Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2023 TCDP 26

Date : le 27 juin 2023

Numéros des dossiers : T1536/8210 à T1599/14510; T1630/17610 à T1645/19110; T1664/01911 àT1681/03611; T1709/6213; T1710/6214; T1713/6217 à T1718/6222; T1721/6255;T1722/7711; T1755/11011 à T1768/12311; T1780/1012 et T1781/1112; T1793/2312 et T1794/2412; T1801/3112 à T1806/3612; T1858/8812 à T1861/9112

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Gary Nedelec, Alexander Samanek, Michael S. Sheppard, Douglas Goldie, Gary Bedbrook, Pierre Garneau, Jacques Couture, Larry James Laidman, Robert Bruce Macdonald, Gordon A.F. Lehman, Eric William Rogers, Peter J.G. Stirling, David Malcom Macdonald, Robert William James, Camil Geoffroy, Brian Campbell, Trevor David Allison, Benoit Gauthier, Bruce Lyn Fanning, Marc Carpentier, Mark Irving Davis, Raymond Calvin Scott Jackson, John Bart Anderson, , Warren Stanley Davey, , Keith Wylie Hannan, Michael Edward Ronan, Gilles Desrochers, William Lance Frank Dann, John Andrew Clarke, Bradley James Ellis, Michael Ennis, Stanley Edward Johns, Thomas Frederick Noakes, William Charles Ronan, Barrett Ralph Thornton, Robert James McBride, John Charles Pinheiro, David Allan Ramsay, Harold George Edward Thomas, Murray James Kidd, William Ayre, Stephen Norman Collier, William Ronald Clark

les plaignants

- et —

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et —

Air Canada et Air Line Pilots Association, International

les intimées

Décision

Membre : Jennifer Khurana


I. APERÇU

[1] Les plaignants sont un groupe de pilotes retraités qui allèguent qu’Air Canada et la Air Line Pilots Association, International (les « intimées ») ont fait preuve de discrimination à leur égard en les obligeant à prendre leur retraite à l’âge de 60 ans en raison de la règle sur l’âge de la retraite obligatoire fixée par leur convention collective. La plupart des plaignants ont retenu les services d’un avocat (la « coalition des plaignants »). Eric Rogers, Robert McBride, John Pinheiro, Patricia Clark (au nom de la succession de William Clark) et Stephen Collier agissent pour leur propre compte.

[2] Les intimées invoquent ce qui était à l’époque l’alinéa 15(1)c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « Loi »), qui permettait aux employeurs de mettre fin à l’emploi d’une personne en raison de son âge si celle-ci avait atteint « l’âge de la retraite en vigueur pour ce genre d’emploi ». Subsidiairement, elles font valoir que la règle voulant que les pilotes prennent leur retraite à 60 ans constitue une exigence professionnelle justifiée, et qu’elles ne pouvaient composer avec ces derniers sans subir de contrainte excessive.

[3] Pour décider si les intimées peuvent invoquer l’alinéa 15(1)c) à titre de moyen de défense relativement à ce qui constituerait autrement de la discrimination fondée sur l’âge, je dois déterminer quelles sont les compagnies aériennes qui peuvent être retenues à des fins de comparaison et qui employaient des pilotes dans des postes semblables à ceux qu’occupaient les plaignants au cours de la période pertinente. J’ai décidé d’appliquer les facteurs retenus dans une instance antérieure laquelle portait sur cette même règle de retraite obligatoire applicable aux pilotes d’Air Canada afin de recenser les compagnies aériennes destinées à former le groupe de comparaison (Nedelec et al. c. Air Canada et Association des pilotes d’Air Canada, 2022 TCDP 30 (la « décision sur requête relative aux facteurs »)).

[4] Plus précisément, j’ai conclu que, pour être incluses dans le groupe de comparaison pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2010 au 28 février 2012 (date à laquelle le dernier des pilotes visés dans l’affaire Nedelec a atteint l’âge de 60 ans), les compagnies aériennes devaient satisfaire à l’ensemble des facteurs établis dans la décision Vilven c. Air Canada, 2009 CF 367 (les « facteurs de la décision Vilven CF ») :

  1. Elles exploitent des aéronefs de tailles diverses;

  2. Elles exploitent des aéronefs de types divers;

  3. Elles transportent des voyageurs vers des destinations intérieures;

  4. Elles transportent des voyageurs vers des destinations internationales;

  5. Elles traversent l’espace aérien canadien et étranger;

  6. Elles transportent des passagers.

(Décision sur requête relative aux facteurs, au par. 40)

[5] Les intimées soutiennent que les plaintes devraient être rejetées, car Air Canada employait plus de pilotes que toutes les compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison au cours des périodes visées. Autrement dit, les pilotes d’Air Canada constituent le groupe dominant et définissent donc l’âge normal de la retraite pour les employés occupant des postes semblables à ceux qu’occupaient les plaignants.

[6] La coalition de plaignants n’est pas en désaccord avec les intimées. Elle convient que l’issue des plaintes est inévitable à la lumière de la décision sur requête relative aux facteurs qu’a rendue le Tribunal et des données fournies par les compagnies aériennes quant au nombre de pilotes qu’elles employaient. Les autres plaignants n’ont rien déposé en réponse à la demande des intimées de rejeter les plaintes.

[7] La Commission canadienne des droits de la personne n’a pas participé à la procédure depuis que j’ai pris en charge ces dossiers en 2021, si ce n’est que pour assister aux conférences téléphoniques préparatoires.

II. QUESTIONS EN LITIGE

[8] Il reste deux questions à trancher pour déterminer l’âge normal de la retraite des employés occupant des postes semblables à ceux qu’occupaient les plaignants et pour décider si les intimées peuvent invoquer l’alinéa 15(1)c) :

  • (i)Quelles sont les compagnies aériennes qui respectent les autres facteurs de la décision Vilven CF et qui devraient être incluses dans le groupe de comparaison?

  • (ii)Air Canada employait-elle la majorité des pilotes au cours des périodes visées?

III. DÉCISION

[9] L’âge normal de la retraite pour les employés occupant des postes semblables à ceux qu’occupaient les plaignants est 60 ans, l’âge auquel ces derniers ont pris leur retraite. Air Canada employait plus de pilotes que toutes les compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison au cours des périodes visées. Les intimées peuvent invoquer l’alinéa 15(1)c) à titre de moyen de défense, et les plaintes sont rejetées. Les plaignants n’ont pas prouvé que la règle de l’âge de la retraite obligatoire constituait un acte discriminatoire.

IV. QUESTION PRÉLIMINAIRE

[10] Robert McBride, un des plaignants, a écrit au Tribunal le 2 juin 2023 pour l’aviser que l’Association des pilotes d’Air Canada n’existait plus et que les pilotes d’Air Canada étaient désormais représentés par une autre association. Il a soulevé un certain nombre de préoccupations concernant ce changement, notamment le fait qu’il y a eu d’autres changements d’avocats, de représentants et de président au cours de cette longue procédure. Il se demandait également si la Commission et le Tribunal en avaient été informés.

[11] Les avocats de l’Association des pilotes d’Air Canada ont répondu que la Air Line Pilots Association, International (la « ALPA ») et l’Association des pilotes d’Air Canada avaient conclu un accord de fusion le 17 mai 2023. Selon les modalités de cet accord, la ALPA est le syndicat successeur de l’Association des pilotes d’Air Canada et peut être désignée comme intimée à la présente procédure. Le Tribunal modifiera l’intitulé de la cause en conséquence.

[12] Le Tribunal confirme avoir été avisé de ce changement au moyen d’une lettre de M. McBride et des avocats de la ALPA. Il n’y a eu aucune communication ex parte avec l’intimée, la ALPA ou toute autre partie à l’instance. Autrement dit, le Tribunal n’a communiqué avec aucune partie sans que les autres parties ne soient consultées ou ne le sachent.

V. CONTEXTE — DÉCISIONS SUR REQUÊTE ANTÉRIEURES ET MÉTHODE

[13] J’ai brièvement résumé les mesures prises en l’espèce afin d’expliquer pourquoi je rejette les plaintes.

[14] Dans la décision sur requête relative aux facteurs, j’ai établi une démarche en deux étapes pour identifier les compagnies aériennes destinées à former le groupe de comparaison, démarche qui commence par une analyse des deux premiers facteurs de la décision Vilven CF, à savoir si les compagnies aériennes exploitent des aéronefs de tailles diverses et si elles exploitent des aéronefs de types divers.

[15] Après avoir reçu les observations des parties, j’ai déterminé que 21 compagnies aériennes exploitaient des aéronefs de tailles diverses et de types divers et qu’elles passaient à l’étape suivante de l’analyse visant à déterminer si elles devaient être incluses dans le groupe de comparaison (Nedelec et al. c. Air Canada et Association des pilotes d’Air Canada, 2022 TCDP 40, au par. 25 [la « décision sur requête relative à la taille et au type »]).

[16] J’ai ensuite collaboré avec les parties participant à la gestion de l’instance pour trouver un moyen équitable et efficace de déterminer quelles compagnies aériennes respectaient les autres facteurs, à savoir le fait de transporter des voyageurs vers des destinations intérieures et internationales, de traverser l’espace aérien canadien et étranger et de transporter des passagers.

[17] Les parties ont convenu qu’un questionnaire serait envoyé aux compagnies aériennes en même temps que les assignations à comparaître. Air Canada a préparé le questionnaire et toutes les parties ont eu la possibilité de le passer en revue et de le commenter. Elles se sont entendues sur le libellé des questions visant à savoir combien de pilotes les compagnies aériennes employaient au cours des périodes visées et si elles effectuaient des vols internationaux, y compris aux États-Unis, et/ou si elles étaient disposées à fournir des devis et à offrir un service d’affrètement international sur demande à destination ou en provenance de n’importe où dans le monde, y compris les États-Unis. Le Tribunal a délivré les assignations à comparaître et Air Canada les a signifiées à toutes les compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison.

[18] Les destinataires de ces assignations à comparaître ont également été informés que s’ils répondaient aux questions et fournissaient les documents nécessaires à l’appui de leurs réponses, ils pourraient ne pas être tenus de se présenter à l’audience. Toutes les parties ont convenu qu’il s’agissait de la façon la plus efficace et la plus rapide de recueillir les données nécessaires pour déterminer quelles compagnies aériennes devaient former le groupe de comparaison. Le Tribunal a prévu des jours d’audience pour donner aux parties la possibilité de contester les réponses reçues et de poser des questions aux représentants des compagnies aériennes, le cas échéant.

[19] Dix-neuf compagnies aériennes ont fourni une réponse complète au questionnaire. Une compagnie aérienne a fourni une réponse partielle et une autre n’a pas répondu. Air Canada a compilé les données reçues et les a communiquées sous forme de tableau sommaire avant que n’ait lieu la conférence téléphonique préparatoire suivante. Les parties ont donc eu l’occasion d’examiner les données avant la conférence.

[20] Au cours de la conférence téléphonique préparatoire, j’ai demandé aux plaignants ce qu’ils pensaient des données reçues. La coalition de plaignants a déclaré qu’elle n’était pas en mesure de contester l’une ou l’autre des réponses reçues. Elle a aussi reconnu qu’il était inévitable que les plaintes soient rejetées compte tenu de la méthode adoptée par le Tribunal dans sa décision sur requête relative aux facteurs et du nombre de pilotes employés par les compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison par rapport à tous les pilotes employés par Air Canada. Les autres plaignants étaient du même avis et n’ont pas contesté le résumé des réponses fourni par Air Canada ni la présentation qu’elle a faite des données. Ils étaient également d’accord avec ce que la coalition de plaignants avait dit à propos de l’issue des plaintes. Les dates d’audience ont été annulées avec l’accord de toutes les parties, et Air Canada a laissé les témoins savoir que leur présence n’était plus requise.

A. La requête en suspension de l’instance déposée par la coalition des plaignants

[21] Au cours de la même conférence téléphonique préparatoire, la coalition de plaignants m’a demandé de suspendre l’instance le temps que la Cour fédérale statue sur sa demande de contrôle judiciaire de la décision sur requête relative aux facteurs du Tribunal, ce que j’ai refusé. À mon avis, l’intérêt de la justice ne justifiait pas de retarder le processus d’instruction pendant une période indéterminée. De même, je n’ai pas jugé qu’il était dans l’intérêt du public de suspendre l’instruction des plaintes jusqu’à ce qu’une cour de justice se prononce sur une décision sur requête provisoire.

[22] Étant donné que les plaignants ont déclaré que l’issue de la présente procédure était inévitable, j’ai également fixé des délais pour que les intimées présentent de brèves observations et expliquent pourquoi elles estiment, sur la base des données reçues, que les plaintes n’ont aucune chance d’être accueillies et qu’elles doivent être rejetées. J’ai donné aux plaignants la possibilité de répondre et j’ai fixé des délais pour la présentation des observations en réplique, le cas échéant.

[23] La coalition de plaignants était d’accord avec les intimées pour dire que les plaintes devaient être rejetées si la méthode adoptée par le Tribunal dans la décision sur requête relative aux facteurs était appliquée aux données fournies par les compagnies aériennes dans le questionnaire. Or, elle a réitéré sa requête visant à faire ajourner le prononcé de la décision finale jusqu’à l’issue du contrôle judiciaire de la décision sur requête relative aux facteurs au motif que, si cette décision sur requête était infirmée, les plaignants devraient alors aussi demander le contrôle judiciaire de la décision finale. Dans des observations datées du 24 mai 2023, elle indique que la Cour fédérale examinera la demande de contrôle judiciaire [traduction] « d’ici quelques semaines » seulement.

[24] Je ne suis pas convaincu que je doive revenir sur ma décision de rejeter la requête en suspension de l’instance. La coalition de plaignants aurait pu attendre la fin de la présente procédure pour déposer une demande de contrôle judiciaire, d’autant plus que la liste des compagnies aériennes destinées à former le groupe de comparaison n’avait pas encore été établie lorsque j’ai rendu la décision sur requête relative aux facteurs et que les compagnies aériennes n’avaient pas encore fourni de données sur le nombre total de pilotes qu’elles employaient. Le fait qu’elle ait décidé de demander le contrôle judiciaire d’une décision sur requête provisoire ne constitue pas un motif suffisant pour suspendre l’instance jusqu’à la conclusion du contrôle judiciaire et du processus d’appel. L’audition de la demande de contrôle judiciaire est prévue pour juillet 2023, mais il faudra attendre bien plus longtemps pour qu’une décision soit rendue ou pour qu’un appel soit interjeté.

B. Il est juste et efficace d’abréger le processus d’instruction

[25] Dans le cadre de ces plaintes de longue date, je rends une décision finale en suivant un processus abrégé et sans tenir d’audience. J’ai accepté les résumés de la preuve non contestée qui ont été présentés par les avocats en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l’alinéa 50(3)c) de la Loi et j’ai collaboré avec les parties participant à la gestion de l’instance afin de faire progresser l’affaire rapidement et efficacement. J’ai obtenu le consentement des parties pour procéder ainsi, après leur avoir donné la possibilité de contester la preuve et d’interroger les témoins. Les parties et le Tribunal ont ainsi économisé le temps et les frais afférents à l’assignation formelle des témoins et à la présentation d’une preuve par affidavit.

[26] J’ai décidé de procéder ainsi parce que les parties ont reconnu qu’il n’y avait aucun avantage à tenir une audience complète compte tenu des éléments de preuve connus à l’époque et des décisions sur requête précédemment rendues par le Tribunal. Les parties avaient déjà passé beaucoup de temps à débattre de la façon de procéder dans ces affaires, comme en témoignent la décision sur requête relative aux facteurs et la décision sur requête relative à la taille et au type. La coalition de plaignants a aussi demandé le contrôle judiciaire de la décision sur requête relative aux facteurs, ce qui montre que la méthode adoptée par le Tribunal était, aux yeux des parties, le point le plus litigieux et le plus important à trancher en l’espèce. À mon avis, le fait de procéder de façon expéditive et abrégée pour rendre une décision finale dans le contexte de ces plaintes est proportionnel à l’importance des questions qui demeurent en litige et permet au Tribunal de respecter son obligation légale d’instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (al. 48.9(1) de la Loi).

VI. MOTIFS

(i) Quelles sont les compagnies aériennes qui respectent les autres facteurs de la décision Vilven CF et qui devraient être incluses dans le groupe de comparaison?

[27] J’ai décidé de me fier aux données non contestées qu’Air Canada a fournies relativement aux autres facteurs de la décision Vilven CF, même si elles n’ont pas été présentées de manière habituelle. Aucune partie n’a manifesté l’intention de les contester ou de mettre en doute leur exactitude.

[28] Parmi les 19 compagnies aériennes qui ont répondu au questionnaire, les compagnies suivantes respectent tous les autres facteurs et forment le groupe de comparaison aux fins de la détermination de l’âge normal de la retraite au cours des périodes visées :

  • Air North

  • Air Tindi

  • Calm Air

  • Canadian North

  • Enerjet

  • First Air

  • Jazz

  • Morningstar Air Express

  • Nolinor

  • North Cariboo

  • Provincial Airlines

  • Voyageur Airways

  • Wasaya

[29] Selon Air Canada, six des compagnies aériennes ne devraient pas être incluses dans le groupe de comparaison parce qu’elles ne respectent pas tous les autres facteurs. Les autres parties ne contestent pas ces observations, et je les accepte au vu des données reçues, lesquelles parlent d’elles-mêmes.

[30] Flair Airlines a indiqué qu’elle n’exploitait pas d’aéronefs de tailles diverses et de types divers au cours des périodes visées puisqu’elle n’exploitait que trois Boeing 737-400. D’autres aéronefs figurent dans le Registre d’immatriculation des aéronefs civils canadiens, mais Flair Airlines a expliqué qu’ils étaient utilisés uniquement à des fins personnelles et qu’ils n’étaient pas exploités dans le cadre de ses activités commerciales.

[31] Air Creebec, Air Inuit, Buffalo Airways, Central Mountain Air et Kelowna Fightcraft ne devraient pas non plus être incluses dans le groupe de comparaison. Elles ne transportaient pas de passagers vers des destinations intérieures et internationales et ne traversaient pas l’espace aérien canadien et étranger pendant les périodes visées. Plus précisément, pendant ces mêmes périodes, elles n’effectuaient pas de vols internationaux et elles n’étaient pas disposées à fournir des devis et à offrir un service d’affrètement international sur demande à destination ou en provenance de n’importe où dans le monde, y compris les États-Unis.

(ii) Air Canada employait-elle la majorité des pilotes au cours des périodes visées?

[32] Dans la décision sur requête relative aux facteurs, j’ai précisé qu’une fois que le Tribunal aurait confirmé le groupe de comparaison et le nombre de pilotes employés par les compagnies aériennes, il ne serait peut-être pas nécessaire de poursuivre l’instance. Autrement dit, si Air Canada employait alors plus de pilotes que toutes les compagnies aériennes du groupe de comparaison, le Tribunal pourrait rejeter les plaintes.

[33] J’applique l’analyse statistique élaborée dans la décision Vilven CF (appliquée dans Thwaites et al. c. Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada, 2011 TCDP 11 [Thwaites], confirmée par la Cour d’appel fédérale dans Adamson c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), 2015 CAF 153.

[34] J’ai pris en compte toute la période pendant laquelle les plaignants ont pris leur retraite. Air Canada a divisé la période s’échelonnant du 1er janvier 2010 au 28 février 2012 en cinq sous-périodes dont les dates de début et de fin correspondent à des moments où les compagnies aériennes du groupe de comparaison ont apporté des changements à la preuve. Dans une annexe à ses observations, Air Canada a aussi fourni les nombres maximums et minimums de pilotes employés par les compagnies aériennes du groupe de comparaison et a indiqué le nombre de pilotes qu’elle employait au cours des périodes visées.

[35] Je suis prêt à accepter ces données non contestées, résumées par Air Canada et exposées ci-dessous. Aucune partie ne les a contestées ou n’a mis en doute leur exactitude, et toutes ont renoncé à leur droit d’interroger ou de contre-interroger les témoins cités par les compagnies aériennes. Dans le résumé ci-dessous, le nombre de pilotes employés par Air Canada est comparé au nombre de pilotes employés par les compagnies aériennes du groupe de comparaison. On y trouve également le pourcentage du nombre total de pilotes que représentent les employés d’Air Canada. Dans le cas des compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison, le tableau fait état des nombres les plus bas et les plus élevés de pilotes employés au cours de cette période.

1er janvier — 30 juin 2010 :

  • Air Canada : 3 083 pilotes

  • Compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison : 2 116,3 à 2 121,3 pilotes

  • Nombre total de pilotes : 5 199,3 à 5 206,3

Air Canada employait entre 59,22 % et 59,3 % de tous les pilotes.

1er juillet — 31 décembre 2010 :

  • Air Canada : 3 028 pilotes

  • Compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison : 2 188,3 à 2 198,3 pilotes

  • Nombre total de pilotes : 5 216,3 à 5 226,3

Air Canada employait entre 57,94 % et 58,05 % de tous les pilotes.

1er janvier — 30 juin 2011 :

  • Air Canada : 3 011 pilotes

  • Compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison : 2 269,2 à 2 295,2 pilotes

  • Nombre total de pilotes : 5 280,2 à 5 306,2

Air Canada employait entre 56,74 % et 57,02 % de tous les pilotes.

1er juillet — 31 décembre 2011 :

  • Air Canada : 3 024 pilotes

  • Compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison : 2 475,2 à 2 479,2 pilotes

  • Nombre total de pilotes : 5 499,2 à 5 503,2

Air Canada employait entre 54,99 % et 54,95 % de tous les pilotes.

1er janvier — 28 février 2012 :

  • Air Canada : 3 021 pilotes

  • Compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison : 2 447 pilotes

  • Nombre total de pilotes : 5 468.

Air Canada employait 55,25 % de tous les pilotes.

[36] La ALPA a déclaré que, d’après le tableau d’Air Canada, les compagnies aériennes énumérées comptaient entre 2 349 et 2 726 pilotes, même en incluant les compagnies qui ont déclaré ne pas respecter les facteurs de la décision Vilven CF et en prenant en considération les nombres les plus élevés. Air Canada employait quant à elle entre 3 011 et 3 083 pilotes pour toutes les périodes visées — ces données ont été fournies par les avocats d’Air Canada lors de la conférence téléphonique préparatoire, elles n’ont pas été contestées et elles ont été tenues pour avérées. Autrement dit, même sans écarter les compagnies aériennes du groupe de comparaison qui ont déclaré ne pas respecter les facteurs de la décision Vilven CF et en prenant en considération le nombre le plus élevé de pilotes de toutes ces compagnies, Air Canada employait tout de même plus de pilotes que les compagnies aériennes du groupe de comparaison au cours de chacune des périodes.

[37] Les plaignants ont également convenu lors de la dernière conférence téléphonique préparatoire que les deux compagnies aériennes qui n’ont pas répondu au questionnaire, en totalité ou en partie (Kelowna Flightcraft et Regional 1), n’auraient pas employé suffisamment de pilotes pour faire une différence ou pour faire pencher la balance en faveur des compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison.

[38] L’âge normal de la retraite est l’âge de la retraite de la majorité des pilotes du groupe représentatif global d’employés occupant des postes similaires (Nedelec c. Rogers, 2021 CF 191 aux par. 33-35). Comme le soutient la ALPA, l’âge de la retraite est donc toujours défini par les pilotes d’Air Canada en tant que groupe dominant.

[39] Je suis donc persuadé que, pour les périodes susmentionnées, l’âge normal de la retraite était de 60 ans. Les pilotes d’Air Canada représentent la majorité de l’ensemble des pilotes employés. J’accepte les arguments d’Air Canada selon lesquels cette conclusion est valable même si je présume, sans toutefois me prononcer sur la question, que l’âge normal de la retraite des pilotes de toutes les compagnies aériennes du groupe de comparaison n’était pas 60 ans. En d’autres termes, comme Air Canada employait la majorité des pilotes au cours des périodes visées, quel que soit l’âge réel de la retraite des pilotes des compagnies aériennes incluses dans le groupe de comparaison, l’âge normal de la retraite était de 60 ans pour ces périodes puisqu’il s’agissait de l’âge de la retraite obligatoire d’Air Canada. Le Tribunal a suivi ce même raisonnement ou cette même approche aux paragraphes 181 et 182 de la décision Thwaites.

[40] Les intimées peuvent donc invoquer l’alinéa 15(1)c) de la Loi, tel qu’il existait à l’époque. Elles ont pu exiger que les pilotes prennent leur retraite à 60 ans parce que l’âge normal de la retraite était de 60 ans. La règle sur l’âge de la retraite obligatoire des intimées ne constitue pas un acte discriminatoire au sens de la Loi.

VII. ORDONNANCE

[41] L’intitulé de la cause est modifié conformément au paragraphe [11] ci-dessus.

[42] Les plaintes sont rejetées.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 27 juin 2023

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1536/8210 à T1599/14510; T1630/17610 à T1645/19110; T1664/01911 à T1681/03611; T1709/6213 T1710/6214 T1713/6217 à T1718/6222; T1721/6255T1722/7711 T1755/11011 à T1768/12311; T1780/1012 et T1781/1112 T1793/2312 et T1794/2412 T1801/3112 à T1806/3612; T1858/8812 à T1861/9112;

Intitulé de la cause : Nedelec et al. c. Air Canada et Air Line Pilots Association, International

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 27 juin 2023

Représentations écrites par:

Raymond D. Hall , pour les plaignants (sauf Eric Rogers, Robert McBride, John Pinheiro, Patricia Clark (au nom de la succession de William Clark) et Stephen Collier)

Robert McBride, pour son propre compte

Fred Headon et Christina Toteda, pour l'intimée Air Canada

Malini Vijaykumar pour l'intimée Air Line Pilots Association, International

 

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