Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 TCDP 36

Date : le 31 octobre 2022

Numéro du dossier : T2459/1620

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Cathy Woodgate, Richard Perry, Dorothy Williams, Ann Tom, Maurice Joseph et Emma Williams

les plaignants

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Gendarmerie royale du Canada

l’intimée

- et -

A.B.

la partie intéressée

Décision sur requête

Membre : Colleen Harrington

 



I. Décision

[1] J’accorde l’ordonnance sollicitée par la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») dans la présente requête, en y apportant les modifications décrites dans les sections Analyse et Ordonnance ci-après. Les listes de documents déposées par la Commission et les plaignants doivent être mises sous scellés afin de les soustraire à l’accès public. La Commission et les plaignants doivent produire des listes de documents modifiées conformément aux sections Analyse et Ordonnance ci-après, et toutes les parties doivent mettre sous scellés ou détruire les documents qui sont rayés des listes de documents originales.

[2] De plus, j’ordonne à la Gendarmerie royale du Canada (la « GRC ») de communiquer à la Commission et aux plaignants tous les documents potentiellement pertinents en sa possession qui n’ont pas encore été communiqués, y compris, s’il y a lieu, les originaux de tous les documents appartenant à la GRC qui doivent être rayés des listes de documents de la Commission et des plaignants conformément à la présente ordonnance.

II. Contexte

[3] Les documents qui sont visés par la présente requête auraient été produits en contravention d’un engagement implicite de confidentialité pris envers la Cour suprême de la Colombie-Britannique (la « C.S.C.-B. »). L’instance devant la C.S.C.-B. concernait deux personnes : Laura Robinson et A.B. (qui ne sont pas parties à la présente plainte, mais qui sont accessoirement concernés par l’instance devant le Tribunal).

[4] A.B. a fait l’objet d’une enquête de la GRC liée à des allégations de sévices infligés à des enfants dans des écoles du nord de la Colombie-Britannique à la fin des années 1960 et dans les années 1970. A.B. a enseigné à ces écoles alors que les plaignants – des membres de la Première Nation de Lake Babine – y étudiaient. L’enquête de la GRC n’a donné lieu à aucune accusation criminelle à l’encontre d’A.B. Les plaignants ont déposé une plainte pour atteinte aux droits de la personne à l’encontre de la GRC auprès de la Commission. Ils soutiennent que la GRC a fait preuve de discrimination à leur égard et à l’égard d’autres personnes en omettant de mener une enquête appropriée sur leurs allégations de sévices infligés à des enfants dans ces écoles.

[5] C’est Laura Robinson, journaliste, qui a initialement porté à l’attention du public ces allégations de mauvais traitements autrefois infligés à des enfants. Elle a également fourni des renseignements à la GRC pendant son enquête visant A.B.

[6] A.B. et Mme Robinson se sont poursuivis mutuellement pour diffamation devant la C.S.C.-B. Au cours de la préparation en vue du procès pour diffamation intenté par Mme Robinson contre A.B., la C.S.C.-B. a accueilli la requête d’A.B., qui lui demandait d’enjoindre à la GRC de produire certains documents relatifs à son enquête liée à une plainte pour agression sexuelle formulée à l’encontre d’A.B. par un ancien élève.

[7] Dans l’ordonnance sur consentement qu’elle a rendue le 5 février 2015, la C.S.C.-B. a enjoint à la GRC de rassembler tous les documents liés à l’enquête qu’elle avait en sa possession ou qui étaient sous son contrôle. La GRC devait analyser les documents et les envoyer aux avocats d’A.B., qui devaient ensuite fournir des copies de ceux-ci aux autres parties, dont Mme Robinson. Au dernier paragraphe de son ordonnance sur consentement, la C.S.C.-B. précise que [traduction] « malgré l’engagement implicite de confidentialité auxquels les documents produits sont assujettis, tout document produit en application de la présente ordonnance peut être utilisé par les parties et leurs avocats dans le cadre de » l’action en diffamation intentée par Mme Robinson contre A.B. et de l’action en diffamation intentée par A.B. contre Mme Robinson. A.B. a retiré sa réclamation en diffamation contre Mme Robinson, et la C.S.C.-B. a rejeté la réclamation en diffamation de Mme Robinson contre A.B.

[8] Selon la « règle de l’engagement implicite », les éléments de preuve obtenus par contrainte d’une partie à une instance civile lors de l’enquête préalable doivent être tenus confidentiels et ne peuvent être utilisés par la partie adverse à d’autres fins que celles de l’instance au cours de laquelle ils ont été recueillis (Juman c. Doucette, 2008 CSC 8 (CanLII) [Juman], au par. 1; Taherkhani Estate v. Este, 2022 BCSC 372 (CanLII) [Taherkhani], au par. 24). Dans le contexte de la présente décision sur requête, ce principe signifie que lorsque Mme Robinson a reçu les documents d’A.B. dans le cadre de sa poursuite en diffamation, y compris les documents de la GRC, elle s’est engagée envers la C.S.C.-B. à n’utiliser ces documents qu’aux fins des instances en diffamation auxquelles elle et A.B. étaient parties (autrement dit, elle a promis à la Cour de limiter ainsi son utilisation des documents).

[9] Les plaignants ont déposé leur plainte pour atteinte aux droits de la personne devant la Commission en janvier 2017. Mme Robinson était une des représentantes non juridiques des plaignants lorsque la Commission a enquêté sur la plainte. Après le renvoi de la plainte au Tribunal pour instruction en 2020, les plaignants ont retenu les services d’avocates. Mme Robinson continue toutefois d’agir en tant que représentante non juridique des plaignants et assure la liaison entre leurs avocates et eux. Elle a également été inscrite sur la liste des témoins des plaignants.

[10] Plusieurs requêtes ont été présentées devant le Tribunal relativement à la présente affaire. La première décision sur requête du Tribunal a été rendue par l’ancien président du Tribunal, M. Thomas, qui a accueilli en partie la demande de confidentialité de certaines tierces parties (Woodgate et al. c. Gendarmerie royale du Canada, 2021 TCDP 20 (CanLII)). Dans cette décision sur requête, le Tribunal a également demandé à la Commission, à titre de représentante de l’intérêt du public, de lui faire savoir si A.B. avait été mis au courant de la plainte dont le Tribunal était saisi. Même si A.B. n’était pas partie à la plainte, le Tribunal avait reçu plusieurs demandes d’information de la part des médias à propos de la plainte, lesquelles mentionnaient généralement le nom d’A.B.

[11] Une fois la première décision sur requête rendue, les avocats d’A.B. ont demandé par écrit au Tribunal de leur fournir certains documents figurant à son dossier afin de décider de l’opportunité de présenter une demande visant à obtenir le statut de personne intéressée au nom d’A.B. Ils ont également informé le Tribunal que Mme Robinson aurait vraisemblablement communiqué, dans le cadre du processus de plainte pour atteinte aux droits de la personne, certains documents en violation de l’engagement implicite de confidentialité pris envers la C.S.C.-B. dans le cadre du procès pour diffamation.

[12] Selon les Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles de pratique »), les parties sont tenues de déposer un exposé des précisions contenant la liste des documents qu’elles ont en leur possession relativement à un fait ou à une question soulevée dans la plainte, ou à une ordonnance sollicitée par une partie. Cette liste doit être déposée auprès du Tribunal, alors que les documents en tant que tels ne doivent être communiqués qu’aux autres parties.

[13] Dans une lettre envoyée au Tribunal, les avocats d’A.B. ont indiqué qu’ils avaient examiné l’exposé des précisions de la Commission, y compris sa liste de documents intitulée [traduction] « Annexe A ». S’appuyant sur les descriptions des documents à l’Annexe A, ils étaient d’avis que plus de 30 documents figurant sur la liste avaient été produits par A.B. à l’intention de Mme Robinson dans le procès pour diffamation et étaient assujettis à l’engagement implicite de confidentialité pris envers la C.S.C.-B. Ils ont été en mesure d’identifier les documents grâce aux numéros Bates commençant par la lettre « F ». La numérotation Bates est une méthode de numérotation séquentielle des pages de documents qui est couramment utilisée dans les procédures judiciaires pour faciliter l’organisation et l’identification.

[14] Les avocats d’A.B. ont souligné que la plupart des documents figurant à l’Annexe A de la Commission ne semblaient pas avoir été présentés en tant que pièces lors du procès de 2015 devant la C.S.C.-B., mais qu’ils s’employaient à comparer plus en détail les pièces produites au procès et les documents communiqués à la Commission afin d’en obtenir la confirmation. La raison en est que tout document qui est devenu une pièce accessible au public lors du procès ne serait plus assujetti à l’engagement implicite de confidentialité pris envers la Cour (Taherkhani, au par. 24).

[15] Les avocats d’A.B. ont affirmé que, bien qu’ils aient représenté A.B. au procès pour diffamation, ils n’ont jamais eu connaissance que Mme Robinson avait demandé à la C.S.C.-B. ni obtenu de sa part une dispense de l’engagement implicite de confidentialité. Compte tenu de la gravité d’une éventuelle violation de l’engagement implicite et du risque que le Tribunal, en raison de l’accès du public à ses dossiers officiels, contribue à la diffusion de renseignements provenant de documents possiblement divulgués en violation de cet engagement, les avocats d’A.B. ont demandé au Tribunal de restreindre temporairement l’accès à son dossier public. Les parties à la présente plainte ont toutes accepté la proposition consistant à mettre temporairement sous scellés le dossier public jusqu’à ce que cette question soit tranchée.

[16] Les avocats d’A.B. ont ensuite écrit au Tribunal pour l’informer que, outre les documents inscrits à l’Annexe A de la Commission qui auraient vraisemblablement été produits en violation de l’engagement implicite de confidentialité, ils ont examiné la liste des documents des plaignants et repéré d’autres documents qui auraient vraisemblablement été divulgués par Mme Robinson en violation de l’engagement.

[17] A.B. fait valoir que Mme Robinson n’aurait jamais dû communiquer ces documents à la Commission ou aux plaignants. Il soutient qu’aucune poursuite ne pouvait être intentée ou qu’aucune enquête ne pouvait être ouverte sur le fondement des documents que Mme Robinson n’avait pas le droit de leur fournir.

[18] Les avocats d’A.B. ont affirmé que cette violation apparente de la règle de l’engagement implicite avait porté atteinte au droit à la vie privée d’A.B. Ils ont donc présenté une requête demandant au Tribunal d’accorder à A.B. le statut de personne intéressée dans la présente instance. Le statut de personne intéressée a été sollicité en partie pour pouvoir demander le rejet de la plainte. Les avocats d’A.B. ont laissé entendre que pareille stratégie permettrait de remédier à la violation de l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B. et à ce qu’ils ont qualifié [traduction] « d’utilisation abusive et malveillante » du processus du Tribunal par Mme Robinson.

[19] J’ai accepté d’accorder à A.B. le statut limité de personne intéressée aux deux fins suivantes : i) pour demander la confidentialité de l’instruction, et ii) à la demande du Tribunal, pour produire des éléments de preuve sur le contexte des documents qui auraient été communiqués à la Commission en violation de l’engagement implicite et pour présenter des observations au sujet de la violation alléguée (Woodgate et al. v. RCMP, 2022 CHRT 3). J’ai reconnu qu’A.B. était vraisemblablement en mesure de fournir un point de vue différent sur la question de l’engagement implicite, étant donné qu’aucune des parties à la plainte pour atteinte aux droits de la personne n’était partie à l’instance devant la C.S.C.-B. Toutefois, j’ai refusé d’accorder à A.B. le statut de personne intéressée pour qu’il puisse présenter une requête visant à faire rejeter la plainte sur la base de la violation présumée, par Mme Robinson, de l’engagement implicite pris devant la C.S.C.-B. Je tiens également à faire remarquer que le Tribunal n’a pas compétence pour revoir l’enquête ou le processus d’examen préalable de la Commission et que seule la Cour fédérale a compétence à cet égard.

[20] A.B. a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision sur requête par laquelle le statut de personne intéressée lui a été accordé et a demandé au Tribunal de suspendre l’instance en attendant de connaître l’issue du contrôle judiciaire; j’ai refusé de faire droit à cette demande.

[21] A.B. a également présenté une requête en confidentialité qui a été accueillie pour l’essentiel (Woodgate et al. c GRC, 2022 TCDP 27). Dans cette décision sur requête, afin qu’il ne soit pas porté atteinte au droit à une instruction équitable, j’ai ordonné que les documents déposés en lien avec la présente requête relative à l’engagement implicite demeurent sous scellés jusqu’à ce que la présente requête soit tranchée.

III. Requête de la Commission

[22] En décembre 2021, la Commission a écrit au Tribunal et aux parties pour leur envoyer un tableau énumérant les documents qui, selon elle, lui auraient peut-être été fournis en violation de l’engagement implicite pendant son enquête sur la plainte (le « tableau »). Tous les documents figurant dans le tableau se trouvent à l’Annexe A de la Commission et ont été communiqués aux autres parties. Les documents n’ont pas été communiqués au Tribunal. La plupart des documents énumérés dans le tableau de la Commission semblent provenir de la GRC.

[23] Il a été décidé que la Commission présenterait une requête visant à demander au Tribunal de rendre une ordonnance relativement aux documents énumérés dans le tableau.

[24] Dans son avis de requête, la Commission a affirmé que toutes les parties avaient convenu, dans le cadre de la présente instance, de ne s’appuyer sur aucun des documents communiqués dans l’instance devant la C.S.C.-B. qui n’avaient pas été produits en tant que pièces accessibles au public pendant le procès. Selon la Commission, les avocats d’A.B. ont indiqué que deux des documents figurant dans le tableau avaient été produits en tant que pièces accessibles au public lors du procès pour diffamation.

[25] Dans sa requête, qui a été légèrement modifiée en réponse aux renseignements additionnels fournis par les plaignants, la Commission a demandé que son Annexe A datée du 5 juin 2020 et son tableau daté du 3 décembre 2021 soient mis sous scellés afin de les soustraire à l’accès public et que la Commission soit tenue de déposer une Annexe A modifiée, dans laquelle les détails concernant les documents énumérés dans le tableau seraient rayés, à l’exception des documents qui ne sont pas identifiés au moyen de la numérotation Bates ajoutée durant l’instance devant la C.S.C.-B et des documents qui ont été désignés comme ayant été produits en tant que pièces accessibles au public dans le cadre de cette instance (les « documents exclus »). La Commission soutient que les documents exclus ne sont pas assujettis à l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B.

[26] Dans sa requête, la Commission a également demandé au Tribunal de lui ordonner de mettre sous scellés tous les documents figurant dans son tableau, à l’exception des documents exclus, et d’ordonner aux plaignants et à la GRC de mettre sous scellés ou de détruire les documents qu’ils ont reçus de la Commission.

[27] Finalement, la Commission a demandé au Tribunal d’ordonner à la GRC de communiquer tous les documents potentiellement pertinents en sa possession ou lui appartenant qui constituent des originaux des documents inscrits dans son tableau – à l’exception des documents exclus – conformément à l’obligation de communication continue prévue à l’article 23 et au paragraphe 24(1) des Règles de pratique.

IV. Analyse

[28] Je reconnais qu’aucune des parties n’était au courant d’une violation alléguée de l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B. avant que celle-ci n’ait été portée à leur attention par les avocats d’A.B. Depuis, toutes les parties ont pris cette question très au sérieux.

[29] J’ai reçu les observations des parties relativement à la présente requête, et j’ai enjoint à A.B. de me fournir une copie de la liste des pièces produites à l’instance devant la C.S.C.-B. de laquelle émanent l’ordonnance sur consentement et l’engagement implicite en cause, ou de confirmer que pareille liste de pièces n’existe pas. J’ai également donné à A.B. l’occasion de présenter des observations au sujet de la requête de la Commission.

[30] Les avocats d’A.B. ont souligné que tous les documents produits par Mme Robinson au cours du processus d’enquête préalable dans l’instance devant la C.S.C.-B., y compris les documents produits par la GRC conformément à l’ordonnance sur consentement de la Cour, étaient assujettis à l’engagement implicite et ont été identifiés au moyen de numéros Bates commençant par « F ».

[31] A.B. reconnaît que les documents qui ont été présentés en tant que pièces au procès devant la C.S.C.-B. ne sont pas assujettis à l’engagement implicite. Ses avocats ont confirmé qu’il n’existe aucune liste complète de pièces liée au procès devant la C.S.C.-B. Toutefois, ils ont présenté une liste de pièces qu’ils ont préparée, sur laquelle figurent les numéros des documents inscrits par A.B. lors du procès.

[32] Les avocats d’A.B. ont indiqué qu’ils n’étaient pas en mesure de fournir une liste complète de pièces liée à l’instance devant la C.S.C.-B. étant donné que les avocats de Mme Robinson ont été incapables de retrouver les pièces qu’ils ont produites au procès. Néanmoins, A.B. soutient qu’il ne fait [traduction] « aucun doute » qu’il existe une série de documents assujettis à l’engagement implicite qui n’ont pas été présentés en preuve lors du procès et que Mme Robinson a communiqués à la Commission, et que Mme Robinson a donc « incontestablement » violé l’engagement implicite qu’elle avait pris envers la C.S.C.-B.

[33] Les plaignants font valoir que, en l’absence d’une liste complète des pièces produites par les parties au procès devant la C.S.C.-B., il est impossible de comparer de manière précise ces pièces et les documents que Mme Robinson a communiqués à la Commission.

[34] La position de la GRC et d’A.B. dans la présente requête est fondée sur la conviction que Mme Robinson et, par extension, les plaignants ont violé l’engagement implicite. La GRC et A.B. ont laissé entendre que la question de l’engagement implicite devrait être tranchée par la C.S.C.-B. ou la Cour fédérale avant que le Tribunal poursuive l’instruction de la présente plainte. Or, pareille étape serait inutile et retarderait encore l’instruction de la présente plainte. Le Tribunal est tenu par la loi d’instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (par. 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6).

[35] La GRC affirme avoir fourni les documents visés par son enquête aux parties au procès en diffamation devant la C.S.C.-B. [traduction] « en s’appuyant expressément sur la règle de l’engagement implicite ». Elle affirme que [traduction] « la common law interdit non seulement aux parties et à leurs avocats, mais à toute personne, d’utiliser les renseignements obtenus au cours du processus d’enquête préalable à toute fin autre que celle visée par l’instance dans le cadre de laquelle ils ont été obtenus » (Winkler v. Lehndorff Management Ltd., 1998 CarswellOnt 4160, [1998] O.J. No. 4462, au par. 13).

[36] La GRC soutient que les plaignants ont communiqué les documents de la GRC à la Commission au soutien d’une plainte à l’encontre de la GRC. Selon la GRC, quiconque reçoit, au cours d’une enquête préalable, des documents tombant sous le coup de la règle de l’engagement implicite envers le tribunal, puis utilise ces documents « à d’autres fins » commet un outrage au tribunal (Letourneau c. Clearbrook Iron Works Ltd., 2003 CF 949, au par. 3).

[37] La GRC indique que depuis qu’elle a pris connaissance de l’engagement implicite, la Commission propose [traduction] « que les documents soient mis sous scellés et que la GRC fournisse de nouvelles copies qui ne seraient de toute évidence pas assujetties à l’engagement implicite ». Elle fait valoir que la requête présentée par la Commission en vue d’obtenir une ordonnance n’est pas le bon moyen de remédier à la violation de l’engagement implicite, et qu’en acceptant pareille démarche, on tolère, voire encourage, pareille violation. Selon la GRC, étant donné que Mme Robinson n’a pas obtenu de dispense de la C.S.C.-B. avant de communiquer les documents à la Commission, comme l’exige le principe de la primauté du droit, la Commission doit demander à la C.S.C.-B. de modifier l’engagement implicite de manière à ce qu’elle puisse utiliser les documents de la GRC dans le cadre de la présente instance. La GRC soutient que le Tribunal ne devrait pas permettre qu’un manquement à l’engagement implicite ou un outrage au tribunal se poursuive.

[38] A.B. affirme que Mme Robinson a fourni aux plaignants des copies des documents de la GRC qu’elle a obtenues dans le cadre de l’instance devant la C.S.C.-B. Il soutient qu’elle a présenté sa plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission en se fondant sur les renseignements qu’elle a tirés de ces documents. Selon A.B., en agissant ainsi, Mme Robinson a contrevenu à l’engagement implicite de confidentialité pris envers la C.S.C.-B.

[39] Dans la décision sur requête par laquelle j’ai accordé à A.B. le statut de personne intéressée (2022 TCDP 3), j’ai refusé d’autoriser A.B. à présenter une requête liée à la violation présumée de l’engagement implicite par Mme Robinson. Pourtant, A.B. allègue dans la présente requête que la question que doit trancher le Tribunal est la suivante : pour remédier à la violation commise par Mme Robinson, quelle est la mesure de réparation appropriée qui sert le mieux les intérêts de la justice et l’intégrité du processus du Tribunal et de la Cour?

[40] A.B. soutient qu’aucun précédent ne justifie la mesure de réparation proposée par la Commission et que rien n’indique que la C.S.C.-B. a eu ou aura l’occasion d’examiner si cette mesure est appropriée dans les circonstances. Selon A.B., la proposition de la Commission est très loin de correspondre aux diverses mesures de réparation énoncées ou appliquées par les tribunaux pour un manquement de cette nature, « dont le sursis ou le rejet de l’instance, la radiation de la défense ou, en l’absence d’une réparation moins draconienne, une procédure pour manquement à l’engagement envers le tribunal » (Juman, au par. 5).

[41] A.B. affirme que le Tribunal pourrait renvoyer la question à la Cour fédérale afin que celle-ci établisse les recours qui s’offrent au Tribunal étant donné qu’aucune partie n’a sollicité de réparation pour le manquement devant la C.S.C.-B.

[42] Les plaignants soutiennent qu’A.B. a soulevé la question de la réparation pour manquement à l’engagement implicite dans un élan d’animosité envers Mme Robinson et pour tenter à nouveau de perturber la présente instance devant le Tribunal.

[43] La Commission a présenté la requête en cause pour faire en sorte que l’instruction de la plainte se poursuive dans le respect de l’engagement implicite et de l’ordonnance de la Cour, tout en préservant l’intégrité du dossier du Tribunal. Je reconnais que la requête a été présentée à titre de précaution et non pas parce qu’il a été démontré que Mme Robinson a contrevenu à l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B.

[44] La Commission ne demande pas au Tribunal de se prononcer sur la question de savoir si Mme Robinson a contrevenu à l’engagement implicite en communiquant les documents à la Commission pendant son enquête. Le Tribunal n’a pas compétence pour examiner le processus employé par la Commission dans le cadre de l’examen préalable de la plainte. Lorsque la Commission demande au Tribunal d’instruire une plainte, ce dernier est tenu par la loi de le faire, et ne doit pas remettre en question la « genèse » de la plainte reçue par la Commission.

[45] Quoi qu’il en soit, la preuve dont est saisi le Tribunal n’étaye pas l’allégation selon laquelle la présente plainte ne saurait exister si ce n’était du manquement allégué de Mme Robinson, ou que l’auteur de la plainte est en fait Mme Robinson plutôt que les plaignants. Les plaignants ne se sont pas appuyés sur Mme Robinson pour leur rappeler les expériences qu’ils ont vécues dans leur enfance; ils sont des Autochtones ayant des opinions sur la GRC et des expériences avec celle-ci qui leur sont propres.

[46] Je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’il est inutile de demander à la C.S.C.-B. de modifier l’engagement implicite pour que le Tribunal puisse poursuivre l’instruction de la présente plainte. Personne ne propose d’utiliser les documents de la GRC qui auraient vraisemblablement été divulgués en violation de l’engagement implicite dans le cadre de l’instance devant le Tribunal. Dans sa requête, la Commission demande à ce que les parties mettent sous scellés ou détruisent ces documents.

[47] Quant à la suggestion d’A.B. selon laquelle le Tribunal pourrait demander à la Cour fédérale de trancher la question de savoir quelle serait la réparation appropriée pour la violation alléguée de l’engagement implicite par Mme Robinson, pareille démarche est également inutile et suppose que le Tribunal a conclu qu’une violation a effectivement été commise. Que le Tribunal ait compétence ou non pour rendre une telle décision, il n’existe aucun élément de preuve pouvant étayer cette conclusion.

[48] Même si A.B. soutient que Mme Robinson a [traduction] « incontestablement » communiqué des documents à la Commission en violation de l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B., il n’a pas présenté au Tribunal une liste complète des pièces produites lors du procès devant la C.S.C.-B. et a affirmé qu’aucune liste n’existe. En l’absence d’une liste complète, personne ne peut vraisemblablement dire quels documents ont effectivement été produits en tant que pièces. Par conséquent, la preuve présentée au Tribunal n’est pas [traduction] « incontestable » ou définitive.

[49] Si A.B., en sa qualité de partie à l’instance antérieure, souhaite demander à la C.S.C.-B. de conclure que Mme Robinson a violé l’engagement implicite pris envers la Cour, ou si Mme Robinson souhaite demander à la Cour de modifier l’engagement implicite ou de lui accorder une dispense de son application, ils sont libres de le faire.

[50] Dans le cadre de la présente instance, le Tribunal n’est pas appelé à trancher un différend entre A.B. et Mme Robinson. La plainte concerne des allégations de discrimination formulées par les plaignants à l’encontre de la GRC. C’est ce qui a été demandé au Tribunal de trancher. Ce que la Commission tente d’obtenir au moyen de la présente requête, c’est que, lors de l’instruction de la plainte, personne n’utilise de documents qui auraient pu être fournis en violation de l’engagement implicite et que les parties se communiquent tous les documents pertinents en préparation de l’instruction, conformément aux Règles de pratique.

[51] Je rejette l’argument de la GRC selon lequel le Tribunal n’a pas compétence pour rendre une ordonnance en lien avec les documents identifiés par la Commission dans la présente requête. De plus, je ne souscris pas à l’argument d’A.B. voulant que la présente requête est un [traduction] « raccourci procédural » visant à contourner le « processus régulier » de la Cour. Le Tribunal a compétence pour contrôler sa propre procédure. Certains documents ont été divulgués par la Commission conformément aux Règles de pratique du Tribunal. Ces documents n’ont pas été communiqués au Tribunal. Le Tribunal a compétence pour s’assurer de l’intégrité de ses propres dossiers et instruire une requête préliminaire liée à la divulgation de documents. Ce faisant, le Tribunal n’empiète pas sur la compétence de la C.S.C.-B. d’entendre toute demande qu’A.B. ou Mme Robinson souhaiterait présenter concernant l’engagement implicite pris envers lui.

[52] Conformément aux Règles de pratique, la GRC est tenue de communiquer aux autres parties tous les documents qui sont potentiellement pertinents à l’égard d’un fait, d’une question ou d’une réparation dans le cadre de la présente instance. Étant donné que l’objet de la plainte se rapporte à l’enquête menée par la GRC sur A.B., la GRC doit divulguer tous les documents figurant dans son dossier d’enquête qui sont potentiellement pertinents à l’égard de la plainte, pourvu qu’ils ne soient pas visés par un privilège de non-divulgation.

[53] Je suis d’accord avec la Commission et les plaignants pour dire que le simple fait qu’il ait été ordonné à la GRC de produire des documents dans le cadre de l’instance devant la C.S.C.-B. se rapportant à son enquête sur A.B. ne l’empêche pas de divulguer les mêmes documents dans le cadre de l’instance relative aux droits de la personne si ces documents sont potentiellement pertinents.

[54] Selon ma compréhension des choses, la GRC ne prétend pas être liée par l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B. étant donné qu’elle n’était pas partie à l’instance en diffamation et qu’elle n’a reçu aucun document au cours de l’enquête préalable relative à cette instance. Quoi qu’il en soit, il est clair en droit que la règle de l’engagement implicite ne limite que l’utilisation ultérieure des documents divulgués en dehors du litige par le destinataire des documents divulgués, et non par celui qui les a produits (Kitchenham, par. 41). Le fait de divulguer des copies dans l’instance devant la C.S.C.-B. n’a pas pour effet de limiter ce que la GRC peut faire avec ses propres documents dans une instance ultérieure ou de créer un privilège de non-divulgation applicable à ces documents (Juman, au par. 26; Taherkhani, au par. 57; Schober v. Tyson Creek Hydro Corporation, 2014 BCCA 12 (CanLII), au par. 25; Power v. Parsons, 2018 NLCA 30, au par. 17).

[55] Comme [traduction] « l’engagement [implicite] ne limite pas ce que la partie interrogée au préalable peut faire ultérieurement avec ses propres renseignements » (Kitchenham, au par. 26), cela signifie également que Mme Robinson est autorisée à utiliser les documents qu’elle a produits dans le procès devant la C.S.C.-B. en dehors de cette instance.

[56] La Commission sollicite une ordonnance lui enjoignant de produire auprès du Tribunal et des parties une Annexe A modifiée, dans laquelle les détails concernant les documents énumérés dans le tableau seraient rayés, à l’exception des documents qui ont été désignés comme ayant été produits en tant que pièces accessibles au public dans le cadre de l’instance devant la C.S.C.-B. et des documents qui ne sont pas identifiés par des numéros Bates commençant par « F » ou par « R ». La Commission demande que les versions originales de son Annexe A et de son tableau soient mises sous scellés afin de les soustraire à l’accès public.

[57] Dans le cadre de l’enquête menée par la Commission relativement à la plainte pour atteinte aux droits de la personne, la GRC aurait vraisemblablement communiqué à la Commission des documents – dont certains figurent dans le tableau de la Commission – qui ne sont pas identifiés par des numéros Bates commençant par « F » ou par « R ». Les documents que la GRC a communiqués directement à la Commission n’ont clairement pas été fournis en violation de l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B. puisque cette règle ne limite pas ce que la GRC peut faire avec ses propres documents. Par conséquent, tout document de la GRC figurant dans le tableau de la Commission qui n’est pas identifié au moyen de la numérotation Bates n’a pas à être rayé ou mis sous scellés.

[58] Les plaignants ont indiqué que les documents identifiés par des numéros Bates commençant par « R » (deux documents dans le tableau de la Commission identifiés par CHRC077 et CHRC075) ont été produits par Mme Robinson lors de l’instance devant la C.S.C.-B. et non pas par A.B. Ce ne sont pas des documents de la GRC. L’engagement implicite n’empêche pas Mme Robinson de divulguer, dans une autre instance, les documents qu’elle a divulgués elle-même dans l’instance devant la C.S.C.-B. En conséquence, je reconnais que les deux documents identifiés par des numéros Bates commençant par « R » n’ont pas à être rayés de l’Annexe A modifiée et que ces documents peuvent continuer de faire partie des documents déjà communiqués par la Commission aux autres parties.

[59] Toutefois, je suis d’avis que tout document inscrit dans le tableau de la Commission, identifié par un numéro Bates commençant par « F » et ne figurant pas dans la liste des pièces fournie par les avocats d’A.B. ou n’ayant pas autrement été désigné en tant que pièce accessible au public dans l’instance devant la C.S.C.-B. doit être rayé de l’Annexe A modifiée de la Commission. De même, ces documents doivent être mis sous scellés par la Commission, et mis sous scellés ou détruits par les plaignants et la GRC.

[60] Aux termes des Règles de pratique, la GRC a l’obligation continue de communiquer aux autres parties tous les documents potentiellement pertinents qu’elle a en sa possession. Si certains des documents de la GRC figurant dans le tableau de la Commission et identifiés par des numéros Bates commençant par « F » n’ont pas déjà été communiqués par la GRC dans le cadre de la présente instance, et que ceux-ci sont potentiellement pertinents à l’égard de la présente plainte, la GRC doit les divulguer sans délai.

[61] Enfin, bien que la requête présentée par la Commission ne mentionne pas les listes de documents que les plaignants ont présentées dans leur exposé des précisions et dans leur réponse à l’exposé des précisions de l’intimée, les avocats d’A.B. ont mentionné ces listes dans une lettre envoyée aux parties et au Tribunal avant le dépôt de la requête. Afin de s’assurer qu’aucun document qui aurait pu être fourni par Mme Robinson en violation de l’engagement implicite pris envers la C.S.C.-B. ne reste dans les listes accessibles au public ou parmi les documents communiqués aux parties, et pour éviter la nécessité d’une autre requête, l’ordonnance ci-après s’appliquera à la liste des documents à communiquer (Annexe C) fournie dans l’exposé des précisions des plaignants daté du 29 juin 2020, et à la liste des documents supplémentaires fournie dans la réponse des plaignants à l’exposé des précisions de l’intimée datée du 29 septembre 2020.

V. Ordonnance

  1. Les documents suivants figurant au dossier du Tribunal doivent être mis sous scellés afin de les soustraire à l’accès public :
    1. L’Annexe A de l’exposé des précisions de la Commission daté du 5 juin 2020;
    2. Le tableau de la Commission daté du 3 décembre 2021;
    3. L’Annexe C, liste des documents à communiquer, des plaignants fournie dans leur exposé des précisions daté du 29 juin 2020;
    4. La liste des documents supplémentaires des plaignants fournie dans leur réponse à l’exposé des précisions de l’intimée datée du 29 septembre 2020.
  2. La Commission doit déposer une Annexe A modifiée dans laquelle les documents suivants seront rayés :
    1. Tout document figurant dans son tableau qui est identifié par un numéro Bates commençant par « F » et qui ne figure pas sur la liste des pièces fournie par les avocats d’A.B. dans le cadre de la présente requête, ou qui n’a pas autrement été désigné en tant que pièce accessible au public dans l’instance devant la C.S.C.-B.
  3. La Commission doit mettre sous scellés tous les documents figurant dans son dossier d’enquête interne mentionné à l’alinéa (2)a) de la présente ordonnance.
  4. Les plaignants et la GRC doivent mettre sous scellés ou détruire tous les documents qui leur ont été communiqués par la Commission et qui sont mentionnés à l’alinéa (2)a) de la présente ordonnance.
  5. Les plaignants doivent déposer une Annexe C modifiée, liste des documents à communiquer, et une liste des documents supplémentaires dans lesquels les documents suivants sont rayés :
    1. Tout document identifié par un numéro Bates commençant par « F » et qui ne figure pas sur la liste des pièces fournie par les avocats d’A.B. dans le cadre de la présente requête, ou qui n’a pas autrement été désigné en tant que pièce accessible au public dans l’instance devant la C.S.C.-B.
  6. Les plaignants, la Commission et la GRC doivent mettre sous scellés ou détruire tous les documents mentionnés à l’alinéa (5)a) de la présente ordonnance.
  7. Dans les 60 jours suivant la date de la présente décision sur requête, la GRC doit communiquer aux plaignants et à la Commission tous les documents qu’elle a en sa possession qui n’ont pas déjà été communiqués dans le cadre de la présente instance et qui se rapportent à un fait ou à une question soulevée dans la plainte ou à une ordonnance demandée par l’une ou l’autre des parties, conformément à son obligation aux termes des articles 20, 23 et 24 des Règles de pratique du Tribunal. Ces documents comprennent tous les documents potentiellement pertinents qu’elle a en sa possession et qui lui appartiennent qui sont des originaux des documents mentionnés aux alinéas (2)a) et (5)a) de la présente ordonnance.
  8. Si des renseignements devant être rayés se trouvent dans les observations ou les pièces jointes aux observations des parties ou d’A.B., ces renseignements doivent être rayés et les observations ainsi modifiées doivent être déposées de nouveau dans les 30 jours suivant la date de la présente ordonnance afin qu’elles puissent être versées au dossier public du Tribunal. Les versions originales (non caviardées) déposées auprès du Tribunal seront mises sous scellés par le Tribunal et ne pourront être communiquées au public.
  9. L’ordonnance de mise sous scellés à l’alinéa i) de l’ordonnance rendue dans la décision sur requête du Tribunal 2022 TCDP 27 n’est plus en vigueur et est remplacée par la présente ordonnance.

Signée par

Colleen Harrington

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 31 octobre 2022

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2459/1620

Intitulé de la cause : Woodgate et al. c. GRC

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 31 octobre 2022

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Karen Bellehumeur et Angeline Bellehumeur , pour les plaignants

Christine Singh et Jessica Walsh , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Whitney Dunn, Rupinder Gosal et Nima Omidi , pour l’intimée

Claire E. Hunter, c.r. , pour la partie intéressée

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