Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2023 TCDP 24

Date : le 21 juin 2023

Numéro du dossier : T2729/10521

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Katheryne Schulz (au nom de Bernard Schulz)

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Emploi et Développement social Canada

l’intimé

Décision sur requête

Membre : Jennifer Khurana

 


I. APERÇU

[1] Le plaignant, Bernard Schulz, souhaitait ouvrir un régime enregistré d’épargne-invalidité (« REEI »), mais l’article 146.4 de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. 1 (la « LIR »), établit à 59 ans l’âge limite pour l’admissibilité à un REEI, qui est nécessaire pour se prévaloir de la subvention canadienne pour l’épargne-invalidité et du bon canadien pour l’épargne-invalidité. Les subventions et les bons sont également assujettis à des limites d’âge énoncées dans le Règlement sur l’épargne-invalidité (le « Règlement »). M. Schulz soutient qu’Emploi et Développement social Canada (« EDSC ») a fait preuve à son égard de discrimination fondée sur l’âge et la déficience parce qu’il n’a pas pu présenter de demande de REEI et d’avantages connexes jusqu’à ce que sa nièce l’aide, alors qu’il avait dépassé l’âge de 59 ans. Il affirme que les limites d’âge énoncées dans la LIR et le Règlement touchent de façon disproportionnée les aînés et les personnes handicapées en raison des difficultés auxquelles ils sont confrontés lorsqu’ils présentent une demande d’avantages, et qu’il s’agit d’une forme de discrimination systémique.

[2] L’intimé, EDSC, est le ministère du gouvernement du Canada qui élabore, gère et exécute les programmes et les services sociaux. EDSC fait valoir que le Tribunal n’a pas compétence pour instruire la plainte de M. Schulz parce qu’il s’agit d’une contestation inadmissible de la loi qui doit être soumise aux tribunaux judiciaires.

[3] M. Schulz reconnaît qu’une contestation de la LIR ne relève pas de la compétence du Tribunal. Il poursuit également sa contestation devant une cour de justice et il a présenté une demande de financement pour défendre sa cause, c’est-à-dire l’allégation selon laquelle les limites d’âge établies dans la LIR et le Règlement vont à l’encontre des protections garanties par la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11 (la « Charte »). Toutefois, il fait valoir que le Tribunal peut tout de même entendre sa contestation du Règlement. Sa plainte pourrait également comporter un troisième volet, soit les allégations selon lesquelles EDSC aurait administré et promu le REEI de façon discriminatoire (« les allégations résiduelles »).

[4] M. Schulz demande au Tribunal de tenir sa plainte en suspens pendant une autre année, le temps qu’il prépare sa contestation judiciaire et présente une nouvelle demande de financement pour plaider sa cause. J’ai déjà accueilli deux demandes de mise en suspens dans le présent dossier : Schulz (au nom de Bernard Schulz) c. Emploi et Développement social Canada, 2022 TCDP 6 [Schulz 1], et Schulz (au nom de Bernard Schulz) c. Emploi et Développement social Canada, 2022 TCDP 33 [Schulz 2].

[5] La Commission ne se prononce pas sur la demande de M. Schulz.

[6] EDSC s’oppose à la nouvelle demande de mise en suspens de 12 mois. Il convient qu’un ajournement plus court est justifié, mais que celui-ci doit être lié à la date à laquelle le Tribunal rendra sa décision dans le cadre des plaintes connexes. Dans ces dossiers connexes, EDSC a déposé une requête en radiation des allégations des plaignants qui contestent le Règlement, car il est d’avis que celles-ci dépassent la portée de la Loi. EDSC soutient que l’issue de cette requête pourrait régler la question de la compétence du Tribunal à trancher une contestation du régime législatif régissant le REEI. Il demande au Tribunal de planifier une conférence téléphonique préparatoire avec les parties dans les 40 jours suivant le prononcé de la décision dans les dossiers connexes. Selon l’issue de ces dossiers, M. Schulz pourrait choisir d’abandonner sa plainte et EDSC pourrait présenter une requête en radiation de sa plainte, ou les parties pourraient être en mesure de déposer leurs exposés des précisions.

II. DÉCISION

[7] Je rejetterai la nouvelle demande de mise en suspens de 12 mois présentée par le plaignant. Le Tribunal a rendu sa décision dans les dossiers connexes et a conclu que les contestations du Règlement ne sont pas des services au sens de la Loi et n’ont aucune chance raisonnable de succès. À la lumière de cette décision, j’accorderai un ajournement de 45 jours pour permettre aux parties d’examiner la décision sur requête et d’établir leur position. M. Schulz doit indiquer s’il compte aller de l’avant avec sa plainte devant le Tribunal et, le cas échéant, sur quel fondement il s’appuiera.

III. CONTEXTE

[8] M. Schulz a présenté une demande de financement dans le cadre du Programme de contestation judiciaire (le « Programme ») pour entreprendre une contestation judiciaire fondée sur la Charte à l’égard de la LIR et du Règlement. J’ai accueilli la demande de M. Schulz et j’ai reporté de six mois sa procédure devant le Tribunal afin de lui donner la chance d’obtenir une réponse à sa demande de financement (Schulz 1). Sa demande de financement dans le cadre du Programme a été rejetée. Il a ensuite demandé une autre mise en suspens pour tenter d’obtenir du financement en vue de poursuivre sa démarche de contestation judiciaire.

[9] J’ai accueilli la deuxième demande de M. Schulz et j’ai prorogé la mise en suspens de six mois, soit jusqu’en avril 2023 (Schulz 2). J’ai également établi des échéances à l’intention des parties pour le dépôt de leurs exposés des précisions à la fin de la période de mise en suspens.

[10] M. Schulz demande au Tribunal de proroger la mise en suspens jusqu’au 5 avril 2024. Il a obtenu du financement pour élaborer sa cause pendant une période de douze mois, mais il n’a reçu aucune aide financière pour commencer à la plaider. Il veut que le Tribunal mette sa plainte en suspens pour une autre année pour lui donner le temps d’élaborer sa cause et de présenter une nouvelle demande de financement en vue d’entamer sa contestation judiciaire. Il affirme que le groupe d’experts du Programme se réunit trois fois par année et qu’il espère avoir une décision définitive à l’égard de sa demande d’ici le 5 avril 2024.

[11] La décision sur requête dans l’affaire connexe (Jamus Dorey, Karolin Alkerton, David Huntley et Roderick McGregor c Emploi et Développement social Canada, 2023 TCDP 23) a été rendue le 15 juin 2023 [Dorey].

[12] Dans cette décision sur requête, le Tribunal a accueilli la requête d’EDSC et a rejeté les plaintes après avoir conclu que celles-ci attaquaient directement la loi et les exigences obligatoires prévues dans le Règlement. Le Tribunal a jugé qu’il n’avait pas compétence pour instruire les plaintes parce que les droits non discrétionnaires prévus dans le Règlement, à l’instar des dispositions contenues dans la loi, ne constituaient pas des services offerts par EDSC. Il a également conclu que les allégations relatives à l’administration et à la promotion par EDSC du Programme canadien pour l’épargne-invalidité n’étaient pas comprises dans la plainte renvoyée par la Commission et qu’il était donc impossible d’y donner suite.

[13] Lorsque la Commission a renvoyé la plainte de M. Schulz au Tribunal, elle a utilisé son processus simplifié, dans le cadre duquel les parties peuvent présenter leurs observations directement à un membre de la Commission. La Commission a appliqué le paragraphe 49(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « Loi »), et a renvoyé la plainte au Tribunal parce qu’elle ne pouvait régler la situation à l’origine des allégations au moyen d’une évaluation. En vertu du paragraphe 49(1) de la Loi, la Commission peut renvoyer une plainte au Tribunal à toute étape postérieure au dépôt de la plainte. Dans le compte rendu de sa décision accompagnant la lettre de renvoi, la Commission a indiqué que [traduction] « les questions soulevées dans la présente plainte semblent être essentiellement les mêmes que celles soulevées dans trois autres plaintes pour lesquelles des rapports d’enquête ont été réalisés et communiqués à l’intimé » (Alkerton, Huntley et McGregor). Elle a également noté dans son renvoi que M. Huntley alléguait qu’EDSC avait fait preuve à son égard de discrimination fondée sur l’âge relativement à la fourniture d’un service.

[14] La Commission a conclu que la plainte devait être renvoyée au Tribunal pour instruction afin que celui-ci juge si la limite d’âge pour l’admissibilité aux subventions et aux bons est discriminatoire. Elle a énuméré plusieurs raisons à l’appui de son renvoi, dont le fait qu’elle avait précédemment évalué et renvoyé d’autres plaintes comportant les mêmes allégations que celles soulevées par M. Schulz.

IV. MOTIFS

[15] Les parties n’ont pas encore déposé leurs exposés des précisions dans la présente affaire, alors je ne dispose que du formulaire de plainte ainsi que de la lettre de renvoi et du compte rendu de la décision de la Commission qui l’accompagne pour essayer de comprendre ce sur quoi porte la plainte et ce que la Commission a renvoyé au Tribunal. Dans sa plainte, M. Schulz conteste la LIR et les dispositions non discrétionnaires du Règlement, à l’instar des plaignants dans l’affaire Dorey. La lettre de renvoi et le compte rendu de la décision de la Commission expliquent également que M. Schulz soulève essentiellement les mêmes questions que dans l’autre instance. Dans la décision sur requête Dorey, le Tribunal a rejeté ces allégations au motif qu’elles n’avaient aucune chance raisonnable d’être retenues. M. Schulz doit donc confirmer les parties de sa plainte qu’il compte poursuivre avant que je puisse examiner s’il y a lieu d’autoriser un nouvel ajournement ou une nouvelle prorogation de la mise en suspens dans l’hypothèse où il irait de l’avant avec les mêmes allégations que celles qui ont été rejetées dans la décision sur requête Dorey.

[16] EDSC soutient également qu’une mise en suspens de 12 mois va à l’encontre des deux décisions sur requête qui ont déjà été rendues par le Tribunal dans le présent dossier. Je suis du même avis. Dans la décision sur requête Schulz 1, j’ai indiqué que le processus d’instruction du Tribunal n’était pas une police d’assurance ou une solution de rechange. Or, c’est exactement ainsi que M. Schulz considère le processus du Tribunal lorsqu’il me demande de mettre sa plainte en suspens pendant une autre année en attendant de savoir s’il recevra du financement d’ici le 5 avril 2024. Si M. Schulz ne reçoit pas le financement d’ici un an, procédera-t-il seulement sur les allégations résiduelles devant notre Tribunal? Le cas échéant, quelles sont ses allégations et ont-elles bel et bien été renvoyées par la Commission?

[17] M. Schulz a indiqué précédemment que s’il ne recevait pas le financement pour présenter sa demande devant les tribunaux judiciaires, il avait l’intention de revenir devant notre Tribunal pour procéder sur les parties de sa plainte qui, selon lui, relèvent de notre compétence. À l’époque, M. Schulz avait soutenu que le reste des allégations, y compris la contestation du Règlement ainsi que les allégations résiduelles, pouvait être présenté devant l’une ou l’autre des juridictions (Schulz 2, au par. 9).

[18] Tant que je ne saurai pas ce que le plaignant entend plaider devant notre Tribunal et que je n’aurai pas examiné la position respective des parties à la lumière de la décision sur requête Dorey, je ne pourrai pas déterminer la façon juste et efficace de procéder dans la présente instance. J’ajournerai l’instance pour une période de 45 jours et j’annulerai les échéances préalablement établies pour le dépôt et la communication des exposés des précisions afin de permettre aux parties de tenir compte des répercussions de la décision sur requête Dorey et de permettre aux avocats d’obtenir des instructions. Le greffe planifiera une conférence téléphonique préparatoire qui se tiendra après l’expiration de ce délai de 45 jours.

[19] Les parties présenteront par écrit leur position et les prochaines étapes qu’elles proposent avant la conférence téléphonique préparatoire afin que nous puissions faire bon usage de notre temps.

V. ORDONNANCE

[20] La demande de mise en suspens de 12 mois présentée par le plaignant est rejetée. L’instance est ajournée pour une période de 45 jours. Toutes les échéances préalablement établies pour le dépôt et la communication des exposés des précisions sont suspendues jusqu’à la tenue d’une conférence téléphonique préparatoire dans la présente affaire.

[21] Le greffier planifiera une conférence téléphonique préparatoire qui aura lieu au plus tôt dans 45 jours pour discuter des prochaines étapes avec les parties. Lorsque la date de la conférence téléphonique préparatoire sera fixée, le Tribunal établira les échéances pour que les parties présentent leur position quant aux prochaines étapes proposées avant la tenue de cette conférence.

[22] Le greffier enverra aux parties une copie de la décision sur requête Dorey avec la présente décision sur requête.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 21 juin 2023

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2729/10521

Intitulé de la cause : Katheryne Schulz (au nom de Bernard Schulz) c. Emploi et Développement social Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 21 juin 2023

 

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Représentations écrites par :

Ashley Wilson et Wade Poziomka , pour la plaignante

Christine Singh et Luke Reid, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sean Stynes et Clare Gover , pour l’intimé

 

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