Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 88

Date : Le 25 juin 2024

Numéro du dossier : HR-DP-2871-22

Entre :

Varun Kapoor

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

LTL Transport Ltd. et Robert McDougall

les intimés

Décision sur requête

Membre : Colleen Harrington



I. Contexte

[1] Varun Kapoor (le « plaignant ») a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») le 15 avril 2019. Il y prétend que son ancien employeur, LTL Transport Ltd. (l’« intimée »), a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa race, de sa couleur et de son origine nationale ou ethnique, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « LCDP »).

[2] M. Kapoor est un citoyen canadien d’origine indienne qui a immigré au Canada en 2006. En tant qu’entrepreneur indépendant (c’est-à-dire propriétaire exploitant), il a travaillé comme camionneur pour l’entreprise de camionnage LTL Transport Ltd. d’octobre 2017 à décembre 2018. M. Robert (Bob) McDougall est le propriétaire de cette entreprise. M. Kapoor affirme qu’après qu’il eut travaillé pour lui pendant quelques mois, McDougall avait commencé à retarder ses paiements. Lorsqu’il lui avait posé des questions à propos des honoraires contractuels qui lui étaient dus, M. McDougall s’était fâché et avait commencé à s’adresser à lui dans un langage offensant, raciste et discriminatoire. M. Kapoor a précisé que M. McDougall avait utilisé un tel langage à son endroit non seulement verbalement, mais aussi dans des courriels et des messages textes. Il a ajouté que la violence verbale de M. McDougall lui avait fait vivre un stress énorme et que, puisqu’il n’avait pas été payé depuis la mi-novembre 2018, il avait mis fin à sa relation de travail avec LTL Transport Ltd. en décembre 2018. De plus, M. McDougall aurait continué à retenir les honoraires contractuels qu’il lui devait et à lui tenir des propos offensants, racistes et discriminatoires.

[3] La Commission a enquêté sur la plainte de M. Kapoor contre LTL Transport Ltd., puis l’a renvoyée au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») pour instruction. Bien que M. McDougall ait déposé un exposé des précisions ainsi que deux répliques établissant la défense de LTL Transport Ltd. à l’encontre de la plainte de M. Kapoor, il a par la suite cessé de participer à l’instance et de répondre aux communications du Tribunal.

[4] À l’occasion d’une conférence de gestion préparatoire tenue le 8 mai 2024, le Tribunal a informé les parties que, lors d’un appel téléphonique avec l’agent du greffe du Tribunal, le 25 avril 2024, M. McDougall avait mentionné avoir des problèmes de santé. Afin d’aider M. McDougall à décider comment il souhaitait que l’instruction de la plainte se déroule, le Tribunal lui avait envoyé, le 26 avril 2024, un courriel dans lequel il lui offrait les cinq options suivantes : demander une suspension de l’instance avec l’appui d’un professionnel de la santé; retenir les services d’un avocat pour le seconder; retenter la médiation; participer à une conférence de gestion préparatoire avec les parties; et demander au Tribunal de faire progresser le dossier jusqu’à l’audience en procédant principalement par courriel pour résoudre les questions liées à la gestion de l’instance. M. McDougall n’a pas répondu à ce courriel comme le lui avait demandé le Tribunal, et n’a pas assisté à la conférence de gestion préparatoire du 8 mai 2024, même s’il avait reçu les renseignements requis à cette fin. Le Tribunal n’a reçu aucune autre communication de la part de M. McDougall ou de quiconque au nom de LTL Transport Ltd.

[5] Le Tribunal a continué de faire progresser l’instruction de la plainte de façon expéditive et équitable, tout en garantissant à toutes les parties l’équité procédurale, comme l’exigent les paragraphes 48.9 (1) et 50 (1) de la LCDP. Il continue également de communiquer avec M. McDougall, par courriel et par courrier recommandé, pour l’inviter à participer à l’instance.

[6] Lors de la conférence de gestion préparatoire du 8 mai 2024, M. Kapoor a demandé l’adjonction de M. McDougall en tant qu’intimé au même titre que LTL Transport Ltd. Le Tribunal a fixé des délais relativement à cette requête, délais dont il a informé M. McDougall. M. Kapoor a déposé sa requête par écrit, et la Commission a présenté des observations à l’appui de celle-ci. M. McDougall, quant à lui, n’a pas répondu à la requête.

II. Décision

[7] Au cours d’une conférence de gestion préparatoire tenue le 10 juin 2024, j’ai avisé M. Kapoor et l’avocat de la Commission que j’avais examiné leurs observations et que j’acceptais d’ajouter M. McDougall en tant qu’intimé dans la présente affaire. Je les ai informés que les motifs écrits de ma décision suivraient. Bien que l’heure, la date et les renseignements requis pour se connecter à Zoom lui aient été fournis, M. McDougall n’a pas assisté à cette conférence.

[8] La présente décision sur requête énonce les motifs pour lesquels j’ai fait droit à la demande de M. Kapoor visant l’adjonction de M. McDougall à titre d’intimé.

III. Question en litige

[9] Il y a une seule question à trancher en l’espèce : le Tribunal devrait-il ajouter Robert McDougall comme intimé dans la présente plainte?

IV. Cadre juridique

[10] Il ne fait aucun doute que le Tribunal a le pouvoir d’ajouter des parties à une plainte dont il est saisi. Comme le prévoit l’article 29 des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles de pratique (2021) ») :

La partie désirant qu’une personne obtienne la qualité de partie à l’instruction signifie et dépose un avis de requête visant à obtenir une ordonnance à cet égard, après l’avoir signifié à la partie éventuelle. Cette dernière peut présenter des observations au sujet de la requête.

[11] Généralement, lorsqu’il est saisi d’une demande d’adjonction d’une partie, le Tribunal examinera les facteurs suivants :

1) La présence de la nouvelle partie est-elle nécessaire pour disposer de la plainte?

2) Était-il raisonnablement prévisible, lors du dépôt de la plainte auprès de la Commission, que l’adjonction d’un nouvel intimé serait nécessaire pour disposer de la plainte?

3) L’adjonction d’une nouvelle partie causera-t-elle un préjudice grave à la partie adverse?

(Syndicat des employés d’exécution de Québec-téléphone section locale 5044 du SCFP c. Telus communications (Québec) inc., 2003 TCDP 31, aux par. 30 et 36; Coupal et Milinkovich c. Agence des services frontaliers du Canada, 2008 TCDP 24, au par. 9; Harrison c. Première Nation de Curve Lake, 2018 TCDP 7, aux par. 25 et 26; E.F. c. Service correctionnel Canada, 2023 TCDP 31 [E.F.], au par. 16).

[12] Le Tribunal convient que ces trois facteurs ne se veulent pas nécessairement exhaustifs ou restrictifs (E.F., au par. 17; Tesha Peters c. United Parcel Service Canada Ltd. et Linden Gordon, 2019 TCDP 15 [Peters], au par. 44). En effet, en fonction des faits qui lui sont présentés, le Tribunal peut examiner d’autres facteurs pour décider s’il y a lieu ou non d’ajouter une partie. Cependant, il doit toujours garder à l’esprit que l’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive, en prenant soin de ne pas agir de façon inéquitable à l’égard des parties et de ne leur causer aucun préjudice indu (Peters, au par. 34; LCDP, au par. 48.9 (1)).

[13] L’une des principales préoccupations du Tribunal, lorsqu’il est saisi d’une requête pour adjonction d’une partie, concerne la possible perte des garanties procédurales inhérentes à la fonction d’examen préalable de la Commission (Peters, au par. 63). Il s’assure donc « de tenir compte des divers risques et préjudices qui peuvent en découler et de soupeser les divers facteurs » (E.F., au par. 15, renvoyant à Peters, aux par. 39 et 40). Le Tribunal a déjà statué que ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’il devrait pouvoir ajouter une partie à une plainte n’ayant pas fait l’objet du processus d’examen préalable de la Commission (Première Nation des Mississaugas de Credit c. Procureur général du Canada, 2021 TCDP 31, au par. 40).

V. Position des parties

[14] M. Kapoor demande au Tribunal d’ajouter Robert (Bob) McDougall à titre d’intimé parce que celui-ci est l’unique propriétaire et exploitant de LTL Transport Ltd. Il rappelle que, dans sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, il a déclaré que M. McDougall avait [traduction] « participé directement aux faits en litige et qu’il [l’avait] agressé verbalement par courriel et par messages textes ». M. Kapoor affirme que M. McDougall « s’est servi de [s]a race, de [s]on origine nationale ou ethnique et de [s]a couleur pour s’en prendre à [lui] ».

[15] M. Kapoor fait valoir qu’il est nécessaire d’ajouter M. McDougall comme intimé dans sa plainte, car l’entreprise LTL Transport Ltd. n’existe peut-être plus, et M. McDougall risque de nier toute association avec elle.

[16] Dans ses observations, la Commission indique consentir à l’adjonction de M. McDougall en tant qu’intimé et appuyer la requête de M. Kapoor.

[17] La Commission soutient également que la participation de M. McDougall en tant qu’intimé est nécessaire pour que le Tribunal puisse trancher efficacement la plainte. Elle souligne que la plainte a bien été déposée contre LTL Transport Ltd, mais que tout l’exposé des faits entourant la plainte, y compris l’ensemble des allégations, vise M. McDougall, le propriétaire de l’entreprise.

[18] La Commission mentionne que, pendant le processus d’enquête, M. McDougall avait agi comme représentant de LTL Transport, et que, même s’il n’avait pas fourni de réponse détaillée à la plainte déposée devant elle, M. McDougall lui avait envoyé, le 10 décembre 2019, une lettre dans laquelle il déclarait :

[traduction]

Au sujet de votre lettre datée du 29 novembre 2019, j’y ai répondu, et, après avoir examiné ma demande, les Droits de la personne ont conclu que Varun Kapoor n’avait pas dit toute la vérité et qu’aucune de ses allégations contre moi ou LTL Transport Ltd. n’était fondée.

[19] M. McDougall concluait cette lettre du 10 décembre 2019 comme suit : « veuillez examiner le dossier et prendre note que c’est terminé », puis il apposait sa signature et la date.

[20] La Commission ajoute que, le même jour, M. McDougall a laissé le message vocal suivant au destinataire de sa lettre du 10 décembre 2019 :

[traduction]

[...] c’est Bob McDougall, dossier numéro 20190681. Cette affaire est réglée. J’ai reçu une lettre il y a environ six semaines m’informant que les allégations de Varun étaient infondées et inexactes. Hum, si j’entends encore parler de vous, je vous poursuivrai pour harcèlement. Comme je l’ai dit, ce dossier est clos. [Transcription du registre des appels fournie par la Commission].

[21] Après le renvoi de la plainte au Tribunal, le 26 août 2022, M. McDougall a envoyé au conseiller juridique de la Commission chargé du dossier un courriel daté du 25 octobre 2022 dans lequel il déclare :

[traduction]

[...] il n’y a plus de LTL TRANSPORT LTD, l’entreprise a fermé ses portes il y a quelques années. LTL TRANSPORT LTD a payé à Varun Kapoor tout ce qu’elle lui devait. Varun Kapoor est l’une des raisons pour lesquelles LTL TRANSPORT LTD a dû fermer ses portes, à cause de toutes ses infractions au Code de la route qu’il nous a cachées. Dans l’entente ou le contrat signé entre les deux parties, il était clairement indiqué que toute infraction devait être signalée à LTL TRANSPORT LTD dans les 24 heures suivant l’avis de contravention.

PUISQU’IL N’Y A PLUS DE LTL TRANSPORT LTD, JE NE SAIS VRAIMENT PAS CE QUE QUICONQUE PEUT FAIRE POUR QUI QUE CE SOIT, FERMÉE, ZÉRO ACTIF. [en majuscules dans l’original]

[22] La Commission affirme que le statut de LTL Transport Ltd. n’est pas clair et qu’elle ne sait pas avec certitude si l’entreprise est actuellement en activité. Selon elle, si M. McDougall, en sa qualité de propriétaire de l’entreprise intimée et de personne distincte de LTL Transport Ltd, a bel et bien fermé l’entreprise, la seule option viable qu’il reste à M. Kapoor pour voir sa plainte instruite est de la déposer contre M. McDougall.

[23] De plus, la Commission fait valoir que lors du dépôt de la plainte, il n’était pas raisonnablement prévisible que l’adjonction de M. McDougall en tant qu’intimé serait nécessaire pour la trancher. Elle dit que la plainte avait déjà été renvoyée au Tribunal lorsqu’elle avait appris que l’entreprise intimée n’était plus en activité.

[24] La Commission affirme que, si M. McDougall était ajouté comme partie à ce stade-ci du processus, il ne subirait aucun préjudice. À titre de propriétaire de LTL Transport Ltd, M. McDougall a été informé de la plainte, y compris des allégations le visant personnellement, et, pendant l’enquête, il a présenté à la Commission des observations niant ces allégations. La Commission soutient que la situation en l’espèce n’est pas similaire à celle dont il était question dans l’affaire Guay c. Canada (Gendarmerie royale), 2004 TCDP 34, dans la mesure où M. McDougall n’a pas été privé « de la possibilité de faire valoir certains moyens de défense devant la Commission en vertu des articles 41 et 44 de la Loi » (au par. 26).

[25] Enfin, la Commission estime que le refus de faire droit à la requête pourrait « priv[er] l[e] plaignan[t] d’une possibilité réelle d’obtenir un redressement » si la plainte était jugée fondée et que l’entreprise LTL Transport Ltd. était effectivement fermée (voir Peters, au par. 87). Elle ajoute que l’adjonction de M. McDougall en tant qu’intimé pourrait éviter une issue sans conséquence, au terme de laquelle le Tribunal rendrait une décision potentiellement non exécutoire, advenant que LTL Transport Ltd. n’existe plus.

VI. Analyse

[26] Dans mon analyse visant à déterminer si M. McDougall doit être ajouté comme partie à la présente instance, je tiendrai compte des facteurs susmentionnés, sur lesquels le Tribunal s’est déjà appuyé antérieurement pour trancher des demandes d’adjonction.

A. La présence de la nouvelle partie est-elle nécessaire pour disposer de la plainte?

[27] Oui, je conviens qu’il est nécessaire d’ajouter M. McDougall comme intimé dans la plainte de M. Kapoor pour pouvoir disposer convenablement de celle-ci. Je suis d’accord avec M. Kapoor et la Commission pour dire que si LTL Transport Ltd. n’est plus en activité, la seule option viable qu’il reste à M. Kapoor pour faire instruire sa plainte est de la diriger désormais contre M. McDougall.

[28] Dans la plainte pour atteinte aux droits de la personne de M. Kapoor, reçue par la Commission le 15 avril 2019, l’entreprise LTL Transport Ltd. est désignée en tant qu’intimée. Dans la section où il précise ses allégations, M. Kapoor déclare avoir travaillé avec M. McDougall, [traduction] « qui est le propriétaire de cette entreprise de camionnage », du 17 octobre 2017 au 27 décembre 2018. Selon M. Kapoor, il avait initialement conclu un contrat d’un an avec M. McDougall.

[29] Dans sa plainte, M. Kapoor décrit son expérience de travail avec M. McDougall. Il y explique que pendant les premiers mois, M. McDougall était [traduction] « une personne respectable avec qui il était facile de travailler », mais que par la suite, son employeur avait commencé à le traiter défavorablement lorsqu’il lui avait demandé un paiement qui était « de plus en plus en retard ». M. Kapoor ajoute : [traduction] « À la fin de l’année 2018, je subissais une telle violence verbale de la part de [M. McDougall] que le stress était devenu insoutenable. » Il affirme qu’il n’avait reçu aucun paiement de la part de M. McDougall depuis le 15 novembre 2018, et qu’il lui avait donné sa démission, avec un préavis de 15 jours, le 21 décembre 2018. M. Kapoor mentionne qu’après sa démission, M. McDougall ne l’a jamais payé; il a commencé à éviter ses appels, et il employait [traduction] « un langage offensant, raciste et discriminatoire lorsqu’il daignait [lui] parler ».

[30] Je relève que, puisque l’audience n’a pas encore eu lieu, les allégations en cause n’ont pas été prouvées.

[31] M. McDougall a toujours représenté LTL Transport Ltd. dans le cadre de la plainte de M. Kapoor. Il est clair qu’il a pris part dans une certaine mesure au processus de la Commission en agissant pour le compte de LTL Transport Ltd. Il a aussi participé à l’instance du Tribunal jusqu’à récemment. Par ailleurs, la Commission a fait remarquer que M. McDougall avait participé au processus de médiation du Tribunal au nom de l’intimée, et qu’il avait aussi déposé un exposé des précisions au nom de LTL Transport Ltd.

[32] Au début de son exposé des précisions, reçu le 5 avril 2023, M. McDougall déclare : [traduction] « La chose la plus importante dans tout ce rapport est que LTL Transport et son employé de l’époque ne sont absolument pas racistes, pas une seule fois LTL Transport et son employé de l’époque n’ont traité une personne différemment en raison de sa race, de sa couleur ou de son apparence [...] ». Il poursuit en disant :

[traduction]

Il est tout aussi important de souligner que ce sont le comportement de Varun Kapoor, sa violence verbale et les menaces que Varun Kapoor a proférées à l’égard de l’employé de LTL Transport Bob, à l’époque, qui ont poussé ce dernier à agir de façon inhabituelle, car Bob traitait tous les propriétaires exploitants et les employés comme sa famille. Il les aidait, était patient avec eux et les soutenait financièrement, comme il l’a fait avec Varun jusqu’à ce que ce dernier devienne violent, vers la mi-septembre, après que Bob ait tenté de lui parler de toutes les infractions routières figurant sur le profil du transporteur, que Varun conteste toujours. [Tout en majuscules dans l’original.]

[33] Dans son exposé des précisions, M. McDougall ajoute : [traduction] « LTL Transport et son propriétaire n’ont jamais été racistes [...] », et « à cause de Varun Kapoor, le propriétaire de LTL Transport a souffert d’une sévère dépression et d’importants problèmes de santé à long terme [...] ». Le document est signé « LTL TRANSPORT LTD. BOB ».

[34] Outre l’exposé des précisions, M. McDougall a déposé deux répliques aux allégations de M. Kapoor. Dans la réplique datée du 17 avril 2023, M. McDougall déclare : [traduction] « À la suite des lettres de Varun et de ses fausses accusations contre LTL Transport et Bob, ces derniers envisagent de poursuivre Varun Kapoor en diffamation. LTL Transport a consulté un avocat vendredi [...] ».

[35] La Commission a raison de dire que toutes les allégations formulées dans la plainte concernent M. McDougall, le propriétaire de LTL Transport Ltd. Dans sa réplique, M. McDougall a fourni des réponses détaillées aux allégations formulées par M. Kapoor à son endroit et à l’endroit de LTL Transport Ltd.

[36] Le statut de LTL Transport Ltd. n’est pas clair, et on ne sait pas non plus avec certitude si l’entreprise est actuellement en activité. Selon la Commission, si M. McDougall, en sa qualité de propriétaire de l’entreprise intimée et de personne distincte de LTL Transport Ltd, a bel et bien fermé l’entreprise, la seule option viable qu’il reste à M. Kapoor pour faire instruire sa plainte est de la diriger contre M. McDougall. Je suis convaincue que l’adjonction de M. McDougall en tant que partie à la plainte est nécessaire afin d’éviter l’inutilité d’une instruction au terme de laquelle le Tribunal conclurait qu’il y a bel et bien eu discrimination, sans qu’il y ait toutefois aucun intimé auprès duquel M. Kapoor puisse obtenir des mesures de réparation valables au titre de l’article 53 de la LCDP.

B. Était-il raisonnablement prévisible, lors du dépôt de la plainte auprès de la Commission, que l’adjonction d’un nouvel intimé serait nécessaire pour disposer de la plainte?

[37] Non. J’accepte l’argument de la Commission à savoir que la plainte avait déjà été renvoyée au Tribunal lorsque celle-ci avait appris que l’entreprise intimée n’était peut-être plus en activité. D’ailleurs, les courriels que M. McDougall avait envoyés à la Commission les 24 et 25 octobre 2022 le prouvent. Ils indiquent que l’entreprise LTL Transport Ltd. n’existe plus, puisqu’elle a cessé ses activités quelques années auparavant, et qu’elle n’a plus d’actifs. La Commission a donc reçu ces courriels après avoir écrit à la présidente du Tribunal, le 18 août 2022, pour lui demander de désigner un membre pour instruire la plainte.

[38] Ainsi, même après avoir avisé la Commission que LTL Transport Ltd. avait fermé ses portes, M. McDougall a déposé un exposé des précisions au nom de l’entreprise. Toutefois, l’exposé des précisions et les répliques de l’intimée n’indiquent pas que LTL Transport Ltd. a cessé ses activités; il est donc compréhensible que cette divergence dans les messages transmis par M. McDougall puisse préoccuper M. Kapoor. C’est cette incertitude qui rend nécessaire l’adjonction de M. McDougall en tant qu’intimé distinct de LTL Transport Ltd.

C. L’adjonction d’une nouvelle partie causera-t-elle un préjudice grave à la partie adverse?

[39] Non. Je ne peux conclure que l’adjonction, à ce stade-ci de l’instance, de M. McDougall en tant qu’intimé causera un préjudice grave à LTL Transport Ltd. ou à M. McDougall lui-même. Comme ce dernier a choisi de ne pas répondre à la requête du plaignant, je ne dispose d’aucune observation au sujet d’un tel préjudice éventuel.

[40] M. McDougall connaît très bien les allégations qui pèsent contre lui et l’entreprise, allégations auxquelles il a répondu dans son exposé des précisions et ses répliques. La Commission a signalé que durant son enquête, M. McDougall avait présenté des observations niant ces allégations. Par conséquent, j’estime que M. McDougall n’a pas été privé de la possibilité de faire valoir certains moyens de défense devant la Commission en vertu des articles 41 et 44 de la LCDP. S’il est ajouté comme intimé à ce stade-ci, M. McDougall ne sera pas privé des garanties procédurales inhérentes à la fonction d’examen préalable de la Commission.

[41] M. Kapoor ne sollicite pas l’ajout de nouveaux motifs de discrimination ou de nouveaux actes discriminatoires dont M. McDougall n’aurait pas déjà été informé, soit dans le cadre du processus de la Commission, soit au moyen de l’exposé des précisions du plaignant. Dans son propre exposé des précisions et dans ses répliques, M. McDougall a fourni une réponse abondamment détaillée aux allégations de M. Kapoor. De plus, il aura la possibilité de comparaître et participer à l’audience relative à la plainte en l’espèce, en son nom et en celui de LTL Transport Ltd.

D. Conclusion

[42] Afin d’éviter une situation inutile où le Tribunal rendrait une décision potentiellement non exécutoire en concluant que LTL Transport Ltd., qui n’existe peut-être plus, a bel et bien fait preuve de discrimination, je conviens qu’il est nécessaire d’ajouter M. McDougall en tant qu’intimé pour pouvoir trancher la plainte en l’espèce, conformément à l’esprit de la LCDP. M. McDougall a représenté LTL Transport Ltd. pour tout ce qui concerne la plainte de M. Kapoor, plainte dans laquelle M. McDougall est identifié comme étant l’auteur des présumés actes discriminatoires au sens de la LCDP. M. McDougall connaît les allégations formulées à son encontre, et il y a répondu dans le cadre du processus d’examen préalable de la Commission et de la procédure de gestion de l’instance du Tribunal. L’adjonction de M. McDougall en tant que partie ne porterait préjudice ni à M. McDougall, ni à LTL Transport Ltd.

VII. Ordonnance

[43] Au titre de l’article 29 des Règles de pratique (2021), établi en vertu du pouvoir conféré au Tribunal par le paragraphe 48.9 (2) de la LCDP, j’ordonne l’adjonction de Robert (Bob) McDougall en tant qu’intimé dans la présente plainte.

Signée par

Colleen Harrington

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 25 juin 2024

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéro du dossier du Tribunal : HR-DP-2871-22

Intitulé de la cause : Varun Kapoor c. LTL Transport Ltd.

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 25 juin 2024

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

Varun Kapoor , pour son propre compte

Jonathan Bujeau , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Aucune observation n’a été présentée au nom de LTL Transport Ltd. ou de Robert McDougall

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.