Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 CHRT 24

Date : le 10 août 2022

Numéros des dossiers : T1992/7213 et T1993/7313

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Harriet Pruden

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et Santé Canada

les intimés

Décision sur requête

Membre : Jennifer Khurana

 


I. Aperçu

[1] La plaignante, Harriet Pruden (maintenant Sumner-Pruden), et sa famille sont membres de la Première Nation de Pinaymootang. Mme Sumner-Pruden allègue que les intimés, Santé Canada et Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (collectivement. le « gouvernement »), ont omis de fournir à son fils les services de santé et d’éducation essentiels dont il a besoin en tant qu’enfant d’une Première Nation vivant dans une réserve. Elle affirme de surcroît que les difficultés subies par son fils font partie des problèmes systémiques plus vastes associés au financement et à la prestation de services de santé et d’éducation aux enfants des Premières Nations atteints d’une déficience et vivant dans les réserves au Manitoba.

[2] La présente décision sur requête fait droit à la requête présentée par la plaignante en vue d’obtenir la levée de l’ajournement de l’instance accordé par le Tribunal en 2019 pour une période indéterminée. J’accueille également la requête conjointe présentée par les parties en vue d’obtenir un délai supplémentaire pour déposer leurs exposés des précisions modifiés. Je joins aussi quelques directives aux parties quant à la manière de se préparer pour la gestion de l’instance, advenant le cas où elles ne règleraient pas entièrement les présentes plaintes entretemps.

II. Historique des plaintes et des requêtes des parties

[3] La Commission a renvoyé ces plaintes devant le Tribunal en 2013. Les parties ont participé à des séances de médiation présidées par le Tribunal en 2014 et en 2015. Elles ne sont cependant pas parvenues à régler les plaintes, et sont passées à l’étape de la gestion de l’instance en 2016. Les parties ont déposé leurs exposés des précisions en 2016 et en 2017 et se sont attelées à la production de documents.

[4] En parallèle, les parties ont poursuivi leurs discussions en vue d’un règlement et sont parvenues à un accord quant aux demandes de réparation personnelle et financière de la famille Sumner-Pruden. Le gouvernement a également convenu de financer un projet de recherche orienté vers la mise en œuvre du principe de Jordan au Manitoba (le « projet de recherche ») et visant la structure des services sociaux, de santé et d’éducation offerts aux enfants des Premières Nations au Manitoba.

[5] Les parties ont convenu que la question du caractère systémique des plaintes ne devrait pas être tranchée avant que le projet de recherche ne soit achevé ni avant que le gouvernement n’ait eu l’occasion de répondre à toute recommandation y faisant suite. En conséquence, elles ont demandé conjointement, le 25 février 2019, un ajournement de l’instance pour une période indéterminée. Elles ont également convenu que la plaignante ne pourrait solliciter la levée de l’ajournement auprès du Tribunal que six mois après la remise du rapport final sur le projet de recherche.

[6] Le 1er avril 2019, le Tribunal a accueilli la requête des parties et a prononcé un ajournement pour une période indéterminée.

[7] Les parties ont produit le rapport final le 31 janvier 2022. J’ai tenu une conférence téléphonique préparatoire avec elles pour traiter des prochaines étapes.

[8] Les parties tâchent toujours de régler les plaintes. Toutefois, compte tenu du fait que la période de six mois suivant la remise du rapport final est arrivée à échéance le 29 juillet 2022, la plaignante demande au Tribunal de lever l’ajournement afin que les plaintes puissent être instruites. La Commission et l’intimé abondent dans le même sens.

[9] Les parties ont également demandé un délai supplémentaire en vue de déposer leurs exposés des précisions modifiés. La plaignante veut déposer le sien au début du mois de décembre, la Commission, au début de janvier, et les intimés, en invoquant un long processus d’approbation interne, sollicitent un délai de 60 jours pour déposer leur exposé des précisions. Les parties ont besoin de mettre à jour leurs exposés des précisions et de circonscrire les questions en litige. Elles espèrent également que l’échéancier projeté leur permettra de poursuivre leurs discussions en vue d’un règlement tout en faisant en sorte que les plaintes soient tout de même instruites en temps opportun.

III. Motifs

[10] La demande de la plaignante visant à obtenir la levée de l’ajournement est accueillie. Mme Sumner-Pruden a déposé ses plaintes auprès de la Commission en 2010, laquelle les a renvoyées au Tribunal il y a neuf ans. Bien que les parties puissent poursuivre en parallèle leurs discussions en vue d’un règlement, la présente affaire fait l’objet d’un ajournement depuis 2019 et doit maintenant être instruite.

[11] J’accueille également la proposition conjointe des parties de déposer des exposés des précisions modifiés et mis à jour selon les délais qu’elles proposent. Il s’est produit des développements majeurs dans les domaines des services de santé et de la famille offerts aux enfants autochtones. De plus, le paysage juridique et institutionnel s’est considérablement transformé depuis que les parties ont déposé leurs exposés des précisions pour la dernière fois en 2016 et en 2017.

[12] Outre le fait d’accorder plus de temps aux parties pour mettre à jour leurs exposés des précisions, j’énonce ci-dessous ce qui est attendu d’elles par la suite.

Les parties doivent employer ce délai qui leur est imparti pour condenser leurs arguments et circonscrire les questions en litige

[13] Les questions sous-jacentes aux présentes plaintes sont ardues, systémiques et ont des répercussions sur les vies du fils de Mme Sumner-Pruden, des autres enfants autochtones atteints d’une déficience et de leurs familles au Manitoba. J’espère que les efforts soutenus déployés par les parties depuis plusieurs années en vue de régler ces plaintes permettront d’éviter des litiges futurs dans un domaine où les conséquences sur le plan de la politique et de l’intérêt public sont complexes et de grande portée.

[14] Toutefois, si les parties ne s’entendent pas sur tous les points soulevés par les plaintes, elles devraient tout de même tâcher de circonscrire les questions en litige. Lorsqu’elles ont demandé au Tribunal, en juin 2020, de maintenir l’ajournement pour une période indéterminée, la Commission et la plaignante lui ont assuré qu’à tout le moins, le projet de recherche et la réponse du gouvernement [traduction] « entraîner[aient] une délimitation importante des questions à trancher qui pourraient rester à instruire par le Tribunal » [italiques ajoutés] (réponse conjointe du 19 juin 2020 de la plaignante et de la Commission à la lettre du 19 mai 2020 du Tribunal). Le gouvernement a convenu que l’ajournement devait être maintenu pour permettre aux parties de régler leur litige, et que l’étude [traduction] « circonscrira[it] la portée de ces plaintes, et réduira[it] donc la quantité de ressources judiciaires nécessaires au déroulement de l’audience (observations du 7 juillet 2020 de l’ intimé).

[15] La Loi canadienne sur les droits de la personne dispose que le Tribunal doit instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de la justice naturelle et des règles de pratique (par. 48.9(1)). Il s’agit dans les faits d’une responsabilité partagée, et les parties ont leur rôle à jouer. Je m’attends à ce que toutes les parties s’efforcent de faciliter l’instruction efficace des présentes plaintes si celles-ci vont de l’avant.

[16] Les parties sont donc tenues de déployer un effort concerté pour veiller à ce que la portée des plaintes n’enfle pas au point de donner lieu à une autre décennie de procédures. Elles doivent condenser leurs arguments et leurs exposés des précisions, restreindre les questions en litige et continuer de coopérer pour créer les conditions propices à une production de documents et une gestion de l’instance efficaces et faites en temps opportun. Le fait de ne pas circonscrire les questions et de ne pas procéder rapidement à la divulgation pourrait engendrer un processus de gestion de l’instance interminable, qui s’enlisera davantage et ajoutera au temps déjà consacré à l’instruction des présentes plaintes. Les exposés des précisions modifiés des parties devraient refléter un effort délibéré et raisonné de leur part sur ce plan à l’avantage de celles-ci, mais également pour permettre au Tribunal de remplir sa fonction efficacement.

[17] Les parties seront tenues de rendre compte au Tribunal des efforts qu’elles auront déployés pour faire progresser promptement ces dossiers, advenant qu’elles ne règlent pas la question du caractère systémique des plaintes dans sa globalité.

[18] Les échéances des parties relatives à la présentation de leurs exposés des précisions, à la divulgation, et à toutes répliques éventuelles, sont établies plus loin.

[19] Avant la présentation de leur requête en ajournement, les parties se sont longtemps penchées sur la divulgation de la preuve documentaire et sur le calendrier relatif à la production. Quoique la nature des plaintes en l’espèce puisse faire intervenir un large volume de documents à produire, les parties seront tenues de fournir au Tribunal, lors de la première conférence téléphonique préparatoire en avril 2023, un rapport détaillé et un calendrier projeté qui prévoiront ce qui suit :

  • La divulgation/production (ce qui a déjà été communiqué et les délais fixés pour ce qui reste à produire);

  • Les listes des témoins proposés;

  • Toute question non résolue ou requête possible;

  • Un calendrier pour la tenue de l’audience.

IV. ORDONNANCE

[20] La requête présentée par la plaignante en vue d’obtenir la levée de l’ajournement est accueillie. Les plaintes passeront à l’étape de la gestion de l’instance en prévision de l’audience. L’échéancier pour le dépôt des exposés des précisions modifiés est le suivant :

a. Au plus tard le 9 décembre 2022, la plaignante est tenue de déposer auprès du Tribunal et de communiquer aux autres parties son exposé des précisions modifié;

b. Au plus tard le 13 janvier 2023, la Commission est tenue de déposer auprès du Tribunal et de communiquer aux autres parties son exposé des précisions modifié;

c. Au plus tard le 10 mars 2023, les intimés sont tenus de déposer auprès du Tribunal et de communiquer aux autres parties leur exposé des précisions modifié;

d. La plaignante et la Commission sont tenues de déposer leurs répliques, le cas échéant, au plus tard le 31 mars 2023.

[21] Les parties devront participer à une conférence téléphonique préparatoire suivant la réception de l’exposé des précisions des intimés et des répliques, le cas échéant. Le registraire communiquera avec elles pour organiser cette conférence téléphonique et leur enverra un ordre du jour qui énoncera les points dont elles seront tenues de rendre compte et les renseignements qu’elles devront fournir au Tribunal avant la tenue de la conférence.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 10 août 2022


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T1992/7213 et T1993/7313

Intitulé de la cause : Harriet Pruden c. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada et Santé Canada

Date de la décision du Tribunal : Le 10 août 2022

Comparutions :

Allison Fenske et Joëlle Pastora Sala, pour la plaignante

Anshumala Juyal et Christine Singh, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Kevin Staska, Sheila Read et Stephen Hodgson, pour les intimés

 

 

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