Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2023 TCDP 13

Date : le 31 mars 2023

Numéros des dossiers : T1111/9205, T1112/9305 et T1113/9405

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Ruth Walden et al.

les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Procureur général du Canada (représentant le Conseil du Trésor du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada)

l'intimé

- et –

Sue Allardyce, Aubrey Brenton, Robert Churchill-Smith,
Glen Coutts, Claudette Dupont, Pat Glover, Gary Goodwin,
Valerie Graham (succession de), Carol Ladouceur, Mayer Pawlow,
Cindi Resnick, Sharon Smith et Don Woodward

les parties interessées

 

Décision sur requête

Membre : Matthew D. Garfield



I. Introduction

[1] Quinze personnes (deux plaignants et treize non-plaignants ayant obtenu le statut de partie intéressée, collectivement appelés le « groupe des GCRP » ou le « groupe »), qui ont déposé une requête combinée ou regroupée d’indemnisation en 2014 en vertu du protocole d’entente de 2012 (le « PE »), ont demandé le 7 novembre 2022 que je me récuse en tant que membre instructeur (pour des raisons d’injustice alléguée et de crainte de partialité et pour conflit d’intérêts perçu) et leur accorde un ajournement de l’audience prévue ce mois‑là sur les fonctions admissibles. Après avoir lu les observations des parties, consulté la jurisprudence et mûrement réfléchi, j’ai rejeté la requête en récusation et ajournement le 24 novembre 2022 avec motifs à suivre. Le jour suivant, le groupe retirait sa requête relative aux fonctions admissibles, l’audience à venir était ajournée et le dossier était clos dans l’attente des motifs du Tribunal. Voici les motifs de ma décision sur requête.

II. Contexte de l’instance principale Walden et du protocole d’entente

[2] Le groupe se compose de quinze gestionnaires de cas de réadaptation professionnelle (les « GCRP ») à la section des prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada dans le ministère rebaptisé Emploi et Développement social Canada (« EDSC »). (Deux membres de ce groupe, Karen Pick et Andrea Taylor, ont reçu une indemnité Walden à titre de plaignantes pour leur travail à titre d’évaluatrices médicales (les « EM ») et avaient donc déjà qualité pour comparaître devant le Tribunal. Par conséquent, elles sont incluses dans « Walden et al.» dans l’intitulé de la cause ou le titre de l’instance.) En 2014, le groupe a présenté une requête au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») en vue d’obtenir le réexamen de l’indemnisation et autres réparations par EDSC, faisant valoir plus particulièrement que leur travail de GCRP répondait à la définition des « fonctions admissibles » au sens du PE, qui est l’entente de règlement de 2012.

[3] Le PE est l’aboutissement de plaintes en matière de droits de la personne déposées par Ruth Walden et 416 autres plaignants entre 2004 et 2007. Ceux‑ci contestaient ainsi la classification des évaluateurs médicaux, groupe formé majoritairement d’infirmières associées à l’évaluation et au règlement des demandes de prestations d’invalidité du Régime de pensions du Canada (le « RPC »). Ce groupe était à comparer au groupe des conseillers médicaux (les « CM ») formé majoritairement d’hommes médecins travaillant aux côtés des EM. Les plaignants de l’instance Walden alléguaient que, du fait de leur classification, les conseillers médicaux recevaient plus en salaire, avantages sociaux, reconnaissance professionnelle et perspectives de carrière que les EM, bien que les deux groupes exécutent un même travail d’évaluation et de règlement des demandes de prestations d’invalidité adressées au RPC. Ils ont fait valoir avec succès que cela équivalait à une distinction défavorable fondée sur le sexe, au sens des articles 7 et 10 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6, et ses modifications (la « LCDP »). La décision a été confirmée par la Cour fédérale dans le cadre d’un contrôle judiciaire : voir Canada (Procureur général) c. Walden, 2010 CF 490. Voir aussi les décisions du Tribunal sur la responsabilité (2007 TCDP 56) et la réparation (2009 TCDP 16), le contrôle judiciaire de la décision sur la réparation (2010 CF 1135) et l’appel (2011 CAF 202).

[4] Le PE a été conclu et signé le 3 juillet 2012. Le 31 juillet 2012, le Tribunal rendait une ordonnance sur consentement mettant en œuvre les dispositions du PE. Il réservait sa pleine compétence pour régler tout différend ou controverse quant au sens ou à l’interprétation du protocole d’entente à la demande de toute partie ou de quiconque aurait pu exercer les fonctions admissibles au sens du PE. Il a d’abord réservé sa compétence jusqu’au 30 juin 2014 et ensuite par voie de prorogation jusqu’au 31 mars 2015 pour trancher toute requête en cours (en ce qui concerne notamment les fonctions admissibles) à ladite date. Il demeurait saisi de l’affaire sur consentement au‑delà de cette date pour la seule question des paiements de majoration. En novembre 2019, la partie résiduelle de l’étape relative à la mise en œuvre de la réparation dans l’instance Walden comprenait les requêtes pour fonctions admissibles du groupe des GCRP et une autre requête venant d’un GCRP à la retraite, laquelle avait déjà été reportée pour raisons médicales.

[5] Il convient de noter que la demande relative aux fonctions admissibles du groupe n’est pas une plainte nouvelle et distincte pour discrimination qui porte sur la responsabilité ou la réparation que prévoit la LCDP. La requête en indemnisation intéresse une entente de règlement, en l’occurrence le protocole d’entente, dans le contexte de la partie résiduelle de l’étape de mise en œuvre de la réparation dans l’instance Walden.

III. Requête du groupe des GCRP en réexamen des fonctions admissibles

[6] Comme il a été indiqué, le groupe a introduit sa requête le 27 juin 2014. Les parties ont tenu seize conférences téléphoniques préparatoires portant sur des questions préalables à l’audience concernant notamment des requêtes en divulgation, une demande visant à limiter la déposition des témoins d’une partie, une requête au sujet de la portée de l’audience, etc. La médiation du Tribunal a été offerte à plusieurs reprises, mais refusée par l’intimé. Les parties ont eu des communications [traduction] « sous toutes réserves » et à des fins de règlement tout au long de leur démarche en indemnisation en vertu du protocole d’entente. Les décisions, ordonnances et directives ont abondé tout au long de l’affaire, certains par écrit (et versés, par exemple, dans la base de données Internet de CanLII, à l’adresse www.CanLII.org) et d’autres de vive voix ou par correspondance du Tribunal (lettres résumant les conférences téléphoniques, par exemple) et, bien sûr, tous intégrés au dossier officiel.

[7] Le groupe est passé par différentes étapes de représentation, d’abord par d’autres membres du groupe, Gary Goodwin et Carol Ladouceur, de 2014 à 2021 et en 2022 respectivement, avec de brefs remplacements tout au long de cette période par divers avocats. Le 22 septembre 2021, M. Goodwin démissionnait de son poste de représentant principal. Quant à Mme Ladouceur, elle a été retirée par moi comme dernière représentante pour défaut de collaboration ou de réponse, le 21 janvier 2022. Chaque membre du groupe a dès lors été considéré comme agissant pour son propre compte. Après une lettre aux parties et la convocation d’une conférence téléphonique préparatoire le 11 mars 2022, un autre membre du groupe, Aubrey Brenton, a envisagé de représenter le groupe avec l’aide de M. Goodwin, de Mme Ladouceur et des autres membres. Il a confirmé sa volonté de représenter le groupe et reçu l’accord de celui‑ci en avril 2022. Il en reste le seul représentant.

[8] Après une longue gestion d’instance préalable à l’audience et après une divulgation et une production documentaire volumineuses par les parties, des dates d’audience ont été fixées pour novembre 2017 à Victoria, en Colombie-Britannique. Malheureusement, M. Goodwin devait subir une intervention chirurgicale pendant cette période; il allait de soi qu’il avait besoin de se rétablir par la suite. Sur consentement, j’ai accordé l’ajournement et prévu de nouvelles dates d’audience dès que l’intéressé recevait le feu vert des médecins. (L’affaire n’a pas été mise en suspens; la gestion de l’instance se poursuivait, comme on peut le voir dans les motifs du Tribunal du 10 novembre 2017.)

[9] Heureusement, M. Goodwin a pu reprendre ses fonctions de représentant principal, et l’affaire a reçu en gestion d’instance de nouvelles dates d’audience avec mesures d’adaptation, prévues un an après, en novembre 2018. Malheureusement et là encore pour des raisons médicales, M. Goodwin a demandé un ajournement ou une suspension jusqu’à l’obtention du feu vert des médecins. L’intimé s’y est opposé. J’ai accordé l’ajournement. Ni Carol Ladouceur comme coreprésentante ni un autre membre du groupe n’a voulu assumer la tâche de représentant principal, ce que je comprends. Je signale que j’ai avisé le groupe de vive voix et par écrit qu’il ne pouvait s’attendre à se voir accorder des ajournements perpétuellement et automatiquement. Celui‑ci devait concevoir d’autres plans de représentation (que ce soit par un avocat, un parajuriste ou d’autres membres du groupe). J’ai insisté sur l’importance de voir aboutir l’affaire et l’étape de mise en œuvre de la réparation dans l’instance Walden.

[10] Par ailleurs, je m’étais rangé à l’idée du groupe proposant que je permute la file d’attente en ce qui concerne les fonctions admissibles en mettant en suspens la requête du groupe et en reprenant l’instruction de l’autre requête pour fonctions admissibles qui était en suspens sur consentement. (Une autre ex‑GCRP avait retiré sa requête pour fonctions admissibles le 7 octobre 2019.) La requête en question a été réactivée et mise au rôle. Malheureusement et pour des raisons médicales, elle n’a pu suivre son cours. L’intéressée a reçu son congé avec mesures d’adaptation, puis le feu vert des médecins a été retiré une fois de plus. À ce jour, son affaire demeure ajournée sans date de reprise fixée dans l’attente d’une autorisation médicale.

[11] Du 17 octobre 2018 au 21 janvier 2022, la requête du groupe a été en suspens. (M. Goodwin avait écrit le 9 juillet 2020 qu’il demeurait incapable [traduction] « indéfiniment en raison de la nature chronique de [son] état » de reprendre ses fonctions et d’agir comme représentant principal à une audience. Aucun document médical à jour n’a été fourni et je n’en ai exigé aucun.) Toutefois, comme il était probable que la demande de la GCRP retraitée ne soit pas entendue de sitôt, j’ai décidé, à la demande de l’intimé, de tenir une conférence préparatoire avec le groupe pour discuter des « prochaines étapes », et notamment de l’éventualité de la levée de la suspension. C’est à ce moment‑là que le groupe (ou du moins ses coreprésentants) ont cessé de collaborer. Il y a eu plus d’une tentative en vue d’obtenir des dates de disponibilité de M. Goodwin et de Mme Ladouceur par correspondance et par appel ou message de l’agente du greffe du Tribunal. Aucune réponse n’a été reçue de Mme Ladouceur.

[12] Finalement, M. Goodwin a envoyé le 22 septembre 2021 un courriel mémorable de démission de son poste de représentant principal. Le message était pimenté de propos péjoratifs et d’une métaphore colorée empruntée au base-ball à l’adresse du Tribunal :

[traduction]

Il est vrai que j’ai beaucoup tardé à répondre à la demande de dates de disponibilité présentée dans la conférence préparatoire. La faute est mienne […] je suppose que je n’aurais pas dû trop m’en étonner (que le Tribunal désire tenir une conférence préparatoire pour discuter de la levée de l’ajournement), mais j’ai eu comme impression au cours des sept années de notre requête au TCDP que, lorsque Me Marchildon disait de sauter, le réflexe du Tribunal était souvent de demander « à quelle hauteur ».

[…]

Je m’excuse d’avance de cette métaphore sportive simpliste, mais l’impression était souvent que nous étions une équipe des petites ligues affrontant les Yankees de New York des années 1950 et du début des années 1960 et que l’arbitre était le cousin de Mickey Mantle (à l’insu de tous). Nous décrochions parfois un coup sûr, mais comme par une simple erreur de notre part, alors que les points par un fil concédés au marbre étaient presque tous en faveur des Yankees. Nous n’avons jamais eu l’ombre d’une chance vraiment.

[13] En réponse au courriel du 22 septembre 2021 de M. Goodwin, le Tribunal a envoyé le 4 octobre 2021 une lettre aux parties pour aviser M. Goodwin et le groupe que les allégations de partialité sont chose sérieuse et que la bonne procédure consiste pour une partie à soulever lesdites questions à la première occasion sous forme de requête en récusation du membre avec preuve et sources juridiques à l’appui. Le groupe n’a agi en ce sens qu’au moment de déposer une requête en récusation le 7 novembre 2022 (en fonction de son document « Appel à la présidente » du 1er novembre 2022), soit treize mois après.

[14] N’ayant pas reçu de dates de disponibilité des représentants du groupe, le Tribunal n’avait d’autre choix que d’aller de l’avant et d’organiser une conférence téléphonique préparatoire avec toutes les parties qui, à toutes fins utiles, étaient toujours représentées à ce moment‑là par Mme Ladouceur. À la conférence du 21 janvier 2022 ont assisté quatre membres du groupe, ainsi que l’avocate et le client de l’intimé. Mme Ladouceur, qui ne s’est pas présentée, a été retirée comme représentante. À la conférence téléphonique subséquente tenue le 11 mars 2022 ont assisté de même quatre membres du groupe et l’avocate et le client de l’intimé. C’était la première présence de M. Brenton. Celui‑ci a dit qu’il ferait savoir s’il n’agirait que pour son propre compte ou s’il représenterait un ou plusieurs membres du groupe, après consultation des intéressés. Le 11 avril 2022, il déclarait qu’il assumerait le rôle de représentant principal.

[15] Le Tribunal a consacré beaucoup de temps et de ressources pour aider M. Brenton à se plonger dans le dossier et à se préparer à une audience. Nous avons convenu de procurer à M. Brenton les principaux documents au dossier et toute autre pièce qu’il pourrait demander. J’ai dit clairement à la conférence téléphonique qu’il lui incombait de faire connaître à l’agente du greffe, Judy Dubois, les documents dont il aurait besoin. Celle‑ci a passé beaucoup de temps à préparer et envoyer les documents principaux et autres et à répondre aux autres demandes de M. Brenton. Elle a fourni la documentation sous sa forme électronique habituelle, mais aussi sur papier selon le désir de M. Brenton. (La situation était inhabituelle, puisque, en temps normal, un nouveau représentant d’une partie reçoit le dossier de celui qui l’a précédé.) J’ai également demandé que le dossier de l’autre requête de la GCRP pour fonctions admissibles soit mis à la disposition du groupe avec le consentement de l’intéressée. J’ai pensé qu’il pourrait être bon, comme les questions sont les mêmes dans la requête du groupe, que M. Brenton voie la liste des témoins, les résumés des témoignages prévus et la table des pièces proposées avec toute copie demandée des documents en question.

[16] Le Tribunal a en outre fixé des dates limites de modification des listes de témoins déjà déposées et des résumés des témoignages prévus de 2018, ainsi que des échéances de divulgation et de production supplémentaires. Il a été question d’autres points à la reprise de la gestion de l’instance en 2022, et notamment de la comparution proposée de l’avocat retraité Laurence Armstrong de l’instance Walden, ainsi que du mode et du lieu d’audience (en personne, par Zoom ou en séance hybride).

[17] J’avais dit croire que les parties pourraient en venir à une entente en produisant un exposé conjoint des faits ou une demande commune de sorte que le Tribunal ne tire pas une conclusion défavorable du défaut des parties de convoquer Me Armstrong ou Me Marchildon ayant négocié le protocole d’entente et devant alors être appelés à témoigner sur l’intention des parties signataires du PE. Faute d’une entente et au cas où le groupe était toujours désireux de convoquer Me Armstrong, le groupe devait, conformément à ma décision sur requête 2018 TCDP 20, donner avis à toutes les parties à l’instance Walden et à Me Armstrong en leur procurant la possibilité de présenter leurs observations au sujet de la levée du privilège relatif aux règlements. J’ai fixé de courts délais à la conférence préparatoire du 20 septembre 2022, puisque l’audience de trois semaines devait débuter le 28 novembre 2022. Les parties ont fini par négocier une entente et Me Armstrong a été retiré de la liste des témoins du groupe.

[18] La gestion d’instance préalable a eu lieu en préparation de l’audience du 28 novembre 2022. Les listes de témoins, les résumés des témoignages prévus et les pièces à divulguer ont été produits. L’intimé avait accepté de prendre en charge la préparation du cahier de preuve documentaire conjoint (pièces proposées) avec l’aide de M. Brenton. Le cahier (contenant moins de 400 documents) n’a jamais été déposé, le groupe s’étant retiré du processus préalable à l’audience et ayant plutôt présenté une requête en récusation et ajournement le 7 novembre 2022.

IV. Requête rapide en récusation et ajournement du groupe des GCRP

[19] Le 20 octobre 2022, je refusais la demande du groupe de passer d’une audience par Zoom au mode hybride (en personne et par Zoom). C’est ce qui devait précipiter la présentation de la requête en récusation et ajournement que le groupe annonçait douze jours après par son « Appel à la présidente » du 1er novembre 2022. Il en sera question plus en détail dans les motifs qui suivent.

[20] Le Tribunal avait prévu une nouvelle conférence téléphonique le 24 octobre 2022 pour traiter de questions préalables à l’audience, mais la séance a été annulée au dernier moment et reportée au 3 novembre. Le 1er novembre 2022 cependant, le groupe adressait à la présidente du Tribunal un « appel » de ma décision au sujet de Zoom. Il alléguait que cette décision était injuste et partiale à son endroit et qu’il percevait un conflit d’intérêts. Il voulait que la présidente annule ma décision et me fasse remplacer comme membre instructeur et que l’ajournement soit accordé. La présidente a répondu par écrit le lendemain qu’elle n’avait pas ce pouvoir et que la bonne procédure pour le groupe était de soulever la question devant le membre instructeur. (Le Tribunal avait avisé le groupe par ses représentants il y a plus d’un an, dans sa correspondance du 4 octobre 2021, du protocole ou de la procédure à appliquer pour soulever les questions d’injustice ou de partialité.)

[21] Le Tribunal a avisé les parties de son intention de tenir une conférence téléphonique pour préparer l’audience, traiter des questions en suspens relatives à la gestion de l’instance et répondre à l’« Appel à la présidente » du 1er novembre 2022 et à la demande d’ajournement. Comme autres points à l’ordre du jour, il y avait le moment à trouver pour une séance pratique d’utilisation de Zoom avec tout le monde, comme les parties y avaient consenti à la conférence du 6 juin 2022, ainsi que la question du tableau des réparations que j’avais vu par inadvertance et qui relevait du privilège relatif aux règlements.

[22] À la conférence du 3 novembre 2022, le Tribunal a traité uniquement de l’« Appel à la présidente » et de la demande d’ajournement du groupe. Les autres points à l’ordre du jour ont été reportés. La conférence suivante devait avoir lieu le 7 novembre 2022 et traiter [traduction] « des dates limites de dépôt de la requête en récusation et ajournement et d’une date pour une autre conférence où il serait question des derniers points à l’ordre du jour de la conférence du 3 novembre 2022 ».

[23] À ce stade, aucun ajournement de l’audience à venir n’avait été accordé et la préparation de l’audience du 21 novembre 2022 se poursuivait de pair avec la requête en récusation et ajournement. M. Brenton avait accepté d’assister à la conférence téléphonique préparatoire du 7 novembre 2022, mais pour se raviser comme je l’avais lu dans ses cinq courriels (envoyés au Tribunal depuis la fermeture des bureaux le vendredi), soit 16 minutes avant que ne commence la conférence du lundi 7 novembre. Le représentant du groupe ne participerait pas. Dans un de ses courriels, il demandait au Tribunal de traiter l’« Appel à la présidente » du 1er novembre 2022 du groupe comme son avis de requête en récusation et ajournement et la pièce principale de cette requête. La conférence a eu lieu (le résumé écrit et l’enregistrement audio ayant été fournis au groupe).

[24] J’ai fixé des délais pour la réponse et la réplique, qui arrivaient à terme le 16 novembre 2022. (La Commission canadienne des droits de la personne ne participait pas à l’audience sur les fonctions admissibles et n’a pas déposé d’observations dans le cadre de la requête en récusation et ajournement.) Comme il est indiqué dans la lettre résumant la conférence téléphonique préparatoire, j’ai dit que je ferais [traduction] « de mon mieux » pour rendre une décision sur la requête avec motifs (ou avec motifs écrits à suivre « en temps opportun ») au plus tard le vendredi précédant le lundi 21 novembre, le jour où l’audience devait débuter. J’ai également accordé une prorogation à Me Marchildon pour qu’elle voie si M. Brenton mettrait la dernière main au cahier de preuve documentaire conjoint des parties (pièces proposées).

[25] Ce que nous avons appris par la suite, c’est qu’il y avait eu un problème technique et que les documents de requête de l’intimé (observations et sources) avaient été envoyés, mais sans être reçus par le greffe du Tribunal (et je suppose qu’ils n’avaient pas non plus été reçus par le groupe) à l’échéance du 10 novembre. C’est ainsi que, le 15 novembre 2022, le Tribunal a prorogé le délai de signification et de dépôt jusqu’au 21 novembre 2022 pour les observations en réplique du groupe. Il y a ainsi eu report des dates d’audience pour la première semaine prévue d’audition du 21 au 25 novembre 2022. Dans la lettre résumant la conférence téléphonique, figurait le passage suivant, mis en relief par soulignement : [traduction] « Nous rappelons aux parties que, à moins qu’un ajournement ne soit accordé, l’audience commencera le 28 novembre 2022. Les parties continueront en conséquence à préparer leurs causes respectives en prévision de l’audience. »

[26] Le groupe s’est grandement offusqué de cette décision en faisant observer à juste titre que je n’avais pas sollicité les observations des parties. Et le groupe avait déposé sa réplique le 17 novembre 2022. L’intimé avait écrit ce qui suit le 14 novembre 2022 : [traduction] « […] EDSC est prêt à accorder un court décalage pour le début de l’audience, de sorte que le membre du Tribunal ait le temps nécessaire pour dûment étudier la requête en récusation du groupe. » M. Brenton a encore écrit au sujet de l’opposition du groupe à cette ordonnance et le Tribunal a répliqué le 22 novembre 2022. Je remarque que, en aucun moment avant que je ne proroge le délai de réplique et ne reporte la première semaine d’audience, le groupe n’avait communiqué avec le Tribunal pour l’aviser d’avoir effectivement reçu les documents électroniques de l’intimé à la date limite initiale.

[27] L’ajournement partiel a laissé onze jours de plus au groupe pour se préparer uniquement à l’audience, son travail sur la requête en récusation étant terminé. C’est là quelque chose que je pensais être bien accueilli, car M. Brenton s’était plaint de la difficulté de préparer cette requête et l’audience en même temps et du délai dont il disposait à cette fin. Je mentionne enfin que le report de la date de dépôt de la réplique et l’ajournement partiel m’ont donné le temps supplémentaire nécessaire pour lire et méditer les observations et la jurisprudence pour une requête des plus sérieuses. J’ai ainsi été en mesure de rendre le 24 novembre 2022 une décision (avec motifs à suivre) sur la requête en récusation et ajournement. (Comme il a été indiqué, le groupe a choisi de retirer la requête pour fonctions admissibles le 25 novembre 2022 et j’ai alors ajourné l’audience prévue pour le 28 novembre.)

V. Questions en litige

[28] Le Tribunal doit trancher les questions suivantes :

  1. Le groupe a-t-il renoncé à son droit de déposer une requête en récusation?
  2. S’il ne l’a pas fait, a-t-il démontré avoir raisonnablement une crainte de partialité ou une perception de conflit d’intérêts telle que j’aurais à me récuser?
  3. Le courriel du 4 novembre 2022 de M. Brenton relève‑t‑il d’un privilège?
  4. L’audience prévue pour le 28 novembre 2022 aurait-elle dû être ajournée?

VI. Principes juridiques

[29] J’ai examiné les observations et la jurisprudence présentées par les parties. Je m’appuie en particulier sur les principes juridiques applicables qui ont été énoncés dans la décision fort bien étayée du membre Gaudreault sur une requête en récusation pour partialité dans l’affaire Constantinescu c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 3.

A. Renonciation

[30] La « renonciation » représente un vieux concept en common law selon lequel une partie ne soulevant pas d’objection de partialité à la première occasion renonce volontairement au droit de le faire par la suite. Il s’agit de dissuader la partie de « réserver » ou d’accumuler les objections ou les allégations en cours d’instance quant à la partialité du décideur. On peut considérer qu’il s’agit d’une tactique abusive. Si la partialité n’est pas invoquée à la première occasion ou immédiatement quand la partie en a connaissance ou devrait en avoir connaissance, la véracité de la crainte de partialité est remise en question : voir les paragraphes 10 et 33, la décision Constantinescu, précitée, et le paragraphe 48 de l’arrêt Eckervogt v. Colombie-Britannique, 2004 BCCA 398. Le manque de diligence d’une partie peut être assimilé à un acquiescement à la poursuite de l’instance.

B. Crainte de partialité

[31] Les allégations de partialité sont très graves et touchent au cœur de la confiance qu’a le public non seulement dans le décideur et le tribunal en question, mais aussi dans l’administration de la justice en général. Elles peuvent avoir de graves répercussions sur le Tribunal (et le décideur) et ne devraient donc pas servir de stratégie d’instance ou être prises à la légère par une partie : voir Hennessey c. Canada, 2016 CAF 180. Ainsi, de telles allégations exigent que la partie établisse l’existence de motifs sérieux de fond et les présente à la première occasion.

[32] Les juges et les arbitres doivent s’acquitter de leurs fonctions sans préjugés ni parti pris et aussi sans apparence de partialité : voir Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2003 CSC 45, aux paragraphes 57 et 58. « L’essence de l’impartialité est l’obligation qu’a le juge d’aborder avec un esprit ouvert l’affaire qu’il doit trancher. » : voir ibid., au paragraphe 58.

[33] Le membre du Tribunal est présumé agir de manière impartiale dans l’exercice de sa fonction quasi judiciaire jusqu’à preuve du contraire : voir Association des employeurs maritimes c. Syndicat des débardeurs, section locale 375, 2020 CAF 29, au paragraphe 5.

[34] Par ailleurs, au paragraphe 75 de la décision Constantinescu, précitée, le membre Gaudreault rappelle « qu’en matière de récusation, face à la forte présomption d’impartialité dont jouissent les décideurs, incluant ceux des tribunaux administratifs, une erreur, même révisable, n’est pas suffisante afin d’appuyer une crainte raisonnable de partialité. Il faut plus afin de remplir ce lourd fardeau de preuve; l’erreur ne doit pas être confondue avec la partialité [renvois omis]. »

[35] La Cour suprême du Canada a arrêté le critère permettant d’établir si un décideur doit se récuser à cause d’une crainte raisonnable de partialité : que conclurait une personne informée qui considérerait la question de façon réaliste et pratique? La preuve doit être convaincante : Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, [1978] 1 R.C.S. 369, aux pages 394 et 395. La partie qui fait valoir la partialité a une preuve solide à faire : Cojocaru c. British Columbia Women’s Hospital and Health Centre, [2013] 2 R.C.S. 357,au paragraphe 22; Arsenault-Cameron c. Île‑du‑Prince‑Édouard, [1999] 3 R.C.S. 851, au paragraphe 2.

VII. Positions des parties

[36] Selon le groupe des GCRP, [traduction] « sur toutes ces années, un certain nombre de questions et de demandes, etc., ont donné lieu à ce que nous estimons être depuis 2014 un constant traitement injuste du groupe par le membre Garfield […] » Près du haut de la page 1 des observations initiales ou principales du 1er novembre 2022 au sujet de la requête en récusation, le groupe déclare souhaiter [traduction] « appeler » de la décision récente du Tribunal « […] ayant injustement refusé [la] demande d’audience hybride (en partie en personne, en partie par Zoom) ».Voici ce qu’écrit M. Brenton au bas de la page 1 des observations du groupe : [traduction] « Je commencerai par parler de notre demande d’audience hybride et de l’incidence négative de la décision du membre Garfield sur ma capacité de conduire notre affaire. » Selon le groupe, ce serait là [traduction] « seulement la plus récente d’une série de décisions injustes du membre contre [le] groupe depuis l’année 2014 où [celui-ci] a adressé [sa] requête initiale au TCDP ».

[37] Comme il en sera question plus loin, ma décision de tenir l’audience par Zoom a été le catalyseur ou la bougie d’allumage de cette requête en récusation pour partialité et en ajournement. Elle fait aussi l’objet de la première des huit grandes allégations de partialité formulées dans les observations du groupe. C’est ce qui ressort de l’observation suivante du groupe : [traduction] « L’intéressé [M. Brenton] a déposé à contrecœur une requête en récusation avec l’appui du groupe seulement après qu’il eut lui‑même été témoin, étant devenu représentant principal, du traitement injuste par le membre Garfield, et notamment du refus par celui‑ci de notre requête d’audience hybride l’empêchant de conduire l’audience au mieux de ses capacités. »

[38] Le groupe a aussi écrit : [traduction] « […] ce passé d’injustice est l’indice que le membre Garfield nourrit depuis longtemps des préjugés favorisant le gouvernement du Canada et son avocate principale dans notre affaire, Lynn Marchildon, et défavorisant notre groupe non représenté. » Autre déclaration : [traduction] « […] nous savons seulement que diverses décisions et attitudes défavorables du membre Garfield au fil des ans font voir une tendance à l’injustice qui devait amener une telle conclusion. » Le groupe ajoute : [traduction] « Il sera enfin question de ce qui [nous] apparaît à tout le moins comme une apparence de conflit d’intérêts en ce qui concerne la participation du membre Garfield à notre affaire ou peut-être à toute affaire du TCDP où le gouvernement du Canada est l’intimé. »

[39] L’intimé s’oppose à la requête en récusation et ajournement. Il soutient que les allégations ne satisfont pas aux critères juridiques très exigeants d’une récusation pour crainte raisonnable de partialité. EDSC affirme plutôt que, par sa requête, le groupe [traduction] « s’attaque aux décisions prises par le Tribunal il y a des années, ce pour quoi le bon recours est une demande de contrôle judiciaire de ces décisions, et non une allégation de partialité. » Il prétend également que la décision prise par le Tribunal le 20 octobre 2022 de tenir l’audience par Zoom était raisonnable et faisait ressortir les mesures d’assistance que j’avais demandées pour M. Brenton à St. John’s, Terre-Neuve‑et‑Labrador, en réponse à [traduction] « ses préoccupations au sujet des défis techniques d’une audience à distance ».

[40] L’intimé écrivait aussi :

[traduction]

Au mieux, les allégations de partialité du groupe sont le reflet d’une mauvaise compréhension du rôle du Tribunal dans le jugement à porter sur sa requête. Dans le pire des cas, les allégations d’injustice, de partialité et de conflit d’intérêts de la part du Tribunal frôlent dangereusement l’abus de procédure. Tout au long des huit ans de leur requête et comme le dit leur requête en ajournement et récusation de 18 pages, le groupe a accusé EDSC et son avocate d’extorsion, de menaces, d’inconduite professionnelle et de communication détournée avec le Tribunal, et ce, à seule fin de forcer EDSC à renoncer à l’audience et à indemniser les membres du groupe conformément à l’entente de règlement.

[41] L’intimé fait en outre valoir qu’il n’y a aucun conflit d’intérêts ni réel ni appréhendé quant à mon travail d’expert-conseil auprès de RCAAN. Il s’agit d’un contrat de 2011 à 2018 avec mon entreprise, ADR Synergy Inc., et de mon rôle d’adjudicateur des demandes d’indemnisation pour sévices présentées par d’anciens élèves des pensionnats indiens. L’avocate écrit : [traduction] « Les membres [à temps partiel] du Tribunal travaillent souvent dans d’autres entreprises ou lieux de travail et continuent en même temps à exercer leurs fonctions de décideurs administratifs. » De plus, EDSC affirme que le groupe savait qu’il existait un contrat [traduction] « dès les premières années de sa requête [2016] » et n’avait pourtant pris la décision de soulever la question que le 1er novembre 2022, six ans après. Cela remet encore une fois [traduction] « en question la véracité de ces allégations de crainte de partialité à l’égard du membre du Tribunal ».

VIII. Question liée à la preuve : courriel du 4 novembre 2022

[42] Le 7 novembre 2022, M. Brenton a envoyé un courriel à Me Marchildon (avec copie au Tribunal et à la Commission) pour lui demander de supprimer un courriel (à l’intention d’un membre de son groupe) qu’il avait envoyé plus tôt par inadvertance, mais qui était parvenu accidentellement au Tribunal et aux autres parties. Me Marchildon lui avait signalé cette erreur. M. Brenton avait agi dès qu’il avait eu connaissance de la situation.

[43] Le différend tient au fait que Me Marchildon souhaitait que le Tribunal interprète la chose comme revêtant [traduction] « une grande pertinence » pour la présente requête et démontrant d’une manière préjudiciable pour les motifs du groupe que [traduction] « ses objectifs vont plus loin que l’ajournement et comprennent l’intention de forcer EDSC à recourir à la médiation pour régler sa demande d’indemnisation ». L’avocate de l’intimé soutient que cela témoigne de la mauvaise foi du groupe :

[traduction]

Cette stratégie s’inscrit dans toute une conduite adoptée par M. Goodwin qui, plutôt que d’admettre que le seul moyen de trancher la requête du groupe est de passer par une audience du Tribunal, considère qu’il y a lieu pour le groupe de continuer à chercher des moyens de contourner cette nécessité. Jusqu’à présent, le groupe a concentré ses allégations d’injustice contre EDSC et son avocate. Maintenant, il se tourne vers le Tribunal lui‑même, dans l’espoir que le délai indéfini causé par l’affectation d’un nouveau membre du Tribunal forcera de nouveau EDSC à régler la demande du groupe.

L’intimé soutient que le courriel en question ne relève pas du privilège relatif au litige.

[44] Le groupe s’est vivement opposé à ce que le Tribunal admette ce courriel en preuve pour la requête, faisant valoir que celui‑ci est protégé par le secret professionnel de l’avocat et, plus précisément, le privilège de la consultation juridique, bien que M. Brenton ne soit ni avocat ni parajuriste autorisé : voir Chancey v. Dharmadi (2007), 86 O.R. (3d) 612 (S.C.J.). Le groupe a soutenu que je ne devrais même pas le lire et que les observations écrites de l’avocate de l’intimé cernant la nature même du courriel étaient irrecevables.

[45] J’ai demandé que le courriel soit mis sous scellé le 7 novembre 2022 et, ayant examiné les observations, j’ai également prorogé l’ordonnance de cette mise sous scellé lorsque j’ai rejeté la requête en récusation et ajournement le 24 novembre, rendant cette mesure permanente, tout en ordonnant à l’intimé et à la Commission de supprimer leur copie du courriel. J’ai également jugé inutile pour moi de prendre connaissance du contenu effectif de ce courriel, même s’il m’était loisible de le faire : voir M.(A.) c. Ryan, [1997] 1 R.C.S. 157, au paragraphe 39. Je m’en suis remis aux observations des parties, et notamment à la description, la caractérisation et la définition de la nature du courriel en cause.

[46] Après avoir examiné la jurisprudence, j’ai la conviction que le courriel, quelque pertinent qu’il puisse être, est néanmoins protégé par le privilège relatif au litige. Plus précisément, la communication écrite entre M. Brenton, représentant du groupe sans être avocat, et l’un des membres de ce groupe relève de la catégorie des privilèges relatifs au litige. J’ajoute que l’arrêt phare sur ce privilège indique clairement que l’absence de qualité d’avocat de M. Brenton n’entre pas en ligne de compte : voir Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39. À la différence du secret professionnel de l’avocat, le privilège relatif au litige se forme et produit son effet même hors de toute relation avocat-client, s’appliquant sans distinction à toutes les parties à un litige, qu’elles soient représentées ou non par un avocat : voir Alberta (Treasury Branches) v. Ghermezian (1999), 242 A.R. 326, 1999 ABQB 407.

[47] J’estime que l’« évitement des litiges » comme objet du courriel, à en croire les observations de l’intimé, peut être considéré comme une « stratégie d’instance ». J’estime également qu’aucune exception au privilège ne s’applique en l’espèce et que la divulgation par inadvertance n’est pas abandon ni annulation de la protection que confère ce privilège.

IX. Analyse : les huit allégations

[48] Le groupe a énuméré huit grandes allégations. Je vais me pencher sur les principaux points et arrêter mes conclusions, mais sans m’attacher à tous les arguments en détail. J’adopte l’approche du membre Gaudreault dans la décision Constantinescu, précitée, au paragraphe 54 : « Dans un souci d’efficacité et de concision, et comme plusieurs arguments soumis ne sont pas pertinents et ne m’aident en rien à trancher cette requête en récusation, j’aborderai seulement les arguments des parties que je juge nécessaires, essentiels et pertinents aux fins de rendre une décision » (Turner c. Canada (Procureur général) [Turner], 2012 CAF 159, au para. 40). Je signale que les détails peuvent être relevés dans les nombreuses décisions (avec motifs), ordonnances et directives, les lettres résumant les conférences téléphoniques préparatoires, la correspondance du Tribunal et les observations des parties au cours des années de la présente requête pour fonctions admissibles. Tous ces éléments appartiennent au dossier officiel du Tribunal.

[49] Il convient également de noter qu’une requête en récusation pour crainte de partialité n’est pas le bon moyen pour une contestation de fait des décisions et des ordonnances antérieures du Tribunal dans la présente instance. « Elle n’a pas non plus pour objet que je justifie à nouveau les décisions que j’ai rendues. Si une partie n’est pas satisfaite d’une décision, il lui est toujours loisible de déposer une demande en contrôle judiciaire à la Cour fédérale » : voir Constantinescu, précitée, au paragraphe 76.

[50] J’ajoute qu’il importe de bien voir que même une erreur susceptible de révision ne suffit pas nécessairement à démontrer la partialité. Comme je le dis dans la présente décision, les principaux arguments du groupe dans cette requête en récusation pour partialité visent principalement les résultats de mes nombreuses décisions sur requête et autres, ordonnances et directives tout au long de cette requête pour fonctions admissibles. J’ai tenu compte des autres motifs de plainte, y compris de l’allégation relative à l’apparence de conflit d’intérêts.

[51] À noter que je formerai mes conclusions pour chacune des huit grandes allégations sous l’angle de la renonciation et aussi sur le fond. À cause de la gravité d’une telle requête en récusation pour partialité, je juge important d’analyser le bien-fondé des allégations et d’y aller de conclusions subsidiaires même dans les cas où je rejette l’allégation après avoir conclu avant tout à l’existence d’une renonciation volontaire. C’est aussi l’approche retenue dans la décision Constantinescu, précitée, au paragraphe 30.

A. Allégation no 1 : demande d’audience hybride

[52] Après avoir discuté des diverses possibilités qui s’offrent pour le lieu et le mode d’audience (en personne, par Zoom ou en mode hybride avec certains participants en personne à St. John’s et par Zoom, et le reste des témoins et des parties par Zoom), les parties se sont entendues sur une audience par Zoom seulement, à la conférence téléphonique préparatoire du 6 juin 2022. Toutefois, avant la conférence du 20 septembre 2022, M. Brenton a envoyé un courriel indiquant que le groupe souhaitait désormais que l’audience ait lieu en mode hybride (en personne et par Zoom). Au cours de cette conférence, il a été question de cette nouvelle demande. M. Brenton a dit, ce que confirme la lettre résumant cette conférence, que le mode hybride était selon lui [traduction] « le meilleur moyen pour lui de présenter sa cause ». Il a aussi évoqué des problèmes technologiques en ce qui concerne son propre ordinateur et l’utilisation du logiciel Zoom. Il a en outre demandé du matériel supplémentaire. J’ai informé les parties que, après l’apparition de la COVID (en février 2020), [traduction] « les audiences du Tribunal par Zoom avaient été la règle et non l’exception ». (En fait, au moment de mon refus de la demande faite par le groupe de passer de Zoom au mode hybride le 20 octobre 2022, toutes les audiences depuis l’apparition de la pandémie avaient été tenues par Zoom seulement, sans exception.) Je signale qu’une partie peut marquer sa préférence pour un mode technologique d’audience, mais sans avoir le droit de l’exiger, même en agissant par voie de consentement : voir Cousins v. Silbourne, 2022 ONSC 4000.

[53] L’intimé a indiqué le 11 octobre 2022 qu’il accédait à la demande du groupe. J’ai regardé par la suite les motifs et les arguments présentés de vive voix et par écrit par M. Brenton avec les facteurs énumérés dans la communication de septembre 2022 « Message de la présidente : audiences en personne et virtuelles » sur le site Web du Tribunal, message que les parties avaient reçu. Le 20 octobre 2022, j’ai rendu ma décision par écrit avec motifs. Ma lettre disait que j’étais persuadé qu’une audience équitable et accessible pouvait avoir lieu par Zoom et que le groupe ne subirait aucun préjudice.

[54] Il devait s’agir d’une audience où les parties et les témoins se répartiraient entre six fuseaux horaires, depuis Victoria, en Colombie-Britannique, jusqu’à St. John’s, à Terre-Neuve‑et‑Labrador. L’audience ne serait pas plus ou moins accessible ou équitable si tout le monde participait à distance par Zoom ou si moi, l’agente du greffe, l’avocate de l’intimé et représentante du client et M. Brenton (avec l’un de ses témoins) nous trouvions dans la même pièce et toutes les autres parties (14) ou témoins (13) à distance par Zoom. J’avais pris en considération les préoccupations d’ordre technologique de M. Brenton et son peu de familiarité avec Zoom. Mais lorsque je mettais cet aspect en balance avec les autres considérations dans ma décision, ce qui ressortait comme résultat à privilégier était de ne pas passer de Zoom au mode hybride.

[55] J’ai également demandé des mesures d’adaptation qui aideraient M. Brenton à régler certaines des difficultés qu’il avait soulevées (technologie, installation ou milieu non propice à son domicile, etc.), même s’il ne s’agissait pas d’une demande d’adaptation pour handicap au titre de la LCDP. Ainsi, j’ai demandé qu’une salle de conférences convenable dotée d’une connexion Internet Wi-Fi soit prévue à St John’s, de sorte que M. Brenton puisse assister à l’audience. J’ai aussi demandé qu’un ordinateur portable soit loué à son usage. (Il aurait aussi pu recevoir sur papier le cahier de preuve documentaire conjoint (pièces proposées) pour plus de commodité, comme je l’avais demandé pour moi‑même.) L’agente du greffe aurait été là pour l’aider (et toute autre partie ou tout autre témoin) pour les questions technologiques avant et pendant l’audience.

[56] Je n’ai pas l’intention de citer toute la décision ici; elle fait partie, bien sûr, du dossier officiel. Je tiens néanmoins à faire valoir certains points. D’abord, je sais que M. Brenton n’est pas avocat, et que c’est la première fois qu’il est représentant et partie devant le Tribunal. La représentation des parties à l’audience peut être intimidante et stressante. Toutefois, son hésitation devant une audience par Zoom semble tenir en grande partie à son peu de familiarité avec ce programme.

[57] Dans son courriel du 28 septembre 2022 au Tribunal, M. Brenton a réitéré ce qui suit : [traduction] « J’ai exposé dans cet appel mon grand motif pour faire une telle demande. L’équité et l’accessibilité de cette forme d’audience et la disponibilité de la technologie et des outils comptent parmi les raisons pour lesquelles je mets cette demande de l’avant. » Le groupe soutient également dans sa requête en récusation que le refus du Tribunal de passer en mode hybride est si sérieux et [traduction] « si contraire à [la] capacité de tenir une audience équitable [qu’il n’a] pas d’autre choix que de déposer une requête en récusation […] ». Je n’accepte pas cette dernière phrase.

[58] Au tout début, c’est‑à‑dire dès la conférence téléphonique préparatoire du 6 juin 2022, les parties avaient accepté de participer à une séance pratique sur Zoom avec le Tribunal. Cela aurait satisfait à toute préoccupation et répondu aux questions grâce à une démonstration en temps réel, y compris pour l’utilisation de documents électroniques. J’ai « connaissance d’office » que le programme ou l’application Zoom est très convivial et utilisé par des millions de personnes dans le monde, y compris par les tribunaux canadiens. L’agente du greffe, Mme Dubois, aurait agi à titre d’« hôte » de Zoom en cours d’audience, s’occupant des aspects techniques. Tout ce que M. Brenton et les autres participants auraient eu à faire est d’avoir accès à un ordinateur avec une connexion Internet et d’entrer en communication par Zoom pour la conférence. Malheureusement, au moment où nous devions fixer la date de la séance pratique, le groupe ne participait plus au processus préalable à l’audience et n’avait plus en tête que sa requête en récusation et ajournement.

[59] L’intimé fait valoir que ma décision du 20 octobre 2022 (comprenant les mesures d’assistance que j’ai ordonnées) était raisonnable et n’accréditait surtout pas une crainte raisonnable de partialité de ma part. À la lumière de mon examen de la décision du 20 octobre 2022 ainsi que des observations et de la jurisprudence présentées à l’égard de cette requête rapide, je conclus que le refus par le Tribunal de la demande faite par le groupe de passer à une audience hybride n’autorise pas une crainte raisonnable de partialité. La décision du 20 octobre était raisonnable et soupesait les divers facteurs applicables sans aucune apparence de partialité.

[60] À son plus fort, une allégation d’erreur concernant une décision du Tribunal pourrait justifier un contrôle judiciaire, sans pour autant constituer en soi une preuve de partialité, réelle ou appréhendée. Le refus du Tribunal d’engager des coûts importants (notamment en déplacements) selon la demande faite par une partie de changer le mode d’audience deux mois avant le début de l’audition d’une requête, par exemple, n’est pas une preuve de partialité. C’est d’autant plus le cas lorsque la partie demandant ce changement n’a même pas jugé bon de se servir des moyens offerts par le Tribunal pour faciliter sa participation à une audience par Zoom à laquelle les deux parties avaient déjà consenti.

B. Allégation no 2 : témoignage proposé de Me Armstrong

[61] L’allégation de partialité du groupe porte ici sur le processus de convocation de Laurence Armstrong, avocat auprès de la plupart des plaignants de l’instance Walden, en vue de témoigner de l’intention des parties jusqu’au moment inclusivement où ont eu lieu les discussions ayant débouché sur le protocole d’entente officialisé. Ce sont Me Marchildon et lui qui ont négocié ce protocole. Le groupe fait valoir que le processus de convocation de Me Armstrong autorise une crainte raisonnable de partialité de la part du Tribunal.

[62] L’intimé a comme argument à opposer que le groupe devrait être forclos s’il entend présenter cette allégation dans sa requête en récusation de 2022, [traduction] « puisque le groupe a soulevé ces questions aussi tôt qu’en 2016 et que le Tribunal s’est prononcé là‑dessus en 2018 […] ».

[63] Les questions de divulgation et l’intention de convoquer Me Armstrong ont été effectivement évoquées en 2016 par le groupe. Comme en témoignent ses observations dans la présente requête en récusation, le groupe était préoccupé et clairement en désaccord quant à mon interprétation et mon application de la définition des « fonctions admissibles » du PE dans le cadre de la décision Walden et al. c. Procureur général du Canada, 2015 TCDP 15 (décision « McIlroy » sur les fonctions admissibles). La question de la convocation de Me Armstrong avait été mentionnée dans la décision du Tribunal sur la portée de l’audience et les questions connexes : voir 2016 TCDP 19, au paragraphe 29.

[64] J’ai indiqué en 2016 et par la suite que je m’interrogeais sur la nécessité de convoquer Me Armstrong (ou au demeurant Me Marchildon comme autre personne ayant négocié le PE). J’ai invité les parties à tenter de parvenir à une solution sous forme d’exposé conjoint des faits, de demande commune produite pour qu’une conclusion défavorable ne soit pas tirée, etc. Les parties ont fini par conclure une entente en 2022 et le nom de Me Armstrong a été retiré de la liste des témoins par le groupe.

[65] En 2018, le groupe désirait toujours que Me Armstrong témoigne. La Commission (qui participait alors aux conférences téléphoniques préparatoires) et l’intimé étaient tous deux d’avis que ce témoignage comporterait des communications relevant du privilège relatif aux règlements, ce qui exigerait que toutes les parties à l’instance Walden (et non les seules parties représentées par Me Armstrong) en soient avisées et aient la possibilité de présenter des observations sur la requête en disant si elles renoncent ou non au privilège relatif aux règlements et si celui‑ci devrait être levé. (La Commission et l’intimé ont dit ne pas renoncer au privilège).

[66] Dans ma décision sur requête 2018 TCDP 20, j’ai demandé au groupe aux paragraphes 35 et 36 de signifier à toutes les parties et à Me Armstrong son avis de requête en vue de faire lever le privilège relatif aux règlements et de permettre à celui‑ci de témoigner sur les questions visées à l’audience pour fonctions admissibles. Ma décision et l’ordonnance qui l’accompagne sont des plus claires. Le Tribunal écrit au paragraphe 37 : « Si le groupe Goodwin souhaite procéder, le Tribunal donnera une directive concernant les “prochaines étapes” à suivre et traitant des considérations d’ordre logistique qu’implique un groupe aussi important ».

[67] Le groupe ne s’était pas réuni à la date limite du 13 juillet 2018 que fixait l’ordonnance pour faire savoir au Tribunal s’il recherchait une citation à comparaître pour contraindre Me Armstrong et aller de l’avant avec sa requête en production d’une des lettres en litige. Le Tribunal a notamment écrit ce qui suit aux parties le 20 juillet 2018 :

[TRADUCTION]

Il va sans dire que toute demande de modification d’une ordonnance en prorogation ou autre devrait se faire avant toute date limite.

[…]

Mon ordonnance ne précisait aucune condition (pour que l’intimé dise s’il souhaite participer à une médiation du Tribunal avant que le groupe Goodwin n’indique s’il entend continuer avec sa requête en production et comparution).

[…]

Par conséquent, j’aimerais convoquer une conférence téléphonique préparatoire la semaine prochaine, si possible, pour traiter des questions soulevées au paragraphe 37 de ma décision du 29 juin (admission, exposé conjoint des faits et/ou demande commune; protocole pour les « prochaines étapes » si la requête en production et comparution va de l’avant).

[68] Le groupe a confirmé par écrit le 25 juillet 2018 qu’il avait toujours l’intention de faire témoigner Me Armstrong. La lettre du Tribunal aux parties le jour suivant relève un passage de la lettre du groupe : [traduction] « […] le groupe Goodwin n’acceptera pas d’assister à une conférence tant que l’intimé n’aura pas répondu à l’offre de services de médiation du TCDP […] » Me Marchildon a indiqué le 4 septembre 2018 que [traduction] « EDSC avait informé qu’il ne voulait pas faire usage des services de médiation du Tribunal. J’ai avisé M. Goodwin et Mme Ladouceur de ce fait et de la raison dans un courriel distinct à leur adresse ».

[69] Si le groupe a mentionné le 25 juillet 2018 toujours souhaiter convoquer Me Armstrong, il a continué par la suite à refuser de communiquer des dates de disponibilité pour une conférence téléphonique. Aucune conférence n’a donc été organisée et une directive pour les « prochaines étapes » a été produite, puisque l’audience pour fonctions admissibles qui devait débuter le 5 novembre 2018 était ajournée sine die (sans date fixée de reprise) pour raisons médicales le 17 octobre 2018 (les motifs détaillés ont été donnés le 18 février 2019).

[70] Il ressort de ce qui précède que, si le groupe pouvait avoir ignoré de quoi se composaient au juste les « prochaines étapes » dans le processus visant à contraindre Me Armstrong à témoigner dans le cadre de la décision 2018 TCDP 20, il savait ou aurait raisonnablement dû savoir que l’avis devait être signifié à tous les plaignants de l’instance Walden, à la Commission, à l’intimé et à Me Armstrong. Rien n’indiquait que, en dehors du groupe, quelqu’un aurait pour responsabilité de consacrer du temps et des frais à la chose.

[71] Par souci d’équité cependant pour le groupe et dans le sens même de ses observations aux présentes, ses principales contestations portent sur le processus de convocation de Me Armstrong et sur les exigences précises et détaillées, ce qui comprend les étapes et les délais, ainsi que les ressources à y affecter (temps et frais). Et le protocole des « prochaines étapes » n’a pas été arrêté par le menu avant la conférence préparatoire du 20 septembre 2022. Le gros du temps consacré aux points à l’ordre du jour est allé aux points no 2 [traduction] « Témoignage proposé de Me Armstrong » et no 3 « Questions logistiques/prochaines étapes/délais de l’avis de requête ». J’ai bien précisé une fois de plus que le Tribunal n’avait pas pour rôle de signifier l’avis de requête d’une partie avec les documents connexes. J’ai également encouragé les parties à s’exprimer et à voir si elles pourraient trouver une solution de rechange n’exigeant pas le témoignage de Me Armstrong, ce sur quoi les parties ont fini par s’entendre. De plus, j’ai passé en revue les exigences de la décision sur requête 2018 TCDP 20.

[72] Les délais fixés étaient brefs, puisque l’audience devait débuter deux mois après, soit le 21 novembre 2022 (la date a ensuite été reportée au 28 novembre 2022). Les délais étaient courts, mais pouvaient être respectés à mon avis. La première échéance était le 30 septembre 2022 et la dernière, le 7 novembre suivant. La décision du Tribunal quant à la question de savoir si le privilège relatif aux règlements serait levé ou non devait être rendue avant le début de l’audience. (Le 7 octobre 2022, le Tribunal a accédé à deux demandes de prorogation du groupe. La nouvelle date limite devait être le 14 novembre 2022 pour les observations en réplique.) Le groupe a déclaré que c’était injuste, mais il n’a jamais accusé le Tribunal de partialité ni dit craindre la partialité à cet égard jusqu’à l’envoi de l’« Appel à la présidente » le 1er novembre 2022.

[73] D’après ce qui précède, je conclus que le principe de renonciation ne s’applique pas ici. Y allant d’une interprétation généreuse et libérale, j’estime que le groupe ignorait ce qu’étaient au juste les besoins logistiques, et plus particulièrement les délais à respecter, jusqu’à la conférence téléphonique du 20 septembre 2022, bien qu’ayant su tôt à qui l’avis de requête devait être signifié. Il a pris un peu plus d’un mois avant de brandir le spectre de la partialité dans ce cas le 1er novembre 2022 et ensuite dans le courriel du 6 novembre 2022 constituant officiellement la requête en récusation à mon endroit. Il convient de noter que le groupe a attendu après la décision de refus par le Tribunal d’une audience hybride le 20 octobre 2022 pour produire sa requête en récusation, ce refus ayant catalysé ou déclenché sa requête.

[74] Pour ce qui est de la question du processus de réception du témoignage de Me Armstrong et de la question de savoir si elle autorise sur le fond une crainte de partialité, mon avis est qu’elle ne le démontre pas. La décision était raisonnable, tout comme le protocole des « prochaines étapes ». La question du témoignage de Me Armstrong avait été soulevée en 2016, tranchée en 2018 et reprise en 2022. Les délais imposés relativement à la convocation de l’intéressé convenaient dans les circonstances si nous considérons que le groupe avait confirmé en septembre 2022 toujours désirer convoquer celui‑ci à l’audience prévue pour novembre suivant. Que les délais aient été comprimés et qu’il ait fallu beaucoup de travail à M. Brenton pour s’y conformer, il y a là uniquement la conséquence de la période qui s’offrait de septembre à novembre, et non d’une injustice ou d’une partialité de la part du Tribunal. En fait, le Tribunal a tenté de faciliter le processus en fournissant des coordonnées utiles et en suggérant une formulation au groupe. Que le Tribunal n’ait pas assumé la responsabilité pour le groupe de donner un avis approprié ne peut constituer le fondement de l’acceptation d’une requête en partialité. J’en conclus que le groupe n’a pas satisfait au critère exigeant relatif à l’établissement d’une crainte de partialité selon cette allégation.

C. Allégation no 3 : document des GCRP relevant du privilège relatif aux règlements et manque de réponse aux allégations contre l’intimé

[75] Le groupe combine ici deux allégations liées dans le temps.

[76] Dans ma décision 2016 TCDP 19 du 22 novembre 2016, j’ai demandé le dépôt de par le groupe d’« [un] tableau indiquant les réparations précises demandées (indemnisation et reclassification) et les montants (s’ils sont connus) ainsi que la période visée par la demande, pour chacun des seize membres du groupe Goodwin, y compris laquelle des trois catégories de fonctions admissibles le membre invoque au titre du PE ». L’avocat du groupe à l’époque, Jean‑Rodrigue Yoboua, a déposé un tableau des réparations le 6 février 2017. Il a par la suite produit à ma demande, le 8 septembre 2017, un tableau révisé plus détaillé, soit le tableau des réparations de septembre 2017 (le « tableau de septembre »), sous forme de feuille de calcul. Le tableau de septembre s’est avéré utile.

[77] Selon les allégations, j’aurais indûment regardé un document semblable, le tableau des réparations en règlement « sous toutes réserves » d’octobre 2017 (le « tableau d’octobre »), également sous forme de feuille de calcul, lequel faisait état du montant demandé pour chaque type d’indemnisation et pour chacun des membres du groupe. Le document devait servir à une discussion à des fins de règlement. Le tableau d’octobre et d’autres communications privilégiées entre les parties (dans le cadre des discussions ou des négociations antérieures de règlement entre le groupe et l’intimé) ont été envoyés intentionnellement au Tribunal par le groupe en mai 2018. Ils résumaient les allégations du groupe selon lesquelles l’intimé et son avocate principale s’étaient livrés à des [traduction] « tromperies », à une « conduite contraire à l’éthique » et à des négociations de règlement « de mauvaise foi ». Selon ces mêmes pièces, il y avait eu [traduction] « tentative d’extorsion par EDSC » contre l’un des membres par la menace de retenir des sommes du règlement Walden. Le groupe a fourni des documents (propositions de règlement et courriels avec l’intimé, dont le courriel de menaces alléguées à Mme Ladouceur et la correspondance du groupe avec les ministres de la Justice et d’EDSC et le Barreau de l’Ontario). Le groupe demandait que j’intervienne [traduction] « pour protéger » ses membres contre les actions de l’intimé et de son avocate et pour qu’une enquête se tienne sur leurs agissements.

[78] L’avocate de l’intimé s’est opposée à ce que je consulte ces documents privilégiés. Après avoir examiné les observations des deux parties, j’ai décidé de ne pas regarder lesdits documents, dont le tableau d’octobre, et j’en ai fait part aux parties par lettre du greffe le 29 juin 2018. Mes motifs étaient que le Tribunal ne surveille pas les discussions de règlement entre les parties, qu’il n’y est pas lui‑même partie et que, au reste, ma compétence se trouve limitée par l’ordonnance sur consentement à l’interprétation et la mise en œuvre du PE et, après l’échéance du 31 mars 2015, aux questions et requêtes qui subsisteraient. S’il y avait à cet égard une plainte distincte pour représailles, par exemple, au titre de la LCDP, la partie lésée devait déposer une nouvelle plainte auprès de la Commission. (Une demande pour sept incidents de représailles alléguées (antérieurs à ceux de mai 2018) par EDSC contre le groupe ayant présenté la requête pour fonctions admissibles au Tribunal avait d’abord été lancée par M. Goodwin à l’occasion d’une conférence téléphonique préparatoire tenue en février 2016. J’avais avisé les parties que le groupe aurait à déposer un avis de requête, notamment sur la question de la compétence. M. Goodwin avait indiqué le 26 avril 2016 que le groupe déposerait plutôt une plainte pour représailles auprès de la Commission.)) J’ai bel et bien offert aux parties les services de médiation d’un membre du Tribunal pour les aider à parvenir à un règlement, et avec la possibilité en plus de s’occuper des questions et des agissements qui précèdent. Le groupe, dont Mme Ladouceur, a opté pour d’autres recours ou réparations (en s’adressant aux deux ministres de la Couronne et au Barreau de l’Ontario).

[79] À ce stade, je n’avais jeté de coup d’œil sur aucun des documents en question, dont le tableau d’octobre. Passons à la conférence téléphonique préparatoire du 11 mars 2022. (À la conférence précédente du 21 janvier 2022, la suspension avait été levée.) Pour aider le nouveau représentant en instance de confirmation, M. Brenton, à [traduction] « se mettre au courant » de ce dossier volumineux, le Tribunal a offert de rendre disponibles l’ensemble du dossier et celui de la requête semblable pour fonctions admissibles de l’autre GCRP retraitée. Il incombait, bien sûr, à M. Brenton de passer en revue les pièces au dossier avec le groupe et de communiquer avec l’agente du greffe pour recevoir les documents désirés. (En temps normal, le représentant de la partie qui l’avait précédé aurait eu à lui transmettre le dossier.) Pour aussi aider, le Tribunal s’est engagé à préparer un recueil en PDF des [traduction] « principaux documents » à l’intention des parties. Il ne s’agissait pas d’une liste exhaustive, le but étant de prêter un soutien aux parties. L’agente du greffe a passé beaucoup de temps à créer ce fichier PDF et elle m’a consulté sur son contenu.

[80] Malheureusement, l’agente du greffe avait de bonne foi inclus le tableau d’octobre par erreur dans le fichier PDF des principaux documents au lieu du tableau de septembre. Je n’avais pas relevé l’erreur lorsque j’avais examiné la section/case 9 (demande de Mme Ladouceur) de ce document en juin 2022 en préparation de la conférence du 6 juin sur la question à l’ordre du jour de l’éventuelle confirmation ou révision par le groupe de son tableau des réparations. (J’avais supposé que ce que j’avais sous les yeux était le tableau de septembre « sous toutes réserves ».) Cela dit, j’avais seulement regardé la section/case 9 du tableau d’octobre parce que je prévoyais (et que je devais effectivement) demander à M. Brenton de communiquer avec Mme Ladouceur au sujet de sa requête initiale et distincte pour fonctions admissibles, désirant savoir si elle allait reporter tout élément de cette requête sur sa demande à titre de membre du groupe.

[81] Le Tribunal et les parties n’ont pas constaté l’erreur commise par inadvertance. Ce n’est que le 27 septembre 2022 que le groupe a demandé par écrit au Tribunal si j’avais réellement vu le tableau d’octobre et me souciais de tout effet tenant à ce que le Tribunal ait été le premier à avoir connaissance de l’erreur. (L’erreur a par la suite été corrigée lorsque le tableau d’octobre a été retiré et remplacé par le tableau de septembre dans le fichier PDF des « principaux documents » par l’agente du greffe suivant mes instructions.) La demande et la préoccupation du groupe étaient légitimes. À ce jour, la demande est restée sans réponse. La présente décision est ma première réponse à cette demande. Je juge rétrospectivement que j’aurais dû répondre bien plus tôt. Selon ma réflexion le jour du 27 septembre 2022, j’avais à inscrire ce point à l’ordre du jour de la toute prochaine conférence téléphonique, celle du 24 octobre 2022. En fait, il a figuré comme point no 6 ([traduction] « Tableau des réparations; question du privilège relatif aux règlements »). Cette conférence a été reportée au 3 novembre 2022. Malheureusement à cette occasion, M. Brenton a fait reporter la séance. Il consentait à discuter du récent « Appel à la présidente » du groupe et de la demande en cours, la requête en récusation et ajournement d’audience. J’ai fixé des dates limites de dépôt pour cette requête, puis j’ai accédé à la demande de report du reste des points à l’ordre du jour (dont le point 6) à une conférence ultérieure, le 7 novembre 2022. Toutes les parties acceptaient d’y assister. Toutefois, le dimanche soir précédant la conférence du lendemain matin, M. Brenton envoyait au Tribunal un courriel pour annoncer qu’il n’y assisterait pas. Hélas, je n’ai jamais eu l’occasion d’expliquer jusqu’à présent ce qui s’était passé avec le tableau d’octobre.

[82] Si à cette conférence il y avait eu discussion sur le fait que j’aie vu le tableau d’octobre (et plus précisément, la section/case 9 seulement), j’aurais fait savoir que les parties n’avaient subi aucun préjudice. En ce qui concerne la requête du groupe pour fonctions admissibles, les membres du Tribunal ont comme moi le droit de regarder les documents privilégiés et de voir, par exemple, si effectivement ils relèvent d’un privilège. C’est ce que j’ai fait sans opposition, par exemple, dans ma décision 2018 TCDP 20 sur la requête en divulgation. Je fais remarquer que le tableau d’octobre est celui‑là même (comme partie d’un ensemble de documents « sous toutes réserves » ou privilégiés) que le groupe avait déposé au Tribunal en mai 2018 pour que je le lise, et ce, contre le gré de l’intimé.

[83] Pour ce qui est des deux volets de l’allégation no 3, je conclus que le principe de la renonciation ne s’applique pas au fait que j’aie lu par inadvertance la section/case 9 du tableau d’octobre, car le groupe n’avait pas une vue d’ensemble et ne connaissait pas jusqu’à présent l’explication du Tribunal. Sur le fond, j’estime que ce que j’ai pu faire par inadvertance n’autorise pas une crainte raisonnable de partialité.

[84] Pour ce qui est de l’allégation liée dans les faits quant à l’absence de réponse du Tribunal à la demande d’enquête sur la conduite de l’intimé et de son avocate en contexte de règlement, je conclus qu’il y a renonciation volontaire. Le groupe était au fait de ma réponse par écrit avec motifs du 29 juin 2018. S’il avait alors jugé que ma réponse était si lacunaire qu’elle autorisait une crainte de partialité réelle ou apparente, il était tenu, conformément à de vieux principes reconnus en common law, de présenter une requête en récusation pour partialité le plus tôt possible ou à la première occasion, mais sûrement bien plus tôt qu’en novembre 2022, soit plus de quatre ans après. Au plus tard, il aurait dû produire son allégation de partialité très peu de temps après avoir été avisé de la bonne procédure pour soulever de telles questions dans la lettre du 4 octobre 2021 du Tribunal répondant à la lettre de « démission » de M. Goodwin.

[85] À titre subsidiaire, je juge que, sur le fond, ce qu’affirme le groupe à propos de la façon dont j’ai traité sa plainte contre l’intimé et son avocate n’établit pas une crainte raisonnable de partialité. Les motifs que j’ai donnés à l’époque, que je résume plus haut et qui figurent dans la correspondance du 29 juin 2018 du Tribunal, étaient raisonnables et dénués de tout parti pris à l’endroit du groupe. Il n’y a rien qui donne à penser à l’existence de la partialité mis à part l’opposition du groupe à la décision du Tribunal.

D. Allégation no 4 : gestion des dates limites récentes de l’intimé pour la liste des témoins et les résumés des témoignages prévus

[86] Cette allégation du groupe porte sur mon annulation le 24 octobre 2022 [traduction] « au dernier moment » qui a causé de « grands inconvénients » aux membres du groupe prévoyant assister à la conférence téléphonique préparatoire. Le groupe rapproche ma réaction d’un événement ayant eu lieu en juillet 2018. La conférence téléphonique du 24 octobre 2022 devait porter sur des questions relatives à la gestion d’instance préalable à l’audience du 21 novembre 2022. Deux des points à l’ordre du jour étaient les listes de témoins et les résumés des témoignages prévus des parties avec toute modification. Le Tribunal disposait de la documentation finale du groupe dans ces deux cas, mais l’intimé avait manqué son échéance. J’ai vérifié mon compte de courriels du Tribunal le dimanche soir et le lundi matin (le 24 octobre). Comme je ne voulais pas couper la conférence en deux, j’ai décidé, au cas où les documents ne seraient toujours pas là le lundi matin, d’ajourner la conférence le dimanche soir et de fixer une nouvelle date une fois que l’intimé aurait fourni les documents manquants.

[87] Je comprends les inconvénients qui ont été causés. Cependant, je voulais que le groupe et moi ayons ces documents et les traitions avec les autres points à l’ordre du jour en une seule conférence, compte tenu surtout de l’imminence de l’audience à tenir. Je reconnais ne pas avoir cherché à connaître la position des parties. J’étais bousculé (n’ayant que quelques heures). Me Marchildon s’est excusée par écrit de ne pas avoir respecté la date limite et a donné une explication le 24 octobre 2022. Le Tribunal a fixé une nouvelle date pour la conférence téléphonique, mais une semaine après le groupe envoyait son « Appel à la présidente », après quoi l’optique pour le groupe devenait la requête en récusation et ajournement d’audience du 21 novembre 2022. Je crois que c’est la seule fois dans l’histoire de cette affaire qu’une conférence ait été annulée à si bref délai.

[88] Dans ses observations relatives à la requête pour récusation, le groupe va jusqu’à déclarer : [traduction] « Lorsque nous regardons la suite des événements et des courriels, il nous paraît possible qu’il y ait eu une communication détournée entre le membre et l’intimé ». Le Tribunal a répondu par écrit qu’il n’y avait pas eu de communication ex parte entre l’intimé et moi. Le groupe a encore écrit : [traduction] « […] il nous est difficile de ne pas conclure que cette annulation visait davantage à épargner à l’intimé l’embarras pour son avocate sur son manque de communication au sujet des retards d’information sur les témoins ». C’était là une conclusion étrange (et fausse) à tirer pour le groupe.

[89] Je remarque que la seule communication ex parte qui ait été faite l’a été par le groupe tout au long de cette instance. Le résultat est que l’agente du greffe a eu à plusieurs occasions à transmettre la correspondance du groupe aux autres parties. À plus d’une occasion, l’intimé m’a demandé de rappeler au groupe son devoir d’acheminer les communications avec le Tribunal vers les autres parties. Et c’est ce que j’ai réitéré en précisant que la seule exception visait les questions administratives mineures. (Voir, par exemple, la page 2 de la lettre du 24 mars 2016 résumant une conférence téléphonique préparatoire.)

[90] Voici un extrait de ce qu’a écrit le Tribunal aux parties le 26 octobre 2022 : [traduction] « Le Tribunal fait observer que la demande de prorogation [de Me Marchildon] est intervenue après que l’échéance du 21 octobre 2022 a été manquée » [italique dans l’original]. Le groupe rapproche ce message d’un moment où [traduction] « […] le membre a choisi d’admonester M. Goodwin dans sa lettre à toutes les parties ». Il s’agissait de la lettre du 20 juillet 2018 du Tribunal traitant du non-respect par le groupe de l’ordonnance no 3 de la décision sur requête 2018 TCDP 20. Cette lettre indiquait notamment que [traduction] « [l]e groupe Goodwin [des GCRP] n’a pas respecté l’échéance du 13 juillet 2018 fixée dans la décision et l’ordonnance du 29 juin 2018. Il va sans dire que toute demande de modification d’une ordonnance en prorogation ou autre devrait se faire avant toute date limite ». Dans sa réponse de 2018, le Tribunal n’a pas employé l’italique ni le soulignement, comme il l’avait fait dans sa lettre de 2022, à l’intention des parties pour l’échéance manquée par l’intimé. Je ne peux souscrire à l’observation du groupe, selon laquelle [traduction] « [i]l ressort des actions du membre Garfield dans les deux exemples qui précèdent qu’il existe des règles strictes et rigides qui exigent une réponse publique immédiate au plaignant même s’il n’y a pas d’incidence du tout sur les parties et que, dans le cas de l’intimé, il y a des règles différentes et plus souples n’exigeant guère de l’intimé qu’il produise une réponse publique en dépit de tout effet négatif sur les parties ».

[91] Le Tribunal a accepté la [traduction] « demande tardive » de l’avocate de l’intimé sollicitant une prorogation pour déposer ses renseignements sur les témoins. Le groupe dit également : [traduction] « En acceptant une demande tardive de prorogation, le membre Garfield fait preuve de favoritisme envers une partie par rapport à l’autre, et ce, sans même s’enquérir de notre position ». Il n’y a pas eu de favoritisme ici. Je signale que, tout au long de l’instance, j’ai accédé à plus de demandes de prorogation ou de report pour le groupe que pour l’intimé. Ce n’est toutefois révélateur de rien de négatif, car chaque demande, requête, opposition, etc., se tranche selon son bien-fondé. Si une partie présente dix demandes ou requêtes valables, les dix devraient être acceptées. Ce n’est pas une question de chiffres. Le juge ou l’arbitre évalue chaque demande sur le fond et au cas par cas.

[92] J’estime que le principe de renonciation ne s’applique pas ici, car le fait principal (annulation de la conférence téléphonique préparatoire du 24 octobre 2022) a eu lieu vers la fin d’octobre 2022 et le groupe a donc mis un temps raisonnable à soulever la question dans son « Appel à la présidente » du 1er novembre et dans ses observations principales pour le document de requête en récusation. Sur le fond, je conclus, d’après ce qui précède, que l’allégation no 4 ne satisfait pas au critère exigeant relatif à la crainte de partialité.

E. Allégation no 5 : demandes de divulgation

[93] Le groupe allègue que j’ai refusé la « grande majorité » de leurs requêtes et demandes en divulgation de 2014 à 2018, ce qui dénote une tendance à la partialité à son égard. Un des exemples mis en lumière est celui de la [traduction] « Décision Walden du TCDP, Aperçu des décisions du TCDP sur les évaluateurs médicaux et Lignes directrices pour le traitement du règlement » de mai 2013 (les « Lignes directrices »). Le groupe avait reçu ces lignes directrices une fois caviardées et dépouillées de leurs annexes à la suite d’une demande d’accès à l’information et de protection des renseignements personnels (la « demande d’accès »), et non par les soins de l’intimé pendant l’étape de divulgation/production de l’instance. Le groupe a demandé le document complet hors de tout caviardage. J’ai accédé à sa demande en partie : voir la décision sur requête 2018 TCDP 20. (La question des Lignes directrices et du pourquoi de leur non‑divulgation par l’intimé a été traitée à une conférence téléphonique préparatoire en 2017 que résume une lettre datée du 20 octobre de la même année.)

[94] Le groupe soutient que c’est là l’illustration du parti pris qui était le mien à l’étape de la divulgation de l’instance. L’intimé s’était opposé à cette demande. Le Tribunal écrit au paragraphe 12 de la décision 2018 TCDP 20 :

L’intimé invoque l’absence de pertinence potentielle pour justifier la suppression de certains passages et le refus de produire certains documents dans leur intégrité, et il revendique un privilège pour d’autres. D’ailleurs, Me Marchildon se demande même si les lignes directrices sont potentiellement pertinentes, mais il s’agit là d’une question théorique, compte tenu de ce que l’intimé a déjà produit dans le cadre de sa réponse à la demande d’accès. La Commission estime que certains documents et certaines parties d’entre eux sont protégés par le secret professionnel de l’avocat et que ce privilège devrait être « jalousement protégé » par le Tribunal. Le groupe Goodwin soutient que les lignes directrices et les annexes sont potentiellement pertinentes et qu’EDSC a renoncé à toute revendication de privilège en répondant à la demande d’accès.

[95] Dans ladite décision, j’ai conclu que les Lignes directrices étaient potentiellement pertinentes (« ou, du moins, des parties de celles-ci ») et, ayant tranché la question du privilège, j’ai ordonné à l’intimé de fournir immédiatement au groupe les deux courriels non caviardés dans la mesure indiquée par la décision, ainsi que l’annexe B non expurgée. J’ai également ordonné la levée du scellé sur l’une des deux lettres en question et demandé que copie de ce document et la lettre d’accompagnement soient remises au groupe par le greffe du Tribunal.

[96] J’ai examiné les lettres résumant les conférences téléphoniques préparatoires et le reste de la correspondance du Tribunal, ainsi que les décisions avec motifs qui ont été produites au sujet d’un grand nombre de requêtes en divulgation faites par le groupe de 2014 à 2018. Il est vrai que la majorité de ces requêtes et demandes ont été refusées. Chacune a été tranchée selon son bien-fondé et des motifs ont été présentés (de vive voix et par écrit) dans tous les cas. Le groupe va encore plus loin : [traduction] « Nous soutenons que cette requête pourrait avoir trouvé sa solution il y a des années si un plus grand nombre de nos demandes de divulgation avaient été appuyées par le membre ». Cette affirmation est, bien sûr, hautement hypothétique, mais on se trouve à passer à côté de la question. Le groupe a eu gain de cause ou non dans ses requêtes en divulgation (et autres) selon le bien-fondé de chaque demande.

[97] Sur la question de la renonciation, je juge que le principe de l’abandon s’applique ici. Voici ce qu’écrit le groupe dans ses observations en réplique : [traduction] « Comme il a été indiqué [au sujet des demandes de divulgation refusées de 2014 à 2018], peu après que ces questions ont été soulevées auprès du Tribunal, l’AFPC nous a assigné un avocat, et celui‑ci n’a pas voulu aller plus loin avec nos préoccupations, préférant s’attacher à l’audience à venir comme cible ». Le groupe ne mentionne pas les dates auxquelles il a discuté de ces questions ou préoccupations de partialité avec son avocat, mais le dossier du Tribunal indique que Me Yoboua a représenté le groupe de septembre 2016 à mai 2017.

[98] Dans la citation qui précède, le groupe précise « peu après que ces questions ont été soulevées auprès du Tribunal », mais j’ignore ce qu’il entend par là. Mon examen du dossier et mes notes ne montrent pas que le groupe ait présenté quelque d’allégation de partialité du Tribunal avant le courriel de « démission » de M. Goodwin du 22 septembre 2021. Une recherche informatique sur les mots « partialité » et « conflit d’intérêts » révèle que c’est M. Goodwin qui en a fait mention pour la première fois, à l’encontre de la représentante du client et d’un témoin de l’intimé, lors d’une conférence téléphonique en 2016, comme en fait état la lettre du 24 mars 2016 résumant cette conférence. La première occurrence du mot « partialité » invoqué contre le Tribunal figure dans la lettre du 4 octobre 2021 de ce dernier en réponse au courriel de « démission » du 22 septembre précédent où M. Goodwin soulevait la question d’une partialité de fait. Une recherche informatisée sur les termes « partialité » et « conflit d’intérêts » montre que ces termes ont d’abord été expressément employés par le groupe à l’égard du Tribunal dans son « Appel à la présidente » du 1er novembre 2022.

[99] Je me range à l’observation de l’intimé pour qui le principe de la renonciation s’applique ici. Le groupe a discuté de ses [traduction] « préoccupations » avec son avocat en 2016 et 2017. Par ce même avocat, il aurait dû avoir soulevé la question de la partialité à ce moment‑là devant le Tribunal et avoir produit une requête en récusation. À titre subsidiaire et sur le fond, comme il a été mentionné, je conclus que le groupe n’a pas satisfait au critère exigeant relatif à l’établissement d’une crainte de partialité.

F. Allégation no 6 : intimé non responsable de la retenue de documents pertinents; documentation pertinente incomplète fournie par le Tribunal

[100] Cette allégation semble reposer sur le fait que le Tribunal n’ait pas considéré l’intimé comme responsable de la retenue de documents pertinents à l’étape de la divulgation, tout comme sur le fait que le Tribunal n’ait pas fourni une documentation complète. Le groupe s’attache aux Lignes directrices de l’allégation no 5 plus haut, ainsi qu’à l’exposé conjoint des faits dans le dossier de l’autre requête pour fonctions admissibles de la GCRP retraitée.

[101] Quant aux Lignes directrices, j’en parle à propos de l’allégation no 5. J’ai effectivement demandé à l’intimé à la conférence téléphonique préparatoire pourquoi elles n’avaient pas été communiquées. J’ai tranché la question dans ma décision 2018 TCDP 20 en concluant que le document était potentiellement pertinent (dans certaines de ses parties) et en demandant qu’il soit produit en partie. En ce qui concerne la « responsabilité », il était loisible au groupe de contre-interroger là‑dessus les témoins d’intérêt d’EDSC à l’audience, tout comme de présenter ses arguments dans ses observations finales en demandant notamment au Tribunal de tirer des conclusions défavorables à l’intimé.

[102] Pour ce qui est des deux exposés conjoints des faits, il y avait eu correspondance entre l’agente du greffe, M. Brenton et Me Marchildon au sujet d’un ou de plusieurs exposés dans l’autre dossier de la GCRP retraitée pour tenter de clarifier et de résoudre le problème. Je crois savoir que le Tribunal n’a reçu qu’une ébauche sans signature d’exposé conjoint des faits le 4 juin 2021. À la question de savoir pourquoi cet exposé ne figurait pas dans le fichier PDF des principaux documents, la réponse est que seule la table des matières du cahier de preuve documentaire conjoint (pièces proposées) du dossier de l’autre requête pour fonctions admissibles de la GCRP retraitée avait été incluse. Mes notes indiquent que l’exposé conjoint des faits figurait sur la liste pour la confirmation d’une solution trouvée à l’occasion de la conférence téléphonique du 24 octobre 2022, laquelle a été annulée et reportée. Comme il a été indiqué, cette question et les autres questions finales de gestion d’instance préalable à l’audience du 21 novembre 2022 n’ont jamais été discutées, car le groupe avait choisi le 1er novembre précédent de s’engager sur l’autre voie d’une requête en récusation et ajournement.

[103] Comme il a été indiqué, la pratique voulait que le représentant qui quitte ses fonctions transmette le dossier complet à son successeur. (Et M. Goodwin et Mme Ladouceur étaient là, avec les autres membres du groupe, pour seconder M. Brenton.) Il reste que, pour aider ce dernier, nous avons créé un fichier PDF des principaux documents qui a été remis à toutes les parties. Toutefois, il a été dit à M. Brenton qu’il lui incombait de communiquer avec l’agente du greffe pour obtenir tout document nécessaire (dans le dossier du groupe et celui de l’autre GCRP retraitée) ou de prendre ses dispositions pour parcourir la teneur des dossiers. L’agente du greffe a été fort serviable et, tout au long du mandat de représentation de M. Brenton, elle est restée en contact avec lui au téléphone et par voie électronique. M. Brenton a fait plusieurs demandes de documents et a reçu cette documentation. Que ces efforts importants – voire exceptionnels – n’aient pas été parfaits n’autorise guère à conclure que le Tribunal a été partial.

[104] Sur la question de la renonciation, je porte le même jugement d’applicabilité quant aux Lignes directrices (dans l’allégation no 5 plus haut). Et sur le fond, j’affirme qu’aucun des cas énumérés par le groupe dans l’allégation no 6, qu’il s’agisse des Lignes directrices, des exposés conjoints des faits, du fichier PDF des principaux documents ou d’autre chose, n’autorise de quelque manière une crainte raisonnable de partialité.

G. Allégation no 7 : refus de tenir une audience sur pièces

[105] Ce qui est allégué ici, c’est que mon refus de la demande faite par le groupe en vue d’une instruction par écrit de sa requête plutôt que par la tenue d’une audience suscite une crainte raisonnable de partialité.

[106] La question a d’abord été soulevée et tranchée par moi dans la conférence téléphonique préparatoire du 15 décembre 2014, où le groupe était représenté par un avocat. J’ai entendu les observations des parties. L’intimé s’opposait à la demande, ne désirant pas renoncer à son droit de contre-interroger. La Commission n’a présenté aucune observation sur la forme de l’instruction de la requête. Au reçu des observations, j’ai opté pour une audience sur la requête pour fonctions admissibles et j’ai exposé mes motifs de vive voix avant de les mettre par écrit dans la lettre résumant la conférence téléphonique en question. Je devais tirer des conclusions de fait et de droit, notamment en ce qui concerne les faits contestés. La fiabilité de la preuve militait de même en faveur d’une audience.

[107] Je remarque que la question a été reprise pendant l’instance et j’ai invariablement indiqué ne pas être prêt à retirer à une partie son droit de contre-interroger pour ce qui est des témoignages sur les faits et des nombreuses pièces susceptibles d’être produites. (En novembre 2022, l’ébauche du cahier de preuve documentaire conjoint comptait moins de 300 pièces proposées.)

[108] Si le groupe a toujours voulu une instruction de la requête sur pièces, tel n’a pas été le cas pour l’intimé. J’ai effectivement rappelé aux parties à plusieurs reprises que j’étais disposé à examiner les moyens permettant de simplifier et d’accélérer le processus d’audience, et autoriser notamment les déclarations tenant lieu d’interrogatoire principal. Ayant présidé l’audience pour la seule instruction d’une requête sur fonctions admissibles qui ait eu lieu, l’instance McIlroy (2015 TCDP 15), je voyais l’avantage d’une audience avec contre-interrogatoire. L’audience en question avait compté moins de témoins et de documents que n’en aurait l’instruction de la requête du groupe. Cela dit, si l’intimé et donc toutes les parties avaient renoncé à leur droit de contre-interroger et s’étaient entendus sur la tenue d’une audience sur pièces, j’y aurais consenti.

[109] J’estime que le principe de la renonciation volontaire s’applique ici. Si le groupe a jugé que mon refus de sa demande visant la tenue d’une audience sur pièces suscitait une crainte de partialité, il était représenté par un avocat à la conférence téléphonique de décembre 2014 où la décision a été rendue, et il disposait aussi d’un avocat de l’AFPC en 2016 et 2017. À partir de la conférence téléphonique de décembre 2014 et tout le temps que le groupe a été représenté par un avocat en 2016 et 2017, une requête en récusation pour crainte raisonnable de partialité aurait pu être présentée. Subsidiairement et sur le fond, je conclus, compte tenu des observations qui précèdent, qu’aucun indice de partialité ne justifie que je me récuse.

H. Allégation no 8: apparence de conflit d’intérêts

[110] Le groupe soutient qu’il y a perception ou apparence (et non-constatation réelle ou effective) de conflit d’intérêts concernant mon travail au Tribunal. Ce qui est notamment visé, c’est ma décision sur la requête pour fonctions admissibles du groupe et le contrat de mon entreprise avec le gouvernement fédéral, ces deux activités comportant des jugements à titre d’arbitre indépendant et de tiers neutre.

[111] Le groupe dit avoir pris conscience d’un conflit d’intérêts apparent [traduction] « dans les premières années » de sa requête, soit en 2016. Il n’avait pas soulevé la question auprès du Tribunal [traduction] « par crainte de représailles s’il n’était pas pris au sérieux ». Le groupe a bel et bien soulevé la question auprès de son avocat d’alors : [traduction] « Plus tard en 2016, l’AFPC [Alliance de la fonction publique du Canada] a décidé de nous représenter dans notre requête au TCDP. Nous avons remis à notre avocat de l’AFPC copie des renseignements sur les marchés fédéraux de l’entreprise du membre Garfield à partir du site Web de TPSGC [Travaux publics et Services gouvernementaux Canada]. L’avocat n’a pas voulu aller de l’avant avec ces renseignements ».

[112] L’intimé soutient qu’il n’y avait pas de conflit d’intérêts, réel ou apparent, dans mon travail décisionnel :

[TRADUCTION]

Pour évaluer s’il existe un conflit d’intérêts possible qui autorise une crainte raisonnable de partialité, les tribunaux ont tenu compte du contexte particulier pour la nature du travail auquel quelqu’un est associé, tout comme du rôle qu’il peut jouer comme décideur. [deux affaires citées] Les membres du Tribunal travaillent souvent dans d’autres entreprises ou lieux de travail et continuent en même temps à exercer leurs fonctions de décideurs administratifs.

[…]

Dans la requête pour fonctions admissibles dont est saisi le Tribunal, on recherche une indemnisation d’EDSC. Il s’agit là d’une entité tout à fait distincte du ministère désigné par le groupe […] Les fonctions du membre du Tribunal comme arbitre des plaintes en matière de droits de la personne sont suffisamment éloignées de tout travail qui pourrait être le sien du fait de son emploi dans le secteur privé.

L’intimé fait également valoir que le principe de la renonciation s’applique ici.

[113] Le contrat dont il est question a été passé par mon entreprise de règlement extra-judiciaire des différends et le ministère fédéral alors appelé Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (« AADNC ») avec son Bureau de l’adjudicateur en chef. Je compte parmi les nombreuses personnes ayant eu le privilège d’être choisies dans le cadre du Processus d’évaluation indépendant (le « PEI ») comme « adjudicateurs » des réclamations pour sévices physiques, sexuels ou psychologiques subis par d’anciens élèves des Premières Nations dans les pensionnats indiens.

[114] Le PEI était dirigé par un adjudicateur en chef indépendant. Il y avait des adjudicateurs en chef adjoints et plus d’une centaine d’adjudicateurs à l’échelle du Canada. Le système du PEI comprenait un organe administratif/opérationnel, à savoir le Secrétariat d’adjudication des pensionnats indiens. Pour l’essentiel, le modèle du PEI rappelait un tribunal administratif spécial comme le Tribunal canadien des droits de la personne, sauf que ce dernier est permanent et fondé sur le système accusatoire de common law, alors que le PEI relevait plus d’un modèle inquisitorial d’arbitrage de demandes, axé davantage sur les demandeurs. Chaque modèle comprend des arbitres et une instance administrative/opérationnelle et chacun est indépendant des parties qu’il fait comparaître, dont le gouvernement du Canada.

[115] Je conclus que le principe de la renonciation s’applique ici. Le groupe a appris que mon entreprise avait un contrat avec le gouvernement et en a informé son avocat en 2016. Celui‑ci a conseillé de ne pas donner suite et le groupe a accepté son avis. Il aurait pu lui donner instruction de soulever la question et, s’il n’était pas satisfait de la réponse du Tribunal, de présenter une requête en récusation. Le groupe a attendu six ans pour agir. Au plus tard, il aurait dû produire une requête en récusation après la lettre du 4 octobre 2021 dans laquelle le Tribunal traitait, de fait, des accusations de partialité formulées par M. Goodwin et lui notifiait la procédure à suivre et les contraintes de temps pour de telles allégations.

[116] Subsidiairement, je conclus sur le fond qu’il ne peut être question de perception de conflit d’intérêts ni de crainte raisonnable de partialité à propos de mon travail de 2011 à 2018 à titre d’adjudicateur indépendant du PEI, du contrat de mon entreprise avec un ministère différent et de ma tâche à titre de membre à temps partiel du Tribunal, notamment dans le cas de la requête du groupe pour fonctions admissibles. Une personne raisonnablement informée conclurait que mon travail dans le cadre du PEI était indépendant de mon travail au Tribunal et vice versa. Pour la plupart, les membres à temps partiel du Tribunal et d’autres cours ont comme moi d’autres emplois ou tâches, notamment dans la pratique du droit. Le gouvernement du Canada est une entité énorme où abondent les ministères et les organismes. Je n’étais pas un employé d’AADNC et je ne représentais pas ce ministère ni le gouvernement dans mon rôle d’adjudicateur au PEI. De même, en ma qualité de membre à temps partiel du Tribunal, je suis nommé en toute indépendance par le gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de la Justice et procureur général du Canada.

[117] Ce sont deux rôles d’arbitre indépendant et de tiers neutre. Ils exigent l’un et l’autre de l’impartialité, de l’équité et de la neutralité, dans les faits comme en apparence. En fait, la démarche rigoureuse de sélection des adjudicateurs du PEI imposait notamment une approbation unanime de chaque candidat par des comités de sélection où étaient représentés toutes les parties et les intervenants dans le cadre de l’historique Convention de règlement relative aux pensionnats indiens.

[118] Dans une de ses observations, le groupe dit que ma conduite démontre une nette préférence pour les ministères et les gestionnaires du gouvernement. Ironiquement, environ 90 % de mes décisions au PEI ont consisté à approuver les réclamations d’anciens élèves des pensionnats contre le Canada. (Cela concorde avec la situation des autres adjudicateurs, puisque « [p]armi les demandeurs qui avaient été entendus lors d’une audience ou (dans le cadre du processus de règlement négocié) d’un entretien, 90 % obtinrent une indemnisation » : voir « Processus d’évaluation indépendant (PEI) – Sommaire du rapport final, Comité de surveillance du Processus d’évaluation indépendant, 2021, p. 22). Bien entendu, on ne saurait pour autant y voir une crainte de partialité en faveur des anciens élèves et contre le Canada, car chaque affaire relevant du PEI, comme chaque affaire devant le Tribunal comme la présente instance, se tranche au cas par cas après prise en compte de la preuve et des arguments juridiques.

[119] Je me dois aussi de dire que le contrat de mon entreprise relatif au PEI et mon travail d’adjudicateur étaient publiquement connus. Il n’y avait aucun secret. Le contrat passé avec TPSGC a été diffusé en ligne (c’est de cette façon que le groupe a eu connaissance de mon travail dans le cadre du PEI), comme l’a été ma biographie avec la mention de mon rôle au PEI dans les rapports annuels du Tribunal (qui sont déposés au Parlement) et au site Web de celui‑ci à la section des membres.

X. Conclusion

[120] Pour les motifs qui précèdent, j’ai rejeté la requête du groupe en récusation et ajournement le 24 novembre 2022. Le lendemain, le groupe retirait sa requête pour fonctions admissibles, après quoi j’ajournais l’audience devant débuter le lundi 28 novembre suivant. Je tiens à reconnaître le travail consenti par le groupe et ses divers représentants tout au long de l’instance pour fonctions admissibles; il y a eu là sans aucun doute beaucoup de temps, d’énergie et de stress. J’en dirais autant du travail de l’avocate et de l’équipe de l’intimé.

[121] Je l’indique bien dans la présente décision sur requête : « sans » ma décision du 20 octobre 2022 par laquelle j’ai rejeté la demande faite par le groupe de passer en mode hybride (audience en personne et par Zoom) à St. John’s, il est plus probable qu’improbable que le processus se serait déroulé fort différemment. Au lieu de nous engager dans la voie de la requête en récusation et ajournement, nous aurions tenu l’audience à St. John’s, et une décision (favorable ou non) sur le fond aurait été rendue sur la requête pour fonctions admissibles du groupe. Or, malheureusement, tel ne fut pas le cas.

Signée par

Matthew D. Garfield

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 31 mars 2023

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal : T1111/9205, T1112/9305 et T1113/9405

Intitulé de la cause : Walden et al. c. Procureur général du Canada (représentant le Conseil du Trésor du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada)

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 31 mars 2023

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Lynn Marchildon et Samar Musallam , pour l'intimé

Aubrey Brenton , pour les parties intéressées

 

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