Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Trois semaines avant le début de la dernière étape de l’audience dans cette affaire, le procureur général de la Colombie-Britannique (le procureur général de la C.-B.) a écrit au Tribunal. Il a demandé à être ajouté à l’affaire à titre d’intimé. Le Tribunal examine cette affaire depuis plusieurs années. Les parties ont soulevé diverses questions complexes. Le Tribunal a entendu toute la preuve concernant la discrimination, dont une partie lors d’une audience en personne à Burns Lake (Colombie-Britannique) au printemps 2023 et le reste par Zoom. Il ne reste plus que quelques jours d’audience sur un point très précis concernant une réparation demandée par les plaignants.

La Gendarmerie royale du Canada a soutenu la demande du procureur général de la C.-B. La Commission et les plaignants ne l’ont pas fait. Le Tribunal a analysé les règles et les critères relatifs à l’ajout d’une partie. Il a conclu que le procureur général de la C.-B. ne satisfaisait pas aux conditions requises. Le procureur général de la C.-B. est une entité provinciale. Le Tribunal n’a aucun pouvoir sur les entités provinciales. Même si c’était le cas, il serait très injuste d’ajouter une partie à cette étape tardive. Le Tribunal a plutôt exercé ses pouvoirs et a ajouté le procureur général de la C.-B. en tant que « partie intéressée ». Il a également établi des conditions pour empêcher que cet ajout retarde l’audience. Une personne ou une organisation peut être autorisée à participer en tant que partie intéressée si elle est concernée par la procédure et peut aider le Tribunal à prendre sa décision.

En tant qu’organisme décisionnel administratif, le Tribunal dispose d’une grande marge de manœuvre pour faire preuve de créativité et de pragmatisme afin de rendre la procédure plus efficace tout en restant équitable.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2023 TCDP 53

Date : le 15 novembre 2023

Numéro du dossier : T2459/1620

Entre :

Cathy Woodgate, Richard Perry, Dorothy Williams, Ann Tom, Maurice Joseph and Emma Williams

les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Gendarmerie royale du Canada

l'intimée

- et -

Procureure générale de la Colombie-Britannique

la partie interessée

Décision sur requête

Membre : Colleen Harrington



I. Contexte

[1] En janvier 2017, Cathy Woodgate, Richard Perry, Dorothy Williams, Ann Tom, Maurice Joseph et Emma Williams (les « plaignants ») ont déposé à la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») une plainte pour atteinte aux droits de la personne dans laquelle ils soutiennent que la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC » ou l’« intimée ») a fait preuve de discrimination à leur égard. Plus précisément, ils allèguent que la GRC a fait preuve de discrimination à leur égard et à l’égard d’autres personnes autochtones dans son enquête sur de mauvais traitements commis dans des écoles du nord de la Colombie-Britannique lorsqu’ils étaient enfants. À la suite d’une enquête de la Commission, la plainte pour atteinte aux droits de la personne a été renvoyée au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») pour instruction en février 2020.

[2] En juin 2020, les plaignants ont déposé leur exposé des précisions (l’« exposé »), dans lequel ils demandent que plusieurs mesures de réparation individuelles et d’intérêt public soient ordonnées à l’encontre de la GRC si le Tribunal conclut à l’existence de discrimination. En ce qui concerne les mesures de réparation d’intérêt public, les plaignants demandent une ordonnance en vertu du sous-alinéa 53(2)a)(i) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 [LCDP] pour que la GRC cesse ses pratiques d’enquête discriminatoires et les empêche de se reproduire à l’avenir en adoptant un « programme de promotion sociale », tel que mentionné au paragraphe 16(1) de la LCDP (par. 99 de l’exposé des plaignants). Au paragraphe 100 de leur exposé, les plaignants indiquent que, pour empêcher toute nouvelle discrimination, le programme de promotion sociale devrait ordonner à la GRC en Colombie-Britannique de [traduction] « se retirer de tous les services d’enquête sur les mauvais traitements dans les communautés autochtones et de remplacer sa direction des services d’enquête par une équipe d’enquêteurs indépendante ».

[3] La composition de l’équipe d’enquêteurs indépendante proposée est précisée au paragraphe 92 de l’exposé des plaignants :

[traduction] 92. Les plaignants soutiennent que la mise en œuvre de nouvelles politiques ou l’amélioration de la formation des agents ne peuvent mettre fin à la discrimination systémique. Par conséquent, l’ordonnance prévue à l’alinéa 53(2)b) pour la prestation de services d’enquête ne devrait pas être fournie par la GRC, mais plutôt par une équipe d’enquêteurs entièrement indépendante de la GRC composée d’enquêteurs ayant les attributs suivants :

a. au moins un membre de la communauté autochtone locale;

b. un membre qui parle la langue autochtone locale;

c. un ancien reconnu de la communauté autochtone;

d. un membre formé et expérimenté dans les enquêtes sur les mauvais traitements et la violence sexuelle;

e. un membre formé et expérimenté dans le domaine de la santé mentale et des traumatismes en mesure d’orienter les victimes vers des services de soutien;

f. un membre reconnu comme conseiller spirituel;

g. un membre formé et expérimenté en recherche archivistique et historique;

h. un membre qui connaît bien le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation ainsi que l’histoire des pensionnats et des écoles de jour.

[4] Les plaignants proposent le transfert de fonds de la direction des services d’enquête de la GRC aux communautés autochtones pour faciliter et assurer l’élaboration et la mise en œuvre du programme de promotion sociale (par. 103 de l’exposé). Ils suggèrent que [traduction] « l’élaboration et la mise en œuvre du programme de promotion sociale soient dirigées par les communautés autochtones de la Colombie-Britannique avec le soutien approprié et pertinent de tous les ordres de gouvernement » (par. 104 de l’exposé).

[5] En plus de la mise sur pied d’une équipe d’enquêteurs indépendante, les plaignants demandent la mesure de réparation suivante au paragraphe 97 de leur exposé :

[traduction] Conformément à l’alinéa 53(2)d), le plaignant demande une ordonnance d’indemnisation pour les frais occasionnés pour le recours à d’autres services ainsi que les dépenses entraînées et qui continuent d’être entraînées en raison du manque d’accès aux services d’enquête policière pour les plaignants. Plutôt que de demander une ordonnance pour les frais occasionnés pour le recours à des services de conseil continus, les plaignants demandent des fonds pour la construction d’un centre de guérison dans leur communauté.

[6] Avant l’ouverture de l’audience relative à la présente plainte, le Tribunal a traité de nombreuses questions préliminaires. Il a aussi a rendu six décisions sur requête avant l’ouverture de l’audience et trois depuis (y compris la présente). Des ordonnances et des ordres supplémentaires ont également été rendus afin de garantir que l’affaire puisse procéder dans les meilleurs délais.

[7] L’audience a commencé le 1er mai 2023 à Burns Lake, en Colombie-Britannique. Elle s’est tenue en personne pendant deux semaines et s’est poursuivie par vidéoconférence pendant plusieurs semaines. Le Tribunal a déjà entendu plus de 25 témoins et reçu des centaines de documents en éléments de preuve. Il est prévu que l’audience se terminera en décembre 2023. L’affaire a fait l’objet d’une couverture médiatique assez importante, tant avant que pendant l’audience, en particulier en Colombie-Britannique.

[8] Le 31 mai 2023, le Tribunal a rendu une décision sur requête (2023 TCDP 21 [CanLII]) autorisant les plaignants à rouvrir leur dossier plus tard dans la procédure (après avoir entendu plusieurs témoins de la GRC), dans le but limité de présenter des éléments de preuve supplémentaires liés aux mesures de réparation d’intérêt public proposées aux paragraphes 92, 97, 99 et 100 à 105 de l’exposé des plaignants, notamment en ce qui concerne l’équipe d’enquêteurs indépendante et le centre de guérison.

[9] Le 26 juillet 2023, l’avocate de la procureure générale de la Colombie-Britannique (la « procureure générale ») a écrit au Tribunal pour l’informer que la présente instance avait récemment été portée à son attention, que la procureure générale avait [traduction] « l’intention de demander la qualité de partie à l’égard de l’instruction » et qu’elle prévoyait de déposer une demande [traduction] « soit à la fin d’août, soit au début de septembre ». L’avocat de la GRC a ensuite informé le Tribunal qu’il avait communiqué avec la procureure générale pour l’informer des mesures de réparation d’intérêt public demandées par les plaignants.

[10] Le 11 août 2023, les plaignants ont fourni un rapport de leur témoin expert proposé concernant la mesure de réparation relative à l’équipe d’enquêteurs indépendante. Puisque le rapport contient une recommandation selon laquelle un agent de la GRC devrait faire partie de l’équipe d’enquêteurs indépendante, les plaignants ont indiqué qu’ils acceptaient cette recommandation.

[11] Le 16 août 2023, les plaignants ont présenté une lettre du British Columbia First Nations Justice Council (BCFNJC), un organisme dirigé par des Autochtones. La lettre indique que le BCFNJC soutient la mise sur pied de l’équipe d’enquêteurs indépendante suggérée par les plaignants, y compris la recommandation par l’expert proposé qu’un agent de la GRC soit membre de cette équipe. Dans sa lettre, le BCFNJC exprime son intérêt à diriger la constitution et la mise en œuvre de l’équipe d’enquêteurs indépendante. Les plaignants prévoient d’appeler un membre du conseil du BCFNJC comme témoin pendant la partie de l’audience portant sur les mesures de réparation, ainsi que le témoin expert qu’ils ont proposé.

II. Requête de la procureure générale

[12] Le 19 septembre 2023, la procureure générale a déposé une requête en vertu de l’article 28 des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles ») en vue d’obtenir une ordonnance lui accordant la qualité de partie en tant qu’intimée dans la présente instance fédérale relative aux droits de la personne. Selon l’avis de requête de la procureure générale, les services policiers sont assurés en Colombie-Britannique par une série d’accords que la province a conclus avec la GRC pour qu’elle y exerce les pouvoirs et les fonctions de force de police provinciale.

[13] La procureure générale soutient qu’elle est une partie concernée de l’instance, car elle est la mieux placée pour parler de la compétence de la province, de la surveillance des services policiers en Colombie-Britannique et de la prestation de services d’aide aux victimes. Elle indique qu’elle a [traduction] « un intérêt réel et substantiel dans cette procédure » parce que la mise sur pied de l’équipe d’enquêteurs indépendante demandée par les plaignants [traduction] « relève clairement de la compétence de la province ». Elle indique que certains aspects des services d’aide aux victimes demandés par les plaignants sont également de compétence provinciale.

[14] La GRC est d’avis que la procureure générale devrait être adjointe en tant qu’intimée dans la présente procédure.

[15] La Commission et les plaignants s’opposent à la demande de la procureure générale d’être partie à la cause. La Commission fait valoir que, en vertu du droit constitutionnel et législatif, le Tribunal n’a aucune compétence quant aux actions de la procureure générale et qu’il ne peut accorder de réparation à son encontre. La Commission soutient en outre que les plaignants n’allèguent pas que la procureure générale a fait preuve de discrimination à leur égard et que, si tel était le cas, il leur faudrait déposer une plainte en vertu du Human Rights Code de la Colombie-Britannique. La Commission affirme plutôt que la plainte allègue que la GRC s’est livrée à des pratiques discriminatoires dans l’exercice de ses responsabilités en vertu des accords contractuels en vigueur avec la Colombie-Britannique. La plainte se concentre sur la conduite de la GRC en tant qu’entité à réglementation fédérale, et toute mesure de réparation qui pourrait être accordée ne pourrait l’être qu’à l’encontre de la GRC. Ainsi, la Commission est d’avis que la procureure générale ne peut être adjointe à l’instruction en tant qu’intimée.

[16] La Commission soutient que la procureure générale pourrait plutôt demander la qualité d’intervenant en vertu de l’article 27 des Règles de pratique du Tribunal, même si elle fait valoir que la procureure générale n’a pas encore fourni toutes les informations requises pour obtenir cette qualité.

[17] Les plaignants acceptent les observations de la Commission sur la requête de la procureure générale, mais souhaitent se réserver le droit de répondre à toute requête future de la procureure générale en vertu de l’article 27 des Règles.

[18] Dans sa réplique, la procureure générale réitère sa demande d’obtention de la qualité d’intimée. Elle ne répond pas à la suggestion de la Commission selon laquelle la qualité d’intervenant pourrait être plus appropriée et autorisée en vertu de la LCDP.

III. Décision

[19] Je rejette la demande d’adjonction à titre d’intimée de la procureure générale en vertu de l’article 28 des Règles de pratique du Tribunal. La plainte sous-jacente n’allègue pas de discrimination de la part de la procureure générale. En outre, le Tribunal n’a pas compétence sur la procureure générale en tant qu’entité provinciale et ne pourrait prononcer de mesure de réparation à son encontre. Par ailleurs, la procureure générale ne remplit pas les conditions requises pour être adjointe en tant que partie, comme les définit la jurisprudence du Tribunal.

[20] Le Tribunal est toutefois disposé à accorder à la procureure générale une qualité restreinte d’intervenant dans la présente instance, conformément à l’article 27 de ses Règles. Bien que la procureure générale n’ait pas demandé la qualité d’intervenant dans la présente instance et que la Commission soit la seule partie à avoir abordé cette question dans ses observations, le Tribunal est convaincu que les informations requises ont été fournies ou peuvent être facilement extrapolées. Il n’est pas dans l’intérêt de la justice de retarder la présente audience pour recevoir d’autres observations des parties. La procureure générale a demandé à participer à l’instance dans le but précis de fournir au Tribunal des informations pertinentes relatives aux mesures de réparation demandées par les plaignants. La présente décision facilite cette démarche, même si elle est rendue en vertu d’une règle différente.

[21] Dans le but de procéder aussi rapidement et équitablement que possible, étant donné que l’audience était déjà bien avancée avant que la procureure générale ne dépose sa requête et que des dates ont été fixées pour finir de présenter les éléments de preuve, j’accepte que la procureure générale ait un rôle limité dans l’instance en ce qui concerne les mesures de réparation d’intérêt public demandées par les plaignants. Sa participation en qualité qu’intervenant peut aider le Tribunal à déterminer la question des mesures de réparation s’il rend une conclusion de discrimination de la part de la GRC.

[22] Les modalités de la qualité restreinte d’intervenant de la procureure générale sont énoncées dans l’ordonnance qui figure à la fin de la présente décision sur requête.

IV. Analyse

A. Adjonction d’une partie en vertu de l’article 28 des Règles de pratique

[23] La procureure générale a déposé sa requête conformément à l’article 28 des Règles de pratique du Tribunal, qui prévoit que « [l]a personne désirant obtenir la qualité de partie à l’instruction signifie et dépose un avis de requête visant à obtenir une ordonnance à cet égard ».

[24] Le Tribunal a examiné dans plusieurs affaires des demandes d’adjonction d’une partie, y compris un nouvel intimé. Toutefois, la présente requête est inhabituelle en ce sens que la procureure générale demande elle-même à devenir une intimée plutôt qu’une autre partie en fasse la demande. Dans la cause Syndicat des employés d’exécution de Québec-téléphone section locale 5044 du SCFP c. Telus communications (Québec) inc., 2003 TCDP 31 (CanLII) [« Telus »], le Tribunal a établi qu’il était d’avis que « l’adjonction forcée d’un nouvel intimé », une fois que le Tribunal a été chargé par la Commission d’instruire une plainte, était appropriée, en l’absence de règles officielles à cet effet, s’il est établi que : i) « la présence de cette nouvelle partie est nécessaire pour disposer de la plainte dont il est saisi » et ii) « qu’il n’était pas raisonnablement prévisible une fois la plainte déposée auprès de la Commission que l’adjonction d’un nouvel intimé serait nécessaire pour disposer de la plainte » (par. 30).

[25] Plus récemment, le Tribunal a conclu qu’il ne devait pas adopter de règle rigide dans l’examen des facteurs en vue de déterminer l’adjonction d’une partie dans le cadre d’une instruction (Peters c. United Parcel Service Canada Ltd. et Gordon, 2019 TCDP 15 [CanLII] [« Peters »] aux par. 44 à 46). Le Tribunal a aussi indiqué qu’il devrait considérer un troisième facteur, à savoir si l’adjonction d’une partie entraînera un « préjudice grave » pour une autre partie (Peters au par. 46, renvoyant à Harrison c. Première Nation de Curve Lake, 2018 TCDP 7 [CanLII] et Coupal et Milinkovich c. Agence des services frontaliers du Canada, 2008 TCDP 24 [CanLII]).

[26] La procureure générale reconnaît que, même si ces trois facteurs ne sont pas nécessairement exhaustifs ou restrictifs, ils ont guidé les analyses antérieures du Tribunal concernant l’adjonction d’une partie à une instance. Elle soutient qu’elle répond à ces trois facteurs et qu’elle devrait donc être adjointe en tant que partie à la présente instance. Je ne suis pas d’accord.

(i) La présence de la procureure générale n’est pas nécessaire pour que le Tribunal dispose de la plainte

[27] En ce qui concerne le premier facteur, à savoir que la nouvelle partie est nécessaire pour disposer de la plainte, la procureure générale fait remarquer que seule la province a le pouvoir de désigner et d’imposer des forces de police en Colombie-Britannique, et que le gouvernement provincial est chargé d’assurer le maintien de l’ordre et l’application de la loi dans toutes les régions de la Colombie-Britannique qui n’ont pas de services de police municipaux.

[28] En ce qui concerne la mise sur pied d’une équipe d’enquêteurs indépendante demandée par les plaignants, la procureure générale dit que sa participation est nécessaire pour fournir au Tribunal une assistance et des informations concernant le rôle et la compétence de la province en matière de services policiers et la relation contractuelle entre la province et le gouvernement fédéral en ce qui concerne la GRC. Elle dit qu’elle peut également fournir des informations sur les engagements pris par la province pour mettre en œuvre la réforme et la modernisation des services policiers et de la sécurité publique, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones.

[29] La procureure générale soutient que sa participation à l’instance aidera le Tribunal à délimiter les rôles du gouvernement fédéral et de la province en ce qui concerne les services policiers en Colombie-Britannique, ce qui garantira le caractère exécutoire de toute ordonnance rendue. En outre, la procureure générale fait valoir que la province subirait un préjudice important si sa requête d’adjonction de partie était rejetée, car elle n’aurait pas la possibilité de répondre directement aux mesures de réparation demandées par les plaignants, lesquelles affectent directement les intérêts de la province.

[30] La GRC est d’avis que la participation de la procureure générale est nécessaire pour disposer de la plainte, car l’administration de la justice relève des pouvoirs constitutionnels de la province, y compris la création d’une force de police, la conduite d’enquêtes criminelles et l’application du Code criminel.

[31] J’estime que la procureure générale n’a pas besoin de devenir une intimée à la présente instance pour participer de la façon dont elle l’a proposé. Comme le souligne la Commission, la LCDP s’applique aux employeurs, aux organisations syndicales et aux fournisseurs de services sous réglementation fédérale. Le paragraphe 66(1) de la LCDP précise que celle-ci « lie Sa Majesté du chef du Canada sauf en ce qui concerne les gouvernements du Yukon, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut », tandis que l’article 2 de la LCDP indique que la loi a pour objet de donner effet aux principes des droits de la personne « dans le champ de compétence du Parlement du Canada ». Par conséquent, le Tribunal n’a pas compétence sur une entité provinciale telle que la procureure générale.

[32] Toutes les parties et la procureure générale conviennent que le Tribunal n’a pas la compétence d’ordonner des mesures de réparation contre la procureure générale en tant qu’entité provinciale. Par conséquent, en l’espèce, la procureure générale peut uniquement fournir au Tribunal des informations pour l’aider à déterminer si certaines mesures de réparation demandées par les plaignants peuvent effectivement être ordonnées à l’encontre de la GRC. Elle n’a pas besoin d’être une intimée pour fournir ces informations et n’a donc pas besoin d’obtenir la qualité de partie en vertu de l’article 28 des Règles pour aider le Tribunal à parvenir à une décision juste et équitable.

[33] La valeur que la procureure générale peut apporter aux procédures du Tribunal correspond beaucoup mieux aux facteurs que le Tribunal prend en considération pour déterminer si une personne doit être adjointe en qualité d’intervenant à l’égard de l’instruction, conformément à l’article 27 des Règles de pratique du Tribunal, ce que j’examinerai ci-dessous.

(ii) La procureure générale affirme que sa participation était prévisible

[34] En ce qui concerne le deuxième facteur, à savoir qu’au moment où la plainte a été déposée auprès de la Commission, il n’était pas raisonnablement prévisible que l’adjonction d’une nouvelle partie intimée serait nécessaire pour disposer de la plainte, la procureure générale admet en fait qu’elle ne répond pas à ce facteur. Elle soutient au contraire que sa participation à la présente procédure était raisonnablement prévisible au moment où la plainte a été déposée.

[35] La GRC est d’accord avec cette position et indique que les plaignants et la Commission auraient dû nommer la procureure générale en tant que partie lorsque la plainte a été déposée.

[36] La Commission est créée en vertu de la même loi fédérale que le Tribunal. En tant que gardienne et examinatrice des plaintes au sein du système fédéral de plaintes en matière de droits de la personne, la Commission est tenue, en vertu de l’alinéa 41(1)c) de la LCDP, de refuser de statuer sur toute plainte dont elle est saisie lorsque « la plainte n’est pas de sa compétence ». En tout état de cause, les plaignants ne prétendent pas que la procureure générale a fait preuve de discrimination à leur égard. S’ils faisaient une telle allégation, ils devraient déposer une plainte en vertu du Human Rights Code de la Colombie-Britannique.

[37] Je reconnais que le critère, et ce deuxième facteur en particulier, ne semble pas avoir été établi à l’égard de personnes cherchant à s’adjoindre elles-mêmes en tant que partie à une instance.

(iii) L’adjonction de la procureure générale en tant qu’intimée causerait un préjudice grave aux plaignants

[38] En ce qui concerne le troisième facteur, à savoir si l’adjonction de la nouvelle partie entraînera un « préjudice grave » pour une autre partie, la procureure générale fait valoir que son adjonction en tant que partie à la présente instance n’entraînera pas de préjudice grave pour les plaignants, parce que les dates d’audience relatives à certaines des mesures de réparation demandées par les plaignants sont prévues en novembre 2023. En outre, elle affirme qu’elle est la mieux placée pour fournir des éléments de preuve concernant la surveillance par la province des services policiers et des services de soutien connexes, ainsi que les initiatives menées actuellement par la province, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, concernant la réforme des services policiers.

[39] Les plaignants ne sont pas d’accord avec cette position. Ils soutiennent que, malgré son argument sur la prévisibilité de sa participation, la procureure générale a attendu plus de trois ans avant de déposer sa requête (l’exposé des plaignants présentant la mesure de réparation visant l’équipe d’enquêteurs indépendante a été déposé en 2020). Les plaignants font remarquer que cette demande intervient après que le Tribunal a entendu un grand nombre d’éléments de preuve, mais que la procureure générale n’indique même pas si elle a examiné les transcriptions de ces éléments de preuve ou si elle a connaissance des détails de la présente cause.

[40] Les plaignants affirment que tout retard supplémentaire ou toute interférence dans cette affaire leur cause beaucoup de tort et de préjudice pour plusieurs raisons, notamment le manque de ressources pour financer ce litige comparativement à la procureure générale ou à la GRC. Par ailleurs, trois des six plaignants sont décédés depuis le dépôt de l’exposé, tandis que d’autres personnes, y compris de nombreux témoins, sont malades. Les plaignants demandent donc au Tribunal de rejeter sommairement cette demande sans tenir compte des autres demandes qui n’ont pas été soulevées devant le Tribunal.

[41] La GRC affirme que, comme les plaignants n’ont pas désigné la procureure générale comme intimée lorsqu’ils ont déposé leur plainte auprès de la Commission, tout préjudice à leur égard ne devrait pas avoir de poids dans l’examen de la requête actuelle de la procureure générale.

[42] La procureure générale déclare dans sa réponse qu’elle a déposé sa requête d’adjonction en qualité de partie [traduction] « dans les plus brefs délais, dès qu’elle a eu connaissance de la plainte ».

[43] La procureure générale demande à devenir une partie à part entière dans la présente instance, ce qui sous-tend généralement le droit de déposer des requêtes, de demander des ajournements, de convoquer des témoins et d’interroger les témoins des autres parties. En l’espèce, ce serait le cas même si aucune conclusion de discrimination ne peut être faite ou aucune mesure de réparation ne peut être ordonnée à l’encontre de la procureure générale. Je suis d’accord avec les plaignants et la Commission pour dire que l’adjonction d’une nouvelle partie à ce stade risque de causer un préjudice grave aux plaignants en particulier. Les préoccupations concernant les retards dans la présente instance sont réelles, comme l’ont souligné les plaignants.

[44] En ce qui concerne le dépôt de la requête de la procureure générale dans les plus brefs délais, je remarque que la procureure générale a écrit au Tribunal le 26 juillet 2023 pour lui faire savoir qu’elle avait été informée de l’instance peu de temps auparavant et qu’elle déposerait une requête pour obtenir la qualité de partie. Elle n’a déposé cette requête que près de deux mois plus tard. À la connaissance du Tribunal, la procureure générale n’a pas assisté à l’une ou l’autre des procédures et n’a pas demandé au Tribunal leurs transcriptions à ce jour. Ce n’est que très récemment qu’elle a demandé une liste des documents déposés auprès du Tribunal. En vertu du paragraphe 26(2) des Règles de pratique du Tribunal, un avis de requête doit être déposé « dès que les circonstances le permettent ». En l’espèce, compte tenu du stade avancé de l’instance et du fait qu’il s’agit d’une importante entité gouvernementale, la procureure générale aurait dû affecter des ressources pour veiller à ce que sa requête soit déposée en temps voulu.

[45] Je suis d’accord avec la Commission pour dire que, du point de vue du droit constitutionnel et législatif, le Tribunal n’a pas compétence sur les actions de la procureure générale et ne peut ordonner des mesures de réparation à son endroit. Outre les problèmes de partage des pouvoirs, il n’y a aucune raison d’adjoindre la procureure générale comme partie à l’égard de l’instruction, puisqu’elle n’a pas rempli les conditions requises.

B. Reconnaissance à titre d’intervenant en vertu de la règle 27

[46] Les arguments avancés par la procureure générale et la GRC pour expliquer pourquoi la procureure générale devrait être autorisée à participer à la partie de l’instance qui porte sur les mesures de réparation sont plus conformes à l’article 27 des Règles de pratique du Tribunal qu’à l’article 28. La procureure générale n’a pas besoin d’être une intimée pour [traduction] « fournir des éléments de preuve concernant la surveillance par la province des services policiers et des services de soutien connexes, ainsi que les initiatives menées actuellement par la province, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones, concernant la réforme des services policiers ». Je ne suis pas d’accord avec l’argument de la GRC selon lequel l’adjonction de la procureure générale en qualité de partie est le seul ou même le meilleur moyen pour le Tribunal de s’assurer que tous les éléments de preuve et tous les arguments nécessaires sont devant lui. Cela peut être fait en adjoignant la procureure générale en qualité d’intervenant plutôt que de partie.

[47] Conformément au paragraphe 50(1) de la LCDP, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’octroyer la qualité d’intervenant. Le Tribunal est tenu, en vertu du paragraphe 48.9(1) de la LCDP, d’instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. Par ailleurs, le paragraphe 27(1) des Règles prévoit que la personne qui désire obtenir la qualité d’intervenant à l’égard de l’instruction doit présenter une requête à cet effet. La requête « précise l’assistance que la personne désire apporter à l’instruction et l’étendue de la participation à l’instruction qu’elle souhaite » (27(2)). Le paragraphe 27(3) énonce ce qui suit : « Si la formation fait droit à la requête, elle précise l’étendue de la participation de l’intervenant à l’instruction ».

[48] La procureure générale n’a pas déposé de requête en vertu de l’article 27 des Règles et a choisi de ne pas répondre à la suggestion de la Commission à ce sujet. La Commission soutient dans ses observations que, faute d’informations supplémentaires et détaillées sur les arguments proposés par la procureure générale, le Tribunal ne devrait pas non plus accorder à la procureure générale la qualité d’intervenant, étant donné qu’elle n’a pas satisfait à la charge qui lui incombait de démontrer que cette qualité était justifiée. À titre subsidiaire, la Commission soutient que, si le Tribunal est enclin à accorder à la procureure générale la qualité d’intervenant, il devrait lui accorder des droits de participation restreints qui ne retarderont pas ou ne prolongeront pas indûment la présente instance.

[49] Il est reconnu que le Tribunal est maître de sa propre pratique, et l’article 8 des Règles prévoit que le Tribunal peut, de sa propre initiative, modifier une disposition des règles ou exempter une partie de son application si la modification ou l’exemption permet de trancher la plainte sur le fond de façon équitable, informelle et rapide, conformément à la règle 5.

[50] Étant donné le stade très avancé de l’instruction et le fait que l’audience doit se poursuivre cette semaine, j’accepte de ne pas exiger que la procureure générale dépose une requête en vertu de l’article 27 des Règles ou qu’elle indique l’aide qu’elle souhaite apporter à l’enquête et la mesure dans laquelle elle souhaite le faire.

[51] La procureure générale a clairement exprimé son souhait de participer à la procédure et a indiqué dans une certaine mesure l’aide qu’elle souhaite apporter à l’instruction. Je m’appuierai sur les informations qu’elle a fournies dans sa requête d’adjonction en qualité de partie pour déterminer s’il convient d’adjoindre la procureure générale en qualité d’intervenant à l’égard de l’instruction.

[52] Dans l’affaire Letnes c. Gendarmerie royale du Canada, 2021 TCDP 30 (CanLII) [Letnes], le Tribunal a examiné la jurisprudence pertinente et a conclu qu’une personne ou une organisation qui demande à obtenir la qualité d’intervenant au titre de l’article 27 des Règles doit répondre à au moins l’un des critères suivants :

  1. l’expertise de l’[éventuel intervenant] aiderait le Tribunal;
  2. sa participation ajouterait à la position juridique des parties;
  3. l’instance pourrait avoir des répercussions sur ses intérêts.

[53] Le Tribunal doit analyser ces critères au cas par cas et de façon souple et globale (Letnes, au par. 13; Attaran c. Citoyenneté et Immigration Canada, 2018 TCDP 6 [CanLII]).

[54] Dans Letnes, le Tribunal a clairement indiqué qu’il n’était pas nécessaire que les trois facteurs soient satisfaits pour que la qualité d’intervenant soit accordée (au par. 12). Dans l’analyse des critères au cas par cas, de façon globale, le Tribunal a établi qu’une personne ou une organisation pouvait se voir accorder la qualité d’intervenant si elle est touchée par l’instance et peut aider le Tribunal à trancher les questions dont il est saisi, si l’aide apporte un éclairage différent aux thèses défendues par les autres parties et contribue à la prise de décision par le Tribunal (Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada [pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien], 2016 TCDP 11 [CanLII]. Dans Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2020 TCDP 31 (CanLII), le Tribunal a octroyé la qualité d’intervenant à la Nation innue sur le fondement principal qu’un grand nombre de ses membres seraient touchés par les résultats de sa décision.

[55] À mon avis, la procureure générale satisfait à chacun des critères énoncés dans l’arrêt Letnes pour être adjointe en qualité d’intervenant à l’égard de l’instruction. Ses compétences seront utiles au Tribunal et sa participation renforcera les positions juridiques des parties. La procureure générale est constitutionnellement responsable de l’administration de la justice dans la province de la Colombie-Britannique. Ses observations sur le rôle et la compétence de la province en matière de services policiers et sur la relation contractuelle entre la province et le gouvernement fédéral concernant la GRC aideront le Tribunal. Il est possible que la GRC connaisse certaines de ces informations, mais il est raisonnable de présumer que la procureure générale a des connaissances pertinentes à apporter qui aideront le Tribunal à élaborer des mesures appropriées, s’il conclut à l’existence d’une discrimination, dans le cadre de la phase de l’audience qui portera sur les mesures de réparation.

[56] L’instance pourrait avoir une incidence sur les intérêts de la province. Je reconnais que la procureure générale a un intérêt dans une éventuelle conclusion de discrimination à l’encontre de la GRC, qui fournit des services de police dans la province, et qu’il est possible que les mesures de réparation demandées aient des incidences sur les responsabilités provinciales en matière de services policiers et de services d’aide aux victimes.

[57] En ce qui concerne la différence entre le point de vue, les connaissances ou l’expertise de la procureure générale et ceux des parties, je conviens que la procureure générale peut offrir, pendant la phase de l’audience qui portera sur les mesures de réparation, des perspectives pratiques et des considérations pertinentes auxquelles les parties n’ont pas accès, en particulier en ce qui concerne les engagements de la province à mettre en œuvre la réforme et la modernisation des services policiers et de la sécurité publique, en consultation et en coopération avec les peuples autochtones.

V. Conclusion

[58] Compte tenu de ce qui précède, je rejette la requête de la procureure générale en vue d’obtenir la qualité de partie, mais j’accepte de l’adjoindre en qualité d’intervenant sans autres procédures.

[59] J’aimerais citer les commentaires suivants du Tribunal dans la cause Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 11 (CanLII) :

III. Étendue de la participation

[12] Malgré sa conclusion concernant l’intérêt de la NAN et la contribution qu’elle est susceptible d’apporter, la formation doit s’assurer que l’intervention proposée ne porte pas atteinte de façon indue à l’exigence selon laquelle l’instruction se fait sans formalisme et de façon expéditive et qu’elle ne porte pas préjudice aux parties ou au Tribunal. Ainsi, la NAN propose de déposer des observations écrites au sujet des mesures de réparation dans lesquelles elle apportera son éclairage unique en tant que défenseur des collectivités nordiques et éloignées de l’Ontario, mais ne reprendra pas les observations déjà présentées.

[13] Pour respecter les droits des parties dans la présente instance, qui compte déjà quatre parties et deux parties intéressées, mais aussi pour bien utiliser les ressources et le temps limités du Tribunal, il a fallu relever de nombreux défis lors de la gestion de l’instance et de l’audience. L’ajout d’une autre partie, particulièrement à ce stade tardif, non seulement est rare, mais aussi complexifie encore davantage la gestion de l’instance. Cela dit, la formation conclut que les avantages que procurerait l’intervention proposée par la NAN l’emportent sur les défis additionnels posés sur le plan de la gestion de l’instance.

[60] Ces commentaires sont utiles même si, dans cette affaire, le Tribunal avait déjà rendu sa décision concernant la responsabilité avant d’accorder la qualité d’intervenant pour la partie de l’audience portant sur la réparation. Dans le cas présent, la procureure générale a un point de vue unique à offrir pour aider le Tribunal à comprendre les questions de compétence relatives à l’équipe d’enquêteurs indépendante et au centre de guérison demandés par les plaignants. Cependant, nous en sommes à un stade avancé de l’instance et nous devons éviter tout retard et tout préjudice aux parties.

[61] La procureure générale pourra seulement participer à l’étape qui portera sur les mesures de réparation demandées, et tous les éléments de preuve ou observations qu’elle proposera ne devront porter que sur ces mesures et ne pas rouvrir des questions déjà entendues ou tranchées.

[62] Je remarque également que, avant le début de l’audience, la GRC a indiqué que le gouvernement de la Colombie-Britannique était responsable des services d’aide aux victimes et avait nommé au moins un employé du gouvernement de la Colombie-Britannique sur la liste des témoins qu’elle souhaitait appeler dans le cadre de la présente instance. La requête de la procureure générale ne devrait pas empêcher la GRC de citer tous les témoins nécessaires et pertinents pour tout aspect de la plainte déposée contre elle, y compris les mesures de réparation.

VI. Ordonnance

[63] Le Tribunal ordonne que la requérante, la procureure générale, obtienne la qualité restreinte d’intervenant dans le cadre de la présente instruction aux conditions suivantes :

a) La procureure générale ne peut participer qu’en ce qui concerne la question des mesures de réparation d’intérêt public indiquées aux paragraphes 91, 92, 97, 99-105 de l’exposé des précisions des plaignants mais n’est pas autorisée à déposer des requêtes relatives à cette question.

b) La procureure générale ne peut convoquer ses propres témoins ni déposer de preuves documentaires ou par affidavit sans l’autorisation expresse du Tribunal. Si l’autorisation est accordée, les preuves ne doivent pas répéter les preuves produites par l’intimée, la GRC, et elles doivent être déposées rapidement afin de ne pas retarder la procédure.

c) La procureure générale ne peut participer aux conférences de gestion préparatoires, à moins que le Tribunal ne le lui demande expressément.

d) La procureure générale ne peut demander le report ou un changement des dates d’audience qui ont été fixées par le Tribunal avec la collaboration des autres parties.

e) La procureure générale peut recevoir tous les documents déposés pendant l’étape de l’audience portant sur les mesures de réparation, y compris les rapports d’experts, ainsi que tous les documents déposés plus tôt dans le cadre de l’instance qui soutiendront sa participation comme l’autorise la présente ordonnance.

f) La procureure générale peut contre-interroger les témoins de l’une ou l’autre des parties sur les sujets suivants pendant l’étape portant sur les mesures de réparation :

Les mesures de réparation d’intérêt public demandées par les plaignants, notamment en ce qui concerne le « programme de promotion sociale » visé au paragraphe 16(1) de la LCDP, la demande de création d’une « équipe d’enquêteurs indépendante » et, le cas échéant, l’ouverture d’un centre de guérison.

Le contre-interrogatoire des témoins par la procureure générale peut avoir lieu verbalement ou par écrit, selon les instructions du Tribunal, afin que l’audience puisse se poursuivre comme prévu.

g) La procureure générale peut recevoir toutes les observations écrites des parties relatives à l’étape de l’audience portant sur les mesures de réparation.

h) La procureure générale peut déposer des observations écrites d’au plus 25 pages sur les mesures de réparation d’intérêt public demandées par les plaignants, comme l’indiquent les alinéas a) et f) de la présente ordonnance. Ces observations ne doivent pas répéter les observations de l’intimée, la GRC.

i) La procureure générale peut joindre à ses observations écrites un cahier de textes faisant autorité.

j) Il incombe à la procureure générale de prendre connaissance de la décision et de l’ordonnance de confidentialité relatives à cette plainte et de s’y conformer. A.B. n’étant pas partie à la présente instance, la procureure générale n’a pas besoin de signifier des documents à A.B. ou à ses avocats.

Signée par

Colleen Harrington

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 15 novembre 2023

 


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