Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 TCDP 26

Date : le 2 septembre 2022

Numéro du dossier : T1340/7008

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

‑ et ‑

Assemblée des Premières Nations

les plaignantes

‑ et ‑

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

‑ et ‑

Procureur général du Canada

(représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien)

l’intimé

‑ et ‑

Chiefs of Ontario

‑ et ‑

Amnistie internationale

‑ et ‑

Nation Nishnawbe Aski

les parties interessées

Décision sur requête

Membres : Sophie Marchildon

Edward P. Lustig



I. Contexte

[1] Le Tribunal est saisi d’une requête présentée en vertu des paragraphes 8(1) et 8(2) et de l’article 3 des Règles de procédure sous le régime de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP ») (03-05-04) (les « anciennes règles ») par la Fédération des nations autochtones souveraines (la « FSIN »), constituée des Premières Nations de la Saskatchewan, en vue d’être ajoutée à titre de partie intéressée à la requête conjointement présentée par l’Assemblée des Premières Nations (l’« APN ») et le Canada (la « requête conjointe »). La requête conjointe est présentée conformément à l’article 3 des anciennes règles (applicables aux procédures antérieures au 11 juillet 2021) et vise les ordonnances rendues en vertu de l’alinéa 53(2)b) de la LCDP, du paragraphe 1(6) et de l’alinéa 3(2)d) des anciennes règles. Elle s’inscrit dans le contexte de la compétence continue du Tribunal dans cette affaire et vise à obtenir la confirmation que l’entente de règlement définitive sur l’indemnisation (l’« entente sur l’indemnisation ») satisfait aux ordonnances d’indemnisation et au cadre d’indemnisation du Tribunal.

[2] Les anciennes règles ont récemment fait l’objet d’une révision, qui a mené à l’adoption des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « nouvelles règles »). Toutefois, comme la présente instance est toujours en cours et qu’elle a été introduite en vertu des anciennes règles, ces dernières régiront la requête.

[3] La présente demande découle d’une plainte déposée par la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada (la « Société de soutien ») et l’APN contre le Canada au nom des enfants des Premières Nations. Dans la décision Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2 (la « Décision sur le bien-fondé »), le Tribunal a conclu que la plainte était fondée et que le Canada s’était livré à des pratiques discriminatoires raciales et systémiques contraires à la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « LCDP » ou la « Loi »), lorsqu’il a fourni des services aux enfants des Premières Nations et à leurs familles.

[4] La plainte est maintenant à l’étape portant sur les mesures de réparation, ce qui comprend l’indemnisation financière des enfants des Premières Nations touchés et de leurs pourvoyeurs de soins (2019 TCDP 39, 2020 TCDP 7, 2020 TCDP 15, 2020 TCDP 20, 2021 TCDP 6, 2021 CHRT 7). Du 14 au 18 juin 2021, la Cour fédérale a instruit la demande de contrôle judiciaire du Canada visant la décision sur le droit à l’indemnisation (2019 TCDP 39), le Cadre relatif au paiement des indemnités (2021 TCDP 7) et les ordonnances du Tribunal concernant l’admissibilité à l’application du principe de Jordan (2020 TCDP 20 et 2020 TCDP 36). Le 29 septembre 2021, la Cour fédérale a rejeté l’ensemble des demandes du Canada (2021 CF 969).

[5] Le Tribunal a rendu de nombreuses ordonnances visant à éliminer la discrimination systémique, à empêcher qu’elle se reproduise et à réformer le Programme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et ses services, notamment en remédiant au cadre de financement discriminatoire des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations et en adoptant une approche axée sur la prévention et dirigée par les Premières Nations afin de mettre fin au retrait massif des enfants de leur foyer, de leur famille, de leur collectivité et de leur nation (en particulier 2016 TCDP 10, 2016 TCDP 16, 2017 TCDP 14, 2017 TCDP 35, 2018 TCDP 4, 2020 TCDP 20, 2021 TCDP 12, 2021 TCDP 41 et 2022 TCDP 8). Le Tribunal se réserve la compétence pour régler les autres questions relatives à la mise en œuvre de la réforme et aux mesures de réparation à long terme. Cette réforme est dirigée par les Premières Nations et restera viable pour les générations à venir. Elle vise à éliminer la discrimination et à empêcher qu’elle se reproduise.

II. Demandes antérieures visant l’obtention du statut de partie intéressée

[6] Un certain nombre d’organismes, notamment des représentants des gouvernements des Premières Nations, considèrent que la présente affaire revêt un grand intérêt et est d’une réelle importance pour eux ou leurs membres, et ils ont cherché à intervenir en tant que parties intéressées.

[7] Le 14 septembre 2009, le Tribunal a conféré le statut de partie intéressée aux Chiefs of Ontario et à Amnistie internationale. Les Chiefs of Ontario se sont vu accorder des droits de participation étendus, notamment le droit de présenter des éléments de preuve et le droit de contre-interroger les témoins de la partie adverse. Ils pouvaient participer à l’instance dans la mesure où leurs observations et leurs éléments de preuve n’entraînaient pas un double emploi ou un chevauchement avec ceux des parties ou de la Commission. Amnistie internationale s’est vu donner le droit de participer, mais de manière plus limitée. Elle pouvait seulement présenter des observations juridiques, notamment sur les sources de droit international.

[8] La Nation Nishnawbe Aski (la « NNA ») a demandé le statut de partie intéressée en 2016, au début de l’étape portant sur les mesures de réparation. Le Tribunal a acquiescé à cette demande dans la décision sur requête 2016 TCDP 11. La participation de la NNA était limitée aux « considérations particulières touchant la prestation de services à l’enfance et à la famille à des collectivités éloignées du Nord de l’Ontario et les mesures nécessaires qui permettraient de fournir des services appropriés à ces collectivités » (au paragraphe 5). Le Tribunal a conclu qu’il était manifeste que la NNA avait un intérêt dans l’instance et qu’elle pouvait apporter une aide valable à la formation pour les questions qu’il restait à trancher relativement aux mesures de réparation. La NNA avait pour instruction de limiter ses observations aux questions de réparation en suspens et de ne pas chercher à rouvrir des questions qui avaient déjà été tranchées. La NNA devait s’assurer que sa contribution ne faisait pas double emploi avec celle des autres parties.

[9] En 2019, le Congrès des peuples autochtones (le « CPA ») a déposé une requête afin de se voir accorder le statut de partie intéressée et de prendre part à la définition de la portée du principe de Jordan pour les enfants qui n’ont pas le statut d’Indien, en vertu de la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5, et qui vivent hors réserve. Dans la décision sur requête 2019 TCDP 11, le Tribunal a octroyé au CPA un statut limité de partie intéressée. Le CPA était autorisé à présenter des observations sur la requête concernée, mais il devait accepter le dossier de la preuve tel qu’il était et respecter les délais impartis pour l’audience.

[10] Le 8 octobre 2020, avec le consentement des parties, la formation a octroyé à la Nation innue le statut limité de partie intéressée pour qu’elle puisse participer à une requête présentée par la Société de soutien visant à confirmer que les enfants et les familles des Premières Nations qui vivent dans les réserves et au Yukon et qui reçoivent des services d’un organisme ou d’un fournisseur de services provincial ou territorial entrent dans le champ d’application des actuelles ordonnances de réparation du Tribunal (la « requête de la Société de soutien »). Les Premières Nations visées par la requête ne reçoivent pas de services de la part des organismes des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations (les « organismes des SEFPN »). Dans sa requête, la Société de soutien sollicitait également des ordonnances connexes demandant au Canada de remédier à ce problème.

[11] La formation a répété que l’octroi du statut de partie intéressée est une question qui est traitée selon les particularités de chaque cas en appliquant les principes juridiques pertinents aux faits de l’affaire dont elle est saisie. En l’espèce, les ordonnances de réforme du Tribunal touchent les Premières Nations du Canada vivant dans les réserves et au Yukon.

[12] La formation a estimé que l’instance avait des répercussions sur la Nation innue, à la fois en tant que gouvernement d’une Première Nation cherchant à fournir des services de prévention par l’intermédiaire d’un organisme et en tant que plaignante dans une affaire de droits de la personne cherchant à obtenir une réparation similaire. La Nation innue a affirmé avoir de l’expérience en ce qui a trait à l’établissement d’un organisme chargé de fournir des services de prévention aux enfants des Premières Nations, c’est-à-dire le Secrétariat de la table ronde des Innus du Labrador inc. (le « Secrétariat de la TRI »). Elle a également affirmé que le Canada lui avait fait savoir que le Secrétariat de la TRI ne pouvait pas bénéficier d’un financement parce qu’il ne cadrait pas avec ses politiques d’admissibilité. La Nation innue semblait pouvoir entrer dans le champ d’application des ordonnances du Tribunal, mais il se peut qu’elle en ait été exclue du fait qu’elle et le Canada avaient des points de vue divergents. La Nation innue a fait valoir qu’elle disposait d’éléments de preuve précis à l’appui de sa position, mais que ceux-ci n’avaient pas forcément été présentés au Tribunal pour lui permettre de trancher les questions soulevées dans la requête de la Société de soutien. Ces éléments de preuve pourraient permettre d’apporter une expertise et de présenter une position juridique différente de celles avancées par les autres parties.

[13] En outre, en juin 2020, la Nation innue a déposé une plainte auprès de la Commission dans le contexte d’une affaire dont était saisie la présente formation et qui soulevait des questions de fait et de droit similaires concernant les répercussions des décisions sur requête et des ordonnances rendues antérieurement par la formation sur la Nation innue et son organisme, le Secrétariat de la TRI. Selon la formation, vu l’historique de la procédure en l’espèce et vu que les enfants sont au centre de l’affaire, il était aussi dans l’intérêt public de régler ces questions de manière efficace et rapide. Permettre à la Nation innue de participer à la présente requête refléterait donc cet intérêt public. Encore une fois, dans sa requête, la Société de soutien soulève la question de la mise en œuvre et du respect des ordonnances antérieures du Tribunal — surtout les conclusions tirées et les ordonnances rendues par la formation dans la décision sur requête 2018 TCDP 4 — et de celle de l’interprétation des ordonnances connexes.

[14] Par le passé, la formation a permis aux Chiefs of Ontario et à la NNA — qui sont des parties intéressées dans la présente affaire — de déposer de nouveaux éléments de preuve et de contre-interroger les auteurs d’affidavit. Par conséquent, la formation n’était pas d’accord avec le Canada pour dire que le Tribunal ne devrait pas permettre aux parties intéressées de déposer de la preuve ou de contre-interroger les auteurs d’affidavit. Comme il est maître dans sa propre maison — et en quête de vérité dans le cadre d’une instruction conforme aux termes de la LCDP — le Tribunal peut permettre aux parties intéressées de déposer des éléments de preuve et de contre-interroger les auteurs d’affidavit dans la mesure où il respecte les deux principes juridiques qui sont énoncés au paragraphe 48.9(1) de la LCDP : le Tribunal doit instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique.

[15] Par ailleurs, la participation de la Nation innue, y compris la présentation de la preuve, est permise par les règles de procédure du Tribunal.

[16] Enfin, en participant à la requête de la Société de soutien, la Nation innue ne devait pas faire double emploi avec les observations des parties. Elle devait s’efforcer de ne pas répéter des questions pendant les contre-interrogatoires et de présenter toutes ses observations à l’audience. La Nation innue devait apporter une expertise, un point de vue différent de celui des autres parties, y compris sur le plan juridique, et un éclairage pouvant aider le Tribunal à statuer sur l’affaire.

[17] La formation a établi un calendrier pour statuer sur la requête de la FSIN.

III. Résumé de la thèse de chacune des parties

A. FSIN

[18] La FSIN est une organisation politique qui représente les 74 Premières Nations de la Saskatchewan et qui défend les intérêts de ces Premières Nations.

[19] La FSIN et ses Premières Nations membres sont constituées de groupes culturels et linguistiques diversifiés, dont les Dakotas, les Dénés, les Nahkawe (Saulteaux), les Nakota, les Moskégons, les Lakota, les Cris des plaines et les Cris des bois de la Saskatchewan.

[20] La FSIN et ses Premières Nations membres représentent également une population importante de titulaires de droits des Premières Nations, avec des situations socio-économiques, géographiques et démographiques diverses.

[21] La FSIN s’engage à respecter l’esprit et l’intention des traités, ainsi qu’à promouvoir, protéger et mettre en œuvre les droits inhérents dont jouissent ses diverses Premières Nations membres.

[22] C’est lors de l’Assemblée générale des chefs qui est une réunion dûment convoquée et constituée des chefs élus des 74 Premières Nations de la Saskatchewan que la FSIN a reçu son mandat et qu’elle reçoit des directives. Par consensus, les chefs en assemblée ont confié à la FSIN un vaste mandat qui prend de plus en plus d’ampleur : se pencher sur les enjeux qui préoccupent les peuples et les collectivités des Premières Nations quant à la santé et au bien-être des enfants, notamment la prévention, le retrait d’enfants et le principe de Jordan. La FSIN s’est également vu confier ce mandat par sa Commission de la santé et du développement social.

[23] La FSIN demande l’autorisation d’intervenir en l’espèce dans le seul but de participer à la requête conjointe de l’APN et du Canada. Comme nous le verrons dans la section « Analyse » ci-dessous, la FSIN fait valoir que sa participation sera utile au Tribunal parce qu’elle apportera une perspective particulière et éclairée sur les répercussions très importantes que l’entente de règlement définitive aura sur les Premières Nations de la Saskatchewan.

[24] Plus particulièrement, la FSIN affirme qu’elle tient à faire respecter le droit à l’indemnisation des victimes de discrimination et des titulaires de droits qui découle des ordonnances d’indemnisation du Tribunal.

[25] De plus, la FSIN soutient que l’entente sur l’indemnisation aura une incidence importante sur les familles, les enfants et les collectivités.

[26] La FSIN soutient également que sa participation ajoutera aux positions juridiques des parties et apportera une perspective différente de celle des autres parties.

B. Autres parties

[27] La Société de soutien appuie la requête de la FSIN. Aucune partie ne s’est opposée à la requête. Toutefois, l’APN et le Canada soutiennent que la participation de la FSIN devrait se limiter au dépôt d’observations écrites et à la présentation d’arguments oraux concernant l’entente de règlement définitive.

IV. Droit

[28] La LCDP prévoit la participation de parties intéressées au paragraphe 50(1) et à l’alinéa 48.9(2)b) et, par conséquent, confirme le pouvoir qu’a le Tribunal de faire droit à une demande de statut de partie intéressée. La procédure à suivre pour ajouter des parties intéressées est énoncée à l’article 8 des anciennes règles du Tribunal. Par conséquent, le Tribunal a compétence pour permettre à une personne d’intervenir devant lui à titre de partie intéressée relativement à une plainte.

[29] « Il incombe au requérant de démontrer en quoi son expertise aidera à trancher les questions en litige » (L’Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry et Renee Acoby c. Service correctionnel du Canada, 2019 TCDP 30, au paragraphe 34).

[30] En ce qui a trait à la demande de statut de partie intéressée, le Tribunal peut notamment tenir compte des éléments suivants :

  • A) l’expertise de l’éventuelle partie intéressée aiderait le Tribunal;

  • B) sa participation ajouterait à la position juridique des parties;

  • C) l’instance aura des répercussions sur les intérêts de la partie requérante.

[31] Toutefois, bien que les critères énumérés ci-dessus et élaborés dans Walden soient toujours utiles dans des contextes similaires, « dans l’affaire Attaran c. Citoyenneté et Immigration Canada, 2018 TCDP 6 (Attaran), le Tribunal énonce que l’approche doit être globale et fondée sur l’analyse cas par cas. Il cite avec approbation l’affaire Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et autres c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 11 (NAN) » (Letnes c. GRC et al., 2021 TCDP 30, au paragraphe 14). Par conséquent, il ressort de la jurisprudence du Tribunal que l’analyse ne doit pas être réalisée de manière stricte et automatique, mais plutôt au cas par cas, en appliquant une approche flexible et globale.

Le statut de partie intéressée ne sera pas accordé s’il ne contribue pas de façon importante aux positions juridiques des parties alléguant un point de vue semblable.

Voir, par exemple, Attaran, au paragraphe 10.

[32] Comme il a été mentionné, la formation a examiné le critère applicable aux demandes de statut de partie intéressée dans la décision sur requête 2016 TCDP 11, dans laquelle elle a accordé ce statut à la NNA. Dans cette décision sur requête, au paragraphe 3, le Tribunal a exposé les facteurs à prendre en considération pour accorder le statut de partie intéressée :

Les demandes visant l’obtention du statut de partie intéressée sont tranchées au cas par cas, en tenant compte des circonstances particulières de l’instance et des questions qui sont en train d’être examinées. Une personne ou une organisation peut se voir accorder le statut de partie intéressée si l’instance a des incidences sur elle et si elle peut aider le Tribunal à trancher les questions dont il est saisi. Cette aide doit apporter un éclairage différent aux thèses défendues par les autres parties et contribuer à la prise de décision par le Tribunal. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 48.9(1) de la LCDP, l’un des principes qui doit sous-tendre la décision sur l’étendue de la participation d’une partie intéressée est que le Tribunal doit instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (voir Nkwazi c. Service correctionnel Canada, 2000 CanLII 28883 (TCDP), par. 22-23; Schnell c. Machiavelli and Associates Emprize Inc., 2001 CanLII 25862 (TCDP), par. 6; Warman c. Lemire, 2008 TCDP 17, par. 6-8; et Walden et autres c. Procureur général du Canada (représentant le Conseil du Trésor du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada), 2011 TCDP 19, par. 22-23).

[33] Par la suite, dans la décision sur requête 2020 TCDP 31, la formation a indiqué ce qui suit :

[28] Quand il a accordé le statut de partie intéressée dans le contexte de la présente affaire, le Tribunal a reconnu qu’il était difficile de déterminer quels organismes ou gouvernements de Premières Nations devraient se voir accorder le statut de partie intéressée, quand la nature des questions soulevées suppose qu’un grand nombre de communautés des Premières Nations sont directement touchées par l’instance :

Le rôle de la formation à ce stade-ci de l’instance est de concevoir une ordonnance qui tienne compte des circonstances particulières de l’affaire et des conclusions déjà tirées dans la décision [sur le bien-fondé]. Les clarifications des mesures de réparatio[n] accordées et le processus de mise en œuvre de la décision dont s’occupe le Tribunal ne doivent pas être confondus avec le rôle d’une commission d’enquête ou d’une tribune visant la consultation de l’une ou de l’ensemble des parties. Dans le cas contraire, chaque collectivité ou organisme des Premières Nations pourrait demander d’intervenir dans la présente instance pour partager ses propres connaissances et expériences ainsi que sa culture et son histoire. Le traitement de telles demandes, à plus forte raison l’admission de nouvelles parties dans les procédures en cours, entraverait de façon importante la capacité de la formation de finaliser son ordonnance.

(2016 TCDP 11, au paragraphe 14).

[29] Comme il a été souligné précédemment, lorsqu’elle a appliqué le critère, la formation a accordé le statut de partie intéressée à la NNA. Le Tribunal a conclu que ses décisions auraient une incidence directe sur les communautés éloignées des Premières Nations qui sont représentées par la NNA et que la NNA avait une expertise toute particulière en ce qui concerne les difficultés liées à la prestation de services à l’enfance et à la famille dans les communautés éloignées du Nord qui, par exemple, n’ont pas un accès routier à longueur d’année.

[30] Lorsqu’il a accordé le statut de partie intéressée à la NNA, le Tribunal a reconnu qu’il était difficile de maintenir un processus d’audience efficace et efficient. Par conséquent, le Tribunal a ordonné à la NNA de limiter ses observations écrites à la situation des communautés éloignées du Nord qui s’inscrivent dans son domaine particulier d’expertise, distinct de celui des autres parties. Le Tribunal a également ordonné à la NNA de limiter ses observations aux questions de réparation qui étaient encore en suspens et d’éviter de soulever des questions qui avaient déjà été tranchées. Le Tribunal a aussi établi un échéancier pour les observations de la NNA afin de ne pas retarder indûment la procédure.

[31] Comme il a été mentionné précédemment, dans la décision sur requête 2019 TCDP 11, le Tribunal a accordé au CPA un statut de partie intéressée limité à la question bien précise de savoir qui pouvait être qualifié d’enfant d’une Première Nation vivant hors réserve aux fins du principe de Jordan. Pour arriver à cette décision, la formation s’est inspirée de l’analyse qu’elle avait faite dans la décision 2016 TCDP 11. Après avoir souligné l’obligation qu’ont les organismes qui demandent le statut de partie intéressée de ne pas retarder l’affaire, le Tribunal a conclu que le CPA avait une expertise pertinente et qu’il pouvait apporter un point de vue différent de celui des autres participants de l’affaire.

[32] En conséquence, le Tribunal a permis au CPA de participer, à titre de partie intéressée, à la requête dans laquelle il avait un réel intérêt et une expertise particulière, mais à certaines conditions : le CPA ne pouvait pas participer à la gestion de l’instance ni déposer d’éléments de preuve et il devait respecter les délais de présentation pour éviter de retarder l’affaire. La participation du CPA était limitée à la présentation d’arguments juridiques.

[34] Comme il a été mentionné précédemment, la Nation innue devait apporter une expertise, un point de vue différent de celui des autres parties, y compris sur le plan juridique, et contribuer à la prise de décision par le Tribunal. En participant à la requête de la Société de soutien, la Nation innue ne devait pas faire double emploi avec les observations des parties. Elle devait s’efforcer de ne pas répéter des questions pendant les contre-interrogatoires et de présenter toutes ses observations à l’audience.

V. Analyse

[35] La formation répète qu’il convient d’adopter une approche globale et fondée sur l’analyse au cas par cas plutôt que d’appliquer de façon stricte les facteurs énoncés dans la décision Walden. La partie intéressée doit apporter une expertise, un point de vue différent de celui des autres parties, y compris sur le plan juridique, et contribuer à la prise de décision par le Tribunal.

[36] De plus, les décisions sur requête Walden et Letnes se distinguent de l’espèce pour une autre raison. Dans ces deux affaires, la partie intéressée était un agent négociateur et les plaignants étaient membres de l’agent négociateur. Comme il est indiqué au paragraphe 19 de la décision sur requête Letnes, « sauf circonstances exceptionnelles, [un] syndicat obtient automatiquement le statut de partie intervenante dans une procédure ayant trait aux droits de la personne en milieu de travail où un de ses membres est plaignant ». La situation est bien différente en l’espèce puisque de nombreux organismes représentent différentes Premières Nations.

[37] Dans son analyse de l’expression « contribuer à la prise de décision par le Tribunal », le Tribunal tient compte des questions juridiques et factuelles qu’il doit trancher, de la pertinence des éléments de preuve et des points de vue qui lui sont présentés, de l’historique procédural de l’affaire, de l’incidence sur la procédure ainsi que de l’incidence sur les parties et sur ceux qu’elles représentent. La formation tient également compte de la nature de la question et du moment auquel une partie intéressée cherche à intervenir. De plus, elle doit déterminer si l’ajout d’une autre partie intéressée influera négativement ou positivement sur la tâche du Tribunal consistant à trancher correctement l’affaire. Enfin, elle tiendra compte de l’intérêt public dans l’affaire.

[38] La formation souligne l’importance de prendre en considération le contexte et les faits précis de l’affaire dans toutes les instances dont elle est saisie, y compris le statut des parties intéressées. Autrement, la décision pourrait s’avérer technique ou formaliste ou avoir des effets injustes. Par ailleurs, les parties ne peuvent faire fi des décisions sur requête que le Tribunal a déjà rendues dans l’affaire en ce qui concerne les parties intéressées. L’approche adoptée dans ces décisions est particulièrement pertinente et fait autorité dans les circonstances de la requête étant donné qu’il s’agit de la même affaire et du même contexte historique.

[39] À ce stade-ci, la formation est saisie du dossier depuis une dizaine d’années, a instruit l’affaire sur le fond, y compris en ce qui a trait à l’indemnisation, et a rendu ses décisions sur le fond. La formation demeure saisie de l’affaire afin de superviser la mise en œuvre adéquate de ses ordonnances antérieures et de rendre, au besoin, de nouvelles ordonnances dans le but d’éliminer la discrimination systémique et d’empêcher qu’elle se reproduise. Au fil des ans, la formation a, à divers moments et pour diverses raisons, ajouté cinq parties intéressées : deux avant l’audience sur le fond, une au début de l’étape sur les mesures de réparation et deux autres pour des requêtes particulières et pour des raisons particulières résumées ci-dessus. La formation a statué sur la question de l’indemnisation et sur le processus d’indemnisation (décisions sur l’indemnisation) après plus d’un an et après avoir examiné un vaste dossier de preuve et s’être penchée sur de nombreuses questions juridiques et factuelles complexes avec l’aide des parties, notamment les Premières Nations plaignantes. De plus, la Cour fédérale a confirmé les décisions sur l’indemnisation. Par conséquent, la formation sait très bien ce qui peut l’aider ou la gêner dans son examen de l’affaire. On ne saurait faire abstraction de cette analyse. La formation a toujours reconnu qu’il fallait adopter une approche contextuelle et globale, c’est-à-dire une approche qui vient peaufiner et approfondir celle élaborée dans Walden. Les décisions sur requête Attaran et Letnes sont aussi venues enrichir la jurisprudence. Le Tribunal ne peut donc pas refuser de prendre en compte ces décisions subséquentes. Il convient de noter qu’Attaran et Letnes s’appuient toutes les deux sur une décision sur requête rendue par la présente formation. La demande doit être examinée dans son ensemble, en fonction des circonstances qui lui sont propres, au regard de l’utilité de cette démarche pour le Tribunal. La formation précise que les critères énumérés précédemment guident le Tribunal dans sa prise de décision.

[40] De plus, la décision sur requête Letnes a été rendue alors que la plainte venait à peine d’être déposée devant le Tribunal, mais ce dernier a tout de même limité la participation de la partie intéressée.

[41] De plus, dans la présente affaire, qui a une grande portée, et qui touche les collectivités autochtones du Canada, le Tribunal doit tenir compte du fait que chaque collectivité ou organisation des Premières Nations pourrait demander d’intervenir pour partager ses propres connaissances et expériences, ainsi que sa culture et son histoire. Auraient-elles une expertise à offrir? Absolument. Cependant, toutes les Premières Nations ne peuvent se joindre à cette affaire sans interrompre le travail du Tribunal. Grâce à trois grandes organisations représentant des Premières Nations (l’APN, les Chiefs of Ontario et la NNA) et une organisation dotée d’une expertise dans le domaine des services d’aide à l’enfance et d’autres services offerts aux enfants des Premières Nations quel que soit leur lieu de résidence (la Société de soutien), le Tribunal peut consulter les Premières Nations par différents moyens et tenir compte de leur point de vue dans le cadre de la présente instance.

[42] De plus, la formation reconnaît que les titulaires de droits sont les peuples, les collectivités et les gouvernements des Premières Nations. Idéalement, le Tribunal chercherait à entendre une fois de plus le point de vue de toutes les nations, mais il faut bien comprendre que la présente instance ne se veut ni une commission d’enquête, ni une commission de vérité et de réconciliation, ni une tribune visant la consultation. La formation s’appuie sur les éléments de preuve, les parties en cause et le travail qu’elles accomplissent au sein des différents comités, comme le Comité consultatif national sur la protection de l’enfance (le « CCN »), les tables, les forums et les consultations communautaires, pour étayer ses conclusions à moyen et à long terme.

[43] Compte tenu des principes énoncés ci-dessus et de l’examen des observations des parties, la formation estime que, bien que la FSIN ait indubitablement de l’expérience, de l’expertise et un point de vue précieux, elle ne devrait être autorisée à intervenir que de manière limitée à ce stade-ci de l’instance.

[44] Il ne fait aucun doute que la FSIN possède une vaste expertise dans les domaines de la protection de l’enfance, des soins de santé et du principe de Jordan. Elle appuie notamment deux experts régionaux qui agissent à titre de représentants auprès du CCN, afin de faire valoir les priorités, les besoins et les perspectives des régions en ce qui concerne la santé et le bien-être des enfants des Premières Nations de la Saskatchewan, et de fournir des renseignements et une expertise à ces égards. Les recommandations du CCN guident les parties et le Tribunal dans leur travail.

[45] La FSIN appuie également son représentant à la Table d’action sur le principe de Jordan créée par le CCN afin d’apporter l’expertise nécessaire à l’élaboration d’options stratégiques pour la mise en œuvre à long terme du principe de Jordan.

[46] En outre, la FSIN soutient son représentant au Comité des opérations du principe de Jordan créé par le CCN afin de pouvoir partager des renseignements et surveiller les opérations à l’échelle nationale, régionale et communautaire. La FSIN siège également à la Table régionale tripartite sur les services à l’enfance et à la famille des Premières Nations de la Saskatchewan (la « Table régionale tripartite »). Le Saskatchewan First Nations Family and Community Institute Inc. accueille la Table régionale tripartite, qui se réunit tous les trimestres et regroupe des représentants de l’organisme des services à l’enfance et à la famille des Premières Nations de la Saskatchewan, de Services aux Autochtones Canada, de la FSIN et du ministère des Services sociaux de la Saskatchewan.

[47] La formation convient que l’entente sur l’indemnisation aura des répercussions importantes sur les familles, les enfants et les collectivités des Premières Nations de la Saskatchewan. C’est également le cas des Premières Nations des autres provinces et du territoire du Yukon, ainsi que de la plupart, voire de toutes les Premières Nations du Canada. Par conséquent, l’argument de la FSIN selon lequel elle apporterait une perspective régionale n’est pas l’argument le plus convaincant étant donné le risque que court le Tribunal si toutes les Premières Nations souhaitent participer à la présente instance dans le but d’apporter leur expertise et leur point de vue sur l’entente sur l’indemnisation. Non seulement une telle situation serait difficile à gérer pour le Tribunal, mais elle aurait également pour effet de suspendre l’instance pendant des mois, voire des années, ce qui ne serait pas dans le meilleur intérêt des enfants et des familles des Premières Nations.

[48] De plus, le Tribunal peut déjà compter sur les Chiefs of Ontario et la NNA pour apporter le point de vue des régions, notamment sur l’importante question de l’éloignement. Le Tribunal comprend que les Premières Nations de la Saskatchewan et de l’Ontario peuvent avoir des points de vue différents, mais il s’est fié sur l’APN pour avoir un point de vue plus général des Premières Nations au Canada vu que celle-ci a un mandat et une structure qui lui permettent de représenter plus de 600 Premières Nations au Canada. Par exemple, dans la décision sur requête 2020 TCDP 20, la formation s’est appuyée sur les résolutions adoptées par l’APN.

[49] Dans sa requête, la FSIN soutient que l’entente sur l’indemnisation devrait être présentée aux chefs en assemblée afin qu’ils l’examinent en détail et qu’ils puissent donner leur consentement préalable, librement et en connaissance de cause. La Société de soutien peut faire valoir cet argument étant donné la nature des questions qui lui ont été posées lors du contre-interrogatoire. La déposante de l’APN a également répondu à ces questions. Le droit au consentement libre, préalable et éclairé a donc été soulevé par la Société de soutien et a aussi été évoqué par la déposante de l’APN lors de son contre-interrogatoire. La FSIN doit s’assurer qu’elle ne répète pas les arguments de la Société de soutien sur ce point et peut adopter la position de cette dernière.

[50] La FSIN soutient que les connaissances et l’expérience distinctes qu’elle a acquises au fil des décennies dans le cadre de projets, d’initiatives et de partenariats importants ayant pour but d’examiner et de régler les recours collectifs aideront le Tribunal à évaluer certaines caractéristiques de l’entente de règlement définitive, notamment les critères d’admissibilité, les fardeaux administratifs, les garanties permettant d’assurer l’équité procédurale et les exigences en matière de preuve qui présentent des similitudes et des différences avec les ententes de règlement antérieures. La FSIN connaît bien les répercussions que les ententes visant le règlement d’importants recours collectifs ont eues sur les collectivités, les familles et les survivants des Premières Nations. L’APN et d’autres parties à l’instance ont également une vaste expérience des recours collectifs mettant en cause des Premières Nations et elles sont bien au fait des erreurs qui ont été commises dans le passé. L’APN a d’ailleurs soulevé ce point lors de l’audience sur l’indemnisation qui s’est déroulée devant le Tribunal et qui a donné lieu aux décisions sur l’indemnisation de 2019 et de 2020. Par conséquent, la FSIN devrait ajouter aux observations des parties sur ce point, et non pas les reproduire.

[51] La partie de la requête conjointe portant sur la question de savoir si l’entente de règlement respecte les décisions sur l’indemnisation et le processus d’indemnisation relève de l’expertise du Tribunal. La question est la suivante : le Tribunal peut-il modifier la décision qu’il a rendue antérieurement et qui a été confirmée par la Cour fédérale sans le consentement de toutes les parties à l’ordonnance? Cette question de droit est nouvelle, mais elle relève néanmoins de l’expertise du Tribunal et celui-ci peut s’appuyer sur les points de vue éclairés des parties et de la Commission, qui possède une vaste expertise dans le régime des droits de la personne que l’on retrouve dans la LCDP. Une autre question se pose : la requête est-elle prématurée étant donné qu’il reste des détails à régler dans l’entente de règlement? Cette question relève également de l’expertise du Tribunal, qui tirera profit des observations éclairées que lui remettront les parties.

[52] Devant la Cour fédérale, il est possible de faire part de points de vue opposés dans le cadre d’un processus bien défini. Il serait peut-être plus approprié pour la FSIN de présenter son point de vue à la Cour fédérale étant donné que c’est elle qui approuvera ou rejettera l’entente sur l’indemnisation.

[53] La formation convient que le Tribunal a pour tâche d’évaluer une entente de règlement qui aura des répercussions sur un groupe qui a longtemps été victime de discrimination — une discrimination qui l’a rendu encore plus vulnérable et marginalisé. Le Tribunal a eu cette même tâche au cours des dernières années, soit lors de l’audience sur l’indemnisation, au moment où il a rendu sa décision et dans le cadre du processus d’indemnisation. Toutefois, le contexte particulier de la requête conjointe est distinct de celui des négociations qui ont abouti à l’entente sur l’indemnisation ou à l’instance en Cour fédérale vu qu’elle a été présentée après nombre de procédures, de conclusions et d’ordonnances du Tribunal et de négociations menées entre les parties dans le cadre d’un processus ordonné par le Tribunal, lequel a mené aux décisions subséquentes sur le processus d’indemnisation auxquelles la FSIN n’a pas demandé à être partie jusqu’à maintenant. Il aurait été possible d’ajouter la FSIN à ce moment-là. À ce stade-ci de l’instance, la FSIN ne dispose pas de tout le contexte et de tous les renseignements qui ont permis de mener le processus d’indemnisation, ce qui risque de rendre la formation encore plus confuse, d’autant plus qu’elle doit maintenant composer avec des plaignants autochtones qui ont pris part au processus d’indemnisation et qui sont maintenant en désaccord les uns avec les autres. La formation accorde toujours de l’importance aux opinions formulées par les diverses nations. Toutefois, contrairement aux précédentes demandes visant l’obtention du statut de partie intéressée, le moment auquel la FSIN présente sa requête ne joue pas en sa faveur étant donné le contexte unique et spécifique des nombreuses décisions déjà rendues en matière d’indemnisation et de l’approche particulière qui a été adoptée et confirmée par la Cour fédérale à l’égard du processus d’indemnisation.

[54] Par ailleurs, dans le cadre du processus d’indemnisation, le Tribunal a entendu différents points de vue provenant des experts des Premières Nations et a dû en faire le tri, ce qui s’est avéré une tâche difficile étant donné qu’il a à cœur le respect des droits inhérents des Premières Nations et de leurs besoins distincts. Le calendrier établi est très serré jusqu’à l’audience devant la Cour fédérale, laquelle doit débuter le 19 septembre 2022, et le nombre de parties en cause ne fait que compliquer la situation. Pour les raisons exposées ci-dessus, ajouter — sans restrictions — une autre partie intéressée à ce stade-ci de l’instance risque de compromettre le processus. La formation note également que la FSIN cherche à pouvoir participer à toute conférence préparatoire, médiation, négociation ainsi qu’à tout autre processus de résolution des différents ou processus administratif dans le cadre de la présente affaire ou après l’audience. La formation estime que cette participation étendue viendrait compliquer une procédure déjà complexe, comme il est expliqué ci-dessus. Pour ces raisons, la FSIN ne sera autorisée à déposer des observations écrites et à faire des observations orales à l’audience que dans les limites décrites dans l’ordonnance ci-dessous.

[55] La formation convient que la communauté autochtone du Canada n’est pas monolithique et que sa diversité donne lieu à un bagage complexe et nuancé d’expériences, de connaissances et de compétences. En fait, il est possible qu’une démarche appropriée à l’échelle nationale ne tienne pas compte des différences régionales, ainsi que des processus et des attentes propres à chaque région, notamment à la Saskatchewan. C’est la raison pour laquelle la formation a toujours dit qu’il ne fallait pas adopter une approche universelle pour éliminer la discrimination constatée par le Tribunal et que, pour être significative, la réforme devait tenir compte des besoins particuliers des enfants, des familles et des collectivités des Premières Nations. Comme il a été mentionné précédemment, ces points de vue distincts sont pris en compte, et ce, de plusieurs façons, notamment par le biais des différents comités, tables, forums et programmes dirigés par les Premières Nations qui renseignent les parties et le Tribunal.

[56] En ce qui concerne la question de l’indemnisation, le Tribunal s’est déjà prononcé sur cette question et a travaillé avec les parties pendant plus d’un an pour établir un processus d’indemnisation qui a été confirmé par la Cour fédérale. L’entente sur l’indemnisation a été négociée en marge de la procédure du Tribunal. Certes, des consultations sérieuses doivent être menées pour parvenir à une entente ayant une incidence sur les titulaires de droits, mais dans sa requête, la FSIN montre à quel point il est difficile de parvenir, dans le cadre de la procédure du Tribunal, à un consensus pour que les enfants et les familles des Premières Nations soient convenablement et rapidement indemnisés. Ceci étant dit, la formation permettra à la FSIN de participer de manière limitée et de présenter ses arguments oraux et écrits relatifs à l’entente sur l’indemnisation étant donné que la FSIN s’est engagée à offrir une perspective différente qui repose sur son expertise et que sa participation ajoutera aux les positions juridiques des autres parties. La FSIN pourrait ainsi aider le Tribunal à se prononcer sur certains aspects de la requête conjointe. Enfin, la requête conjointe aura des répercussions sur la FSIN, comme la plupart des Premières Nations au Canada.

[57] Encore une fois, il serait peut-être plus approprié pour la FSIN de faire connaître son point de vue concernant l’entente sur l’indemnisation et les négociations dans le cadre de l’instance devant la Cour fédérale, où les opinions divergentes et les préoccupations peuvent être transmises suivant un processus établi. La déposante de l’APN a fourni un lien dans le cadre de son contre-interrogatoire : www.fnchildcompensation.ca/?lang=fr. Le processus établi y est décrit et est ainsi libellé :

Il est important de comprendre la différence entre l’opposition au Règlement et le refus de celui-ci. Les gens ont le droit de manifester leur opposition avant l’audience et de quand même recevoir l’indemnité si le Règlement est approuvé par le tribunal. Pour vous opposer ou commenter le règlement, vous avez deux options :

Option 1 : Vous opposer ou soumettre vos commentaires par écrit : vous pouvez envoyer vos commentaires à l’administrateur par la poste à la case postale 7030, Toronto (Ontario) M5C 2K7, par courriel à l’adresse fnchildclaims@deloitte.ca ou par télécopieur au 416-815-2723. Vos commentaires seront envoyés à la Cour fédérale avant l’audience.

Option 2 : Vous opposer en personne : Demandez à parler au tribunal du règlement proposé à compter du 19 septembre 2022, soit en personne à la Cour fédérale à Ottawa, soit par vidéoconférence. Si vous souhaitez prendre la parole à l’audience, veuillez communiquer avec l’administrateur au 1-833-852-0755.

Si vous souhaitez vous opposer, vous devez envoyer vos commentaires écrits ou demander de prendre la parole lors de l’audience au plus tard le 12 septembre 2022.

VI. Ordonnance

[61] Ordonnance :

  • A) LE TRIBUNAL ACCUEILLE en partie la requête de la Fédération des nations autochtones souveraines (FSIN);

  • B) Le Tribunal octroie à la FSIN un statut limité de partie intéressée, sous réserve des conditions suivantes :

  • C) La FSIN ne participera à la requête de l’APN et du Canada en vue de l’approbation de l’entente de règlement définitive datée du 22 juillet 2022 (la « requête conjointe ») que jusqu’à la fin de l’audition de la requête; la FSIN ne participera pas à la médiation, à la négociation ou à tout autre processus de résolution des différends ou processus administratif dans le cadre de la présente affaire ou après l’audience;

  • D) La FSIN ne participera pas à la conférence préparatoire à moins que le Tribunal ne le demande expressément;

  • E) La FSIN ne peut pas demander le report d’échéances ou la modification du calendrier préétabli et des dates d’audience fixées par le Tribunal et acceptées par les autres parties;

  • F) La FSIN n’est pas autorisée à déposer des éléments de preuve et doit accepter le dossier de preuve tel qu’il est;

  • G) La FSIN ne peut pas contre-interroger les déposants;

  • H) La FSIN est autorisée à fournir des observations écrites d’au plus 20 pages et axées sur l’entente de règlement définitive sur l’indemnisation (l’« entente sur l’indemnisation ») et ne doit pas reprendre les arguments des autres parties. Si la FSIN partage la position d’une autre partie sur un point, elle peut indiquer clairement qu’elle adopte la même position sur ce point. La FSIN doit apporter une perspective différente de celle des autres parties. La participation de la FSIN doit ajouter à la position juridique des parties. La FSIN ne participera pas au débat sur les autres questions dont le Tribunal est saisi.

  • I) La FSIN ne retardera pas les procédures et doit déposer ses observations au plus tard le 9 septembre 2022. Étant donné le court délai avant l’audience sur cette question, tout retard sera réputé être une renonciation par la FSIN à son droit de participer à l’instance;

  • J) La FSIN est autorisée à présenter des observations orales si elle le souhaite, mais seulement aux dates fixées par le Tribunal, soit les 15 et 16 septembre 2022, et celles-ci ne doivent pas durer plus de 45 minutes. Ce droit de présenter des observations orales peut être réduit, limité ou refusé par la formation si elle juge que les observations écrites ne font que répéter les observations des autres parties et/ou qu’elles n’ajoutent pas à la position juridique des autres parties et qu’elles n’apportent aucun point de vue nouveau. Dans un tel cas, la formation examinera les observations écrites de la FSIN dans le cadre de ses délibérations, en même temps que les observations et les arguments oraux des autres parties.

Signée par

Sophie Marchildon

Présidente de la formation

Edward P. Lustig

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 2 septembre 2022

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T1340/7008

Intitulé de la cause : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien)

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 2 septembre 2022

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Sarah Clarke , pour la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, la plaignante

Stuart Wuttke et Adam Williamson , pour l’Assemblée des Premières Nations, la plaignante

Jessica Walsh et Ansumala Juyal, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Christopher Rupar, Paul Vickery, Jonathan Tarlton, Meg Jones, Sarah-Dawn Norris , pour l’intimé

Maggie Wente, Jessie Stirling et Darian Baskatawang, pour les Chiefs of Ontario, la partie intéressée

Julian Falconer, Christopher Rapson et Natalie Posala, pour la Nation Nishnawbe Aski, la partie interessée

Michael Seed, pour la Fédération des nations autochtones souveraines

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