Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : TCDP 2022 44

Date : le 23 décembre 2022

Numéro du dossier : T2640/1621

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Bibi Ali

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Ministère de la Défense nationale

l’intimé

Décision sur requête

Membre : Kathryn A. Raymond, c.r.

 


Table des matières

I. Résultat 3

II. Contexte 3

III. Questions en litige : compétence et portée de la plainte 5

IV. Compétence 5

A. La CRTESPF devrait-elle trancher le différend concernant le poste intérimaire? 5

B. La compétence de la CRTESPF invoquée par le MDN est-elle une compétence concurrente ou exclusive? 5

C. Pourquoi la question de la compétence est importante 6

D. Analyse : l’argument de la compétence exclusive de la CRTESPF 7

(i) Application de l’arrêt Horrocks 8

(ii) Argument en faveur de l’établissement d’une distinction à l’égard des questions de dotation 10

E. Analyse : l’argument selon lequel la CRTESPF est « mieux placée » 11

(i) La question de la compétence intrinsèque selon la Loi et son importance 11

(ii) Est-il nécessaire pour le Tribunal de rendre une décision discrétionnaire pour exercer sa compétence? 16

F. Conclusion concernant la compétence à l’égard du contenu contesté 18

G. Le Tribunal prend acte de ce qu’une question de compétence reste à trancher 18

V. Le contenu contesté devrait-il être radié de l’exposé des précisions de Mme Ali? 19

A. Aperçu des questions en litige concernant la portée de la plainte 19

B. Le MDN objecte que les allégations relatives au poste ENG‑05 ne figuraient pas dans la plainte 19

C. Le MDN objecte que les allégations n’ont pas fait l’objet d’une procédure devant la Commission 20

D. Le MDN s’oppose, au motif que les allégations n’ont pas été renvoyées par la Commission 22

E. Mme Ali conteste l’argument selon lequel elle n’a pas soulevé la question relative au poste ENG-05 intérimaire 23

F. La Commission est d’accord 24

G. Le MDN objecte qu’il n’existe pas de lien suffisant entre les allégations et la plainte pour permettre une modification 25

H. Arguments relatifs à un éventuel préjudice en cas d’autorisation ou de refus de la modification 26

I. Analyse 26

(i) Remarques au sujet de la décision Jorge et élément de preuve à l’appui de la requête concernant le renvoi 26

(ii) Clarification des faits concernant le dossier dont disposait la Commission 28

(iii) Importance de la décision de renvoi 29

(iv) Observations au sujet des omissions dans la thèse du MDN 30

(v) Conclusion concernant la réplique de février 2020 31

(vi) Proposition d’une conclusion subsidiaire fondée sur le contenu de la plainte 32

(vii) Importance de l’enquête de la Commission 32

(viii) Le défaut allégué de la Commission de déterminer s’il fallait écarter le contenu contesté compte tenu du fait que Mme Ali pouvait se prévaloir de la procédure de règlement des griefs 34

(ix) En ce qui a trait à la question de la responsabilité, existe-t-il un lien suffisant entre le contenu contesté et la plainte? 36

(x) En ce qui a trait à la question de la réparation, existe-t-il un lien suffisant entre le contenu contesté et la plainte? 41

(xi) L’évaluation du préjudice éventuel 42

J. Conclusion générale et directive 43

VI. Ordonnance 43

 


I. Résultat

[1] L’intimé, le ministère de la Défense nationale (le « MDN »), allègue que la plaignante, Mme Ali, tente de changer la plainte renvoyée au Tribunal pour instruction en en modifiant la portée. Le MDN demande au Tribunal de ne pas exercer sa compétence pour ce qui est d’examiner de nouveaux détails relatifs à des faits allégués qui ont été ajoutés dans l’exposé des précisions déposé par la plaignante en préparation de l’audience. En se fondant sur l’arrêt Office régional de la santé du Nord c. Horrocks, 2021 CSC 42 [Horrocks], rendu par la Cour suprême du Canada, le MDN soutient qu’un autre tribunal devrait instruire le litige.

[2] Le Tribunal conclut qu’il possède une compétence concurrente à celle de cet autre tribunal et qu’il ne devrait pas refuser de l’exercer. Le refus par le Tribunal d’exercer sa compétence reviendrait à fragmenter les questions en litige, à priver la plaignante d’une décision complète sur le bien-fondé de sa plainte et à restreindre injustement la question de la réparation à accorder si la plainte devait être accueillie.

[3] Toutefois, la question générale qui se pose consiste à déterminer si le contenu contesté devrait être radié de l’exposé des précisions de la plaignante au motif qu’il constitue une modification irrégulière de la plainte. Le Tribunal conclut que le contenu contesté est d’une pertinence relative à l’égard de la plainte, et qu’il ne serait pas équitable de le radier.

II. Contexte

[4] Mme Ali soutient qu’elle a été victime de discrimination en tant qu’employée du MDN en raison du harcèlement et du traitement défavorable qu’elle a subis. En février 2018, elle a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la « Loi »). La Commission a finalement renvoyé la plainte au Tribunal en vue d’une instruction. La question de savoir si la plainte de Mme Ali est bien fondée sera tranchée un autre jour.

[5] Le MDN a soulevé des inquiétudes quant à la portée de la plainte lorsque chacune des parties a présenté les détails de son dossier dans son exposé des précisions. Les exposés des précisions doivent être déposés selon les exigences des Règles de procédure du Tribunal (les « Règles »). Mme Ali, qui a occupé un poste ENG-04 au cours d’une longue carrière au sein du MDN, affirme notamment dans son exposé des précisions que sa candidature pour un poste ENG-05 intérimaire en 2017 n’a pas été prise en considération pour des motifs discriminatoires. Les allégations à cet égard ne figurent pas dans la plainte qu’elle a déposée auprès de la Commission en 2018 et qui a mené à la présente instance.

[6] Mme Ali n’était pas représentée lorsqu’elle a déposé sa plainte. Elle a retenu les services d’avocats en 2021. Lorsque les exposés des précisions ont été déposés auprès du Tribunal, les avocats de Mme Ali ont demandé le consentement des parties pour modifier la plainte afin d’y ajouter le contenu figurant dans l’exposé des précisions de leur cliente. Ce contenu comprenait des renseignements contextuels et un historique des faits; des allégations supplémentaires qui ne figuraient pas dans la plainte, mais qui se rapportaient à la période visée par la plainte; et des allégations subséquentes au dépôt de la plainte. Le MDN a accepté toutes les modifications découlant du nouveau contenu de l’exposé des précisions de Mme Ali, à l’exception des allégations concernant le poste ENG-05 intérimaire.

[7] En réponse à l’objection du MDN, les avocats de Mme Ali ont fait valoir que les allégations relatives au poste intérimaire étaient visées par la plainte existante, et qu’aucune modification n’était nécessaire. Le MDN a déposé la présente requête en vue de faire radier le contenu contesté de l’exposé des précisions de Mme Ali concernant le poste ENG-05 intérimaire. Ce contenu contesté figure aux paragraphes 2, 57, 91 et 92 et aux alinéas 29e) et 102f) de l’exposé des précisions.

[8] Le MDN soutient que le Tribunal ne devrait pas admettre le contenu en cause deux raisons :

1)a) le Tribunal n’a pas compétence pour trancher les allégations visées, compte tenu de l’arrêt Horrocks;

b) même si le Tribunal avait la compétence voulue, il ne devrait pas l’exercer;

2) les allégations constituent une nouvelle plainte, qui n’a aucun lien avec la plainte existante, et la Commission ne l’a pas renvoyée au Tribunal pour instruction.

III. Questions en litige : compétence et portée de la plainte

[9] Les questions en litige sont les suivantes :

  1. Le Tribunal a-t-il compétence pour se prononcer sur la question de savoir si la candidature Mme Ali pour un poste ENG-05 intérimaire en 2017 n’a pas été prise en considération pour des motifs discriminatoires?
  2. Si le Tribunal a la compétence voulue, devrait-il l’exercer?
  3. Dans l’affirmative, le Tribunal devrait-il autoriser Mme Ali à conserver le contenu contesté dans son exposé des précisions?

IV. Compétence

A. La CRTESPF devrait-elle trancher le différend concernant le poste intérimaire?

[10] Le MDN est un milieu syndiqué qui est régi par une convention collective. Le refus d’emploi allégué concernant le poste ENG-05 intérimaire aurait pu faire l’objet d’un grief dans le cadre du processus de règlement des différends prévu par la convention collective applicable. Un tel e grief aurait ultimement été tranché par la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral (la « CRTESPF »). La CRTESPF est prévue et établie par la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral, L.C. 2013, ch. 40, art. 365. Le MDN soutient que la décision sur le contenu contesté devrait être rendue par la CRTESPF.

[11] Mme Ali et la Commission contestent l’existence d’un quelconque problème concernant la compétence du Tribunal et affirment que celui-ci devrait instruire et trancher la question du contenu contesté.

B. La compétence de la CRTESPF invoquée par le MDN est-elle une compétence concurrente ou exclusive?

[12] D’abord, le MDN fait valoir que la CRTESPF est [traduction] « mieux placée » pour examiner la question relative à la possibilité d’emploi dont la plaignante aurait été privée en ce qui concerne le poste ENG-05. Il en est ainsi, selon lui, en raison de l’expertise de la Commission dans l’interprétation et l’application des conventions collectives. Le MDN soutient que ce n’est pas simplement parce que Mme Ali affirme que le poste ENG-05 lui a été refusé pour des motifs discriminatoires que le Tribunal devrait trancher cette question. L’argument selon lequel la Commission est [traduction] « mieux placée » pour instruire la question relative au poste ENG-05 intérimaire suppose implicitement que le Tribunal a une compétence concurrente à celle de la CRTESPF, mais qu’il devrait choisir de ne pas l’exercer.

[13] Ensuite, le MDN semble également affirmer que le Tribunal n’a pas la compétence voulue, auquel cas celui-ci n’aurait pas de décision discrétionnaire à rendre. Cette interprétation ressort des citations du MDN provenant de l’arrêt Horrocks. Les paragraphes de l’arrêt Horrocks sur lesquels se fonde le MDN concernent tous la conclusion de la Cour suprême du Canada selon laquelle, dans cette affaire, c’était un arbitre en droit du travail, habilité par la législation provinciale et la convention collective applicable, qui avait compétence exclusive pour juger des faits ayant donné lieu à une violation alléguée des droits de la personne, alors qu’un arbitre des droits de la personne au Manitoba, habilité par la loi provinciale, n’avait pas compétence. Le MDN n’affirme pas carrément que, selon l’arrêt Horrocks, le Tribunal n’a pas compétence à l’égard du contenu contesté. Mais son recours aux extraits précis qu’il a choisis donne à penser qu’à son avis, le Tribunal n’a pas compétence et ne peut pas exercer son pouvoir discrétionnaire pour instruire l’affaire, comme il le pourrait s’il avait une compétence concurrente.

[14] Ce n’est que dans ses observations ultérieures concernant les décisions en matière de dotation que le MDN a expressément invoqué la compétence exclusive de la CRTESPF. Cette affirmation s’inscrivait dans le contexte de l’argument du MDN selon lequel le contenu contesté porte sur des décisions de dotation qui doivent être tranchées par la CRTESPF en application de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, L.C. 2003, ch. 22, art. 2.

C. Pourquoi la question de la compétence est importante

[15] La question de savoir si la CRTESPF, le Tribunal ou les deux ont compétence est importante, tout comme la question de savoir si le Tribunal devrait exercer sa compétence, si compétence il y a. Le MDN affirme que c’est la CRTESPF dont Mme Ali devrait saisir ses allégations quant au poste ENG-05 intérimaire qui lui aurait été refusé. Or, il n’est nullement évident que Mme Ali puisse le faire.

[16] Dans les conflits en matière de relations de travail découlant d’une convention collective, un employé n’a pas la capacité juridique propre de soumettre une affaire à l’arbitrage. La présentation d’un grief, dont un employé peut se charger lui-même, ne donne pas à ce dernier un droit d’accès personnel à un arbitre indépendant et neutre. Il revient au syndicat d’accepter de soumettre le grief à l’arbitrage. Un employé peut avoir de la difficulté à faire annuler la décision d’un syndicat de ne pas déposer de grief, compte tenu de l’obstacle procédural supplémentaire que cela représente, des fondements juridiques limités sur lesquels repose l’obligation de représentation équitable et de la difficulté d’obtenir des preuves d’un manquement à l’obligation de représentation équitable, entre autres problèmes connexes. La question de l’accès pratique à la CRTESPF n’est pas abordée dans les documents de la requête. Si le Tribunal conclut qu’il ne peut pas ou ne devrait pas exercer sa compétence, et qu’ensuite, elle ne parvient pas à obtenir de la CRTESPF une décision sur le fond concernant le poste ENG-05 intérimaire, Mme Ali pourrait bien se poser des questions sur son accès à la justice.

[17] Précisons que le Tribunal est tenu de trancher la question de savoir s’il a compétence en se fondant sur la loi. Les répercussions sur les parties ne peuvent pas déterminer le résultat. Ainsi, la question d’un préjudice causé à l’une ou l’autre des parties ne devra être prise en compte que si le Tribunal est appelé à trancher la question de savoir s’il y a lieu d’exercer sa compétence.

D. Analyse : l’argument de la compétence exclusive de la CRTESPF

[18] Le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument du MDN selon lequel la CRTESPF a compétence exclusive sur le contenu contesté, que ce soit selon l’arrêt Horrocks ou parce que ce contenu se rapporte à une question de dotation.

(i) Application de l’arrêt Horrocks

[19] Le MDN affirme que la Cour suprême du Canada a décidé, dans l’arrêt Horrocks, que la seule allégation d’une violation des droits de la personne ne faisait pas en sorte que le différend relève de la compétence du tribunal des droits de la personne. Comme en l’espèce, le milieu de travail de Mme Horrocks était syndiqué. Une arbitre des droits de la personne au Manitoba s’était déclarée compétente à l’égard d’une question relative aux droits de la personne soulevée par Mme Horrocks. Cette décision de l’arbitre d’assumer compétence avait été contestée. Finalement, la Cour suprême du Canada a conclu que c’était un arbitre du travail qui avait compétence exclusive pour trancher les différends — y compris les allégations de discrimination —, découlant de la convention collective. Cette conclusion reposait sur l’existence d’une disposition de la Loi sur les relations du travail du Manitoba qui prévoyait le règlement obligatoire des différends, et qui, selon la Cour, conférait à l’arbitre du travail une compétence exclusive sur les différends découlant de la convention collective.

[20] La Cour a tiré cette conclusion juridique sous réserve de l’existence d’une « intention législative clairement exprimée à l’effet contraire » (au par. 39), mais elle a constaté que rien, dans la loi autorisant l’arbitre des droits de la personne à instruire les plaintes pour atteinte aux droits de la personne, n’exprimait une intention contraire. En d’autres termes, l’habilitation législative permettant d’instruire une plainte pour atteinte aux droits de la personne n’était pas suffisante en soi pour l’emporter sur la disposition de la Loi sur les relations du travail du Manitoba prévoyant le règlement obligatoire des différends.

[21] Le MDN renvoie expressément aux paragraphes 30, 46 et 50 à 52 de l’arrêt Horrocks. Il s’agit des paragraphes de l’arrêt qui confirment la compétence exclusive de l’arbitre en droit du travail dans cette affaire, et qui écartent le pouvoir discrétionnaire de l’arbitre des droits de la personne de se déclarer compétent. La Cour suprême du Canada a fait observer expressément, au sujet de cette conclusion, qu’il « ne s’agit pas d’une préférence judiciaire, mais d’une interprétation du mandat que la loi confère aux arbitres » (au par. 30).

[22] Le MDN laisse entendre que la présente affaire est analogue à l’affaire Horrocks, parce que le contenu contesté relève de la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral. Ainsi, selon le MDN, c’est la CRTESPF qui a compétence à l’égard du règlement définitif des différends découlant de la convention collective de Mme Ali. Il souligne que, dans l’arrêt Horrocks, la Cour suprême du Canada a conclu que l’arbitre de la Commission des droits de la personne du Manitoba avait commis une erreur en concluant qu’elle avait compétence : elle s’était trop étroitement concentrée sur la qualification juridique de la demande, qui, à son avis, relevait des droits de la personne, plutôt que sur la question de savoir si les faits entourant le litige étaient visés par la convention collective de Mme Horrocks. De la même manière, le MDN soutient que les faits qui se rapportent aux allégations de Mme Ali concernant le poste intérimaire relèvent clairement de sa convention collective. Le MDN souligne que la convention collective comporte une disposition qui interdit la discrimination (art. 44).

[23] Le Tribunal constate que le MDN n’a pas relevé les dispositions des lois fédérales auxquelles il renvoie et qui sont censées conférer une compétence exclusive à la CRTESP. L’affaire Horrocks concerne les lois précises du Manitoba qui y sont en cause, et non la Loi sur les relations de travail dans le secteur public fédéral, la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ou la Loi sur la Commission des relations de travail et de l’emploi dans le secteur public fédéral.

[24] Il n’est pas nécessaire de comparer le libellé de la Loi sur les relations du travail du Manitoba, qui était en cause dans l’arrêt, et les lois fédérales applicables en l’espèce pour déterminer si celles-ci accordent la compétence exclusive à la CRTESPF, de telle sorte que l’issue de la présente affaire devrait être la même que celle de l’affaire Horrocks. Dans l’arrêt Horrocks, la Cour suprême du Canada a jugé que le Tribunal canadien des droits de la personne avait une compétence concurrente à celle des arbitres du travail et des autres tribunaux d’origine législative ayant compétence en matière de droits de la personne. Il en est ainsi en raison de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[25] La Cour suprême du Canada a fait observer, au paragraphe 33, que « pour écarter l’arbitrage en droit du travail en tant que seule juridiction pour les différends résultant d’une convention collective [...], il est nécessaire que le législateur exprime concrètement sa volonté de produire cet effet. La cour a souligné que « la simple existence d’un tribunal concurrent ne suffit pas ». Elle a ensuite expliqué ainsi ce qui aurait pour effet d’écarter la compétence exclusive de l’arbitre en droit du travail :

Idéalement, lorsque le législateur souhaite qu’il y ait compétence concurrente, il l’indiquera expressément dans la loi constitutive du tribunal administratif. Toutefois, même sans indication expresse en ce sens, cette intention peut ressortir du régime législatif. Par exemple, certaines lois habilitent expressément le décideur à refuser d’instruire la plainte au motif que celle-ci pourrait être instruite selon la procédure de règlement des griefs (voir, p. ex., Human Rights Code, R.S.B.C. 1996, c. 210, art. 25; Code canadien du travail, al. 16(l.1) et par. 98(3); Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6, art. 41 et 42). Ces dispositions impliquent nécessairement que le tribunal administratif a une compétence concurrente sur les différends qui sont également soumis à la procédure de règlement des griefs [...] En pareil cas, l’application d’un modèle de compétence arbitrale exclusive ferait échec à l’intention du législateur, et ne permettrait pas de concrétiser cette intention. [Non souligné dans l’original.]

[26] Le MDN ne fait pas état de cette conclusion tirée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Horrocks dans ses observations relatives à la requête et, par conséquent, il ne présente pas non plus d’arguments pour expliquer pourquoi l’arrêt n’est pas applicable, ou pourquoi il y aurait lieu de le distinguer de l’espèce et de ne pas le suivre.

[27] Le Tribunal ne voit aucune raison de ne pas conclure qu’il est lié par la conclusion tirée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Horrocks. Il a une compétence concurrente à celle des arbitres du travail et des tribunaux d’origine législative tels que la CRTESPF sur des questions de faits qui donnent lieu à des allégations de discrimination.

(ii) Argument en faveur de l’établissement d’une distinction à l’égard des questions de dotation

[28] Le MDN soutient que les allégations relatives au poste ENG-05 mettent en jeu une question de dotation. Il affirme de façon générale, au paragraphe 48 de ses observations, que la CRTESPF possède une compétence exclusive sur les questions de dotation en tant que tribunal spécialisé en la matière qui a l’expertise nécessaire pour instruire des griefs liés à des mesures de dotation en vertu de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, art. 12 et 13.

[29] Les allégations concernant le poste ENG-05 ne se limitent pas à une question de dotation. Elle soulève une question relative aux droits de la personne. Dans ses observations, le MDN n’explique pas comment la CRTESPF pourrait avoir une compétence exclusive sur un problème lié à la dotation qui découlerait de la discrimination. Il ne propose pas d’interprétation législative précise de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique ni n’explique en quoi l’arrêt Horrocks ne s’appliquerait pas. Son argument selon lequel il s’agirait d’une situation différente en l’espèce, parce que les questions soulevées se rapportent également à des problèmes de dotation, n’est pas convaincant.

[30] Le Tribunal possède une compétence concurrente sur les questions relatives aux droits de la personne qui sont en litige dans la présente plainte. En cherchant à savoir si les faits de la plainte se rapportent également à des questions de dotation ou de personnel, par exemple dans le cas du congédiement d’un plaignant, on ne procède pas à la bonne analyse.

E. Analyse : l’argument selon lequel la CRTESPF est « mieux placée »

[31] Dans l’arrêt Horrocks, la Cour suprême du Canada a fait observer, au paragraphe 41, que « [l]orsque deux tribunaux administratifs ont une compétence concurrente à l’égard d’un différend, le décideur doit évaluer s’il est opportun d’exercer sa compétence eu égard aux circonstances de l’espèce ». Elle a cependant refusé d’apporter des précisions concernant les facteurs qui devraient guider la détermination de la juridiction appropriée. À première vue, le Tribunal serait donc tenu de statuer sur la question de savoir s’il doit exercer sa compétence concurrente. Toutefois, il se doit d’instruire les plaintes qui lui sont renvoyées par la Commission et de résoudre toutes les questions litigieuses qui relèvent de la plainte.

(i) La question de la compétence intrinsèque selon la Loi et son importance

[32] La décision concernant la compétence concurrente sur les questions relatives aux droits de la personne qui se rapportent à la plainte a été effectivement rendue par la Commission lorsqu’elle a exercé sa compétence en vertu de l’article 41. La Commission a renvoyé la plainte dans son intégralité au Tribunal dans sa décision de renvoi rendue conformément au paragraphe 44(3) et à l’article 49. La compétence concurrente de la Commission a ainsi été transférée au Tribunal.

[33] Le Tribunal est appelé à se prononcer sur la question de savoir si le refus allégué d’accorder le poste ENG-05 intérimaire a un lien suffisant avec la plainte de telle manière qu’il relève de sa portée. Si tel est le cas, les allégations à cet égard relèvent de la plainte et, par conséquent, de la compétence que le Tribunal possède à l’égard de la plainte. Le Tribunal est alors tenu d’instruire les allégations visées par la plainte et doit se conformer au régime législatif qui le régit.

[34] Au Canada, le régime fédéral sur les droits de la personne n’est pas conçu selon un modèle d’accès direct. La Commission procède à l’examen préalable des plaintes, et le Tribunal instruit les plaintes que la Commission lui renvoie. Aucune partie n’a d’accès direct au Tribunal. Lorsque la Commission renvoie la plainte au Tribunal, celui-ci acquiert compétence sur la plainte.

[35] Les paragraphes 49(1) et (2) de la Loi énoncent clairement qu’en application du paragraphe 44(3), le président du Tribunal est tenu, sur demande de la Commission, de désigner un membre pour « instruire la plainte ». Le paragraphe 50(1), quant à lui, dispose que le membre « instruit la plainte ». En d’autres termes, il est attendu du Tribunal qu’il instruise une plainte dès lors qu’elle lui est renvoyée.

[36] La conclusion de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Horrocks, selon laquelle le législateur a voulu qu’il y ait une compétence concurrente pour les instances menées en vertu de la Loi concernant les allégations de discrimination dans un milieu de travail fédéral syndiqué, est fondée sur l’interprétation et l’application, par la Cour, des dispositions portant sur la compétence de la Commission. Lorsque la Cour a écrit que certaines dispositions impliquent nécessairement que le tribunal administratif a une compétence concurrente sur les différends qui sont également soumis à la procédure de règlement des griefs, elle a expressément renvoyé aux articles 41 et 42, qui s’appliquent à la Commission. Les articles 41 et 42 habilitent la Commission à refuser de statuer sur une plainte pour atteinte aux droits de la personne si celle-ci peut normalement être instruite selon une procédure de règlement des griefs, et non par le Tribunal. En outre, une fois qu’une plainte a suivi un processus juridique différent, si le plaignant lui en adresse la demande, c’est la Commission qui est habilitée à déterminer si elle devrait examiner la plainte, et non le Tribunal. En expliquant que l’expression d’une intention du législateur en ce sens écarte la compétence exclusive d’autres décideurs, la Cour a confirmé la compétence et le pouvoir concurrents de la Commission.

[37] Pour décider s’il y a lieu d’accorder au plaignant l’accès au Tribunal, la Commission peut notamment examiner la question de savoir si, aux termes de l’alinéa 41(1)d), la plainte est « frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi » compte tenu d’un autre processus. La Commission a effectivement procédé à un tel examen dans la présente affaire.

[38] Les allégations formulées par Mme Ali concernant le harcèlement et la discrimination qu’elle aurait subis de la part de son gestionnaire ont initialement fait l’objet d’un grief qui a été retiré au motif que le MDN allait mener une enquête interne. Par conséquent, Mme Ali a déposé une plainte de harcèlement à l’interne. Une fois ce processus d’enquête interne achevé, Mme Ali était apparemment insatisfaite en ce qui a trait à l’équité du processus et à son résultat. Elle a par la suite déposé auprès de la Commission, en 2018, sa plainte pour atteinte aux droits de la personne.

[39] Le personnel de la Commission a examiné la plainte de Mme Ali à la lumière de l’article 41. Compte tenu de l’enquête interne antérieure menée par le MDN, l’examen a porté précisément sur la question de savoir si la plainte était frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi, en application de l’alinéa 41d) de la Loi. Pour ce faire, le personnel de la Commission a cherché à savoir si Mme Ali était tenue de déposer un grief au titre de la convention collective dès lors qu’elle considérait que le résultat de l’enquête interne n’était pas satisfaisant. De fait, le personnel de la Commission a établi un [traduction] « rapport au titre de l’article 41 » dans lequel il a recommandé le rejet de la plainte.

[40] Les commissaires chargés du dossier (les « commissaires ») ont reçu et examiné le rapport établi au titre du paragraphe 41(1). Les commissaires rendent des décisions qui deviennent les décisions de la Commission (voir Jorge c. Société canadienne des postes 2021 TCDP 25 (CanLII) [« Jorge »], au par. 137). Dans la présente affaire, les commissaires n’ont pas accepté la recommandation du personnel de la Commission de rejeter la plainte. Ils ont décidé que la Commission devait enquêter sur la plainte, étant entendu que, si elle était jugée fondée, elle serait renvoyée au Tribunal pour instruction.

[41] Les commissaires ont fourni aux parties les motifs écrits de la décision de la Commission (la « décision rendue en vertu de l’article 41 »). La décision ainsi rendue n’a pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire, et est devenue définitive. Le MDN pouvait contester la compétence assumée par la Commission en demandant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission rendue en vertu de l’article 41, ou encore le contrôle judiciaire du renvoi définitif de la plainte au Tribunal par la Commission. Or, il ne l’a pas fait.

[42] Il est admis que la décision rendue en vertu de l’article 41 concernait l’affirmation de la compétence de la Commission à l’égard de la plainte, et non le poste ENG-05 intérimaire ou la question plus générale d’une privation de possibilités d’avancement. Selon les explications ci-après, ces allégations n’avaient pas encore été présentées à la Commission. Toutefois, la décision rendue en vertu de l’article 41 établit le fondement de la compétence de la Commission à l’égard de la plainte.

[43] Finalement, la Commission a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction en application du paragraphe 44(3) et de l’article 49 (la « décision de renvoi »). Ce faisant, la Commission a encore une fois, en vertu de la Loi, usé de son pouvoir discrétionnaire d’exercer sa compétence concurrente à l’égard de la plainte en instance.

[44] La compétence du Tribunal à l’égard de la plainte n’est pas remise en question. La question de la compétence du Tribunal sur les allégations relatives au poste ENG-05 dépend de la pertinence de celles-ci au regard de la plainte dont il a été saisi.

[45] Le rôle qui incombe au Tribunal est de mener une instruction qui correspond à la portée de la plainte qui lui a été renvoyée. Le Tribunal ne devrait réexaminer l’historique de la plainte déposée devant la Commission que s’il a un motif valable de le faire, par exemple en cas d’ambiguïté sur ce qui lui a été renvoyé selon la décision de renvoi. Il n’exercera pas une forme de contrôle judiciaire indirect d’une décision définitive de la Commission (Jorge, au par. 236). Le Tribunal n’a pas le droit de le faire.

[46] Plus précisément, le Tribunal n’a pas compétence pour rendre une décision en vertu de l’article 41. Une telle décision revient à la Commission. De même, le paragraphe 44(2) confère à la Commission le pouvoir de décider de renvoyer une plainte dans les cas où, sur réception du rapport, elle conclut que le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts. C’est la Commission qui est autorisée à décider si la plainte, en totalité ou en partie, doit être renvoyée au Tribunal en application du paragraphe 44(3) et de l’article 49. Pour effectuer un renvoi au Tribunal en vertu du paragraphe 44(3), la Commission doit être convaincue que l’examen de la plainte est justifié et qu’il n’y a pas lieu de la renvoyer à une autorité compétente pour qu’elle fasse l’objet d’un recours interne ou d’une procédure d’appel ou de règlement des griefs.

[47] Pour des raisons de compétence, le Tribunal n’est pas habilité à déférer les affaires que lui renvoie la Commission. Il n’a pas compétence pour ordonner qu’une plainte ou une partie d’une plainte qui lui a été renvoyée par la Commission soit redirigée vers une autre instance, c’est-à-dire, en l’occurrence, qu’elle soit examinée dans le cadre de la procédure d’arbitrage de la CRTESPF. Si les allégations relatives au poste ENG-05 s’inscrivent valablement dans la portée de la plainte, le Tribunal ne peut pas ordonner qu’elles soient renvoyées à un autre décideur.

[48] En résumé, le Tribunal tire sa compétence concurrente de la Commission, en vertu du régime d’accès restreint prescrit par la Loi. Le Tribunal ne peut dire s’il convient ou non d’exercer la compétence concurrente, étant donné qu’il ne possède ni la compétence ni le pouvoir voulus pour décider s’il y a lieu d’appliquer l’article 41 ou le paragraphe 44(2), ou encore de refuser une plainte renvoyée en vertu du paragraphe 44(3) et de l’article 49. La question de la compétence concurrente a effectivement déjà été tranchée par la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision en vertu de l’article 41, puis sa décision de renvoi de la plainte au Tribunal, en application du paragraphe 44(3) et de l’article 49. Le Tribunal doit instruire toute question pertinente par rapport à une plainte que lui renvoie la Commission et résoudre toutes les questions en litige qui s’inscrivent dans la portée de cette plainte.

[49] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal a conclu que les allégations relatives au poste ENG-05 intérimaire relèvent de la portée de la plainte. Le Tribunal a une compétence concurrente à l’égard de ces allégations, et il est tenu de l’exercer.

(ii) Est-il nécessaire pour le Tribunal de rendre une décision discrétionnaire pour exercer sa compétence?

[50] Supposons que le Tribunal ait mal interprété la décision de la Commission concernant la compétence concurrente à l’égard de la plainte, et ses effets, et qu’il doive rendre une décision discrétionnaire concernant l’exercice de sa compétence concurrente. Étant donné que le Tribunal a conclu que les allégations relatives au poste ENG-05 s’inscrivent dans la portée de la plainte, les considérations liées à l’instance appropriée, à la prépondérance des inconvénients, à l’économie des ressources judiciaires et aux intérêts de la justice font toutes en sorte que le Tribunal n’ait pratiquement d’autre choix que d’exercer sa compétence pour instruire la plainte.

[51] Il est beaucoup plus rapide et plus efficace de permettre la modification de la plainte, si cela est nécessaire et indiqué, pour qu’elle puisse être instruite dans son intégralité dans le cadre d’une seule instance, plutôt que de refuser d’assumer compétence et d’informer Mme Ali que, si elle souhaite obtenir une décision au sujet des allégations relatives au poste ENG-05, elle doit engager une procédure distincte auprès de la CRTESPF uniquement en ce qui les concerne. Comme nous l’avons déjà expliqué, il n’est même pas évident qu’elle pourrait le faire, ou le faire de façon efficace et en temps opportun. Les observations du MDN ne font pas état des questions d’économie des ressources judiciaires qui se posent en l’espèce, étant donné que le Tribunal est déjà saisi du contenu contesté en cause. De l’avis du Tribunal, le refus d’exercer sa compétence concurrente dans les circonstances entraînerait pour toutes les parties un travail additionnel qui ferait inutilement double emploi.

[52] De plus, le fait de soustraire à l’instruction un ensemble de faits ou d’allégations pourrait avoir des répercussions sur le bien-fondé d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne, qu’elle soit portée devant le Tribunal ou devant la CRTESPF. Il ressort clairement de la décision de renvoi que la discrimination serait fondée sur des motifs multiples et interreliés. Il pourrait être injuste envers une victime alléguée de discrimination ou de harcèlement d’omettre des faits pertinents ou de retrancher une allégation d’une plainte afin qu’elle soit instruite séparément, et d’écarter ainsi la possibilité d’examiner l’effet combiné des divers motifs de discrimination. Parfois, des allégations doivent être examinées dans le contexte d’autres faits et allégations pour que l’effet combiné de facteurs interreliés qui établissent qu’il y a eu discrimination puisse ressortir clairement. Il serait non seulement dans l’intérêt de l’économie des ressources judiciaires, mais aussi dans l’intérêt de la justice que toutes les questions relevant de la portée de la plainte soient instruites et tranchées en même temps, par un seul décideur.

[53] Le MDN soutient que la CRTESPF est mieux placée pour statuer sur les allégations relatives au poste ENG-05, parce qu’il s’agit essentiellement d’une question litigieuse découlant de la relation d’emploi entre Mme Ali et le MDN, relation qui est régie par une convention collective. Selon le MDN, ces allégations requièrent l’interprétation et l’application de l’article 44 de la convention collective, lequel interdit la discrimination en matière d’emploi pour les motifs invoqués par Mme Ali dans ses allégations, à savoir la religion, l’origine nationale, la race, la couleur, le sexe et l’âge. Le MDN soutient que la CRTESPF est la mieux qualifiée pour remplir cette fonction. Sur ce point, le MDN affirme que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Fehr, 2018 CAF 159, au paragraphe 4, a décrit l’interprétation et l’application de conventions collectives comme étant des responsabilités qui relèvent directement du champ d’expertise de la CRTESPF.

[54] Le MDN souligne que la CRTESPF possède également un pouvoir d’origine législative d’interpréter et d’appliquer la Loi ainsi que d’accorder des réparations en vertu de celle-ci. Elle instruit aussi régulièrement des affaires portant sur la discrimination en matière d’emploi. La CRTESPF a qualité pour agir dans les griefs qui requièrent l’interprétation ou l’application de la Loi. Par ailleurs, Mme Ali a droit à une représentation juridique sans frais de la part de son syndicat, l’Institut professionnel de la fonction publique du Canada, dans le cadre de litiges liés à des questions visées par la convention collective. Le MDN souligne en outre que, [traduction] « comme l’a fait observer le juge Brown dans l’arrêt Horrocks, les syndicats sont assujettis à la fois au devoir de juste représentation (qui est visé dans ce cas-ci à l’article 187 de la Loi sur les relations de travail dans le [secteur] public fédéral) et à l’application des lois sur les droits de la personne ».

[55] Pour étayer encore davantage son argument selon lequel la CRTESPF est mieux placée que le Tribunal pour statuer sur le contenu contesté, le MDN fait valoir que les questions liées à la dotation requièrent d’examiner des facteurs différents de ceux soulevés par Mme Ali. Le MDN mentionne ici notamment le rendement et les compétences de Mme Ali et des autres candidats : [traduction] « [...] le profil des autres candidats (c’est-à-dire, leur âge, leur couleur, leur origine nationale, leur race, leur religion ou leur sexe), les qualifications requises pour [le poste] ENG-05 et les besoins opérationnels de l’équipe, qui n’ont pas été examinés à l’étape de la Commission ». Le MDN soutient que l’examen de ces questions par le Tribunal alourdirait considérablement l’instance.

[56] Voilà autant de raisons pour lesquelles la CRTESPF, selon le MDN, aurait été à même d’instruire et de trancher les questions en litige relatives au contenu contesté. Or, il ne s’agit pas là de raisons convaincantes qui justifieraient que le Tribunal n’exerce pas sa compétence concurrente à l’égard de la plainte dont il est saisi.

F. Conclusion concernant la compétence à l’égard du contenu contesté

[57] Le Tribunal possède la compétence concurrente — et il l’exerce déjà — à l’égard de la plainte pour atteinte aux droits de la personne de Mme Ali. Le contenu contesté est valablement inclus dans la plainte dont le Tribunal est saisi, et le Tribunal a compétence à son égard.

G. Le Tribunal prend acte de ce qu’une question de compétence reste à trancher

[58] Avant de clore la question de la compétence, le Tribunal tient à souligner qu’il est conscient que le MDN a également avancé un argument fondé sur le droit concernant le moment où des modifications peuvent être apportées à une plainte. Cet argument est pertinent par rapport à l’exercice de la compétence du Tribunal dans la présente affaire.

[59] Le MDN soutient que les allégations relatives au poste ENG-05 sont distinctes et qu’elles devraient être instruites par la CRTESPF, et non par le Tribunal, parce que la Commission n’a pas analysé la question précise du poste ENG-05 intérimaire au cours de son processus d’examen préalable, d’enquête et de renvoi. Le Tribunal reconnaît que le contenu contesté doit pouvoir être inclus dans l’exposé des précisions de Mme Ali en tant que précision ou en tant que modification de la plainte pour que le Tribunal ait une compétence concurrente à son égard, car le Tribunal n’a pas de compétence qui existerait indépendamment du renvoi de la plainte par la Commission. La question est examinée ci-après.

V. Le contenu contesté devrait-il être radié de l’exposé des précisions de Mme Ali?

A. Aperçu des questions en litige concernant la portée de la plainte

[60] Les questions soulevées par les objections du MDN et les réponses des autres parties sont les suivantes :

  1. Les allégations concernant le poste ENG-05 intérimaire étaient-elles incluses dans la plainte?
  2. Dans la négative, ces allégations peuvent-elles échapper au processus d’examen préalable de la Commission?
  3. Les allégations concernant le poste ENG-05 intérimaire ont-elles été renvoyées au Tribunal par la Commission?
  4. Dans la négative, existe-t-il entre ces allégations et la plainte un lien suffisant pour permettre une modification de la plainte?
  5. L’une ou l’autre partie serait-elle lésée si la demande de modification était soit accueillie, soit rejetée?

B. Le MDN objecte que les allégations relatives au poste ENG‑05 ne figuraient pas dans la plainte

[61] Comme il en a déjà été fait mention, le MDN affirme que les allégations relatives au poste ENG-05 n’ont pas été soulevées dans la plainte de Mme Ali et qu’elles ne relèvent pas de la portée de celle-ci. Par conséquent, le MDN soutient que les paragraphes correspondants de l’exposé des précisions de Mme Ali devraient être radiés.

[62] Le MDN affirme qu’à tous égards, la plainte de Mme Ali se limitait à la manière dont elle était encadrée par un gestionnaire en particulier. Il soutient que Mme Ali a soulevé dans sa plainte des catégories de faits très précis.

[63] Le MDN se sert des titres utilisés par Mme Ali dans sa plainte pour décrire ce qu’il dit être les catégories pertinentes d’allégations. Il s’agit notamment de ce qui suit : [traduction] « Employée difficile », « Travail administratif/menace de mesures disciplinaires », « Surveillance du rendement/répartition de la charge de travail », « Représailles » et [traduction] « Persistance des actes d’intimidation après le départ ». Le MDN fait également référence à des titres semblables utilisés dans une version plus détaillée de la plainte qui a été déposée par Mme Ali au début de la procédure devant la Commission, avant qu’elle n’obtienne les services d’avocats. En mettant l’accent uniquement sur ces deux documents qui ont été préparés par Mme Ali à l’étape de la Commission, et qui décrivent la plainte sans faire mention des allégations relatives au poste ENG-05 intérimaire, le MDN laisse entendre que Mme Ali n’a jamais fait mention de la question à l’égard de laquelle ces allégations seraient pertinentes.

C. Le MDN objecte que les allégations n’ont pas fait l’objet d’une procédure devant la Commission

[64] Le MDN affirme que les allégations relatives au poste intérimaire et les demandes de réparation que Mme Ali présente maintenant dans son exposé des précisions [traduction] « [...] n’ont pas été vérifiées [...] et n’ont pas fait l’objet d’une enquête ou d’un examen minutieux par la Commission [...] ». Selon le MDN, le fait de permettre que la question relative au poste ENG-05 soit instruite à cette étape-ci aurait pour effet de contourner la procédure de la Commission. Car, par exemple, non seulement aucune enquête n’aurait été menée sur les allégations, mais le rapport de la Commission établi en vertu de l’article 41 et les observations des parties devant la Commission se limitaient à la question du traitement, par le MDN, de la plainte de harcèlement déposée à l’interne par Mme Ali. Le MDN affirme que la Commission n’a pas décidé de procéder à l’examen des allégations relatives au poste ENG-05, bien que Mme Ali ait omis de déposer un grief à l’égard de la décision concernant ce poste.

[65] De l’avis du MDN, la Commission ne peut pas instruire une plainte qu’elle devrait écarter sur le fondement de l’alinéa 41(1)a) de la Loi. En l’espèce, le MDN affirme que Mme Ali aurait dû recourir à la procédure de grief prévue par la convention collective pour contester la décision relative au poste intérimaire ENG-05. Or puisqu’elle n’a pas déposé de grief, la CRTESPF ne peut pas examiner sa plainte. Le MDN ajoute que le fait que Mme Ali ait eu recours au processus d’enquête interne distinct mené au sein du MDN ne signifie pas qu’elle ne devrait pas avoir à épuiser la procédure de grief en ce qui concerne le poste ENG-05 intérimaire. Il souligne que l’enquête interne pour harcèlement n’a pas porté sur des questions de dotation.

[66] Le MDN affirme également qu’il serait injuste d’autoriser que le contenu contesté soit conservé. Il soutient qu’il est lésé, car il ne pourra pas soulever d’objection au titre de l’article 41 de la Loi pour faire valoir que Mme Ali aurait dû déposer un grief si elle souhaitait contester le résultat concernant le poste ENG-05 intérimaire.

[67] En ce qui concerne le fait que la Commission, par la suite, ne se serait pas penchée sur les allégations relatives au poste ENG-05, le MDN souligne que l’ajout de ces allégations à ce stade-ci permettrait à Mme Ali de contourner le processus d’examen préalable plus large de la Commission, qui est fondé sur l’examen d’un rapport d’enquête selon l’alinéa 44(3)a). Le MDN se fonde sur la décision Karas c. Société canadienne du sang et Santé Canada, 2021 TCDP 2 (Can LII) [Karas], au paragraphe 140, dans laquelle le Tribunal a conclu que des ajouts présentés au Tribunal à un stade tardif contournaient le processus établi par la Loi et étaient préjudiciables au défendeur. Le MDN poursuit en citant la décision Jorge, au paragraphe 86, à l’appui de sa thèse selon laquelle le fait que le contenu contesté n’ait pas été examiné au cours du processus d’enquête de la Commission constitue à lui seul un motif qui permet de refuser une modification et de radier le contenu contesté.

[68] Le MDN reconnaît que, dans l’affaire Jorge, le Tribunal avait rejeté un argument semblable selon lequel l’intimée avait subi un préjudice au motif que la Commission n’avait pas eu l’occasion de faire enquête. Mais il affirme qu’il est possible d’établir une distinction entre cette affaire et celle qui nous occupe : contrairement aux faits de l’affaire Jorge, en l’espèce, la plaignante n’a pas donné avis des allégations relatives au poste intérimaire à l’étape de la Commission. Le MDN affirme que ces allégations n’ont été soulevées qu’après le renvoi de la plainte.

D. Le MDN s’oppose, au motif que les allégations n’ont pas été renvoyées par la Commission

[69] Le MDN souligne en outre que la décision de renvoi, qui établit les paramètres de l’instruction, traitait d’allégations précises formulées dans la plainte. Elle ne faisait pas mention d’une quelconque allégation selon laquelle Mme Ali avait été privée de la possibilité d’obtenir un poste ENG-05 intérimaire. Le MDN affirme par conséquent que les allégations concernant le poste ENG-05 intérimaire n’ont pas été renvoyées au Tribunal.

[70] Dans ses observations, le MDN conclut la description des faits par un simple énoncé selon lequel, avant qu’il ne dépose la présente requête, Mme Ali avait soutenu que les allégations relatives au poste intérimaire avaient été renvoyées au Tribunal [traduction] « sur la base de certaines déclarations formulées par la plaignante dans sa réplique aux observations de l’intimé datée du 7 février 2020 ». Il n’explique pas quelles étaient ces déclarations.

[71] Dans ses arguments juridiques, le MDN ajoute que Mme Ali a formulé, dans ses observations en réplique à la Commission, des [traduction] « commentaires vagues » selon lesquels, tout au long de sa carrière, elle aurait dû progresser bien au-delà d’un poste ENG-04, et sa candidature n’avait [traduction] « jamais été prise en considération pour des possibilités d’avancement ». Le MDN soutient que des affirmations générales faites deux ans après le dépôt d’une plainte ne peuvent pas élargir la portée de celle-ci. À son avis, le « simple fait de mentionner [une question dans une plainte] ne perme[t] pas directement de conclure que [la plaignante] demandait que ces questions soient traitées par la Commission (Karas, au par. 114).

E. Mme Ali conteste l’argument selon lequel elle n’a pas soulevé la question relative au poste ENG-05 intérimaire

[72] Mme Ali soutient que la plainte comporte un contenu précis qui indique clairement que la question relative au poste ENG-05 est pertinente à l’égard de la plainte, et qu’elle relève de sa portée. Elle souligne qu’[traduction] « il n’est pas contesté que la plaignante a soulevé devant la Commission l’allégation de perte de possibilités de promotion, y compris pour des postes intérimaires ». Elle précise qu’en février 2020, soit plusieurs mois avant que la Commission ne commence son enquête, elle avait porté les allégations concernées à la connaissance de la Commission et de l’intimé dans sa réplique à la défense déposée auprès de la Commission par le MDN. En février 2020, Mme Ali a écrit à la Commission ce qui suit :

[traduction]

J’ai toujours été considérée comme inférieure aux autres employés du DPPM, comme si j’étais une personne qu’il fallait tolérer, mais qui n’était pas égale aux autres, peu importe mes capacités intellectuelles ou mon niveau d’instruction. Ma candidature n’a jamais été prise en considération pour des possibilités d’avancement. Il fallait qu’on me corrige pour que j’accepte mon rôle d’employée asservie […].

[73] Au paragraphe 2 de l’affidavit qu’elle a déposé à l’appui de sa requête, Mme Ali allègue qu’elle a subi une discrimination individuelle et systémique pendant 30 ans alors qu’elle était au service du MDN, ce qui a entravé sa carrière d’ingénieure mécanicienne. Au paragraphe 6, elle affirme avoir explicitement allégué, dans sa réplique à la réponse du MDN à la plainte : [traduction] « le MDN ne m’a jamais prise en considération pour des possibilités d’avancement professionnel, et je n’ai jamais été autorisée à progresser au-delà du niveau ENG-04, y compris par des occasions d’intérim ou d’affectation ». De plus, elle affirme avoir expliqué qu’elle [traduction] « cherch[ait] à obtenir le salaire et les prestations de retraite perdus correspondant à la “progression de carrière d’un ingénieur au niveau supérieur (ENG-05)” ».

[74] Mme Ali a renvoyé le Tribunal à une preuve corroborante selon laquelle le personnel de la Commission a examiné son document en réplique de février 2020. Cette preuve montre notamment que, dans le rapport d’enquête produit ultérieurement par la Commission et daté du 19 octobre 2020, il est indiqué que Mme Ali demandait des dommages-intérêts spéciaux pour absence de possibilités d’avancement et perte de salaire. Mme Ali affirme que, par conséquent, les allégations en cause ont été intégrées dans le rapport d’enquête, et que les commissaires ont renvoyé au Tribunal l’ensemble de l’affaire, allégations comprises, pour qu’il l’instruise. Mme Ali invoque le contenu de la décision de renvoi qui, selon elle, confirme ses dires.

[75] Comme nous l’avons déjà souligné, les avocats de Mme Ali ont finalement indiqué qu’il n’était pas nécessaire que cette dernière présente une requête en modification de la plainte pour y inclure le poste ENG-05 intérimaire dont il est fait mention dans son exposé des précisions. En effet, à leur avis, il s’agissait déjà d’une précision pertinente, c’est-à-dire que le contenu relevait du cadre des allégations existantes figurant dans la plainte.

F. La Commission est d’accord

[76] La Commission fait remarquer que le contenu contesté renferme des allégations selon lesquelles Mme Ali s’est vu refuser des possibilités d’avancement et des avantages sociaux tout au long de sa carrière et, en particulier, le poste intérimaire en mars 2017. La Commission affirme qu’il ne s’agit pas de nouvelles allégations, puisqu’elles avaient été soulevées devant elle au cours de l’enquête.

[77] La Commission a ainsi fait référence à un tel contenu qui figurait dans la réplique de Mme Ali datée du 20 février 2022 :

[traduction]

Mme Ali allègue qu’elle est restée au même niveau pendant 20 ans et qu’« en raison de la nature dévalorisante des tâches qui [lui] ont été assignées, [elle s’est] effectivement vu refuser tout avancement professionnel et toute possibilité de poser [sa] candidature pour d’autres postes d’ingénieur ». Elle a également précisé qu’elle demanderait des dommages-intérêts spéciaux pour discrimination délibérée et inconsidérée ayant entraîné la perte de possibilités d’avancement et d’avantages sociaux.

[78] La Commission soutient qu’elle a été saisie de la question de l’absence de possibilités d’avancement professionnel, et que cette question était incluse dans la plainte lorsqu’elle avait renvoyé l’ensemble de celle-ci au Tribunal. La Commission affirme que le MDN a eu l’occasion de répondre aux allégations concernant cette question avant que la plainte ne soit renvoyée au Tribunal.

[79] La Commission soutient qu’en ce qui concerne la question de l’absence de possibilités d’avancement, [traduction] « la Commission en était saisie à bon droit, puisqu’elle a une compétence concurrente à celle de la [...] CRTESPF sur de telles questions ». Pour ce qui est de l’argument du MDN selon lequel il n’a pas eu l’occasion de dénoncer le défaut de Mme Ali de déposer un grief, la Commission affirme que le MDN avait eu à l’époque la possibilité de soulever une objection quant à la juridiction compétente pour instruire l’affaire, mais qu’il ne l’a pas fait.

G. Le MDN objecte qu’il n’existe pas de lien suffisant entre les allégations et la plainte pour permettre une modification

[80] Le MDN explique qu’il n’existe pas de lien suffisant entre les allégations relatives au poste ENG-05 et la plainte pour permettre une modification de celle-ci. Il soutient que le fait que Mme Ali ne puisse faire référence à aucun problème de dotation qui serait mentionné dans sa plainte confirme qu’il n’y a pas de lien entre le fondement factuel de la plainte et les allégations concernant le poste ENG-05 intérimaire. En se fondant sur la décision Jorge, aux paragraphes 100 et 101, le MDN fait valoir que, [traduction] « même en interprétant généreusement sa plainte et la correspondance subséquente, les faits allégués [relatifs au poste ENG-05] “[ne] se situent [pas] dans le prolongement” de ceux qui ont été déjà mentionnés ». Dans cette décision, le Tribunal avait autorisé des modifications qui apportaient des exemples supplémentaires des mêmes faits allégués. Le MDN insiste pour dire qu’en l’espèce, les allégations concernant le poste ENG-05 intérimaire ne peuvent être raisonnablement considérées comme un tel exemple supplémentaire qui relèverait de l’une ou l’autre des catégories d’allégations formulées dans la plainte.

[81] L’intimé laisse entendre que Mme Ali ne fait valoir l’existence d’un lien entre les allégations concernant le poste ENG-05 et la plainte initiale que parce que les deux questions portent sur les mêmes motifs de discrimination (par exemple, la religion, l’origine nationale et la race). Il soutient que des motifs de discrimination communs (c.-à-d., des caractéristiques protégées communes) ne sont pas suffisants pour créer un lien entre des situations factuelles distinctes. Il fait valoir que, comme il a été conclu dans la décision Egan c. Agence du revenu du Canada, 2012 TCDP 31 (CanLII) [Egan], il n’y a pas de lien entre les faits sur lesquels la Commission a fait enquête et les nouvelles allégations.

H. Arguments relatifs à un éventuel préjudice en cas d’autorisation ou de refus de la modification

[82] Le MDN se plaint de ne pas avoir eu l’occasion de mettre en place des mesures de préservation de la preuve en cas de litige, ce qui lui aurait permis de se préparer pleinement à répondre à la question du poste intérimaire ENG-05. Mme Ali affirme qu’elle subira un préjudice si elle ne peut pas obtenir l’examen des questions qu’elle a soulevées auprès de la Commission, notamment celle des occasions de promotion manquées. La Commission soutient que, puisque le MDN était au courant, à l’étape de l’enquête, des allégations relatives aux possibilités d’avancement dont la plaignante avait été privée, il lui incombait de veiller à la mise en place de mesures adéquates de préservation de la preuve en cas de litige.

I. Analyse

(i) Remarques au sujet de la décision Jorge et élément de preuve à l’appui de la requête concernant le renvoi

[83] Le MDN se fonde en partie sur l’historique de la plainte déposée devant la Commission lorsqu’il soutient que les allégations relatives au poste ENG-05 n’ont pas été prises en compte par cette dernière. Dans la décision Jorge, le Tribunal s’est notamment prononcé sur les éléments de l’historique de la plainte qui pouvaient être utilisés, et dans quelles circonstances. Cette décision a établi qu’il devait y avoir une ambiguïté au sujet du contenu de la décision de renvoi pour justifier que le Tribunal procède à un examen de l’historique préalable au renvoi.

[84] Le MDN n’explique pas en quoi il y aurait une telle ambiguïté dans la décision de renvoi quant au contenu de la plainte transmise au Tribunal pour instruction. Il n’est pas contesté que la Commission a renvoyé l’ensemble de la plainte. Le MDN semble être d’avis qu’il n’y a aucune ambiguïté dans la décision de renvoi, compte tenu de son argument selon lequel Mme Ali n’a soulevé les allégations concernant le poste ENG-05 qu’après le renvoi.

[85] Dans la décision Jorge, le Tribunal n’a tenu compte de l’historique de la plainte, le cas échéant, qu’en ce qui a trait aux décisions de la Commission, et non aux rapports et recommandations du personnel, qui ne sont pas des décisions de la Commission.

[86] La décision Jorge pourrait être mal appliquée en l’espèce. Étant donné qu’aucune ambiguïté n’a été soulevée au sujet de la décision de renvoi, et qu’il n’y a aucune contestation quant à l’interprétation qu’il convient de faire des décisions antérieures de la Commission, on pourrait soutenir que la réplique de Mme Ali, dont celle-ci et la Commission demandent instamment l’examen par le Tribunal, devrait être écartée comme élément de preuve à l’appui de la requête.

[87] Le Tribunal admet que le MDN n’a pas fait valoir cet argument. Toutefois, dans un souci de cohérence entre les décisions du Tribunal, il convient de noter qu’une distinction peut être établie entre les faits de la présente affaire et ceux de l’affaire Jorge. En l’espèce, la question générale que soulève le MDN est celle de savoir de quelle façon les parties ont décrit à la Commission l’objet du litige et/ou quelles sont les observations qu’elles lui ont présentées, et non ce que la Commission a décidé. Le MDN a soutenu que la question du poste ENG-05 intérimaire et celle des mesures de réparation connexes demandées n’ont été soulevées par Mme Ali qu’après le renvoi de la plainte au Tribunal pour instruction. Chacune des parties devrait être autorisée à se servir des documents du dossier de la procédure devant la Commission pour rectifier la description, faite par l’autre partie au Tribunal, du contenu de ce dossier ou encore des positions qu’elle a prises. En l’espèce, nous sommes en présence d'une telle situation, qui justifie d’examiner l’élément pertinent du dossier de la procédure officielle de la Commission, à savoir les observations en réplique de la plaignante.

[88] Comme nous l’avons déjà expliqué, le MDN se borne à admettre que Mme Ali avait soutenu, avant la présente requête, que la question générale de l’avancement professionnel avait été renvoyée au Tribunal, mais qu’elle s’appuyait à cet égard sur des [traduction] « commentaires vagues » formulés dans sa réplique aux observations de l’intimé datée de février 2020. Mme Ali et la Commission ont répondu en présentant des renseignements antérieurs consistant en des citations tirées de la réplique de février 2020 afin de prouver leurs dires quant au fait que la question de la privation de possibilités d’avancement avait été mentionnée dans la réplique. Elles soutiennent que ce fait a été pris en compte par la Commission avant qu’elle ne renvoie l’intégralité de la plainte au Tribunal, et que les allégations figurant dans la réplique ont été incluses dans la décision de renvoi lors de la transmission de la plainte.

(ii) Clarification des faits concernant le dossier dont disposait la Commission

[89] Le Tribunal formule les conclusions de fait initiales suivantes :

  1. La plainte initiale et la version complémentaire préparée par Mme Ali ne font pas expressément mention des possibilités d’avancement perdues ou du poste intérimaire ENG‑05.
  2. La décision de la Commission rendue en vertu de l’article 41 n’aborde pas expressément la question des possibilités d’avancement perdues ou du contenu contesté relatif au poste ENG-05 intérimaire, parce que cette question n’avait pas encore été soulevée auprès de la Commission.
  3. Mme Ali a soulevé la question des possibilités d’avancement perdues après que la Commission a rendu sa décision en vertu de l’article 41, et avant le début de l’enquête de celle-ci. Elle a également indiqué à la Commission et au MDN qu’elle chercherait à obtenir réparation pour les possibilités d’avancement perdues. Elle a soulevé ces questions dans sa réplique de février 2020.
  4. Le personnel de la Commission a tenu compte de cette réplique de février 2020 dans la préparation de son rapport d’enquête (ou rapport aux fins de décision) à l’intention des commissaires, et il en a fait expressément mention.
  5. Il ne semble pas que la Commission ait examiné les allégations relatives au poste ENG-05 en particulier à l’étape de l’enquête.
  6. La décision de renvoi de la Commission ne fait pas expressément référence aux possibilités d’avancement perdues ni aux allégations concernant le poste ENG-05, mais elle renvoie en termes clairs l’intégralité de la plainte au Tribunal.
  7. Les allégations se rapportant précisément au poste ENG-05 n’ont été soulevées que lorsque Mme Ali a déposé son exposé des précisions et a initialement demandé à ce que la plainte soit modifiée avec le consentement des autres parties.

(iii) Importance de la décision de renvoi

[90] Comme il en a déjà été fait mention, le MDN soutient que les affirmations générales formulées dans la réplique de Mme Ali deux ans après le dépôt de sa plainte ne peuvent pas avoir pour effet d’élargir la portée de la plainte. Cette interprétation n’est pas correcte. Il est bien établi dans la jurisprudence que la Commission a le pouvoir d’ajouter à la plainte les faits pertinents qui mettent en jeu des droits de la personne, et qui sont découverts au cours de son processus, de manière à garantir qu’ils soient transmis au Tribunal pour examen, en supposant que l’instruction de la plainte soit justifiée : Emmett c. Agence du revenu du Canada, 2018 TCDP 23 (CanLII), au paragraphe 34.

[91] En renvoyant à la réplique de février 2020, le MDN soutient que le « simple fait de mentionner [une question dans une plainte] ne perme[t] pas directement de conclure que [la plaignante] demandait que ces questions soient traitées par la Commission » (Karas, au par. 114). Cet argument exagère la portée de l’analyse faite par le Tribunal dans la décision Karas. Dans cette décision, le Tribunal avait examiné si la portée d’une plainte englobait d’autres groupes de personnes que le plaignant. Il avait jugé que la simple mention selon laquelle une politique pouvait s’appliquer à d’autres personnes ne permettait pas de conclure raisonnablement que le plaignant demandait à ce que soient inclus dans ses plaintes d’autres groupes de personnes pour lesquelles il avait l’intention de prendre fait et cause. En comparaison, Mme Ali a clairement communiqué, avant l’enquête sur sa plainte, les répercussions que les faits en cause auraient eues sur sa carrière et la nature de la réparation qu’elle demandait en conséquence.

[92] Conformément à la décision Jorge, ce qui est pertinent en l’espèce, c’est la teneur de la plainte que les commissaires ont renvoyée au Tribunal. Les motifs de la décision des commissaires ne précisent pas qu’un quelconque aspect de la plainte est exclu. Il ressort manifestement de la décision Karas (note 14, à la page 20) que si, dans la lettre de renvoi au Tribunal, aucune limitation ni exclusion n’est clairement exprimée, le Tribunal suppose que la plainte est renvoyée dans son entièreté pour instruction. Par extension, le Tribunal a rendu la même conclusion dans l’affaire Jorge, mais à l’égard de la lettre aux parties les avisant de la décision de renvoi, puisque la lettre de renvoi au Tribunal avait été qualifiée dans cette affaire comme étant de nature administrative.

[93] En l’espèce, les commissaires ont précisé, dans leur décision de renvoi, qu’ils n’étaient pas convaincus qu’une enquête adéquate avait été menée. Ils ont relevé diverses omissions dans le cadre de ce qui était une enquête limitée sur une plainte complexe. Par exemple, il n’y avait eu [traduction] « aucune évaluation globale du traitement allégué dans la plainte qui aurait été effectuée en tenant compte des multiples motifs de distinction illicite combinés qui étaient invoqués ». Les commissaires ont particulièrement fait mention des [traduction] « observations détaillées et contradictoires déposées par les parties après la divulgation » pour conclure que l’affaire soulevait des questions de fait et de droit complexes qui exigeaient la tenue d’une instruction complète par le Tribunal. Après avoir examiné les observations détaillées des parties, les commissaires ont vraisemblablement analysé les observations de Mme Ali concernant les possibilités d’avancement dont elle aurait été privée. Les commissaires n’ont donc écarté aucune partie de la plainte.

(iv) Observations au sujet des omissions dans la thèse du MDN

[94] Le MDN n’explique pas pourquoi, après réception de la réplique de Mme Ali, il a agi devant la Commission en 2020 comme si aucune mention n’avait été faite au sujet des possibilités d’avancement perdues. Il n’a soulevé aucune objection relativement à l’article 41 ou au titre du paragraphe 44(2), ou encore au sujet de l’instance appropriée. C’est lorsque l’affaire était devant la Commission qu’il convenait de le faire.

[95] Le MDN n’explique pas en quoi le contenu de la réplique était vague. Il n’a demandé aucune clarification. Si le MDN était d’avis que l’affirmation concernée manquait de précisions, il aurait pu en demander. Lorsqu’il a été confronté à une accusation générale selon laquelle il y avait eu absence de promotion et d’avancement professionnel, la question logique qu’il devait se poser est la suivante : [traduction] « à quels égards? » Les possibilités d’emploi perdues sont des précisions pertinentes par rapport à une plainte relative à une carrière qui aurait été entravée.

[96] La quasi-totalité des observations du MDN à l’appui de la requête donne l’impression que Mme Ali n’a pas soulevé la question des possibilités d’avancement perdues, étant donné que le MDN ne cesse d’y répéter que la question du poste ENG-05 n’a été soulevée qu’après le renvoi de la plainte. Le MDN n’explique pas pourquoi la mention antérieure des possibilités d’avancement perdues ne serait pas pertinente à l’égard de l’occasion perdue d’obtenir le poste ENG-05. L’extrait de la réplique qui traite de l’absence de possibilités d’avancement est, à tout le moins, pertinent aux fins de la présente requête. En réalité, le passage concerné recèle une question d’une importance fondamentale par rapport à la présente requête. Dans ses observations, le MDN aurait dû parler clairement et sans détour de ce contenu figurant dans la réplique de février 2020. En raison de son défaut de le faire, il y a lieu de rejeter la requête du MDN visant à obtenir la radiation du contenu visé de l’exposé des précisions de Mme Ali.

(v) Conclusion concernant la réplique de février 2020

[97] Selon la conclusion du Tribunal, la réplique de février 2020 établit que la plainte comprenait une catégorie pertinente d’allégations de traitement défavorable, catégorie qui inclut la perte de possibilité d’emploi concernant le poste ENG-05 intérimaire. La deuxième est un exemple de la première, ou un « élément » de celle-ci.

[98] Il n’est pas nécessaire de modifier officiellement la plainte. Les parties poursuivront l’instance sur le fondement que les allégations qui figurent dans la réplique de février 2020, et qui concernent l’absence d’avancement professionnel et la perte de possibilités d’avancement alléguées, sont réputées faire partie de la plainte compte tenu des conclusions du Tribunal relativement à la décision de renvoi.

(vi) Proposition d’une conclusion subsidiaire fondée sur le contenu de la plainte

[99] Les observations du MDN sont pratiquement rédigées comme si la réplique de février 2020 n’existait pas. Au cas où les motifs du Tribunal fondés sur la réplique de février 2020 et la décision de renvoi seraient rejetés dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le Tribunal examinera, ci-après, les arguments présentés par le MDN ainsi que les documents qu’il a invoqués à l’appui. Ces arguments portent principalement sur la plainte et ses catégories.

(vii) Importance de l’enquête de la Commission

[100] Une grande partie des arguments du MDN repose sur le fait que la Commission aurait mené une enquête sur la plainte, mais non sur les allégations contenues dans l’exposé des précisions de Mme Ali selon lesquelles elle s’était vu refuser la possibilité d’obtenir un poste ENG-05 intérimaire. (Comme nous l’avons déjà constaté, il ne semble pas non plus que la Commission ait fait enquête sur la question des pertes de possibilités d’avancement soulevée dans la réplique.)

[101] La Commission n’est pas tenue d’enquêter sur chaque allégation qui figure dans une plainte ou qui est soulevée au cours d’une enquête. En effet, elle peut renvoyer une plainte pour instruction à tout moment après son dépôt, sans mener d’enquête, en vertu du paragraphe 49(1) de la Loi. Il est également loisible aux commissaires de décider de renvoyer au Tribunal une plainte dans son intégralité en fonction d’une enquête ayant porté sur une partie seulement de la plainte, ou encore sur une allégation parmi de nombreuses autres.

[102] La Commission décide si une instruction est justifiée, et non si elle l’est pour chaque aspect d’une plainte. Régulièrement, la Commission renvoie au Tribunal pour instruction des plaintes qui contiennent des allégations n’ayant pas fait l’objet d’une enquête.

[103] Il n’est pas exact de dire que des allégations qui sont présentées sans avoir fait l’objet d’une enquête à l’étape de la Commission contournent systématiquement le processus d’enquête de la Commission ou son pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’article 41 ou de l’alinéa 44(2)a), de refuser de statuer sur une plainte lorsqu’une procédure de règlement des griefs est possible. La décision de la Commission de ne pas mener d’enquête sur une allégation qui a été soulevée ou de refuser de statuer sur une plainte lorsqu’il est possible de recourir à une procédure de règlement des griefs relève de son pouvoir discrétionnaire et de son processus d’examen préalable.

[104] Le MDN s’est fondé sur la décision Egan, dans laquelle le Tribunal avait exigé qu’il y ait un lien entre les faits sur lesquels la Commission avait enquêté et les nouvelles allégations que l’on cherchait à inclure dans la plainte. Le Tribunal fait observer que les motifs qui justifient cette conclusion dans la décision Egan ne portent pas sur le pouvoir de la Commission de renvoyer une plainte pour instruction à toute étape postérieure au dépôt de celle-ci en vertu du paragraphe 49(1). Comme nous l’avons expliqué, le paragraphe 49(1) permet de renvoyer une plainte au Tribunal sans qu’il y ait enquête. Avec égards, le Tribunal ne souscrit pas à la conclusion tirée dans la décision Egan selon laquelle ce sont les faits sur lesquels la Commission a enquêté qui permettent de déterminer s’il existe un lien suffisant entre une modification proposée et la plainte.

[105] Le fait que la Commission n’ait pas mené d’enquête sur les détails des allégations selon lesquelles Mme Ali s’était vu refuser un poste ENG-05 intérimaire constitue un contexte pertinent, mais il n’est pas déterminant quant à savoir si une modification devrait être accordée, ou si le contenu visé devrait être radié. Presque toutes les requêtes en modification portent sur une proposition visant à ajouter à une plainte du contenu sur lequel la Commission n’a pas particulièrement fait enquête.

[106] Le contournement du processus d’examen préalable de la Commission constitue un motif pour refuser une modification rétrospectivement dans le cas où l’ajout demandé est jugé constituer une nouvelle plainte. Selon la décision Jorge, une modification sera accordée ou refusée en fonction de sa pertinence relative à l’égard de la plainte existante et de l’évaluation du préjudice qui serait causé à l’une ou l’autre des deux parties. L’absence d’une enquête n’est pas à elle seule déterminante, comme le laisse entendre le MDN. Ceci dit en tout respect, la décision Jorge n’étaye pas la thèse selon laquelle le contournement de l’enquête de la Commission est en soi un motif suffisant pour refuser d’accorder une modification.

(viii) Le défaut allégué de la Commission de déterminer s’il fallait écarter le contenu contesté compte tenu du fait que Mme Ali pouvait se prévaloir de la procédure de règlement des griefs

[107] Dans le même ordre d’idées, le MDN, qui semble croire que la Commission ne peut passer à l’étape de l’enquête sur une plainte ni renvoyer une plainte si celle-ci devrait faire l’objet d’un grief, affirme qu’il s’agit là d’une raison pour laquelle le contenu contesté ne peut pas être examiné à ce stade-ci. Tel n’est pas l’état du droit sur la question. La Commission dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour décider de la manière dont il convient d’appliquer l’article 41, et dans quelles circonstances. Le seul libellé à caractère obligatoire de l’article 41 réside dans l’emploi de l’indicatif présent à valeur contraignante pour énoncer que la Commission « statue » sur toute plainte dont elle est saisie, ce qui peut comprendre ou non la décision de renvoyer la plainte à une autre instance pour le motif qu’un autre recours est ouvert. Il n’y a aucune obligation d’écarter une plainte en raison du fait qu’elle peut être instruite selon une procédure de règlement des griefs, entre autres recours. Il existe plutôt une jurisprudence abondante qui porte sur l’évaluation, par la Commission, de ces autres recours possibles, et sur la question de savoir si elle donnera suite à une plainte malgré leur existence, ou une fois ceux-ci exercés.

[108] La présente affaire en constitue un exemple. Le personnel de la Commission a préparé un rapport en vertu de l’article 41 parce que le MDN avait mené une enquête interne, et que Mme Ali aurait eu la possibilité de déposer un grief au sujet de cette enquête interne, mais ne l’avait pas fait. Cependant, lorsque le rapport établi en vertu de l’article 41 a été présenté aux commissaires, ces derniers n’ont pas souscrit à la conclusion qui y figurait, et selon laquelle la plainte ne devrait pas être instruite.

[109] Comme nous l’avons déjà expliqué, les commissaires peuvent également, en vertu du paragraphe 44(2), procéder à l’examen préalable d’une plainte après réception du rapport d’enquête. À l’instar du paragraphe 41(1), cette disposition de la Loi donne à la Commission le pouvoir de reporter l’examen d’une plainte et de renvoyer le plaignant à une autre autorité si elle est convaincue que « le plaignant devrait épuiser les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts » (al. 44(2)a)), ou que la plainte pourrait avantageusement être instruite selon des procédures prévues par une autre loi fédérale.

[110] En l’espèce, le personnel a préparé un rapport d’enquête qui renvoyait à divers documents, y compris la réplique de Mme Ali, et qui présentait aux commissaires, pour examen, les renseignements recueillis au cours de l’enquête. Les commissaires bénéficient de la présomption selon laquelle, en l’absence de preuve contraire, ils ont examiné les questions qui relèvent des obligations que leur impose la Loi, notamment au paragraphe 44(2). Le sous-alinéa 44(3)a)(ii) autorise la Commission, sinon l’oblige à examiner, avant de renvoyer l’affaire au Tribunal, la question de savoir si la plainte ou une partie de celle-ci devrait être renvoyée à une autre autorité en vertu du paragraphe 44(2). Le MDN n’aborde pas dans ses observations le fait que la Commission aurait pu, sur le fondement du paragraphe 44(2), écarter l’allégation relative à la perte de possibilités d’avancement figurant dans la réplique de Mme Ali de février 2020 et exiger que Mme Ali dépose un grief, mais qu’elle s’en est abstenue. Le MDN ne justifie pas non plus pourquoi il n’a pas formulé d’objection au titre du paragraphe 44(2) à ce moment-là.

[111] Mme Ali soutient que le fait qu’elle croyait que son avancement professionnel avait été entravé pour cause de discrimination au travail avait été pris en compte à l’époque par les commissaires. Mme Ali est restée au poste de niveau ENG-04 pendant ses 20 ans de carrière. Ce dernier fait est mentionné dans sa plainte, et n’est pas contesté. Il semble probable, selon les remarques du commissaire sur l’ampleur des questions et la complexité du dossier — remarques qui concernaient toutes des allégations relatives à l’expérience professionnelle de Mme Ali sur une période d’environ 20 ans —, que les commissaires ont examiné les documents et compris que la question de l’absence d’avancement professionnel faisait partie des allégations à inclure dans la plainte. Ces derniers possèdent une expertise en la matière. Subsidiairement, la Commission a rendu une décision de renvoi au Tribunal qui aurait pu faire l’objet d’un contrôle judiciaire, si tant est que le MDN fût d’avis que la Commission avait manqué à ses obligations prévues aux paragraphes 41(1) ou 44(2) de la Loi en rendant cette décision. Le Tribunal ne se livrera pas à une révision de la décision de la Commission de renvoyer la plainte dans son intégralité.

(ix) En ce qui a trait à la question de la responsabilité, existe-t-il un lien suffisant entre le contenu contesté et la plainte?

[112] Pour déterminer si un ou plusieurs faits constituent des détails pertinents d’un exposé des précisions, ou encore, si, dans le cas où une modification est nécessaire, celle-ci devrait être accordée, la préexistence de faits se rapportant à une allégation formulée dans une plainte ne constitue pas le critère juridique applicable. Le MDN se fonde sur la décision Jorge, dans laquelle le Tribunal explique ce que l’on entend par « lien avec la plainte », et en quoi consiste l’ensemble des circonstances les plus importantes qui servent à définir la pertinence relative d’un fait ou d’une allégation par rapport à la plainte existante. Dans la décision Jorge, il n’est pas précisé que la plainte existante doit déjà comprendre les faits ou certains des faits contestés.

[113] Le MDN établit une distinction entre la présente affaire et l’affaire Jorge, en soutenant que le contenu contesté [traduction] « [n’]est [pas] un exemple supplémentaire » qui se situe dans le prolongement des faits déjà mentionnés. Toutefois, il s’agit là d’une interprétation trop étroite et trop restrictive de ce qui peut constituer un lien selon la décision Jorge. Le contenu contesté ne doit pas nécessairement entrer dans une catégorie existante de la plainte (en l’occurrence, les titres utilisés par Mme Ali pour structurer sa plainte), contrairement à ce que soutient le MDN. La plainte est correctement formulée, non pas en fonction d’une démarche structurée adoptée par une partie pour définir des catégories de faits allégués, mais plutôt en fonction du contenu de la Loi.

[114] Suivant le cadre de la Loi, il est d’abord constaté que le contenu contesté met en cause les mêmes parties que celles en présence dans la plainte, ce qui est nécessaire pour les besoins d’une plainte déposée en vertu de la Loi.

[115] Toujours selon cette approche, comme le Tribunal l’a fait observer dans la décision Jorge, au paragraphe 94, « [l]e nouveau contenu proposé gagnera en pertinence s’il se rapporte au même motif de discrimination, ou à ce qu’on appelle une caractéristique protégée par la Loi (p. ex., race, sexe), ou encore aux mêmes actes discriminatoires (p. ex., différence de traitement en matière d’emploi; refus de services). »

[116] La plainte fait état d’allégations de discrimination fondée sur la religion, l’origine nationale, la race, la couleur, le sexe et l’âge en tant que caractéristiques protégées pertinentes énoncées dans la Loi. Le contenu contesté est fondé sur des motifs identiques.

[117] Le MDN affirme que des motifs de discrimination communs (c.-à-d., des caractéristiques protégées communes) ne sont pas suffisants pour créer un lien entre des circonstances factuelles distinctes. Le DND s’appuie sur la décision Egan, au paragraphe 35, pour faire valoir que ce ne sont pas tous les actes discriminatoires fondés sur le même motif allégué ou la même caractéristique protégée qui ont un lien suffisant avec la plainte, de telle manière à répondre au critère juridique à respecter pour qu’une modification soit autorisée. Au paragraphe 35 de la décision Egan, le Tribunal a formulé les observations suivantes : « Le fait d’adopter ce raisonnement voudrait dire que n’importe quel acte discriminatoire fondé sur la déficience de la plaignante, indépendamment des allégations initiales de cette dernière ou de l’enquête de la Commission, pourrait être ajouté plus tard à la plainte ».

[118] Dans cette affaire, la plainte reposait sur le défaut allégué de prendre des mesures d’accommodement. Le Tribunal n’était pas disposé à autoriser une modification de la plainte pour y ajouter une prétention selon laquelle il y aurait eu une perte de chances de promotion, compte tenu du fait que les allégations de la plaignante à ce sujet étaient liées de façon générale à ses déficiences. Il n’y avait pas de lien suffisant avec la plainte dans cette affaire, car il n’y avait aucun élément de la plainte dont on pouvait raisonnablement dire qu’il se rapportait à la perte de chances de promotion, ou qui l’inclurait par voie de conséquence. En tout état de cause, l’argument de Mme Ali, en l’espèce, ne se limite pas à l’affirmation selon laquelle il existerait un lien entre l’allégation relative au poste ENG-05 et la plainte initiale, parce que les deux concernent les mêmes motifs de discrimination, contrairement à ce que le MDN laisse entendre dans ses observations.

[119] Mme Ali se plaint d’avoir été victime de discrimination et d’avoir subi un traitement défavorable en cours d’emploi, ce qui, si ces faits sont exacts, est contraire à l’article 7 de la Loi. Cette disposition énonce que le fait de défavoriser un individu en cours d’emploi constitue un acte discriminatoire. L’allégation figurant dans le contenu contesté selon laquelle Mme Ali aurait été empêchée de progresser dans sa carrière au sein du MDN pour des motifs discriminatoires constitue également un traitement défavorable allégué. Le contenu contesté correspond donc à un autre acte discriminatoire allégué commis en cours d’emploi qui, s’il est avéré, serait contraire à l’article 7. Tous les cas de traitement défavorable allégués dans la plainte, de même que le traitement défavorable allégué dans le contenu contesté, se rapportent à l’emploi exercé auprès du même employeur, pendant que Mme Ali occupait le même poste.

[120] Toutefois, le MDN qualifie l’allégation relative au poste ENG-05 de question de dotation, et son argumentation repose sur cette qualification, et non sur la position selon laquelle l’allégation relative au poste ENG-05 intérimaire constitue un traitement défavorable ou de la discrimination. Le MDN ne définit pas le terme « dotation ». Il n’explique pas cet argument de façon détaillée, mais énumère simplement des facteurs liés à la dotation, comme la nécessité de prendre en compte le rendement et les compétences de Mme Ali, le profil des autres candidats, les qualifications requises pour le poste et les besoins opérationnels du MDN. En adoptant cette position, le MDN laisse entendre que, bien qu’une question relative aux droits de la personne puisse être en jeu, la dotation porte sur des questions spécialisées, et le Tribunal n’a pas l’expertise nécessaire pour examiner des questions de dotation; alors que tel n’est pas le cas. Les décisions en matière de dotation peuvent faire intervenir un traitement défavorable et, partant, donner lieu à de la discrimination dans le contexte de l’emploi. De plus, elles sont couramment soulevées dans les affaires relatives aux droits de la personne dans le contexte de l’emploi.

[121] Le MDN se fonde sur la décision Egan, au paragraphe 36, dans laquelle le Tribunal a conclu que les problèmes liés à la dotation en personnel requièrent aussi des considérations différentes de celles qui concernent la prise de mesures d’accommodement à l’égard d’un employé dans le cadre du poste qu’il occupe. Cependant, dans la décision Egan, il n’y avait pas de lien suffisant entre la plainte initiale et l’allégation de perte de chances de promotion. Dans la plainte initiale, il avait été allégué que des mesures d’adaptation n’avaient pas été prises à l’égard de la plaignante dans le poste qu’elle occupait. Avant le renvoi, rien ne pouvait laisser penser qu’une question liée aux possibilités d’avancement professionnel se posait. Il y a lieu d’établir une distinction entre l’espèce et l’affaire Egan, où le Tribunal n’était pas tenu de se prononcer sur une question de dotation.

[122] Par ailleurs, le MDN reproche à la Commission de ne pas avoir pris en compte les facteurs relatifs à la dotation au cours de son enquête. Il invoque à cet effet la décision Egan, au paragraphe 36, dans laquelle la conclusion du Tribunal au sujet de la modification demandée avait été grandement influencée par le fait que, dans cette affaire, aucune des questions liées à la dotation n’avait fait l’objet d’une enquête par la Commission. En se penchant (plus haut) sur l’importance de l’enquête de la Commission, le Tribunal a expliqué pourquoi cet élément, à lui seul, n’est pas déterminant dans le cadre d’une requête visant à obtenir une modification.

[123] À cette étape-ci de l’analyse, soulignons qu’en l’espèce, le contenu contesté fait intervenir les mêmes parties, les mêmes caractéristiques protégées par la Loi et les mêmes actes discriminatoires allégués avoir été commis en cours d’emploi. Dans la décision Jorge, l’analyse porte ensuite (aux paragraphes 95 et 96) sur les faits supplémentaires proposés. Étant donné que les mêmes caractéristiques protégées sont concernées, les faits supplémentaires proposés sont-ils conformes et même nécessaires à l’intégrité de l’exposé du contenu factuel de la plainte, c’est-à-dire, font-ils « partie du même récit »? Le contenu contesté se rapporte à la période visée par la plainte, ce qui augmente la probabilité quant à sa pertinence, mais ne lui confère pas de certitude. Les faits eux-mêmes doivent néanmoins faire l’objet d’une appréciation pour en déterminer la pertinence.

[124] Mme Ali dénonce expressément le fait qu’on lui a confié du travail administratif au lieu de tâches d’ingénierie, contrairement à ce qui est prévu dans sa description de travail, et elle affirme que cela lui a été préjudiciable. Toutefois, le MDN soutient que ce « travail administratif » ne constitue pas une catégorie pertinente en ce qui a trait à la perte de possibilités d’acquérir une expérience professionnelle supplémentaire. Les répercussions découlant de l’attribution de tâches administratives ne sont pas intrinsèquement limitées à la question des fonctions professionnelles de Mme Ali. L’allégation sous-jacente est que Mme Ali a été sous-utilisée dans le cadre de ses fonctions, et que ses compétences et sa formation en tant qu’ingénieure n’ont pas été valorisées de la même manière que celles de ses homologues qui ne présentaient pas les mêmes caractéristiques protégées. Le contenu contesté concernant le refus d’accorder à la plaignante le poste ENG-05 intérimaire pourrait constituer une suite logique des faits allégués dans la plainte concernant l’attribution de travail administratif plutôt que de tâches d’ingénierie. Si les faits pertinents sont prouvés, la conséquence ou le résultat d’une telle sous-utilisation systématique pourrait théoriquement être l’absence de promotion ou de possibilités de promotion.

[125] L’on ne saurait dire à juste titre que les nouveaux faits proposés concernant le poste ENG-05 n’ont absolument rien à voir avec les faits énoncés dans la plainte initiale. Ils ne se situent pas strictement dans leur « prolongement », en ce sens que le contenu contesté n’est pas un autre exemple de l’attribution de tâches administratives qui ne font pas partie de celles qui peuvent être confiées à un ingénieur. Cependant, le contenu en cause représente le résultat potentiel pertinent d’une attribution de tâches dont le niveau se situe bien en deçà des compétences et de la description du poste. Le contenu contesté doit être inclus, car il semble « nécessaire[s] à l’intégrité du récit factuel de la plainte » ou « f[aire] partie du même récit » (Jorge, au par. 102). Il « complète l’historique des faits » (Jorge, au par. 103). Le Tribunal conclut qu’il existe un lien entre l’allégation concernant le travail administratif — qui semble être un exemple de la sous-utilisation invoquée — et l’allégation concernant la perte de possibilités ou le refus d’accorder à la plaignante la possibilité d’occuper un poste ENG-05 intérimaire. Cette dernière allégation concerne l’absence d’avancement professionnel, qui peut se révéler être un effet à long terme de la sous-utilisation, et y être étroitement lié. L’une semble découler logiquement de l’autre.

[126] Le même raisonnement s’applique aux autres catégories d’actes discriminatoires allégués dans la plainte. Au moins deux de ces autres catégories d’allégations mènent logiquement à un lien possible avec la sous-utilisation de Mme Ali ou aux répercussions qu’elle suppose pour son avancement professionnel. Par exemple, le fait d’interroger une personne sur son intention de prendre sa retraite a un lien logique avec la question de l’avancement professionnel. L’âge et la retraite sont logiquement liés aux possibilités d’avancement professionnel. Le Tribunal n’est pas ici en train de décider s’il y a eu discrimination; mais le fait est que, dans le contexte du travail, les deux sujets ont un lien logique.

[127] De même, en l’espèce, Mme Ali affirme que son gestionnaire aurait dit à son superviseur de noter qu’elle était une employée difficile dans une évaluation de rendement annuelle. Elle explique qu’elle a été injustement qualifiée d’employée difficile par le gestionnaire, notamment parce qu’elle est une femme âgée et une musulmane pratiquante. Elle soutient que ce qualificatif visait à faire comprendre aux autres employés qu’elle était une employée à problèmes. L’évaluation négative du rendement d’une personne que l’on qualifie d’employée difficile pourrait avoir des répercussions sur la poursuite de son emploi, ses possibilités de promotion ou son avancement professionnel. Une telle allégation et les répercussions qu’elle pourrait entraîner ne sont pas totalement dénuées de lien. Encore une fois, le Tribunal n’est pas en train de conclure que, si un fait est prouvé, l’autre l’est automatiquement. Les deux faits doivent être établis.

[128] En l’espèce, il existe un lien suffisant, ou une « pertinence relative », entre le contenu existant de la plainte ou les diverses catégories qui y figurent déjà, vu que ces éléments peuvent tous avoir comme trait commun ou conséquence commune une sous-utilisation des compétences de Mme Ali en tant qu’ingénieure et la perte de possibilités d’avancement. Trait commun que présente aussi le contenu contesté relatif au poste ENG-05.

(x) En ce qui a trait à la question de la réparation, existe-t-il un lien suffisant entre le contenu contesté et la plainte?

[129] Le contenu contesté, qui concerne les possibilités de carrière limitées, est également pertinent à l’égard de la question de la réparation. En fait, il existe un lien étroit entre le contenu contesté et la question de la réparation. Si sa plainte est accueillie, Mme Ali demande au Tribunal, dans son exposé des précisions, d’exercer son pouvoir de rendre une ordonnance portant que des dommages-intérêts pour perte de revenus lui soient versés en fonction des gains plus élevés et du facteur d’équivalence auxquels, selon elle, elle aurait eu droit dans le cadre de l’emploi ENG-05 intérimaire si sa candidature n’avait pas été écartée pour ce poste en 2017. Le Tribunal devra d’abord être convaincu qu’il est justifié et adéquat de rendre une telle ordonnance. Quoi qu’il en soit, dans les circonstances, la question du refus d’accorder un poste se rapporte à celle de la réparation. Le fait d’omettre l’allégation relative au poste ENG-05 de la portée de la plainte serait préjudiciable à Mme Ali relativement à la question de la réparation, car cela reviendrait à supprimer l’exemple sur lequel se fonde le calcul de la perte de revenus alléguée. Il serait inéquitable de ne pas tenir compte de la preuve d’un exemple des répercussions qui découleraient de la discrimination.

(xi) L’évaluation du préjudice éventuel

[130] Le Tribunal n’est pas convaincu que, s’il autorisait le maintien du contenu contesté dans l’exposé des précisions de Mme Ali, le MDN en subirait un préjudice, en partie parce que la question de l’absence d’avancement professionnel a été expressément soulevée en 2020 et n’a pas été contestée à ce moment-là. Le MDN a eu l’occasion de faire valoir des arguments fondés sur le paragraphe 41(1) lorsque Mme Ali a déposé sa réplique : il aurait pu alors affirmer que les allégations concernant l’avancement professionnel entravé et l’absence de possibilités d’avancement constituaient un contenu nouveau, ou soulever essentiellement la même objection sur le fondement du paragraphe 44(2). L’argument du préjudice que fait valoir le MDN à cet égard ne saurait être retenu.

[131] Comme la décision Jorge et d’autres décisions du Tribunal l’ont clairement établi, pour qu’un argument fondé sur le préjudice soit retenu, il doit être précis, non spéculatif et reposer sur la preuve. Mais le MDN n’a présenté aucun élément de preuve d’un quelconque préjudice réel à l’appui de sa requête.

[132] Le Tribunal n’est pas convaincu par l’argument du MDN selon lequel on ne devrait pas exiger de lui qu’il présente une preuve, comme c’était le cas dans la décision Jorge, parce qu’il n’avait pas été informé des allégations relatives au poste ENG-05. Le MDN avait été avisé expressément de la nature de la question dans la réplique de Mme Ali de février 2020, mais aussi du fait que Mme Ali demandait le versement d’une indemnité d’un montant important ainsi que d’autres mesures de réparation au titre des possibilités d’avancement dont elle aurait été privée. Il n’est pas raisonnable, de la part du MDN, d’invoquer l’absence d’avis concernant le poste ENG-05 alors qu’il avait été informé du fait que Mme Ali demanderait une indemnisation pour la perte de revenus découlant de l’absence possibilités d’avancement et que le MDN n’a pas demandé de détails ni soulevé d’objection au sujet d’éventuelles précisions qui manqueraient. Le MDN n’a pas établi qu’il serait lésé si le Tribunal ordonnait une modification.

J. Conclusion générale et directive

[133] La plainte est réputée comprendre le contenu concerné de la réplique de Mme Ali de février 2020. L’allégation concernant le poste ENG-05 est admise, et le contenu en cause figurant dans l’exposé des précisions peut être conservé en tant que détails relatifs à la plainte aux fins de l’examen de la question du bien-fondé et de la question de la réparation.

VI. Ordonnance

[134] La requête présentée par le MDN en vue d’obtenir la radiation du contenu contesté figurant dans l’exposé des précisions de Mme Ali est rejetée.

Signé par

Kathryn A. Raymond, c.r.

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 23 décembre 2022

 

 

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2640/1621

Intitulé de la cause : Bibi Ali c. Ministère de la Défense nationale

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 23 décembre 2022

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Yavar Hameed et Nicholas Valela , pour la plaignante

Luke Reid, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sarah Jiwan et Taylor Andreas, pour l'intimé

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