Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante, Sandra Heddle, a demandé à l’intimée, la Société canadienne des postes (Postes Canada), de lui fournir certains documents, dont des courriels et d’autres fichiers électroniques.

Dans une première décision provisoire (2024 TCDP 93), le Tribunal avait donné à Postes Canada l’occasion de corriger ses erreurs et de suivre des directives claires concernant la recherche et la communication des informations manquantes. Cependant, Postes Canada n’a pas pleinement respecté ces directives. En effet, elle n’a pas indiqué ses méthodes de recherche, n’a pas fourni tous les courriels requis et n’a pas expliqué si elle avait adéquatement tenu des dossiers depuis le début de l’affaire.

Lorsque l’audition de la requête a repris, Postes Canada a proposé de faire une recherche de documents électroniques de manière unilatérale et sans supervision. Elle s’est aussi engagée à consigner sa démarche. Le Tribunal a toutefois conclu que Postes Canada continuait à éprouver des difficultés à respecter ses ordonnances et directives. Par conséquent, il a ordonné à Postes Canada de collaborer avec les autres parties pour élaborer une proposition de plan pour les recherches électroniques. Ce plan devra être soumis au Tribunal pour approbation. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un tel plan, le Tribunal tranchera toute question relative à la portée de la recherche avant de prendre d’autres dispositions.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 110

Date : Le 11 octobre 2024

Numéro du dossier : T2713/8921

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Sandra Heddle

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Société canadienne des postes

l’intimée

Deuxième décision provisoire

Membre : Kathryn A. Raymond, c.r.

 



I. Aperçu

[1] La plaignante, Sandra Heddle, a déposé une requête en communication de documents. Dans le cadre de la requête, le Tribunal a ordonné aux parties de remédier à leur défaut de se conformer aux directives qu’il leur avait données au cours de la conférence de gestion préparatoire afin de régler les questions relatives à la communication de la preuve. Dans sa requête, la plaignante allègue que l’intimée, la Société canadienne des postes, n’a pas produit certaines informations sur support électronique (les « ISE ») supplémentaires, comme des courriels et des fichiers et documents créés et stockés électroniquement, et qu’il s’agit là d’une omission importante de sa part. La présente décision provisoire supplémentaire dans le cadre de la requête (la « deuxième décision provisoire ») porte sur la communication d’ISE.

[2] Jusqu’à présent, l’audition de la requête s’est déroulée sur deux jours, soit les 22 juillet et 27 août 2024. Dans une décision sur requête provisoire rendue le 31 juillet 2024 (la « première décision provisoire »), le Tribunal a ordonné à l’intimée de fournir des renseignements sur les efforts de recherche qu’elle avait déployés et lui a donné une deuxième occasion de déposer une preuve par affidavit (Heddle c. Société canadienne des postes, 2024 TCDP 93). Puis, dans une lettre datée du 7 août 2024 (la « lettre de directives »), le Tribunal a donné d’autres directives procédurales aux parties, et principalement à l’intimée. Dans cette lettre, il précisait notamment les questions à l’égard desquelles une preuve par affidavit était indiquée. L’intimée a déposé des affidavits, et la plaignante a déposé des observations en réponse en vue de la deuxième date d’instruction de la requête.

[3] Le Tribunal a relevé plusieurs lacunes dans la réponse supplémentaire de l’intimée, notamment le non-respect de certaines ordonnances rendues par le Tribunal dans la première décision provisoire et des directives données par celui-ci dans sa lettre de directives; des problèmes liés aux éléments de preuve sous forme d’affidavits déposés par l’intimée; et d’autres problèmes d’ordre procédural liés à la communication et, possiblement, à la préservation de la preuve documentaire.

[4] En ce qui concerne le non-respect des directives et ordonnances, mentionnons le fait que l’intimée n’a pas fourni les termes qu’elle a employés pour rechercher des ISE sur plusieurs sites en février 2024, comme l’exigeait le Tribunal dans sa lettre de directives, ou encore le fait qu’elle n’a pas produit tous les courriels potentiellement pertinents. La plaignante soutient qu’aucun des sites consultés par l’intimée pour rechercher des ISE en février 2024 ne contenait de courriels. L’intimée n’a pas répondu à cette prétention et n’a pas fourni de preuve ni de renseignements pour démontrer qu’elle avait relevé, parmi tous ses sites de stockage et ses archives, ceux qui permettraient de trouver des ISE potentiellement pertinentes. L’intimée a eu une nouvelle occasion de fournir des renseignements et une preuve par affidavit supplémentaires relativement à la requête; elle devait notamment répondre à la question de savoir si ses dossiers avaient fait l’objet de mesures de préservation de la preuve en cas de litige en lien avec la plainte déposée le 30 mars 2019 et, dans l’affirmative, elle devait préciser à quel moment ces mesures avaient été mises en place. Or, l’intimée n’a fourni aucune information à ce sujet avant la reprise de l’instruction de la requête. [Il s’agit là d’une description partielle des problèmes et des questions que le Tribunal doit s’assurer de voir résolus dans le cadre de la présente requête. Depuis le deuxième jour d’instruction de la requête, le Tribunal a écrit aux parties pour leur fournir des directives procédurales supplémentaires sur des éléments précis découlant de la requête ou s’y rapportant.]

[5] Lorsque l’audition de la requête a repris, le 27 août 2024, l’intimée a demandé l’autorisation d’effectuer une recherche d’ISE, comme elle s’y était engagée, mais à pouvoir le faire de manière unilatérale, sans être tenue de consulter les autres parties sur ce qui constituerait une recherche raisonnable et efficace, et sans surveillance continue de la part du Tribunal. L’intimée s’est alors engagée à produire des affidavits pour démontrer les efforts qui auraient été déployés pour trouver des documents.

[6] Outre quelques exceptions, l’intimée n’a pas respecté les ordonnances et les directives du Tribunal et n’a pas fourni d’excuse raisonnable pour ce manquement, point qui sera expliqué plus en détail dans la décision définitive sur la requête. Initialement, l’intimée n’a pas déposé d’affidavit en réponse à la requête. Elle a par la suite indiqué qu’elle était disposée à présenter une preuve par affidavit pour répondre directement aux questions relatives à la requête. Elle a aussi demandé au Tribunal de lui envoyer une lettre contenant ses directives et précisant notamment les questions nécessitant la production d’une preuve par affidavit. L’intimée a ensuite déposé une preuve par affidavit limitée en vue de la reprise de l’audition de la requête. Le Tribunal n’a pas l’intention de demander aux autres parties d’attendre de voir si l’intimée déploie des efforts adéquats dans ses recherches et si elle explique correctement les mesures prises à cet égard. Cette démarche serait inefficace et aurait pour effet de remettre à plus tard la possibilité, pour les autres parties et le Tribunal, de signaler tout problème existant ou supplémentaire concernant les efforts déployés par l’intimée pour rechercher des ISE. Les parties devront tenter de s’entendre sur une méthode de recherche d’ISE avant que la recherche ne reprenne. Le Tribunal ordonne à l’intimée de préparer un plan écrit pour la recherche d’ISE potentiellement pertinentes en sa possession (le « plan proposé »). Ce faisant, l’intimée devra consulter les autres parties et déterminer si toutes les parties peuvent s’entendre sur le plan proposé.

[7] Pour les raisons exposées ci-après, les parties devront soumettre le plan proposé au Tribunal pour approbation. Cette approbation tiendra aussi longtemps que le Tribunal jugera que le plan proposé répondra aux exigences d’efficacité et de proportionnalité. Si les parties ne parviennent pas à s’entendre sur un tel plan, le Tribunal tranchera toute question relative à la portée de la recherche avant qu’une nouvelle recherche ne soit effectuée.

II. Contexte

[8] La plaignante a demandé la communication de documents manquants précis qui figuraient dans la liste de documents que l’intimée devait produire. L’intimée a reconnu que les documents demandés étaient potentiellement pertinents et s’est engagée à les produire. Toutefois, l’intimée n’a vraisemblablement pas produit tous les documents demandés. Par exemple, la plaignante s’attendait à obtenir des courriels supplémentaires concernant des communications internes et des communications avec des tiers. Compte tenu de ces omissions apparentes, la plaignante a déposé une requête pour obtenir les documents qu’elle avait demandés.

[9] Le Tribunal a enjoint aux parties de remédier à leur inobservation des directives qu’il leur avait précédemment données dans le cadre de la requête. En effet, le Tribunal avait exigé que les questions liées à la communication de documents soient réglées bien avant la production de documents supplémentaires par l’intimée en mai 2024. L’instance a été inutilement retardée par des problèmes de communication et de conformité.

[10] Les parties se sont échangé leurs observations relatives à la requête, puis l’audition de la requête a commencé le 22 juillet 2024. Toutefois, l’audience a été ajournée au 27 août 2024. L’ajournement de l’audience est essentiellement attribuable au fait l’intimée n’avait pas fourni suffisamment de renseignements sur les efforts qu’elle avait déployés dans le cadre de ses recherches liées à la requête. Dans sa première décision provisoire, le Tribunal a rendu des ordonnances de nature procédurale et a donné d’autres directives procédurales aux parties – et principalement à l’intimée – dans sa lettre de directives. Comme il est expliqué dans la première décision provisoire, l’exposé complet des motifs relatifs la requête et à l’ajournement de l’audition de celle-ci sera fourni dans la décision définitive sur la requête.

[11] Les ordonnances rendues dans la première décision provisoire et les directives données dans la lettre de directives du Tribunal concernaient des étapes procédurales précises que l’intimée devait respecter avant la reprise de l’audition de la requête, afin que celle-ci puisse être instruite de manière efficace et efficiente. Comme je l’ai expliqué, dans sa lettre de directives, le Tribunal a également précisé les questions nécessitant la production d’une preuve par affidavit, par exemple celles liées à la conformité, ou les questions pour lesquelles la production d’une preuve par affidavit était recommandée. Le Tribunal a fourni la lettre de directives à la demande de l’avocat de l’intimée. Le Tribunal avait cru comprendre que l’intimée avait l’intention d’utiliser la lettre comme un outil lui permettant de s’assurer qu’elle se conformait à ses directives. Toutefois, l’intimée ne s’est pas conformée à toutes les directives du Tribunal et, comme il est indiqué plus haut, a déposé une preuve par affidavit limitée. Comme je l’expliquerai plus loin, les affidavits concernant les efforts de recherche déployés par l’intimée ont soulevé d’autres questions relatives à la communication d’ISE.

[12] Par exemple, malgré le fait que la plainte ait été déposée le 30 mars 2019, il est devenu évident, à la lumière des affidavits déposés par l’intimée en vue de la reprise de l’audition de la requête, que cette dernière n’avait pas entrepris de recherche précise pour trouver des ISE avant février 2024. Selon les renseignements fournis par l’intimée, rien ne permet clairement de dire que la recherche qu’elle a entreprise en février 2024 aurait permis de retrouver des courriels en lien avec l’objet des documents précisé dans la demande de communication de la plaignante.

III. Le droit

A. Communication de documents

[13] La Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « LCDP ») et les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) (les « Règles ») exigent clairement la communication de tous les documents potentiellement pertinents dans les instances devant le Tribunal (voir, par exemple, l’alinéa 18(1)f) des Règles). Le Tribunal a dit à maintes reprises que la communication est nécessaire pour veiller à ce qu’une partie bénéficie de la possibilité pleine et entière de présenter ses arguments : voir, par exemple, Yaffa c. Air Canada, 2014 TCDP 22, aux par. 3 à 5, Kayreen Brickner c. la Gendarmerie royale du Canada, 2017 TCDP 28, aux par. 4 à 10; Egan c. Agence du revenu du Canada, 2017 TCDP 33, aux par. 29 à 33; Nwabuikwu c. Gendarmerie royale du Canada, 2020 TCDP 9, aux par. 5 à 8.

[14] La communication de documents avant l’audience est un élément important de l’accès à la justice devant le Tribunal. Une plainte relative à un acte discriminatoire au sens de l’article 5 de la LCDP peut être déposée contre un employeur ou un fournisseur de services, de biens, d’installations ou de moyens d’hébergement. En pareil cas, l’employeur et le fournisseur de services sont souvent en possession de la plupart, voire de la totalité des documents potentiellement pertinents dans le cadre d’une plainte, alors que le plaignant n’a souvent pas accès à tous les documents dont il a besoin pour présenter ses arguments. En effet, pour pouvoir étayer sa plainte, le plaignant doit s’en remettre à des éléments de preuve que l’on sait pertinents, et que l’intimé a en sa possession. Par conséquent, pour participer pleinement et efficacement à l’instance et pour faire valoir ses arguments, le plaignant doit obtenir de l’intimé des documents potentiellement pertinents. Le fait que la plaignante ait dû demander ses talons de paye à l’intimée pour étayer sa demande d’indemnité pour perte de revenus illustre bien la disparité qui peut exister en matière d’accès aux documents dans une instance devant le Tribunal. Le fait que la plaignante ait besoin de ses talons de paye pour fournir des précisions sur sa perte de revenus témoigne également de l’importance d’une communication en temps opportun par l’intimée.

[15] En règle générale, les parties à une instance devant le Tribunal sont tenues en droit de communiquer tous les documents potentiellement pertinents en leur possession. Comme le Tribunal l’a expliqué au paragraphe 11 de la décision Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 42, « [l]e seuil quant à la pertinence alléguée est peu élevé et la tendance est maintenant orientée vers une plus grande, et non une moins grande, communication ». Si un intimé souhaite limiter sa communication d’une manière ou d’une autre, il doit en faire la demande au Tribunal et obtenir l’autorisation de ce dernier.

[16] L’obligation procédurale de communication comporte deux aspects : 1) l’obligation de rechercher, d’identifier et de conserver tous les documents potentiellement pertinents, et 2) l’obligation de communiquer aux autres parties les documents potentiellement pertinents, qu’il soit dans l’intérêt de la partie visée par l’obligation de le faire ou non : Perini Ltd. v. Parking Authority of Toronto, 1975 CanLII 761 et Lewis v. York Region Board of Education (No. 4), 1994 CanLII 18395 (ON HRT) [Lewis], aux par. 80 à 82. Les principes en matière de communication énoncés dans l’arrêt R. c. Stinchcombe, 1991 CanLII 45 (CSC) [Stinchcombe], une affaire criminelle, sont applicables à une plainte pour atteinte aux droits de la personne : Lewis et Ontario (Human Rights Comm.) v. Ontario (Human Rights Board of Inquiry), 1993 CanLII 16421 (ON SCDC), autorisation de pourvoi devant la Cour d’appel de l’Ontario refusée le 31 janvier 1994 [Northwestern Hospital]. La décision rendue au premier niveau par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario et portée en appel dans l’affaire Northwestern Hospital est la suivante : Christian, Dillion, Edwards v. Northwestern Hospital (No. 2), 1993 CanLII 16511 (ON HRT) (décision provisoire (divulgation)). La Cour divisionnaire de l’Ontario a fait remarquer, aux paragraphes 15 et 16 de la décision Northwestern Hospital, que [traduction] « [l]e juge Sopinka [dans Stinchcombe] a énoncé un principe important, à savoir qu’il vaut mieux, dans l’intérêt de la justice, que l’élément de surprise soit éliminé du procès et que les parties soient prêtes à débattre les questions litigieuses sur le fondement de renseignements complets concernant la preuve à réfuter [non souligné dans l’original] ». Depuis les éclaircissements apportés au droit dans les affaires Lewis et Northwestern Hospital, les parties devant le Tribunal sont tenues de communiquer tous les documents potentiellement pertinents, y compris ceux qui vont à l’encontre de leurs propres intérêts. Le principe énoncé par le juge Sopinka permet non seulement d’éviter l’élément de surprise à l’audience pour le plaignant et l’intimé, mais son application élimine toute disparité qui pourrait exister entre les parties avant l’audience en ce qui a trait à l’accès à des documents potentiellement pertinents.

[17] Dès qu’une partie est avisée qu’une procédure judiciaire est intentée contre elle, elle a l’obligation en droit de préserver la preuve, y compris la preuve documentaire pertinente, afin qu’elle puisse être produite : Jorge c. Société canadienne des postes, 2021 TCDP 25, au par. 114. Les parties sont censées avoir fait preuve de diligence raisonnable pour préserver et conserver les documents tels qu’ils existaient à ce moment-là, afin de pouvoir les produire ultérieurement dans le cadre d’une instance judiciaire. Selon la décision sur requête Davidson c. Affaires mondiales Canada, 2023 TCDP 52 [Davidson], au par. 31 : « [...] la preuve documentaire doit être préservée et n’est pas censée être altérée par une partie après que celle-ci ait été avisée d’un litige, même pas au cours de l’examen et de la préparation de la liste de documents. »

[18] Il est largement admis dans notre système juridique, notamment dans la jurisprudence d’autres tribunaux administratifs canadiens, que l’obligation de préserver et de communiquer des documents pertinents vise aussi les ISE : The Sedona Conference, Les Principes de Sedona concernant l’administration de la preuve électronique, troisième édition, 23e conférence de Sedona J. 1 (2022) (les « Principes de Sedona »); Murphy et al v. Bank of Nova Scotia et al, 2013 NBQB 316; Cameco Corporation c. La Reine, 2014 CCI 45; Reasons for Order and Order dismissing Reliance's motion for further and better affidavits of documents, 2014 CanLII 149782 (CT) (Competition Tribunal, 2014 CanLII 149782); Innovative Health Group Inc. c. Calgary Health Region, 2008 ABCA 219. Selon le premier principe des Principes de Sedona, les informations sur support électronique sont soumises aux règles d’administration de la preuve.

[19] Aucun des principes juridiques fondamentaux susmentionnés n’est contesté dans le cadre de la présente requête.

[20] Lorsqu’un litige est en cours ou envisagé, la partie qui élimine ou dissimule intentionnellement des éléments de preuve commet le délit de destruction de la preuve; s’il est établi que la partie a commis cet acte, le Tribunal peut être amené à tirer une conclusion défavorable à cette dernière : voir Peters c. United Parcel Service Canada Ltd. et Gordon, 2022 TCDP 25 (CanLII), aux par. 115 à 127.

[21] Lorsque, par voie d’ordonnance ou dans le cadre de la gestion de l’instance, le Tribunal enjoint aux parties de communiquer des informations, elles doivent faire de leur mieux pour s’acquitter de cette obligation : Hemming v Oriole Media Corp., 2021 ONSC 6748, au par. 20), L’expression selon laquelle les parties doivent « faire de leur mieux » (best efforts) a également été définie dans la jurisprudence dans le contexte du respect des engagements pris par les parties en matière de communication : [traduction] « Cette expression signifie que l’avocat et son client entreprendront une recherche réelle et exhaustive des informations ou de la documentation demandées » (voir Gheslaghi v. Kassis, 2003 Can LII 7532 (ON SC), aux par. 6 et 7 et Re/Max, LLC v. Save Max Real Estate, Inc, 2021 CanLII 53761 (CF), aux par. 44 et 45).

[22] Compte tenu des principes de droit susmentionnés, les parties à une instance en justice sont présumées avoir agi de bonne foi et fait preuve de diligence raisonnable pour recenser les documents pertinents, et avoir préservé et conservé les documents tels qu’ils existaient à ce moment-là, afin de pouvoir ultérieurement satisfaire à l’obligation juridique de produire des documents dans le cadre de l’instance. Ce n’est généralement que lorsqu’une partie se plaint qu’une autre partie n’a pas fait suffisamment d’efforts pour communiquer l’information que les cours de justice et les tribunaux administratifs interviennent (voir, p. ex., Première Nation des Mississaugas de New Credit c. Procureur général du Canada, 2013 TCDP 32). D’autres situations peuvent nécessiter que le Tribunal supervise la communication de la preuve, notamment en cas de non-respect d’une ordonnance ou d’une directive, en cas de litige concernant la pertinence ou la proportionnalité de la communication demandée, ou lorsqu’une partie allègue que des éléments de preuve n’ont pas été correctement préservés. Le Tribunal se mêlera même, quoique rarement, des détails pratiques liés à l’exercice de la diligence raisonnable ou aux efforts déployés par une partie pour « faire de son mieux » lorsque celle-ci s’est engagée à faire des recherches pour trouver des documents ou lorsque le Tribunal a ordonné à la partie de faire pareilles recherches, à moins que cet aspect ne soit matière à litige : voir Wilson c. Banque de Nouvelle-Écosse, 2022 TCDP 34 [Wilson].

B. Administration de la preuve électronique

[23] Les Règles ne contiennent pas de dispositions précises sur l’administration de la preuve électronique. Toutefois, le Tribunal a compétence à l’égard de sa propre procédure et peut donner des directives procédurales lorsque certains aspects ne sont pas expressément traités dans les Règles : voir Davidson aux par. 15 à 18. En effet, la LCDP confère au Tribunal la compétence et le pouvoir discrétionnaire de statuer sur les questions relatives à l’administration de la preuve électronique : Clemente c. Canada, 2022 TCDP 29, au par. 28 :

[28] Le Tribunal fait observer que les Règles de procédure prévoient la divulgation et la production de documents. Comme il est indiqué dans la décision Nur c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2019 TCDP 5, aux paragraphes 221 et suivants [Nur], les pouvoirs et la compétence du Tribunal ne découlent pas des Règles de procédure, mais de la LCDP.

[29] La LCDP prévoit, à l’alinéa 48.9(2)e), que le président du Tribunal peut établir des règles de procédure régissant notamment les enquêtes préalables. À ce jour, le président du Tribunal n’a pas établi de règles précises en la matière. Ainsi qu’il est mentionné dans la décision Nur, « [n]éanmoins, cela ne veut pas dire qu’il ne peut pas exercer ses pouvoirs et sa discrétion à ce sujet ». En fait, le législateur a accordé au Tribunal un large pouvoir discrétionnaire pour créer des règles de pratique (voir Desormeaux c. Commission de transport régionale d’Ottawa-Carleton, 2002 CanLII 52584) qui ne se limitent pas à la liste figurant au paragraphe 48.9(2) de la LCDP.

[24] Au paragraphe 99 de la décision Wilson, le Tribunal a souligné qu’il doit trancher au cas par cas les questions liées à la production d’ISE :

[99] Comme il a été précédemment expliqué, les recherches électroniques mènent habituellement à la découverte initiale d’un grand nombre de documents, qu’il faudra ensuite examiner et trier pour en déterminer la pertinence potentielle. Il n’existe pas de règles officielles sur l’exécution des recherches électroniques dans le cadre d’instances devant le Tribunal, comme c’est le cas dans d’autres contextes juridiques. Ce sujet n’est pas abordé dans les Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les « Règles »); chaque demande de production de documents électroniques présentée au Tribunal doit plutôt être tranchée au cas par cas, selon le pouvoir discrétionnaire accordé au Tribunal en matière procédurale par l’alinéa 50(3)e) de la Loi.

IV. Question en litige

[25] Dans l’affaire qui nous occupe, l’intimée s’est engagée à communiquer des documents que le Tribunal lui a ordonné de produire. Le deuxième jour d’audition de la requête, l’intimée a reconnu que la recherche de documents qu’il avait effectuée, et qui comprenait la recherche d’ISE, n’était pas adéquate. L’intimée a alors proposé d’effectuer une recherche plus poussée pour trouver des ISE. L’avocat de l’intimée a indiqué que cette dernière cherchait de l’aide pour effectuer la recherche d’ISE.

[26] La question qui se pose, dans cette deuxième décision provisoire, est celle de savoir si l’intimée doit être autorisée à déterminer, à sa discrétion, quels sont les efforts optimaux à déployer pour rechercher, puis communiquer les documents, notamment en ce qui a trait à la pertinence et à la proportionnalité de la recherche d’ISE.

V. Preuve présentée par l’intimée à l’appui de ses efforts de recherche

[27] Le 27 août 2024, l’intimée a déposé des affidavits en vue de la reprise de l’audition de la requête. Deux affidavits portent expressément sur les efforts qu’elle a déployés pour rechercher des documents.

[28] Un affidavit d’environ trois pages souscrit par Adam Faries, spécialiste en relations du travail, a été produit le 19 août 2024 (l’« affidavit de M. Faries »). M. Faries s’est présenté comme agissant en tant que conseiller et agent de soutien, Droits de la personne, au sein de l’équipe des droits de la personne de l’intimée. Dans son affidavit, M. Faries a notamment indiqué qu’il lui avait été demandé de rassembler des documents le 30 janvier 2024, en réponse aux demandes de la plaignante figurant dans sa lettre datée du 30 novembre 2023.

[29] Un deuxième affidavit d’environ six pages, souscrit par Elspeth Graham, qui occupe le poste de conseillère, Droits de la personne, harcèlement et violence en milieu de travail auprès de l’intimée, a été produit le 19 août 2024 (l’« affidavit de Mme Graham »). Mme Graham a déclaré dans cet affidavit qu’elle occupait le poste de conseillère depuis septembre 2022 et que, depuis cette date, elle représentait également l’intimée dans le cadre de la présente plainte, en collaboration avec l’avocat de l’intimée.

[30] Mme Graham a déclaré notamment que, le 21 décembre 2023, elle avait obtenu de l’avocat de l’intimée la liste des documents demandés par la plaignante dans sa lettre du 30 novembre 2023. Elle a ajouté qu’elle avait ensuite envoyé cette liste à M. Faries le 30 janvier 2024, à la suite d’une discussion avec son supérieur de l’époque, qui lui avait dit d’envoyer les demandes de documents de la plaignante à M. Faries.

[31] M. Faries a déclaré qu’il avait recherché des [traduction] « informations relatives à Mme Heddle » dans les endroits suivants : les dossiers papier de l’intimée; iSight, l’« ancien » système d’archivage numérique de l’intimée; Sodales, le « nouveau » système d’archivage numérique de l’intimée; Sharepoint, une base de données interne; et le « Centre d’interaction des employés » (« CIE ») de l’intimée, qui est décrit comme étant un registre interne des échanges entre le personnel des ressources humaines et d’autres employés. Dans son affidavit, M. Faries n’a pas précisé les termes de recherche qu’il avait utilisés pour trouver des ISE potentiellement pertinentes et n’a pas autrement expliqué comment il avait effectué la recherche.

[32] Dans son affidavit, Mme Graham a indiqué qu’en avril 2019, un représentant de l’intimée avait demandé au spécialiste en gestion des dossiers d’invalidité concerné de la Société canadienne des Postes et au gestionnaire des opérations de livraison de fournir tous les documents concernant la plaignante qui se trouvaient en leur possession. Mme Graham a déclaré en outre qu’en juillet 2019, l’intimée avait demandé au gestionnaire des opérations de livraison, à un superviseur et au chef d’équipe d’un lieu de travail visé de fournir des informations et des documents précis. Les documents précis demandés n’ont pas été nommés dans l’affidavit.

[33] Mme Graham a déclaré qu’à sa connaissance, l’intimée n’avait pas déployé d’autres efforts de recherche entre le moment où cette dernière avait commencé à prendre part au processus de plainte et le moment où elle avait obtenu et produit les registres de présence relativement à la plainte en août 2023.

VI. Délais

[34] L’historique procédural relatif à la communication de documents dans le cadre de la présente plainte est décrit plus en détail dans la première décision provisoire, qui doit être considérée comme faisant partie des présents motifs. Lorsque le Tribunal demande à une partie de remédier à son défaut de se conformer à une ordonnance ou à une directive, ou d’expliquer un retard, cette partie est tenue de fournir une réponse détaillée et motivée, ce que l’intimée n’a pas fait. Comme je l’ai expliqué, le Tribunal a donné à l’intimée une deuxième occasion de remédier à ses manquements en ce qui a trait à l’observation des ordonnances et directives et aux efforts de recherche, ce qui comprenait la possibilité de fournir une explication pour sa lenteur à agir. C’est en partie pour cette raison que l’audition de la requête a été ajournée.

[35] L’avocat de l’intimée a attendu trois semaines avant de transmettre à Mme Graham la demande de la plaignante datée du 30 novembre 2023. Un délai de deux mois s’est ainsi écoulé entre cette demande du 30 novembre 2023 et la date à laquelle Mme Graham a transmis la demande à M. Faries, soit le 30 janvier 2024. Dans leurs affidavits, Mme Graham et M. Faries n’ont rien dit pour expliquer cette tardiveté.

[36] Il n’y a rien dans ces deux affidavits qui indique que Mme Graham aurait informé M. Faries que les documents devaient être communiqués rapidement, conformément aux directives données par le Tribunal en mai 2023. Dans ses communications écrites transmises aux parties le 6 octobre 2023 et le 16 octobre 2023, le Tribunal avait insisté sur la nécessité de communiquer les documents en temps opportun.

[37] M. Faries a déclaré dans son affidavit qu’il avait terminé ses recherches et fourni à Mme Graham, le 1er mai 2024, les documents supplémentaires qu’il avait trouvés. M. Faries n’a aucunement expliqué pourquoi il avait pris trois mois pour faire ses recherches, qui semblent avoir donné des résultats limités.

[38] Au sous-paragraphe 20a) de sa lettre de directives, le Tribunal a déclaré ce qui suit : [traduction] « En ce qui concerne les délais, l’intimée devrait à tout le moins expliquer pourquoi elle a tardé à fournir à la plaignante ses talons de paye et à répondre aux autres demandes de documents énumérés dans la lettre de la plaignante du 30 novembre 2023, lesquels documents n’ont été transmis que tout récemment. » Comme l’intimée n’a fourni aucune explication dans les affidavits qu’elle a présentés, et ce, malgré le fait que le Tribunal lui avait demandé, à tout le moins, d’expliquer pourquoi elle avait pris tout ce temps pour produire les talons de paye et répondre à la lettre du 30 novembre 2023, le Tribunal conclut que l’intimée n’a pas de raison valable pour justifier sa lenteur à agir.

VII. Analyse des recherches faites par M. Faries

A. Directives applicables aux recherches

[39] Au paragraphe g) de sa lettre de directives, le Tribunal a donné une directive précise concernant la production des ISE, y compris des courriels potentiellement pertinents :

[traduction]

L’intimée est tenue de décrire ses efforts de recherche de documents électroniques, qu’il s’agisse de documents récents ou de documents archivés ou conservés d’une autre manière. Si une recherche de documents électroniques a été effectuée par une personne possédant une expertise dans ce domaine, il serait pertinent et utile de le savoir. De plus, l’intimée doit indiquer quelles étaient ses instructions pour la recherche et à qui elles ont été données, et préciser les termes utilisés pour faire les recherches.

[40] Dans sa réponse supplémentaire relative à la requête, l’intimée n’a pas traité directement de tous les éléments décrits au paragraphe g) de la lettre de directives du Tribunal. Le Tribunal est donc forcé de conclure, à partir des affidavits, que M. Faries n’avait probablement pas d’expertise dans ce domaine et qu’il n’avait pas reçu d’instructions appropriées de la part de l’intimée.

[41] M. Faries a déclaré dans son affidavit qu’il avait reçu la liste des objets des documents demandés par la plaignante dans sa lettre du 30 novembre 2023. Il s’agit de la seule fois dans son affidavit où M. Faries fait référence à des instructions. Rien dans l’affidavit de Mme Graham n’indique qu’elle ait donné des instructions à M. Faries sur la manière d’effectuer la recherche ni sur les endroits où chercher. Mme Graham n’indique pas non plus pour quelle raison le gestionnaire lui avait dit de demander à M. Faries d’effectuer les recherches.

[42] Si M. Faries a reçu des instructions de la part de l’intimée, notamment concernant les endroits où il devait chercher des ISE et des documents papier ou sur la manière d’effectuer la recherche, ces instructions auraient dû être divulguées par l’intimée. C’est ce qui était demandé dans la lettre de directives du Tribunal. Ces directives visaient à permettre aux parties et au Tribunal de mieux comprendre les mesures prises par M. Faries et d’expliquer les résultats de sa recherche. En ce qui concerne la question des instructions, dans son affidavit, M. Faries ne fait que répéter les informations demandées par la plaignante, ce qui semble confirmer que l’intimée n’a pas donné d’autres instructions à M. Faries.

[43] Rien dans l’affidavit de M. Faries ou dans celui de Mme Graham ne donne à penser que M. Faries a déjà fait des recherches pour trouver des ISE. Rien n’y indique non plus que celui-ci avait de l’expérience ou des connaissances en matière de recherche dans des sites de stockage électronique tels que ceux qu’il a dit avoir consultés en lien avec la présente plainte. Les affidavits ne donnent aucunement à penser que d’autres sites de stockage d’ISE potentiellement pertinentes — tels que les ordinateurs personnels utilisés par des témoins dans le cadre de leur travail, les serveurs ou les archives — ont été pris en considération. Dans son affidavit, Mme Graham n’a pas expliqué comment M. Faries aurait pu savoir où chercher des ISE potentiellement pertinentes quant à la présente plainte ou s’informer sur les endroits où il devait effectuer ses recherches. M. Faries n’a pas expliqué comment il avait fait pour savoir quels sites consulter, ni s’il avait fait ses recherches sur tous les sites connus, ou seulement sur des sites potentiellement pertinents.

[44] Dans son affidavit, M. Faries n’a fourni que peu d’informations, voire aucune information, sur le contenu des ISE stockées sur chacun des sites qu’il a effectivement consultés, et il a omis des informations telles que la période visée et le type d’ISE stockées sur chaque site.

[45] L’intimée, quant à elle, n’a pas fourni les termes de recherche utilisés par M. Faries pour trouver les ISE pertinentes par rapport à chacun des documents réclamés par la plaignante, comme il était demandé dans la lettre de directives du Tribunal. Ces informations sont nécessaires pour bien évaluer l’efficacité de la recherche et ses résultats.

B. Caractère potentiellement pertinent

[46] Rien dans l’affidavit de M. Faries ne permet de confirmer qu’avant le 30 janvier 2024, ce dernier avait connaissance du contexte de la plainte ou avait participé aux mesures prises pour répondre à celle-ci. M. Faries ne précise pas à quelle date il a commencé à travailler pour l’intimée ni à quel moment précis il a entrepris des démarches en lien avec la présente plainte. Selon toute probabilité, pour bien comprendre ce qu’il fallait rechercher pour chaque catégorie de documents demandés par la plaignante et pour analyser les résultats de la recherche afin d’en déterminer la pertinence potentielle, M. Faries devait connaître raisonnablement bien la présente plainte.

[47] Dans son affidavit, M. Faries ne dit rien qui permette de démontrer qu’il a concentré ses recherches sur les détenteurs de documents pertinents en lien avec la présente plainte ou qu’il a été informé ou savait qu’il s’agissait d’un paramètre pertinent pour rechercher des ISE. Les détenteurs s’entendent des témoins potentiels qui ont été impliqués dans les événements faisant l’objet de la plainte et qui, d’après ce que l’on sait ou ce que l’on peut raisonnablement croire, sont les auteurs de fichiers ou de documents ou ont reçu une copie des fichiers ou des documents directement, ou en copie conforme au moyen de communications électroniques.

[48] Dans son affidavit, M. Faries n’a pas précisé la période qu’il a consacrée à sa recherche d’ISE.

C. Conclusions relatives à l’affidavit de M. Faries

[49] Compte tenu de ces circonstances, le Tribunal conclut que, outre le fait qu’il ait été informé par Mme Graham des objets des recherches, M. Faries soit n’a reçu aucune instruction, soit a reçu des instructions inadéquates sur la marche à suivre pour effectuer la recherche qu’il était chargé d’entreprendre en février 2024 pour le compte de l’intimée. Ces conditions expliquent fort probablement pourquoi sa recherche a donné des résultats limités.

[50] Pour qu’une recherche d’ISE soit efficace, il faut d’abord cibler les sites à consulter. L’intimée est censée avoir recensé les sites où sont stockées des ISE, et avoir précisé le type d’ISE figurant sur chaque site ainsi que la période consacrée à la recherche. L’intimée aurait dû préciser quels sites elle a choisi de consulter pour effectuer des recherches, et pourquoi. Comme la communication des courriels est précisément en cause en l’espèce, l’intimée aurait dû confirmer si les sites qu’elle avait choisis pour effectuer les recherches pouvaient raisonnablement contenir des courriels traitant des points en litige.

[51] Si l’intimée était au fait de problèmes ayant nui à l’efficacité de la recherche d’ISE, elle aurait dû les porter à l’attention des autres parties avant de communiquer les résultats de ses recherches, ou au moment de procéder à cette communication.

[52] Les détenteurs concernés et la période couverte par la recherche sont des paramètres pertinents dans le cadre de toute recherche d’ISE, tout comme le sont les termes de recherche utilisés pour cibler le contenu demandé. Cette démarche s’applique à chaque catégorie de documents à communiquer.

[53] Les termes de recherche utilisés dans le cadre d’une recherche d’ISE doivent être soigneusement sélectionnés. Ils doivent être choisis en fonction des questions et des allégations en litige dans la plainte, de sorte que les résultats de la recherche puissent permettre de trouver du contenu potentiellement pertinent, sans pour autant inclure un nombre excessif de documents, fichiers et communications électroniques non pertinents. Le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve démontrant que M. Faries aurait obtenu de l’information sur les termes de recherche à employer pour assurer l’efficacité de la recherche.

[54] Dans son affidavit, M. Faries ne dit rien sur la manière dont il a recherché des informations pertinentes concernant Mme Heddle. M. Faries a déclaré qu’il avait compilé toutes les informations qu’il avait recueillies [traduction] « au moyen des méthodes susmentionnées », sans préciser la méthode qu’il avait utilisée pour chacun des sites qu’il avait consultés. Il n’a pas indiqué comment il a trouvé des documents pertinents par rapport à la plaignante sur les sites qu’il a consultés. Il a seulement indiqué qu’il avait cherché des informations en lien avec Mme Heddle.

[55] Si M. Faries a effectué des recherches en utilisant uniquement le nom de Mme Heddle comme terme de recherche, il est raisonnable de s’attendre à ce que des milliers, voire des dizaines de milliers d’occurrences contenant des ISE aient été incluses dans les résultats de la recherche du fait qu’elles comprenaient le nom de Mme Heddle. En effet, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une vaste recherche effectuée à l’aide du nom d’une personne dans une série de sites de stockage d’ISE différents permette de repérer non seulement un grand nombre de documents potentiellement pertinents, mais aussi de nombreux documents non pertinents relativement à la plainte. La plaignante est une employée de longue date de l’intimée; elle a été embauchée en 2009, puis a cessé de travailler pour l’intimée en 2021.

[56] Par ailleurs, il est peu probable qu’une recherche effectuée en utilisant uniquement le nom de Mme Heddle permette de trouver tous les documents pertinents. Il peut exister d’autres ISE qui ne contiennent pas explicitement le nom de la plaignante, mais qui concernent les événements et les allégations liés à la présente plainte.

[57] Si M. Faries a utilisé un programme informatique ou un outil de recherche pour faciliter sa recherche, il ne l’a pas mentionné. Un logiciel génère habituellement un résumé, une liste ou une description des résultats de la recherche. En tout état de cause, M. Faries n’a pas produit de documents ou d’informations qui viennent confirmer le nombre de résultats initiaux générés par ses recherches, ni présenté d’autres éléments de preuve concernant les résultats de ses recherches pour montrer les termes qu’il a utilisés et le nombre de résultats initiaux qu’il a obtenus. Il n’a fourni aucune ventilation du nombre de résultats obtenus sur chacun des sites de stockage d’ISE qu’il a consultés.

[58] À plusieurs autres égards, le témoignage de M. Faries révèle des irrégularités par rapport aux méthodes de recherche habituellement utilisées pour trouver des ISE dans le cadre d’un litige. Il semble peu probable que, au cours des trois mois de son mandat, M. Faries ait examiné des milliers de documents contenant le nom de la plaignante pour réduire ces documents à ceux qui sont potentiellement pertinents eu égard aux demandes de communication précises de la plaignante. Et encore, je ne mentionne pas le travail qui lui serait nécessaire pour consigner ces démarches dans son affidavit à présenter au Tribunal, et ce, sans demander à l’intimée de ressources ou d’aide supplémentaires pour cette tâche. Au contraire, M. Faries a déclaré que c’est lui seul qui avait effectué la recherche, puis communiqué les résultats limités à Mme Graham.

[59] Rien dans l’affidavit de M. Faries n’indique que ce dernier a reçu des instructions lui demandant de trier les résultats de manière à exclure les documents jugés non pertinents. M. Faries ne décrit pas les efforts qu’il a déployés dans le cadre de ses recherches pour, notamment, supprimer le contenu non pertinent ou les doublons.

[60] De plus, M. Faries a indiqué avoir envoyé tous les résultats de ses recherches à Mme Graham. Il s’exprime ainsi aux paragraphes 7 et 8 de son affidavit :

[traduction]

7. J’ai ensuite compilé dans Sodales toutes les informations que j’avais obtenues au moyen des méthodes susmentionnées.

8. Le 1er mai 2024, j’ai informé Mme Graham que les documents qu’elle avait demandés avaient été téléversés dans un dossier sur Sodales et je lui ai indiqué où se trouvait le dossier contenant les nouveaux documents obtenus grâce au processus décrit ci-dessus.

[61] Au paragraphe 23 de son affidavit, Mme Graham a indiqué que, le jour même où M. Faries avait téléversé tous les documents qu’il avait pu trouver, elle avait téléchargé les documents qui n’avaient pas été communiqués auparavant et les avait envoyés à l’avocat de l’intimée. Comme je l’ai indiqué, un nombre limité de documents a été produit par la suite. Ces circonstances viennent renforcer la probabilité que M. Faries ait effectué des recherches inefficaces.

[62] Comme je l’ai mentionné précédemment, le Tribunal ne dispose d’aucune preuve démontrant que M. Faries connaissait suffisamment les allégations ou les questions soulevées dans la présente plainte pour être en mesure d’évaluer avec précision la pertinence des documents à fournir à Mme Graham en lien avec les demandes de la plaignante.

[63] L’avocat de l’intimée a pour mandat de défendre l’intimée contre la présente plainte. Il devrait avoir une connaissance détaillée des efforts de recherche de l’intimée et conseiller celle-ci sur ce qui constitue des documents potentiellement pertinents dans le cadre du litige et doit donc être communiqué. Toutefois, au cours du premier jour d’instruction de la requête, l’avocat de l’intimée a indiqué qu’il n’avait pas participé directement à la recherche de documents visant à donner suite aux demandes de la plaignante, et que c’était son client qui l’avait effectuée.

[64] De plus, le Tribunal ne dispose d’aucun élément de preuve précis qui permettrait de confirmer le lien entre les résultats de la recherche de M. Faries envoyés à Mme Graham au moyen d’un dossier non identifié dans Sodales et les informations communiquées à la plaignante.

[65] Compte tenu de l’ensemble des circonstances, le Tribunal n’admet pas l’affidavit souscrit par M. Faries le 19 août 2024 comme élément de preuve fiable qui démontrerait qu’une recherche d’ISE potentiellement efficace a été effectuée par l’intimée en février 2024.

VIII. VIII. Analyse de l’affidavit de Mme Graham

A. Question de preuve : pièces manquantes

[66] Lorsqu’un témoin produit une preuve par affidavit au sujet d’un document, le document en question doit être joint à l’affidavit. Il s’agit d’une exigence habituelle en matière de dépôt d’affidavits. Par exemple, le paragraphe 80(3) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les « Règles des Cours fédérales »), prévoit ce qui suit : « (3) Lorsqu’un affidavit fait mention d’une pièce, la désignation précise de celle-ci est inscrite sur la pièce même ou sur un certificat joint à celle-ci, suivie de la signature de la personne qui reçoit le serment. » Les éléments de preuve documentaire qui peuvent être des pièces jointes à l’affidavit doivent y être joints, notamment pour qu’ils puissent être examinés, par exemple en contre-interrogatoire, dans l’éventualité où la personne qui a fait l’affidavit serait contre-interrogée : Première Nation Crie de Tataskweyak c. Sinclair, 2007 CF 1107 aux par. 19 et 20.

[67] Comme je l’ai mentionné plus haut, Mme Graham a affirmé, au paragraphe 22 de son affidavit, qu’elle avait envoyé à M. Faries une demande visant à ce qu’une recherche soit effectuée. Une copie de cette demande, qui aurait permis de confirmer le témoignage de Mme Graham, n’a pas été jointe à son affidavit. Elle aurait dû l’être.

[68] Au paragraphe 9 de son affidavit, Mme Graham a affirmé ce qui suit : [traduction] « D’après ce que j’ai compris en examinant le dossier, je crois que M. Jajal a présenté les demandes de renseignements suivantes en lien avec la plainte […] ». Elle a fait ensuite référence à deux demandes. Or, aucune copie de ces demandes n’a été jointe à son affidavit. S’agissant de communications écrites mentionnées dans l’affidavit, elles auraient dû y être jointes.

B. Question de preuve : éléments tenus pour véridiques sur la foi de renseignements

(i) Droit applicable

[69] Un affidavit est présumé inadmissible lorsque le témoin n’affirme pas qu’il a une connaissance personnelle des faits qui y sont exposés. Il est par ailleurs inapproprié d’affirmer avoir une connaissance personnelle des faits lorsque ce n’est pas le cas. Enfin, lorsqu’un témoin, dans un affidavit, fait une déclaration fondée sur ce qu’il comprend ou croit, il doit également exposer les motifs pour lesquels il le croit : Fridman c. Canada (Affaires étrangères), 2024 CF 1102; Canada (Procureur général) c. Bertrand, 2021 CAF 103, au paragraphe 17; Elliott c. Canada, 2017 CAF 145, aux par. 14 et 15. Ces règles régissant la préparation d’un affidavit dans le cadre d’un litige sont généralement admises. Par exemple, les Règles des Cours fédérales prévoient qu’un affidavit doit être fondé sur une connaissance personnelle des faits, sauf s’il est présenté à l’appui d’une requête. Les paragraphes 81(1) et (2) des Règles des Cours fédérales sont ainsi libellés :

Contenu

81 (1) Les affidavits se limitent aux faits dont le déclarant a une connaissance personnelle, sauf s’ils sont présentés à l’appui d’une requête […] auquel cas ils peuvent contenir des déclarations fondées sur ce que le déclarant croit être les faits, avec motifs à l’appui.

[Non souligné dans l’original.]

[70] En lien avec les preuves par affidavit fondées sur des éléments tenus pour véridiques, le paragraphe 81(2) des Règles des Cours fédérales prévoit que « [l]orsqu’un affidavit contient des déclarations fondées sur ce que croit le déclarant, le fait de ne pas offrir le témoignage de personnes ayant une connaissance personnelle des faits substantiels peut donner lieu à des conclusions défavorables ». Les Règles de la Cour fédérale ne s’appliquent pas dans la présente affaire. Aucune conclusion défavorable n’est tirée dans le cas présent. Cependant, l’existence de cette règle montre qu’il est important que le témoin ait une connaissance personnelle des faits substantiels exposés dans son affidavit.

(ii) Affirmations factuelles problématiques contenues dans l’affidavit de Mme Graham

[71] Au paragraphe 6 de son affidavit, Mme Graham affirme qu’un représentant de l’intimée, M. Jajal, ancien spécialiste de l’intimée en matière de droits de la personne, était le principal responsable de la collecte de renseignements auprès de l’intimée et de la préparation de la réponse de cette dernière au cours de l’enquête sur la plainte menée par la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »). Ces renseignements sont présentés dans l’affidavit comme si Mme  Graham avait eu une connaissance directe et personnelle des faits. Toutefois, Mme Graham n’a pas confirmé qu’elle avait une connaissance personnelle des faits contenus dans son affidavit, dont ceux mentionnés au paragraphe 6. De fait, il est impossible qu’elle en ait eu une connaissance directe et personnelle. L’intimée a été informée de la plainte en 2019, et Mme Graham n’a commencé à travailler pour elle qu’en 2022. Dans son affidavit, Mme Graham a expliqué que d’autres personnes avaient participé au traitement de la plainte avant qu’elle-même n’assume la responsabilité du dossier de Mme Heddle.

[72] Il semble que Mme Graham pouvait seulement dire, au paragraphe 6 de son affidavit, qu’elle croyait que M. Jajal était le principal responsable de la collecte de renseignements à propos de la plainte pour l’intimée. Or, les motifs pour lesquels elle le croyait auraient dû être exposés dans l’affidavit. Comme ces motifs et la source des renseignements en question ne sont pas fournis dans l’affidavit, la déclaration selon laquelle [traduction] « M. Jajal était apparemment le principal responsable de la préparation de la réponse à la plainte », et l’inférence qui en découle selon laquelle il était donc le principal responsable de la collecte de renseignements à propos de la plainte, ne constituent pas des éléments de preuve par affidavit soumis régulièrement au Tribunal et ne sont pas admissibles en preuve.

[73] Au paragraphe 8 de son affidavit, Mme Graham a affirmé que M. Jajal ne travaillait plus pour l’intimée, et qu’elle n’avait pas accès aux courriels de celui-ci. Elle ne semble pas avoir parlé à M. Jajal. Il est difficile de savoir si Mme Graham a eu raison de supposer que M. Jajal était le principal responsable de la réponse à la plainte pour l’intimée. Par exemple, Mme Graham ne semble pas s’être renseignée auprès des gestionnaires concernés qui avaient une connaissance personnelle de la situation et qui auraient vraisemblablement indiqué que M. Jajal était bien le responsable de la collecte des documents.

[74] Au paragraphe 7 de son affidavit, Mme Graham a dit croire, d’après ce qu’elle avait compris, que [traduction] « M. Jajal a[vait] demandé des renseignements pertinents aux personnes concernées de la Société et [qu’il] a[vait] versé les renseignements reçus dans un dossier interne conservé dans le système de gestion des données interne de la Société ». Le terme [traduction] « personnes concernées » semble sous-entendre que les personnes auxquelles M. Jajal a demandé des renseignements sont celles qui auraient détenu des renseignements pertinents, dont des documents concernant la plainte.

[75] Mme Graham n’a pas indiqué la source des renseignements qu’elle tenait pour véridiques, c’est-à-dire que, selon elle, M. Jajal savait qui étaient les personnes [traduction] « concernées » et, corrélativement, qu’il avait demandé des renseignements à toutes ces personnes. Pour être admissible en preuve, une déclaration contenue dans un affidavit qui est fondée sur des renseignements tenus pour véridiques doit être accompagnée des motifs pour lesquels ces renseignements sont tenus pour véridiques. Par conséquent, la déclaration contenue au paragraphe 7, qui sous-entend que M. Jajal se serait renseigné auprès des personnes concernées par cette plainte, est inadmissible en preuve.

[76] Au paragraphe 7 de son affidavit, Mme Graham a affirmé que les résultats de la recherche effectuée par M. Jajal avaient été versés dans un dossier interne, non identifié, d’un système de gestion de données également non identifié. Les motifs pour lesquels elle tenait pour véridiques ces renseignements ne sont pas exposés dans l’affidavit. Cette déclaration est donc également inadmissible en preuve.

[77] Comme je l’ai indiqué plus haut, il semble, au vu des paragraphes 8 et 9 de son affidavit, que Mme Graham a trouvé un dossier qui, selon ce qu’elle croyait, avait été créé par M. Jajal. Dans ce dossier, elle a trouvé les deux demandes de documents qui auraient été envoyées par M. Jajal, et dont il a été question plus haut. Mais elle n’a pas joint ces demandes à son affidavit. Le paragraphe 9 de l’affidavit de Mme Graham est libellé ainsi :

[traduction]

9. D’après ce que j’ai compris en examinant le dossier, je crois que M. Jajal a présenté les demandes de renseignements suivantes en lien avec la plainte :

a) Le 15 avril 2019, M. Jajal a demandé à […], spécialiste en gestion de dossiers d’invalidité, et […], gestionnaire des opérations de livraison, tous les documents concernant Mme Heddle qu’ils avaient en leur possession;

b) Le 18 juillet 2019, M. Jajal a demandé des renseignements et des documents précis à […], gestionnaire des opérations de livraison, à […], superviseur de Postes Canada, et à […], superviseur de quart […]

Dans son affidavit, Mme Graham a laissé entendre que la liste des détenteurs de documents pertinents se limitait au spécialiste en gestion de dossiers d’invalidité, au gestionnaire des opérations de livraison, à un superviseur et à un superviseur de quart.

[78] L’exposé des précisions de l’intimée, déposé en 2022, indique M. Jajal n’a pas communiqué avec tous les employés de l’intimée qui détenaient des renseignements pertinents sur la plainte. Il indique également que d’autres employés, en plus de ceux à qui M. Jajal a demandé des renseignements en 2019, ont joué un rôle en lien avec les questions soulevées dans la plainte. Il est possible que des détenteurs de documents et des témoins supplémentaires pertinents aient été contactés par un autre représentant de l’intimée, tout comme il est possible qu’ils n’aient aucunement été contactés ni priés de fournir les documents en leur possession.

[79] En raison des problèmes fondamentaux que pose le contenu de l’affidavit de Mme Graham, le Tribunal refuse de tenir pour avéré que M. Jajal était la seule ou la principale personne chargée de recueillir des renseignements et des documents pour l’intimée. Il ne peut davantage conclure que tous les renseignements précédemment recueillis concernant la plainte en vue du litige ont été versés dans le dossier de M. Jajal, ou que celui-ci a demandé à tous les témoins importants de fournir les documents en leur possession, comme il est indiqué dans l’affidavit de Mme Graham.

[80] Au paragraphe 10 de son affidavit, Mme Graham a ajouté que le dossier ne contenait aucun courriel qui indiquerait quels documents avaient été fournis à M. Jajal en réponse aux demandes écrites précédemment mentionnées. Elle a affirmé qu’elle-même ignorait quels renseignements avaient été fournis à M. Jajal en réponse aux demandes qu’il avait faites après avoir examiné le dossier. Or, si elle ne le savait pas, elle ne pouvait pas savoir non plus si tous les renseignements éventuellement transmis à la suite des demandes de M. Jajal avaient été recueillis ou versés dans ce qui est désigné comme le dossier de M. Jajal. La déclaration à cet égard faite au paragraphe 10 de l’affidavit est donc inadmissible en preuve.

[81] Au paragraphe 11 de son affidavit, Mme Graham a ajouté qu’elle n’avait pas connaissance d’autres recherches effectuées par M. Jajal ou toute autre personne en vue de répondre à la Commission ou de préparer une réponse lorsque la plainte a été renvoyée au Tribunal, en 2022. La raison pour laquelle Mme Graham n’avait pas connaissance de recherches supplémentaires pourrait être son absence. En effet, Mme Graham n’a commencé à travailler en tant que conseillère en matière de droits de la personne pour l’intimée que le 27 septembre 2022 (voir l’affidavit de Mme Graham, au par. 5).

[82] Au paragraphe 12 de son affidavit, Mme Graham a déclaré ce qui suit : [traduction] « D’après ce que j’ai compris, je crois que ce sont les renseignements contenus dans le dossier interne de M. Jajal qui ont finalement servi à préparer les deux documents datés du 15 juin 2022, à savoir l’exposé des précisions et la liste des documents potentiellement pertinents de la Société. » Les motifs pour lesquels Mme Graham le croyait ne sont pas exposés. La déclaration, par conséquent, est inadmissible en preuve.

[83] En outre, la déclaration selon laquelle le dossier interne de M. Jajal avait servi à préparer l’exposé des précisions de l’intimée sous-entend que celle-ci ne disposait d’aucun autre dossier contenant des renseignements sur la plainte. Mme Graham n’a ni préparé ni aidé à préparer l’exposé des précisions et la liste des documents de l’intimée. Comme je l’ai fait observer ci-dessus, elle est entrée en fonction seulement le 27 septembre 2022. Or, l’exposé des précisions a été déposé avant son arrivée, en juin 2022. Mme Graham n’avait pas une connaissance directe et personnelle des dossiers concernant la plaignante qui existaient au moment de la préparation de l’exposé des précisions de l’intimée, ni des dossiers ayant servi à le préparer. Je précise que Mme Graham n’a pas indiqué qu’elle en avait une connaissance personnelle. Toutefois, elle n’a pas exposé les motifs pour lesquels elle supposait, au paragraphe 12 de son affidavit, que l’intimée n’avait pas d’autre dossier. La supposition faite au paragraphe 12 de l’affidavit de Mme Graham est donc inadmissible en preuve.

[84] Il a été établi, par suite du dépôt de la présente requête, que le gestionnaire des cas d’invalidité tenait également un dossier sur la plaignante, appelé le dossier de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (la « CSPAAT »). L’avocat de l’intimée a informé le Tribunal qu’il n’était pas en possession de ce dossier avant de l’obtenir dans le cadre de la présente requête. L’intimée disposait donc d’au moins un autre dossier qui contenait des renseignements pertinents quant à la plainte de la plaignante, et que l’avocat n’avait pas en sa possession au moment où l’a déposé son exposé des précisions et sa liste de documents potentiellement pertinents datés du 15 juin 2022. Il pourrait y avoir d’autres dossiers.

C. Conclusions au sujet de l’affidavit de Mme Graham et de son admissibilité en preuve

[85] En vertu des alinéas 50(3)c) et e) de la LCDP, le Tribunal dispose du pouvoir discrétionnaire de recevoir des éléments de preuve ou des renseignements par affidavit ou par tout autre moyen qu’il estime indiqué, « indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire ». Dans l’arrêt Tahmourpour c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 192, la Cour d’appel fédérale a déclaré ce qui suit :

[29] Eussent‑elles même été inadmissibles en vertu des principes applicables du droit de la preuve, le Tribunal n’aurait pas nécessairement été empêché de prendre en compte les données brutes du rapport Rannie/Bell. En effet, le paragraphe 50(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (précité) autorise le Tribunal à recevoir des éléments de preuve ou renseignements par tout moyen qu’il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire. Cette règle ne connaît que deux exceptions, qui ne sont pas applicables en l’espèce (visant les éléments de preuve confidentiels et le témoignage de conciliateurs nommés pour régler les plaintes).

[86] Dans l’affaire Murray c. Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 2012 TCDP 25 [Murray], des affidavits ont été contestés au motif qu’ils contenaient des renseignements non pertinents et des témoignages d’expert provenant de témoins non qualifiés. Au paragraphe 5, il est rapporté que la Commission a fait valoir qu’elle « n’a[vait] pas eu l’occasion d’interroger l’intimée sur sa bonne foi dans la production d’un témoignage d’expert ». Au paragraphe 12, le Tribunal a affirmé ce qui suit :

[12] […] Vu le caractère non formel de la procédure devant le Tribunal, et vu les vastes pouvoirs prévus à l’alinéa 50(3)c) pour l’acceptation de renseignements et d’éléments de preuve, le Tribunal n’est pas porté à radier complètement les affidavits. Plutôt, le Tribunal examinera les objections de la Commission et du plaignant lorsqu’il soupèsera la valeur des renseignements présentés dans les affidavits.

[87] Pour les besoins de la présente requête, le Tribunal a adopté une approche informelle à l’égard de la preuve par affidavit dans le cas de la plaignante, qui n’est pas représentée par un avocat, compte tenu de sa situation personnelle. La plaignante, qui allègue avoir des limitations fonctionnelles attribuables à son état de santé, a été dispensée de déposer un affidavit en bonne et due forme à l’appui de la requête. Elle a été autorisée à s’appuyer sur le contenu de lettres qu’elle avait rédigées comme éléments de preuve à l’appui de la requête, sous réserve des instructions et des mises en garde du Tribunal concernant la véracité des faits. Comme il convenait, la Commission et l’intimée n’ont pas contesté l’autorisation accordée à la plaignante de présenter une preuve informelle. Pour leur part, la Commission et l’intimée, qui sont représentées par des avocats, ont reçu la directive du Tribunal de déposer des affidavits en bonne et due forme lorsque les dates ont été fixées pour l’audition de la requête.

[88] Le Tribunal a accepté les lettres de la plaignante en tant qu’éléments de preuve à l’appui de la requête, mais il n’est pas nécessairement toujours équitable et efficace, d’un point de vue procédural, d’admettre d’abord des éléments de preuve et d’examiner plus tard les objections, comme dans l’affaire Murray. Selon les circonstances, il peut être plus efficace de décider de l’admissibilité de l’élément de preuve au moment où la partie le présente. Il y a également des cas où il faut décider si des renseignements doivent être acceptés en preuve par le Tribunal avant l’audience sur le bien-fondé de la plainte, que ce soit pour des raisons d’équité procédurale ou parce que l’effet préjudiciable des renseignements peut l’emporter sur leur valeur probante, ou encore parce qu’il s’agit de renseignements manifestement non pertinents qui ne constituent pas des éléments de preuve appropriés. Les cours de justice n’admettent pas des éléments de preuve qui sont irrecevables au regard des règles de preuve au motif qu’ils seraient préjudiciables ou non pertinents, ou qu’ils entraîneraient un manquement à l’équité procédurale. Ce sont là des motifs valables qui justifient que le Tribunal refuse tout autant d’admettre des éléments de preuve. Le caractère informel d’une instance devant le Tribunal ne justifie pas à lui seul d’admettre des éléments de preuve que, normalement, un tribunal judiciaire n’admettrait pas parce qu’ils sont préjudiciables de quelque façon, qu’ils sont trop peu fiables ou qu’ils ne pourront être examinés alors que la possibilité de le faire est nécessaire. La nature des éléments de preuve inadmissibles et leur effet préjudiciable sur l’instance doivent être pris en compte.

[89] Dans la présente affaire, le Tribunal n’acceptera pas les déclarations et les paragraphes de l’affidavit de Mme Graham fondés sur ce que cette dernière dit comprendre ou croire, sans fournir de motifs à l’appui. Il s’agit des paragraphes 6 et 7, de la deuxième phrase du paragraphe 10 et du paragraphe 12, qui ne constituent pas une preuve admissible de la véracité des faits qui y sont rapportés aux fins de la requête ou à l’audience.

[90] Le Tribunal n’est pas disposé à exercer son pouvoir discrétionnaire en matière de preuve, conféré par les alinéas 50(3)c) et e) de la LCDP, de manière à admettre en preuve les parties de l’affidavit où sont mentionnés des faits dont la témoin n’a pas une connaissance personnelle et directe, ou dans lesquelles les motifs faisant en sorte que la témoin tienne les renseignements mentionnés pour véridiques ne sont pas exposés. Un risque d’iniquité procédurale en résulterait. Les éléments de preuve qui sont fondés sur des renseignements tenus pour véridiques ne peuvent pas être examinés comme ceux qui sont fondés sur une connaissance personnelle, car le Tribunal ne connaît pas la source des premiers. Cette source ne peut donc pas faire l’objet d’une contestation, d’un examen ou d’un contre-interrogatoire par les autres parties.

[91] Le Tribunal n’est pas disposé à accepter les paragraphes en question de l’affidavit de Mme Graham comme faisant foi de ce qui y est rapporté simplement parce que l’intimée est représentée par un avocat. Celle-ci avait reçu la directive de déposer sa preuve par affidavit avant le début de l’audition de la requête, ce qu’elle n’a pas fait. Elle a eu une deuxième occasion de déposer sa preuve par affidavit, notamment au sujet de ses efforts de recherche, comme il a été expliqué dans la première décision provisoire. En réponse, l’intimée a déposé des affidavits qui ne comprenaient pas tous les renseignements requis par le Tribunal et dont le contenu était inapproprié à certains égards.

[92] Les paragraphes écartés de l’affidavit de Mme Graham mentionnés ci-dessus constituent toutefois des éléments de preuve pertinents pour expliquer la présente décision provisoire et, éventuellement, la décision définitive sur la requête. Pour cette raison, le Tribunal ne les radiera pas de son dossier relatif à la requête. Toutefois, si l’intimée souhaite s’appuyer sur ces paragraphes à l’audition de la présente plainte, elle devra au préalable obtenir l’autorisation du Tribunal. Si des éléments de preuve supplémentaires sont demandés à cette témoin avant l’audience, celle-ci devra déposer un affidavit fondé sur sa connaissance personnelle ou dans lequel elle indique ses sources et les motifs pour lesquels elle tient les renseignements qu’elle donne pour véridiques, ou encore livrer un témoignage oral. De plus, les documents mentionnés dans l’affidavit doivent y être joints.

[93] Dans la présente deuxième décision provisoire, l’affidavit de Mme Graham ne sera pas examiné dans son intégralité. Les conclusions du Tribunal sur les affidavits de M. Faries et de Mme Graham ne se limitent pas à celles formulées ici. Ces conclusions seront exposées dans la décision définitive sur la requête.

VIII. Conclusion sur les efforts de recherche déployés par l’intimée à ce jour

[94] L’intimée a reconnu qu’elle n’avait pas procédé à une recherche approfondie et appropriée des documents qui pouvaient être potentiellement pertinents par rapport à son exposé des précisions. Par exemple, l’avocat de l’intimée n’a pas pu confirmer que tous les témoins de l’intimée, énumérés dans la liste des témoins déposée par l’intimée avec son exposé des précisions, avaient reçu l’instruction de fournir les documents pertinents pour les besoins de la présente instance.

[95] L’intimée n’a pas remédié aux omissions initiales dans ses efforts de recherche, et ce, malgré les directives qu’elle avait reçues auparavant du Tribunal dans le cadre du processus de gestion de l’instance, et qui seront expliquées plus en détail dans la décision définitive sur la requête. Elle n’a pas non plus respecté l’ensemble des ordonnances et des directives du Tribunal découlant de la requête, qui seront également décrites plus amplement dans la décision définitive sur la requête.

[96] Les éléments de preuve rendus accessibles par l’intimée pour le deuxième jour de l’audition de la requête amènent le Tribunal à conclure que M. Faries est le seul employé connu de l’intimée qui ait tenté d’effectuer une vaste recherche des ISE susceptibles d’être potentiellement pertinentes relativement à la plainte. Comme je l’ai fait observer plus haut, une telle recherche n’a pas été effectuée avant le mois de février 2024.

[97] Lorsque, à la reprise de l’instruction de la requête, le 27 août 2024, le Tribunal a fait part de plusieurs réserves concernant la préparation et le contenu des affidavits, l’avocat de l’intimée a convenu que les efforts de recherche de l’intimée n’avaient pas été suffisants. L’intimée a alors proposé d’effectuer une recherche plus poussée.

[98] L’intimée aurait dû, avant la reprise de l’instruction, informer les autres parties et le Tribunal qu’elle était prête à effectuer une recherche plus poussée. D’après les éléments qu’elle a déposés en vue de la reprise de l’instruction de la requête, elle avait probablement l’intention d’adopter une position différente.

[99] À vrai dire, il n’est pas nécessaire que le Tribunal décide si, dans ses efforts de recherche déployés à ce jour, l’intimée a fait « de son mieux » pour respecter son engagement et les directives du Tribunal ou, plus généralement, si elle a satisfait à la norme de la « diligence raisonnable » en ce qui concerne la communication de documents, car elle a convenu que davantage d’efforts de recherche étaient requis. Toutefois, le Tribunal rendra ici une ordonnance enjoignant l’intimée à faire de son mieux pour communiquer à la plaignante les documents qu’elle s’est engagée à lui communiquer. Les efforts déployés pour communiquer les documents électroniques doivent comprendre une recherche à la fois proportionnée et efficace des ISE potentiellement pertinentes.

[100] L’avocat de l’intimée a indiqué que l’intimée essayait de trouver une personne possédant l’expertise nécessaire pour l’aider dans sa recherche d’ISE. Toutefois, le 27 août 2024, l’intimée n’avait pas encore trouvé une telle personne. Le Tribunal ne dispose d’aucun renseignement indiquant qu’un responsable des technologies de l’information de l’intimée possédant l’expertise requise et une connaissance de ses ISE aurait été consulté à propos de la recherche antérieure de février 2024 ou relativement à la requête. Comme je l’ai fait observer ci-dessus, l’avocat de l’intimée a demandé à ce que l’intimée soit autorisée à procéder à une recherche unilatérale d’ISE, sans obligation de consulter les autres parties et sans supervision continue du Tribunal.

[101] La demande de l’intimée visant à pouvoir procéder à une recherche des ISE sans la participation des autres parties et sans supervision du Tribunal est rejetée. L’intimée a eu l’occasion de procéder à une recherche appropriée des ISE depuis le dépôt de la plainte. Elle a plutôt différé la prise de mesures qui lui permettraient de communiquer les ISE, et a omis d’agir en ce sens avant de déposer son exposé des précisions. Elle a continué à différer la prise de mesures même si la question de la communication a été discutée au cours des conférences de gestion préparatoires, et même après s’être engagée à communiquer les documents et que le Tribunal lui eut ordonné de le faire promptement, en mai 2023. La recherche des ISE effectuée par M. Faries sur les sites de stockage au début de l’année 2024 devra être refaite.

[102] Durant l’audition de la présente requête, l’intimée n’a pas répondu aux questions de la plaignante concernant la recherche qu’elle avait effectuée. Elle a assisté à la reprise de l’audition de la requête sans confirmer à la plaignante si les courriels avaient été inclus dans la recherche effectuée sur les sites par M. Faries. Elle n’a pas communiqué ses politiques internes en matière de gestion des documents demandées par la plaignante. L’intimée n’a pas non plus répondu aux questions de la plaignante sur ce qu’il advient des documents (pour ce qui est du transfert des dossiers et de l’accessibilité) lorsqu’un employé quitte son poste et qu’un nouvel employé prend la relève, comme cela s’est produit dans la présente affaire. Le Tribunal continuera d’exercer une supervision pour des raisons importantes, notamment celle de s’assurer que l’intimée informe adéquatement la plaignante, qui n’est pas représentée, de ses efforts de recherche.

[103] L’intimée s’est conformée seulement à certaines des ordonnances et des directives énoncées dans la première ordonnance provisoire et dans la lettre de directives du Tribunal. L’inobservation d’exigences est une autre importante raison qui justifie que le Tribunal continue à superviser les efforts de recherche d’une partie.

[104] Le Tribunal rendra ici des ordonnances procédurales supplémentaires afin d’établir un cadre procédural favorisant l’efficacité de la recherche de l’intimée. Ainsi, l’intimée devra : 1) informer au préalable les autres parties de ses efforts supplémentaires de recherche d’ISE afin de leur permettre de relever les éventuels problèmes avant la reprise de cette recherche; 2) proposer un plan de ses efforts de recherche d’ISE qui sera, si possible, accepté par les autres parties; 3) soumettre le plan proposé au Tribunal pour approbation, après avoir vérifié si les parties peuvent parvenir à un accord.

[105] Au paragraphe 27 de la première décision provisoire, le Tribunal a affirmé qu’il ferait de son mieux pour s’assurer que l’intimée, dans les circonstances, a effectué une recherche convenable dans ses documents, tant ceux sous format papier que ceux sous forme électronique. Il exige maintenant que le plan proposé sur lequel les parties se seront entendues lui soit soumis pour approbation aux fins de sa supervision et de l’exercice de son pouvoir discrétionnaire concernant sa procédure en matière de communication. La plaignante n’aura probablement pas accès à un expert en informatique et ne peut déterminer pleinement quels sont les sites où sont stockées les ISE de l’intimée. Si le plan proposé est inefficace, le délai risque de se prolonger encore davantage. Le Tribunal a l’intention de faire de son mieux pour que la présente requête soit réglée sans que de nouvelles questions soient soulevées et sans qu’il soit nécessaire de rendre d’autres décisions provisoires. L’approbation du plan proposé est un pas dans cette direction.

[106] Le Tribunal approuvera le plan proposé, pourvu qu’il lui semble efficace et proportionné. Si les parties ne s’accordent pas à propos de ce plan, le Tribunal entendra celles-ci, puis décidera du contenu du plan avant qu’une nouvelle recherche ne soit effectuée.

[107] L’ordonnance procédurale provisoire énoncée ci-dessous impose les exigences de base relatives au plan proposé, que l’intimée élaborera et à propos duquel elle consultera les autres parties.

[108] La deuxième ordonnance procédurale provisoire ci-dessous est sujette à réexamen par toute partie qui en ferait la demande. Une telle demande doit parvenir au Tribunal dans les dix jours suivant la réception de la deuxième décision provisoire, et être accompagnée d’observations et de tout élément de preuve à l’appui. Des dates seront fixées pour le dépôt des réponses, s’il y a lieu.

IX. Absence de mesure de préservation de la preuve en cas de litige

[109] Se pose une autre question de procédure susceptible de compliquer la communication des documents potentiellement pertinents de l’intimée relativement à la présente plainte, à savoir que l’intimée, après avoir été informée de la plainte, n’a apparemment pas pris de mesure de préservation de la preuve, dont les ISE, en cas de litige. L’avocat de l’intimée a informé le Tribunal qu’il n’était pas encore en mesure d’indiquer quels efforts l’intimée avait déployés pour préserver la preuve en cas de litige en vue de préserver les documents papier et les ISE. En raison de l’incertitude en ce qui concerne cette question, l’avocat a dit croire qu’aucune mesure de préservation de la preuve en cas de litige n’avait été prise. Comme je l’ai expliqué plus haut, les parties sont tenues d’examiner s’il y a lieu de prendre une telle mesure. Lorsqu’il existe des éléments de preuve documentaire pertinents dans le cadre d’une instance en justice, une mesure de préservation de la preuve en cas de litige doit être prise afin de les relever et de les préserver.

[110] L’intimée aurait dû confirmer, avant la reprise de l’audition de la requête, qu’elle croyait qu’une telle mesure pouvait ne pas avoir été prise. Une telle confirmation aurait donné aux autres parties l’occasion d’examiner les questions soulevées par cette situation du point de vue de la présente requête et de l’instance dans son ensemble, et ainsi, elles auraient pu se préparer en conséquence pour la reprise de l’audition de la requête.

[111] En outre, comme je l’ai expliqué plus haut, l’intimée a manqué de réactivité et de transparence à propos de ses efforts de recherche dans le cadre de la présente requête, notamment en ne fournissant pas à la plaignante des copies de ses politiques internes relatives à la conservation des documents, en dépit du fait que la plaignante en avait fait la demande.

[112] De plus, avant la reprise de l’audition de la requête, la plaignante a posé une série de questions à l’intimée :

[traduction]

Je demande que Postes Canada communique sa politique officielle en matière de traitement des courriels et des fichiers après le départ d’un employé de bureau.

a) Existe-t-il une procédure de transfert des documents au nouvel employé qui remplace celui qui est parti?

b) Qui a accès aux fichiers et aux courriels parmi les employés qui en ont remplacé d’autres ou qui ont hérité de dossiers?

c) Quel est le nom du système de courriel de Postes Canada?

d) Est-ce que Postes Canada archive les courriels en vue de les conserver à long terme?

e) Les dossiers de courriels destinés au stockage à long terme ont-ils fait l’objet d’une recherche?

g) Les dossiers de courriels ont-ils fait l’objet d’une quelconque recherche?

h) Quelle est la politique de conservation des courriels et des dossiers de Postes Canada?

i) Pourquoi est-ce que le système de courriel n’est pas mentionné dans l’affidavit parmi les éléments qui ont fait l’objet d’une recherche?

Isight

Sodeles

SharePoint

Il est mentionné que ces bases de données ont fait l’objet d’une recherche, mais elles servent à conserver des fichiers, et non des courriels.

Bien que j’aie demandé les courriels pour plusieurs choses, il n’y a aucune mention de la base de données utilisée aux fins de la recherche de courriels.

[113] Ces questions sont pertinentes et raisonnables dans les circonstances. Le Tribunal ordonne à l’intimée de répondre aux questions de la plaignante.

[114] L’intimée devra faire de son mieux pour déterminer ce qu’il est advenu de tout élément de preuve documentaire dont on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’il ait été créé dans le cours normal de ses activités, ou dont l’existence est connue, mais qui n’a pas été produit dans le cadre de la présente instance. L’objectif est soit de trouver et communiquer les ISE et les documents papier aux autres parties, soit de déterminer ce qu’il est advenu des documents. Si des documents potentiellement pertinents ont été perdus ou détruits, en particulier des documents qui constitueraient probablement des éléments de preuve pertinents dans le cadre de l’audience, les autres parties ont le droit d’en être informées et d’avoir l’occasion d’examiner toutes les questions que peuvent soulever la perte ou la destruction d’éventuels éléments de preuve.

X. Sources de renseignements sur les ISE

[115] Il est important que toutes les parties aient l’occasion de participer à l’examen des questions soulevées par la requête en étant en quelque sorte sur un pied d’égalité, et en sachant à l’avance où trouver des renseignements sur les questions de procédure qui se posent parfois en relation avec les ISE, et comment ces questions peuvent être traitées et réglées. Le Tribunal fournit aux parties une copie des Principes de Sedona afin qu’elles disposent de renseignements généraux sur ce sujet. Dans l’intervalle, les principes de Sedona fondamentaux peuvent être consultés en annexe à la présente décision.

[116] Les tribunaux civils canadiens disposent généralement de règles de procédure civile sur le sujet qui peuvent également être consultées à titre informatif (voir, p. ex., les dispositions de la règle 29.1 des Règles de procédure civile de l’Ontario concernant les plans d’enquête préalable, qui traitent notamment de l’administration de la preuve électronique). En règle générale, les règles de procédure civile appliquées par les tribunaux prévoient une procédure de communication raisonnable et proportionnée des ISE ainsi qu’un moyen de régler les différends concernant les ISE à communiquer et les efforts de recherche à déployer pour que la communication soit complète.

[117] Les parties pourraient également vouloir examiner la jurisprudence accessible sur CanLII concernant 1) la communication des ISE, 2) les efforts raisonnables et proportionnés de recherche des ISE et 3) la préservation de la preuve en cas de litige dans les instances judiciaires ainsi que, s’il y a lieu, la jurisprudence sur la perte ou la destruction d’éléments de preuve documentaire.

XI. Le pouvoir discrétionnaire du Tribunal en matière de procédure

[118] Les principes de Sedona et les règles de procédure civile au Canada sur ce sujet ne lient pas le Tribunal. Ils sont suggérés en tant que matériel informatif général sur ce sujet. Ils peuvent donner aux parties une meilleure idée des types de questions qu’il est pertinent d’examiner. Comme je l’ai indiqué plus haut, le Tribunal tire du paragraphe 50(3) de la LCDP son pouvoir discrétionnaire à l’égard des questions de procédure — pouvoir par ailleurs confirmé par le paragraphe 26(3) des Règles —, et il déterminera sa propre marche à suivre procédurale en ce qui concerne la présente plainte.

XII. La nécessité d’une utilisation proportionnée des ressources du Tribunal

[119] Plus de temps que ce qui était requis a été consacré à la requête. L’intimée a d’abord soutenu qu’elle avait convenablement communiqué les documents, alors que tel n’était pas le cas, ce qui a rendu nécessaires la première décision provisoire et la lettre de directives du Tribunal. Elle n’a que partiellement respecté les ordonnances et les directives, et elle n’a pas répondu aux demandes raisonnables de la plaignante, ce qui a mené à la présente deuxième décision provisoire lui ordonnant de proposer un plan concernant ses efforts de recherche, plan qu’elle fera examiner par les autres parties. Comme je l’ai expliqué plus haut, l’intimée aurait dû s’entretenir avec les autres parties au sujet de ses efforts de recherche de documents potentiellement pertinents.

[120] Il est inévitable qu’il s’écoule un certain délai avant la publication des motifs écrits de la décision définitive sur la présente requête, en raison des questions de procédure supplémentaires soulevées à ce jour et des autres questions qu’il pourrait y avoir à régler avant que la requête puisse être entièrement tranchée. Toutefois, le Tribunal a l’intention de veiller à ce que l’instance progresse entre-temps et à ce que les parties se conforment à ses ordonnances et à ses directives.

XIII. La deuxième ordonnance provisoire

[121] Le Tribunal rend une deuxième ordonnance provisoire contenant diverses dispositions. Certaines d’entre elles prévoient des dates d’exécution à respecter, alors que, dans d’autres cas, aucune date n’est encore fixée. Le Tribunal fixera des dates supplémentaires pour le dépôt de documents en temps voulu, et en collaboration avec les parties, dans le cadre du processus de gestion de l’instance.

[122] La deuxième ordonnance provisoire est la suivante :

  1. L’intimée est tenue de faire de son mieux pour produire les documents que la plaignante a demandés dans sa lettre du 30 novembre 2024, et que l’intimée s’est engagée à fournir. À cette fin, l’intimée doit indiquer où sont stockés les documents potentiellement pertinents afin qu’il soit possible de les communiquer, et effectuer une recherche raisonnable, efficace et proportionnée des ISE potentiellement pertinentes sur les sites de stockage d’ISE. Elle doit également obtenir des renseignements auprès des employés qui ont une connaissance directe des événements liés à la plainte et du contenu des sites utilisés pour le stockage des documents et des ISE.
  2. L’intimée doit communiquer tous les documents relatifs à ses pratiques et à ses politiques en matière d’accès, de transfert, de conservation, de stockage et de destruction des documents, fichiers et ISE qui étaient en vigueur au cours de la période visée par la plainte, et indiquer quelle était, à sa connaissance, la période pertinente concernant chaque politique ou pratique. À cette fin, elle devra entre autres faire de son mieux pour répondre aux questions que la plaignante a posées dans sa réponse écrite aux affidavits de M. Faries et de Mme Graham du 23 août 2024. Le document contenant les réponses doit être déposé au plus tard le 8 novembre 2024.
  3. L’intimée doit confirmer par écrit si une mesure de préservation de la preuve en cas de litige a été prise et, le cas échéant, indiquer la nature et la portée de cette mesure, puis déposer le document contenant ces renseignements au plus tard le 8 novembre 2024.
  4. L’intimée doit faire de son mieux pour effectuer son enquête et se renseigner sur ses efforts de recherche antérieurs. Elle doit déposer une preuve par affidavit concernant ses efforts supplémentaires déployés dans le passé pour communiquer les documents relatifs à la présente plainte. Si possible, elle doit confirmer que ses efforts de recherche antérieurs se limitent à ceux décrits dans les affidavits de M. Faries et de Mme Graham. Si des efforts supplémentaires ont été déployés, ils doivent être décrits, et l’intimée doit indiquer au Tribunal si les documents obtenus ce faisant ont été communiqués dans le cadre de la présente instance et, sinon, les communiquer au plus tard le 8 novembre 2024.
  5. Les exposés des précisions déposés par les parties auprès du Tribunal identifient divers employés de l’intimée qui auraient été impliqués dans les événements visés par la présente plainte (et, potentiellement, par une plainte pour représailles, si la plaignante est autorisée à modifier la présente plainte, une question qui est examinée séparément). L’intimée doit fournir aux autres parties et au Tribunal une liste de ses employés potentiellement concernés nommés dans tous les exposés des précisions des parties ainsi qu’une liste des noms de tous les représentants connus des tierces parties (CSPAAT, Canada-Vie, Morneau Shepell) qui sont concernés. L’intimée doit indiquer la nature de la participation de chacun de ses employés et la période de leur participation pertinente relativement à la plainte. L’objectif est d’identifier les employés qui seraient potentiellement inclus ou exclus en tant que détenteurs de documents dans le cadre de la recherche de documents et d’ISE. L’intimée doit déposer cette liste au plus tard le 8 novembre 2024.
  6. Dès que la liste des détenteurs potentiels de documents employés par l’intimée aura été déposée, la plaignante et la Commission devront informer le Tribunal de toute omission importante.
  7. L’intimée doit indiquer sur quels serveurs ou autres sites les renseignements électroniques ont été stockés entre 2012 et 2021, dont ceux qui pourraient contenir les courriels potentiellement pertinents parmi ceux échangés entre les employés de l’intimée et ceux envoyés ou reçus par l’intimée ou par les tierces parties concernées (CSPAAT, Canada Vie, Morneau Shepell) ainsi que les documents et fichiers électroniques potentiellement pertinents. L’objet des sites de stockage, leur contenu et les dates des ISE qu’ils contiennent doivent être indiqués. À cette fin, l’intimée doit faire des démarches raisonnables pour se renseigner auprès de son personnel de soutien informatique et obtenir des renseignements auprès des détenteurs de documents et des témoins concernés, y compris, si possible, les anciens employés dont il est raisonnable de penser qu’ils détiennent ou ont détenu des documents, afin de vérifier si les documents et dossiers électroniques en leur possession, dont les courriels, sont ou ont été stockés sur des ordinateurs, des serveurs ou des sites de stockage autres que ceux indiqués dans l’affidavit de M. Faries. L’objectif est de fournir des renseignements généraux pertinents facilitant la sélection des sites les plus susceptibles d’être pertinents pour la recherche d’ISE. L’intimée doit fournir ces renseignements aux parties et au Tribunal au plus tard le 12 décembre 2024.
  8. L’intimée doit déposer une preuve par affidavit indiquant tout effort de recherche supplémentaire qu’elle déploie pour se conformer à la présente ordonnance.
  9. L’intimée doit déposer une preuve par affidavit indiquant tout document potentiellement pertinent dont elle a constaté qu’il existait auparavant et qu’il avait été perdu ou détruit, décrire les circonstances de la perte ou de la destruction et fournir les raisons de la perte ou de la destruction.
  10. L’intimée a informé le Tribunal de son intention de trouver une personne dûment qualifiée pour effectuer la recherche (la « personne qualifiée »). Elle doit communiquer le nom, les qualifications, les compétences et l’expérience de cette personne aux autres parties au plus tard le 8 novembre 2024.
  11. L’intimée doit préparer le plan proposé visant à repérer et à obtenir les ISE potentiellement pertinentes, dont les fichiers, les documents et les courriels. Dans ce plan, elle doit nommer les détenteurs de documents et les témoins potentiels auprès desquels elle propose d’effectuer la recherche, mais aussi les sites de stockage où elle propose de faire sa recherche, les termes de recherche qu’elle propose d’utiliser pour chaque catégorie de documents demandés par la plaignante et les dates pertinentes. Elle doit inclure dans le plan proposé les mesures qu’elle et, le cas échéant, la personne qualifiée ont l’intention de prendre aux fins de la recherche, et indiquer ses premiers résultats de recherche pour ensuite les restreindre à ceux potentiellement pertinents. Elle doit faire connaître au Tribunal le logiciel utilisé, le cas échéant, pour faciliter les recherches. Le plan proposé doit comprendre la suppression des doublons et de tout document non pertinent obtenu au cours de la recherche, ainsi que l’indication de tout contenu protégé. Le plan proposé doit comprendre les dates proposées pour les mesures pertinentes à prendre.
  12. Les parties doivent faire des efforts de bonne foi pour se mettre d’accord sur les recherches qui devraient faire partie du plan proposé afin de répondre à la demande de communication de la plaignante en fonction de la liste de témoins potentiels, des sites de stockage électronique et des termes de recherche les plus susceptibles de donner des résultats pertinents, ainsi que pour s’entendre sur un délai raisonnable de mise en œuvre du plan proposé.
  13. Une copie du plan proposé ou d’un autre plan sur lequel se seront entendues les parties doit être déposée auprès du Tribunal, accompagnée d’une explication des positions des parties.
  14. Si les parties sont en désaccord au sujet du plan proposé et qu’elles ne parviennent pas à régler leur désaccord, le Tribunal prendra des dispositions pour les entendre. Si besoin est, le Tribunal imposera des limites raisonnables à la recherche de documents afin qu’elle soit plus efficace et plus proportionnée.
  15. Si un délai fixé pour la mise en œuvre d’une étape procédurale dans la présente ordonnance pose problème, les parties doivent en informer le Tribunal dans les cinq jours suivant la présente ordonnance.
  16. Si l’une ou l’autre des parties souhaite demander un réexamen de la présente ordonnance, elle doit le faire et présenter ses observations et sa preuve par affidavit à l’appui, s’il y a lieu, dans les dix jours suivant la présente ordonnance.
  17. L’audition de la requête restera ajournée et aucune date de reprise ne sera fixée jusqu’à ce que le Tribunal donne d’autres directives.

Signée par

Kathryn A. Raymond, c.r.

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 11 octobre 2024

 


Annexe à la deuxième décision provisoire

The Sedona Conference, Les Principes de Sedona Canada concernant l’administration de la preuve électronique, troisième édition, 23e conf. de Sedona J. 981

Principe 1 : Les informations sur support électronique sont soumises aux règles d’administration de la preuve.

Principe 2 : Dans toute instance, les étapes suivies dans le cadre de l’administration de la preuve doivent être proportionnelles, eu égard aux éléments suivants : i) la nature et l’importante du litige; ii) l’importance et la complexité des questions en litige, des intérêts et des montants en jeu; iii) la pertinence des ISE disponibles; iv) l’incidence des ISE sur le processus décisionnel du tribunal dans chaque instance; et v) les coûts, le fardeau et les délais que la communication des ISE pourrait imposer aux parties.

Principe 3 : Dès qu’on anticipe un litige ou une enquête, les parties doivent envisager leur obligation de prendre de bonne foi des mesures raisonnables pour préserver les informations sur support électronique potentiellement pertinentes.

Principe 4 : Les avocats et les parties doivent collaborer à l’élaboration d’un plan conjoint visant le traitement de tous les aspects de l’administration de la preuve; ils doivent maintenir cette collaboration tout au long du processus de l’administration de la preuve, notamment aux fins de l’identification, de la préservation, de la collecte, du traitement, de l’examen et de la communication des informations sur support électronique.

Principe 5 : Les parties devraient être prêtes à communiquer toutes les informations sur support électronique pertinentes et raisonnablement accessibles eu égard aux coûts et au fardeau.

Principe 6 : Une partie ne devrait pas être contrainte de chercher et de recueillir des informations sur support électronique résiduelles ou supprimées dans le cours normal des affaires ou dans le cadre d’une structure raisonnable de gouvernance de l’information à moins d’une entente entre les parties ou d’une ordonnance du tribunal démontrant le besoin et la pertinence de ces informations.

Principe 7 : Une partie peut utiliser des outils et des processus électroniques pour remplir ses obligations relatives à la communication des documents.

Principe 8 : Les parties devraient s’entendre dès que possible dans le cadre d’un litige sur la portée, le format et l’organisation des informations qui seront échangées.

Principe 9 : Dans le cadre du processus d’administration de la preuve, les parties devraient s’entendre ou obtenir une ordonnance du tribunal si nécessaire, afin que des mesures soient prises pour protéger les informations privilégiées, les renseignements personnels, les secrets commerciaux et les autres informations confidentielles liés à la communication d’informations sur support électronique.

Principe 10 : Dans le cadre du processus d’administration de la preuve, les parties devraient respecter les règles du forum ou de la juridiction dans lequel ou laquelle se déroule le litige, en tenant compte de l’incidence que toute décision pourrait avoir sur des dossiers connexes se déroulant dans d’autres forums ou juridictions.

Principe 11 : Des sanctions peuvent être justifiées lorsqu’une partie subit un préjudice sérieux du fait qu’une autre partie ne respecte pas ses obligations d’administration de la preuve relatives aux informations sur support électronique.

Principe 12 : Les coûts raisonnables liés à toutes les phases d’administration des informations sur support électronique devraient en général être assumés par la partie qui communique les informations. Dans de rares cas, il peut s’avérer approprié que les parties s’entendent sur une répartition différente des coûts à titre provisoire, ou obtiennent une ordonnance du tribunal à cet effet.


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier du Tribunal : T2713/8921

Intitulé de la cause : Sandra Heddle c. Société canadienne des postes

Date de la deuxième décision provisoire du Tribunal : 11 octobre 2024

Observations orales et écrites par :

Sandra Heddle, pour son propre compte

Christine Singh , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Joseph Cohen-Lyons, pour l’intimé e

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