Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Cette décision sur requête a accordé la suspension du traitement de la plainte devant le Tribunal. Dans sa plainte, Michael Farrell soutient que le Service correctionnel du Canada (SCC) a fait preuve de discrimination à son égard en raison de sa déficience et que le SCC fait généralement preuve de discrimination à l’égard des détenus ayant des problèmes de dépendance.

M. Farrell a une autre cause contre le SCC, fondée sur des faits similaires, devant la Cour supérieure de l’Ontario. M. Farrell et le SCC ont conjointement demandé au Tribunal canadien des droits de la personne de suspendre le traitement de la plainte jusqu’à ce que la Cour supérieure de l’Ontario rende sa décision.

Le Tribunal a conclu qu’il s’agit d’un des cas exceptionnels où il est justifié de retarder la procédure parce qu’il serait plus efficace, rentable et avantageux d’attendre l’issue de l’affaire devant la Cour supérieure de l’Ontario avant de poursuivre avec la plainte pour atteinte aux droits de la personne.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 13

Date : Le 13 mars 2024

Numéro du dossier : T2623/18020

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Michael Farrell

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service correctionnel du Canada

l'intimé

Décision sur requête


I. Contexte procédural

[1] Le Tribunal est saisi d’une requête par laquelle le plaignant et l’intimé lui demandent conjointement de suspendre sa procédure jusqu’à la conclusion d’une poursuite civile connexe.

[2] Le 12 mars 2019, M. Michael Farrell, le plaignant, a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») dans laquelle il allègue que le Service correctionnel du Canada, l’intimé, a commis à son endroit un acte discriminatoire fondé sur la déficience dans le contexte de la fourniture d’un service, aux termes de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « Loi »). Le plaignant a demandé des mesures de réparation pour lui-même, mais aussi pour remédier à certains problèmes de discrimination systémique. Il affirme que l’intimé ne fournit pas des services de soins de santé adéquats et appropriés aux détenus sous responsabilité fédérale, ce qui témoigne d’une discrimination systémique à l’endroit des détenus souffrant de problèmes liés à la dépendance.

[3] Le 31 décembre 2020, la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction en vertu du paragraphe 49(1) de la Loi. La Commission a également demandé au Tribunal, en vertu du paragraphe 49(4) de la Loi, d’ordonner une instruction commune de toutes les plaintes qui soulèvent des questions de fait et de droit similaires contre l’intimé. Le 17 mars 2021, le plaignant a consenti à ce que sa plainte soit jointe à d’autres plaintes portées contre l’intimé aux fins d’une instruction commune.

[4] La Commission participe pleinement à l’instance devant le Tribunal.

[5] Le 19 décembre 2023, le Tribunal a informé les parties que la plainte cheminait vers une audience et qu’il fixerait donc les délais pour le dépôt des exposés des précisions, la divulgation des documents et le dépôt de la liste des témoins.

[6] Le 22 décembre 2023, le plaignant et l’intimé ont déposé une requête conjointe pour demander que la plainte soit mise en suspens en attendant la conclusion d’une poursuite civile connexe devant la Cour supérieure de l’Ontario (la « requête conjointe »). Les parties ont fait valoir que la mise en suspens était justifiée parce qu’elles étaient parvenues à une entente sur les mesures de réparation systémiques et que la seule question en litige portait sur la réclamation pécuniaire. Les parties ont affirmé qu’il était dans l’intérêt de la justice, mais aussi plus rapide et efficace, de régler la réclamation pécuniaire dans le cadre de la poursuite civile. Elles ont fait remarquer que la poursuite civile était plus avancée que la procédure du Tribunal, et qu’elle progressait rapidement. La mise en suspens de la plainte pour atteinte aux droits de la personne permettrait d’empêcher les chevauchements inutiles et pourrait éviter au Tribunal de consacrer des ressources à l’examen de la question advenant qu’elle soit entièrement résolue dans le cadre de la poursuite civile.

[7] Le 4 janvier 2024, la Commission a accepté que la plainte soit mise en suspens en attendant la conclusion de la poursuite civile connexe. La Commission a souscrit au raisonnement exposé dans la requête conjointe.

II. Analyse

[8] Conformément à l’article 48.9(1) de la Loi, le Tribunal a l’obligation d’agir sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. L’alinéa 26(3)d) des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137, prévoit que le Tribunal peut statuer sur une requête en ajournement comme il l’estime indiqué.

[9] La suspension des procédures ne devrait être accordée que dans des circonstances exceptionnelles (Bailie et al. c. Air Canada et Association des pilotes d’Air Canada, 2012 TCDP 6, au par. 22; Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry et Acoby c. Service correctionnel du Canada, 2019 TCDP 30, au par. 14). Le Tribunal doit tenir compte des circonstances propres à chaque affaire pour déterminer si l’intérêt de la justice justifie que son instruction soit retardée. Le Tribunal a déclaré qu’il devait procéder à :

« […] une évaluation générale, au cas par cas, raisonnable et souple des facteurs applicables aux demandes d’arrêt des procédures, notamment les principes de justice naturelle et d’équité procédurale, la notion de préjudice irréparable, la prépondérance des inconvénients entre les parties et l’intérêt du public à ce que les plaintes en matière de droits de la personne soient instruites rapidement » (Egan c. Agence du revenu du Canada, 2018 TCDP 29, au par. 8).

[10] En l’espèce, par souci d’efficacité, l’octroi d’un ajournement permettrait au Tribunal et aux parties d’économiser du temps et des ressources. Le plaignant a indiqué qu’il souhaitait poursuivre son recours civil, que sa plainte pour atteinte aux droits de la personne soit mise en suspens ou non. Par conséquent, la présente procédure devant le Tribunal risque d’entraîner un chevauchement inutile. En outre, comme les parties sont déjà parvenues à une entente sur les mesures de réparation systémiques relatives à la plainte, l’incidence des considérations d’intérêt public s’en trouve atténuée. Étant donné qu’il ne reste plus que la réclamation pécuniaire à régler, il est dans l’intérêt de la justice de mettre en suspens la plainte relative aux droits de la personne. Il est avantageux d’attendre l’issue de la poursuite civile, qui est à une étape plus avancée, car sa résolution pourrait également clore le dossier devant le Tribunal.

[11] Je reconnais donc qu’il s’agit en l’espèce d’un des cas exceptionnels dans lesquels un ajournement est justifié, compte tenu notamment du fait que la procédure du Tribunal est à un stade précoce, de l’équité procédurale lorsqu’il y a chevauchement des compétences, des avantages sur le plan pratique pour les parties et de l’importance de conserver les ressources limitées du Tribunal (voir Letnes c. Gendarmerie royale du Canada, 2022 TCDP 32, aux par. 23 et 24).

III. Ordonnance

[12] La requête conjointe est accueillie. La présente affaire est ajournée en attendant l’issue de la poursuite civile connexe.

Signée par

Daniel Simonian

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 13 mars 2024


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Numéros des dossiers du Tribunal : T2623/18020

Intitulé de la cause : Michael Farrell c. Service correctionnel du Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 13 mars 2024

Kent Elson, pour le plaignant

Geneviève Colverson, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Tengteng Gai, pour l'intimé

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