle dévoilerait aussi des renseignements techniques et financiers de nature délicate. Bien que je n’aie pas reçu de copie de ces documents ou de preuve formelle à cet égard, les observations de l’intimée, auxquelles les autres parties (ayant reçu de versions caviardées) ne s’y opposent pas, précisent que ces documents contiennent de tels renseignements.

[46] L’intimée affirme que le document HOR-10588-DV Functional Analysis (analyse fonctionnelle de la vidéodescription) contient des détails techniques concernant les procédés internes de l’intimée et de son fournisseur de service et que sa divulgation pourrait conférer un avantage indu à ses compétiteurs. Elle soutient aussi que le document En liasse, documents liés à l’incident INC0000521 contiendrait des échanges entre l’intimée et son fournisseur de services relativement à divers enjeux techniques survenus dans le cadre des tests effectués dans l’objectif de rendre disponible du contenu avec vidéodescription sur la plateforme de vidéo sur demande de l’intimée. J’accepte également l’affirmation de l’intimée selon laquelle le document intitulé Statement of Work Between Cogeco and MediaKind – CMS Upgrade (énoncé de travail conclu entre Cogeco et MediaKind-mise à jour du système de gestion de contenu) et les contrats entre l’intimée et ses fournisseurs de contenu contiennent des renseignements techniques et financiers de nature délicate, qui seraient susceptibles de procurer un avantage concurrentiel important aux compétiteurs de l’intimée.

[47] Je partage l’avis de l’intimée et de la Commission voulant que l’intimée œuvre dans l’industrie des télécommunications, laquelle compte au Canada un nombre limité de joueurs, ce qui peut accroître le préjudice qu’elle pourrait subir. Ces documents, qui contiennent des renseignements techniques et financiers concernant son architecture interne, seraient susceptibles de conférer un avantage concurrentiel à ses compétiteurs s’ils étaient rendus publics. Je comprends que l’intimée a déployé des ressources considérables afin de développer les composantes visées par ces renseignements et que permettre à un compétiteur d’y avoir accès gratuitement et sans effort, par la simple consultation du dossier du Tribunal, lui conférerait un avantage commercial indu. Le maintien d’une saine concurrence dans le marché dans lequel œuvre l’intimée constitue un autre intérêt important en cause dans la présente affaire.

[48] J’en conclus que la divulgation publique de ces documents poserait un risque sérieux pour deux intérêts publics importants : l’intérêt général à l’égard de la protection de renseignements confidentiels et du maintien de la confiance essentielle aux bonnes relations contractuelles entre cocontractants, et l’intérêt général à l’égard du maintien d’une saine concurrence dans le marché. La divulgation de ces ententes et renseignements ferait en sorte que l’intimée contreviendrait à ses engagements de confidentialité auprès de son cocontractant et s’exposerait à une détérioration de sa position concurrentielle. Je suis d’avis que le préjudice qui en découlerait pour l’intimée est injustifié en l’espèce, et que cette dernière remplit les conditions du premier volet de l’analyse.

C. Question no 2 : L’ordonnance de confidentialité est-elle nécessaire dans le sens qu’aucune autre mesure ne permettrait d’écarter le risque sérieux de préjudice injustifié pour Cogeco Connexion Inc. tout en préservant les valeurs qui sous-tendent le principe de la publicité des débats judiciaires?

[49] À cette étape de l’analyse, il me faut déterminer s’il existe d’autres solutions raisonnables à l’ordonnance de confidentialité et à sa portée afin de protéger les intérêts commerciaux importants de l’intimée tout en s’assurant qu’elle n’est pas trop vaste.

[50] Je déduis de l’exposé des précisions de l’intimée qu’elle a l’intention de déposer, comme moyen de défense à l’audience, de la preuve quant à sa capacité technique et juridique de mettre en œuvre certains des remèdes proposés par le plaignant et la Commission et que les trois premiers documents qui font l’objet de cette demande de confidentialité pourraient en faire partie.

[51] Le plaignant et la Commission sont également d’avis que la dernière catégorie de documents, soit les contrats entre l’intimée et ses fournisseurs de contenu, leur permet de tester la défense de la contrainte excessive mise de l’avant par l’intimée ainsi que son argument selon lequel les fournisseurs de contenu déterminent la disponibilité du contenu avec vidéodescription. La Commission soutient que les contrats pourraient faciliter une meilleure compréhension des remèdes systémiques que le Tribunal pourrait ordonner, notamment pour assurer la pérennité de l’offre de contenu avec vidéodescription ainsi que l’augmentation graduelle de l’ampleur de sa disponibilité sur le service de vidéo sur demande de l’intimée

[52] En somme, ces documents contiennent des éléments de preuve qui permettent à l’intimée, comme c’était le cas dans l’arrêt Sierra Club, de présenter une défense pleine et entière, et assurent plus largement le respect des droits des parties à un procès équitable, un principe de justice fondamental (M. (A.) c. Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157, au par. 84). Ces documents permettront au Tribunal d’avoir un dossier complet, sur lequel il pourra s’appuyer pour rendre sa décision. Étant donné leur importance comme moyen de défense de l’intimée et leur pertinence à l’égard du dossier, l’intimée n’a pas le choix de les divulguer.

[53] J’estime également qu’il n’existe pas d’autres options raisonnables qui permettraient de communiquer ces documents sans en divulguer les aspects confidentiels et, par conséquent, que l’ordonnance est nécessaire. Ces documents sont de nature technique, ce qui rendrait le caviardage inefficace, ou bien ils contiennent des clauses de confidentialité, dont certaines exigent que de tierces parties permettent leur divulgation. Dans le contexte de quelques dizaines de contrats, la nécessité de revoir chacun d’entre eux pour y caviarder tout contenu commercial, technique et financier et d’obtenir des consentements individuels de la part de chacun des cocontractants ne constitue pas une solution raisonnable, surtout lorsque je prends en compte que certains des éléments pertinents à l’égard de la présente affaire seront aussi de nature technique et confidentielle.

[54] Comme le rappelle la Cour suprême dans Sierra Club au paragraphe 66, à cette étape de l’analyse, « il s’agit de savoir s’il y a d’autres options raisonnables et non d’adopter l’option qui soit absolument la moins restrictive ». J’estime ainsi que, dans nos circonstances, il n’existe pas d’autres moyens raisonnables ou efficaces de restreindre la publicité de ces documents. L’ordonnance de confidentialité est donc nécessaire en ce que la divulgation des documents confidentiels représenterait un risque sérieux pour les intérêts commerciaux importants de l’intimée, et du fait qu’il n’existe pas d’autres options raisonnables.

D. Question no 3 : Le risque sérieux de préjudice l’emporte-t-il sur l’intérêt public que présente l’information contenue dans les documents d’évaluation : les avantages de l’ordonnance sont-ils plus importants que ses effets négatifs?

[55] À cette étape, je dois soupeser les effets bénéfiques de l’ordonnance de confidentialité, y compris ses effets sur le droit des parties à un procès équitable, et ses effets préjudiciables, y compris ses effets sur le droit à la liberté d’expression, qui à son tour est lié au principe de la publicité des débats judiciaires. Cette pondération déterminera finalement s’il y a lieu d’accorder l’ordonnance de confidentialité (Sierra Club, au par. 69).

[56] Les documents confidentiels ont été jugés pertinents à l’égard des moyens de défense que l’intimée pourrait invoquer, ainsi qu’à la capacité des autres parties de les tester et de faire valoir leur cause. J’en conclus que l’ordonnance de confidentialité aurait d’importants effets bénéfiques pour le droit des parties à un procès équitable. En assurant l’accès aux parties et au Tribunal à une preuve pertinente et qu’ils puissent la tester dans le cadre de l’audience, l’ordonnance permet au Tribunal de trancher les questions en litige de manière éclairée en s’appuyant sur un dossier complet. Elle facilite ainsi la recherche de la vérité, une valeur fondamentale sous-tendant la liberté d’expression (Sierra Club, au par. 72). L’ordonnance a également pour effet d’assurer le maintien de la confiance contractuelle entre cocontractants et de protéger la saine concurrence dans le cadre d’une industrie avec peu de joueurs.

[57] Ces effets bénéfiques de l’ordonnance doivent être soupesés par rapport à l’effet préjudiciable indéniable de l’atteinte au principe de la publicité des débats judiciaires, car une ordonnance priverait le public de l’accès au contenu des documents visés. Aux paragraphes 74 et 75 de l’arrêt Sierra Club, la Cour suprême explique que l’examen des effets préjudiciables de l’ordonnance de confidentialité sur la liberté d’expression doit comprendre une appréciation des effets qu’elle aurait sur les trois valeurs fondamentales qui sous-tendent la liberté d’expression, soit (1) la recherche de la vérité et du bien commun; (2) l’épanouissement personnel par le libre développement des pensées et des idées; et (3) la participation de tous au processus politique (Irwin Toy Ltd. c. Québec (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 927, p. 976).

[58] En l’espèce, l’intimée soutient que la preuve technique et financière dont il est question est accessoire à l’enjeu principal entre les parties et n’est pas, par conséquent, d’un grand intérêt pour le public. L’ordonnance s’applique à un nombre limité de documents et n’exclut pas d’emblée le public de la salle d’audience. Ainsi, le caractère confidentiel de ces documents n’empêchera pas le public de suivre le déroulement de l’audience et d’entreprendre leur recherche de la vérité et du bien commun. J’ai déjà déterminé que la capacité du Tribunal d’entreprendre sa recherche de la vérité en l’espèce est, par ailleurs, favorisée par l’ordonnance de confidentialité.

[59] Comme la valeur de « l’épanouissement personnel par le libre développement des pensées et des idées » a peu de pertinence à l’égard de la publicité des débats judiciaires dans le cadre de la protection d’intérêts commerciaux institutionnels (voir Sierra Club, au par. 80), j’en conclus que tout effet serait minime.

[60] Quant à la participation de tous au processus politique, cette valeur fondamentale est toujours engagée lorsque le principe de la publicité des débats judiciaires sera mis en cause, étant donné l’importance de la transparence judiciaire dans une société démocratique. En revanche, le lien entre la publicité des débats judiciaires et la participation du public dans le processus politique s’accentue lorsque le processus politique est engagé par la substance de la procédure (Sierra Club au par. 82).

[61] Il est indéniable que la substance de la procédure en l’espèce, qui met en jeu les droits de la personne d’un groupe d’individus et qui pourrait, si le Tribunal la détermine fondée, mener à des réparations systémiques, a une portée publique plus importante que lorsqu’il s’agit d’un litige entre individus à l’égard d’intérêts purement privés. Cela étant dit, lorsque je soupèse cet intérêt avec le caractère accessoire du contenu visé, sa nature technique, la portée limitée de l’ordonnance et les bénéfices qu’elle accorde aux parties et au Tribunal quant à l’équité de la procédure, j’en conclus que l’entrave au principe de la publicité des débats est justifiée et que l’intimée remplit les conditions nécessaires à l’octroi de sa demande.

VI. ORDONNANCE

[62] Pour ces motifs, le Tribunal :

  1. ACCUEILLE la demande d’ordonnance de confidentialité;
  2. ORDONNE la mise sous scellés des documents suivants, advenant qu’ils soient déposés au dossier du Tribunal :
  1. Document intitulé HOR-10588 - DV Functional Analysis (analyse fonctionnelle de la vidéodescription) et désigné sous la rubrique I-3 de la Liste des documents AMENDÉE de l’intimée;

  2. Document intitulé Statement of Work Between Cogeco and MediaKind- CMS Upgrade (énoncé de travail conclu entre Cogeco et MediaKind - mise à jour du système de gestion de contenu) et désigné sous la rubrique I-4 de la Liste des documents AMENDÉE de l’intimée;

  3. Document intitulé En liasse, documents liés à l’incident INC0000521 et désigné sous la rubrique I-36 de la Liste des documents AMENDÉE de l’intimée;

  4. Les contrats entre l’Intimée et ses fournisseurs de contenu que l’intimée communique aux parties.

  1. ORDONNE la non-divulgation, la non-publication et la non-diffusion de ces documents;
  2. ORDONNE que, à aucun moment au cours de l’instance, ces documents ne soient pas communiqués, directement ou indirectement, sans l’accord préalable du Tribunal, à une personne ou à une entité autre que le Tribunal, la Commission, le plaignant, et l’intervenant;
  3. ORDONNE au plaignant, à la Commission, à l’intervenant et au Tribunal, de protéger le caractère confidentiel de ces documents, y compris pendant la durée de tout contrôle judiciaire ou appel de la décision et après que la décision finale aura été rendue;
  4. ORDONNE au plaignant, à la Commission, à l’intervenant et au Tribunal de conserver toute version électronique de ces documents au moyen d’une méthode de stockage sécurisée;
  5. ORDONNE au plaignant et à l’intervenant de détruire ces documents, y compris les notes, les tableaux et les mémoires préparés à partir de ceux-ci, après que la décision finale aura été rendue et une fois que tous les recours judiciaires auront été épuisés.

[63] L’intimée me demande, si je devais ne pas accorder sa demande, d’adopter des lignes directrices en matière de confidentialité qui seraient analogues à la décision dans l’affaire Eadie c. MTS Inc., 2013 TCDP 5. Je suis d’avis que les lignes directrices établies dans le cadre de cette affaire demeurent applicables à la présente affaire, malgré ma décision d’accorder la demande de l’intimée, car elles décrivent de manière claire et utile comment le Tribunal et les parties doivent se comporter à la lumière du caractère confidentiel de ces documents. Par conséquent, le Tribunal :

  1. ORDONNE que les documents confidentiels soient déposés séparément et qu’ils indiquent clairement qu’ils sont confidentiels;
  2. ORDONNE que toute partie souhaitant faire appel aux documents ou aux renseignements désignés comme confidentiels au cours de l’audience fasse part de ses intentions au Tribunal à l’avance. Le Tribunal décidera alors s’il convient d’exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère l’article 52 de la LCDP d’entendre les délibérations à huis clos;
  3. ORDONNE que les documents confidentiels ne soient pas utilisés à d’autres fins que celles de la présente instance;
  4. ORDONNE à la Commission, en sa qualité d’organisme gouvernemental, de se porter garante de la confidentialité des documents conformément aux politiques et aux directives gouvernementales applicables en matière de conservation et de protection des renseignements exclusifs confidentiels.

Signée par

Sarah Churchill-Joly

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 7 février 2025

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier : HR-DP-2975-23

Intitulé de la cause : Jan Zawilski c. Cogeco Connexion Inc.

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 7 février 2025

Requête traitée par écrit sans comparution des parties.

Observations écrites par :

Josée Gervais et Carla Chirila , pour l’intimée

Sarah Chênevert-Beaudoin, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Jan Zawilski, pour le plaignant

 

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