Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2023 TCDP 9

Date : le 7 mars 2023

Numéro du dossier : T2459/1620

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Cathy Woodgate, Richard Perry, Dorothy Williams, Ann Tom, Maurice Joseph et Emma Williams

les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Gendarmerie royale du Canada

l’intimée

Décision sur requête

Membre : Colleen Harrington

 



I. Introduction

[1] Les plaignants sont membres de la Première Nation de Lake Babine. Ils soutiennent que l’intimée, la GRC, a fait preuve de discrimination à leur égard et à l’égard d’autres personnes en omettant de mener une enquête approfondie sur leurs allégations, selon lesquelles ils ont été victimes d’abus alors qu’ils fréquentaient des écoles dans le nord de la Colombie-Britannique dans les années 1960 et 1970. La GRC nie que son enquête, qui a débuté en 2012, était discriminatoire.

[2] À l’appui de leur plainte, les plaignants cherchent à faire admettre un rapport d’expert rédigé par M. David Milward, un professeur de droit (le « rapport »). Le rapport est daté du 29 octobre 2021 et a été préparé à la demande des plaignants. Dans son rapport, M. Milward tire des conclusions sur la méfiance, passée et présente, des peuples autochtones au Canada à l’égard de la GRC. Il évoque certains renseignements dont disposait la GRC au moment où elle a entamé l’enquête et laisse entendre que celle-ci était — ou aurait dû être — au courant de cette méfiance. Il examine le rôle qui incombait à la GRC en ce qui concerne les pensionnats et les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi que la mémoire collective autochtone, en particulier dans le nord de la Colombie-Britannique.

[3] La GRC s’oppose à l’admissibilité du rapport. Elle sollicite une ordonnance en vertu de l’alinéa 50(3)e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, ch. H-6 (la « LCDP »), afin d’exclure le rapport de M. Milward et tout témoignage qu’il pourrait livrer à l’audition de la plainte. La GRC conteste la pertinence et la nécessité du rapport et affirme que M. Milward n’est pas un expert dûment qualifié puisqu’il n’apporte pas une aide juste, objective et impartiale au Tribunal. La GRC soutient que [traduction] « le préjudice manifeste du rapport l’emporte sur les bénéfices qu’il pourrait présenter » et que le Tribunal devrait exercer sa fonction de gardien pour exclure la preuve de M. Milward.

[4] Les plaignants ne sont pas d’accord avec la position de la GRC. Ils affirment que la preuve présentée dans le rapport de M. Milward est pertinente, qu’elle est utile au Tribunal et donc nécessaire, et que les bénéfices que présente l’admission du rapport l’emportent sur toute apparence de préjudice pour la GRC. Ils soutiennent également que M. Milward a toutes les qualifications requises pour fournir des éléments de preuve concernant la relation de longue date qui existe entre la GRC et les Autochtones au Canada. Ils font valoir que le fait que M. Milward ait reconnu les obligations qui lui incombent à titre d’expert établit qu’il s’est engagé à fournir une preuve juste, objective et impartiale.

[5] La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »), bien qu’elle participe pleinement à l’instruction de la plainte, ne se prononce pas sur la présente requête.

II. Décision

[6] La requête de la GRC est rejetée. Le rapport de M. Milward peut être admis en preuve durant l’audition de la plainte et M. Milward peut témoigner relativement à son rapport en tant qu’expert.

III. Cadre juridique

[7] La GRC a utilement résumé les principes juridiques que le Tribunal applique souvent pour déterminer si une preuve d’expert est admissible. Les plaignants conviennent que ces principes s’appliquent en l’espèce.

[8] La Cour suprême du Canada a établi un cadre légal régissant l’admissibilité du témoignage d’opinion qui « permet de parer aux dangers du témoignage d’expert », qui fait en sorte qu’une audience ne se « transforme pas en un “procès instruit par des experts” et que le juge des faits demeure capable de faire un examen critique de la preuve » (R. c. Bingley, 2017 CSC 12 (CanLII) [Bingley], au paragraphe 13). La Cour suprême avait d’abord élaboré ce cadre dans l’arrêt R. c. Mohan, 1994 CanLII 80 (CSC), [1994] 2 RCS 9 [Mohan], et avait ensuite apporté des précisions dans l’arrêt White Burgess Langille Inman c. Abbott and Haliburton Co., 2015 CSC 23 (CanLII) [White Burgess]. Le cadre d’analyse se divise en deux étapes, mais la Cour a indiqué dans l’arrêt Bingley qu’avant d’appliquer ce cadre, le juge des faits « doit déterminer la nature et la portée de l’opinion d’expert proposée » (au paragraphe 17).

[9] Une fois la nature et la portée de la preuve proposée établies, le Tribunal doit, à la première étape de l’analyse, déterminer si la preuve d’expert satisfait aux critères d’admissibilité de l’arrêt Mohan, à savoir la pertinence, la nécessité, l’absence de toute règle d’exclusion et la qualification suffisante de l’expert (Mohan, aux pages 20-25; voir aussi White Burgess, au paragraphe 19). En l’espèce, trois des critères de l’arrêt Mohan sont contestés par la GRC. Par conséquent, les plaignants doivent prouver que la preuve d’expert proposée est pertinente, qu’elle est nécessaire pour aider le Tribunal et que M. Milward est un expert dûment qualifié. Si l’un ou l’autre de ces critères n’est pas respecté, la preuve est inadmissible et il n’est pas nécessaire de passer à la deuxième étape de l’analyse.

[10] À la deuxième étape de l’analyse, le juge agit en tant que « gardien » du processus judiciaire et soupèse les risques et les bénéfices éventuels que présente l’admission de la preuve (White Burgess, au paragraphe 24).

IV. Questions en litige

[11] La principale question à trancher relativement à la présente requête est celle de savoir s’il faut exclure le rapport de M. Milward et tout témoignage qu’il pourrait livrer dans le cadre de l’instruction. Avant de décider s’il convient d’admettre ou d’exclure la preuve proposée, le Tribunal doit :

  1. déterminer la nature et la portée de la preuve d’expert proposée;
  2. statuer sur les facteurs de l’arrêt Mohan qui sont contestés en répondant aux questions suivantes :
    1. Le rapport est-il pertinent par rapport à un fait en cause dans la plainte?
    2. Le rapport est-il nécessaire du fait que les plaignants ne peuvent pas fournir la preuve et que le Tribunal a besoin de l’avis d’un expert pour évaluer la preuve de manière appropriée?
    3. M. Milward est-il un expert dûment qualifié pour fournir une opinion impartiale et indépendante?
  3. déterminer, dans la mesure où les critères de l’arrêt Mohan sont respectés, si les bénéfices éventuels de l’admission de la preuve de M. Milward l’emportent sur les risques.

V. Analyse

[12] Le Tribunal a le pouvoir d’examiner si la preuve d’expert proposée doit être exclue et de déterminer son admissibilité avant l’audience [Christoforou c. John Grant Haulage Ltd., 2016 TCDP 14 (CanLII), au paragraphe 63; voir aussi les alinéas 48.9(2)g) et 50(3)e) de la LCDP]. Dans les circonstances de l’espèce, comme l’expert proposé a fourni un rapport long et exhaustif, son curriculum vitae ainsi que le formulaire d’attestation de l’obligation de l’expert, il convient de déterminer l’admissibilité de la preuve proposée à cette étape préalable à l’audience afin d’éviter tout retard pendant l’audience.

A. La nature et la portée de la preuve d’expert proposée

[13] La GRC s’oppose à ce que le rapport de M. Milward soit admis en preuve dans son intégralité et à ce que ce dernier témoigne à l’audience. J’aborde ces objections dans les sections suivantes et j’explique les raisons pour lesquelles j’estime que sa preuve est admissible.

[14] Les plaignants soutiennent que l’enquête de la GRC sur les allégations de sévices infligés à des enfants dans des écoles du nord de la Colombie-Britannique dans les années 1960 et 1970 était discriminatoire parce qu’elle ne reconnaissait pas les expériences particulières qu’ils avaient vécues en tant qu’Autochtones et ne s’y adaptait pas non plus. Plus précisément, ils affirment que la GRC a manqué à son obligation de modifier ses pratiques d’enquête traditionnelles pour répondre à leurs besoins culturels, [traduction] « obligation qui découle de la méfiance connue des peuples autochtones à l’égard de la GRC ».

[15] Les plaignants ont l’intention de produire le rapport et de faire témoigner M. Milward en tant qu’expert sur la relation de longue date qui existe entre la GRC et les peuples autochtones au Canada. Plus précisément, ils affirment que la preuve de M. Milward permettra de prouver que les peuples autochtones, notamment dans le nord de la Colombie-Britannique, se méfient de la GRC et que cette dernière aurait dû en être consciente au moment où elle a mené son enquête. En outre, les plaignants soutiennent que le rapport de M. Milward expose le contexte dans lequel ont eu lieu les interactions entre la GRC et les peuples autochtones jusqu’à l’enquête en question.

[16] Les plaignants soutiennent également que la preuve de M. Milward est essentielle à leur allégation de discrimination systémique, car il est important que le Tribunal sache comment la GRC s’est conduite au fil du temps. Ils prétendent que cette preuve démontre que la GRC a longtemps eu recours à des pratiques qui reflétaient une culture de discrimination systémique à l’égard des Autochtones.

[17] La plainte dont est saisi le Tribunal ne porte pas sur la question de savoir si, par le passé, la GRC a fait preuve de discrimination à l’égard des Autochtones en général. Elle porte plutôt sur l’enquête menée par la GRC sur les allégations de mauvais traitements infligés aux enfants autochtones dans des écoles du nord de la Colombie-Britannique.

[18] Je reconnais toutefois que les plaignants et la Commission cherchent à obtenir des mesures de réparation systémiques en lien avec la plainte. Dans son exposé des précisions, la Commission fait valoir que, si le Tribunal conclut à l’existence de discrimination en se fondant notamment sur la preuve de nature systémique présentée au cours de l’instance, il conviendrait que le Tribunal accorde des mesures de réparation systémiques. S’appuyant sur l’arrêt de la Cour suprême Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61 (CanLII), le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique (le « TDPCB ») a déclaré ce qui suit : [traduction] « Il est vrai qu’une plainte individuelle peut avoir des conséquences à l’échelle systémique et, de fait, c’est peut-être ce que souhaite Mme Campbell dans le cadre de la présente plainte : Moore, au paragraphe 63 » (dans Campbell v. Vancouver Police Board (No. 2), 2019 BCHRT 128 (CanLII) [Campbell], au paragraphe 20).

[19] Au début de son rapport de 83 pages, M. Milward précise que les avocates des plaignants lui ont demandé de répondre à quatre questions. Il a toutefois formulé ces « questions » de la manière suivante :

1) La méfiance, passée et présente, des peuples autochtones au Canada à l’égard de la GRC, y compris toute référence aux renseignements dont disposait la GRC en 2012 afin de déterminer si elle était ou aurait dû être au courant de cette méfiance à l’époque.

2) Le rôle de la GRC sous le régime des pensionnats, en particulier en Colombie-Britannique, et les répercussions qu’a pu avoir ce rôle à long terme.

3) La preuve d’une discrimination systémique, passée et présente, à l’encontre des peuples autochtones au sein de la GRC.

4) Les répercussions de la conduite discriminatoire de la GRC sur les peuples autochtones, notamment en Colombie-Britannique.

[20] Le rapport n’est pas clairement organisé en fonction de ces quatre questions ou énoncés. En fait, les principaux sujets abordés dans le rapport sont identifiés par des titres : outre les [traduction] « Questions traitées dans le rapport », on retrouve les « Qualifications » de M. Milward, la « Méthodologie » qu’il a suivie pour préparer le rapport, ses neuf « Constats », ainsi que l’« Historique », « La GRC et les pensionnats », « Les femmes autochtones disparues et assassinées », « La mémoire collective », « La GRC du Yukon », « Le Rapport de Human Rights Watch », « Les effets de la discrimination », « La connaissance des problèmes » et « Les conclusions ».

[21] En ce qui concerne sa méthodologie, M. Milward indique qu’il n’a fait aucune recherche originale pour préparer le rapport. En fait, le rapport [traduction] « est essentiellement une analyse documentaire et une synthèse des recherches pertinentes effectuées antérieurement, lesquelles étaient en grande partie des recherches originales réalisées auprès des membres des communautés autochtones touchées par les mesures prises par les agents de la GRC et auprès des membres de la GRC eux-mêmes ». Outre des articles universitaires, des livres, des mémoires de maîtrise et des articles de journaux, il s’est particulièrement appuyé sur les cinq rapports suivants (références complètes omises) :

  1. Un rapport de 2011 commandé par la GRC, lequel a été rédigé par Marcel-Eugène LeBeuf et est intitulé Le rôle de la Gendarmerie royale du Canada sous le régime des pensionnats indiens;
  2. Les rapports finaux de 2015 de la Commission de vérité et réconciliation du Canada, en particulier les volumes portant sur l’histoire des pensionnats;
  3. Réclamer notre pouvoir et notre place : le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées (2019);
  4. Un rapport de 2014 de la GRC intitulé Les femmes autochtones disparues et assassinées : Un aperçu opérationnel national;
  5. Un rapport de 2013 de Human Rights Watch sur la conduite des membres de la GRC affectés dans le nord de la Colombie-Britannique intitulé Ceux qui nous emmènent : Abus policiers et lacunes dans la protection des femmes et filles autochtones dans le nord de la Colombie-Britannique, Canada.

[22] Dans son rapport, M. Milward tire des conclusions générales sur la méfiance que se portent les communautés autochtones et la GRC dans tout le Canada, y compris dans le nord de la Colombie-Britannique. Il indique que [traduction] « [l]a GRC a joué plusieurs rôles qui pourraient avoir amené les peuples autochtones à développer une mémoire collective négative à son égard », notamment son rôle dans l’affirmation de la souveraineté canadienne, dans l’application des mesures visant à obliger les enfants autochtones à fréquenter les pensionnats, dans la suppression des cultures autochtones et dans la répression des manifestations autochtones.

[23] M. Milward soutient que la mémoire collective n’est [traduction] « ni immuable ni statique », car elle peut évoluer dans le temps et s’inscrire dans un contexte local. Il indique que certaines communautés autochtones au Canada peuvent avoir développé une mémoire collective positive à l’égard de la GRC, bien que ce ne soit pas le cas dans le nord de la Colombie-Britannique. Il conclut que, vu les [traduction] « antécédents de négligence et de manque de professionnalisme » de la GRC dans cette région, essentiellement en ce qui concerne la crise des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées, les communautés autochtones de l’intérieur septentrional de la Colombie-Britannique ont peut-être développé une mémoire collective encore plus négative à l’égard de la GRC.

[24] Dans son rapport, M. Milward ne tire aucune conclusion précise sur les expériences vécues par les plaignants avec la GRC ou sur l’enquête qui fait l’objet de la présente plainte pour atteinte aux droits de la personne. Les plaignants soutiennent que le rapport de M. Milward est une preuve du contexte social qui aidera le Tribunal à comprendre la relation entre la GRC et les peuples autochtones du nord de la Colombie-Britannique.

[25] Je reconnais qu’une preuve du contexte social peut permettre au Tribunal d’établir un « cadre de référence ou le contexte pour trancher des questions factuelles cruciales pour le règlement d’un litige » (voir Campbell, précité, au paragraphe 22, citant R. c. Le, 2019 CSC 34 (CanLII) [R. c. Le] au paragraphe 83 et R. c. Spence, 2005 CSC 71 (CanLII) [Spence] au paragraphe 57).

[26] Je conviens que les plaignants peuvent présenter le rapport de M. Milward et faire témoigner ce dernier en tant que témoin expert sur la relation de longue date qui existe entre la GRC et les peuples autochtones au Canada. La preuve devrait se limiter — de par sa nature et sa portée — à ce sujet et pourrait inclure des éléments relatifs à la méfiance, passée et présente, des peuples autochtones à l’égard de la GRC, notamment dans le nord de la Colombie-Britannique.

[27] La preuve du contexte social de M. Milward ne remplacera pas l’exercice d’appréciation des faits effectué par le Tribunal, lequel exercice sera fondé sur la preuve produite par les parties dans le cadre de la présente plainte. De plus, les plaignants ne peuvent pas demander à M. Milward de donner son opinion sur les questions fondamentales que doit trancher le Tribunal en l’espèce, comme l’existence de discrimination individuelle ou systémique par rapport aux faits de la plainte.

B. Les facteurs de l’arrêt Mohan contestés

(i) La preuve d’expert proposée est pertinente

[28] Pour déterminer la pertinence du rapport, je dois examiner si les éléments de preuve proposés sont logiquement pertinents par rapport à un fait en cause dans la présente plainte (R. c. Abbey, 2009 ONCA 624 (CanLII) [Abbey], au paragraphe 82). La GRC soutient que la preuve d’expert doit être liée aux faits de l’affaire et que les événements sur lesquels M. Milward se prononce ne concernent aucunement la présente affaire.

[29] Les parties ne s’entendent pas sur la portée de la plainte déposée auprès du Tribunal étant donné que la GRC définit l’objet de la plainte plus étroitement que ne le font les plaignants et la Commission. Le Tribunal a déjà conclu que ce sont les exposés des précisions déposés par les parties qui énoncent les conditions plus précises de l’audience, et non la plainte initialement déposée auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (Casler c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2017 TCDP 6 (CanLII), au paragraphe 9).

[30] Dans son exposé des précisions et dans la présente requête, la GRC soutient que la seule question que doit trancher le Tribunal est celle de savoir [traduction] « si le caporal Mackie [...] a mené son enquête de manière discriminatoire ». Elle déclare que toute preuve d’opinion devrait être présentée en tenant compte de cette question bien précise et que le rapport de M. Milward [traduction] « non seulement ne répond pas cette question, mais il ne l’aborde même pas ».

[31] L’enquête du caporal Mackie portait sur une plainte d’agression sexuelle subie pendant l’enfance déposée par une personne qui avait fréquenté l’école Immaculata. Dans son exposé des précisions, la GRC indique que l’enquête du caporal Mackie était détaillée et circonspecte et qu’elle n’était pas discriminatoire. Elle souligne également qu’en plus de l’enquête du caporal Mackie, elle a ouvert un nouveau dossier — dirigé par autre agent — afin d’enquêter sur des déclarations plus générales concernant des violences physiques subies à l’école Immaculata. Aucune des deux enquêtes ne s’est soldée par le dépôt d’accusations puisque la GRC a conclu qu’aucun motif raisonnable et probable ne justifiait le renvoi des accusations à la Couronne ni la tenue d’une enquête plus poussée.

[32] Dans leur réponse à l’exposé des précisions de la GRC, les plaignants contestent le fait que leur plainte se limite à l’enquête que le caporal Mackie a menée sur une plainte au criminel ou à l’issue de cette enquête. Ils affirment que leur plainte concerne plutôt la discrimination exercée par la GRC dans le cadre de son enquête sur les mauvais traitements infligés par des membres du personnel de l’école en Colombie-Britannique, tels qu’ils ont été rapportés par les six plaignants et de nombreux autres témoins.

[33] Dans leur exposé des précisions, les plaignants déclarent que la GRC a eu recours à des pratiques d’enquête traditionnelles lorsqu’elle a enquêté sur des allégations de mauvais traitements autrefois infligés à des enfants autochtones. Par exemple, ils soutiennent que la GRC a non seulement omis de demander des ordonnances de production pour pouvoir obtenir les notes ou les dossiers pertinents, mais qu’elle n’a pas communiqué avec toutes les personnes qui avaient souscrit des affidavits ou fait des déclarations ou ne les a pas interrogées; qu’elle a exigé que les plaignants communiquent avec elle, et non le contraire; qu’elle n’a offert aucun soutien à la plupart des victimes qui signalaient des sévices et devaient vivre avec la douleur et le traumatisme, et n’a pas offert de services de traduction aux plaignants qui ne parlaient que le carrier; qu’elle a jugé que certains témoins se montraient peu coopératifs, mais n’a pas tenu compte des traumatismes collectifs ou intergénérationnels qu’ils avaient subis; qu’elle n’a pas vérifié les renseignements fournis au sujet des sévices infligés au Prince George College et dans d’autres écoles du diocèse; et qu’elle n’a pas informé les personnes qu’elle avait interrogées des résultats de l’enquête.

[34] Les plaignants soutiennent que les pratiques d’enquête traditionnelles de la GRC sont discriminatoires en ce qu’elles ne répondent pas aux besoins des Autochtones victimes de violence. Ils affirment avoir subi des effets préjudiciables du fait de leur race, car les stéréotypes et les préjugés de la GRC à l’égard des plaignants autochtones ont nui à la conduite de l’enquête. Ils soutiennent que la discrimination était systémique et demandent au Tribunal d’accorder des mesures de réparation systémiques, notamment que la GRC modifie ses pratiques traditionnelles afin de répondre aux besoins culturels des peuples autochtones.

[35] Dans son exposé des précisions, la Commission déclare que le Tribunal doit tenir compte du contexte social dans lequel la plainte pour atteinte aux droits de la personne a été déposée en évaluant la plainte à la lumière des effets, passés et présents, du colonialisme et des traumatismes historiques subis par les peuples autochtones. Elle affirme que les plaignants établissent un lien clair entre la méfiance qu’ils éprouvent à l’égard de la GRC en raison de l’héritage colonial du Canada et la manière dont l’enquête de la GRC a été menée et les a touchés.

[36] Compte tenu des exposés des précisions déposés par les parties, je reconnais que la plainte renvoyée au Tribunal aux fins de l’instruction ne se limite pas à la question de savoir si l’enquête du caporal Mackie était discriminatoire.

[37] Il incombe aux plaignants d’établir, selon la prépondérance des probabilités, une preuve prima facie de discrimination. Les plaignants soutiennent que la preuve fournie par l’expert, M. Milward, les aidera à prouver la discrimination puisqu’elle permettra de démontrer que la GRC savait, ou aurait dû savoir, que les peuples autochtones du nord de la Colombie-Britannique ne lui faisaient vraisemblablement pas confiance à l’époque où elle menait son enquête. Bien que les plaignants et leurs témoins puissent témoigner de leur propre méfiance à l’égard de la GRC, ils ne peuvent pas prouver ce que la GRC savait, ou aurait dû savoir. Les plaignants affirment que la GRC n’a pas encore fait connaître sa position à ce sujet. Toutefois, ils affirment que la preuve de M. Milward permettra de réfuter la thèse de la GRC selon laquelle elle ignorait que les Autochtones avaient une mémoire sociale négative ou une méfiance collective à son égard.

[38] Les plaignants affirment également que, même si leur plainte concerne l’enquête menée par la GRC sur les sévices qu’ils ont subis pendant leur enfance dans le nord de la Colombie-Britannique, elle [traduction] « reflète les expériences de nombreux peuples autochtones dans tout le pays ». Ils ajoutent que leur plainte démontre l’existence d’une discrimination systémique dans les techniques d’enquête policière et décrit les effets préjudiciables subis par les Autochtones victimes de violence, comme le fait de ne pas être crus ou de faire l’objet d’enquêtes inadéquates, de recevoir peu ou pas de soutien ou de ne pas être traités avec respect et dignité.

[39] Les plaignants affirment que la preuve de M. Milward est essentielle à leur allégation de discrimination systémique, car il est important que le Tribunal sache comment la GRC s’est conduite au fil du temps, c’est-à-dire que la GRC avait recours à des pratiques qui témoignaient d’une culture de discrimination systémique à l’égard des Autochtones. Ils affirment que seul un expert qualifié à analyser la conduite historique de la GRC, comme M. Milward, peut apporter cette preuve.

[40] Selon la GRC, M. Milward n’émet dans son rapport aucune opinion quant à une conduite discriminatoire qu’aurait pu adopter le caporal Mackie ou la GRC dans le cadre de la présente affaire, ne fait état d’aucune lacune particulière dans l’enquête de la GRC et ne propose aucune autre technique d’enquête qui, à son avis, aurait été exempte de toute discrimination. La GRC soutient que M. Milward aurait dû exposer les faits qu’il a tenus pour acquis, puis formuler une opinion de manière à établir un lien avec les allégations historiques contenues dans son rapport.

[41] Or, rien n’oblige un témoin expert à émettre une opinion sur les faits de la plainte (voir McKay v. Toronto Police Services Board, 2011 HRTO 499 (CanLII) [McKay], au paragraphe 95). Comme il a déjà été mentionné, la Cour suprême du Canada a conclu que les « faits sociaux » qui ne se rapportent pas aux circonstances d’une affaire en particulier, mais qui sont correctement reliés aux faits en litige, peuvent être admis pour expliquer certains aspects de la preuve, comme les « difficultés que rencontrent les autochtones dans le système de justice pénale et dans la société en général » (dans l’arrêt Spence, précité, au paragraphe 57).

[42] En ce qui concerne l’argument de la GRC selon lequel le rapport de M. Milward porte sur des sujets qui ne sont pas pertinents à la présente instruction, comme le rôle de la GRC sous le régime des pensionnats et les erreurs qu’elle a commises dans l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, je reconnais que ces renseignements ont été ajoutés au rapport parce qu’ils appartiennent à la mémoire collective autochtone dont traite M. Milward. Je suis d’accord avec la position que la Commission a exprimée dans son exposé des précisions, à savoir que le Tribunal doit tenir compte du contexte social dans lequel la plainte pour atteinte aux droits de la personne a été déposée en évaluant la plainte à la lumière des effets du colonialisme et des traumatismes historiques subis par les peuples autochtones. La Commission a raison de dire que les plaignants établissent un lien clair entre la méfiance qu’ils éprouvent à l’égard de la GRC en raison de l’héritage colonial du Canada et la manière dont l’enquête de la GRC a été menée et les a touchés.

[43] Je conviens que le Tribunal a tout intérêt, lorsqu’il examine les faits et tranche les questions soulevées en l’espèce, à comprendre le mieux possible le contexte propre aux parties.

[44] La GRC soutient également que le rapport de M. Milward, dans la mesure où il révèle que l’enquête du caporal Mackie était discriminatoire ou qu’elle n’était pas exhaustive, n’est pas pertinent puisque des plaintes similaires ont été jugées non fondées par la Commission civile d’examen et de traitement des plaintes (la « CCETP »). Les plaignants affirment que les conclusions de la CCETP ne sont pas pertinentes en ce qui concerne l’allégation selon laquelle les méthodes d’enquête sont discriminatoires. Je partage l’avis des plaignants, car le rapport de la CCETP, fourni par la GRC, ne semble pas porter sur des allégations selon lesquelles l’enquête était discriminatoire.

[45] Je conviens que le rapport de M. Milward est logiquement pertinent lorsqu’il s’agit de déterminer si la GRC savait, ou aurait dû savoir, que les peuples autochtones du nord de la Colombie-Britannique se méfiaient d’elle à l’époque où elle a mené son enquête. Il est donc pertinent par rapport à l’argument des plaignants selon lequel l’enquête de la GRC aurait dû être adaptée pour répondre aux besoins des plaignants autochtones. Par conséquent, la preuve proposée satisfait au critère de la pertinence.

[46] Les parties seront autorisées à présenter leurs arguments sur la pertinence de la preuve de M. Milward par rapport à d’autres faits ou questions soulevées dans l’affaire, notamment les allégations de discrimination systémique, ainsi que sur le poids que le Tribunal devrait accorder à la preuve de M. Milward.

(ii) La preuve d’expert proposée est nécessaire

[47] Le critère de la nécessité est respecté si la preuve d’expert proposée permet au Tribunal d’apprécier les questions en litige en lui fournissant des renseignements qui dépassent son expérience et ses connaissances (Bingley, précité, au paragraphe 15; Mohan, précité, à la page 23).

[48] La GRC soutient que le rapport de M. Milward n’est pas nécessaire pour aider le Tribunal puisqu’il est essentiellement fondé sur des rapports ou des recherches qui ont été publiés. Elle laisse entendre que M. Milward considère les opinions formulées dans le rapport de Human Rights Watch comme des faits et qu’il s’en sert pour étayer la position des plaignants. Comme elle ne peut pas contre-interroger Human Rights Watch ou contester ses conclusions, la GRC soutient qu’il serait contraire à l’équité procédurale d’autoriser un témoignage d’expert fondé sur ces conclusions.

[49] Un argument similaire a été présenté dans l’affaire Campbell, précitée, et le TDPCB l’a rejeté :

[traduction] Enfin, le [Conseil de police de Vancouver] s’oppose à ce que M. Miller s’appuie sur des sources secondaires, qui ne peuvent pas faire l’objet d’un contre-interrogatoire. Il ne cite ni jurisprudence ni doctrine à l’appui de son objection et je n’en connais aucune. De par la nature même de la preuve d’expert en matière de sciences sociales, il est raisonnable de s’attendre à ce qu’un expert s’appuie sur le travail réalisé par d’autres et l’incorpore au sien. Je ne pense pas que cet argument justifie que le rapport soit jugé inadmissible en tout ou en partie (au paragraphe 29).

[50] Je suis du même avis que le TDPCB à ce sujet. Les témoins experts peuvent fonder leur opinion sur des rapports et des études. Dans la décision McWilliam v. Toronto Police Services Board, 2017 HRTO 19 (CanLII) [McWilliam], le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario (le « TDPO ») a autorisé un expert à témoigner sur le contexte social lié au genre dans les services de police et n’a pas jugé que le fait que l’expert ait cité diverses études équivalait à du ouï-dire ou à un [traduction] « témoignage justificatif » (aux paragraphes 48-50).

[51] La GRC soutient également que le rapport, pour autant qu’il vise à justifier le témoignage des plaignants, constitue une preuve justificative et est donc inadmissible. Elle affirme que quatre des neuf « constats » de M. Milward vont à l’encontre de la règle interdisant les témoignages justificatifs puisqu’ils visent à renforcer la preuve présentée par les plaignants au sujet de leur relation avec la GRC. Ces constats ont trait à la conduite de la GRC qui a été signalée dans le nord de la Colombie-Britannique (par exemple, des actes qui correspondent à du profilage racial et la mauvaise gestion des plaintes déposées par des Autochtones, ainsi que la victimisation criminelle des Autochtones). Selon M. Milward, ces agissements auraient eu un effet négatif sur la mémoire collective qu’avaient les Autochtones de la GRC dans cette région et auraient eu des [traduction] « effets sociaux tangibles », notamment un manque de confiance en la capacité ou en la volonté de la GRC de traiter les Autochtones de manière équitable ou de les protéger, et auraient pu s’ajouter aux effets persistants des traumatismes intergénérationnels.

[52] La règle interdisant les témoignages justificatifs « veut que la preuve produite à seule fin de prouver qu’un témoin dit la vérité soit inadmissible » (R. c. Burns, 1994 CanLII 127 (CSC), au paragraphe 28). Je ne suis pas d’accord avec la GRC pour dire que la preuve d’opinion de M. Milward, que ce soit par rapport à ces quatre constats ou de façon générale, irait à l’encontre de la règle interdisant les témoignages justificatifs puisque cette preuve n’est pas produite à seule fin de prouver que les plaignants ou leurs témoins disent la vérité.

[53] Tant que M. Milward reste objectif, le fait que sa preuve soutienne la thèse des plaignants ne la rend pas irrecevable. Comme la cour l’a indiqué dans la décision Peart v. Peel (Regional Municipality) Police Services Board, 2003 CanLII 42339 (CS Ont.) [Peart] :

[traduction] Il s’agit là du rôle habituel de l’expert : fournir au tribunal une conclusion toute faite fondée sur des connaissances scientifiques, médicales, psychiatriques, techniques ou autres, que le tribunal peut tirer si l’existence de certains faits sous-jacents est démontrée. [...] Or, c’est le tribunal qui tire la conclusion (au paragraphe 23).

[54] L’opinion de M. Milward ne saurait remplacer l’analyse de la preuve faite par le Tribunal. Lorsqu’il examine les éléments de preuve dont il dispose, le Tribunal peut tenir compte de la relation entre la GRC et les Autochtones du nord de la Colombie-Britannique dans son contexte historique et racial, tel qu’il a été présenté par M. Milward. Par ailleurs, le Tribunal n’est pas tenu d’accepter l’opinion ou la conclusion d’un témoin expert. Il peut l’accepter s’il est [traduction] « convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il s’agit de l’explication la plus probable en ce qui a trait aux événements en question » (Peart, au paragraphe 23).

[55] Dans l’arrêt Mohan, le juge Sopinka a déclaré ce qui suit : « [J]e ne jugerais pas la nécessité selon une norme trop stricte. L’exigence est que l’opinion soit nécessaire au sens qu’elle fournit des renseignements “qui, selon toute vraisemblance, dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge ou d’un jury” » (à la page 23). Le TDPO a indiqué que [traduction] « dans les affaires de discrimination, le seuil applicable pour démontrer que la preuve est nécessaire pour aider le juge des faits est moins élevé que dans les affaires criminelles, et ce, en raison de la nature des instances en matière de droit de la personne et de la nature souvent subtile de la discrimination » (McWilliam, précité, au paragraphe 46; Nassiah v. Peel Regional Police Services Board, 2006 HRTO 18 (CanLII) [Nassiah], aux paragraphes 36 et 37).

[56] Je suis d’accord avec les plaignants pour dire que le Tribunal pourrait bénéficier de la capacité de M. Milward de passer en revue et de critiquer les rapports volumineux pertinents puisque ce dernier connaît le sujet et possède l’expertise nécessaire pour évaluer la validité des études de sciences sociales et que le Tribunal n’a ni la capacité ni l’expertise nécessaires pour le faire. Comme l’a précisé la Commission des droits de la personne de la Nouvelle-Écosse, les tribunaux des droits de la personne :

[traduction] sont présumés posséder une certaine expertise dans le domaine de la discrimination et des droits de la personne, mais ils ne possèdent pas nécessairement des connaissances spécialisées sur les pratiques et les effets du racisme, si ce n’est une simple compréhension de leur dynamique. [...] Le racisme revêt de nombreuses formes, est présent dans bien d’environnements différents et est étudié par divers spécialistes en sciences sociales au moyen de différentes méthodologies. Il est peu probable qu’une commission d’enquête soit au courant de tous ces ouvrages [...] Une façon de présenter une telle preuve à une commission consiste bien sûr à soumettre des ouvrages publiés sur les questions pertinentes, mais il est impossible de contre-interroger des ouvrages [Johnson v. Halifax Regional Police Service, 2003 CanLII 89397 (CDPNÉ), au paragraphe 85].

[57] Dans l’affaire Radek v. Henderson Development (Canada) Ltd. and others (No.2), 2004 BCHRT 340 (CanLII), le TDPCB a déclaré que [traduction] « des éléments de preuve peuvent être nécessaires pour clarifier les questions en litige ou pour les mettre en contexte » (au paragraphe 33). J’estime que le rapport de M. Milward est nécessaire pour aider le Tribunal à bien apprécier le contexte social qui sous-tend la plainte, à savoir la relation de longue date qui existe entre la GRC et les Autochtones au Canada, y compris dans le nord de la Colombie-Britannique.

[58] Bien que le Tribunal puisse lire les rapports accessibles au public auxquels M. Milward fait référence dans son propre rapport, il est impossible de contre-interroger des rapports. La GRC peut toutefois contre-interroger M. Milward si elle souhaite remettre en question le fondement de ses opinions ou demander des précisions sur sa méthodologie ou son analyse. Par ailleurs, M. Milward a indiqué quels étaient les aspects des études et des rapports qu’il critiquait sur les plans de la méthodologie ou de l’interprétation. Or, le Tribunal n’a pas cette expertise. Comme le notent les plaignants, c’est grâce à ses expériences professionnelles et académiques, décrites en détail dans la section suivante, que M. Milward peut analyser ces documents alors que le Tribunal n’a ni l’expérience ni les connaissances nécessaires.

(iii) M. Milward est un expert suffisamment qualifié

[59] Un témoin suffisamment qualifié est quelqu’un qui « a acquis des connaissances spéciales ou particulières grâce à des études ou à une expérience relatives aux questions visées dans son témoignage » (Mohan, précité, à la page 27). Un expert [traduction] « doit non seulement être généralement qualifié, mais il doit aussi être qualifié pour exprimer l’opinion proposée » (R. v. Orr, 2015 BCCA 88, au paragraphe 67).

[60] Les plaignants soutiennent que M. Milward a toutes les qualifications requises pour fournir des éléments de preuve sur la relation de longue date qui existe entre la GRC et les Autochtones au Canada. Selon eux, M. Milward [traduction] « a, de par sa formation universitaire, des connaissances et des compétences spécialisées en ce qui concerne les interactions entre les peuples autochtones et les corps policiers et il a l’expérience voulue pour évaluer la validité des études en sciences sociales ».

[61] Au début de son rapport, M. Milward indique qu’il est professeur agrégé de droit à l’Université de Victoria et directeur par intérim du programme d’études conjoint axé sur common law et le système juridique autochtone (Joint Indigenous Law Degree) de l’Université. Ses [traduction] « recherches universitaires portent sur les interactions entre les peuples autochtones et le système de justice pénale canadien [...] [y compris] les interactions entre les peuples autochtones et l’État canadien ». Il indique que ses recherches sont très interdisciplinaires puisqu’elles reposent sur des domaines tels que l’anthropologie, l’histoire, l’ethnohistoire, la criminologie et la sociologie, en plus du droit.

[62] Selon le curriculum vitae de M. Milward, il est titulaire d’un doctorat en droit de l’Université de la Colombie-Britannique et il est l’auteur d’un livre intitulé Aboriginal Justice and the Charter: Realizing a Culturally Sensitive Interpretation of Legal Rights in Canada (La justice autochtone et la Charte : faire une interprétation des garanties juridiques au Canada qui soit adaptée à la réalité culturelle) (Vancouver : UBC Press, 2012), ainsi que du chapitre d’un livre et de plusieurs articles évalués par des pairs.

[63] M. Milward indique dans son rapport que certains de ses travaux ont porté sur les interactions entre les corps policiers et les peuples autochtones. Par exemple, plusieurs sections de son livre de 2012 traitent de ce sujet, tout comme son article paru dans le Criminal Law Quarterly en 2012 qui porte expressément sur le profilage policier des peuples autochtones, qui sont considérés comme des menaces potentielles pour la sécurité dans un contexte de répression des manifestations autochtones.

[64] Je reconnais que, grâce à ses études universitaires et à son travail en tant que professeur et chercheur interdisciplinaire, M. Milward a acquis des connaissances spécialisées sur les questions visées dans son témoignage. À mon avis, il est qualifié pour témoigner sur la relation qui existe entre la GRC et les peuples autochtones, y compris dans le nord de la Colombie-Britannique.

[65] La GRC n’a pas soulevé d’objection quant aux qualifications du professeur Milward. Elle affirme plutôt que la principale obligation de l’expert proposé consiste à apporter une aide juste, objective et impartiale et soutient que M. Milward est bien loin de respecter cette exigence. Elle ajoute que M. Milward n’est pas neutre, mais qu’il va jusqu’à plaider sa cause en critiquant la conduite de la GRC. La GRC soutient que M. Milward fait référence à des événements qui ne sont pas pertinents par rapport aux faits de la plainte et qu’il semble [traduction] « accepter comme faits avérés des témoignages non prouvés obtenus dans le cadre d’enquêtes n’ayant aucun lien avec la présente affaire », qu’il « se prononce sur d’autres événements », qu’il « fait référence à des périodes postérieures à l’enquête », qu’il s’appuie sur « de vagues sentiments négatifs, injustifiés ou généralisés, à l’encontre de la GRC, dont beaucoup constituent du ouï-dire » et qu’il « cite de manière désinvolte des propos incendiaires et préjudiciables ».

[66] La GRC donne des exemples qui, selon elle, étayent la thèse de M. Milward selon laquelle la GRC s’est conduite de manière inacceptable dans le nord de la Colombie-Britannique, dont le fait qu’il se soit appuyé sur le rapport de Human Rights Watch et qu’il ait déclaré que le comportement des agents de la GRC dans le nord [traduction] « pourrait avoir introduit dans les communautés autochtones de l’intérieur septentrional de la province un traumatisme causé par la GRC plutôt que par les pensionnats indiens ». Elle soutient que, comme M. Milward n’est pas en mesure de s’acquitter des obligations qui lui incombent à titre d’expert, il n’est pas dûment qualifié pour en être un.

[67] Les plaignants ne sont pas d’accord pour dire que le rapport de M. Milward frise le plaidoyer et ils s’appuient sur ses exceptionnelles compétences et sur le formulaire d’attestation de l’obligation de l’expert qu’il a signé de sa main et qu’il a remis en même temps que son rapport et son curriculum vitae. M. Milward reconnaît qu’il doit fournir une preuve d’opinion juste, objective et impartiale qui relève de son domaine d’expertise et que cette obligation l’emporte sur toute autre obligation qu’il pourrait avoir envers les plaignants, pour qui il travaille.

[68] La GRC conteste que le fait que M. Milward ait reconnu les obligations qui lui incombent à titre d’expert prouve qu’il est apte à fournir « une preuve juste, objective et impartiale ». Elle soutient que, si les experts pouvaient [traduction] « reconnaître eux-mêmes leur qualité d’expert », le Tribunal n’aurait pas à évaluer l’admissibilité de leur témoignage.

[69] Dans l’arrêt White Burgess, précité, la Cour suprême du Canada a déclaré qu’une fois que l’expert a produit l’attestation par laquelle il reconnaît l’obligation qui lui incombe de fournir une preuve impartiale, indépendante et sans parti pris, il revient à la partie qui s’oppose à l’admission du témoignage de démontrer un motif réaliste de le juger inadmissible au motif que l’expert ne peut ou ne veut s’acquitter de son obligation (au paragraphe 48). La Cour a reconnu qu’un expert qui se fait le défenseur d’une partie « ne peut ou ne veut manifestement pas s’acquitter de sa principale obligation envers le tribunal », mais elle a indiqué que la décision d’exclure le témoignage à cette étape de l’analyse ne serait prise que très rarement et uniquement dans les cas les plus manifestes. Dans les cas où l’incapacité ou le refus de fournir une preuve juste, objective et impartiale n’est pas manifeste, le témoignage ne devrait pas être exclu d’office et son admissibilité devrait être déterminée à l’issue d’une pondération globale des coûts et des bénéfices de son admission (White Burgess, au paragraphe 49).

[70] La GRC soutient que le rapport de M. Milward constitue une [traduction] « critique virulente de la GRC », qu’il passe en revue des événements récents qui n’ont aucun lien avec l’enquête faisant l’objet de la plainte et qu’il mentionne peu, voire pas du tout, le bien que la GRC a fait dans les communautés autochtones et dans le nord de la Colombie-Britannique. La GRC ajoute que tous ces éléments illustrent la partialité du rapport et le fait que M. Milward n’est pas un expert dûment qualifié puisqu’il se fait le défenseur des plaignants.

[71] Je conviens avec les plaignants que les exemples ou les propos utilisés par la GRC pour montrer que M. Milward se fait le défenseur des plaignants ont été retirés du contexte global du rapport et que la lecture du rapport dans son intégralité permet de mieux les comprendre. Je reconnais que le rapport de M. Milward, qui s’appuie notamment sur des rapports antérieurs, offre le contexte social permettant de comprendre la relation de longue date qui existe entre la GRC et les peuples autochtones au Canada, y compris dans le nord de la Colombie-Britannique.

[72] La GRC peut présenter des éléments de preuve pour contredire tout ou partie du rapport de M. Milward ou pour aborder des sujets qui ne sont pas traités en détail dans le rapport, notamment des éléments prouvant que la GRC a réalisé de bonnes choses dans le nord de la Colombie-Britannique. On peut supposer que ses propres témoins, qui ont travaillé dans le nord de la Colombie-Britannique, seraient en mesure de fournir cette preuve. M. Milward reconnaît qu’il n’a pas fait de recherches originales pour préparer son rapport, mais qu’il a plutôt examiné des études et des rapports déjà publiés, dont la plupart reposaient sur des recherches menées auprès des membres des communautés autochtones et de la GRC. S’il existe des études ou des rapports qui contiennent des renseignements contradictoires ou qui proposent une analyse différente des renseignements fournis par M. Milward, la GRC peut chercher à les faire admettre en preuve lors de l’instruction.

[73] Je ne considère pas le rapport de M. Milward comme une [traduction] « critique virulente de la GRC ». Je tiens à souligner que, dans son rapport, M. Milward présente l’histoire des peuples autochtones et de la GRC comme étant nuancée et qu’il écrit à plusieurs reprises que la GRC peut surmonter [traduction] « la mémoire sociale négative qu’ont par défaut les peuples autochtones » et qu’elle y est parvenue. M. Milward affirme que la mémoire sociale que partagent certaines communautés autochtones à l’égard de la GRC est devenue plus positive grâce aux [traduction] « mesures positives prises au fil du temps ».

[74] Je suis d’accord avec les plaignants pour dire que le simple fait que la GRC n’aime pas ou n’approuve pas les opinions de M. Milward ne les rend pas injustes ou partisanes.

[75] En ce qui concerne la préoccupation de la GRC selon laquelle le rapport de M. Milward n’est pas « neutre », mais qu’il frise le plaidoyer, je note que rien n’exige que la preuve d’expert soit neutre. La preuve d’expert doit plutôt être « impartiale, en ce sens qu’elle découle d’un examen objectif des questions à trancher » (White Burgess, précité, au paragraphe 32). Comme le TDPO l’a utilement déclaré dans l’affaire McKay, précitée :

[traduction] L’objectivité d’un expert ne suppose pas que celui-ci n’entretient aucun lien dans la collectivité ou qu’il émet des opinions dans l’absolu, sans aucunement connaître les parties ou leurs avocats. On fait appel aux experts précisément en raison de leur connaissance étendue ou approfondie du domaine et de leur bonne réputation ou de leur affiliation [...]. De plus, eu égard aux droits de la personne, je suis conscient des problèmes d’accès à la justice que peuvent rencontrer les groupes marginalisés et en quête d’équité si les règles de la preuve sont appliquées de façon stricte dans le but d’exclure tout expert ayant travaillé au sein de tels groupes ou en leur nom. Pour évaluer l’(im)partialité, le tribunal doit déterminer si, compte tenu de la nature et du degré de l’association, l’expert est capable et désireux de fournir une preuve indépendante et objective faisant autorité, et non pas des arguments, afin d’aider le décideur, peu importe la partie que l’information fournie favorise (au paragraphe 99).

[76] Les tribunaux des droits de la personne ont reconnu que les critiques formulées par un expert ne constituent pas nécessairement un plaidoyer. Dans l’affaire McWilliam, précitée, le TDPO a évalué l’objectivité de l’experte après que le défendeur eut fait valoir qu’elle était une militante féministe. Dans cette affaire, le TDPO a déclaré ceci :

[traduction] Le fait que la professeure Corsianos ait critiqué le traitement réservé aux femmes dans les services de police ne la rend pas, en soi, incapable de fournir une preuve juste, objective et impartiale. Cela ne fait pas non plus d’elle une défenseure partiale. Il est tout à fait possible d’être critique tout en étant juste, objectif et impartial, notamment quand il est légitime de formuler des critiques à l’égard des phénomènes, institutions ou entités sociales étudiés (au paragraphe 54).

[77] Selon les plaignants, ce n’est pas parce que M. Milward a formulé des critiques à l’égard de la GRC qu’il est incapable de fournir une preuve juste, objective et impartiale, ni qu’il est un défenseur partial de la cause. Ils ajoutent que les critiques formulées par M. Milward au sujet de la conduite adoptée par la GRC à l’égard des peuples autochtones sont fondées sur un motif légitime, qu’il explique en détail dans son rapport et qui repose sur des conclusions tirées de rapports et d’études dignes de foi. Plus particulièrement, les plaignants soulignent que d’autres décideurs, y compris des tribunaux de juridiction criminelle, se sont appuyés sur le rapport final de la Commission de vérité et réconciliation et sur le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées pour établir le contexte social étant donné la véracité de leur contenu (voir R. v. A.(M.), 2020 NUCJ 4 (CanLII), au paragraphe 19 et Campbell v. Vancouver Police Board (No.4), 2019 BCHRT 275 (CanLII), aux paragraphes 111 et 112).

[78] Je ne pense pas que la GRC ait réussi à démontrer qu’il existe un motif réaliste de penser que M. Milward ne peut ou ne veut pas s’acquitter de l’obligation qui lui incombe de fournir une preuve impartiale, indépendante et sans parti pris. Comme je l’ai mentionné précédemment dans la section sur la « nécessité », le fait que M. Milward s’appuie sur le travail réalisé par d’autres et l’incorpore au sien ne rend pas son rapport inadmissible.

[79] À mon avis, M. Milward est qualifié pour présenter des éléments de preuve sur la relation de longue date qui existe entre la GRC et les peuples autochtones au Canada, notamment des éléments relatifs à la méfiance, passée et présente, des peuples autochtones l’égard de la GRC, y compris dans le nord de la Colombie-Britannique. De par ses études universitaires et son expérience professionnelle, M. Milward a les connaissances et les compétences spécialisées nécessaires pour passer en revue et critiquer les volumineux rapports mentionnés dans son rapport. Je souscris à l’opinion des plaignants selon laquelle il possède les connaissances et l’expertise nécessaires pour évaluer la validité des études de sciences sociales.

C. Les bénéfices éventuels de l’admission de la preuve de M. Milward l’emportent sur les risques

[80] Comme j’ai conclu que la preuve proposée par M. Milward répond aux critères d’admissibilité de l’arrêt Mohan, je passe à la deuxième étape de l’analyse. À l’étape où il exerce son rôle de gardien, le Tribunal doit déterminer si les bénéfices éventuels de l’admission de la preuve d’expert proposée l’emportent sur tout risque de préjudice pour l’instruction ou pour les autres parties. Dans l’arrêt White Burgess, précité, la Cour suprême a indiqué qu’à cette étape, la pertinence, la nécessité, la fiabilité et l’absence de parti pris jouent un rôle dans la pondération des considérations concurrentes globales relatives à l’admissibilité. La Cour a indiqué qu’au bout du compte, le juge doit être convaincu que les risques liés au témoignage de l’expert ne l’emportent pas sur l’utilité possible de celui-ci (au paragraphe 54). Parmi les risques possibles, mentionnons une instruction retardée ou une audience plus longue, un ajournement, une hausse des coûts, un degré de déférence inapproprié envers l’expert, la science de pacotille et les batailles d’experts (White Burgess, au paragraphe 18).

[81] La GRC soutient que, même si le Tribunal estime que le rapport répond à tous les critères de l’arrêt Mohan, l’effet combiné de toutes les lacunes du rapport rend les dangers de son admission bien plus grands que tout bénéfice qu’il pourrait apporter. Elle affirme que M. Milward fait de vastes généralisations sur les enquêtes menées par la GRC dans le nord de la Colombie-Britannique tout en admettant qu’il dispose de peu de renseignements lui permettant d’évaluer la conduite discriminatoire. La GRC fait valoir que la [traduction] « portée excessive » du rapport, lequel présente des faits et des opinions sur des sujets tels que les pensionnats et l’enquête sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ne fait que détourner l’attention de l’allégation de discrimination dont est saisi le Tribunal, laquelle porte, selon elle, sur l’enquête du caporal Mackie. Elle affirme que [traduction] « le Tribunal n’est pas appelé à se prononcer sur l’histoire et la conduite de la GRC depuis sa création ».

[82] Les plaignants soutiennent que les « lacunes » du rapport auxquelles la GRC fait référence sont en fait des éléments de preuve admissibles pour établir le contexte.

[83] Je reconnais que le rapport traite de sujets qui, à première vue, semblent n’avoir aucun lien avec l’enquête discriminatoire dont il est question dans la présente plainte. Cependant, je reconnais également que le rapport traite de ces divers sujets parce qu’ils s’inscrivent dans le contexte de la relation entre la GRC et les peuples autochtones au Canada, y compris dans le nord de la Colombie-Britannique. La Cour suprême du Canada a confirmé qu’il est important de comprendre le contexte social entourant les interactions entre la police et les groupes racialisés lorsque vient le temps de se prononcer sur les circonstances d’un contact particulier (voir R. c. Le, précité, au paragraphe 86). Je reconnais qu’il est tout aussi important de comprendre le contexte lorsqu’on examine des allégations de discrimination, qu’elle soit individuelle ou systémique.

[84] Je comprends que les plaignants présentent la preuve de M. Milward afin de situer la relation entre la GRC et les Autochtones dans son contexte historique et racial. Ils affirment que cette preuve est pertinente par rapport au contexte social qui sous-tend leur plainte de discrimination. Je suis d’avis que les bénéfices éventuels de cette preuve l’emportent sur tout préjudice pour l’instruction. Il ne s’agit pas d’une affaire où la preuve d’expert proposée traite d’un sujet que le tribunal des droits de la personne ne connaît pas du tout. Il n’est donc pas question ici d’admettre une « science de pacotille » susceptible de donner lieu à une erreur judiciaire. Il n’y a pas non plus de raison de croire que la preuve de M. Milward retardera indûment l’instruction ou qu’elle amènera un ajournement.

[85] La GRC soutient également que le rapport lui est entièrement préjudiciable à titre d’intimée. Elle affirme que, du fait que le rapport contient la liste des nombreux préjudices qui, selon M. Milward, ont été causés par la GRC, [traduction] « il faut en conclure que la GRC a également causé des préjudices dans l’affaire qui nous intéresse » et que M. Milward se prononce donc sur la question fondamentale que le Tribunal doit trancher. Elle fait valoir qu’il est préjudiciable de chercher à déformer les faits de la présente plainte à la lumière des torts allégués du passé.

[86] Les plaignants soutiennent qu’un rapport défavorable n’est pas nécessairement un rapport préjudiciable. Ils déclarent que la preuve de M. Milward ne porte pas sur la question fondamentale de savoir si les pratiques d’enquête en cause témoignent d’une discrimination individuelle ou systémique à l’égard des Autochtones, ou si d’autres techniques d’enquête auraient dû être utilisées pour répondre aux besoins des plaignants autochtones.

[87] Je conviens que le simple fait que le rapport de M. Milward contienne des renseignements avec lesquels la GRC pourrait être en désaccord ne le rend pas nécessairement préjudiciable. La GRC pourra contre-interroger M. Milward, présenter sa propre preuve et faire des observations sur la pertinence du témoignage de M. Milward et le poids qu’il convient de lui accorder.

[88] En ce qui concerne la préoccupation selon laquelle le Tribunal pourrait s’en remettre indûment à l’opinion de M. Milward, le Tribunal comprend que la preuve d’opinion de M. Milward n’usurpe pas le rôle qui lui incombe d’évaluer la crédibilité, de constater les faits et de trancher les questions de fait et de droit soulevées dans la présente plainte. Le Tribunal est bien conscient qu’il doit déterminer s’il y a eu discrimination en l’espèce et qu’il décidera, après avoir entendu l’ensemble de la preuve et des observations des parties, du poids qu’il convient d’accorder, le cas échéant, à la preuve de M. Milward.

[89] Je ne crois pas que la GRC ait démontré que le risque de préjudice pour le processus d’audience ou pour la GRC l’emporte sur les bénéfices éventuels de l’admission de la preuve proposée par M. Milward. J’estime plutôt que la preuve attendue est assez avantageuse pour la présente instance pour justifier son admission et que le risque de préjudice est minime. Le rapport de M. Milward est admissible et il peut témoigner à titre d’expert à l’audition de la plainte.

Signée par

Colleen Harrington

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 7 mars 2023


Tribunal canadien
des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2459/1620

Intitulé de la cause : Woodgate et al. c. GRC

Date de la décision sur requête du Tribunal : le 7 mars 2023

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

Whitney Dunn, Rupinder Gosal et Nima Omidi , pour l'intimée

Karen Bellehumeur et Angeline Bellehumeur , pour les plaignants

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