Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Dans cette affaire, les parties ont modifié leur exposé des précisions (EDP) plusieurs fois avant le début de l’audience. L’EDP est un document qui décrit ce qu’une partie veut dire au Tribunal. Pendant l’audience, M. Davidson (le plaignant) a parlé de faits tirés d’EDP antérieurs qui n’étaient plus dans le quatrième et plus récent EDP modifié.

Affaires mondiales Canada (AMC) était en désaccord avec le fait que M. Davidson s’appuyait sur des faits tirés de versions antérieures de ses EDP pendant l’audience. La Commission canadienne des droits de la personne a expliqué que le témoignage de M. Davidson concernait son rendement au travail, une question clé dans le quatrième et plus récent EDP modifié. Le Tribunal était d’accord avec cette affirmation.

AMC n’a pas demandé à ce que la preuve soit retirée du dossier, mais voulait plutôt une ordonnance officielle. L’ordonnance indiquerait que seul le contenu mentionné clairement dans le quatrième EDP modifié définirait les faits et les questions à trancher dans cette affaire.

Le Tribunal a décidé de refuser la demande d’AMC parce qu’elle n’était pas nécessaire. Lors de la gestion de l’instance, le Tribunal avait déjà dit aux parties d’utiliser la dernière version des exposés des précisions à l’audience. Les préoccupations soulevées étaient juste théoriques. Même si le Tribunal a rejeté la requête d’AMC, il pourrait quand même soulever des objections à l’égard de la preuve présentée à l’audience en se fondant sur les derniers exposés des précisions.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 4

Date : le 30 janvier 2024

Numéro du dossier : T2582/13920

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Ray Davidson

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Affaires mondiales Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Kathryn A. Raymond, c.r.


Table des matières

I. Aperçu de la décision sur requête relative aux exposés des précisions qui a été rendue au cours de l’audience 1

II. La plainte donne du contexte 2

III. La gestion préparatoire et les modifications apportées aux EDP donnent du contexte 3

IV. L’intimé ne s’est pas opposé au témoignage du plaignant concernant les consultants et a procédé à son propre contre-interrogatoire 6

V. L’objection tardive de l’intimé au témoignage portant sur les consultants et le dépôt de sa requête 8

VI. Les arguments des parties à l’égard de la requête et des clarifications supplémentaires 9

A. Les observations de l’intimé 9

B. Les observations de la Commission 10

C. Les observations du plaignant 11

D. Les précisions apportées par le Tribunal à l’égard de l’objection, de la requête et de l’ordonnance sollicitée par l’intimé 11

E. Les questions que l’intimé adresse au Tribunal 13

F. Le Tribunal demande des précisions sur le préjudice que subirait l’intimé 14

VII. La question en litige 14

VIII. Les motifs 14

A. La jurisprudence présentée par l’intimé 15

B. L’absence de préjudice pour l’intimé 18

C. L’importance et la pertinence sont des facteurs à considérer lorsqu’il s’agit de déterminer l’admissibilité du témoignage de M. Davidson 19

D. L’équité et la recherche de la vérité 20

E. La requête est spéculative et préventive 21

F. L’ordonnance demandée restreindrait le pouvoir discrétionnaire du Tribunal 22

G. La portée de la plainte ne nécessite aucune clarification 25

H. La requête et la décision sur requête formelle n’étaient pas nécessaires 26

IX. Ordonnances et directives 26

 


I. Aperçu de la décision sur requête relative aux exposés des précisions qui a été rendue au cours de l’audience

[1] L’intimé, Affaires mondiales Canada (« AMC »), a déposé une requête en vue d’obtenir un jugement déclaratoire portant que le plus récent exposé des précisions modifié (l’« EDP »), à savoir le quatrième EDP, est le seul pertinent aux fins l’audience et de la décision. La question au cœur de cette requête est de savoir quelle version des EDP expose les questions de fait qui doivent être tranchées. L’intimé cherche à établir que c’est le quatrième EDP, soit le plus récent, et non les précédents, qui établit l’importance des questions et des faits. La requête a été présentée par AMC plusieurs jours après le début de l’audience sur le bien-fondé de la plainte déposée par le plaignant, M. Davidson. La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») a déposé des observations pour aider le Tribunal, mais n’a pas pris position. M. Davidson conteste la requête.

[2] Pour éviter que la requête retarde l’audience, le Tribunal a demandé aux parties s’il était possible de régler l’affaire de manière informelle. AMC a demandé au Tribunal de rendre une décision sur requête formelle avant de poursuivre.

[3] Le 12 décembre 2023, le Tribunal a, de manière informelle, rejeté la requête de vive voix en précisant que les motifs allaient suivre. Le Tribunal a procédé de cette manière afin de pouvoir poursuivre l’audience de la façon la plus expéditive possible. Voici donc la décision formelle sur la requête déposée par AMC en vue d’obtenir un jugement déclaratoire au sujet de l’EDP.

[4] Le Tribunal refuse de rendre le jugement déclaratoire qu’a demandé AMC et rejette la requête au motif qu’elle est spéculative et inutile. Le Tribunal a déjà donné des directives pour préciser quel EDP devait servir de référence dans le cadre de l’instruction de la plainte. L’EDP pertinent et applicable est le dernier à avoir été déposé, soit le quatrième EDP modifié. C’est ce qui ressort du dossier officiel du Tribunal relatant la longue gestion d’instance préalable à l’audience.

[5] La requête est rejetée, sans porter atteinte au droit des parties de s’opposer à l’admissibilité des éléments de preuve présentés à l’audience sur la base du quatrième EDP ou de traiter dans leurs observations finales de la valeur qu’il convient d’accorder aux éléments de preuve admis à l’audience. Il est également possible pour une partie de présenter la même requête ou une requête similaire si une question exige que le Tribunal se prononce. Toutefois, le Tribunal pourrait exiger que la partie requérante présente d’abord une requête préliminaire pour établir que la question qu’elle souhaite soulever est suffisamment importante à l’équité et à l’efficacité de l’instance pour justifier une requête formelle ou une décision sur requête rendue par écrit.

II. La plainte donne du contexte

[6] M. Davidson s’identifie comme un homme de race noire. Sa plainte contre AMC repose sur des allégations de discrimination raciale en cours d’emploi. M. Davidson souhaitait prendre un congé pour travailler à titre de consultant à AMC aux termes d’un contrat à court terme qui commençait en novembre 2015. Il avait déjà travaillé à titre de consultant pour AMC en 2013. Toutefois, AMC a décidé de ne pas retenir ses services à nouveau en 2015.

[7] M. Davidson allègue que la décision d’AMC est discriminatoire et qu’il a subi un effet préjudiciable sur la base du motif de distinction illicite de la race.

[8] AMC allègue que la plupart des dossiers sur lesquels le demandeur a travaillé en 2013 ont dû être revus. AMC nie avoir fait preuve de discrimination et dit que seuls les problèmes de rendement de M. Davidson expliquent qu’il n’ait pas été engagé à nouveau en 2015.

[9] M. Davidson affirme que son rendement était satisfaisant lorsqu’il était consultant pour AMC en 2013.

[10] Les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021) (les « Règles ») exigent que les parties préparent et déposent des EDP avant l’audience. Quand M. Davidson a déposé son EDP initial (la version du 23 février 2021) auprès du Tribunal, il a expliqué que ni AMC ni l’agence qui avait proposé ses services de consultant à AMC ne l’avait informé de problèmes liés à son rendement. Il affirme qu’en mars 2013, AMC a prolongé son contrat initial qui était de trois mois, pour le porter à 48 semaines. M. Davidson prétend qu’AMC n’aurait pas prolongé son contrat (de 15 à 48 semaines) s’il avait eu de graves problèmes de rendement.

[11] Dans son EDP initial (la version du 9 avril 2021), AMC dit avoir prolongé le contrat de M. Davidson pour le porter à la durée maximale possible de 48 semaines, et ce, en dépit des problèmes de rendement, pour des raisons opérationnelles. Aux paragraphes 48 et 49 de son EDP, AMC explique ces raisons opérationnelles :

[Traduction]
48. Le fait que l’intimé ait prolongé le contrat initial du plaignant de mars 2013 à novembre 2013 ne contredit pas l’opinion défavorable qu’il avait quant au travail du plaignant. L’intimé était conscient des problèmes de rendement du plaignant, mais compte tenu de ses besoins opérationnels, il ne pouvait pas se permettre, ni en temps ni en argent, de congédier le plaignant et de lancer un autre processus.

49. L’intimé avait besoin de ressources continues pour traiter l’imposant arriéré de demandes d’AIPRP. Il espérait que le plaignant s’améliore après le renouvellement de son contrat en mars 2013 et qu’il aiderait à éliminer l’arriéré. L’autre solution consistait à lancer un nouveau processus de passation des marchés, ce qui aurait été plus coûteux et plus long.

[12] Le 15 avril 2021, M. Davidson a déposé un EDP en réplique afin de contester cette version des faits. M. Davidson affirme que, malgré ce qu’AMC a écrit dans son EDP à propos de ses besoins opérationnels, deux autres consultants, Peter Maynard et Keith Da Costa, n’avaient pas vu leur contrat renouvelé à la fin de la période initiale de trois mois, en mars 2013. Cette affirmation faite par M. Davidson dans sa réplique initiale est tout à fait pertinente dans le cadre de la présente requête déposée par l’intimé.

III. La gestion préparatoire et les modifications apportées aux EDP donnent du contexte

[13] Après avoir déposé leur EDP initial respectif (entre février et avril 2021), les parties ont discuté de façon générale au cours de la gestion préparatoire des questions de droit afin de s’assurer qu’elles avaient une chance égale de répondre aux questions fondamentales en litige. Les parties ont eu l’occasion de modifier leur EDP afin de corriger des lacunes en matière de divulgation. Les Règles exigent que les faits importants, les questions, le nom des témoins et un résumé du témoignage prévu de chacun, ainsi que tous les documents potentiellement pertinents soient divulgués dans l’EDP des parties (articles 18, 19, 20 et 21 des Règles, qui s’appliquent respectivement au plaignant, à la Commission, à l’intimé et à la réplique du plaignant).

[14] Dès le printemps 2022, des modifications ont été apportées aux EDP afin de corriger les omissions, processus qui s’est poursuivi tout au long de l’instance jusqu’au début de l’audience le 28 novembre 2023. Le Tribunal a enjoint aux parties de se conformer aux directives en apportant des précisions sur ce qu’elles souhaitaient présenter à l’audience et en répondant à chacune des allégations avancées par la partie adverse dans leur prochain EDP modifié.

[15] Les EDP ont été modifiés une première fois, puis M. Davidson a déposé un EDP en réplique modifié le 31 mai 2022. Au paragraphe 8 de son EDP en réplique modifié, M. Davidson a continué d’alléguer, comme dans l’EDP qu’il avait initialement déposé en réplique (la version du 15 avril 2021), que deux consultants n’avaient pas vu leur contrat renouvelé à la fin de la période initiale de trois mois en 2013, alors qu’il avait vu son contrat prolongé par AMC.

[16] Les parties ont ensuite déposé un autre EDP modifié à la suite des conférences de gestion préparatoires. M. Davidson a ainsi déposé un deuxième EDP en réplique modifié le 6 décembre 2022. Au paragraphe 13 de cet EDP en réplique, il alléguait qu’après 15 semaines, AMC avait renouvelé son contrat pour la durée maximale autorisée (48 semaines) à un taux de rémunération plus élevé, mais avait laissé partir trois autres consultants, soit M. Maynard, M. Da Costa et M. Michel Barthe.

[17] Le Tribunal a alors donné aux parties une autre occasion de procéder à la divulgation complète de la preuve pendant le processus de gestion préparatoire en déposant un troisième EDP modifié. Le Tribunal a pris cette décision parce qu’il tentait de résoudre de manière informelle des questions qui demeuraient en suspens au sujet du contenu des EDP. Ces questions se rapportaient essentiellement à l’allégation de M. Davidson selon laquelle AMC refusait toujours de divulguer des documents et aux efforts déployés pour arriver à une entente sur la manière de calculer la perte de revenu de M. Davidson si une telle somme devait lui être accordée. Le Tribunal a encouragé les parties à résoudre l’affaire entre elles, a fixé les dates d’audience et a rappelé aux parties qu’elles pouvaient déposer une requête avant l’audience si elles ne parvenaient toujours pas à résoudre les questions en suspens.

[18] Le 7 juillet 2023, M. Davidson a déposé son troisième EDP en réplique modifié. Dans cette version, il n’était plus question des consultants et des allégations selon lesquelles ces personnes n’avaient pas vu leur contrat renouvelé après trois mois alors que le contrat de M. Davidson avait été prolongé, mais il était plutôt question du fait que l’intimé avait refusé de procéder à la divulgation comme il avait été discuté lors de la conférence de gestion préparatoire et de la demande d’indemnité pour perte de revenu présentée.

[19] Étant donné qu’il demeurait toujours certaines objections au sujet du contenu des exposés, le Tribunal a autorisé les parties à déposer un quatrième EDP modifié au cours des mois de septembre et octobre 2023. Par conséquent, M. Davidson a déposé un quatrième EDP en réplique modifié (la version du 30 octobre 2023). En octobre 2023, le Tribunal a également jugé que les renseignements fournis dans une lettre écrite par M. Davidson au sujet de sa perte de revenu devaient être ajoutés à son plus récent EDP pour éviter de devoir déposer une cinquième version.

[20] En résumé, c’est dans son EDP en réplique initial, déposé le 15 avril 2021, que M. Davidson a mentionné pour la première fois que les autres consultants n’avaient pas vu leur contrat renouvelé en mars 2013. Cette allégation est restée dans les EDP en réplique modifiés jusqu’au 7 juillet 2023, plus de trois ans plus tard, alors qu’elle ne figurait plus dans le troisième EDP en réplique modifié. Elle ne figurait pas non plus dans le quatrième EDP en réplique modifié. Dans ses troisième et quatrième EDP en réplique modifiés et dans la lettre fournie à l’automne 2023, M. Davidson se concentre sur le refus allégué d’AMC de divulguer les documents concernant les problèmes de rendement et sur sa demande d’indemnité pour perte de revenu. En conférence de gestion préparatoire, le plaignant n’a pas parlé du fait qu’il avait retiré certaines allégations et il n’a fourni aucune explication. L’intimé n’a pas posé de question ni réagi d’une quelconque manière face à ce changement.

[21] AMC a continué d’affirmer dans ses EDP modifiés qu’il ne pouvait pas se passer de M. Davidson pour des raisons opérationnelles, malgré les problèmes de rendement allégués. Lorsqu’AMC a modifié ses EDP, il n’a pas répondu à l’affirmation de M. Davidson selon laquelle d’autres consultants n’avaient pas vu leur contrat initial de trois mois renouvelé en 2013.

IV. L’intimé ne s’est pas opposé au témoignage du plaignant concernant les consultants et a procédé à son propre contre-interrogatoire

[22] Au quatrième jour de l’audience, le 1er décembre 2023, le plaignant, qui agit pour son propre compte, a continué son propre interrogatoire principal. M. Davidson s’est penché sur la question de savoir si les problèmes de rendement qu’il aurait eus en 2013 justifiaient la décision d’AMC de ne pas retenir à nouveau ses services en 2015. Il a répondu à l’explication offerte par AMC à la question de savoir pourquoi le contrat avait été renouvelé en 2013 si le rendement était si médiocre. M. Davidson a dit qu’en 2013, deux consultants, M. Maynard et M. Da Costa, n’avaient pas vu leur contrat être renouvelé au-delà de la période initiale de trois mois. M. Davidson a contesté l’affirmation d’AMC selon laquelle la seule raison pour laquelle il l’avait gardé comme consultant était pour traiter l’arriéré de dossiers et qu’il ne pouvait pas se permettre de perdre des consultants ou d’engager des frais pour les remplacer. M. Davidson s’est dit d’avis que son rendement ne pouvait pas être un problème, sinon, à l’instar de M. Maynard et M. Da Costa, son contrat n’aurait pas été renouvelé.

[23] À ce moment-là, AMC n’a pas contesté le témoignage de M. Davidson selon lequel deux autres consultants n’avaient pas vu leur contrat être renouvelé à la fin du mois de mars 2013. M. Davidson a donc conclu son propre interrogatoire principal et la Commission lui a posé ses questions.

[24] Au cinquième jour de l’audience, le 6 décembre 2023, l’avocate de l’intimé a procédé au contre-interrogatoire de M. Davidson. Elle a notamment posé des questions au sujet de l’ancien consultant, M. Barthe. Rappelons que M. Barthe était le troisième consultant qui, selon ce qu’a indiqué M. Davidson dans son deuxième EDP en réplique modifié, n’a pas vu son contrat être renouvelé à la fin du mois de mars 2013.

[25] Le nom de M. Barthe apparaît sur la pièce no 6, un document déposé en preuve par l’intimé pour démontrer que M. Davidson n’a pas été retenu comme consultant en 2015 en raison de problèmes de rendement observés en 2013. Il s’agit d’un document d’une page qui comporte des notes. Selon l’intimé, les notes ont trait à la réunion au cours de laquelle il a pris la décision de ne pas retenir à nouveau les services de M. Davidson en 2015. À côté du nom de M. Davidson figure la note manuscrite suivante : [traduction] « la plupart de ses dossiers ont dû être revus ». M. Barthe avait également postulé pour travailler en tant que consultant auprès d’AMC en 2015. Or, une note similaire figure à côté de son nom. En contre-interrogatoire, M. Davidson a été questionné afin de déterminer s’il connaissait M. Barthe et s’il savait quelles étaient sa race et sa langue maternelle. Il a déclaré qu’il le connaissait et que celui-ci était un francophone de race blanche. L’avocate de l’intimé a fait valoir que les services de M. Barthe n’avaient pas été retenus en 2015 (tout comme ceux de M. Davidson) parce que la plupart de ses dossiers avaient dû être revus, soit la même raison consignée par AMC au sujet de M. Davidson.

[26] Bien que l’avocate de l’intimé ait interrogé M. Davidson au sujet de M. Barthe, elle ne l’a pas contre-interrogé sur le témoignage qu’il avait livré au sujet des deux autres consultants, M. Maynard et M. Da Costa.

[27] Après avoir été contre-interrogé par l’intimé, M. Davidson a procédé à son propre réinterrogatoire pour clarifier quelques points. M. Davidson est notamment revenu sur le point avancé par l’avocate de l’intimé en contre-interrogatoire, à savoir que les services de M. Barthe n’avaient pas été retenus en 2015 pour les mêmes raisons que M. Davidson. M. Davidson a déclaré que lorsque l’avocate l’a contre-interrogé au sujet de M. Barthe, il s’est souvenu que celui-ci faisait partie des consultants à ne pas avoir vu son contrat être renouvelé par AMC à la fin de la période initiale de trois mois en 2013 (comme il l’avait mentionné dans son deuxième EDP en réplique modifié, déposé le 6 décembre 2022). M. Davidson a répété, cette fois à la lumière de l’exemple de M. Barthe, que si son propre rendement avait été si faible en mars 2013, son contrat n’aurait pas été prolongé. L’avocate de l’intimé ne s’est pas opposée au témoignage livré par M. Davidson lors de son réinterrogatoire.

[28] En fin de journée, à la suite du réinterrogatoire de M. Davidson, le Tribunal a posé quelques questions. Le Tribunal a notamment souligné qu’il se souvenait vaguement (et à tort) qu’il était question des autres consultants dans l’un des plus récents EDP modifiés de M. Davidson et qu’il y avait peut-être d’autres détails à ce sujet. Il voulait s’assurer que l’intimé avait examiné ces EDP et avait eu la possibilité de déterminer s’il souhaitait poser d’autres questions à M. Davidson à ce sujet. Les parties ont été interrogées sur ce que contenaient les EDP au sujet des autres consultants et, au vu de leurs réponses, le Tribunal a ordonné que les passages faisant référence aux autres consultants soient mis en évidence.

V. L’objection tardive de l’intimé au témoignage portant sur les consultants et le dépôt de sa requête

[29] En fin de journée le 6 décembre 2023, l’avocate de l’intimé s’est opposée au témoignage de M. Davidson concernant les consultants parce que leurs noms ne figuraient pas dans les deux dernières versions de son EDP en réplique modifié, soit le quatrième (la version du 30 octobre 2023) et le troisième (la version de juillet 2023). L’intimé s’est opposé à ce que M. Davidson soit autorisé à s’appuyer sur des versions antérieures de ses actes de procédure pour faire valoir des faits importants qui n’ont pas été présentés dans la version finale de l’EDP modifié ou de l’EDP en réplique modifié.

[30] Le 7 décembre 2023, l’intimé a soulevé son objection et a informé le Tribunal qu’il souhaitait présenter une requête en vue d’obtenir une décision sur requête et un jugement déclaratoire portant que les dernières versions des EDP des parties sont celles qui exposent de manière « complète et définitive » les faits et les questions en cause dans le cadre de la présente instance. Le Tribunal devait également se prononcer sur plusieurs autres objections et rendre d’autres décisions sur requête en matière de procédure. Afin d’accélérer l’audience et de minimiser les retards causés par la présente requête, le Tribunal a décidé que la requête serait soustraite aux exigences formelles de l’article 26 des Règles. Le Tribunal a donc autorisé AMC à envoyer sa proposition de jugement déclaratoire par courriel et a entendu les observations orales de toutes les parties les 7 et 11 décembre 2023.

VI. Les arguments des parties à l’égard de la requête et des clarifications supplémentaires

A. Les observations de l’intimé

[31] L’intimé a indiqué qu’il souhaite savoir clairement quels documents constituent les « actes de procédure ». Le Tribunal se référera à la terminologie utilisée dans les Règles, qui exigent que les parties échangent des EDP, dont le contenu diffère de celui des actes de procédure déposés auprès des tribunaux civils. L’intimé soutient que lui-même et le plaignant pourraient subir un préjudice s’ils devaient chercher dans des versions antérieures des EDP modifiés pour en extraire des faits en vue de répondre à des allégations qui ne sont plus [traduction] « en cause ».

[32] L’avocate de l’intimé a indiqué que l’information selon laquelle trois consultants n’avaient pas vu leur contrat renouvelé en 2013 se trouvait dans l’EDP en réplique modifié du plaignant du 6 décembre 2022. Elle a réitéré qu’au moins deux EDP modifiés avaient été déposés par la suite et qu’ils ne contenaient pas cette information.

[33] L’avocate de l’intimé a informé le Tribunal qu’elle avait préparé le contre-interrogatoire de M. Davidson et les questions de ses propres témoins en fonction des allégations avancées dans les quatrièmes EDP modifiés déposés en septembre et octobre 2023. Selon elle, accepter la preuve relative aux consultants à ce stade de l’instance irait à l’encontre de l’objet visé par les « actes de procédure », porterait atteinte aux articles 18 et 21 des Règles et contredirait les directives que le Tribunal a données aux parties au sujet de la préparation des EDP lors de la conférence de gestion préparatoire. À l’appui de cette affirmation, l’avocate a fait référence à la conférence téléphonique de gestion préparatoire tenue en mars 2023.

[34] Lors de cette conférence téléphonique de gestion préparatoire, le Tribunal a clairement indiqué qu’il incombait aux parties de s’assurer que leurs EDP contenaient tous les faits importants sur lesquels elles comptaient s’appuyer lors de l’audience. C’est après cette conférence téléphonique que les parties ont eu une troisième fois l’occasion de modifier leur EDP.

[35] Dans ses observations relatives à la requête, l’avocate de l’intimé a invoqué les directives du Tribunal selon lesquelles, à moins que la partie souhaitant modifier son EDP ne présente une requête étayée par la preuve, le troisième EDP modifié devait être préparé en tenant compte du fait qu’à l’audience, les parties ne seraient pas autorisées à ajouter des questions et des faits importants qui auraient pu être découverts si les parties avaient exercé une diligence raisonnable. La requête en autorisation de modification devrait soulever ces questions. L’avocate de l’intimé a fait remarquer que le Tribunal a ensuite donné une autre occasion aux parties de revoir leur EDP en déposant un quatrième EDP modifié.

[36] L’avocate de l’intimé a soutenu que, si le Tribunal autorisait les parties à présenter à l’audience des éléments tirés des EDP antérieurs, l’intimé devait savoir ce qui serait soulevé et avoir le temps de se préparer.

B. Les observations de la Commission

[37] La Commission a fait valoir qu’il a toujours été question de réfuter l’allégation de l’intimé selon laquelle le rendement de M. Davidson était la seule raison de ne pas le réembaucher, et ce, dans toutes les versions des EDP. L’avocate de la Commission a indiqué qu’au paragraphe 6 de son quatrième EDP modifié, M. Davidson faisait toujours valoir que les préoccupations d’AMC quant à la qualité du travail qu’il avait effectué en 2013 étaient injustifiées. Pour sa part, au paragraphe 36 de son quatrième EDP modifié, l’intimé a répété que le plaignant avait travaillé pendant trois mois et qu’il avait éprouvé des problèmes de rendement, mais qu’il avait vu son contrat prolongé pour des raisons opérationnelles. L’avocate de la Commission a ajouté que l’intimé avait également déclaré dans son quatrième EDP modifié qu’il pensait que la prolongation du contrat donnait au plaignant l’occasion de s’améliorer. Elle a ajouté que M. Davidson faisait état dans son dernier EDP d’une allégation avec laquelle il n’était pas d’accord, à savoir qu’il aurait eu des problèmes de rendement. L’avocate soutient que le problème concerne la réplique du plaignant, et non son EDP principal.

C. Les observations du plaignant

[38] M. Davidson soutient qu’il devrait pouvoir répondre aux allégations de l’intimé selon lesquelles son contrat a été prolongé en mars 2013 uniquement parce qu’AMC n’avait ni le temps ni l’argent nécessaire pour procéder autrement. Il dit qu’il n’avait pas compris qu’il devait reprendre le contenu de son EDP en réplique dans son EDP en réplique modifié. Selon lui, il est tout naturel qu’il soit autorisé à se référer à la preuve concernant les trois consultants. M. Davidson fait valoir qu’il est injuste de voir que certains éléments de contenu ont pour ainsi dire été [traduction] « écartés » alors que l’allégation formulée par l’intimé au sujet de son problème de rendement est toujours en cause. Il soutient qu’il devrait avoir la possibilité de répondre aux allégations faites par l’intimé dans le cadre de sa plainte.

D. Les précisions apportées par le Tribunal à l’égard de l’objection, de la requête et de l’ordonnance sollicitée par l’intimé

[39] Comme l’intimé a, en cours d’audience, avisé oralement le Tribunal et les autres parties de son intention de déposer une requête, il n’a pas présenté d’avis écrit indiquant l’ordonnance sollicitée et les motifs à l’appui, comme le prévoit l’article 26 des Règles. Le Tribunal a demandé à AMC de préciser quelle ordonnance il sollicite. Il a notamment interrogé AMC au sujet de son objection et lui a demandé de préciser s’il contestait l’admissibilité du témoignage de M. Davidson concernant les trois consultants et s’il sollicitait une ordonnance visant à faire supprimer le témoignage du dossier de preuve. Le Tribunal a souligné qu’aucune objection n’avait été soulevée à l’égard du témoignage de M. Davidson ni lors de son interrogatoire principal ni lors de son réinterrogatoire. M. Davidson avait d’ailleurs été contre-interrogé par l’avocate de l’intimé au sujet de M. Barthe, un des trois consultants.

[40] L’avocate de l’intimé a précisé qu’elle ne cherchait pas à faire supprimer une partie du témoignage déjà livré ou de la preuve documentaire déjà déposée. Elle a informé le Tribunal qu’elle était prête à accepter le fait qu’elle ne s’était pas opposée à la preuve pour des raisons de pertinence à ce moment-là et que M. Davidson avait témoigné sur ce sujet.

[41] L’avocate de l’intimé dit que, par sa requête, AMC souhaite simplement que les faits et les questions figurant dans les quatrièmes EDP déposés en septembre et en octobre 2023 soient ceux qui soient retenus en vue de l’audience. L’avocate de l’intimé a expliqué que, si la requête d’AMC concernant les actes de procédure est accueillie, le témoignage qu’a livré M. Davidson au sujet des trois consultants ne constituera pas la preuve d’un fait important énoncé dans les EDP. Selon l’avocate, ce qui est considéré comme important sera déterminé en fonction de ce qui se trouve dans les EDP modifiés qui ont été déposés en septembre et octobre 2023.

[42] L’avocate de l’intimé soutient que, plutôt que de demander la radiation de la preuve, AMC fera valoir dans ses observations finales que peu de valeur, voire aucune, ne devrait être accordée au témoignage concernant les trois consultants ni, de manière générale, aux allégations présentées dans les EDP antérieurs parce que ces éléments de preuve ne constituent pas la preuve d’un fait important.

[43] Le Tribunal a demandé à l’intimé de préciser quels éléments de preuve seraient touchés si la requête était accueillie. L’avocate de l’intimé a fait mention du témoignage livré par M. Davidson au sujet de M. Maynard et de M. Da Costa lors de l’interrogatoire principal ainsi que de la partie de son réinterrogatoire concernant M. Barthe. Elle a fait abstraction du témoignage concernant M. Barthe que l’intimé a obtenu lors du contre-interrogatoire de M. Davidson.

[44] Le Tribunal a demandé à l’avocate de l’intimé d’envoyer un courriel avec le libellé proposé pour l’ordonnance sollicitée. AMC propose le libellé suivant :

[Traduction]
Le Tribunal ordonne et déclare que les versions actuelles des actes de procédure des parties sont celles qui exposent de manière complète et définitive les faits et les questions en cause dans le cadre de la présente audience. Ces documents sont les suivants :

L’exposé des précisions modifié de la Commission canadienne des droits de la personne, déposé le 12 décembre 2022;

Le quatrième exposé des précisions modifié du plaignant, déposé le 20 septembre 2023;

Le quatrième exposé des précisions modifié de l’intimé, déposé le 17 octobre 2023;

La réponse du plaignant (réplique initiale) au quatrième exposé des précisions modifié de l’intimé, déposé le 24 octobre 2023;

Le courriel du plaignant (l’explication du calcul des dommages-intérêts), déposé le 24 octobre 2023;

La lettre de l’intimé (en réponse à l’explication du calcul des dommages-intérêts formulée par le plaignant), déposée le 30 octobre 2023;

La réponse du plaignant à la lettre de l’intimé, déposée le 30 octobre 2023.

E. Les questions que l’intimé adresse au Tribunal

[45] Comme je l’ai déjà expliqué, dans sa requête, AMC fait valoir que les faits importants et les questions sur lesquels portera l’audience sont ceux énoncés dans les quatrièmes EDP déposés en septembre et en octobre 2023. Néanmoins, dans ses observations orales, l’avocate de l’intimé a demandé au Tribunal comment il envisageait la suite de l’audience, une question qui lui semblait être pertinente pour déterminer la portée de sa requête. L’avocate de l’intimé a demandé au Tribunal si les parties devaient s’attendre à ce que seuls les trois noms des consultants soient présentés en preuve (ce qui était déjà au dossier) ou si [traduction] « l’ensemble de l’acte de procédure » déposé par M. Davidson le 6 décembre 2022, soit l’EDP qu’il a déposé à cette date, serait présenté en preuve.

[46] Ni le Tribunal, ni M. Davidson, ni la Commission n’ont suggéré que l’ensemble de l’EDP déposé par M. Davidson le 6 décembre 2022 soit présenté en preuve. Ni l’EDP modifié déposé par M. Davidson le 6 décembre 2022 (dans son ensemble) ni aucun autre EDP déposé avant l’automne 2023 n’a été mentionné ou pris en compte à l’audience.

[47] La seule partie du témoignage de M. Davidson qui était pertinente pour la requête était celle qui concernait les trois consultants. L’intimé n’a pas mentionné quels autres éléments de l’EDP modifié du 6 décembre 2022 posaient problème ni précisé quelles seraient les conséquences si l’ensemble de l’EDP du 6 décembre 2022 était présenté en preuve à l’audience.

[48] L’avocate de l’intimé s’est dite préoccupée du fait que d’autres éléments contenus dans les anciennes versions des EDP modifiés pourraient être soulevés à l’audience, y compris par le plaignant lors du contre-interrogatoire des témoins de l’intimé. Elle a affirmé que son client subirait un préjudice si cette situation se produisait et qu’elle devrait se préparer davantage pour l’audience si sa requête était rejetée.

[49] Le Tribunal a confirmé que l’unique question en litige est celle qui consiste à savoir si la preuve relative aux trois consultants a une incidence sur la préparation de l’avocate de l’intimé.

F. Le Tribunal demande des précisions sur le préjudice que subirait l’intimé

[50] Le Tribunal a indiqué que si l’intimé croit que l’admission de la preuve relative aux trois consultants lui portera un quelconque préjudice ou s’il allègue un préjudice aux fins de sa requête, il devra être plus précis afin que le préjudice allégué puisse être apprécié et que des mesures puissent être prises pour y remédier. L’avocate de l’intimé a eu la possibilité de consulter son client, puis a informé le Tribunal qu’elle n’avait pas d’autres observations à présenter, y compris sur la question du préjudice.

VII. La question en litige

[51] La question à trancher dans la présente requête est de savoir si le Tribunal devrait faire droit à la demande de jugement déclaratoire de l’intimé afin que seuls les éléments expressément évoqués dans les quatrièmes EDP modifiés permettent de déterminer les faits et les questions en cause dans le cadre de la présente instance.

VIII. Les motifs

[52] Le Tribunal ne prononcera pas un jugement déclaratoire selon lequel le contenu des quatrièmes EDP modifiés définit les faits et les questions en cause. Le jugement proposé est inutile et spéculatif. Le Tribunal conclut que le témoignage concernant les trois consultants est lié à une question pertinente soulevée dans les EDP. Aucune autre préoccupation n’a encore été soulevée, de sorte qu’une telle préoccupation est purement théorique.

[53] La jurisprudence sur laquelle se fonde l’intimé réitère un principe bien connu selon lequel les tribunaux civils tranchent les questions de fait définies dans les actes de procédure les plus récents. Toutefois, le Tribunal n’est pas une cour de justice et, comme je l’expliquerai dans les présents motifs, les pouvoirs qui lui sont conférés par la loi habilitante diffèrent.

[54] En outre, bien que l’intimé affirme qu’il est nécessaire de clarifier quels « actes de procédure » doivent prévaloir, la question sous-jacente que je dois trancher est celle de savoir si le témoignage de vive voix concernant les trois consultants, présenté pour la première fois lors de l’interrogatoire principal du plaignant, est lié à une question en litige soulevée dans les derniers EDP. La Commission a fait valoir que la réfutation des allégations de l’intimé quant au rendement du plaignant a toujours été une question centrale, y compris dans les derniers EDP. Je suis du même avis; cette question n’est pas nouvelle et le témoignage concernant les consultants se rapporte à une question qui a été soulevée par l’intimé et qui doit être tranchée par le Tribunal.

[55] Enfin, l’intimé reconnaît qu’il ne s’est pas opposé au témoignage sur le coup et il ne demandera pas qu’il soit supprimé du dossier de preuve. Il cherche plutôt à prendre les devants et à établir que les « actes de procédure » servent à déterminer l’importance et la pertinence des questions dans le cadre de la présente affaire. Dans les motifs ci-dessous, j’expliquerai pourquoi cette demande est prématurée et inutile.

A. La jurisprudence présentée par l’intimé

[56] L’intimé a invoqué plusieurs cas de jurisprudence qui, selon lui, établissent que les questions qui opposent les parties devraient être tranchées sur le fondement des quatrièmes EDP modifiés. Il a renvoyé le Tribunal à la décision Donison v. Uncle Bill Foundation Inc. 1983 CarswellSask 369, 21 A.C.W.S. (2d) 350, 27 Sask. R. 121 [Donison], qui a été rendue par le juge Grotsky. Dans cette décision, qui concerne un litige civil devant les tribunaux, le demandeur avait déposé une déclaration qui contenait une admission. Le demandeur a ensuite présenté une requête pour demander l’autorisation de modifier son acte de procédure afin de retirer l’admission. Le défendeur n’a pas comparu ni ne s’est pas opposé à la requête. La requête du demandeur a été accueillie et l’admission qui se trouvait dans la déclaration a été supprimée. Le défendeur a toutefois tenté de se fonder sur l’admission qui avait figuré dans les actes de procédure, mais qui en avait été retirée.

[57] L’avocate de l’intimé s’est référée au paragraphe 36, où le juge Grotsky a souligné que seul le dernier ensemble d’actes de procédure peut être admis en preuve :

[traduction]
À la page 490 de Daniell, Chancery Practice (7e éd.), on peut lire ce qui suit :

Le droit d’une partie d’utiliser un acte de procédure déposé par une autre partie contre cette dernière se limite aux actes de procédure tels qu’ils sont rédigés, de façon à ce que, si l’acte de procédure a été modifié, la première version ne puisse être utilisée.

[58] Au paragraphe 38, le juge Grotsky conclut que les questions en litige sont définies dans les derniers actes de procédure : [traduction] « les questions en litige entre les parties devraient être déterminées sur le fondement de la déclaration modifiée et de la défense telles qu’elles ont été déposées.

[59] L’avocate de l’intimé a également invoqué l’arrêt ultérieur, Donison v Donison 1984 CarswellSask 730, dans lequel la Cour d’appel de la Saskatchewan a confirmé la conclusion du juge Grostsky quant à l’utilisation de l’admission comme élément de preuve devant la cour de première instance. Elle s’est également appuyée sur la décision Wewaykum Indian Band v R. 1995 CarswellNat 1892, (1995) A.C.F. no 1202, 57 A.C.W.S. (3d) 686, 99 F.T.R. 1 [Wewaykum]. Ni l’une ni l’autre de ces décisions ne vient renforcer les points abordés dans la décision Donison, mais elles confirment plutôt qu’une fois que les actes de procédure sont modifiés, ils ne lient plus la partie qui les a déposés. Au paragraphe 563 de la décision Wewaykum, la Cour fédérale consacre le principe suivant :

[…] les questions en litige entre les parties doivent être tranchées sur le fondement de la déclaration modifiée et de la défense […] En outre […] la partie peut être contre-interrogée sur les actes de procédure modifiés, et c’est ce contre-interrogatoire qui fera partie de l’ensemble de la preuve.

Les références juridiques qu’a invoquées l’intimé montrent clairement que ce sont les actes de procédure modifiés qui doivent être utilisés dans le cadre d’un procès et d’une décision au civil.

[60] La décision Donison se distingue des circonstances de l’espèce à plusieurs égards. Cette décision a trait à des actes de procédure qui ont été déposés au civil devant la cour, dont les règles de procédure et de droit prévoient que lorsqu’une admission est faite dans un acte de procédure à l’encontre de la partie qui en est l’auteur, cet acte de procédure peut être utilisé par la partie opposée pour attester du contenu et de la vérité de l’admission. Compte tenu de la portée juridique d’une admission faite par une partie contre ses propres intérêts, certaines conditions doivent être remplies avant qu’une admission puisse être retirée d’un acte de procédure : [traduction] « […] la partie qui demande le retrait doit convaincre le tribunal que les observations ont été faites par inadvertances et par erreur » (voir Donison, au par. 31). Une admission ne peut être retirée qu’avec l’autorisation du tribunal. Dans la décision Donison, le demandeur avait présenté une requête visant à faire retirer l’admission de l’acte de procédure. Le défendeur avait été avisé de la requête, mais il n’avait pas comparu ni ne s’y était opposé. Le tribunal avait donc autorisé le demandeur à retirer l’admission.

[61] En l’espèce, la requête vise un élément de la réponse de M. Davidson à la défense d’AMC à l’égard de la plainte et, par conséquent, porte sur des questions devant être examinées par le Tribunal, et non sur une admission d’une partie. Dans la présente requête, les faits ne mettent pas en cause les règles de procédure et de droit relatives au retrait du dossier officiel d’une admission faite contre ses propres intérêts, pour lequel le tribunal doit donner son approbation. Contrairement à la décision Donison, aucune partie n’a demandé à ce que des éléments soient ajoutés ou retirés des éléments des EDP et le Tribunal n’a pas ordonné le retrait du passage de l’EDP en réplique modifié de M. Davidson sur lequel se fonde la preuve de ce dernier.

[62] Les faits exposés dans la décision Donison ont beau être différents de ceux de l’espèce, mais cette affaire reste pertinente dans la mesure où elle constitue un exemple d’une situation où la cour a tenu une partie (le défendeur) responsable du fait qu’elle ne s’était pas opposée en temps opportun (dans la décision Donison, il s’agissait du défaut de s’opposer au retrait de l’admission au moment où le demandeur a présenté sa requête). Cette situation est similaire au cas qui nous occupe puisqu’AMC ne s’est pas opposé au témoignage de M. Davidson au moment où il a été livré.

[63] La décision Donison est également pertinente dans la mesure où elle rappelle le principe à appliquer lorsqu’il y a un différend au sujet des éléments de preuve à prendre en compte au cours d’une audience. Au paragraphe 35 de ses motifs, le juge Grotsky a tenu à préciser qu’il s’était assuré que le juge de la requête, qui avait accueilli la requête visant à permettre au demandeur de retirer son admission de la déclaration, l’avait fait [traduction] « afin de déterminer la véritable question en litige entre les parties ». De même, en l’espèce, il faut déterminer la véritable question en litige.

B. L’absence de préjudice pour l’intimé

[64] L’avocate de l’intimé a laissé entendre que l’intimé subirait un préjudice si le Tribunal ne rendait pas le jugement déclaratoire qu’il demande dans sa requête. Elle s’est dite préoccupée du fait de devoir rester vigilante au cas où la partie adverse invoquerait un fait tiré d’un EDP antérieur.

[65] Le fait de devoir rester vigilant afin de pouvoir formuler des objections peut certes être préoccupant, mais ce n’est pas une forme de préjudice ou une raison de faire droit à cette requête. Le fait d’être préoccupé par la possibilité que des événements surviennent n’est pas considéré comme un préjudice.

[66] L’intimé a eu l’occasion de définir l’étendue du préjudice que lui cause le fait de ne pas s’être opposé au témoignage. Il a déclaré qu’il ne présenterait aucune autre observation sur la question du préjudice. Or, il n’a pas démontré qu’il y avait une contrainte ou un obstacle qui l’avait empêché de s’opposer.

[67] Après avoir précisé que l’intimé ne cherchait pas à faire retirer du dossier les éléments de preuve auxquels il s’est opposé tardivement, l’avocate de l’intimé a soutenu qu’elle ne voudrait pas que son client subisse un préjudice parce qu’elle ne s’était pas opposée à la pertinence de certains éléments de preuve. Comme mentionné précédemment, la nature du préjudice subi par l’intimé n’a pas été précisée si ce n’est que l’avocate a affirmé qu’elle n’avait pas pu se préparer pour répondre à la question soulevée par M. Davidson lors de son témoignage à l’audience. L’avocate de l’intimé a fait valoir, sans donner de précision, qu’elle aurait besoin de plus de temps pour se préparer.

[68] L’avocate de l’intimé a insisté sur le fait que, si la requête de l’intimé était rejetée, elle demanderait plus de temps pour se préparer et, apparemment, pour répondre aux autres faits ou questions qui avaient été soulevés par M. Davidson dans ses autres EDP, mais qui ne se trouvaient pas dans son dernier EDP modifié. Elle a fait valoir que l’intimé subirait un préjudice s’il devait chercher dans les versions antérieures des EDP pour en extraire des faits. Or, elle n’a pas indiqué quels étaient ces faits et ces questions ni quelles seraient les conséquences pour l’intimé si ce dernier devait se préparer à y répondre.

[69] À moins que l’intimé cerne et explique les problèmes qu’il allègue, il n’est pas évident de savoir quel préjudice il subirait, le cas échéant, s’il devait répondre à des faits tirés des EDP antérieurs. Il est nécessaire de cerner et d’expliquer le préjudice allégué.

[70] Si l’avocate de l’intimé désire répondre au témoignage de M. Davidson concernant les trois consultants, elle aura le temps de le faire lorsqu’elle présentera ses arguments. Compte tenu du fait que l’intimé aura plus de temps pour se préparer à répondre à cette question lors de l’audience et qu’aucune allégation précise de préjudice n’a été soulevée, le Tribunal n’est pas convaincu que l’intimé subirait un préjudice.

C. L’importance et la pertinence sont des facteurs à considérer lorsqu’il s’agit de déterminer l’admissibilité du témoignage de M. Davidson

[71] AMC a fait valoir que les faits importants dans la présente affaire doivent être strictement limités aux derniers EDP. Comme je l’ai déjà expliqué, AMC affirme que le Tribunal devra tenir compte de cette situation lorsqu’il évaluera le témoignage de M. Davidson et qu’il se prononcera sur le bien-fondé de la plainte. L’avocate de l’intimé a informé le Tribunal qu’AMC avait l’intention de faire valoir dans ses observations finales que peu ou pas de valeur devrait être accordée au témoignage et que, du fait que M. Davidson n’avait pas évoqué ce fait dans son quatrième EDP modifié, le témoignage de ce dernier ne portait pas sur un fait important, c’est-à-dire qu’il ne s’agissait pas d’un fait pertinent en l’espèce.

[72] L’importance et la pertinence de la preuve sont des facteurs à considérer lorsqu’il s’agit de déterminer son admissibilité. Le témoignage a été admis sans aucune objection; l’avocate de l’intimé reconnaît qu’elle ne s’est pas opposée à sa pertinence au moment opportun. L’intimé n’a pas demandé de faire retirer le témoignage du dossier. Puisque l’intimé ne s’est pas opposé au témoignage au moment où il a été livré, qu’elle a retiré l’objection qu’elle avait formulée tardivement et qu’elle n’a pas demandé à ce que le témoignage soit expurgé du dossier, les arguments relatifs à la question de l’admissibilité sont théoriques.

[73] Le Tribunal a demandé à l’intimé de préciser les raisons pour lesquelles il ne s’était pas opposé au témoignage. L’avocate de l’intimé a dit que l’intimé avait l’intention de faire valoir que le témoignage devrait se voir accorder peu ou pas de valeur dans le contexte de l’ensemble de la preuve présentée à l’audience. L’intimé pourra toujours, dans ses observations finales, parler de la force probante ou de la faiblesse de cet élément de preuve.

D. L’équité et la recherche de la vérité

[74] Le Tribunal doit veiller à ce que toute objection ou toute requête qui y est liée soit formulée correctement dans le contexte de l’instance. La difficulté en l’espèce réside dans le fait que les parties ne se comprennent pas l’une l’autre dans leurs observations.

[75] Par sa requête et le libellé qu’il propose pour l’ordonnance sollicitée, l’intimé se préoccupe essentiellement de l’application des règles relatives aux EDP, et ce, indépendamment de toute nouvelle question qui pourrait être soulevée à ce sujet, étant donné qu’il a retiré son objection au témoignage de M. Davidson. Toutefois, lorsque l’intimé s’est initialement opposé au témoignage de M. Davidson à l’audience, il a fait valoir que le témoignage dépassait la portée des questions pertinentes telles qu’elles sont énoncées dans les derniers EDP.

[76] Bien que l’intimé affirme dans sa requête qu’il est nécessaire de clarifier quels [traduction] « actes de procédure » devraient servir de référence, une question sous-jacente découle de l’objection tardive et de la requête de l’intimé, soit celle de savoir si le témoignage concernant les trois consultants est lié à une question soulevée dans les derniers EDP que le Tribunal doit trancher.

[77] M. Davidson et la Commission ont répondu que le témoignage s’inscrivait dans le cadre des questions en litige énoncées dans la plainte puisqu’il s’agissait d’une réplique à la réponse de l’intimé et à la question de savoir si l’explication fournie constitue un prétexte. Ils font également valoir que, par souci d’équité procédurale, M. Davidson devrait avoir la possibilité de répondre à l’explication de l’intimé.

[78] L’intimé n’a pas répondu directement à ces observations. Il maintient simplement qu’il doit savoir quels sont les documents qui constituent les « actes de procédure ».

[79] Il n’est pas nécessaire de se prononcer sur l’admissibilité du témoignage de M. Davidson, lequel se trouve déjà au dossier. Toutefois, il convient d’examiner les observations de M. Davidson et de la Commission. Deux questions sous-jacentes sont en jeu : la question de l’équité dont doit bénéficier M. Davidson et l’obligation qu’a le Tribunal de rechercher la vérité. Le témoignage est lié à la défense de l’intimé du fait qu’il a été donné en réponse à l’affirmation de l’intimé selon laquelle il n’avait pas mis fin au contrat de consultant de M. Davidson en 2013 pour des raisons opérationnelles, et qu’il avait décidé de ne pas retenir à nouveau les services de M. Davidson en 2015 en raison de son faible rendement, et non pour des raisons discriminatoires. L’admission du témoignage sert l’intérêt de la vérité; il a été admis par souci d’équité procédurale.

E. La requête est spéculative et préventive

[80] Le Tribunal conclut que la requête d’AMC est spéculative et préventive. AMC soutient qu’il pourrait devoir répondre à des faits provenant des EDP antérieurement déposés par M. Davidson et ne figurant pas dans son dernier EDP, mais cette observation relève de la spéculation. AMC a sollicité un jugement déclaratoire alors que M. Davidson avait presque terminé son réinterrogatoire. Or, M. Davidson n’avait pas cherché à revenir sur d’autres éléments figurant dans un EDP antérieur. Au moment où la requête a été présentée, elle portait sur une plainte procédurale théorique.

[81] Le seul point qui a été « réintroduit » dans cette instance est celui des trois consultants. Le fait que l’intimé ne se soit pas opposé au témoignage signifie qu’il n’y a maintenant aucune question à trancher concernant l’admissibilité de cet élément de preuve. Aucune des parties n’a cherché à introduire d’autres éléments de preuve se rapportant à des renseignements qui avaient figuré dans un EDP antérieur, mais qui en avaient été retirés. Le Tribunal conclut qu’il n’y a aucune question à trancher.

[82] La requête d’AMC en vue d’obtenir un jugement déclaratoire est préventive. Il n’y a pas de question qui puisse faire l’objet d’une requête. Les requêtes doivent être introduites pour remédier à un problème, et non pour répondre à une préoccupation théorique soulevée par une partie sans fondement dans une situation factuelle.

F. L’ordonnance demandée restreindrait le pouvoir discrétionnaire du Tribunal

[83] L’ordonnance demandée par l’intimé limiterait indûment le pouvoir discrétionnaire du Tribunal à l’égard des questions de procédure. Elle pourrait également porter préjudice aux parties.

[84] Au paragraphe 15 de la décision Davidson c. Affaires mondiales Canada, 2023 TCDP 52, une décision sur requête opposant les parties visées en l’espèce, le Tribunal a récemment discuté du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré à l’égard des questions de procédure :

L’article 48.9 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6 (la « Loi ») confère au Tribunal un pouvoir discrétionnaire à l’égard des questions de procédure. Le paragraphe 48.9(1) prévoit que « [l]’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. » En outre, l’article 5 des Règles exige que le Tribunal interprète et applique les Règles de façon à trancher « la plainte sur le fond de façon équitable, informelle et rapide ».

[85] En ce qui concerne l’obligation du Tribunal d’instruire la plainte, il faut se reporter au paragraphe 50(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6 (la « Loi »), telle que modifiée, qui prévoit que « [l]e membre instructeur, après avis conforme à la Commission, aux parties et, à son appréciation, à tout intéressé, instruit la plainte pour laquelle il a été désigné; il donne à ceux-ci la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter […] des éléments de preuve ainsi que leurs observations ». Le pouvoir discrétionnaire du Tribunal en matière de procédure est conféré par le paragraphe 50(2) de la Loi : « (2) Il tranche les questions de droit et les questions de fait dans les affaires dont il est saisi en vertu de la présente partie ». L’alinéa 50(3)c) renforce le pouvoir discrétionnaire du Tribunal à l’égard de l’admission d’éléments de preuve puisqu’il confère au membre instructeur le pouvoir de recevoir des renseignements en preuve à l’audience indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire, alors que l’alinéa 50(3)e) lui confère le pouvoir de trancher toute question de procédure ou de preuve.

[86] La divulgation se fait par le biais des EDP. Les Règles prévoient que seuls les éléments divulgués dans les EDP peuvent être invoqués à l’audience, à moins d’obtenir l’autorisation du Tribunal. Autrement dit, les Règles permettent aux parties de présenter une requête en cours d’audience en vue de modifier les EDP.

[87] L’intimé demande au Tribunal d’ordonner et de déclarer que les versions actuelles des actes de procédure des parties sont celles qui exposent de manière complète et définitive les faits et les questions en cause dans le cadre de la présente instance. Les mots [traduction] « les versions actuelles […] sont celles qui exposent de manière complète et définitive les faits et les questions en cause dans le cadre de la présente instance » vont au-delà de ce que les Règles énoncent au sujet des EDP.

[88] Si le Tribunal faisait droit à la requête présentée par l’intimé, il entraverait l’exercice du pouvoir discrétionnaire que lui confère la Loi de trancher des questions de procédure dans le cadre de l’instruction. L’ordonnance demandée est manifestement incompatible avec le pouvoir discrétionnaire conféré au Tribunal.

[89] L’ordonnance demandée pourrait aussi porter préjudice aux parties. Dans sa proposition d’ordonnance, l’intimé ne reconnaît pas la nécessité de faire preuve de souplesse lorsque cela est justifié. La proposition ne contient aucune disposition permettant au Tribunal de rendre une nouvelle décision sur requête à la suite d’événements survenus lors de l’audience. Le Tribunal commettrait manifestement une erreur de droit s’il faisait droit à la requête.

[90] À ce sujet, la Cour d’appel fédérale a affirmé dans l’arrêt Turner c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 159 (CanLII) que le Tribunal devait tenir compte d’un élément important soulevé par le plaignant et que le défaut de le faire constituait un manquement à l’équité procédurale : « Par conséquent, la question de savoir si un point ou un argument soulevé devant un tribunal administratif était d’une importance telle que le tribunal était tenu de l’examiner est une question susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. » (au par. 43) Ainsi, si le Tribunal juge qu’un point est pertinent, il peut exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre les arguments, même lorsque ceux-ci sont présentés à l’étape de l’audience.

[91] En outre, le Tribunal a déjà donné des directives dans lesquelles il reconnaît qu’il n’est pas possible de produire des éléments de preuve supplémentaires à l’audience et qu’il faut présenter une requête pour procéder autrement, de sorte que les questions liées à tout nouvel élément de preuve sont examinées et assujetties au pouvoir discrétionnaire du Tribunal. Pour cette raison également, la requête est inutile. En fait, accueillir la présente requête contredirait la directive donnée par le Tribunal, à savoir qu’il faut présenter une requête.

[92] Le Tribunal conclut que le jugement déclaratoire demandé aurait pour effet de le priver du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré à l’égard des questions de procédure, qu’il contredirait les Règles qui confèrent au Tribunal la souplesse nécessaire pour assurer l’équité de l’instruction de la plainte et que, par conséquent, il causerait une injustice aux parties.

[93] Le Tribunal ne va pas présumer de l’importance des faits et des questions dans cette affaire en se basant sur les EDP existants. Il pourrait être amené à se pencher, au cours de l’audience, sur une question spécifique concernant le contenu d’un EDP ou sur ce qui est pertinent dans le cadre de la plainte. Par souci d’équité, le Tribunal pourrait devoir répondre à cette question en statuant sur une requête ou en donnant aux parties des directives appropriées sans qu’une requête formelle n’ait été formulée. En fait, depuis que la présente décision sur requête a été rendue, l’intimé a été autorisé à ajouter un témoin au dossier afin de répondre aux arguments exposés par M. Davidson dans son dernier EDP, et ce, sans avoir à présenter une requête pour que le Tribunal se penche sur la question de la diligence raisonnable. Dans le contexte de cette autre question, il est évident que, par souci d’équité, l’intimé devait pouvoir ajouter un témoin et un résumé du témoignage de ce dernier.

[94] Rendre le jugement déclaratoire demandé par AMC pourrait porter préjudice à toutes les parties et se révéler inéquitable. M. Davidson se trouverait ainsi confronté aux erreurs qu’il a commises dans son dernier EDP en voulant agir pour son propre compte. AMC et la Commission seraient eux aussi limités du fait qu’ils auraient omis des éléments dans leurs EDP. Les paramètres de la présente instance sont déjà suffisamment définis par les Règles et par les directives antérieures du Tribunal. Le Tribunal ne se privera pas de son pouvoir discrétionnaire de trancher les questions lorsqu’elles sont soulevées.

G. La portée de la plainte ne nécessite aucune clarification

[95] Le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument selon lequel il convient de clarifier la portée de la plainte pour l’intimé. Ce dernier n’a fourni aucun exemple d’ambiguïté, tel qu’il est demandé.

[96] Les parties savent que les EDP pertinents aux fins de la portée de l’audience sont les derniers qu’elles ont déposés. Ce point est clairement établi dans les Règles et a fait l’objet d’au moins huit conférences téléphoniques de gestion préparatoire, ainsi que des résumés et des lettres de directives du Tribunal. Je n’exposerai pas en détail le contenu des discussions qui ont eu lieu lors des conférences téléphoniques de gestion préparatoire ni celui des lettres de directives du Tribunal, qui font partie du dossier officiel. Mais il va sans dire que la requête de l’intimé visant à obtenir une ordonnance est inutile. Le Tribunal ne rendra pas un « jugement déclaratoire » supplémentaire sur des questions pour lesquelles des directives ont été données dans le cadre de la gestion préparatoire. Si, au cours de l’instance, le Tribunal juge que la non-conformité est suffisamment problématique, il pourra rendre une ordonnance en vertu des articles 5 et 10 des Règles afin de respecter le principe selon lequel les Règles doivent être appliquées de façon à permettre de trancher la plainte sur le fond de façon équitable, informelle et rapide.

H. La requête et la décision sur requête formelle n’étaient pas nécessaires

[97] Pour ces motifs, le Tribunal n’est pas convaincu que la présente requête soit nécessaire et qu’une décision sur requête formelle doive être rendue dans les circonstances, comme le soutient l’intimé. Au final, le témoignage en cause dans la présente requête n’a pas été contesté et a été admis. Il n’y a aucun fondement factuel susceptible de justifier une requête visant à restreindre la preuve ou à restreindre la preuve non identifiée. Une telle requête n’est pas nécessaire.

[98] Le Tribunal a le mandat de « trancher la plainte sur le fond de façon équitable, informelle et rapide ». Par conséquent, si une requête identique ou similaire concernant le contenu des EDP est présentée à l’audience, le Tribunal fournira des directives procédurales qui lui permettront d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de choisir les moyens les plus informels, les plus rapides et les plus équitables de résoudre la question.

IX. Ordonnances et directives

[99] Le Tribunal ordonne par la présente :

(a) La requête déposée par AMC en vue d’obtenir un jugement déclaratoire portant que les versions actuelles des actes de procédure des parties sont celles qui exposent de manière complète et définitive les faits et les questions en cause dans le cadre de la présente instance est rejetée;

(b) La requête est rejetée, sans porter atteinte au droit des parties de s’opposer à l’importance et à la pertinence des éléments de preuve présentés à l’audience sur la base des derniers EDP à avoir été déposés auprès du Tribunal ou de présenter des observations finales sur les éléments de preuve admis à l’audience;

(c) Il est possible pour une partie de présenter la même requête ou une requête similaire au sujet du contenu des EDP si une question exige que le Tribunal se prononce en cours d’audience. Dans ce cas, le Tribunal pourrait exiger que la partie requérante présente d’abord une requête préliminaire pour établir que la question qu’elle souhaite soulever est suffisamment importante à l’équité et à l’efficacité de l’instance pour justifier une requête formelle et une décision sur requête rendue par écrit.

Kathryn A. Raymond, c.r.

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 30 janvier 2024


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2582/13920

Intitulé de la cause : Ray Davidson c. Affaires mondiales Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 30 janvier 2024

 

Comparutions :

Ray Davidson, pour son propre compte

Christine Singh, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Helen Gray et Jennifer Francis, pour l'intimé

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