Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2023 TCDP 28

Date : le 5 juillet 2023

Numéro(s) du/des dossier(s) : HR-DP-2852-22

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

GH

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service canadien du renseignement de sécurité

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Edward P. Lustig

 



I. Aperçu

[1] La plaignante (« GH ») allègue que l’intimé, le Service canadien du renseignement de sécurité (le « SCRS ») a fait preuve de discrimination à son égard en fournissant une référence défavorable et infondée à un employeur éventuel, au titre de l’article 14.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP »). Les commentaires négatifs auraient été formulés après que GH et le SCRS se soient entendus sur le règlement d’une plainte que GH avait déposée à l’époque où elle travaillait pour le SCRS.

[2] Le SCRS dément avoir posé un quelconque acte discriminatoire et, plus précisément, nie avoir fourni une référence défavorable ou des commentaires négatifs sur GH à quiconque travaillant chez l’employeur éventuel.

[3] Le SCRS a, au titre de l’article 52 de la LCDP, déposé une requête visant à obtenir une ordonnance de confidentialité pour empêcher la divulgation publique de l’identité de ses employés, anciens ou actuels, puisqu’une telle divulgation mettrait ces derniers en péril et minerait à la fois leur capacité et celle du SCRS à faire enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada. GH et la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») ont consenti à l’ordonnance sollicitée par le SCRS.

[4] Pour les motifs qui suivent, je suis convaincu qu’il est raisonnable, nécessaire et dans l’intérêt de la justice de rendre une ordonnance de confidentialité selon les conditions proposées étant donné que la divulgation publique des renseignements confidentiels poserait un risque sérieux pour la sécurité publique et qu’il existe une sérieuse possibilité que la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne puisse être mise en danger par la publicité des débats. Par conséquent, la requête présentée par le SCRS est accueillie et l’ordonnance de confidentialité est rendue aux conditions exposées ci-après.

II. Cadre juridique

[5] Aux paragraphes 5 à 11 de la décision SM, SV, et JR c. Gendarmerie royale du Canada, 2021 TCDP 35, le membre du Tribunal Paul Singh a repris les termes de l’article 52 de la LCDP ainsi que de l’analyse établie dans l’arrêt de la Cour suprême du Canada Sherman (Succession) c Donovan [Sherman (Succession)] que le Tribunal doit réaliser en regard de la loi pour rendre une ordonnance de confidentialité dans le cadre d’une requête présentée au titre de l’article 52. La Cour a établi un critère à trois volets auquel il faut satisfaire pour obtenir gain de cause au moment de solliciter une exception au principe de la publicité présumée des débats judiciaires. Il doit être établi ce qui suit :

1) la publicité des débats judiciaires pose un risque sérieux pour un intérêt public important; 2) l’ordonnance sollicitée est nécessaire pour écarter ce risque sérieux pour l’intérêt mis en évidence, car d’autres mesures raisonnables ne permettront pas d’écarter ce risque; 3) du point de vue de la proportionnalité, les avantages de l’ordonnance l’emportent sur ses effets négatifs.

III. Analyse

[6] Au cours de la présente instance, les parties ont l’intention de citer des témoins à comparaître, dont GH, qui étaient ou sont toujours des employés du SCRS et elles ont l’intention de divulguer des renseignements, y compris dans les actes de procédure et dans la preuve documentaire, qui permettent d’identifier des employés, anciens et actuels, de cette organisation.

[7] La divulgation de ces renseignements par le truchement du dossier public du Tribunal contreviendrait à l’article 18 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité (la « Loi sur le SCRS »). L’article 18 de la Loi sur le SCRS interdit de communiquer l’identité d’un employé, ancien ou actuel, qui a participé, participe ou pourrait vraisemblablement participer à des activités opérationnelles cachées du SCRS ou des informations qui permettraient de découvrir son identité.

[8] Divulguer publiquement l’identité d’employés du SCRS, anciens ou actuels, met ces derniers en péril et mine à la fois leur capacité et celle de l’organisation à faire enquête sur des menaces envers la sécurité du Canada. Cette divulgation peut poser un risque sérieux pour la sécurité publique comme l’envisage l’alinéa 52(1)a) de la LCDP. Elle soulève également une sérieuse possibilité que la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne puisse être mise en danger par la publicité des débats, comme le prévoit l’alinéa 52(1)d). Par conséquent, une ordonnance de confidentialité est nécessaire en l’espèce.

[9] L’ordonnance de confidentialité telle qu’elle est sollicitée par le SCRS est l’option qui permet le mieux de concilier l’objectif consistant à protéger les renseignements confidentiels contre la divulgation et les intérêts du Canada en matière de sécurité nationale, avec l’intérêt public quant à la publicité des débats judiciaires. Il n’existe pas d’autres modalités raisonnables qui permettraient d’atteindre les mêmes objectifs. Les conditions de l’ordonnance de confidentialité n’auront aucun effet préjudiciable sur GH dans la présente instance. De surcroît, elle y a consenti, tout comme la Commission.

[10] Les conditions de l’ordonnance de confidentialité sont donc conformes à l’article 52 de la LCDP et respectent le critère à trois volets établi dans l’arrêt Sherman (Succession). Par conséquent, la requête est accueillie et l’ordonnance de confidentialité est rendue aux conditions énoncées ci-après.

IV. Ordonnance de confidentialité

[11] Tout renseignement permettant d’identifier la plaignante ou tout employé du SCRS, ancien ou actuel (un « employé du SCRS à l’identité confidentielle »), est désigné comme renseignement confidentiel au titre de l’article 52 de la LCDP.

[12] La plaignante sera désignée seulement sous le pseudonyme « GH » dans tous les documents et les actes de procédure déposés au Tribunal, ainsi que dans toute la correspondance entre les parties et le Tribunal, et dans toutes les décisions et les décisions sur requête du Tribunal, jusqu’à nouvel ordre.

[13] Les parties auront 30 jours à compter de la date de l’ordonnance du Tribunal pour redéposer leurs documents et leurs actes de procédure sous des versions qui utilisent le pseudonyme « GH ». Ces nouveaux documents remplaceront les versions antérieures.

[14] Toute copie papier déposée par les parties qui comporte des renseignements confidentiels doit être placée dans une enveloppe scellée portant la mention « confidentiel » et ne doit pas être versée au dossier public du Tribunal, dans la mesure où une version du document où les renseignements confidentiels sont expurgés ou retirés est versée au dossier public.

[15] L’intimé doit toujours désigner tout employé du SCRS à l’identité confidentielle dans les documents déposés auprès du Tribunal par les mêmes initiales aléatoires ou par un autre pseudonyme et doit indiquer le titre du poste.

[16] Les parties auront 30 jours à compter de la date de l’ordonnance du Tribunal pour redéposer leurs documents et leurs actes de procédure sous une forme qui fait usage de pseudonymes, au besoin. Ces nouveaux documents remplaceront les versions antérieures.

[17] À la demande d’une partie ou de la Commission, le nom complet de l’employé du SCRS à l’identité confidentielle doit être divulgué, lorsque le titre du poste et les autres renseignements fournis ne permettent pas de l’identifier ni de cerner sa participation sur un point litigieux. Elles doivent garder ces renseignements confidentiels et ne peuvent pas les rendre publics ni les inclure dans les documents déposés auprès du Tribunal.

[18] Toutes les parties sont tenues de respecter la confidentialité des renseignements confidentiels en évitant d’y renvoyer publiquement ou dans toute instance publique. Elles doivent seulement désigner les employés du SCRS à l’identité confidentielle par les initiales aléatoires ou autres pseudonymes qui leur ont été attribués.

Signée par

Edward P. Lustig

Membre du Tribunal

 

Ottawa (Ontario)

Le 5 juillet 2023

 

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : HR-DP-2852-22

Intitulé de la cause : GH c. Service canadien du renseignement de sécurité

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 5 juillet 2023

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par:

Caline Ritchie , pour l'intimé

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