Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Zia Rehman a déposé une plainte contre le ministère de la Défense nationale.

M. Rehman voulait que Telus lui fournisse certains relevés téléphoniques avant l’audience. Le Tribunal a rejeté cette requête parce qu’il n’a pas le pouvoir d’ordonner à quelqu’un qui n’est pas une partie de fournir des documents avant l’audience.

M. Rehman souhaitait aussi obtenir les coordonnées de deux témoins. Comme les autres parties étaient d’accord, le Tribunal a accepté cette requête.

De plus, M. Rehman a demandé que le ministère de la Défense nationale désigne un témoin pour expliquer pourquoi certains documents ont été perdus. Le Tribunal a rejeté cette requête puisque d’autres témoins pouvaient être interrogés sur les documents manquants et que l’audience commençait dans un peu plus d’une semaine.

M. Rehman voulait également que le ministère de la Défense nationale ajoute les noms d’autres candidats à un poste dans un document. Le Tribunal a rejeté cette requête, car le Tribunal ne peut pas obliger la création d’un nouveau document.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2024 TCDP 1

Date : le 5 janvier 2024

Numéro du dossier : T2721/9721

Entre :

Zia Rehman

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Ministère de la Défense nationale

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Athanasios Hadjis

 



I. DEMANDE DE PRODUCTION DE DOCUMENTS ET DE RENSEIGNEMENTS

[1] La présente décision sur requête concerne la demande de production de documents et de renseignements présentée par le plaignant, Zia Rehman. L’audience relative à la plainte déposée par le plaignant est prévue débuter dans un peu plus d’une semaine, soit le 15 janvier 2024. La demande de production a été déposée le 27 décembre 2023, et les observations des autres parties ont été reçues le 3 janvier 2024, conformément aux directives du Tribunal.

A. Ordonnance concernant Telus Communications Inc.

[2] Le plaignant souhaite que Telus Communications Inc. (« Telus »), une tierce partie dans le contexte de la présente plainte, fournisse certains relevés téléphoniques avant l’audience. Le plaignant prévoit déjà appeler un représentant de Telus à témoigner à l’audience. Le Tribunal lui a fourni une assignation enjoignant à un représentant de Telus de comparaître à l’audience.

[3] Les relevés téléphoniques demandés sont des extraits d’une facture de téléphone datée du 23 novembre 2016 faisant état des appels qui ont été placés au numéro du plaignant en provenance de quatre autres numéros.

[4] Le plaignant demande au Tribunal de rendre une ordonnance enjoignant à Telus de lui transmettre les relevés avant l’audience. La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») consent à l’ordonnance sollicitée. L’intimé, le ministère de la Défense nationale, consent à l’ordonnance sous une forme qui permettrait à Telus de produire les relevés. La Commission et l’intimé demandent tous les deux qu’une copie des relevés leur soit transmise dès que le plaignant les aura obtenus.

[5] L’alinéa 50(3)a) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « LCDP »), confère au Tribunal le pouvoir d’assigner et de contraindre les témoins à comparaître, à déposer verbalement ou par écrit et à produire les pièces qu’il juge indispensables à l’examen complet de la plainte (voir Warman c. Harrison, 2006 TCDP 19, au par. 4 (Warman)). L’assignation que le Tribunal a fournie au plaignant comportait une section qu’il devait remplir et dans laquelle il devait énumérer les documents que le témoin serait tenu d’apporter à l’audience.

[6] Aucune des parties n’a cependant soulevé la question de savoir si le Tribunal a le pouvoir d’ordonner à une tierce partie de produire des documents avant une audience. Dans la décision sur requête Warman, le Tribunal a conclu qu’il n’avait pas le pouvoir d’ordonner à des tierces parties qui ne sont pas témoins de produire des documents.

[7] Dans la présente affaire, un représentant de Telus témoignera et devra apporter à l’audience les documents énumérés dans l’assignation à comparaître. La LCDP est muette quant à la question de savoir si le Tribunal a le pouvoir d’ordonner à un témoin qui est une tierce partie de fournir des documents avant l’audience.

[8] Sous réserve de ce qui précède, Telus sera tenue de produire les documents demandés à l’audience, conformément à l’assignation. Bien que le Tribunal ne soit au fait d’aucune raison empêchant Telus de fournir ces documents à l’avance à la partie qui les demande, il n’est pas disposé à rendre une ordonnance qui dépasse les pouvoirs que lui confère la LCDP.

[9] Si le plaignant obtient les relevés demandés avant l’audience, il doit les communiquer aux autres parties dans un délai de 24 heures.

[10] La demande du plaignant est rejetée.

B. Divulgation des coordonnées d’un ancien employé de l’intimé

[11] Le plaignant a tenté d’envoyer une assignation à l’un de ses témoins, que je désignerai simplement dans la présente décision sur requête par ses initiales, PH. Toutefois, le plaignant n’a pas les coordonnées de PH. Il demande une ordonnance enjoignant à l’intimé de lui communiquer les coordonnées de PH qui figurent dans ses dossiers, quelle que soit la nature de ces renseignements, par exemple son adresse municipale, son adresse domiciliaire, son adresse électronique, son adresse de réexpédition, son adresse électronique personnelle ou les renseignements sur son emploi actuel.

[12] La Commission ne s’oppose pas à la demande. L’intimé consent à l’ordonnance, dans la mesure où il possède les renseignements demandés.

[13] Le Tribunal accueille la demande.

C. Divulgation des coordonnées d’un employé de l’intimé

[14] Le plaignant affirme que l’intimé n’a pas fourni certains des documents visés par une ordonnance de divulgation que j’ai rendue à la suite d’une conférence téléphonique de gestion préparatoire que j’ai tenue le 16 novembre 2023. L’intimé a informé le plaignant qu’il avait produit tous les documents qui étaient en sa possession, mais que certains documents avaient été éliminés ou perdus au fil du temps (dans certains cas, il s’est écoulé plus de huit ans).

[15] Le plaignant souligne que le 1er décembre 2020, un agent de la Commission a donné instruction à l’intimé de conserver tous les documents, dont les documents électroniques, relatifs aux allégations jusqu’à la fin du processus de traitement de la plainte.

[16] Le plaignant demande donc une ordonnance enjoignant à l’intimé de divulguer le nom et les coordonnées [traduction] « de la personne responsable du contrôle et de la conservation des documents ou d’un gestionnaire au ministère de la Défense nationale qui pourra témoigner à l’audience sur les raisons pour lesquelles ces documents n’ont pas été conservés et sur les raisons pour lesquelles les instructions de l’agent de la Commission des droits de la personne n’ont pas été respectées ».

[17] La Commission ne s’oppose pas à la demande. La perte ou la destruction d’éléments de preuve est une question pertinente, et s’il n’y a personne dans la liste de témoins actuelle de l’intimé qui puisse témoigner sur la question, l’intimé devrait fournir les coordonnées d’un témoin pertinent.

[18] L’intimé ne consent pas à la demande. Il fait valoir que personne ne sera en mesure de témoigner au sujet de la conservation de dossiers dans de nombreux bureaux comptant des dizaines de personnes partout au Canada, et ce, au cours des huit dernières années. Réunir tous les renseignements nécessaires dans un délai si court relèverait de l’impossible. L’intimé souligne qu’il a déjà cité 12 témoins qui étaient employés par le ministère de la Défense nationale à l’époque des faits et que le plaignant en a cité deux autres. La question du traitement de certains documents pourra être explorée au cours de l’interrogatoire et du contre-interrogatoire de ces témoins.

[19] Je suis du même avis. Puisque l’audience débute dans un peu plus d’une semaine, la meilleure façon de procéder à ce point-ci est d’aborder la question par l’intermédiaire des témoignages des témoins existants. La question pourra être réexaminée s’il est établi que les documents manquants sont pertinents et si la preuve ne permet pas d’expliquer ce qu’il est advenu d’eux.

[20] La demande du plaignant est rejetée.

D. Divulgation de l’adresse d’un témoin

[21] Le plaignant demande au Tribunal d’ordonner à l’intimé de divulguer l’adresse de l’un de ses témoins, laquelle a été caviardée d’un document, afin qu’une assignation puisse lui être signifiée. Dans la présente décision sur requête, je désignerai simplement ce témoin par ses initiales, MS. L’intimé consent à l’ordonnance.

[22] Le Tribunal accueille la demande.

E. Noms des candidats figurant dans le document CAN-013

[23] Cette demande concerne un document divulgué, le document CAN-013, que PH a préparé et fourni à la Commission en juillet 2021 lors du processus d’examen préliminaire de cette dernière avant le renvoi de la plainte. PH occupait le poste de directeur général au ministère de la Défense nationale à l’époque. Le document fait état des études qu’ont suivies les 20 candidats qui demeuraient dans le bassin de candidats qualifiés pour le processus de nomination en cause dans la présente affaire. Les candidats sont uniquement identifiés par un numéro.

[24] Toutefois, grâce à la divulgation d’autres documents, le plaignant et la Commission ont depuis appris le nom des 20 candidats.

[25] Le plaignant demande que soit divulgué le nom des candidats identifiés uniquement par un numéro dans le document CAN-013. Il soutient que ces renseignements sont cruciaux puisqu’il prétend que certains des candidats [traduction] « n’avaient pas d’attestations d’études, mais ont été embauchés, sans qu’il soit tenu compte des études et des compétences du plaignant ».

[26] La Commission consent à la demande. Elle maintient que si ces noms sont divulgués, les parties pourront mieux comprendre le document et établir s’il est pertinent dans le contexte des interrogatoires des témoins proposés. La divulgation des noms sera également utile au Tribunal si une partie propose d’interroger un témoin au sujet du document CAN-013 et de le présenter en preuve.

[27] L’intimé s’oppose à la demande. Il affirme avoir déjà fourni un document (CAN-282) présentant les études qu’ont suivies les personnes qui se trouvent dans le bassin, ces personnes étant nommées dans le document. Il soutient qu’un résumé du document CAN-013 ne sera d’aucune utilité. Des copies des deux documents accompagnent les observations de l’intimé.

[28] Je fais observer que le document CAN-282 ne contient pas de renseignements aussi détaillés que ceux qui figurent dans le document CAN-013, par exemple le nom des établissements d’enseignement fréquentés. Si les parties décident de présenter en preuve le document CAN-013, je peux voir en quoi il serait profitable pour tous les participants, y compris le Tribunal, de savoir lesquels des candidats nommés sont représentés par les entrées numérotées dans le document CAN-013.

[29] Cela dit, le plaignant ne demande pas qu’un document existant soit divulgué. Le document existant, soit le document CAN-013, a déjà été divulgué. Ce que le plaignant demande à l’intimé, c’est essentiellement de modifier le document CAN-013 et de créer un nouveau document. Cela ne s’inscrit pas dans le processus de divulgation. L’obligation de divulgation d’une partie se limite aux documents « qu’elle a en sa possession ». Le Tribunal ne peut ordonner à une partie de créer des documents aux fins de la communication (Nwabuikwu c. Gendarmerie royale du Canada, 2020 TCDP 9, au par. 8; Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 42, au par. 17).

[30] Par conséquent, la demande est rejetée.

II. AUTRES DEMANDES DE L’INTIMÉ

[31] L’intimé a fait plusieurs demandes dans sa réponse à la requête du plaignant.

[32] L’intimé affirme que le plaignant n’a pas fourni le résumé du témoignage prévu de l’un de ses témoins, que je désignerai simplement dans la présente décision sur requête par ses initiales, SB. Le plaignant est tenu de fournir le résumé avant que cette personne puisse témoigner (alinéa 18(1)e) des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137). Toutefois, je fais remarquer que dans un « mémoire » que le plaignant a déposé le 6 octobre 2022, en préparation à une conférence téléphonique de gestion préparatoire, il a présenté une liste de témoins proposés qui était à jour à cette date-là. Ce document comprenait le nom de SB, à la page 6, ainsi qu’un paragraphe de 15 lignes précisant ce qu’elle allait [traduction] « devoir expliquer ». Il s’agit essentiellement d’un résumé de son témoignage prévu. Le plaignant a donc respecté l’alinéa 18(1)e) des Règles. La demande est rejetée.

[33] L’intimé a relevé ce qu’il croit être des problèmes potentiels dans l’horaire qu’a établi le plaignant pour la comparution des témoins, lesquels problèmes pourraient faire en sorte que l’audience ne soit pas conclue dans le délai alloué. Le Tribunal pourra traiter la question au début de l’audience.

[34] Enfin, l’intimé s’est dit préoccupé par le fait que le plaignant entend contester des nominations à des postes pour lesquels il ne possède manifestement pas les qualifications essentielles, par exemple des postes nécessitant une expérience en médecine ou dans le domaine de la santé. Le Tribunal se penchera sur les questions relatives à la portée de l’affaire et à la pertinence de la preuve présentée à mesure qu’elles se poseront au cours de l’audience.

III. ORDONNANCE

[35] Le Tribunal rend l’ordonnance suivante :

A) L’intimé doit fournir au plaignant, d’ici le 8 janvier 2024, les coordonnées de PH qui figurent dans ses dossiers, par exemple son adresse municipale, son adresse domiciliaire, son adresse électronique, son adresse de réexpédition, son adresse électronique personnelle ou les renseignements sur son emploi actuel.

B) L’intimé doit fournir au plaignant, d’ici le 8 janvier 2024, l’adresse de MS.

Signée par

Athanasios Hadjis

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 5 janvier 2024

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2721/9721

Intitulé de la cause : Zia Rehman c. Ministère de la Défense nationale

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 5 janvier 2024

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Représentations écrites par :

Zia Rehman, pour son propre compte

Caroline Carrasco et Jonathan Bujeau, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Barry Benkendorf et Alexandra Warkentin , pour l'intimé

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