Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Le Tribunal a rejeté les plaintes.

Jamus Dorey, Karolin Alkerton, David Huntley et Roderick McGregor (les plaignants) ont déclaré que les régimes enregistrés d’épargne-invalidité sont discriminatoires à leur égard parce qu’ils sont trop âgés pour recevoir des subventions connexes. Emploi et Développement social Canada a déclaré que cette affaire devait être rejetée parce qu’elle ne concerne pas un service selon la Loi canadienne sur les droits de la personne.

L’objectif de ces régimes enregistrés d’épargne-invalidité est de soutenir les Canadiens handicapés et leurs familles à épargner à long terme et à assurer leur sécurité financière. Les fonds de ces régimes croissent à l’abri de l’impôt et les Canadiens handicapés peuvent y verser des cotisations jusqu’à l’âge de 59 ans.

Le gouvernement du Canada offre des subventions de contrepartie aux Canadiens handicapés à faible revenu. Le gouvernement verse ces subventions directement au régime enregistré d’épargne invalidité. Les Canadiens handicapés à faible revenu bénéficient de ces subventions seulement jusqu’à l’âge de 49 ans.

Toutes les règles sur ces régimes enregistrés d’épargne-invalidité sont énoncées dans la loi et les règlements : la Loi de l’impôt sur le revenu, la Loi canadienne sur l’épargne-invalidité et le Règlement sur l’épargne-invalidité.

Le Tribunal a rejeté les plaintes, car elles remettent en question les limites d’âge prévues dans la loi. Les plaignants affirment qu’il est injuste que 49 ans soit l’âge limite pour l’octroi de subventions en vertu de la loi et des règlements.

Une plainte ne peut pas être acceptée si elle conteste uniquement une exigence obligatoire d’une loi. Les fonctionnaires du gouvernement du Canada doivent respecter la loi. Pour qu’il y ait discrimination selon la Loi canadienne sur les droits de la personne, il faut que le gouvernement du Canada ait une certaine marge de manœuvre dans l’interprétation de la loi. Emploi et Développement social Canada n’a pas de pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les limites d’âge pour les régimes enregistrés d’épargne-invalidité. Par conséquent, il ne fournit pas de service. Tout ce que le gouvernement du Canada fait pour le bien du public n’est pas nécessairement un service selon la Loi canadienne sur les droits de la personne. Étant donné qu’Emploi et Développement social Canada ne fournit pas de service dans ce cas ci, les plaintes sont rejetées.

Le Tribunal a décidé qu’il était plus efficace de traiter les questions juridiques de cette affaire au moyen d’une requête plutôt que lors d’une audience. Le Tribunal doit être juste et efficace. En traitant les questions juridiques dès le début, le Tribunal remplit son obligation de traiter les affaires rapidement et sans formalisme.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2023 TCDP 23

Date : le 15 juin 2023

Numéros des dossiers : HR-DP-2817-22; T2686/6221; T2685/6121/ T2687/6321

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Jamus Dorey, Karolin Alkerton, David Huntley et Roderick McGregor

les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Emploi et Développement social Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Jennifer Khurana

 


I. APERÇU

[1] Jamus Dorey, Karolin Alkerton, David Huntley et Roderick McGregor (les « plaignants ») ont ouvert des régimes enregistrés d’épargne-invalidité (les « REEI ») dans des institutions financières entre 2015 et 2019. Ces personnes ne sont plus admissibles aux subventions et bons en vertu de la Loi canadienne sur l’épargne-invalidité, L.C. 2007, ch. 35, art. 136 (la « LCEI ») et du Règlement canadien sur l’épargne-invalidité, DORS/2008-186 (le « RCEI » ou « le Règlement ») parce qu’elles sont toutes âgées de plus de 49 ans. Les plaignants affirment que leurs plaintes comportent deux volets. Premièrement, ils allèguent que les critères d’admissibilité et les distinctions fondées sur l’âge établis dans la législation et la réglementation qui régissent les régimes d’épargne-invalidité constituent une pratique discriminatoire dans la prestation d’un service au sens de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « Loi »). Deuxièmement, ils allèguent qu’Emploi et Développement social Canada (« EDSC ») a fait preuve de discrimination à leur égard pour cause de déficience dans la façon d’administrer et de promouvoir le REEI (les « allégations administratives »). Ils disent que leurs plaintes ont toujours comporté ces deux volets.

[2] Le défendeur, EDSC, est le ministère du gouvernement du Canada responsable de l’élaboration, de la gestion et de la prestation des programmes et services sociaux. EDSC nie être un fournisseur de services au sens de la Loi dans les plaintes en cause parce qu’une contestation des critères d’admissibilité énoncés dans les textes législatifs doit être soumise aux cours de justice en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.-U.), 1982, ch. 11. EDSC nie également être un fournisseur de services aux personnes handicapées qui souhaitent ouvrir un REEI parce que ces services sont fournis par des institutions financières enregistrées.

[3] EDSC a déposé une requête, demandant au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») de rejeter les plaintes. Premièrement, EDSC affirme que les plaintes que la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») a renvoyées au Tribunal correspondent à des contestations inadmissibles de lois et d’instruments réglementaires qui dépassent la portée de la Loi, et qu’il est manifeste et évident qu’elles n’ont aucune chance raisonnable de succès. Deuxièmement, EDSC demande au Tribunal de radier les allégations administratives parce qu’elles sont nouvelles et qu’elles ont été ajoutées après que la Commission a renvoyé les plaintes au Tribunal. EDSC affirme que le fait de permettre l’instruction des allégations administratives nuirait au processus et constituerait un abus de procédure qui contournerait le système de renvoi en matière de droits de la personne prévu dans la Loi.

[4] La Commission a d’abord adopté la thèse selon laquelle le Règlement pourrait être contesté devant le Tribunal. La Commission est revenue sur sa position après avoir renvoyé les plaintes au Tribunal et convient maintenant avec EDSC que les contestations du Règlement non discrétionnaire en cause dans ces plaintes ne relèvent pas de la portée de la Loi. Toutefois, la Commission affirme que les allégations administratives s’inscrivent dans la portée des plaintes initiales qu’elle a renvoyées au Tribunal et qu’il convient d’y donner suite.

[5] Les plaignants ont déposé une réponse conjointe à la requête d’EDSC. Ils sont en grande partie d’accord avec les observations de la Commission, bien qu’ils aient ajouté certains aspects individuels à leurs observations. Certains des plaignants ne sont pas d’accord avec la proposition voulant qu’une contestation du Règlement dépasse la portée de la Loi. Ils demandent au Tribunal de rejeter la requête d’EDSC en radiation parce qu’ils estiment qu’il serait dans l’intérêt public de procéder à l’instruction de leurs allégations.

[6] La présente requête m’oblige d’abord à déterminer la nature et la portée des plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal. Après avoir décidé de la nature réelle de ces plaintes et de la façon de les qualifier, je serai en mesure de décider si le Tribunal peut procéder à leur instruction, en tout ou en partie.

[7] Dans sa réponse à la requête, la Commission a ajouté sa propre demande, sans préavis. Elle veut que je rejette la requête et que je décide si le Tribunal peut entendre les contestations du Règlement formulées par les plaignants et se prononcer sur leur bien-fondé en tant que question préliminaire. Je rejette la demande de la Commission. J’aborderai cette nouvelle question ci-après avant de me prononcer sur le fond de la requête.

II. DÉCISION

[8] J’accueille la requête d’EDSC et rejette les présentes plaintes dans leur intégralité. Les plaintes remettent en question les limites fondées sur l’âge prescrites par le régime législatif auquel sont assujettis les régimes d’épargne-invalidité. Les allégations visent la substance même de la LCEI et de son règlement d’application. Les droits non discrétionnaires conférés ne correspondent pas à un service offert au public par EDSC. Le Tribunal n’a pas le pouvoir d’accorder des prestations ni des indemnités. Il est évident que ces allégations n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir.

[9] Les allégations administratives n’ont pas un lien suffisant avec les plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal. Permettre à ces plaintes d’aller de l’avant contournerait le processus de réception et d’examen des plaintes prévu par la Loi et causerait un préjudice à EDSC.

III. CONTEXTE LÉGISLATIF DES RÉGIMES D’ÉPARGNE-INVALIDITÉ

[10] Avant de me pencher sur les questions soulevées dans la requête, j’ai abordé certains des cadres législatifs et réglementaires qui régissent les régimes enregistrés d’épargne-invalidité, car ils sont pertinents à la façon dont j’ai qualifié les présentes plaintes.

[11] La Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1, art. 146.4 (la « LIR »), la LCEI et le RCEI sont les instruments juridiques qui régissent le fonctionnement des régimes enregistrés d’épargne-invalidité au Canada. Certains critères d’admissibilité sont énoncés dans la LIR, mais un grand nombre sont également inclus dans la LCEI et dans le RCEI.

[12] Les REEI sont des régimes enregistrés d’épargne-invalidité qui visent à soutenir l’épargne à long terme et la sécurité financière des Canadiens handicapés et de leur famille. Ils sont établis en vertu d’une disposition de la LIR (art. 146.4) et ont été mis à la disposition des Canadiens handicapés pour la première fois en 2008. Ces régimes permettent aux fonds de croître à l’abri de l’impôt dans des comptes qui doivent être enregistrés auprès de l’Agence du revenu du Canada et ouverts par l’entremise des institutions financières participantes. Les cotisations peuvent être versées jusqu’à la fin de l’année où une personne atteint l’âge de 59 ans, et les retraits doivent commencer à l’âge de 60 ans (art. 146.4 de la LIR). Ces exigences et d’autres critères d’admissibilité sont généralement énoncés à l’article 146.4 de la LIR, mais figurent également dans la LCEI et le RCEI.

[13] Le gouvernement du Canada offre des subventions et des bons de contrepartie aux Canadiens handicapés à faible revenu qui sont versés directement dans un REEI. Les subventions canadiennes pour l’épargne-invalidité (les « subventions ») et les bons canadiens pour l’épargne-invalidité (les « bons ») sont établis en vertu de la LCEI. Le gouvernement du Canada versera une subvention de contrepartie de 100 %, 200 % ou 300 % des cotisations d’un particulier admissible, selon le revenu familial net rajusté du bénéficiaire et le montant cotisé. Ces règles sont énoncées dans la LCEI et le RCEI (art. 2). Les bons sont des montants supplémentaires versés directement au REEI par le gouvernement du Canada pour les Canadiens handicapés à faible revenu. Aucune contribution n’est nécessaire pour recevoir le bon. Le montant peut atteindre 1 000 $ par année et le maximum cumulatif à vie s’élève à 20 000 $. Les critères d’admissibilité aux bons sont énoncés dans la LCEI et le RCEI (art. 3).

[14] La LCEI permet également à une personne de reporter des droits inutilisés de subventions et de bons des dix années précédentes, aussi appelés « application de la cotisation ». Ces applications peuvent être payées sur les demandes de cotisations et de bons faites par un bénéficiaire jusqu’au 31 décembre de l’année de son 49e anniversaire. Il existe des limites annuelles pour les subventions et les bons reportés et un maximum cumulatif à vie pour les subventions. Ces dispositions ainsi que les plafonds sont énoncés dans la LCEI.

IV. QUESTIONS EN LITIGE

1. Devrais-je déterminer si les contestations du Règlement relèvent de la portée de l’article 5, à titre préliminaire lors d’une audience, plutôt que de trancher la question dans le cadre de la présente requête en radiation?

2. Les plaintes relèvent-elles du champ d’application de la Loi?

i) Les plaintes remettent-elles en question la législation et la réglementation? Dans l’affirmative, font-elles également état de discrimination quant à la façon dont un service a été fourni aux plaignants?

ii) Si les plaintes portent uniquement sur la législation et la réglementation, est‑il manifeste et évident que les allégations n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir?

3. Les allégations administratives peuvent-elles aller de l’avant?

i) Les allégations administratives ont-elles un lien suffisant avec les plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal?

V. MOTIFS

1. Devrais-je déterminer si les contestations du Règlement relèvent de la portée de l’article 5, à titre préliminaire lors d’une audience, plutôt que de trancher la question dans le cadre de la présente requête en radiation?

[15] La réponse est non. Je rejette la demande de la Commission de soulever les mêmes questions à titre préliminaire lors d’une audience. La demande constitue un gaspillage des ressources de toutes les parties, y compris celles du Tribunal. Le fait de trancher cette question par voie de requête présentée par écrit est juste et efficace, et favorise l’obligation légale du Tribunal d’instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (par. 48.9(1) de la Loi).

[16] Le Tribunal a le pouvoir de déterminer l’étendue des plaintes par voie de requête en radiation (Richards c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 27, au paragraphe 85 [Richards]; Cushley et al. c. Anciens Combattants Canada, 2022 TCDP 21, aux paragraphes 16 à 18).

[17] Dans le cas d’une requête en radiation, le Tribunal suppose que les faits sont véridiques et la preuve n’est pas admissible. Le Tribunal doit faire preuve de prudence lorsqu’il radie une demande avant la tenue d’une audience, et il ne doit le faire que dans les « cas les plus clairs » (Richards, au paragraphe 86). L’approche doit être généreuse et permettre, dans la mesure du possible, l’instruction de toute demande inédite, mais soutenable (R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, au paragraphe 21). Même une demande juridique complexe et inédite peut à juste titre être radiée d’un acte de procédure si, après une analyse appropriée du droit, il est manifeste et évident que la demande ne peut être accueillie (Callan v. Cooke, 2012 BCSC 1589, au paragraphe 19).

[18] Les parties ne contestent pas que j’ai le pouvoir de décider de la présente requête en radiation. Dans sa réponse à la requête, la Commission demande que j’entende plutôt la première question soulevée par EDSC comme une « question préliminaire » sur le fond. La Commission rappelle également au Tribunal qu’il peut [traduction] « faire preuve de souplesse pour garantir l’équité » et que je peux choisir de tenir une audience.

[19] Or, la Commission n’a pas expliqué en quoi le fait de trancher à titre préliminaire ce qu’elle qualifie de [traduction] « question purement juridique » pourrait influer sur l’issue de l’affaire. Bien que la radiation des allégations avant la tenue d’une audience en bonne et due forme exige l’application du critère plus rigoureux quant au caractère « manifeste et évident », il incombe à EDSC de me convaincre que ce critère a été respecté. Si je conclus que les allégations contestant le Règlement ne satisfont pas à ce critère plus rigoureux, je rejetterai la requête d’EDSC sur ce point, et nous procéderons de toute façon à une audience complète.

[20] Si la Commission ne croyait pas qu’il était manifeste et évident que les allégations contestant le Règlement ne pouvaient pas aboutir, elle aurait pu présenter des observations pour réfuter l’allégation d’EDSC selon laquelle ces allégations n’ont aucune chance raisonnable de succès. La Commission partage plutôt l’avis d’EDSC selon lequel les plaignants doivent porter leur contestation devant les cours de justice et que leurs allégations ne relèvent pas du champ d’application de la Loi. Elle souhaite néanmoins que le Tribunal rejette la requête d’EDSC, vraisemblablement pour que les parties puissent présenter de nouveau les mêmes arguments juridiques ou les reprendre de vive voix lors d’une audience que personne n’a demandée, même si le seuil relatif au rejet des allégations est moins rigoureux. Elle soutient qu’il serait plus efficace de le faire, rappelant l’obligation du Tribunal de procéder de façon informelle, rapide et équitable.

[21] Mais la tenue d’une audience ou la disjonction des points en litige pour déterminer une même question à laquelle je peux répondre maintenant – avec des centaines de pages d’exposé des précisions, de documents de requête et d’arguments juridiques que la Commission reconnaît que j’ai déjà devant moi – vont à l’encontre de l’exigence relative au caractère expéditif et informel énoncée au paragraphe 48.9(1) de la Loi. De plus, la décision de la Commission de soulever cette question maintenant – pour la première fois – mine nos efforts collectifs en matière de gestion de cas, qui visaient à trouver des façons efficaces et équitables de procéder.

[22] J’ai brièvement décrit le contexte procédural et l’historique de la gestion de cas de ces plaintes parce qu’il est pertinent pour ma décision de rejeter la demande de la Commission et de procéder comme convenu précédemment avec les parties.

[23] La Commission a initialement tenu en suspens les plaintes de Mme Alkerton, de M. Huntley et de M. McGregor en attendant la décision de la Cour suprême du Canada (« la Cour ») dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2018 CSC 31 [Andrews/Matson]. Dans l’affaire Andrews/Matson, la Cour a déterminé que les effets préjudiciables allégués découlant exclusivement de la législation ne concernaient pas un service habituellement offert au public.

[24] La Commission a décidé de renvoyer les plaintes au Tribunal parce que l’affaire Andrews/Matson ne portait pas sur des contestations d’un règlement. Elles ont été regroupées dans une seule enquête. Lorsque la Commission a renvoyé la plainte de M. Dorey au Tribunal, les parties ont consenti à s’y joindre parce qu’elle comportait des questions de fait et de droit communes aux autres plaintes.

[25] Dès le début de la gestion de cas, EDSC a soulevé la question préliminaire de la compétence du Tribunal d’instruire les plaintes qui remettent en question des dispositions législatives et réglementaires. À ce moment-là, la Commission a indiqué que sa position était dorénavant que l’arrêt Andrews/Matson s’applique au Règlement non discrétionnaire en cause dans les présentes plaintes. Une fois que les parties ont déposé leurs exposés, EDSC a ajouté une deuxième question préliminaire. Cette question portait que les allégations administratives dépassaient la portée des plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal et qu’elles ne devraient pas être retenues.

[26] J’ai travaillé avec les parties à la gestion de cas pour déterminer comment traiter de façon efficace et équitable les deux questions soulevées par EDSC. Après avoir entendu les parties, j’ai fixé des délais pour la requête en radiation d’EDSC, ainsi que pour les réponses et les répliques.

[27] Avant le dépôt de sa réponse à la présente requête, la Commission ne s’opposait pas à ce qu’une requête en radiation soit déposée par EDSC, et les plaignants non plus. Personne n’a demandé de présenter des observations de vive voix ou de plaider ces questions de droit lors d’une audience sur le fond plutôt que de présenter des observations écrites sur la question de savoir si les allégations pouvaient être radiées. Lorsque le Tribunal a envoyé un résumé de la conférence téléphonique préparatoire du 12 octobre 2022 qui comprenait des dates limites pour le dépôt des documents de la requête écrite, la Commission ne s’est pas opposée à la façon dont j’ai défini le processus ni n’a soutenu que le Tribunal devrait séparer les points en litige et trancher le bien-fondé de la question ou entendre des observations de vive voix.

[28] Les tribunaux administratifs sont maîtres chez eux. Ils peuvent faire preuve de souplesse, pour autant que les processus qu’ils établissent soient équitables. « [O]n ne vise pas à créer la “perfection procédurale”, mais bien à établir un certain équilibre entre le besoin d’équité, d’efficacité et de prévisibilité des résultats. » (Knight c. Indian Head School Division No. 19, 1990 CanLII 138 [CSC], [1990] 1 RCS 653, à la page 685, citant de Smith’s Judicial Review of Administrative Action, [4e éd. 1980], à la page 240).

[29] Le report de ma décision sur cette question ne sert à personne. Je ne suis pas disposée à rejeter la requête et à exiger des parties qu’elles consacrent plus de temps et de ressources à répéter leurs arguments en tant que « question préliminaire » lors d’une audience sur le fond. Je ne vois aucune raison de reporter cette question.

[30] Les parties ont eu amplement l’occasion de débattre, dans leurs documents de requête, de la question de savoir si les plaintes peuvent être traitées et elles ont soulevé bon nombre des mêmes points dans leurs exposés des précisions. Jusqu’à ce que la Commission le soulève dans sa réponse à la présente requête, les plaignants n’avaient pas exprimé d’inquiétude quant à la possibilité de procéder par écrit par voie de requête en radiation. Ils ont participé avec compétence et éloquence tout au long du processus de gestion de cas et ont coordonné des observations écrites sur la présente requête. On ne sait pas très bien en quoi le fait de retarder la résolution de ces questions serait plus équitable pour eux ou pour l’une quelconque des parties, d’autant plus que, selon les propres termes de la Commission, il s’agit d’une « question purement juridique ».

[31] Je ne vois aucun compromis entre l’équité et l’efficacité dans le fait de trancher la question maintenant. Retarder une décision sur cette question est injuste non seulement pour les parties à ces plaintes qui utiliseront plus de ressources et de temps à se préparer à traiter la même question en tant que « question préliminaire », mais aussi pour les parties à d’autres affaires qui attendent que leur dossier progresse. Faire droit à la demande de la Commission détournerait une partie des maigres ressources du Tribunal d’autres affaires, et contribuerait également à un retard institutionnel. Il n’y a aucune raison de le faire alors que je suis en mesure d’aborder pleinement et équitablement la question pour les parties à la présente instance.

[32] Les tribunaux administratifs ont aussi l’obligation d’utiliser efficacement leurs ressources. Le législateur a choisi de déléguer la prise de décisions dans des domaines spécialisés comme les droits de la personne aux tribunaux administratifs et s’attend à ce qu’ils rendent leurs décisions promptement et efficacement (Law Society of Saskatchewan c. Abrametz, 2022 CSC 29, aux paragraphes 46 et 64).

[33] La Commission soutient également que je devrais trancher cette question en tant que question préliminaire – et peut-être autoriser des observations de vive voix – parce qu’une décision sur cette question est dans l’intérêt public, qu’elle donnera aux plaignants un certain degré de certitude, qu’elle est importante pour eux et qu’elle fournira des orientations dans le cas des plaintes futures qui soulèveront des questions similaires. Mais la Commission n’a pas expliqué pourquoi ma décision sur la requête ne pouvait pas avoir le même effet. Je décide des questions auxquelles les plaignants – et toutes les parties – m’ont demandé de répondre, à savoir si ces plaintes peuvent progresser dans notre processus, en tout ou en partie. La présente décision sur requête met un terme à l’affaire, même si l’issue n’est pas celle que les plaignants espéraient.

[34] S’il n’y a pas eu de décision du Tribunal sur la question précise de la contestation des règlements depuis l’affaire Andrews/Matson, alors la présente décision sera la première. Mais ce serait aussi le cas si je devais trancher la même question comme question préliminaire lors d’une audience comme le suggère la Commission. Si la Commission pensait que quelque chose changerait lors d’une audience par suite de l’application d’un critère moins rigoureux que celui du caractère « manifeste et évident » pour rejeter une plainte avant une audience, elle n’a pas précisé de quoi il s’agirait. Plutôt que de me dire pourquoi ces plaintes ont effectivement des chances raisonnables d’aboutir et devraient être instruites, la Commission a convenu avec EDSC que les contestations du Règlement dépassent la portée de la Loi et que les principes élaborés dans l’arrêt Andrews/Matson s’appliquent à ces plaintes.

[35] Enfin, la Commission soutient que la requête d’EDSC constitue une attaque collatérale inadmissible contre sa décision de renvoyer les plaintes au Tribunal et qu’EDSC aurait dû en demander le contrôle judiciaire.

[36] EDSC affirme qu’il ne demande pas à la Commission d’annuler ses décisions de renvoi. Il demande plutôt au Tribunal de déterminer le bien-fondé des plaintes en se fondant sur une requête préliminaire parce qu’il estime que les plaintes n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir. Il dit que c’est carrément le travail du Tribunal. La Commission joue un rôle d’examen préalable. Sa décision en matière de renvoi est de l’histoire ancienne.

[37] Je suis d’accord. Peu importe ce que la Commission a déterminé dans le cadre de son processus d’enquête et de renvoi, il incombe au Tribunal de statuer sur le bien-fondé d’une plainte, y compris de déterminer si les allégations formulées ont des chances raisonnables d’aboutir.

[38] Le Tribunal a clairement le pouvoir de régler les questions soulevées par EDSC dans la présente requête en radiation. Il peut aussi contrôler son propre processus, pourvu qu’il soit équitable. Je détermine les questions par voie de requêtes écrites parce que c’est la façon la plus efficace de traiter ces plaintes, comme nous en avons discuté avec toutes les parties dans la gestion de cas. Je ne vois pas la nécessité de présenter des observations de vive voix que personne n’a demandées, et la Commission ne m’a pas convaincu que cela est nécessaire pour « garantir l’équité ».

2. Les plaintes relèvent-elles du champ d’application de la Loi?

[39] Pour établir si les allégations relèvent de la portée de la Loi, je dois d’abord qualifier les plaintes et déterminer les mesures ou les pratiques qu’elles remettent en cause.

[40] Tout ce que fait une personne qui travaille pour le gouvernement du Canada ou qui collabore avec ce dernier n’est pas un « service » au sens de l’article 5 de la Loi, et je dois examiner l’origine de l’acte discriminatoire allégué (voir Watkin c. Canada (Procureur général), 2008 CAF 170 [Watkin], aux paragraphes 24 à 33, et Forward et Forward c. Citoyenneté et Immigration Canada, 2008 TCDP 5 [Forward], aux paragraphes 37 et 38).

[41] Si l’intimé qui fournit des services habituellement offerts au grand public le fait d’une manière fondée sur un motif de distinction illicite qui, dans les faits, en prive un individu ou défavorise celui‑ci à l’occasion de leur fourniture, la plainte pourrait relever de l’article 5 de la Loi. Mais si l’intimé applique des critères législatifs, la contestation ne porte pas sur la prestation de services, mais sur la loi elle-même (Andrews/Matson, au paragraphe 97, citant Murphy, au paragraphe 6).

[42] J’ai examiné chacune des plaintes à tour de rôle parce que, bien qu’elles présentent des similitudes, je dois examiner les allégations de chaque plaignant individuellement pour déterminer si les mesures contestées sont vraiment des « services » au sens de la Loi. En d’autres termes, quel est le comportement ou la pratique que les plaignants considèrent comme discriminatoire? Est-ce la façon dont ils ont été traités par le personnel d’EDSC? Suggèrent-ils qu’EDSC applique la loi de façon discriminatoire? Est-ce parce qu’ils se sont vu refuser des prestations en raison des seuils d’âge prévus dans les dispositions législatives et réglementaires applicables? Les plaignants contestent-ils vraiment la législation et la réglementation applicables?

i) Les plaintes remettent-elles en question la législation et la réglementation? Dans l’affirmative, font-elles également état de discrimination quant à la façon dont un service a été fourni aux plaignants?

[43] À mon avis, les plaintes remettent en question le cadre législatif et réglementaire applicable. Les quatre plaignants contestent les distinctions fondées sur l’âge et les critères d’admissibilité énoncés dans la LCEI, la LIR et les paragraphes 2 et 3 du RCEI. Ils affirment qu’il est injuste que 49 ans soit l’âge limite pour recevoir les subventions et les bons en vertu de la LCEI et du Règlement. Certaines plaintes contestent également les dispositions de la LCEI relatives au report et à la rétroactivité. De plus, les plaignants cherchent tous, comme réparation, le paiement des prestations auxquelles ils n’avaient pas droit sous le régime législatif existant, et certains espèrent que la législation et la réglementation pourraient être modifiées. Ils n’allèguent aucune discrimination quant à la façon dont un service leur a été fourni.

[44] J’ai énoncé ci-après les détails des quatre plaintes et des rapports aux fins de décision de la Commission. Malgré certaines différences dans leurs plaintes, ma conclusion est la même pour tous les plaignants. Que ces derniers aient ou non invoqué les motifs de l’âge et de la déficience, ou simplement l’âge, leurs plaintes reposent, pour l’essentiel, sur le fait qu’ils ont été traités différemment des autres personnes en raison du libellé impératif dans les dispositions législatives et réglementaires applicables.

James Dorey

[45] M. Dorey a ouvert un REEI à la Banque Toronto-Dominion en 2019. Une fois son REEI enregistré, le Programme canadien pour l’épargne-invalidité a déterminé son admissibilité aux bons et aux subventions pour 2019 et les 10 années précédentes, soit depuis 2009. Il a reçu un total de 1 041,12 $ en bons pour les années 2012 et 2013 parce que, au cours de ces années, ses revenus étaient inférieurs aux seuils prévus par la LCEI et du RCEI à cet égard. Il était admissible à des subventions en 2019, 2020 et 2021, et a reçu un total de 31 500 $ en subventions de contrepartie en fonction de ses contributions annuelles aux termes du régime législatif. Comme M. Dorey a plus de 49 ans, il n’est plus admissible aux subventions et aux bons. L’argent de son REEI continuera de croître à l’abri de l’impôt, mais il devra commencer à retirer ces fonds lorsqu’il aura 60 ans.

[46] M. Dorey a déposé sa plainte auprès de la Commission le 28 février 2020, alors qu’il avait 48 ans, faisant état d’allégations de discrimination fondée sur l’âge. Dans sa plainte, il souligne qu’il cessera d’être admissible aux subventions et aux bons à compter du 31 décembre 2021, l’année où il aura 49 ans. Il conteste le fait qu’à partir de cette date, il ne pourrait plus se prévaloir de la rétroactivité ni du report. En raison du plafond des montants de subvention qui peuvent être versés au cours d’une année donnée, il ne peut pas utiliser la totalité de son report prospectif pour bénéficier des subventions de contrepartie avant de perdre son admissibilité à l’âge de 49 ans.

[47] Dans son rapport de décision, la Commission a décrit la plainte de M. Dorey comme suit :

[traduction]

2. […] Le plaignant allègue que certaines dispositions du Règlement canadien sur l’épargne-invalidité (RCEI) font état de discrimination fondée sur l’âge. Il allègue que le mis en cause fait preuve de discrimination à son égard en lui refusant des subventions et des bons offerts aux bénéficiaires du Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI), parce qu’il limite l’admissibilité au régime aux personnes de moins de 49 ans […].

31. Le plaignant allègue que le mis en cause se sert des restrictions fondées sur l’âge dans le RCEI pour lui refuser des services, ce qui constitue une pratique discriminatoire.

45. La présente plainte vise pour l’essentiel à contester les règlements et non l’application non discrétionnaire des lois fédérales.

Karolin Alkerton

[48] Mme Alkerton a ouvert un REEI par l’intermédiaire de TD Waterhouse en 2017. Elle avait 53 ans à l’époque. Elle a été jugée inadmissible aux subventions et aux bons parce qu’elle avait plus de 49 ans. Elle a déposé sa plainte en janvier 2018, mais la Commission a mis celle-ci en suspens en attendant l’issue de l’affaire Andrews/Matson. Dans sa plainte, Mme Alkerton explique que, lorsqu’elle a présenté une demande de REEI, un agent d’EDSC lui a dit qu’elle n’était pas admissible à des subventions ou à des bons parce qu’elle avait plus de 49 ans. Elle allègue qu’il s’agit d’une pratique discriminatoire fondée sur l’âge.

[49] Dans son rapport de décision, la Commission a décrit la plainte de Mme Alkerton comme suit :

[traduction]

2. […] La plaignante allègue que certaines dispositions du Règlement canadien sur l’épargne-invalidité (RCEI) font état de discrimination fondée sur l’âge. Elle allègue que le mis en cause a fait preuve de discrimination à son égard en refusant de lui fournir les subventions et les bons reportés du Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) offerts aux bénéficiaires du REEI parce qu’il limite l’admissibilité au régime aux personnes de moins de 49 ans […].

33. La plaignante allègue que le mis en cause se sert des restrictions fondées sur l’âge dans le RCEI pour lui refuser des services, ce qui constitue une pratique discriminatoire.

49. La présente plainte vise pour l’essentiel à contester les règlements et non l’application non discrétionnaire des lois fédérales.

56. La plaignante affirme que la limite d’âge est discriminatoire parce qu’elle laisse entendre que les personnes handicapées ont une espérance de vie limitée. Elle allègue que l’application de l’âge limite de 49 ans est arbitraire et qu’elle ne tient pas compte des circonstances particulières de la personne […] [L]orsque le mis en cause a présenté le RCEI, elle avait 44 ans et aurait été admissible aux prestations; toutefois, elle n’a pas été mise au courant du programme avant 2017. Elle affirme qu’il n’y a pas de mécanisme rétroactif dans le RCEI comme c’est le cas pour le régime du CIPH.

Roderick McGregor

[50] M. McGregor est devenu invalide à l’âge de 48 ans et a ouvert un REEI en 2018, à l’âge de 53 ans. Il affirme que lorsqu’il avait 48 et 49 ans, il était totalement ou partiellement privé de capacité légale et qu’il croit qu’il a été victime de discrimination en raison de sa déficience. Il n’était pas admissible à des subventions et à des bons parce qu’il avait plus de 49 ans, et il dit que lorsqu’il a ouvert un REEI dans son institution financière, on lui a dit qu’il ne pouvait pas recevoir les subventions et les bons de contrepartie en invoquant les dispositions de report de 10 ans parce qu’il avait présenté sa demande après son 49e anniversaire.

[51] M. McGregor soutient qu’il y a discrimination fondée sur l’invalidité [traduction] « lorsque la personne ne bénéficie pas du même intervalle raisonnable que les autres (qui étaient invalides bien avant l’âge de 49 ans et qui avaient amplement le temps de réagir et de présenter une demande) pour découvrir les prestations du REEI et les limites de délai parce que cet intervalle coïncide avec la période d’incapacité associée à cette même déficience. »

[52] Dans son rapport de décision, la Commission a décrit la plainte de M. McGregor comme suit :

[traduction]

2. […] Le plaignant allègue que certaines dispositions du Règlement canadien sur l’épargne-invalidité (RCEI) font état de discrimination fondée sur l’âge. Il allègue que le mis en cause a fait preuve de discrimination à son égard en refusant de lui fournir les subventions et les bons reportés du Régime enregistré d’épargne-invalidité (REEI) offerts aux bénéficiaires du REEI parce qu’il limite l’admissibilité au régime aux personnes de moins de 49 ans […] Il allègue en outre que le mis en cause fait preuve de discrimination à l’égard des personnes qui, tout comme lui, deviennent invalides plus tard dans la vie et qui ne peuvent pas présenter une demande et contribuer avant l’entrée en vigueur de la restriction d’âge.

33. Le plaignant allègue que le mis en cause se sert des restrictions fondées sur l’âge dans le RCEI pour lui refuser des services, ce qui constitue une pratique discriminatoire.

49. La présente plainte vise pour l’essentiel à contester les règlements et non l’application non discrétionnaire des lois fédérales.

David Huntley

[53] M. Huntley a ouvert un REEI en 2015 et a été évalué pour les 10 années précédentes. Il a reçu le plafond annuel maximal de subventions pour les années 2008 à 2014, ainsi qu’un bon. M. Huntley a cessé d’être admissible aux subventions et aux bons après 2015, l’année où il a eu 49 ans. Il a déposé sa plainte auprès de la Commission en 2016, mais la Commission a mis celle-ci en suspens en attendant l’issue dans l’affaire Andrews/Matson qui était devant les cours de justice. Il a décrit le Programme canadien pour l’épargne-invalidité comme étant complexe et déroutant.

[54] Dans son rapport de décision, la Commission a décrit la plainte de M. Huntley comme suit :

[traduction]

2. Précisément, le plaignant allègue que certaines dispositions du Règlement canadien sur l’épargne-invalidité (RCEI) font état de discrimination fondée sur l’âge. Il allègue que le mis en cause a fait preuve de discrimination à son égard en refusant de lui accorder les subventions de contrepartie offertes aux bénéficiaires du REEI, parce qu’il limite l’admissibilité au régime aux personnes de moins de 49 ans. Il allègue en outre que l’âge de 49 ans est arbitraire.

33. Le plaignant allègue que le mis en cause se sert des restrictions fondées sur l’âge dans le RCEI pour lui refuser des services, ce qui constitue une pratique discriminatoire.

49. La présente plainte vise pour l’essentiel à contester les règlements et non l’application non discrétionnaire des lois fédérales.

55. Le plaignant affirme qu’il est atteint d’une déficience et que le mis en cause fait preuve à son égard de discrimination fondée uniquement sur son année de naissance. Il dit que le programme lui serait utile.

56. Le plaignant affirme que la limite d’âge est discriminatoire parce que, s’il était plus jeune, il recevrait un revenu plus élevé.

[55] Comme le soutient la Commission, pour décider si un règlement, une disposition législative ou une autre disposition correspond à la définition d’un service au sens de l’article 5, il faut procéder à une évaluation personnalisée des allégations formulées dans une plainte et de l’acte, de la mesure ou de l’activité en question. Je ne suis pas liée par la façon dont les plaignants et la Commission ont qualifié leurs plaintes.

[56] Les plaignants font valoir que le Programme canadien pour l’épargne-invalidité (le « Programme ») est un service administré par EDSC dans le cadre de son mandat d’exécuter « des programmes et [de fournir] des services qui touchent les Canadiens tout au long de leur vie ».

[57] Les plaignants ne prétendent toutefois pas qu’ils n’ont pas reçu les prestations auxquelles ils avaient droit en vertu de la LIR, de la LCEI ou du RCEI, ni qu’EDSC a exercé son pouvoir discrétionnaire de retenir les prestations, acte qui soit lié d’une façon ou d’une autre à un motif illicite. Ils n’allèguent pas que quelqu’un les a traités de façon discriminatoire ou leur a refusé un service en raison d’une caractéristique protégée, qu’il s’agisse d’une déficience ou de l’âge. Ils contestent plutôt le fait que le personnel d’EDSC a utilisé des critères que la législation et la réglementation l’obligeaient à appliquer.

[58] Les plaignants ne prétendent pas que la législation ou la réglementation auraient pu être interprétées de façon non discriminatoire, mais ils semblent soutenir qu’EDSC aurait pu exercer un certain pouvoir discrétionnaire dans l’application des règles. Il faut distinguer la situation en l’espèce de celle dans l’affaire Beattie c. Canada (Affaires indiennes et du Nord), 2014 TCDP 1 [Beattie], où l’intimé avait la possibilité de retenir l’interprétation législative la plus compatible avec les principes en matière de droits de la personne. Dans l’affaire Beattie, l’intimé a d’abord refusé le service en vertu de la loi, puis a accepté l’interprétation de la plaignante. La capacité d’accorder la réparation de base sans modifier la loi existante distinguait l’affaire Beattie de l’affaire Andrews/Matson et des plaintes en cause en l’espèce. En l’espèce, les plaignants n’allèguent pas qu’EDSC a mal interprété les dispositions législatives ou réglementaires. Leurs plaintes reposent plutôt, pour l’essentiel, sur une contestation du libellé des dispositions elles-mêmes.

[59] Les plaintes que la Commission a renvoyées ne visaient pas la conduite de représentants du ministère, l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire ni la mise en œuvre de politiques et de lignes de conduite ministérielles (Forward, au paragraphe 37). Comme la Cour d’appel fédérale (CAF) l’a conclu dans l’arrêt Watkin, les mesures prises par un organisme public pour le bien public ne peuvent transformer en un service ce qui de toute évidence ne l’est pas (Watkin, au paragraphe 33).

[60] Si M. Huntley et les autres plaignants font parfois référence à la complexité du système ou à un processus de demande difficile, ils n’allèguent pas pour autant que c’est la raison pour laquelle ils ont perdu leur admissibilité ni n’expliquent comment un effet préjudiciable est lié à leur invalidité ou à leur âge. Les plaignants contestent plutôt le Règlement et leurs plaintes reposent « pour l’essentiel » sur cette contestation, comme la Commission l’a énoncé dans chacun de ses rapports de décision. Ils contestent les dispositions qui les ont rendus inadmissibles à des subventions et à des bons après avoir atteint l’âge de 49 ans ou qui ont limité les autres droits dont ils pouvaient jouir en l’absence de ces plafonds législatifs et réglementaires.

[61] Mais, comme le soutient EDSC, tous les fonctionnaires doivent fonder les mesures prises sur la loi, et leur autorité provient des lois et des règlements qu’EDSC applique. Il n’existe aucun pouvoir permettant de verser des prestations qui ne sont pas prévues dans les lois ou les règlements applicables.

[62] À la lumière de ma conclusion selon laquelle la source de la discrimination alléguée dans les plaintes en cause est le cadre législatif et réglementaire, je dois maintenant décider si les allégations relèvent du champ d’application de la Loi et si elles ont des chances raisonnables d’aboutir.

ii) Si les plaintes portent uniquement sur la législation et la réglementation, est‑il manifeste et évident que les allégations n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir?

[63] La réponse est oui. Il est bien établi que le Tribunal n’a pas compétence pour trancher les plaintes fondées sur une contestation des lois. L’article 5 de la Loi exige que les services habituellement offerts au grand public soient fournis sans discrimination (Beattie, au paragraphe 102). Cependant, l’élaboration des lois n’est pas un service habituellement offert au public, et la législation ne constitue pas en soi un « service » (Andrews/Matson, aux paragraphes 57 à 62).

[64] Dans la mesure où certains plaignants continuent de contester les dispositions de la LCEI ou d’autres lois, ces allégations échappent clairement à la portée de la Loi et doivent être rejetées.

[65] De même, j’estime que les contestations du Règlement par les plaignants n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir et ne peuvent pas aller de l’avant.

[66] La Commission soutient que les principes généraux qui sous-tendent l’arrêt Andrews/Matson et la jurisprudence concernant les plaintes qui contestent les dispositions de la loi sur l’admissibilité obligatoire s’appliquent également au Règlement.

[67] Je suis d’accord. Tout comme dans l’affaire Andrews/Matson, où le Tribunal a rejeté les plaintes en tant qu’attaques directes contre la législation, les plaignants soutiennent que le Règlement lui-même est discriminatoire. Ils ne prétendent pas qu’un service a été offert de façon inégale, mais contestent plutôt le fait qu’ils n’ont pas pu avoir accès à des subventions et à des bons ou bénéficier d’autres avantages en raison des exigences non discrétionnaires fondées sur l’âge qui figurent dans le Règlement. À mon avis, l’acte de légiférer relativement au Règlement en cause dans les plaintes n’a pas la connotation transitive nécessaire pour pouvoir être considéré comme un service destiné au public (Andrews/Matson, au paragraphe 62).

[68] Les plaignants ne contestent pas la façon dont EDSC a traité leurs demandes, mais ciblent essentiellement les critères d’admissibilité que celui-ci n’avait d’autre choix que d’utiliser. La source de la discrimination alléguée est le Règlement lui-même.

[69] Bien que j’estime que l’analyse dans l’arrêt Andrews/Matson s’applique au Règlement en cause dans les plaintes, je dois mentionner qu’EDSC a également invoqué des décisions jurisprudentielles antérieures à la conclusion de la Cour en ce qui concerne l’acte de légiférer. À mon avis, ces décisions appuient davantage la conclusion selon laquelle la contestation du Règlement ne fait pas intervenir la prestation d’un service. Ce n’est pas la première fois que le Tribunal et les cours de justice se penchent sur cette question, et je ne vois aucun motif de s’écarter de cette approche dans l’examen des plaintes en cause.

[70] Dans l’arrêt Bouvier, la CAF a maintenu la conclusion du juge des requêtes selon laquelle la Commission n’avait pas compétence pour examiner les plaintes, pour mener une enquête à ce sujet et renvoyer les contestations au Règlement sur l’examen de la vue et de l’ouïe des employés de chemin de fer (Canada (Procureur général) c. Bouvier, 1998 CanLII 7409 (CAF), aux paragraphes 1, 4 et 5). Dans l’arrêt Murphy, la CAF a maintenu la décision de la Cour fédérale et la conclusion du Tribunal selon laquelle une contestation de la Loi sur l’assurance-chômage et de son règlement d’application « ne porte sur aucun des actes pouvant faire l’objet de plaintes sous le régime de la LCDP ». (Alliance de la Fonction publique du Canada c. Canada (Agence du revenu), 2012 CAF 7. Enfin, dans l’arrêt Mishibinjimi, la CAF a conclu que la Loi ne contient pas de disposition équivalente au paragraphe 47(2) du Code des droits de la personne de l’Ontario qui prévoit expressément la contestation des lois et règlements (Mishibinijima c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 36, au paragraphe 40).

[71] EDSC soutient également que les cours de justice ont conclu que les règlements font partie du processus législatif et que la promulgation de règlements par l’exécutif est un acte législatif. EDSC s’appuie sur le Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, dans lequel la Cour a conclu que « la législature a compétence pour adopter elle‑même des lois et pour déléguer à d’autres personnes ou organismes certains pouvoirs administratifs ou réglementaires, notamment le pouvoir de prendre des règlements contraignants, mais subordonnés » (Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne des valeurs mobilières, 2018 CSC 48 (CanLII), [2018] 3 RCS 189), au paragraphe 73). La Cour ajoute qu’il s’agit parfois d’un « pouvoir législatif subordonné » et que les régimes législatifs ne font souvent qu’énoncer les grands objectifs de la législature, de sorte que « le gros de la gouvernance se fai[t] désormais par voie réglementaire, conformément à des décrets de l’exécutif » (Renvoi relatif à la réglementation pancanadienne, citant B. McLachlin, C.P., Tribunaux administratifs et tribunaux judiciaires : une relation en évolution, 27 mai 2013 [en ligne]; voir aussi Hogg (5e éd.), p. 14‑1 et 14‑2, au paragraphe 73).

[72] Dans le cadre du REEI, le Règlement fait une partie du « gros de la gouvernance » et contient des détails sur l’admissibilité, sans quoi le régime d’épargne-invalidité ne pourrait pas être mis en œuvre. Bien que les exigences fondées sur l’âge figurent dans le RCEI et non dans une loi fédérale, j’admets que le pouvoir de les promulguer a été délégué par la législature et qu’il s’agit de « règlements contraignants, mais subordonnés », comme la Cour l’a décrit dans le Renvoi relatif à réglementation pancanadienne des valeurs mobilières.

[73] La source du pouvoir d’édicter le RCEI permet également de conclure qu’une contestation du Règlement ne constitue pas un service. Le Règlement est pris en vertu de la loi habilitante, la LCEI, qui prévoit que« [l]e gouverneur en conseil peut, par règlement, prendre toute mesure d’application de la présente loi » (art. 17, LCEI). L’article 17 de la LCEI contient une liste non exhaustive de ce que le Règlement peut prévoir, y compris les exigences à remplir par un régime enregistré d’épargne-invalidité avant que des subventions ou des bons puissent être versés relativement au régime, la façon de déterminer le montant des subventions et des bons et les règlements régissant le remboursement de ces montants.

[74] À mon avis, le résultat serait absurde si seulement une plainte ciblant la loi (la LCEI ou la LIR dans les plaintes en cause) était considérée comme ne relevant pas de la compétence du Tribunal, alors qu’une contestation du Règlement promulgué en vertu de cette même loi, sans lequel l’objet et les intentions du législateur ne pourraient pas être réalisés, serait considérée comme relevant de la compétence du Tribunal et comme un « service » habituellement offert au public. Le législateur avait l’intention de déléguer ce pouvoir d’édicter le Règlement, qui découle de la LCEI, et les dispositions réglementaires complètent le régime législatif d’application du système d’admissibilité aux régimes d’épargne-invalidité. J’estime également que l’orientation donnée par la CAF dans l’arrêt Bouvier est applicable à mon analyse, à savoir qu’un ministère – en l’occurrence EDSC – ne peut être tenu responsable d’un règlement « pour la seule raison que le législateur le charge d’appliquer la loi en vertu de laquelle ce règlement a été valablement pris par le gouverneur en conseil » (Bouvier, au paragraphe 4).

[75] Les plaignants soutiennent que si j’applique au Règlement le raisonnement de l’arrêt Andrews/Matson, je mettrai à l’abri les activités menées par des entités administratives fédérales comme EDSC. Ils ajoutent que, bien que l’élaboration des lois soit assujettie à de vastes mécanismes de contrôle dans nos systèmes démocratiques, les règlements, qui n’ont pas été mentionnés du tout dans l’arrêt Andrews/Matson, sont rédigés par des membres non élus de l’exécutif. Ils affirment que l’application du raisonnement énoncé dans l’arrêt Andrews/Matson à l’élaboration de règlements pourrait inciter les parlementaires et les acteurs gouvernementaux à intégrer les aspects controversés d’une politique en matière de droits de la personne à des règlements afin de les protéger de l’examen prévu à l’article 5 de la Loi. Ils font valoir qu’il s’agirait d’un recul pour les droits de la personne et que ce n’était pas la conséquence prévue de l’arrêt Andrews/Matson.

[76] Or, comme le soutient EDSC, le Règlement n’est pas rédigé par des membres non élus de l’exécutif avec contrepoids moins démocratiques, comme le prétendent les plaignants. Le Règlement a été adopté par le gouverneur en conseil, composé de membres du niveau exécutif du gouvernement (le premier ministre et le Cabinet), qui sont élus et responsables devant les Canadiens. De plus, le pouvoir d’édicter ce Règlement a été délégué par le législateur dans la loi habilitante. Il ne s’agit pas d’une situation où des règles arbitraires ont été établies sans aucun pouvoir et qui ont un effet préjudiciable sur les personnes possédant une caractéristique particulière.

[77] Le Règlement peut refléter des choix de politique avec lesquels les plaignants ne sont pas d’accord, mais il n’appartient pas au Tribunal de remettre en question les choix faits par le gouverneur en conseil. Je n’ai pas le pouvoir de modifier les règlements créés par le « pouvoir législatif subordonné » dans le cas des plaintes en cause, tout comme je n’ai pas le pouvoir de modifier les lois promulguées par la législature. Je ne peux pas non plus ordonner que les prestations soient versées contrairement à la loi ou au règlement applicable.

[78] Je comprends la frustration des plaignants qui ne peuvent pas contester le cadre législatif devant notre Tribunal. Ils se sont exprimés de vive voix et par écrit au sujet des aspects du programme qu’ils trouvent injustes et difficiles d’accès. Toutefois, je ne peux pas ordonner le changement d’un système créé par le législateur. Ce serait outrepasser mes pouvoirs et commettre une erreur de droit. Comme le fait valoir la Commission, les plaignants doivent contester les dispositions en cause devant les cours de justice.

[79] Pour ces motifs, il est manifeste et évident que les allégations mettant en cause le cadre législatif et les critères d’admissibilité énoncés dans la loi et dans le Règlement n’ont aucune chance raisonnable d’aboutir et doivent être rejetées.

3. Les allégations administratives peuvent-elles aller de l’avant?

[80] Les plaintes peuvent évoluer. Toutefois, l’évolution doit toujours respecter l’essence de la plainte et ne saurait comporter une plainte substantiellement nouvelle qui n’a pas été examinée par la Commission (Canada (Procureur général) c. Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, 2021 CF 969, au paragraphe 215 [Société de soutien], et Casler c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2017 TCDP 6, aux paragraphes 7 à 11).

[81] La portée d’une plainte est déterminée non seulement par le formulaire de plainte, mais aussi par les exposés de précisions qui tiennent lieu de plaidoiries dans les procédures de la LCDP (Société de soutien, au paragraphe 153). La substance de l’exposé des précisions doit raisonnablement respecter les fondements factuels et les allégations initiales de discrimination tel qu’énoncées dans la plainte initiale (Karas c. Société canadienne du sang et Santé Canada, 2021 TCDP 2, au paragraphe 24; Brickner c. Gendarmerie royale du Canada, 2017 TCDP 28, aux paragraphes 69-70).

i) Les allégations administratives ont-elles un lien suffisant avec les plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal?

[82] La réponse est non. La Commission a renvoyé les plaintes qui contestent les dispositions du Règlement concernant l’âge limite et la rétroactivité. Les allégations administratives sont apparues pour la première fois dans les exposés des précisions de la Commission et des plaignants, lorsque la Commission a entrepris de définir les deux volets dans le cadre des plaintes, à savoir les allégations concernant la façon dont EDSC a promu et administré le REEI, en plus des contestations du Règlement qui constituaient l’essence des plaintes que la Commission a renvoyées.

[83] Dans les quatre exposés qu’elle a déposés dans le cadre des plaintes en cause, la Commission allègue que les plaignants ont eu de la difficulté à accéder au Programme en raison, entre autres, [traduction] « des choix et des mesures discrétionnaires du Canada en matière de conception des programmes », d’une procédure de demande complexe et à plusieurs niveaux, d’une publicité inadéquate du programme, d’un manque de communication et, plus généralement, de retards dans ce qui a été décrit comme une procédure de demande onéreuse.

[84] La Commission soutient également que les plaintes concernent une discrimination systémique. Elle précise qu’il existe des preuves claires et cohérentes que les personnes atteintes d’une déficience ont été touchées de façon disproportionnée par la conception et l’exécution du Programme canadien pour l’épargne-invalidité par EDSC et que leur incapacité à participer pleinement au programme a permis d’accroître leur marginalisation et les désavantages sur le plan financier. Elle indique qu’une grande majorité des Canadiens handicapés admissibles âgés de 18 à 49 ans n’ont pas présenté de demande de régime d’épargne ni de subventions et de bons entre 2008 et 2016.

[85] Dans son exposé des précisions, M. Huntley allègue qu’EDSC et le gouvernement ont alourdi le processus de demande pour les personnes handicapées et non handicapées, et que le gouvernement du Canada et EDSC savaient déjà, par l’entremise de l’Agence du revenu du Canada, qui était admissible, de sorte que cette complexité n’avait pas lieu d’être. Il affirme que la participation a été faible, qu’il y a eu une confusion totale quant à la manière de présenter une demande, et que l’arrêt Andrews/Matson est maintenant invoqué pour se donner carte blanche afin d’éviter les différends au sujet des services gouvernementaux.

[86] Dans son exposé des précisions, Mme Alkerton mentionne son invalidité, mais s’insurge surtout contre le fait qu’elle ne peut pas bénéficier de subventions et de bons en raison des [traduction] « restrictions inhérentes au programme », soulignant les restrictions d’âge et le fait qu’un agent financier de son institution financière ne disposait pas de beaucoup de renseignements. Elle aussi a décrit le processus de demande comme étant complexe et mal promu. Elle soutient qu’il n’y a pas d’avantage à ouvrir le REEI parce qu’il n’offre pas les mêmes avantages qu’aux personnes de moins de 49 ans.

[87] Dans son exposé des précisions, M. McGregor allègue avoir fait l’objet de discrimination pour cause de déficience parce qu’il ne pouvait pas avoir accès aux prestations, car il s’agissait d’une période d’incapacité en raison de cette même déficience. Il prétend que le système de subventions et de bons et les dispositions de report sont discriminatoires à l’égard des personnes qui vivent une invalidité ou un traumatisme plus tard dans la vie et plus près de l’âge de 49 ans.

[88] M. Dorey écrit dans son exposé des positions que, lorsqu’il a été mis au courant du REEI, il a communiqué avec sa banque et son gestionnaire de placements et a eu de la difficulté à obtenir des renseignements. Il parle des limites d’âge et de leur incidence sur la rétroactivité, ainsi que des plafonds pour les subventions et les bons. Il poursuit en disant que lorsqu’on [traduction] « applique exactement les mêmes politiques à deux personnes différentes, l’une de 36 ans et l’autre de 46 ans, même si leur situation est identique à tous les autres égards, selon l’ÂGE SEULEMENT, ces deux personnes reçoivent des prestations différentes, ce qui constitue une pratique discriminatoire fondée sur le motif de distinction illicite qu’est l’âge. »

[89] Les plaignants et la Commission soutiennent que les plaintes déposées auprès de cette dernière ont toujours fait état des allégations administratives. La Commission soutient que l’allégation selon laquelle l’administration du Programme est discriminatoire constitue [traduction] « un aspect fondamental de la discrimination vécue par chaque plaignant ».

[90] Je ne souscris pas à cette qualification. Dans la mesure où les allégations administratives ne sont rien de plus que des contestations des critères d’admissibilité maintenant appelées des allégations relatives à l’« administration » du Programme, elles ne peuvent pas aboutir parce qu’elles n’ont pas de lien suffisant avec ce que la Commission a renvoyé au Tribunal. Bien que les plaignants, et en particulier M. Huntley, aient pu écrire que le Programme prêtait à confusion et était difficile à appliquer et à comprendre, les plaintes ne reposent pas, pour l’essentiel, sur ces aspects, et les questions que la Commission a choisi de renvoyer non plus.

[91] La Commission s’appuie sur les décisions du Tribunal qui étayent la proposition selon laquelle elle n’est pas tenue de procéder par enquête et examiner chaque aspect d’une plainte ni de modifier une plainte avant de la renvoyer au Tribunal (Connors c. Forces armées canadiennes, 2019 TCDP 6, aux paragraphes 39 à 40; Jorge c. Société canadienne des postes, 2021 TCDP 25 [Jorge]). La Commission soutient que les exposés des précisions précisent et complètent les plaintes et définissent la portée de l’audience. Elle conteste l’allégation d’EDSC selon laquelle le processus d’examen a été contourné par ce qu’il qualifie de « détails » fournis dans les exposés de la Commission et des plaignants. Elle s’appuie également sur la décision Letnes c. Gendarmerie royale du Canada, 2019 TCDP 41, au paragraphe 5 [Letnes], pour affirmer qu’il est possible d’apporter des précisions dans les actes de procédure en matière de droits de la personne lorsque de nouveaux faits ou de nouvelles circonstances sont révélés, et qu’il est également possible d’apporter des modifications à tout stade de l’action afin de veiller à ce que l’exposé reflète de façon correcte et équitable les questions en litige entre les parties à une plainte. La Commission soutient que les allégations administratives, loin d’ouvrir une nouvelle voie d’enquête imprévue, s’appuient sur des allégations déjà soulevées.

[92] Je n’accepte pas les observations formulées par la Commission à ce sujet. Il ne s’agit pas d’une situation où un détail ou un aspect secondaire qui n’a pas fait l’objet d’un examen a été ajouté aux exposés des précisions. EDSC soutient que les allégations contenues dans les exposés sont vagues et qu’elles sont liées à d’autres problèmes, comme il sera précisé plus loin. Mais, à mon avis, le problème fondamental tient au fait que les allégations ouvrent la porte à un tout autre type d’enquête au sujet de l’omission reprochée à EDSC de promouvoir ou d’administrer adéquatement le REEI, qui est discriminatoire envers les plaignants du fait de leur déficience. La Commission soutient que les plaintes comprennent des allégations systémiques de discrimination qui touchent les personnes atteintes d’une déficience en général. Ces plaintes ont une portée très large. Mais ce ne sont pas les plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal.

[93] La Commission affirme qu’il n’y a pas d’abus de procédure si le Tribunal procède à l’instruction des allégations administratives parce que les exposés des précisions énoncent [traduction] « l’ensemble des allégations contre EDSC qui découlent des plaintes déposées par les plaignants ». Or, même si tel était le cas, là n’est pas la question. Il n’est pas question de savoir si les exposés sont « complets ». Il s’agit plutôt de savoir si les allégations administratives, énoncées dans les exposés, ont un lien suffisant avec les plaintes que la Commission a renvoyées. À mon avis, les exposés ouvrent une nouvelle voie non prévue à l’égard d’une instruction et ne devraient pas être autorisés (Gaucher c. Canada (Forces armées), 2005 TCDP 1, cité dans la décision Letnes, au paragraphe 8).

[94] La Commission soutient que les observations d’EDSC sont fondées sur une mauvaise compréhension du rôle de la Commission avant le renvoi par rapport à celui du Tribunal. Elle s’appuie sur la décision Jorge, dans laquelle le Tribunal explique que le formulaire de plainte fournit un aperçu de la plainte et n’est pas nécessairement un exposé exhaustif d’une longue série d’incidents de discrimination perçue, compte tenu des contraintes d’espace et du fait que la partie qui le remplit peut agir pour son propre compte. Le formulaire de plainte n’est pas un acte de procédure et n’est pas destiné à être interprété de façon stricte ou étroite. Le fait d’exiger des détails précis au moment de la plainte initiale peut causer un préjudice injuste au plaignant (Jorge, aux paragraphes 67 à 83).

[95] Les observations sur les rôles fondamentaux de la Commission et du Tribunal ne sont pas utiles dans les circonstances. Il n’est pas contesté que la Commission doit enquêter sur les plaintes et décider de les renvoyer ou non et que, une fois le renvoi effectué, le Tribunal instruit la plainte qui a été renvoyée. Mais le Tribunal ne peut entendre des plaintes qui ne sont pas suffisamment liées à ce que la Commission lui a envoyé ni ouvrir une nouvelle voie à l’égard des allégations qui sont formulées pour la première fois devant lui.

[96] De plus, les faits et les circonstances de l’affaire Jorge se distinguent de ceux en l’espèce. Bien que leTribunal ait accueilli les modifications proposées dans l’affaire Jorge, il a conclu que les faits s’inséraient dans le récit de la plainte et qu’ils se situaient dans le « prolongement » des faits déjà mentionnés. Il s’agissait d’exemples supplémentaires du même type d’actes discriminatoires que ceux précisés dans la plainte (Jorge, au paragraphe 100).

[97] J’estime que les allégations administratives ne se situent pas dans « le prolongement » des faits déjà mentionnés. Il ne s’agit pas de nouveaux exemples de faits supplémentaires qui complètent ou renforcent le récit de ce qui s’est passé. Comme il a été mentionné plus haut, les plaintes que la Commission a renvoyées reposaient, pour l’essentiel, sur la contestation des limites fondées sur l’âge prévues dans le Règlement. Les allégations administratives ne font pas partie du même récit et ne sont pas simplement un « peaufinement » de ce qui constitue une attaque contre le Règlement.

[98] La Commission soutient que les plaignants sont tous des personnes atteintes d’une déficience et qu’ils ont tous fait référence à l’incapacité dans leur formulaire de plainte et pendant l’enquête. Mais le fait de mentionner qu’il s’agit de personnes atteintes d’une déficience – ce qui n’est pas contesté – ne définit pas l’essence de la plainte. À part indiquer sans ambages que les allégations administratives faisaient partie des plaintes initiales, la Commission ne corrobore pas son affirmation selon laquelle il y a un lien suffisant avec les plaintes initiales. Comme il a déjà été mentionné, les plaintes reposent plutôt, pour l’essentiel, sur une contestation du Règlement, que la Commission croyait à l’époque correspondre à des allégations que le Tribunal pouvait entendre.

[99] Mme Alkerton soutient que le programme était [traduction] « conçu et censé être offert à une personne ayant une incapacité admissible », mais j’accepte l’argument d’EDSC selon lequel ce sont les critères d’admissibilité qui font l’objet de sa contestation, lorsqu’elle affirme que [traduction] « les restrictions liées à l’âge constituent l’obstacle et mènent à la discrimination fondée sur [s]on âge ». De même, bien que M. McGregor soit devenu invalide plus tard dans sa vie et qu’il allègue avoir été victime de discrimination fondée sur la déficience parce qu’il ne pouvait pas présenter une demande pendant qu’il était frappé d’incapacité, c’est le régime législatif qui a limité son admissibilité. En ce qui le concerne, M. Huntley décrivait dans sa plainte initiale le programme comme étant [traduction] « complexe et déroutant », mais il ne précisait pas en quoi ces caractéristiques étaient liées à son invalidité. Même si j’accepte l’argument de la Commission selon lequel l’incapacité est un motif implicite, je ne peux pas conclure à l’existence d’un lien entre ces allégations et les plaintes initiales, qui portaient sur une contestation du Règlement.

[100] Il est concevable que les plaignants aient pu alléguer avoir été lésés par la façon dont un service a été fourni ou par les mesures prises par EDSC dans l’administration et la promotion du Programme, mais il ne s’agit pas de l’objet des plaintes que la Commission a renvoyées au Tribunal.

[101] La Commission tente de se servir du fait incontesté que les plaignants sont tous des personnes atteintes d’une déficience pour établir un lien entre les allégations administratives et les plaintes qui ont effectivement été renvoyées, ce qui est loin de faire « partie du même récit ».

[102] J’ai également examiné les réparations demandées par les plaignants en vue de déterminer si les allégations administratives s’inscrivent dans la portée des plaintes que la Commission a renvoyées. J’accepte l’argument d’EDSC selon lequel les réparations que recherchent tous les plaignants concernent le paiement de prestations. Les plaignants voudraient que la LCEI et le RCEI soient modifiés de sorte qu’ils puissent être admissibles aux subventions qu’ils auraient pu recevoir. M. Dorey demande que des modifications soient apportées aux dispositions applicables, notamment au regard de la rétroactivité continue ou de l’admissibilité inversée qui ne peuvent pas être révoquées et de la possibilité pour une personne d’acheter le plein montant, et il veut aussi s’assurer que les cotisants peuvent retirer de l’argent sans pénalité lorsqu’ils le souhaitent.

[103] Mme Alkerton demande le versement du montant maximal à vie des subventions et des bons afin de tenir compte des dix années écoulées depuis la création du REEI et du temps qu’elle a consacré à donner suite à la plainte.

[104] M. McGregor demande 2 000 $ en subventions pour les années où il avait 48 et 49 ans, en plus des dommages-intérêts généraux et spéciaux. Il demande que des changements systémiques soient apportés au REEI afin de modifier les dispositions de report et les contraintes liées à l’âge.

[105] Enfin, tandis que M. Huntley parle de [traduction] « changements à la politique et au libellé », ce qu’il demande, c’est une modification des dispositions réglementaires afin que lui-même et d’autres puissent reporter l’admissibilité aux bons et aux subventions jusqu’à l’âge de 49 ans, mais à partir d’une date de dépôt de demande après l’âge de 49 ans jusqu’à la limite d’âge ou la limite de report, selon ce qui survient en premier. Il demande aussi le versement de 2 000 $ en bons.

[106] Je suis d’accord avec EDSC pour dire que, par les réparations sollicitées, les plaignants visent les limites d’âge réglementaires et me demandent d’ordonner le versement de prestations auxquelles ils n’avaient pas droit. Ces réparations ne sont pas liées à des allégations autres qu’une contestation du cadre législatif et réglementaire. En demandant le montant maximal à vie des subventions et des bons, Mme Alkerton conteste le Règlement et sa propre inadmissibilité aux subventions et aux bons. Par ses demandes de réparation, M. McGregor montre de la même façon que sa plainte concerne le Règlement lui-même. M. Huntley demande explicitement des modifications au libellé des dispositions. Enfin, bien que M. Dorey vise, par ses demandes, le libellé de la LCEI et du Règlement, il cherche également à obtenir une mesure de réparation relative à la promotion du programme, bien qu’il s’agit d’un aspect qui concerne nécessairement des tiers. Il inclut à cet égard une lettre de son conseiller financier. Or, il ne s’agit là que de préoccupations liées à son conseiller financier et à la Banque TD, qui ne remettent pas en cause EDSC.

[107] Je n’accepte pas non plus l’affirmation de la Commission selon laquelle le fait de permettre l’instruction des allégations administratives ne causerait aucun préjudice à EDSC. Les allégations administratives ne précisent pas les défis que posent les exigences d’admissibilité fondées sur l’âge prévues dans le Règlement.

[108] Je suis d’accord avec EDSC pour dire que les plaintes ont été traitées de façon très inhabituelle. La Commission soutient que les allégations administratives devraient aller de l’avant, tout en faisant valoir qu’elles sont liées à des plaintes qui, selon elle, ne peuvent être instruites par le Tribunal. La Commission peut bien croire que c’est ce qu’elle nous a renvoyé, mais je dois m’assurer de la capacité du Tribunal d’y donner suite. De simples déclarations selon lesquelles les allégations administratives étaient « un aspect fondamental de la discrimination vécue par chaque plaignant » ne permettent pas d’établir un lien avec les plaintes initiales ni à ramener les allégations administratives dans les limites de ces mêmes plaintes.

[109] Autoriser l’instruction de ces allégations porterait préjudice à EDSC. Les allégations administratives ne sont pas liées en fait et en droit aux plaintes que la Commission a renvoyées. Cette situation est injuste, et le préjudice causé à EDSC ne peut être réparé, car ce dernier n’a pas eu l’occasion de présenter ses arguments au stade de la Commission ni de se prévaloir des mécanismes prévus par la Loi, par exemple en présentant des demandes en irrecevabilité ou en demandant le contrôle judiciaire des actions et des décisions de la Commission (Karas, au paragraphe 140).

[110] La Commission soutient qu’il n’y a pas de préjudice pour EDSC, car celui-ci est au courant depuis des années des problèmes liés à la promotion du Programme et que M. Huntley et M. McGregor mentionnent l’invalidité dans leurs plaintes. Elle dit aussi que les exposés des précisions traitent de toute façon de l’ensemble des allégations des plaignants et de la Commission.

[111] Je ne peux pas non plus contourner le cadre existant applicable aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne, simplement par souci de célérité. C’est une erreur de droit que de faire fi du cadre législatif et des rôles respectifs de la Commission et du Tribunal que le législateur a établis.

[112] Je comprends la frustration des plaignants sur ce point et ce résultat. Les plaignants veulent contester les seuils d’âge et les règles d’admissibilité qu’ils jugent discriminatoires et qui ont des répercussions négatives sur eux et sur d’autres Canadiens atteints d’une déficience. Ils veulent également changer ce qu’ils considèrent comme un système de demande compliqué et complexe qui, selon eux, n’a pas été adéquatement promu ni administré. Mais je ne peux pas contourner le pouvoir législatif qui régit le Tribunal et son mandat ni ignorer la loi contraignante ou choisir de mettre de côté des principes juridiques pour accélérer un processus et tenir une audience sur le bien-fondé de leurs plaintes.

[113] Les parties sont libres de demander à une cour de justice de procéder au contrôle judiciaire de ma décision, et si la cour trouve une erreur, elle en informera le Tribunal. Mais je ne peux pas commettre ce que je crois être une erreur manifeste, susceptible de révision, au nom de la célérité. Le Tribunal est un organisme créé par une loi. Je ne ferais pas mon travail si je ne travaillais pas dans les limites de la loi qui régit ce que je fais en tant que décideur administratif dans le système des droits de la personne que le législateur a établi.

[114] La Commission soutient que le fait de conclure que les allégations administratives dépassent la portée de la présente plainte [traduction] « empêcherait les parties qui agissent pour leur propre compte de voir leurs expériences de discrimination faire l’objet d’une instruction et d’une décision par le Tribunal, et si les plaintes sont jugées fondées, d’obtenir des réparations ». Mais comme la Commission le sait bien, le Tribunal n’est pas une tribune à laquelle les plaignants peuvent accéder directement pour présenter des plaintes relatives à la discrimination. Sous le régime du système fédéral des droits de la personne, la Commission est l’organisme habilité « à recevoir, à administrer et à traiter les plaintes relatives à des actes discriminatoires » (Canada (Commission des droits de la personne) c. Warman, 2012 CF 1162, au paragraphe 55). La Commission doit mener des enquêtes exhaustives pour s’acquitter de la responsabilité que la Loi lui impose (Oleson c. Première Nation de Wagmatcook, 2019 TCDP 35, au paragraphe 30). À l’exception d’une déclaration générale rappelant qu’elle n’est pas tenue d’enquêter sur chaque détail ou aspect d’une plainte, la Commission n’a pas véritablement répondu à l’allégation d’EDSC portant qu’elle n’avait pas mené d’enquête sur les allégations administratives.

[115] Le Tribunal ne peut pas non plus traiter toutes les allégations d’iniquité. Le Tribunal ne peut entendre et trancher que les affaires que lui renvoie la Commission. Tout comme je ne peux pas contourner la jurisprudence contraignante, je ne peux pas assumer une partie du rôle que le législateur voulait que la Commission joue. Comme j’estime que ces questions n’ont pas été dûment soumises à la Commission, je ne peux pas, de ma propre initiative ou parce que les parties me l’ont demandé, ignorer les tenants et aboutissants de ce que la Commission a renvoyé au Tribunal.

[116] Je ne peux pas non plus corriger le fait que les allégations que la Commission a renvoyées échappent à la portée du Tribunal du fait qu’elle ajoute maintenant des allégations qui, à mon avis, ne sont pas suffisamment liées aux plaintes qu’elle a renvoyées.

[117] EDSC énonce un certain nombre d’autres raisons pour lesquelles je ne devrais pas autoriser les allégations administratives, notamment le fait qu’elles sont vagues et imprécises, qu’elles mettent en question les mauvais fournisseurs de services (c’est-à-dire les institutions financières) qui ouvrent des REEI pour des particuliers et leur fournissent des conseils financiers, qu’elles portent sur des faits qui remontent à plus de dix ans, qu’elles reposent sur une prémisse erronée selon laquelle « l’ignorance de la loi » donne lieu à des allégations de discrimination, et qu’elles ne se rapportent pas aux réparations recherchées. Je n’ai pas à aborder toutes ces questions, car j’ai déjà conclu que les allégations administratives n’étaient pas suffisamment liées aux plaintes que la Commission a renvoyées. Je conviens toutefois avec EDSC que la Commission n’a aucunement abordé plusieurs de ces problèmes au fond en réponse à la requête d’EDSC.

[118] Enfin, bien que je doive rejeter ces plaintes parce que je suis tenue de suivre les principes juridiques et le cadre législatif qui guident le travail du Tribunal, je félicite les plaignants qui ont agi pour leur propre compte dans le cadre d’un processus long et difficile devant la Commission et le Tribunal. Ils ont mis au premier plan les questions importantes qui sous-tendent les plaintes et leurs répercussions sur les personnes atteintes d’une déficience. Dans leurs arguments, ils ont formulé des propositions individuelles et collectives quant à l’amélioration du Programme canadien pour l’épargne-invalidité, ce qui ajoute une contribution importante à toute discussion stratégique sur les mesures de soutien pour les Canadiens handicapés et leurs familles. Bien que le Tribunal ne soit pas l’organisme indiqué en ce qui concerne les changements qu’ils recherchent, j’espère que leurs voix seront entendues et prises en compte à l’extérieur des procédures qui lui sont propres.

VI. ORDONNANCE

Pour les motifs qui précèdent, les plaintes sont rejetées dans leur intégralité.

 

Signé par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 15 juin 2023

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal : HR-DP-2817-22; T2686/6221; T2685/6121; T2687/6321

Intitulé de la cause : Jamus Dorey, Karolin Alkerton, David Huntley et Roderick J. McGregor c. Emploi et Développement social Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 15 juin 2023

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Observations écrites :

Karolin Alkerton, Jamus Dorey, David P. Huntley et Roderick J. McGregor , pour les plaignants

Anshumala Juyal, Luke Reid & Sophia Karantonis, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sean Stynes et Clare Gover , pour l’intimé

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