Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Iad Abdul-Rahman a déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne. Selon cette plainte, Transports Canada avait fait preuve de discrimination à l’endroit de M. Abdul-Rahman lorsqu’il ne lui a pas offert certains postes. Transports Canada a demandé deux ordonnances au Tribunal avant de communiquer certains documents à M. Abdul-Rahman et à la Commission canadienne des droits de la personne.

La première requête visait à obtenir une ordonnance de confidentialité pour protéger les documents qui contiennent des notes prises et des cotes attribuées dans le cadre des entrevues, des examens écrits et des guides de notation concernant M. Abdul-Rahman. Le Tribunal a conclu que les exigences légales d’une ordonnance de confidentialité avaient toutes été respectées et il a accepté une partie de la requête.

La deuxième requête portait sur les noms des candidats retenus et les raisons pour lesquelles ils avaient été embauchés dans le cadre d’un processus de sélection. Transports Canada estime qu’en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, il a besoin d’une ordonnance du Tribunal pour pouvoir communiquer ces renseignements. Le Tribunal a rendu l’ordonnance, mais il doutait de sa nécessité. Transports Canada a également demandé une ordonnance de confidentialité concernant les renseignements des candidats retenus. Le Tribunal a rejeté cette requête parce que Transports Canada n’a pas fourni assez de justifications.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 7

Date : le 21 février 2024

Numéro(s) du/des dossier(s) : HR-DP-2888-22

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Iad Abdul-Rahman

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Transports Canada

l’intimé

Décision sur requête

Membre : Athanasios Hadjis



I. APERÇU

[1] L’intimé, Transports Canada, a déposé une requête visant à obtenir une ordonnance de confidentialité et une ordonnance lui permettant de divulguer des renseignements en conformité avec la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), ch. P-21.

[2] Le plaignant, Iad Abdul-Rahman, et Transports Canada ont déposé leurs exposés des précisions respectifs. Transports Canada affirme toutefois qu’il a encore quelques documents à transmettre à M. Abdul-Rahman et à la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »), comme l’exigent les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles de pratique »). Transports Canada sollicite une ordonnance de confidentialité à l’égard de ces documents avant qu’ils ne soient divulgués. Dans le but de s’acquitter de ses obligations en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, Transports Canada demande également au Tribunal d’ordonner formellement la divulgation de certains de ces documents.

II. DÉCISION

[3] L’ordonnance de confidentialité est accordée en partie. L’ordonnance au titre de la Loi sur la protection des renseignements personnels est accordée.

III. ORDONNANCE DE CONFIDENTIALITÉ

[4] M. Abdul-Rahman a postulé de nombreux emplois au sein de Transports Canada dans le cadre de processus de nomination externes. Les postes qu’il convoitait ne lui ont pas été offerts, et il allègue que sa candidature n’a pas été retenue en raison notamment de sa race, de sa couleur, de son origine nationale ou ethnique et de sa religion.

[5] Pour la plupart des processus de nomination en cause, la candidature de M. Abdul-Rahman a été écartée à l’étape de la demande d’emploi. Sa candidature a toutefois été retenue au terme de trois de ces processus, et son nom a été inscrit dans un bassin de candidats partiellement évalués dans le cadre de l’un de ces processus.

[6] Transports Canada demande que les documents relatifs à l’évaluation de la candidature de M. Abdul-Rahman dans le contexte de ces trois processus (les « documents d’évaluation ») fassent l’objet d’une ordonnance de confidentialité avant d’être transmis à M. Abdul-Rahman et à la Commission. Les documents d’évaluation sont répertoriés dans un tableau, coté comme pièce 1, qui accompagne l’affidavit signé le 9 janvier 2024 par Marie-Claude Mailloux, directrice adjointe, Service à la clientèle, à la Direction générale des Ressources humaines de Transports Canada, lequel affidavit a été déposé à l’appui de la requête de Transports Canada.

[7] Selon le tableau, les documents d’évaluation consistent en des notes prises et des cotes attribuées dans le cadre des entrevues, des exercices et examens écrits, et des guides de notation, tous en lien avec la candidature de M. Abdul-Rahman.

[8] Transports Canada sollicite une ordonnance visant à désigner les documents d’évaluation comme étant confidentiels et à établir les modalités du traitement qui leur sera accordé, non seulement aux fins de leur divulgation, mais également aux fins de leur présentation à l’audience. Transports Canada demande que les documents soient déposés au Tribunal dans une enveloppe scellée et qu’ils ne fassent pas partie du [traduction] « dossier public » ni ne soient rendus accessibles au public.

[9] La Commission ne s’oppose pas à l’ordonnance de confidentialité sollicitée. M. Abdul-Rahman ne consent pas à la demande de Transports Canada, car elle [traduction] « ferait en sorte que les détails de [son] dossier demeureraient confidentiels ». Ses observations avaient trait aux renseignements qu’il comptait présenter dans le cadre de son dossier. Ce n’est cependant pas ce sur quoi porterait l’ordonnance de confidentialité. De plus, les détails du dossier de M. Abdul-Rahman ne seront pas [traduction] « confidentiels » si l’ordonnance est accordée. La portée de l’ordonnance sollicitée se limite aux documents d’évaluation.

[10] À première vue, la demande de Transports Canada est prématurée. Nous en sommes encore à l’étape où chaque partie transmet aux autres parties les documents potentiellement pertinents qu’elle a en sa possession. Aucune date d’audience n’a encore été fixée. Ces documents ne sont pas déposés auprès du Tribunal et ne font donc pas partie du dossier officiel du Tribunal, au sens de l’article 47 des Règles de pratique. Aucun de ces documents n’est accessible au public pour le moment.

[11] Le Tribunal a été appelé à trancher une question semblable dans l’affaire Valenti c. Chemin de fer Canadien Pacifique, 2017 TCDP 31 (Valenti), dans le cadre de laquelle une requête en confidentialité avait été présentée pendant la période de divulgation. On faisait valoir que le Tribunal pourrait être mieux placé pour trancher ces questions de confidentialité au fur et à mesure qu’elles se présenteraient au cours de l’audience. Le Tribunal a néanmoins conclu que la requête en confidentialité avait été présentée à un moment opportun. Il a en effet mentionné, au paragraphe 17 de la décision, que le fait de rendre une ordonnance de confidentialité au début de la procédure permet une certaine forme de protection durant le processus de divulgation et contribue également à la bonne marche de l’instance. Le Tribunal a ajouté, au paragraphe 18, qu’il préférait déclarer un document confidentiel durant le processus de divulgation et changer sa désignation à l’audience, si une objection était formulée et qu’un argument convaincant était alors présenté, plutôt que de faire la démarche inverse.

[12] Je reconnais que, dans certaines circonstances comme celles de la présente affaire, il est logique d’aborder les questions de confidentialité tôt dans le processus.

[13] Ainsi que l’a fait observer récemment le Tribunal dans la décision SM, SV et JR c. Gendarmerie royale du Canada, 2023 TCDP 46, aux paragraphes 7 à 9, les instances judiciaires, y compris celles de notre Tribunal, sont présumément publiques et le principe de la publicité des débats judiciaires est essentiel au bon fonctionnement de la démocratie canadienne. Cependant, le droit canadien reconnaît qu’il y a des moments où il faut imposer des limites discrétionnaires à la publicité des débats judiciaires afin de protéger d’autres intérêts publics, le cas échéant.

[14] La nécessité de cette souplesse dans l’application du principe de la publicité des débats judiciaires pour le Tribunal est énoncée explicitement à l’article 52 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (LCDP), qui confère au Tribunal de vastes pouvoirs lui permettant de rendre les ordonnances qu’il juge nécessaires pour assurer la confidentialité de l’instruction dans certaines circonstances.

[15] Le Tribunal peut notamment utiliser ces pouvoirs lorsqu’il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique (al. 52(1)c) de la LCDP).

[16] L’alinéa 52(1)c) est libellé comme suit :

52 (1) L’instruction est publique, mais le membre instructeur peut, sur demande en ce sens, prendre toute mesure ou rendre toute ordonnance pour assurer la confidentialité de l’instruction s’il est convaincu que, selon le cas : (…)

c) il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique; (…)

52 (1) An inquiry shall be conducted in public, but the member or panel conducting the inquiry may, on application, take any measures and make any order that the member or panel considers necessary to ensure the confidentiality of the inquiry if the member or panel is satisfied, during the inquiry or as a result of the inquiry being conducted in public, that (…)

(c) there is a real and substantial risk that the disclosure of personal or other matters will cause undue hardship to the persons involved such that the need to prevent disclosure outweighs the societal interest that the inquiry be conducted in public; (…)

[17] Je remarque que le libellé en français de cette disposition ne fait pas explicitement référence à la notion de préjudice injustifié. Le fait d’exiger la preuve d’un préjudice injustifié peut avoir pour effet de rehausser le seuil de dérogation au principe de la publicité des débats judiciaires. J’estime cependant que cette exigence cadrerait parfaitement avec le message clair transmis par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Sherman (Succession) c. Donovan, 2021 CSC 25, au paragraphe 3, selon lequel il faut respecter un seuil élevé pour limiter la publicité des débats judiciaires. Il convient donc de se pencher sur le préjudice injustifié dans le cadre de l’analyse.

[18] L’analyse que le Tribunal doit réaliser en regard de la Loi dans le cadre d’une requête en vue d’obtenir une ordonnance de confidentialité s’appuie sur le critère à trois volets formulé dans l’arrêt Sherman (Succession), qui concorde généralement avec le critère énoncé au paragraphe 52(1) de la LCDP (A.B. c. Service correctionnel du Canada, 2022 TCDP 15, aux par. 14 et 15). La Cour suprême a affirmé, au paragraphe 38 de l’arrêt Sherman (Succession), que la personne qui demande au tribunal d’exercer son pouvoir discrétionnaire de façon à limiter la présomption voulant que le public puisse assister aux débats judiciaires doit établir que :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important;

2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; et

3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

[19] Par conséquent, l’alinéa 52(1)c) de la LCDP, que vient préciser l’analyse effectuée par la Cour suprême dans l’arrêt Sherman (Succession), énonce les questions que je dois trancher dans la présente décision sur requête.

A. Question no 1 : Il y a un risque sérieux que la divulgation publique des documents d’évaluation cause un préjudice injustifié à Transports Canada, ce qui pose un risque sérieux pour un intérêt public important.

[20] Dans son affidavit, Mme Mailloux affirme que le fait de rendre publics les documents d’évaluation aurait pour effet, dans le cadre de futures nominations, de compromettre et de miner l’intégrité du processus d’embauche de Transports Canada et du processus d’évaluation des candidatures permettant au Ministère de s’assurer que les candidats satisfont aux critères de mérite et possèdent les qualifications essentielles. Elle soutient que la situation causerait un préjudice injustifié à Transports Canada et poserait un risque sérieux pour un intérêt public important, à savoir l’intégrité des processus de sélection aux fins des nominations dans la fonction publique.

[21] Les observations formulées par Mme Mailloux vont dans le sens des conclusions de la Section de première instance de la Cour fédérale dans la décision Canada (Attorney General) c. Gill, 2001 CFPI 814 (CanLII) (Gill), au paragraphe 7. La Cour a reconnu que, dans le contexte de la dotation au sein de la fonction publique fédérale, il est important de maintenir la confidentialité des tests standardisés. Elle a mentionné que la divulgation de matériel d’examen confidentiel aux fonctionnaires et à d’autres personnes qui sont susceptibles de se présenter à pareils tests permettrait peut-être à ceux-ci d’obtenir des renseignements au sujet des réponses attendues et d’utiliser ces renseignements dans des concours futurs – ainsi qu’on désignait ces processus à l’époque – ou de les distribuer à d’autres personnes, intentionnellement ou non. Le remplacement de ces tests pourrait engendrer de grands frais. La Cour a conclu que la confidentialité du matériel d’examen constituait donc un aspect important du principe du mérite.

[22] La décision Gill a été rendue au titre de l’ancienne Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-33, mais dans la décision Aucoin c. Agence des services frontaliers du Canada, 2006 TDFP 12, au paragraphe 31, le Tribunal de la dotation de la fonction publique a jugé que les principes établis dans la décision Gill, sous le régime de l’ancienne loi, s’appliquaient sous le régime de la nouvelle loi, la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13.

[23] Je remarque toutefois que les documents en cause dans les décisions Gill et Aucoin comprenaient des « tests standardisés » établis par la Commission de la fonction publique. Mme Mailloux ne précise pas dans son affidavit si les documents d’évaluation relèvent de la catégorie des « tests standardisés ». Les documents semblent avoir été préparés par Transports Canada, et non par la Commission de la fonction publique. Cela dit, tous les processus de nomination en cause visent des postes techniques, et je suis disposé à accepter, même si c’est de façon restreinte, que le fait de rendre publics les détails concernant les outils d’évaluation relatifs à ces postes techniques poserait le même type de risque sérieux que ceux dont il est question dans les décisions Gill et Aucoin. La divulgation publique entraverait de façon importante la capacité de Transports Canada à mener à bien d’autres processus de nomination pour ces postes, mais aussi pour d’autres types de postes, ce qui ne servirait pas l’intérêt public. Je suis convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’agit d’un préjudice injustifié suivant le libellé de l’alinéa 52(1)c).

B. Question no 2 : L’ordonnance de confidentialité est nécessaire : aucune autre mesure ne permettrait d’écarter le risque sérieux de préjudice injustifié pour Transports Canada tout en préservant les valeurs qui sous-tendent le principe de la publicité des débats judiciaires.

[24] Je suis convaincu que les mesures de confidentialité sollicitées sont nécessaires et qu’aucune autre mesure ne permettrait d’écarter le risque sérieux de préjudice injustifié pour Transports Canada si les documents d’évaluation étaient rendus publics.

[25] Ainsi que le souligne Mme Mailloux, il n’existe aucune autre mesure envisageable pour écarter ce risque, si ce n’est que de retirer les questions de l’outil d’évaluation dans le cadre des prochains processus de sélection, d’en formuler de nouvelles et de préparer de nouveaux guides de notation, et ce, non seulement pour les postes en cause, mais aussi pour d’autres postes, compte tenu du fait que certaines questions s’appliquent plus largement à de nombreux types de postes. Les outils d’évaluation seraient inutilisables et devraient être remaniés à grands frais.

[26] En outre, comme les documents d’évaluation consistent en des examens, des exercices et des guides de notation, le fait d’ordonner, à titre de mesure de confidentialité de remplacement, la communication des versions caviardées de ces documents ne serait probablement pas une démarche utile, à mon avis. Tous les renseignements pertinents seraient vraisemblablement retirés des documents, et ceux-ci seraient donc dépourvus de pertinence dans le contexte de l’instance.

[27] Par conséquent, l’ordonnance de confidentialité est nécessaire afin de préserver la valeur des documents.

C. Question no 3 : Le risque sérieux de préjudice l’emporte sur l’intérêt public que présente l’information contenue dans les documents d’évaluation : les avantages de l’ordonnance sont plus importants que ses effets négatifs.

[28] Je suis également convaincu que les mesures sollicitées pour contrer le préjudice injustifié que subirait Transports Canada si les documents d’évaluation étaient rendus publics l’emportent sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique. M. Abdul-Rahman a le droit d’avoir accès aux documents en question, et les parties pourraient juger nécessaire de déposer certains d’entre eux en preuve à l’audience afin que la plainte fasse l’objet d’une instruction équitable. Il faut préserver ces droits tout en évitant de causer le préjudice injustifié mentionné précédemment, et la seule façon d’y parvenir consiste à s’assurer que les renseignements issus de l’évaluation qui doivent être protégés ne soient pas accessibles au public. Je suis convaincu que l’ordonnance de confidentialité sollicitée est la seule mesure qui permettrait d’atteindre ce résultat.

[29] L’instruction demeurera publique, et les parties auront la possibilité de se reporter aux documents au cours de l’audience. Ces dernières seront toutefois tenues de ne pas divulguer publiquement les détails concernant les questions d’examen, les guides de notation et les autres renseignements connexes. Ces renseignements vont tout de même faire partie du dossier officiel. Je rendrai toutes les ordonnances qui s’avéreront nécessaires au cours de l’audience pour préserver la confidentialité de l’information tout en permettant aux parties de faire valoir leur position.

[30] Toutes les parties auront accès aux documents d’évaluation dans le cadre de l’audience, conformément aux principes de l’équité procédurale. De plus, comme l’a affirmé le Tribunal dans la décision Valenti, rien n’empêche une partie de solliciter la modification de l’ordonnance de confidentialité si de nouvelles circonstances le justifient.

[31] Pour ces motifs, j’estime que tous les critères ont été respectés. J’accorde l’ordonnance de confidentialité sollicitée, sous la forme établie à la fin de la présente décision sur requête. Transports Canada a également demandé que les copies des documents d’évaluation déposées auprès du Tribunal soient placées dans une enveloppe scellée. Le Tribunal fonctionne par voie électronique, et les processus liés aux audiences ne reposent plus sur des documents papier. Les documents d’évaluation peuvent être chiffrés avant d’être déposés auprès du Tribunal, et ce dernier veillera à les conserver de manière sécuritaire, conformément à l’ordonnance rendue.

IV. ORDONNANCE AU TITRE DE LA LOI SUR LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

[32] Transports Canada affirme que, pour se conformer aux obligations de divulgation prévues dans les Règles de pratique, il doit communiquer à M. Abdul-Rahman et à la Commission les noms des candidats retenus à qui on a confié les postes visés et les formulations des décisions de sélection connexes pour le processus dans le cadre duquel M. Abdul-Rahman a été placé dans un bassin de candidats partiellement évalués (les « renseignements sur les candidats »). Les documents faisant état des renseignements sur les candidats sont répertoriés dans un tableau, coté comme pièce 2, qui accompagne l’affidavit de Mme Mailloux.

[33] Transports Canada soutient qu’il s’agit de renseignements personnels concernant des tiers et que le Tribunal doit rendre une ordonnance pour autoriser la communication de ces renseignements conformément à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[34] Transports Canada fait observer que, selon l’alinéa 8(2)c) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, la communication des renseignements personnels qui relèvent d’une institution fédérale est autorisée dans le cas où elle est exigée par subpœna, mandat ou ordonnance d’une autorité comme le Tribunal ou par des « règles de procédure » se rapportant à la production de renseignements. Transports Canada demande au Tribunal de rendre une ordonnance satisfaisant aux critères de cette disposition afin qu’il puisse se conformer à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[35] Cependant, la Commission fait remarquer à juste titre qu’une ordonnance de divulgation en ce sens n’est pas nécessaire puisque les « règles de procédure » (c.-à-d. les Règles de pratique) du Tribunal obligent Transports Canada, en tant qu’intimé, à divulguer tous les renseignements potentiellement pertinents (voir la décision Gagno c. Gendarmerie royale du Canada, 2023 TCDP 10 (Gagno), au par. 18). Néanmoins, la Commission ne s’oppose pas à l’ordonnance sollicitée. M. Abdul-Rahman n’a pas abordé précisément la question de la Loi sur la protection des renseignements personnels dans ses observations.

[36] Je vais rendre l’ordonnance demandée même si je mets en doute sa nécessité.

[37] Je remarque toutefois que Transports Canada, dans le dernier paragraphe de ses observations, demande que l’ordonnance de confidentialité englobe aussi la divulgation des renseignements sur les candidats. La justification de cette demande tient à un seul paragraphe de l’affidavit de Mme Mailloux, selon lequel les formulations des décisions de sélection à l’appui des nominations des candidats retenus contiennent des [traduction] « renseignements personnels ». Aucune autre explication ou justification à l’appui de cette allégation n’a été proposée. Je conclus que rien ne justifie d’élargir la portée de l’ordonnance de confidentialité de manière à y inclure les renseignements sur les candidats.

[38] Quoi qu’il en soit, ainsi que l’a mentionné le Tribunal dans la décision Gagno, au paragraphe 19, les renseignements communiqués durant le processus de divulgation sont protégés par la règle de l’engagement implicite, laquelle exige qu’une partie ne communique pas les renseignements obtenus dans le cadre du processus de divulgation à des fins autres que celles qui ont trait au litige.

V. ORDONNANCE

[39] Le Tribunal ordonne ce qui suit :

1) S’agissant des documents énumérés à la pièce 1 qui accompagne l’affidavit de Mme Mailloux daté du 9 janvier 2024 :

a) les documents déposés auprès du Tribunal par voie électronique seront envoyés au moyen d’une solution de chiffrement. Le Tribunal veillera à stocker les documents de façon sécuritaire et à ne pas rendre ceux-ci accessibles au public en tout ou en partie;

b) À aucun moment au cours de l’instance les documents ne seront communiqués, que ce soit directement ou indirectement, sans le consentement préalable de Transports Canada, à une personne ou à une entité autre que les suivantes :

i) M. Abdul-Rahman;

ii) la Commission;

iii) le Tribunal;

c) M. Abdul-Rahman et la Commission n’utiliseront pas les documents à des fins autres que celles qui ont trait à la plainte déposée auprès du Tribunal;

d) M. Abdul-Rahman et la Commission protégeront la confidentialité des renseignements qui leur auront été communiqués;

e) M. Abdul-Rahman et la Commission respecteront les exigences suivantes pour ce qui est des copies électroniques ou papier des documents :

i) M. Abdul-Rahman : stocker localement toutes les copies électroniques (c.-à-d. ne pas avoir recours à des services externes pour téléverser ou stocker des copies des documents, y compris les serveurs infonuagiques et les plateformes d’intelligence artificielle);

ii) Commission : stocker toutes les copies électroniques sur les serveurs sécurisés de la Commission, d’une manière conforme aux protocoles qu’elle a établis en matière de protection des renseignements personnels et confidentiels;

iii) Veiller à ce que tous les fichiers soient sécurisés physiquement et électroniquement, et ce, en tout temps;

iv) Supprimer toutes les copies à la fin de l’instance;

f) Dans les dix jours suivant l’expiration des droits de contrôle judiciaire relativement à la plainte, M. Abdul-Rahman et la Commission détruiront les documents, y compris les notes, les tableaux et les mémoires préparés à partir de ces documents, et M. Abdul-Rahman et l’avocat de la Commission aviseront les avocats de Transports Canada quand ce sera fait.

2) S’agissant des documents énumérés à la pièce 2 qui accompagne l’affidavit de Mme Mailloux daté du 9 janvier 2024 :

a) Le Tribunal ordonne à Transports Canada de transmettre les documents aux autres parties, conformément aux Règles de pratique;

b) M. Abdul-Rahman et la Commission n’utiliseront pas les documents à des fins autres que celles qui ont trait à la plainte déposée auprès du Tribunal.

Signée par

Athanasios Hadjis

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 21 février 2024


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : HR-DP-2888-22

Intitulé de la cause : Iad Abdul-Rahman c. Transports Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 21 février 2024

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

Iad Abdul-Rahman , pour le plaignant

Luke Reid , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Bahaa Sunallah et Clare Gover , pour l’intimé

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