Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Ces affaires concernent des plaintes déposées par des personnes de nationalité iranienne. Ces personnes soutiennent que des agences gouvernementales ont retardé le traitement de leurs demandes d’immigration en raison de leur nationalité. Cependant, certaines d’entre elles n’ont pas respecté les échéances fixées par le Tribunal et n’ont pas répondu aux suivis. Comme rien n’indique que ces personnes souhaitent faire avancer leur dossier, le Tribunal rejette donc leurs plaintes.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 134

Date : Le 10 décembre 2024

Numéros des dossiers : T2511/6820, T2512/6920, T2661/3721, T2667/4321

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Ali Haddadnia et al.

les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Agence des services frontaliers du Canada et Service canadien du renseignement de sécurité

les intimés

Décision

Membre : Jennifer Khurana


I. APERÇU

[1] Milad Irannejad a déposé quatre plaintes au nom d’un groupe de plaignants, qui compte plus de 40 personnes. La Commission a renvoyé les plaintes au Tribunal. En termes généraux, les plaignants, qui sont tous de nationalité iranienne, allèguent que Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC »), Sécurité publique Canada (« SPC »), l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC ») et le Service canadien du renseignement de sécurité (le « SCRS »), les intimés, ont fait preuve de discrimination à leur égard en raison de leur origine nationale ou ethnique en retardant le traitement de leurs demandes de résidence permanente, de visa ou de citoyenneté.

[2] La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») a renvoyé au Tribunal les quatre plaintes déposées contre les quatre intimés. Ces quatre plaintes ne sont ni présentées conjointement ni jointes pour instruction commune, mais la présente décision est la même pour les quatre.

[3] Les plaignants suivants n’ont pas respecté les échéances fixées par le Tribunal pour l’instruction de leur plainte :

  • 1.Azam Bahrehdar

  • 2.Farid Anooshehpour

  • 3.Mahmood Edalatmanesh

  • 4.Maryam Ghaedi

  • 5.Milad Irannejad

  • 6.Milad Khazraee

  • 7.Mohammadreza Azad

  • 8.Parinaz Khayeri

  • 9.Razieh Annabestani

  • 10.Reyhane Askari Hemmat

  • 11.Shervin Milani Kia

  • 12.Siavosh Moghaddamzadeh

  • 13.Soheil Azimi

  • 14.Vahid Sabri

  • 15.Yashar Balazadegan Sarvrood

  • 16.Zeinab Joudaki

[4] Depuis mai 2024, le Tribunal a tenté à plusieurs reprises de communiquer avec les plaignants susmentionnés, mais ceux-ci n’ont jamais répondu.

[5] En plus des 16 plaignants énumérés au paragraphe 3 plus haut, les cinq plaignants suivants n’ont pas respecté les Règles de pratique du Tribunal de manière à faire avancer leur dossier selon le processus :

  1. Leili Rohanisarvestani

  2. Zahra Farahnak

  3. Sina Doroudgar

  4. Mina Kaviani

  5. Maya Aaram

[6] Deux plaignantes, Leili Rohanisarvestani et Zahra Farahnak, ont finalement répondu au Tribunal. Pour le moment, je ne rejette pas leur plainte pour cause d’abandon. Dans les présents motifs, je désigne collectivement tous les autres plaignants par l’expression « plaignants n’ayant pas répondu ».

[7] Le Tribunal a demandé aux intimés ainsi qu’à la Commission de présenter des observations sur la façon de procéder étant donné que les plaignants n’ayant pas répondu n’ont pas participé au processus de plainte. Les intimés soutiennent que le Tribunal devrait rejeter les plaintes faites au nom de tous les plaignants énumérés aux paragraphes 3 et 5 parce qu’ils n’y ont pas donné suite, qu’ils n’ont pas respecté les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) DORS/2021-137 (les « Règles de pratique »), qu’ils n’ont respecté aucun délai et qu’ils n’ont pas répondu aux nombreuses tentatives de communication du Tribunal.

[8] La Commission n’a pas présenté d’observations.

II. DÉCISION

[9] Les plaintes au nom des plaignants n’ayant pas répondu sont rejetées pour cause d’abandon, à l’exception des plaintes de Zahra Farahnak et de Leili Rohanisarverstani, qui ont récemment répondu aux communications du Tribunal. Les 18 plaignants restants continueront à participer au processus de traitement des quatre plaintes collectives par le Tribunal. Les plaignants n’ayant pas répondu n’ont pas participé au processus de plainte et n’ont répondu à aucune des communications du Tribunal visant à faire avancer leur dossier.

III. ANALYSE

[10] Le Tribunal doit instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6). Les Règles de pratique du Tribunal sont interprétées et appliquées de façon à permettre de trancher la plainte sur le fond de façon équitable, informelle et rapide.

[11] Les tribunaux administratifs sont maîtres chez eux. Le Tribunal peut rejeter une plainte si une partie omet de se conformer à ses règles (article 9 des Règles de pratique) et rendre l’ordonnance qu’il estime nécessaire en cas de comportements vexatoires ou d’abus de procédure (article 10 des Règles de pratique).

[12] Il incombe aux plaignants de faire avancer leur dossier et de fournir leurs coordonnées (Towedo c. Service correctionnel du Canada, 2024 TCDP 6, aux par. 4 et 5); Mohamed c. Banque Royale du Canada, 2024 TCDP 84, au par. 11). Les autres parties ont le droit d’obtenir le traitement de leur plainte en temps opportun (Rivard c. Première Nation Nak’azdli Whut’en, 2021 TCDP 21, au par. 39). Le défaut de se présenter ou de participer d’une façon ou d’une autre au processus peut entraîner le rejet de la plainte pour cause d’abandon (Sewap c. Service correctionnel du Canada, 2024 TCDP 97).

[13] Le 19 avril 2024, le Tribunal a rendu une décision sur requête par laquelle il a rejeté la demande des intimés visant à suspendre l’instance jusqu’à ce que toutes les questions en instance devant la Cour fédérale soient réglées (Milad Irannejad et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada, Agence des services frontaliers du Canada et Service canadien du renseignement de sécurité, 2024 TCDP 23). Le 14 mai 2024, par suite de la décision, le Tribunal a envoyé, par courriel, une lettre aux parties dans laquelle il précisait les dates limites pour la communication de la preuve de la Commission et pour le dépôt de l’exposé des précisions et de la liste des témoins des plaignants ainsi que pour la communication de la preuve de ces derniers. Le 20 juin 2024, le Tribunal a prolongé jusqu’au 14 août 2024 l’échéance pour le dépôt de l’exposé des précisions par tous les plaignants.

[14] Le Tribunal n’a pas été en mesure de contacter les plaignants par téléphone, la Commission ne lui ayant transmis que leur adresse électronique. Aucun des courriels n’a été retourné à l’expéditeur au motif qu’il ne pouvait pas être transmis au destinataire, à l’exception de celui envoyé à Shervin Milani Kia. Le Tribunal a demandé à la Commission de lui transmettre d’autres coordonnées relatives aux plaignants n’ayant pas répondu, mais sans succès.

[15] En outre, le Tribunal a demandé aux cinq personnes qui ont déclaré représenter le groupe aux fins de la gestion du dossier (Keivan Monfared, Amin Jafari Sojahrood, Mahdi Zamani, Alireza Mansouri et Mahdi Yousefi Koopaei) de lui transmettre d’autres coordonnées ou de contacter les plaignants n’ayant pas répondu, puisque ces personnes ont déclaré représenter les intérêts des plaignants qui n’avaient pas encore déposé d’exposé des précisions. Les représentants ne disposaient d’aucun autre moyen de contacter les plaignants n’ayant pas répondu et n’ont pas transmis de coordonnées au Tribunal.

[16] Le 20 août 2024, le Tribunal a envoyé des rappels par courriel à tous les plaignants et a demandé que les exposés des précisions soient déposés sans tarder. De plus, le Tribunal a invité toutes les parties à participer à une conférence de gestion préparatoire, mais les plaignants n’ayant pas répondu ne s’y sont pas joints. Le 23 octobre 2024, le Tribunal a envoyé une lettre par courriel aux plaignants n’ayant pas répondu dans laquelle il les informait qu’ils avaient jusqu’au 1er novembre 2024 pour confirmer s’il avaient l’intention d’aller de l’avant avec leur plainte et que ce délai était ferme. Le Tribunal a également demandé aux plaignants n’ayant pas répondu d’expliquer pourquoi ils n’avaient pas déposé leur exposé des précisions et a indiqué qu’il demanderait aux autres parties de lui faire part de leur position sur la question de savoir s’il devait accepter les exposés des précisions déposés tardivement. Le Tribunal les a aussi prévenus que s’ils ne répondaient pas, il déciderait si les plaintes devaient être rejetées pour cause d’abandon après avoir entendu les autres parties.

[17] Le 4 novembre 2024, le Tribunal a écrit aux parties pour leur signaler qu’en dépit de ses efforts répétés visant à contacter les plaignants énumérés au paragraphe 3 depuis mai 2024, il n’avait obtenu aucune réponse. Comme les plaignants n’ont aucunement participé au processus de plainte et qu’il n’y a aucun autre moyen de communiquer avec eux, le Tribunal a demandé aux autres parties de lui faire part de leur position sur l’éventuel rejet des plaintes pour cause d’abandon.

[18] Le 3 décembre 2024, le Tribunal a demandé aux intimés de lui présenter des observations sur la manière de procéder en ce qui a trait aux cinq plaignants supplémentaires énumérés au paragraphe 5 plus haut. Les intimés souhaitent que les plaintes soient rejetées et que le nom des plaignants soit retiré des plaintes collectives dans le cadre de la présente instance, étant donné que ces derniers n’ont pas respecté les instructions du Tribunal, qu’ils n’ont pas déposé leur exposé des précisions et leur liste des témoins et qu’ils n’ont pas communiqué leur preuve, comme il était requis.

[19] Je constate que, outre Leili Rohanisarvestani et Zahra Farahnak, aucun des plaignants énumérés aux paragraphes 3 et 6 n’a participé à la procédure du Tribunal. Malgré le fait que le Tribunal leur a demandé à maintes reprises de déposer leur exposé des précisions et leur a donné de nombreuses occasions de participer à l’instruction de leur plainte, ils ne se sont pas conformés aux directives du Tribunal et aux obligations qui leur incombent en vertu des Règles de pratique.

[20] Après que le Tribunal a demandé aux parties de présenter des observations concernant le rejet éventuel de leur plainte, Leili Rohanisarvestani et Zahra Farahnak ont répondu au Tribunal. Zahra Farahnak semble avoir présenté de nouveau une communication antérieure dans laquelle elle décrit certaines de ses allégations, mais ses observations ne sont pas conformes aux Règles du Tribunal. Par exemple, Mme Farahnak n’a pas précisé les mesures correctives qu’elle cherche à obtenir ni produit une liste de témoins ou un résumé de la preuve qu’elle entend présenter. Le 10 décembre 2024, Leili Rohanisarvestani a répondu qu’elle [traduction] « travaillerait là-dessus » le 13 décembre 2024. Le Tribunal décidera de la marche à suivre en ce qui concerne Zahra Farahnak et Leili Rohanisarvestani, mais je ne suis pas disposée à rejeter leur plainte pour cause d’abandon à ce stade, étant donné qu’elles ont répondu aux dernières communications du Tribunal et qu’elles semblent avoir l’intention d’aller de l’avant avec leur plainte.

[21] Le Tribunal a tenté de joindre les plaignants n’ayant pas répondu par tous les moyens disponibles en utilisant les coordonnées fournies par la Commission. Il a également averti les plaignants que leur plainte pourrait être rejetée s’ils ne répondaient pas.

[22] Je souscris à l’observation d’IRCC selon laquelle les plaignants n’ont pas répondu au Tribunal, malgré ses nombreuses tentatives de communication, et n’ont pas respecté les obligations qui leur incombent au titre de l’article 18 des Règles de pratique du Tribunal, et ce, sans donner d’explication. Aucune information ne m’a été présentée concernant les défis ou circonstances personnelles auxquels les plaignants n’ayant pas répondu pourraient avoir été confrontés qui expliqueraient leur défaut de participer au processus de plainte et qui feraient en sorte qu’il serait inéquitable de rejeter les plaintes déposées en leur nom. De plus, il incombe aux parties de fournir des coordonnées à jour.

[23] Comme les plaignants n’ayant pas répondu n’ont pas indiqué d’une manière ou d’une autre qu’ils souhaitaient aller de l’avant avec leur plainte, je conclus qu’ils ont abandonné leur plainte et je rejette les plaintes du groupe faites en leur nom.

IV. REPRÉSENTATION

[24] Aucun des plaignants n’est représenté par un avocat. Les représentants mentionnés au paragraphe 15 ont informé le Tribunal qu’ils ne représentaient pas le groupe, mais qu’ils agiraient en son nom jusqu’au dépôt des exposés des précisions. Le Tribunal ne dispose pas de documents attestant d’une autorisation ou d’une confirmation selon laquelle un plaignant aurait demandé à quelqu’un d’agir en son nom.

[25] Étant donné que la date limite pour le dépôt des exposés des précisions est passée et que je rejette les plaintes de toutes les personnes qui sont jugées les avoir abandonnées, la participation de ces représentants dans le cadre de ces plaintes n’est plus nécessaire.

[26] Tout plaignant participant à la présente instance qui retient les services d’un avocat ou qui souhaite autoriser une personne à agir en son nom doit le confirmer par écrit au Tribunal. À partir de maintenant, le Tribunal n’inclura plus les représentants dans ses communications concernant les plaintes collectives.

V. INSTRUCTION COMMUNE DES PLAINTES

[27] Les quatre plaintes collectives n’ont pas été jointes. Bien que je rende une seule décision applicable aux 19 plaignants dont les noms seront rayés des quatre plaintes, il s’agit toujours de quatre plaintes distinctes, une contre chacun des intimés. Le Tribunal entendra les parties avant de décider si les quatre plaintes doivent être jointes.

VI. ORDONNANCE

[28] Les plaintes des personnes suivantes sont rejetées pour cause d’abandon :

  • 1.Azam Bahrehdar

  • 2.Farid Anooshehpour

  • 3.Mahmood Edalatmanesh

  • 4.Maryam Ghaedi

  • 5.Milad Irannejad

  • 6.Milad Khazraee

  • 7.Mohammadreza Azad

  • 8.Parinaz Khayeri

  • 9.Razieh Annabestani

  • 10.Reyhane Askari Hemmat

  • 11.Shervin Milani Kia

  • 12.Siavosh Moghaddamzadeh

  • 13.Soheil Azimi

  • 14.Vahid Sabri

  • 15.Yashar Balazadegan Sarvrood

  • 16.Zeinab Joudaki

  • 17.Sina Doroudgar

  • 18.Mina Kaviani

  • 19.Maya Aaram

[29] Le greffe enverra une lettre aux plaignants n’ayant pas répondu afin de confirmer que leur nom a été retiré des plaintes collectives et rayé des listes auxquelles la Commission a renvoyé dans le cadre de la présente instance. Leur plainte ne sera pas traitée dans le cadre de l’instruction des quatre plaintes en l’espèce.

[30] La plainte de Milad Irannejad étant rejetée, l’intitulé de chacune des quatre plaintes sera modifié de manière à désigner le plaignant suivant dans la liste des noms figurant en annexe des plaintes, à savoir : Ali Haddadnia et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada; Ali Haddadnia et al. c. Sécurité publique Canada; Ali Haddadnia et al. c. Agence des services frontaliers du Canada et Ali Haddadnia et al. c. Service canadien du renseignement de sécurité. Le Tribunal poursuivra l’examen des dossiers des autres plaignants dans le cadre de la présente instance.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 10 décembre 2024


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéros des dossiers du Tribunal : T2511/6820; T2512/6920; T2661/4321

Intitulé de la cause :

Ali Haddadnia et al. c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Ali Haddadnia et al. c. Sécurité publique Canada

Ali Haddadnia et al. c. Agence des services frontaliers du Canada

Ali Haddadnia et al. c. Service canadien du renseignement de sécurité

Date de la décision du Tribunal : Le 10 décembre 2024

Observations écrites par :

J. Sanderson Graham, Helen Gray, Jennifer Francis et Clare Gover , pour les intimés

 

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