Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

La plaignante, Dawne Koke, travaillait comme maquilleuse avec le particulier intimé, Chris Gailus, qui était le chef d’antenne. Mme Koke allègue que M. Gailus l’a harcelée sexuellement lorsqu’ils travaillaient ensemble pour Shaw Media. Mme Koke soutient que Corus Entertainment Inc. (« Corus »), qui a acquis Shaw Media, est responsable du comportement de M. Gailus, que son employeur n’a pas réagi de manière efficace et convenable à sa plainte de harcèlement sexuel et que son employeur n’a pas offert un milieu de travail sans harcèlement.

La présente décision sur requête porte sur plusieurs questions, comme la compétence du Tribunal d’interpréter la façon dont la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») traite une plainte, le délai de traitement des plaintes, les retards et l’abus de procédure.

M. Gailus et Corus, les intimés, ont demandé au Tribunal de rejeter les plaintes de Mme Koke avant de tenir une audience, car les allégations étaient soumises à un délai de prescription et que le délai s’était écoulé. Ils ont aussi soutenu que Mme Koke n’avait pas suivi les consignes de la Commission, qui l’exigeaient à épuiser tous les recours internes avant de déposer ses plaintes. De plus, les intimés souhaitent que le Tribunal rejette la demande d’indemnisation pour perte de revenus de Mme Koke, car dans une autre affaire, il a été conclu qu’elle ne pouvait pas demander les pertes de salaire.

Le Tribunal a analysé principalement la question du délai écoulé. Il était d’accord avec Mme Koke que prendre le temps d’examiner les arguments des intimés n’est pas un abus de procédure ni une violation du principe de justice naturelle. Ce n’est pas non plus oppressif ou injuste envers les intimés. Par exemple, les intimés voulaient suspendre la procédure de la Commission pendant que les griefs étaient en cours. Le délai qui découle de procédures parallèles peut respecter l’équité procédurale et ne pas être un abus de procédure, même s’il est long.

Concernant la compétence, le Tribunal a confirmé qu’il ne peut pas assumer le rôle de la Cour fédérale en révisant la décision de la Commission ni peut examiner le pouvoir discrétionnaire que la Commission exerce lors du traitement de plaintes.

Par conséquent, le Tribunal a rejeté les requêtes en rejet et en radiation présentées par les intimés. Il a ordonné aux intimés de répondre à la demande de Mme Koke concernant son dossier personnel.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 15

Date : Le 19 mars 2024

Numéros des dossiers : T2670/4621 et T2671/4721

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Dawne Koke

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Corus Entertainment Inc. et Chris Gailus

les intimés

Décision sur requête

Membre : Jennifer Khurana

 


I. APERÇU

[1] La plaignante, Dawne Koke, travaillait à titre de maquilleuse avec le particulier intimé, Chris Gailus, qui occupait le poste de chef d’antenne. À l’époque où ils travaillaient ensemble, tous deux étaient employés de Shaw Media (« Shaw »), une division de Shaw Communications qui exploitait une station de télévision connue sous le nom de Global BC. Corus Entertainment (« Corus »), la société intimée, a fait l’acquisition de Shaw en 2016.

[2] Mme Koke allègue avoir subi du harcèlement sexuel de la part de M. Gailus sur les lieux de travail. Elle allègue également que son ancien employeur est responsable de la conduite de M. Gailus, qu’il n’a pas répondu de manière efficace et convenable à sa plainte pour harcèlement sexuel, et qu’il ne lui a pas offert un milieu de travail exempt de harcèlement.

[3] Les intimés, M. Gailus et Corus, ont déposé des requêtes auprès du Tribunal en vue d’obtenir une ordonnance rejetant les plaintes de Mme Koke, ou certains volets de ses plaintes, pour un certain nombre de raisons. Dans un premier temps, ils soutiennent que les plaintes devraient être rejetées avant la tenue d’une audience au motif que les allégations sont frappées de prescription et en raison du délai écoulé. Dans un deuxième temps, ils affirment que le Tribunal devrait rejeter les plaintes au motif que Mme Koke n’a pas suivi les directives de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») selon lesquelles elle devait d’abord épuiser les mécanismes de recours internes avant d’aller de l’avant avec le dépôt de ses plaintes. Dans un troisième temps, les intimés font valoir qu’il convient de mettre fin à toutes les procédures engagées contre Corus puisque Mme Koke et M. Gailus étaient au service de Shaw et que Shaw n’a pas été désignée comme intimée. Enfin, les intimés sollicitent le rejet de la demande d’indemnisation pour perte de revenu présentée par Mme Koke sur le fondement de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée et de l’abus de procédure, parce que, selon eux, dans le cadre d’une procédure distincte, un arbitre a déjà conclu que Mme Koke avait été congédiée pour des motifs valables et qu’elle n’avait pas le droit de demander le recouvrement des pertes de salaire passées ou futures.

[4] À titre subsidiaire, et si le Tribunal accepte de donner suite aux plaintes, en partie ou dans leur intégralité, les intimés sollicitent une ordonnance relative à la production de documents.

[5] Mme Koke s’oppose aux requêtes en rejet des intimés. Elle accepte en grande partie de produire les documents demandés par les intimés. Mme Koke a également déposé une requête par laquelle elle demande au Tribunal d’ordonner à Corus de produire son dossier personnel complet, lequel, à son avis, serait pertinent dans le contexte des questions que soulèvent les présentes plaintes.

[6] La Commission n’a répondu à aucune des demandes.

II. DÉCISION

[7] Le Tribunal déboute les intimés de leurs requêtes visant le rejet des plaintes, en partie ou intégralement. Le Tribunal fait droit à la requête aux fins de production présentée par les intimés. Mme Koke ne s’oppose en aucun cas à la production des documents demandés, dans la mesure où ceux-ci existent. Si les intimés s’opposent à la production du dossier personnel de Mme Koke, ils disposent de sept (7) jours pour répondre à cette dernière. S’ils ne s’opposent pas à la demande de Mme Koke, ils doivent produire son dossier personnel complet dans un délai de sept (7) jours.

III. QUESTIONS EN LITIGE

[8] La présente décision sur requête vise à trancher les questions suivantes :

1) Le Tribunal a-t-il compétence pour appliquer sa propre interprétation de l’alinéa 41(1)e) et rejeter les plaintes au motif qu’elles ont été déposées à l’extérieur du délai prescrit?

a. Le cas échéant, le Tribunal doit-il faire droit à la demande de Corus de rejeter les plaintes pour cause de non-respect des délais prescrits?

2) Les plaintes doivent-elles être rejetées en raison du délai écoulé?

3) Le Tribunal a-t-il le pouvoir d’examiner une requête en radiation?

a. Dans l’affirmative, est-il évident et manifeste que les allégations n’ont aucune possibilité raisonnable d’être accueillies parce que Mme Koke n’a pas présenté de grief relativement à ses allégations en matière de droits de la personne?

4) Les plaintes visant Corus devraient-elles être rejetées parce que Mme Koke et M. Gailus travaillaient pour le compte de Shaw au moment où se seraient produits les incidents qui constituent le point central des présentes plaintes?

5) Les demandes d’indemnisation pour perte de revenu devraient-elles être rejetées pour cause de préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou pour cause d’abus de procédure?

6) Mme Koke doit-elle présenter les documents demandés par les intimés?

7) Les intimés doivent-ils produire le dossier personnel complet de Mme Koke?

IV. ANALYSE

  1. Le Tribunal a-t-il compétence pour appliquer sa propre interprétation de l’alinéa 41(1)e) et rejeter les plaintes au motif qu’elles ont été déposées à l’extérieur du délai prescrit?

[9] Non. Le Tribunal instruit les plaintes que lui renvoie la Commission. Le Tribunal n’est pas un organe d’appel et il ne peut examiner ou annuler les décisions de la Commission (Pequeneza c. Société canadienne des postes, 2016 TCDP 21). Engager une procédure devant la Cour fédérale constitue la voie de recours appropriée pour contester les décisions de la Commission au titre de l’alinéa 41(1)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « Loi »).

[10] Une plainte en vertu de la Loi doit généralement être déposée dans un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée ou dans tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances (al. 41(1)e) de la Loi). Les intimés font valoir que les plaintes ne satisfont pas à ces exigences et que le Tribunal devrait par conséquent les rejeter. Ils soutiennent également, en s’appuyant sur une décision rendue en 1996 par la Cour fédérale (Commission canadienne des droits de la personne c. Société Radio-Canada, 1996 CanLII 11865 (CF), [1996] A.C.F. no 1274 [Vermette], au par.33), que le Tribunal est habilité à appliquer sa propre interprétation de l’alinéa 41(1)e) de la Loi. De l’avis des intimés, le Tribunal peut modifier les constatations initiales de la Commission.

[11] Mme Koke soutient que la Loi habilite la Commission – et non le Tribunal – à faire usage de son pouvoir discrétionnaire pour statuer sur la question du respect des délais. Mme Koke fait également valoir, en s’appuyant sur l’arrêt prononcé par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Colombie-Britannique (Workers’ Compensation Board) c. Figliola, 2011 CSC 52 [Figliola], que la demande devrait être rejetée sur la base des principes de préclusion découlant d’une question déjà tranchée, d’économie des ressources judiciaires et d’abus de procédure. Selon elle, un réexamen par le Tribunal de la question du respect des délais serait contraire au principe d’économie judiciaire et pourrait donner lieu à des résultats contradictoires. De l’avis de Mme Koke, la décision Vermette ne constitue pas un fondement valable à l’instruction d’une question qui a déjà été tranchée par la Commission, et ce, [traduction] « même si le Tribunal a techniquement compétence en la matière ».

[12] Mais le Tribunal n’a pas cette compétence, ni [traduction] « techniquement » ni d’aucune autre façon. La Loi ne renferme aucune disposition législative autorisant le Tribunal à examiner comment la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire dans le traitement de la plainte. Le Tribunal ne peut substituer sa propre décision à celle de la Commission. Je n’ai pas besoin de me pencher sur les principes invoqués par Mme Koke dont il est question dans l’arrêt Figliola parce qu’un tel exercice supposerait au préalable que j’ai compétence pour examiner les décisions de la Commission, et ce n’est pas le cas. Je suis toutefois d’accord avec Mme Koke pour dire qu’il s’agirait d’une erreur susceptible de contrôle si je substituais mes conclusions sur le respect des délais à celles de la Commission.

[13] En outre, l’approche adoptée dans la décision Vermette a été rejetée dans le cadre d’autres instances au cours des décennies qui ont suivi. Le Tribunal n’a tout simplement pas compétence pour appliquer l’article 41 (Pequeneza, au par. 37). Dans la décision Pequeneza, le Tribunal a minutieusement examiné la jurisprudence liée à l’interprétation de l’article 41, y compris les décisions subséquentes de la Cour fédérale dans I.L.W.U. (Section maritime), section locale 400 c. Oster, 2001 CFPI 1115, [2002] 2 C.F. 430 [Oster] et dans Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Société canadienne des postes, 2004 CF 81, et il a conclu que la décision Vermette était incompatible avec la jurisprudence subséquente de la Cour fédérale.

[14] La décision qu’a prise la Commission de renvoyer les présentes plaintes au Tribunal appartient au passé. La Loi définit les rôles que jouent respectivement la Commission et le Tribunal dans le régime des droits de la personne établi par le législateur. Le Tribunal ne peut se substituer à la Cour fédérale ou remettre en question le pouvoir discrétionnaire exercé par la Commission en vertu de l’article 41 (Oster, au par. 29).

i) Le cas échéant, le Tribunal doit-il faire droit à la demande de Corus de rejeter les plaintes pour cause de non-respect des délais prescrits?

[15] J’ai déjà conclu que le Tribunal n’était pas habilité à rendre sa propre décision concernant I’application de l’alinéa 41(1)e).

2. Les plaintes doivent-elles être rejetées en raison du délai écoulé?

[16] Non. À mon avis, le délai n’a pas privé les intimés de leur droit à l’équité procédurale et ne constitue pas un abus de procédure.

[17] Le rejet d’une plainte pour cause de délai excessif ou d’abus de procédure est une mesure définitive qui comporte des conséquences importantes pour le plaignant. Dans le contexte de procédures administratives, l’abus de procédure est une question d’équité procédurale. Les décideurs ont le devoir d’agir équitablement. Le pouvoir d’examiner les allégations de délai abusif découle de cette obligation (Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29 [Abrametz], au par. 38; Blencoe c. Colombie-Britannique (Human Rights Commission), 2000 CSC 44 [Blencoe], aux par. 105 à 107 et 121).

[18] Pour obtenir gain de cause, les intimés doivent faire l’une ou l’autre des démonstrations suivantes :

1. le délai a porté atteinte à leur capacité de faire valoir leur position et a ainsi compromis l’équité de l’audience;

2. le délai est excessif, a causé directement un préjudice important à leur endroit ou au regard de l’administration de la justice et est manifestement injuste envers une partie, constitue un abus de procédure ou déconsidère d’une autre manière l’administration de la justice (Abrametz, aux par. 42, 43 et 101; Blencoe, au par. 121).

[19] L’existence ou non d’un préjudice est une question de fait. Une preuve est nécessaire pour établir qu’un délai administratif constitue un abus de procédure suivant le principe de l’équité procédurale (Abrametz, au par. 69).

[20] Le rejet de la plainte ne doit être ordonné que si l’intérêt du public à ce qu’il existe un processus équitable et exempt d’abus de procédure l’emporte sur l’intérêt du public à ce que les plaintes soient décidées sur le fond (Abrametz, au par. 84).

[21] Les intimés soutiennent que le délai excessif au cours de l’instance leur a causé un préjudice important, et ils affirment que la plaignante, son avocate et la Commission sont les seules responsables du délai.

[22] Mme Koke soutient que la Commission s’est déjà penchée sur la question du délai et que celle-ci ne peut faire l’objet d’une nouvelle instruction. D’après Mme Koke, le Tribunal ne devrait prendre en considération que le délai supplémentaire qui s’est écoulé depuis le renvoi des plaintes au Tribunal en 2021 et examiner si ce délai rend l’audience inéquitable sur le plan de la procédure. Elle affirme également que le fait que les intimés invoquent tous les arguments possibles aux fins du rejet des plaintes les prive du droit de soulever la question du préjudice attribuable au délai et que le rejet des plaintes avant la tenue d’une audience heurterait le sens du franc-jeu qu’a la société et serait contraire aux intérêts de la justice et à l’objet de la Loi.

1) L’équité de l’audience a-t-elle été compromise?

[23] Non. J’estime que le délai en cause n’a pas compromis la capacité des intimés à répondre aux plaintes portées contre eux. Ces derniers n’ont pas présenté d’élément de preuve concret à l’appui de l’allégation selon laquelle le préjudice qu’ils prétendent avoir subi en raison du délai écoulé est suffisamment grand pour compromettre leur droit à une audience équitable (Abrametz, au par. 41; Blencoe, au par. 102).

[24] Bien que les souvenirs s’estompent et que certains témoins ne sont peut-être pas disponibles, deux des témoins essentiels qui peuvent témoigner à l’égard des allégations de harcèlement sexuel, nommément Mme Koke et M. Gailus, participent à l’instance. Par ailleurs, bien que certains employés ne sont peut-être plus au service de Corus aujourd’hui, les intimés n’ont pas démontré que les témoins essentiels étaient aujourd’hui décédés ou qu’ils ne pouvaient plus être appelés à témoigner ni que des éléments de preuve avaient été perdus.

2) Le délai constitue-t-il un abus de procédure?

[25] Un délai qui ne porte pas atteinte à l’équité de l’audience pourrait néanmoins constituer un abus de procédure dans le cas où il est inacceptable au point d’être oppressif et de vicier les procédures en cause, ce qui se produit lorsque le délai est excessif et qu’il est directement à l’origine d’un préjudice important. Le délai doit être manifestement injuste envers une partie ou déconsidérer d’une autre manière l’administration de la justice (Abrametz, au par. 43).

Le délai était-il excessif?

[26] Pour déterminer si un délai est devenu excessif, il importe de tenir compte des facteurs contextuels. La question de savoir si un délai est excessif ne dépend pas uniquement du nombre d’années passées ou du temps écoulé (Blencoe, au par. 122; Abrametz, au par. 57).

[27] Pour déterminer si le délai était excessif, le Tribunal doit prendre en considération la liste non exhaustive de facteurs ci-dessous :

i. la nature et l’objet des procédures;

ii. la longueur et les causes du délai;

iii. la complexité des faits de l’affaire et des questions en litige (Abrametz, au par. 51).

Nature et objet des procédures

[28] La Loi vise à garantir le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur des motifs de discrimination. Le harcèlement, y compris le harcèlement sexuel, constitue un acte discriminatoire au sens de la Loi (art. 2 et 14).

[29] Les parties ne contestent pas la nature et l’objet des instances en matière de droits de la personne de façon générale, mais elles ne s’entendent pas sur la raison pour laquelle les procédures sont devenues plus longues et plus complexes, ni sur l’incidence de ce délai. J’aborderai la question ci-après en analysant la cause et la longueur du délai.

Longueur et causes du délai

[30] Mme Koke a déposé une plainte en matière de droits de la personne auprès de la Commission en 2014. Elle a ensuite déposé une deuxième plainte en 2015, et des griefs auraient été formulés au cours de cette même année. La Commission aurait alors informé Mme Koke qu’elle devait d’abord épuiser ce mécanisme. Les intimés affirment que la décision de Mme Koke de solliciter le contrôle judiciaire de la décision de la Commission tandis que le processus de règlement des griefs était en cours a eu pour effet d’allonger le délai. Selon eux, Mme Koke a également ignoré les directives de la Commission et n’a pas abordé les allégations de harcèlement sexuel dans le cadre de ses griefs.

[31] Mme Koke a déposé une troisième plainte contre M. Gailus en 2017. Elle affirme qu’elle avait déjà déposé une plainte contre M. Gailus en 2014, mais que la Commission ne s’était pas penchée sur ce volet de sa plainte et lui avait dit de déposer à nouveau ladite plainte. La Commission a terminé la rédaction de ses rapports d’enquête en 2019 et a renvoyé les plaintes de 2014 et de 2017 au Tribunal. La Commission a rejeté la plainte de 2015. Les intimés soutiennent que, pendant cette période, l’avocate de Mme Koke n’a pas fait preuve de collaboration, ce qui a mené au dépôt d’une plainte au barreau.

[32] Le syndicat de Mme Koke a présenté deux griefs en son nom, l’un portant sur l’existence d’un motif valable pour justifier son congédiement et l’autre, sur l’embauche par Shaw d’un maquilleur remplaçant.

[33] Les parties ne s’entendent pas sur le moment à partir duquel le délai doit commencer à être comptabilisé, soit à partir du renvoi des plaintes au Tribunal en 2021, à partir du dépôt de la première plainte en 2014 ou à partir du moment des incidents, lesquels se seraient produits un certain nombre d’années avant le dépôt de la plainte. Bien que Mme Koke ait présenté sa dernière plainte en 2017, la Commission a renvoyé les plaintes au Tribunal en 2021.

[34] Les intimés font valoir que le délai écoulé depuis le moment où se seraient produits les événements de même que le délai avant que la Commission ne renvoie les plaintes au Tribunal sont excessifs. Ils soutiennent qu’en aucun cas, la responsabilité du délai ne peut leur être imputée, car ils subissent la totalité du préjudice découlant de l’instruction des plaintes.

[35] Mme Koke affirme que le délai dont il est question dans l’arrêt Blencoe et dans la décision Abrametz concerne la période s’étant écoulée entre le dépôt de la plainte et la date de l’audience plutôt que la période ayant précédé le dépôt de la plainte. Dans le cas de Mme Koke, la dernière plainte remonte à 2017. Elle fait également valoir que seuls les intimés ont bénéficié du délai de traitement des plaintes par la Commission. Selon Mme Koke, il est déraisonnable que les intimés invoquent tous les arguments possibles pour que les plaintes soient rejetées et qu’ils viennent ensuite se plaindre de la longueur des procédures.

[36] Mme Koke soutient que, dans l’analyse sur laquelle repose l’arrêt Abrametz, le délai, qui est normal dans le processus de traitement des plaintes par le commissaire, ne semble pas susciter les mêmes préoccupations en matière d’iniquité ou d’abus. Elle affirme que la période qui s’écoule avant que la Commission ne décide de renvoyer la plainte est généralement longue, en partie, selon elle, en raison de l’approche qu’adopte la Commission à l’égard du traitement des plaintes.

[37] Mme Koke conteste les allégations des intimés à propos de la cause du délai, y compris les faits qui l’ont menée à déposer des griefs, les raisons pour lesquelles elle a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de la Commission de ne pas traiter ses plaintes en 2016 et les raisons du délai subséquent tandis que le processus de règlement des griefs était en cours. Elle ajoute que les allégations concernant les réponses tardives de son avocate n’étaient pas liées aux plaintes, mais uniquement au paiement des frais liés au contrôle judiciaire. Selon elle, le fait que la Commission a fermé temporairement le dossier de plaintes pour accorder la priorité au processus de règlement des griefs, à la demande des intimés, a causé un retard important. Elle soutient que le contrôle judiciaire de la décision de fermer le dossier de plaintes n’avait rien à voir avec la réouverture des plaintes et n’a pas eu d’effet important sur le moment de la réouverture du dossier.

[38] Compte tenu du fait que la première plainte a été déposée en 2014, une période de sept ans avant le renvoi des plaintes au Tribunal peut évidemment sembler être un long délai à première vue. Cela dit, Mme Koke a présenté une deuxième plainte en 2015 et une troisième et dernière plainte en 2017. Il s’est ensuite écoulé quatre ans avant que la Commission ne renvoie les plaintes au Tribunal. A priori, il s’agit d’un long délai, peu importe qu’il soit d’une durée de quatre ou de sept ans, mais j’ai tenu compte du contexte dans lequel s’inscrit cette période et de ce qui s’est passé dans l’intervalle. J’ai également tenu compte du fait que les actions des parties et de la Commission ont nécessairement rendu le processus plus complexe, et ce, même si ces actions ont été posées dans le contexte où les parties faisaient valoir leurs positions respectives ou dans le cadre du traitement des plaintes par la Commission.

[39] Les intimés contestent l’affirmation de Mme Koke selon laquelle, si le délai de traitement à l’étape de la Commission a été long, la situation ne semble pas être particulièrement inhabituelle. Ils font valoir que Mme Koke n’a invoqué aucun précédent à l’appui de sa thèse. La Commission n’a pas participé à l’instance, et je ne dispose d’aucun élément de preuve me permettant de comparer ce dossier avec d’autres ou de connaître les délais habituels de traitement des plaintes à la Commission. J’ai toutefois pris en considération qu’à l’étape de la Commission, trois plaintes, de multiples enquêtes et, apparemment, un certain nombre de questions soulevées par les parties ont forcément contribué à allonger le délai de traitement et à intensifier les échanges.

[40] Bien que les allégations de harcèlement sexuel dans le contexte de l’emploi ne soient pas nécessairement à l’origine des instances les plus complexes en matière de droits de la personne, les parties ont formulé de nombreuses contestations à l’étape de la Commission, une procédure de grief et un contrôle judiciaire se sont déroulés en parallèle, et la Commission a été appelée à traiter trois plaintes, l’une d’elles ayant finalement été rejetée. Par ailleurs, comme dans tout litige, les parties doivent accepter autant les inconvénients que les avantages de l’approche qu’ils choisissent d’adopter. Les deux parties ont fait le choix de contester différents aspects de la procédure de la Commission et d’employer certaines stratégies. Qu’on le veuille ou non, il a fallu du temps pour rendre ces décisions et toutes ces étapes ont compliqué l’affaire.

[41] Je conviens avec Mme Koke que le fait de prendre le temps d’examiner les arguments invoqués par les intimés ne constitue pas un abus de procédure ou un manquement aux principes de justice naturelle et qu’il ne s’agit pas d’une conduite oppressive ou injuste à l’égard des intimés. À titre d’exemple, les intimés ont cherché à suspendre la procédure engagée devant la Commission pendant le règlement des griefs. Le délai qui résulte de procédures parallèles, même s’il est long, peut être conforme à l’équité procédurale et ne pas constituer un abus de procédure (Abrametz, au par. 59).

[42] De plus, même si les intimés avaient des inquiétudes à propos de la décision de la Commission de renvoyer les plaintes au Tribunal ou à propos du moment du dépôt des plaintes compte tenu des désaccords entourant le dernier acte discriminatoire allégué, comme je l’ai déjà exposé précédemment, il est désormais trop tard pour remettre en question la décision de renvoyer les plaintes au Tribunal, et le délai pour soumettre la décision à un contrôle est expiré.

[43] Depuis le renvoi des plaintes au Tribunal, les parties ont participé à des séances de médiation et de gestion de l’instance. Elles ont également déposé les présentes requêtes et présenté de nombreux documents à l’appui de leur position. Le Tribunal a tardé à rendre la présente décision sur requête, et ce n’est en aucun cas la faute des parties. Je reconnais que le Tribunal a contribué à allonger le délai et que la situation est regrettable, mais je ne suis pas convaincue que le délai jusqu’à maintenant, y compris la période ayant précédé le renvoi des plaintes et le temps écoulé depuis, peut être qualifié d’excessif. Quoi qu’il en soit, même si j’ai tort de conclure que le délai en cause n’est pas excessif, à mon avis, les intimés ne sont pas parvenus à démontrer que le délai leur a causé un préjudice important.

Le délai a-t-il directement causé un préjudice important?

[44] Non. Les intimés ne m’ont pas convaincue que le délai leur a causé un préjudice important. Bien que les critères énoncés dans les arrêts Blencoe et Abrametz soient de nature conjonctive, si j’ai tort de conclure que le délai en cause n’est pas excessif, je me pencherai sur la question de savoir si le délai est directement à l’origine d’un préjudice important.

[45] Le délai à lui seul ne suffit pas pour entraîner un abus de procédure. Mettre fin aux procédures simplement en raison du délai écoulé « reviendrait à imposer une prescription d’origine judiciaire » (Abrametz, au par. 67; Blencoe, au par. 101).

[46] En ce qui concerne les délais administratifs, la doctrine de l’abus de procédure exige la preuve d’un préjudice important (Abrametz, au par. 67). L’existence ou non d’un préjudice est une question de fait. Par exemple, il peut s’agir d’un préjudice psychologique important, d’une réputation entachée, d’une vie familiale perturbée, de la perte d’un emploi ou d’occasions d’affaires ou encore d’une attention médiatique prolongée et envahissante (Abrametz, au par. 69).

[47] Il arrive parfois que le délai soit bénéfique pour la partie touchée. Ce n’est que lorsque le délai est au détriment de la partie touchée qu’un tribunal judiciaire ou administratif conclura à l’abus de procédure. C’est le préjudice causé par le délai excessif qui est pertinent dans l’analyse relative à l’abus de procédure, et non le préjudice découlant du fait qu’une enquête a été entreprise ou que des procédures ont été engagées. Le préjudice causé à une personne par l’enquête ou les procédures dont elle fait l’objet peut être exacerbé par un délai excessif (Abrametz, au par. 68).

[48] Bien que toutes les parties aient souffert de l’incertitude inhérente au fait que la présente affaire a traîné en longueur, les intimés n’ont pas présenté d’élément de preuve démontrant que c’est le délai en lui-même, plutôt que la nature des allégations et des plaintes, qui a directement causé un préjudice important à M. Gailus ou à Corus ou qui a exacerbé le préjudice existant.

[49] J’admets que la société intimée exerce des activités de nature publique et que M. Gailus est une personnalité connue du public, mais j’estime que les intimés n’ont pas étayé leur allégation selon laquelle un préjudice important a été causé à Corus ou à M. Gailus depuis le dépôt des plaintes ou depuis leur renvoi au Tribunal. À titre d’exemple, les intimés n’ont pas présenté d’élément de preuve confirmant que M. Gailus a perdu son emploi ou qu’il a été rétrogradé en raison du délai écoulé. Ils n’ont pas non plus fourni de preuve d’un préjudice psychologique important ou d’une réputation entachée ni démontré que le délai était la cause directe d’une vie familiale perturbée, d’une réputation mise à mal, de la perte d’un emploi ou d’occasions d’affaires ou d’une attention médiatique prolongée et envahissante.

[50] Les intimés soutiennent que la longueur des procédures a nui à la réputation de M. Gailus, en particulier les messages publiés par Mme Koke dans les médias sociaux en 2014 à propos de ses allégations et les entrevues publiques auxquelles son avocate et elle ont participé en 2016. Toutefois, même si des messages ont été publiés dans les médias sociaux et ont eu des répercussions sur les intimés, ces derniers n’ont pas démontré comment la situation est attribuable au délai plutôt qu’à la nature même des allégations et aux procédures en tant que telles. Ils n’ont pas non plus démontré comment le délai a exacerbé le préjudice que la procédure leur avait déjà causé.

[51] Il ne s’agit pas d’une situation comparable à celle d’un médecin qui s’est vu suspendre son droit de pratiquer pendant presque six ans, abordée dans l’arrêt Abrametz (Misra v. College of Physicians and Surgeons of Saskatchewan, (1988) 52 DLR (4th) 47 [Misra], au par. 490), ni comparable à une affaire dans le cadre de laquelle de longs délais ont exacerbé le préjudice causé à la réputation d’une personne à tel point que les profits tirés de son entreprise ont chuté (Investment Dealers Association of Canada v. MacBain, 2007 SKCA 70, 299 Sask. R. 122, citée dans l’arrêt Abrametz, au par. 71).

[52] Les intimés font valoir que Mme Koke a bénéficié du délai, car cette dernière peut prendre appui sur ses propres assertions factuelles, tandis que la société intimée ne peut s’appuyer que sur des notes prises à l’époque et sur les souvenirs d’anciens employés qui ne sont plus au service de l’organisation depuis longtemps et qui ont tourné la page relativement au rôle qu’ils ont pu jouer dans le contexte des présentes plaintes.

[53] Selon Mme Koke, c’est un non-sens de dire que le délai lui a été bénéfique, puisqu’il lui incombe de prouver ses allégations de discrimination et qu’elle sera toujours lésée par le temps qui passe et rend son témoignage de moins en moins précis. Elle soutient en outre qu’elle a dû répondre et tenter de faire échec aux innombrables arguments invoqués par les intimés et par la Commission sur les raisons pour lesquelles ses plaintes ne devaient pas être retenues. Elle fait valoir que la situation a engendré des coûts énormes et que le délai nuit à son rétablissement à la suite des événements allégués. Elle ajoute que la longueur du délai vient remettre en question ses chances d’obtenir justice, compte tenu des arguments que soulèvent maintenant les intimés. Elle affirme que, tout bien considéré, le délai lui a été manifestement préjudiciable.

[54] Bien que, de façon générale, les intimés prétendent subir un préjudice du fait que des témoins potentiels ne sont plus au service de l’organisation, je conviens avec Mme Koke que les intimés n’ont pas étayé leur allégation en fournissant des renseignements précis sur les témoins potentiels qu’ils ne sont plus en mesure de contacter ou sur les documents qui n’existent plus depuis le dépôt des plaintes en 2014 ou depuis leur renvoi au Tribunal en 2021. En outre, comme le soutient Mme Koke, les intimés connaissent l’identité de tous les témoins potentiels depuis la fin de 2014, au moins, et ils n’ont pas nommé les personnes qu’ils ne peuvent plus contacter.

[55] Je ne suis pas d’avis que les intimés subissent la totalité du préjudice découlant du délai. Il incombe à Mme Koke d’établir qu’il est plus probable qu’improbable que les intimés aient fait preuve de discrimination à son endroit. C’est à elle de démontrer le bien-fondé de ses allégations et, si elle ne s’acquitte pas de ce fardeau, ses plaintes seront rejetées. Dans la mesure où certains éléments de preuve sont périmés ou ne sont plus disponibles aujourd’hui, les deux parties devront composer avec cette situation.

Le délai constitue-t-il un abus de procédure? Le délai est-il manifestement injuste? Le délai déconsidère-t-il d’une autre manière l’administration de la justice?

[56] Non. J’ai déjà conclu que les intimés n’avaient pas établi l’existence d’un délai excessif ou d’un préjudice important. De plus, ainsi qu’il a été mentionné précédemment, les intimés ont présenté des arguments et contesté des étapes tout au long de l’instance, ce qui a nécessairement allongé et alourdi le processus. Le temps qui a été nécessaire pour régler ces contestations ne constitue pas un abus de procédure et n’est pas manifestement injuste à leur égard.

[57] J’accepte l’allégation de Mme Koke suivant laquelle le Tribunal doit également tenir compte du préjudice qui sera causé au régime des droits de la personne s’il n’est pas en mesure de lui offrir une instance pour que ses plaintes faisant intervenir des parties privées puissent être tranchées, d’autant plus que la Loi a pour objectif d’accorder réparation aux plaignants lorsqu’une situation de discrimination a été établie. Selon Mme Koke, il faut soupeser l’objet de la Loi par rapport à la réparation sollicitée par les intimés, c’est-à-dire le rejet des plaintes avant la tenue d’une audience. Elle affirme que le législateur a décidé d’instaurer un régime de droits de la personne composé d’une commission et d’un tribunal. Le Tribunal doit tenir compte à la fois de la teneur et de l’objet de la Loi, mais également des moyens que prévoit la Loi pour atteindre ces objectifs. Mme Koke fait valoir que, pour que la Loi soit pertinente et qu’elle tienne compte des allégations de harcèlement sexuel, il faut que les plaintes puissent faire l’objet d’une audience devant le Tribunal.

[58] Je reconnais que le délai qui s’est écoulé jusqu’à maintenant dans les procédures est regrettable. En plus du temps nécessaire à l’étape de la Commission, le Tribunal connaît également des délais importants pour ce qui est de la gestion des instances et de la planification des audiences, ainsi qu’en témoigne le délai qui s’est écoulé avant que la présente décision sur requête ne soit rendue. Le Tribunal compte très peu de membres pour instruire les affaires dont il est saisi. Mais tant que le délai n’est pas excessif et qu’aucun préjudice important n’est causé aux intimés, il serait manifestement injuste de rejeter les plaintes en raison des délais de traitement. En l’absence de ces deux facteurs, on ne peut pénaliser un plaignant qui tente d’accéder à un mécanisme de recours en matière de droits de la personne qui est disponible et qui a été créé par le législateur.

3. Le Tribunal a-t-il le pouvoir d’examiner une requête en radiation?

[59] Oui. Le Tribunal peut examiner et accueillir des requêtes préliminaires en rejet, mais doit le faire de manière équitable sur le plan procédural, avec prudence et seulement dans les cas les plus clairs (Cushley et al. c. Anciens Combattants Canada, 2022 TCDP 21, aux par. 16 à 18; Richards c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 27, au par. 85; Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, aux par. 132 et 140).

[60] Dans le cas d’une requête en radiation, le Tribunal suppose que les faits sont véridiques et les éléments de preuve ne sont pas admissibles. L’approche doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable (R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au par. 21). Même une demande juridique complexe et inédite peut à juste titre être radiée d’un acte de procédure si, après une analyse appropriée du droit, il est manifeste et évident que la demande ne peut être accueillie (Callan v. Cooke, 2012 BCSC 1589, au par. 19).

(i) Dans l’affirmative, est-il évident et manifeste que les allégations n’ont aucune possibilité raisonnable d’être accueillies parce que Mme Koke n’a pas présenté de grief relativement à ses allégations en matière de droits de la personne?

[61] Non. La Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire de renvoyer les plaintes au Tribunal pour instruction, et le Tribunal n’est pas habilité à examiner les décisions prises par la Commission. Il n’est pas évident et manifeste que ces plaintes doivent être rejetées, et ce, même si les intimés ont raison d’affirmer que Mme Koke n’a pas abordé ses allégations en matière de droits de la personne dans ses griefs.

[62] Les intimés soutiennent que Mme Koke, contrairement à ce que la Commission lui avait demandé de faire, n’a pas abordé la question de ses plaintes pour atteinte aux droits de la personne dans ses griefs. Selon eux, Mme Koke s’est livrée en quelque sorte à une recherche du tribunal le plus favorable et, en ne déposant pas de grief au moment pertinent relativement à ses allégations en matière de droits de la personne, elle a également contribué au délai important dans ce dossier. Les intimés s’appuient sur l’alinéa 41(1)a) de la Loi pour demander au Tribunal de rejeter les allégations de Mme Koke parce que cette dernière n’aurait pas présenté de grief relativement aux questions soulevées dans ses plaintes. Les intimés font valoir plus précisément qu’il est évident et manifeste que les allégations de Mme Koke sont vouées à l’échec parce qu’elle a choisi à dessein de ne pas suivre la voie de recours que lui proposait la Commission. Les intimés soutiennent que le Tribunal a le pouvoir de modifier les décisions de la Commission et, en l’espèce, de radier intégralement les allégations de Mme Koke.

[63] Il ne m’est pas nécessaire de formuler des conclusions de fait sur ce qui s’est passé dans le contexte de la procédure de règlement des griefs ou sur ce que la Commission a dit ou n’a pas dit à Mme Koke de faire. Comme le soutient Mme Koke, la Commission a déjà décidé de statuer sur la plainte et d’exercer son pouvoir discrétionnaire au titre de l’alinéa 41(1)a).

[64] Je n’ai pas le pouvoir de remettre en question la décision prise par la Commission conformément à l’article 41. Le Tribunal instruit les plaintes que la Commission décide de lui renvoyer en vertu du paragraphe 49(1) de la Loi. Il est temps de mettre de côté les différends au sujet de la décision de la Commission et de la façon dont elle y est parvenue ou au sujet de ce que Mme Koke aurait dû ou n’aurait pas dû faire au moment où ses plaintes étaient encore entre les mains de la Commission. Il est trop tard désormais. Ces débats n’aident en rien le Tribunal dans sa tâche, et les observations formulées par les parties à propos de ce qui s’est passé avant le moment où la Commission a exercé son pouvoir discrétionnaire en vertu de la Loi ne sont pas pertinentes au regard des questions dont je suis saisie.

[65] Comme il a été mentionné précédemment, bien que le Tribunal puisse rejeter une plainte avant la tenue d’une audience s’il est évident et manifeste que la plainte ne révèle aucune cause d’action raisonnable, je ne peux conclure que les plaintes ne peuvent être instruites parce que Mme Koke n’a pas déposé de grief relativement à ses allégations en matière d’atteinte aux droits de la personne. Ce n’est pas parce qu’une partie estime que la Commission n’a pas correctement exercé sa compétence en vertu de l’alinéa 41(1)a) que le Tribunal peut rejeter les plaintes au motif qu’elles ne révèlent aucune cause d’action valable.

[66] Si certaines de leurs observations s’avèrent pertinentes pour le Tribunal dans l’instruction des plaintes pour atteinte aux droits de la personne dont il est saisi, les parties peuvent invoquer ces arguments à l’audience.

4. Les plaintes visant Corus devraient-elles être rejetées parce que Mme Koke et M. Gailus travaillaient pour le compte de Shaw au moment où se seraient produits les incidents qui constituent le point central des présentes plaintes?

[67] Non. Les intimés n’ont pas présenté d’élément de preuve pour appuyer l’affirmation selon laquelle Corus, en faisant l’acquisition de Shaw, n’a pas du même coup pris en charge ses obligations et ses procédures en cours.

[68] Les intimés font valoir qu’il est manifeste et évident que les plaintes doivent être radiées intégralement pour la raison que Mme Koke et M. Gailus travaillaient tous deux pour le compte de Shaw pendant toute la période pertinente dans le contexte des plaintes. Ils affirment que Mme Koke n’a pas désigné Shaw à titre d’intimée dans la présente procédure et que Corus n’a fait l’acquisition de Shaw qu’en 2016, soit bien après tous les événements en cause. Selon les intimés, Mme Koke a à tort désigné Corus à titre d’intimée et c’est pourquoi les allégations visant Corus devraient être radiées intégralement.

[69] Mme Koke soutient que Corus a acquis Shaw dans son ensemble, et que la nouvelle société a succédé à la précédente, y compris en tant qu’intimée dans le cadre des présentes plaintes. Selon elle, le fait que l’avocat chargé du dossier soit le même depuis le dépôt de la première plainte en 2014 vient étayer cette continuité. Mme Koke fait également valoir que Corus, en tant que successeur ultime de Shaw, peut en toute légitimité offrir une réparation, à l’instar de M. Gailus, si le Tribunal conclut à l’existence de discrimination. En outre, si les politiques actuelles de Corus ne sont pas discriminatoires, Corus pourra faire valoir sa position en ce sens à l’audience.

[70] D’après le formulaire de plainte que la Commission a transmis au Tribunal, Mme Koke a désigné Shaw en tant que société intimée. La lettre de renvoi de la Commission fait néanmoins mention d’une plainte contre M. Gailus et Corus. Pendant la première conférence téléphonique préparatoire concernant la présente affaire, j’ai demandé à la Commission d’éclaircir la question. La Commission a expliqué qu’elle avait apporté une modification de nature administrative afin de remplacer Shaw par Corus à titre de société intimée.

[71] Mme Koke soutient également que l’objectif des plaintes en matière de droits de la personne n’est pas de punir et qu’il n’est pas nécessaire que Shaw demeure la société intimée. Mme Koke affirme toutefois qu’il [traduction] « aurait probablement été pertinent de greffer Corus à la plainte contre Shaw, plutôt que de remplacer Shaw par les entités qui lui ont succédé, y compris Corus » afin de permettre au Tribunal de rendre des ordonnances à l’égard de Shaw. Selon elle, [traduction] « le changement de propriétaire au fil du temps constitue de toute évidence une question qui nécessite une gestion plus minutieuse de la part de la Commission afin d’optimiser le traitement de chaque plainte ». Mme Koke fait valoir que le rejet de la plainte contre Corus serait contraire aux objectifs de réparation et d’amélioration que prévoit la Loi et qu’il priverait Mme Koke d’une réparation juste.

[72] En guise de réplique, Corus soutient que Mme Koke a été représentée par une avocate tout au long des procédures et que, si elle souhaite ajouter Corus en tant que partie à l’instance à ce stade-ci, elle doit justifier sa demande.

[73] Je n’exercerai pas mon pouvoir discrétionnaire de rejeter la plainte contre Corus à l’étape préliminaire. À ce stade-ci, Corus n’a présenté aucun élément de preuve démontrant qu’elle n’a pas pris en charge les obligations de Shaw. Les parties pourront formuler des observations à l’audience relativement aux mesures de réparation possibles.

5. Les demandes d’indemnisation pour perte de revenu devraient-elles être rejetées pour cause de préclusion découlant d’une question déjà tranchée ou pour cause d’abus de procédure?

[74] Non. La Commission a décidé de renvoyer les présentes plaintes au Tribunal après avoir déterminé que la procédure de règlement des griefs n’avait pas porté sur la totalité des allégations. Les parties sont libres de présenter des arguments à l’audience sur les points que les intimés ont exposés dans leurs observations relatives à la requête et sur toute ordonnance réparatrice éventuelle.

[75] Les intimés font valoir qu’un arbitre en droit du travail a déjà rejeté le grief déposé au nom de Mme Koke concernant son congédiement. Ils soutiennent que, si la décision relative au grief ne portait pas principalement sur les allégations de harcèlement, l’arbitre qui a rejeté le grief a néanmoins formulé des conclusions de fait directement liées et contraires aux allégations soulevées par Mme Koke dans ses plaintes en matière de droits de la personne. Les intimés affirment que Mme Koke ne peut pas chercher à obtenir un résultat différent aujourd’hui et demander une indemnité pour perte de salaire dans le cadre de ses plaintes en matière de droits de la personne, puisque l’arbitre a déjà conclu que Mme Koke n’avait pas droit au remboursement du salaire rétroactif ou du revenu éventuel. Ils font valoir qu’un tribunal n’a pas le pouvoir de modifier les conclusions d’un arbitre et que l’octroi d’une indemnité pour perte de salaire à Mme Koke constituerait un abus de procédure et serait contraire aux principes de l’autorité de la chose jugée et de la préclusion découlant d’une question déjà tranchée. Les intimés affirment par ailleurs que Mme Koke n’a pas présenté ses allégations en matière de droits de la personne dans le cadre de la procédure de règlement des griefs.

[76] Mme Koke soutient que rien ne justifie le rejet de sa demande d’indemnisation pour perte de salaire et que le processus de règlement des griefs et le processus de traitement des plaintes en matière de droits de la personne comportaient des différences importantes. Elle fait valoir que le congédiement n’est pas à l’origine des pertes subies par Mme Koke à partir de 2015.

[77] Il serait prématuré de rejeter les demandes de réparation avant la tenue de l’audience. Le Tribunal prendra connaissance à l’audience de la preuve et des observations des parties sur la question des mesures de réparation éventuelles, y compris sur la pertinence des conclusions de l’arbitre.

V. DEMANDES DE DIVULGATION D’INFORMATION

[78] Les parties doivent avoir la possibilité pleine et entière de faire valoir leur position (par. 50(1) de la Loi). À cette fin, chaque partie a le droit que les documents potentiellement pertinents qui se trouvent en la possession de la partie adverse lui soient divulgués de façon à lui permettre de connaître la preuve qu’elle doit réfuter et, ainsi, de se préparer adéquatement pour l’audience (Egan c. Agence du revenu du Canada, 2019 TCDP 8, au par. 4). Suivant les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles »), toute partie est tenue de fournir une copie de tous les documents qu’elle a en sa possession relativement à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties. Il s’agit d’une obligation de communication continue (SM et al. c. Gendarmerie royale du Canada, 2022 TCDP 11, au par. 11, et art. 24 des Règles).

[79] Le critère applicable à la divulgation est celui de la pertinence potentielle, lequel n’est pas un critère particulièrement exigeant. La partie qui demande la production d’un document doit démontrer l’existence d’un lien rationnel entre le document et les questions soulevées dans la plainte (T.P. c. Forces armées canadiennes, 2019 TCDP 19, au par. 11, et Turner c. Agence des services frontaliers du Canada, 2018 TCDP 1, au par. 30). Une demande de divulgation ne doit pas être spéculative ou équivaloir à une partie de pêche (Egan c. Agence du revenu du Canada, 2017 TCDP 33, aux par. 31 et 32).

[80] Bien que le critère de la pertinence potentielle soit peu exigeant, il vise à empêcher qu’on se lance dans des demandes de production qui reposent sur la conjecture et qui sont fantaisistes, perturbatrices, mal fondées, obstructionnistes et dilatoires (Brickner c. la Gendarmerie royale du Canada, 2017 TCDP 28, au par. 5).

6. Mme Koke doit-elle présenter les documents demandés par les intimés?

[81] Oui. Les documents demandés sont potentiellement pertinents. Mme Koke ne s’est en aucun cas opposée à la production de ces documents et n’a pas formulé d’observations en ce sens non plus, sauf pour mentionner que, si les documents n’existaient pas ou si elle n’en avait pas le contrôle, elle ne pourrait pas les divulguer.

[82] Les intimés ont ciblé six catégories de documents qui, à leur avis, seraient pertinents dans le contexte des allégations soulevées par Mme Koke dans son exposé des précisions, et ils ont structuré leurs demandes en fonction de passages précis de son exposé. Ils font valoir que les documents demandés concernent la crédibilité, les questions systémiques, les mesures de réparation possibles et un motif illégitime présumé ayant trait au dépôt des plaintes et aux mesures de réparation.

[83] Les intimés cherchent précisément à obtenir les documents suivants :

a. tous les éléments de preuve se rapportant au harcèlement sexuel que M. Gailus aurait fait subir à d’autres membres du personnel, notamment les communications entre Pam Mason, Jill Krop et Kristi Gordon, ainsi qu’il en est question au paragraphe 28 de l’exposé des précisions de Mme Koke relativement à Shaw;

b. tous les certificats médicaux signés par le médecin de Mme Koke et faisant état de l’arrêt de travail de deux semaines recommandé par suite de l’incident d’octobre 2013 et/ou concernant l’incertitude de Mme Koke quant au dépôt d’une plainte officielle, ainsi qu’il en est question au paragraphe 25 de l’exposé des précisions de Mme Koke relativement à M. Gailus;

c. tous les certificats médicaux ayant trait à l’incapacité de Mme Koke de participer à la nouvelle enquête pour des raisons médicales et à son congé de maladie d’une durée d’un mois pendant la tenue de cette enquête, ainsi qu’il en est question aux paragraphes 49 et 50 de l’exposé des précisions de Mme Koke relativement à Shaw;

d. tous les éléments de preuve attestant que la [traduction] « direction a fermé les yeux » sur la conduite inappropriée qu’aurait eue M. Gailus à l’endroit de Mme Koke avant le dépôt de la plainte en décembre 2013, ainsi qu’il en est question au paragraphe 28 de l’exposé des précisions de Mme Koke relativement à M. Gailus;

e. toute la correspondance et toutes les notes que se sont échangés Mme Koke et ses collègues à propos de l’insatisfaction de Mme Koke à l’égard de son travail, du fait qu’elle aurait souhaité toucher une indemnité de départ et du fait que Shaw n’était pas autorisée à s’entretenir directement avec elle et devait s’adresser uniquement à son avocate, ainsi qu’il en est question aux paragraphes 41 et 51 de l’exposé des précisions des intimés;

f. tout élément de preuve relatif aux torts que Shaw aurait causés à Mme Koke sur le plan de son [traduction] « statut dans la collectivité », question abordée au paragraphe 82 de l’exposé des précisions de Mme Koke relativement à Shaw.

[84] Mme Koke ne s’oppose pas à la production de ces documents et affirme qu’elle communiquera tous les documents existants. Elle a demandé des précisions au sujet de la période visée relativement au point e), mais elle ne s’oppose pas à la divulgation des documents existants.

[85] En ce qui concerne la catégorie de documents f), Mme Koke soutient que la Commission a versé ces documents [traduction] « dans le dossier du tribunal » et que ceux-ci doivent être divulgués par la Commission elle-même, si ça n’a pas déjà été fait. Les parties peuvent examiner les documents qui ont été divulgués par la Commission et faire les vérifications nécessaires auprès d’elle en ce sens. Si les documents n’ont pas été divulgués, Mme Koke doit les communiquer ou confirmer que ceux-ci n’existent pas.

[86] S’agissant de la catégorie de documents c), les intimés ont précisé dans leur réplique qu’ils souhaitent avoir accès aux dossiers médicaux des professionnels de la santé qui ont suivi Mme Koke entre octobre 2013 et la date de l’arbitrage des griefs, soit le 14 octobre 2016, ainsi qu’à la liste des médicaments qui lui ont été prescrits et aux notes connexes des médecins.

[87] Enfin, en ce qui a trait à la catégorie de documents d), les intimés précisent qu’ils cherchent à obtenir les documents relatifs à la période allant de 2006 à octobre 2013. Ils affirment que, selon les allégations de Mme Koke, M. Gailus aurait eu un comportement inapproprié à son endroit durant les sept années pendant lesquelles ils ont travaillé ensemble.

[88] Si les documents demandés n’existent pas, le Tribunal ordonne à Mme Koke de le confirmer par écrit au Tribunal et aux autres parties. Autrement, le Tribunal lui ordonne de produire ces documents dans un délai de quatorze (14) jours civils à compter de la date de la présente décision sur requête.

7. Les intimés doivent-ils produire le dossier personnel complet de Mme Koke?

[89] Mme Koke affirme qu’elle demande depuis 2015 à la société intimée de lui communiquer son dossier personnel complet. Elle mentionne avoir de nouveau formulé une demande en ce sens en 2018 et dans trois lettres distinctes préparées en 2019, dont l’une a été acheminée à la Commission. Elle n’a toujours pas reçu son dossier personnel. Elle demande au Tribunal d’ordonner aux intimés de divulguer l’intégralité de son dossier personnel et toute autre information potentiellement pertinente qui se trouverait en leur possession ou sous leur garde.

[90] Les intimés n’ont pas répondu à la requête de Mme Koke, mais ils ne semblent pas l’avoir reçue. Si les intimés s’opposent toujours à la production du dossier personnel de Mme Koke, ils peuvent répondre à la demande de cette dernière dans un délai d’au plus sept (7) jours civils à compter de la réception de la présente décision sur requête. Leurs observations ne doivent pas dépasser cinq (5) pages. Si Mme Koke souhaite répliquer à ces observations, elle doit le faire dans les sept (7) jours civils suivant la réception de la réponse des intimés, et ses observations ne doivent pas dépasser trois (3) pages.

VI. MÉDIATION

[91] En 2022, les parties ont pris part à une médiation présidée par le Tribunal qui n’a pas permis de résoudre les plaintes. Si les parties souhaitent reprendre la médiation, le Tribunal peut nommer un nouveau médiateur ou les parties peuvent travailler avec la membre du Tribunal chargée de l’instruction de l’affaire, dans le cadre d’une médiation-instruction. Bien entendu, elles sont libres de régler les plaintes entre elles à tout moment.

VII. ORDONNANCE

[92] Les requêtes en rejet et en radiation présentées par les intimés sont rejetées.

[93] Le Tribunal fait droit à la requête des intimés visant la production de documents. Si les documents visés au paragraphe 83 n’existent pas, le Tribunal ordonne à Mme Koke de le confirmer par écrit. Autrement, le Tribunal lui ordonne de produire les documents en question dans les quatorze (14) jours civils suivant la présente décision sur requête.

[94] Si les intimés ne s’opposent pas à la production du dossier personnel complet de Mme Koke, ils doivent divulguer les documents en question dans les sept (7) jours civils suivant la présente décision sur requête. S’ils s’y opposent, ils doivent présenter une réponse à la demande de Mme Koke concernant la production de son dossier personnel complet dans les sept (7) jours civils suivant la présente décision sur requête. Leur réponse ne dépassera pas cinq (5) pages. Si les intimés présentent une réponse, Mme Koke dispose d’un délai de sept (7) jours civils suivant la réception de la réponse des intimés pour y répliquer. Sa réplique ne dépassera pas trois (3) pages.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 19 mars 2024

 

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéros des dossiers du Tribunal : T2670/4621 et T2671/4721

Intitulé de la cause : Dawne Koke c. Corus Entertainment Inc. et Chris Gailus

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 19 mars 2024

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Clea F. Parfitt , pour la plaignante

Howard Levitt et Eduard Matei , pour les intimés

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