Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Cette affaire porte sur un conflit vécu par Stacey Bird en raison de son emploi d’enseignante et de ses obligations en tant que mère responsable de la garde de sa fille cadette.
Mme Bird est membre de la Première Nation Paul. Elle était enseignante à l’école de la Première Nation Paul. Pendant qu’elle était à l’école, Mme Bird comptait sur sa mère pour prendre soin de sa fille âgée de près de deux ans.
À la fin du mois de septembre, sa mère a été admise à l’hôpital. Mme Bird a demandé à l’école un congé de cinq semaines pour s’occuper de sa jeune fille. L’école lui a répondu qu’elle devait fournir un plan de cours pour les cinq semaines en question avant que son congé soit approuvé. Mme Bird n’avait pas le temps de préparer ce plan durant la fin de semaine avant d’entamer son congé. Elle a retiré sa demande et a décidé de trouver d’autres options pour la garde de sa fille.
Plus tard le même jour, la gardienne d’enfants de Mme Bird a dû assister à des funérailles. La gardienne a demandé à venir déposer la fille de Mme Bird. Mme Bird trouvait stressante la situation relative à la garde de sa fille. Elle a été autorisée à quitter le travail pour aller chercher sa fille. En chemin, elle s’est arrêtée pour discuter avec la directrice de l’enseignement, qui avait exigé un plan de cours de cinq semaines avant d’approuver sa demande de congé. Mme Bird a été très contrariée au cours de cette discussion et a donné impulsivement sa démission. Mme Bird a également discuté avec sa directrice. Elle a de nouveau été contrariée et lui a dit qu’elle avait donné sa démission. Elle n’est pas retournée au travail.
Le Tribunal a conclu que l’obligation de fournir un plan de cours de cinq semaines avant un congé constituait de la discrimination à l’égard de Mme Bird fondée sur la situation de famille, car cette obligation nuisait à la capacité de Mme Bird de prendre soin de sa fille cadette. En raison de cet acte de discrimination, il a accordé à Mme Bird une indemnité de 6 500 $ pour préjudice moral.
Le Tribunal a rejeté l’argument selon lequel l’emploi de Mme Bird avait pris fin pour cause de discrimination. Mme Bird a démissionné. Elle n’a pas été forcée de le faire. Comme Mme Bird a démissionné, la Première Nation Paul n’a pas mis fin à son emploi. Mme Bird ayant volontairement quitté son poste d’enseignante, il n’y a pas eu de discrimination.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 TCDP 17

Date : le 20 mai 2022

Numéro du dossier : T2437/9619

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Stacey Bird

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Première Nation Paul

l’intimée

Décision

Membre : Colleen Harrington

 



I. Aperçu

[1] Stacey Bird (la « plaignante ») appartient à la Première Nation Paul (la « PNP » ou l’« intimée »). Elle est mère monoparentale de trois filles et a pris soin de sa propre mère quand cette dernière a éprouvé des problèmes de santé.

[2] Mme Bird a été embauchée comme enseignante à la maternelle de l’école de la PNP pour l’année scolaire 2017-2018. Mme Bird a enseigné à cette école pendant environ quatre semaines en septembre 2017. Au cours de cette période, elle comptait sur sa mère et d’autres membres de sa famille pour s’occuper de sa fille cadette pendant qu’elle travaillait, mais la situation est devenue intenable lorsque sa mère a soudainement été hospitalisée. Mme Bird a demandé un congé de cinq semaines pour pouvoir s’occuper de sa fille pendant que sa mère était à l’hôpital. La directrice de l’éducation de la PNP a refusé d’approuver la demande de congé tant que Mme Bird n’aurait pas fourni cinq semaines de plans de leçon et de matériel pédagogique.

[3] Mme Bird dit ne pas avoir bénéficié de mesures d’adaptation raisonnables de la part de son employeur lorsqu’elle a demandé un congé d’urgence pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants. Elle soutient que la condition qui lui a été imposée en tant que mère monoparentale pour qu’elle puisse prendre congé était trop exigeante et l’a amenée à démissionner. Lorsqu’elle a écrit à l’intimée pour lui expliquer sa situation et offrir de retourner au travail après le congé d’hôpital de sa mère, elle a été ignorée pendant plusieurs semaines. Mme Bird affirme que la conduite de l’intimée constitue de la discrimination fondée sur son état matrimonial et sa situation de famille, au sens de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 (la « LCDP »).

[4] La PNP soutient que Mme Bird n’a pas établi une preuve prima facie de discrimination et demande que sa plainte soit rejetée.

II. Décision

[5] La condition que Mme Bird devait remplir avant que l’intimée n’approuve son congé entravait sa capacité de s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants. Cette exigence a mené, en partie, à sa décision de démissionner de son emploi. Je conclus que l’intimée a fait preuve à l’égard de Mme Bird de discrimination fondée sur sa situation de famille, au sens de l’alinéa 7b) de la LCDP, de sorte qu’elle a droit à une réparation en vertu du paragraphe 53(2) de la LCDP.

III. Contexte factuel

[6] Dans l’ensemble, les faits pertinents ne sont pas contestés.

[7] Mme Bird, dont le nom traditionnel est Tatanka Tha Wiya (femme bisonneau blanc), se décrit comme une professionnelle formée et guidée selon les méthodes traditionnelles. Elle est très attachée à la culture et aux langues stoneys et cries de la PNP, ainsi qu’à la terre, au peuple et à ses cérémonies. L’éducation est valorisée dans sa famille, et Mme Bird a été encouragée par ses Aînés à devenir enseignante.

[8] Lorsque Mme Bird a obtenu son diplôme d’études secondaires, sa famille et sa collectivité ont célébré l’événement. Elle a entrepris ses études postsecondaires au Collège de Red Deer. Pendant ses études là-bas, Mme Bird a donné naissance à ses deux premières filles à un an d’intervalle. Elle s’est retirée du collège pendant un certain temps pour profiter de ses enfants et être mère, mais sa propre mère l’a encouragée à terminer ses études, ce qui l’a amenée à s’inscrire à l’Université de l’Alberta. C’est au cours de ses études à cette université qu’elle est devenue enceinte de sa troisième fille. Mme Bird a témoigné à propos des difficultés qu’elle a éprouvées à faire ses études en tant que mère essentiellement seule de très jeunes enfants. Elle a notamment vécu de l’itinérance et des problèmes de santé et fait l’objet d’une enquête menée par les services à l’enfance et à la famille lorsqu’elle a amené sa nouveau-née en classe.

[9] Malgré les difficultés qu’elle a connues, Mme Bird a obtenu un diplôme en enseignement au primaire de l’Université de l’Alberta en juin 2017. Elle a fourni des lettres de professeurs et de son superviseur de stage qui témoignent de ses forces et de sa persévérance en tant qu’élève-maître.

[10] En tant que membre de la PNP ayant fait des études postsecondaires pour devenir enseignante qualifiée, Mme Bird a à juste titre été encouragée par la directrice de l’éducation de la PNP, Nicole Birk-Calihoo, à poser sa candidature au poste d’enseignante à la maternelle pour l’année scolaire 2017-2018. Bien qu’elle ait souligné qu’elle se remettait encore de tout le stress associé à l’obtention de son diplôme, Mme Bird a accepté de poser sa candidature au poste en juin 2017. Toutefois, elle a retiré sa demande parce que sa mère n’allait pas bien et elle a dit à Mme Birk-Calihoo qu’elle préférait être enseignante suppléante pour le moment, en raison de ses responsabilités liées à la prestation de soins.

[11] Mme Birk-Calihoo a encouragé Mme Bird à postuler de nouveau l’emploi plus tard au courant de l’été, et Mme Bird a accepté que sa candidature soit envisagée pour le poste. Elle a passé une entrevue d’emploi avec Mme Birk-Calihoo et la directrice de l’école de la PNP, Keri Card-Esau, en août 2017, et s’est vu offrir le poste. Mme Birk-Calihoo et Mme Card-Esau ont toutes deux déclaré lors de leur témoignage que Mme Bird leur a dit qu’elle risquait d’avoir du mal à trouver des services de garde d’enfants, ayant connu ce problème tout au long de ses études universitaires. Mme Card-Esau lui a dit qu’elle pouvait amener son enfant à l’école si elle avait besoin de services de garde de dernière minute, comme le faisaient souvent d’autres membres du personnel de l’école.

[12] Mme Bird a déclaré lors de son témoignage que, dès qu’elle s’est vu offrir l’emploi, elle s’est rendue à la garderie de la PNP pour remplir une demande visant la garde de sa plus jeune fille. Selon son témoignage, elle a dit au personnel de la garderie que sa fille ne marchait pas encore et elle a été amenée à croire qu’une place lui serait attribuée dans la salle des nourrissons ou des tout-petits. Elle a déclaré avoir confirmé l’inscription à la garderie le 28 août 2017 et avoir signé son contrat d’enseignement d’une durée d’un an le 31 août 2017.

[13] Le 1er septembre 2017, soit le premier jour d’école, Mme Bird a amené sa fille cadette à la garderie de la PNP, mais le personnel l’a informée qu’il n’était pas possible de l’accueillir parce qu’elle ne marchait pas encore. La directrice de la garderie, à qui Mme Bird dit avoir parlé auparavant, était alors en congé pour un mois.

[14] Les circonstances dans lesquelles Mme Bird a commencé son premier emploi d’enseignante étaient manifestement stressantes et fâcheuses. Mme Bird a déclaré avoir amené sa fille à l’école avec elle et avoir raconté à Mme Card-Esau ce qui s’était passé. Elle a ensuite ramené sa fille à la maison, et Mme Card-Esau l’a encouragée à envoyer un courriel à la garderie, ce qu’elle a fait. Le courriel, déposé en preuve à l’audience, a été envoyé le 1er septembre 2017 au gestionnaire de la bande de la PNP, à la directrice des ressources humaines et au membre du conseil de bande responsable de la garderie. Dans son courriel, Mme Bird a exprimé à quel point elle était découragée d’avoir été privée de services de garde d’enfants et a déclaré qu’elle avait peu d’options en matière de garde d’enfants, sa mère étant très malade et en fauteuil roulant. Elle a ajouté que les autres membres de sa famille travaillent ou vont à l’école et que [traduction] « cet obstacle menace mon emploi, alors qu’il ne devrait vraiment pas en être ainsi ». Mme Bird n’a reçu aucune réponse à son courriel. Après la fin de son emploi, elle a cherché à obtenir une réponse de la garderie et a reçu une lettre de la directrice datée du 11 octobre 2017 qui soulignait que [traduction] « la garderie ne [lui] a pas officiellement refusé des services de garde d’enfants ».

[15] Mme Bird a déclaré que, pendant qu’elle attendait une réponse à son courriel du 1er septembre au sujet de la garderie, elle était très occupée en raison de son nouvel emploi. De plus, elle prenait soin de sa mère et de sa grand-mère, qui s’occupaient maintenant de sa fille pendant qu’elle travaillait. Mme Bird a déclaré que sa mère lui a dit de ne pas s’inquiéter parce qu’elle voulait que Mme Bird réussisse dans sa nouvelle carrière.

[16] Mme Bird a travaillé comme enseignante à l’école de la PNP seulement pendant le mois de septembre, soit environ quatre semaines en tout. Au cours de cette période, Mme Bird a préparé et présenté à Mme Card-Esau deux plans de suppléance d’urgence, comme elle devait le faire. Les plans de suppléance sont des plans de leçon qui peuvent être remis à un enseignant suppléant appelé à enseigner à une classe advenant l’absence du titulaire de classe. Mme Bird a également fourni à Mme Card-Esau un plan donnant un aperçu de son année d’enseignement (un [traduction] « coup d’œil sur l’année »). Il s’agit des seuls plans que les enseignants étaient tenus de présenter au début de l’année scolaire.

[17] Mme Bird avait des idées claires sur la façon dont elle voulait intégrer sa culture et sa langue dans sa classe. Elle a déclaré qu’elle créait un centre culturel avec l’aide d’un Aîné, mais que Mme Card-Esau lui a dit qu’elle devait plutôt mettre l’accent sur les compétences de base comme la lecture, l’écriture et le calcul et sur certaines aptitudes à la vie quotidienne. Mme Card-Esau était d’avis que Mme Bird avait de bonnes idées au sujet de la langue et de la culture, mais qu’elle ne suivait pas le programme d’études provincial.

[18] L’après-midi du jeudi 28 septembre 2017, Mme Bird a informé Mme Card-Esau qu’elle venait d’apprendre que sa mère serait hospitalisée le lendemain matin pour une période de trois à cinq semaines de réadaptation liée à sa mobilité; par conséquent, Mme Bird devait prendre en charge le soin de ses enfants. Mme Card-Esau a demandé à Mme Bird si elle voulait prendre congé à compter du lundi 2 octobre et lui a fourni un formulaire de demande, que Mme Bird a rempli et lui a retourné immédiatement. Sur le formulaire de demande de congé non payé présenté par Mme Bird le 28 septembre 2017, elle a écrit ce qui suit : [traduction] « Je n’ai pas de services de garde d’enfants, et ma mère a été admise à l’hôpital Glenrose pour une période de réadaptation de trois à cinq semaines commençant le vendredi 29 septembre [20]17. » Mme Bird a demandé un congé de cinq semaines.

[19] Mme Card-Esau a déclaré qu’elle avait autorisé le congé demandé, mais que, en raison de la durée de l’absence, elle avait également besoin de l’approbation de la directrice de l’éducation. Elle a donc transmis le formulaire de demande de congé à Mme Birk-Calihoo. Sur le formulaire, Mme Birk-Calihoo a écrit ce qui suit : [traduction] « Avant que le congé ne soit approuvé, il faut cinq semaines de plans de leçon et de matériel pédagogique. »

[20] Mme Card-Esau a retourné le formulaire de demande de congé à Mme Bird le lendemain matin, soit le vendredi 29 septembre 2017. Il y a une certaine divergence dans la preuve concernant les discussions qui ont eu lieu entre Mme Card-Esau et Mme Bird à ce moment-là. Bien que Mme Bird ait soutenu à l’audience qu’elle a annulé sa demande de congé, puis a demandé à utiliser ses deux plans de suppléance d’urgence pour lui permettre de chercher des services de garde d’enfants, ce que Mme Card-Esau lui a refusé, je n’admets pas que les choses se soient déroulées ainsi. Ni la plainte de Mme Bird pour atteinte aux droits de la personne, ni son entrevue avec la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »), laquelle entrevue a été déposée en preuve à l’audience, ne corroborent cette version des faits. J’accepte plutôt le fait que, après avoir reçu la réponse à sa demande de congé, Mme Bird a demandé à Mme Card-Esau si elle pouvait présenter ses deux plans de suppléance d’urgence au lieu des cinq semaines de plans de leçon afin d’obtenir le congé. Mme Card-Esau a répondu que non et a demandé à Mme Bird si elle pouvait fournir les plans de leçon et le matériel pédagogique demandés au plus tard le lundi 2 octobre 2017. Mme Bird a dit qu’elle ne le pouvait pas, et elle a donc annulé sa demande de congé et fait savoir qu’elle tenterait plutôt de trouver d’autres services de garde d’enfants, mais qu’elle pourrait devoir s’absenter du travail si elle était incapable d’en trouver.

[21] L’entrevue de Mme Card-Esau avec la Commission a également été déposée en preuve. Au cours de cette entrevue, l’enquêteur de la Commission a demandé à Mme Card‑Esau s’il était raisonnable de s’attendre à ce que Mme Bird prépare cinq semaines de plans de leçon au cours de la fin de semaine, étant donné qu’elle était mère monoparentale. Mme Card-Esau a dit que ce n’était probablement pas raisonnable, mais qu’elle aurait été disposée à discuter de solutions de rechange avec Mme Bird.

[22] Lors de son entrevue avec la Commission, qui a été présentée en preuve, et de son témoignage à l’audience, Mme Birk-Calihoo a déclaré qu’elle aurait également été ouverte à des suggestions de Mme Bird à propos des cinq semaines de plans de leçon. Par exemple, si Mme Bird avait demandé à fournir une semaine de plans de leçon à la fois, elle aurait accepté. Or, ce n’est pas l’information qui a été communiquée à Mme Bird le matin du 29 septembre 2017. Mme Bird a compris que, si elle ne pouvait pas fournir cinq semaines de plans de leçon et de matériel pédagogique à Mme Card-Esau au plus tard le lundi matin, elle ne pourrait pas prendre le congé demandé pour s’occuper de son enfant.

[23] Mme Bird a déclaré qu’elle ressentait déjà le poids des pressions et des responsabilités croissantes au moment où Mme Card-Esau lui a retourné son formulaire de congé. Elle avait tenté en vain de trouver d’autres personnes pouvant lui offrir des services de gardiennage et elle avait réussi à la dernière minute à faire garder sa fille ce jour-là (le 29 septembre) par un membre de sa famille vivant dans une autre collectivité. Mme Bird devait faire face à toutes ces pressions dans sa vie pendant qu’elle était au travail, où elle était responsable de plusieurs jeunes enfants. Elle était une nouvelle enseignante, qui essayait de créer une expérience d’apprentissage culturellement pertinente pour ses élèves tout en composant avec un premier mois d’école très chargé et les attentes de la directrice de son école. C’est dans ce contexte qu’elle a reçu peu après 14 h un message texte de la personne qui gardait sa fille, demandant à déposer l’enfant parce qu’elle allait assister à des funérailles. Comme les enfants ne sont pas autorisés à assister à des funérailles dans sa culture, Mme Bird devait veiller à ce que sa fille lui soit rendue.

[24] Dans sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, Mme Bird a écrit ce qui suit : [traduction] « Je me suis effondrée en lisant ce message. Dépassée par la tournure des événements, je suis allée voir la vice-directrice par intérim de l’école pour lui montrer mes messages. À ce moment-là, j’étais en détresse parce que ma mère était à l’hôpital, que je n’avais pas de services de garde d’enfants, que je devais fournir plus d’un mois de plans de leçon et que je m’inquiétais du bien-être de mes deux autres enfants qui étaient à l’école. » Elle dit qu’elle a été autorisée à aller chercher son enfant et que, tandis qu’elle partait, elle a appelé son frère, qui était membre du conseil de bande responsable du portefeuille de l’éducation. Elle dit que, lorsqu’elle lui a demandé pourquoi son congé avait été refusé alors que leur mère était à l’hôpital et que la garderie avait refusé d’accueillir son enfant, il lui a répondu : [traduction] « Où est ton époux? » Elle a expliqué que le père de ses enfants ne vivait pas avec eux, qu’il habitait à Edmonton, et que sa famille et lui travaillaient à temps plein et ne pouvaient donc pas aider à garder les enfants.

[25] Mme Bird souligne que l’appel avec son frère lui a causé encore plus de dépit en raison de son manque de compréhension et de soutien, ce qui l’a amenée à aller parler à Mme Birk-Calihoo, qui avait refusé sa demande de congé. Mme Bird s’est entretenue avec Mme Birk-Calihoo et Delores Lambert, la directrice des ressources humaines de la PNP, au bureau du conseil de bande. Il n’est pas contesté qu’elle était tout à fait bouleversée à ce moment-là, pleurant et parlant fort. Elle leur a montré le message texte de la personne qui gardait son enfant et a soulevé l’obligation de fournir cinq semaines de plans de leçon pour prendre congé. Bien qu’elles aient essayé de lui parler et de la calmer, Mme Bird était trop perturbée. Selon son témoignage, elle a donné son avis de démission de manière impulsive parce qu’elle était complètement désemparée et qu’elle ne pouvait pas faire face à toutes les pressions qui s’exerçaient sur elle.

[26] Mme Card-Esau a déclaré lors de son témoignage que, lorsque Mme Bird est retournée à l’école après avoir parlé à Mme Lambert et à Mme Birk-Calihoo, elle était très agitée et parlait fort. Mme Bird a dit qu’il était ridicule de s’attendre à ce qu’elle prépare cinq semaines de plans de leçon et elle a répété à plusieurs reprises à Mme Card-Esau qu’elle démissionnait. Au cours de son entrevue avec la Commission, Mme Card-Esau a déclaré qu’elle n’a absolument pas pu placer un mot et discuter avec Mme Bird, celle-ci ayant perdu la maîtrise de ses émotions. Mme Bird a ensuite quitté l’école pour aller chercher son enfant.

[27] À la suite de cette rencontre avec Mme Bird, Mme Birk-Calihoo a envoyé à Mme Lambert un courriel dans lequel elle donne son compte rendu de ce qui s’était passé. Elle a écrit que, vers 15 h, Mme Bird s’est présentée au bureau du conseil de bande visiblement en colère parce qu’elle [traduction] « estime que les attentes auxquelles elle doit répondre en tant qu’enseignante sont trop grandes et déraisonnables ». Elle a écrit que Mme Bird leur a dit que sa mère était malade, que personne dans la famille n’allait l’aider et que la garderie n’accepterait pas son enfant tant qu’elle ne pourrait pas marcher. Mme Birk‑Calihoo a fait remarquer que, bien qu’elle ait tenté de lui offrir du soutien, Mme Bird refusait de dialoguer ou d’accepter de l’aide parce qu’elle était tellement troublée. Dans les circonstances, elles ont accepté la démission verbale de Mme Bird immédiatement.

[28] Le 4 octobre 2017, Mme Card-Esau a envoyé un courriel à Mme Birk-Calihoo et à Mme Lambert dans lequel elle explique que Mme Bird a démissionné en quittant son poste à 14 h 15 le 29 septembre parce qu’elle était mécontente de ne pas s’être vu accorder un congé de trois à cinq semaines sans mettre de plans à la disposition des enseignants suppléants. Elle a signalé qu’un relevé d’emploi devait être produit. Le courriel ne mentionne pas que Mme Bird avait annulé sa demande de congé et, en fait, Mme Birk-Calihoo a déclaré lors de son témoignage qu’elle n’en savait rien à ce moment-là.

[29] Il n’est pas contesté que personne du côté de l’intimée n’a communiqué avec Mme Bird au sujet de ce qui s’est passé le 29 septembre 2017. Mme Bird a plutôt écrit une lettre, qui est datée du 1er octobre, mais qu’elle dit avoir livrée au bureau du conseil de bande le 13 octobre 2017, soit deux semaines après son dernier jour de travail. Elle a apporté plusieurs copies, qui ont été frappées du timbre à date par la réceptionniste et déposées dans les boîtes aux lettres du chef et des membres du conseil de bande, du gestionnaire de la bande, de Mme Card-Esau, de Mme Birk-Calihoo et de Mme Lambert.

[30] Dans la lettre, Mme Bird a expliqué ce qui était en train de se passer lorsqu’elle a donné son avis de démission et pourquoi elle a réagi comme elle l’a fait. Dans sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, elle a dit que c’est ce que les membres de sa famille lui ont conseillé de faire afin qu’elle puisse retourner au travail pour remplir ses obligations contractuelles. Elle conclut la lettre en déclarant qu’elle est disposée à retourner au travail au bout de cinq semaines et à poursuivre son contrat d’un an une fois que sa mère sera de retour à la maison. Elle signale que, si ce choix ne lui est pas offert, d’autres mesures seront prises.

[31] Le 23 octobre 2017, bien que personne n’ait répondu à la lettre de Mme Bird, l’intimée a établi un relevé d’emploi indiquant que Mme Bird avait démissionné.

[32] Mme Card-Esau, Mme Birk-Calihoo et Mme Lambert ont déclaré lors de leur témoignage ne pas avoir pas reçu la lettre de Mme Bird dans leur boîte aux lettres respective au bureau du conseil de bande. Mme Lambert a plutôt dit s’être vu remettre la lettre quelque temps après par le chef, qui lui a demandé de s’en occuper. Elle a répondu à Mme Bird le 8 novembre 2017 [traduction] « [qu’il] n’est pas clair quel résultat est attendu de ce document ou quelle demande y est faite » et elle a offert à Mme Bird de déposer un grief auprès de la commission d’appel en matière d’emploi de la bande.

[33] Mme Bird a déclaré qu’elle avait alors l’impression qu’il s’était écoulé tellement de temps sans que personne ne réponde à sa lettre que l’affaire avait dégénéré en [traduction] « violence latérale ». Elle dit qu’elle avait offert de participer à une forme traditionnelle de règlement du différend avec trois Aînés et qu’elle avait été ignorée, et qu’elle avait également offert de retourner au travail au bout de cinq semaines. Elle n’avait pas confiance dans l’offre de règlement du différend de l’intimée et, comme elle avait déjà déposé sa plainte pour atteinte aux droits de la personne auprès de la Commission, elle a plutôt décidé de poursuivre le processus relatif à sa plainte.

[34] Des courriels datés du 9 novembre 2017 ont été déposés en preuve montrant qu’une discussion avait eu lieu entre le gestionnaire de la bande, Mme Lambert et Mme Birk‑Calihoo à propos de la possibilité de proposer à Mme Bird de faire de la suppléance, ou de lui offrir un contrat. Le gestionnaire de la bande a répondu à Mme Birk‑Calihoo pour dire qu’il lui avait demandé de préparer la mise en place de ce processus [traduction] « juste au cas où nous voudrions emprunter cette voie ».

[35] Mme Birk-Calihoo a laissé entendre que Mme Bird aurait dû l’appeler au cours de la fin de semaine suivant sa démission pour parler, mais que, comme cette dernière ne l’avait pas fait, Mme Birk-Calihoo n’avait d’autre choix que de pourvoir le poste d’enseignante à la maternelle, puisque les enfants de cette classe étaient sa priorité.

[36] Mme Card-Esau était d’avis que Mme Bird avait abandonné sa classe et son emploi le 29 septembre 2017. Elle a dit que, au moment où elle a reçu la lettre de Mme Bird plusieurs semaines plus tard, elle l’avait déjà remplacée.

IV. Questions en litige

[37] Les questions en litige que le Tribunal doit trancher sont les suivantes :

  1. La plaignante a-t-elle prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’elle a été traitée de façon défavorable en cours d’emploi en raison de son état matrimonial ou de sa situation de famille, au sens de l’alinéa 7b) de la LCDP?
  2. Dans l’affirmative, quelles mesures de réparation devraient être accordées par suite de la discrimination?

[38] L’intimée a confirmé qu’elle n’invoquerait pas un moyen de défense fondé sur l’article 15 de la LCDP, mais qu’elle présenterait plutôt une preuve pour réfuter les allégations de discrimination prima facie.

V. Positions des parties

[39] Bien qu’elle ait convenu avant l’audience que sa plainte se limitait à la question de savoir si, dans le cadre de son emploi, elle a fait l’objet de discrimination fondée sur son état matrimonial ou sa situation de famille, Mme Bird a produit une preuve à l’audience et présenté des observations qui soulèvent des préoccupations plus générales que sa famille et elle entretiennent à l’égard des dirigeants de la PNP et d’autres membres de la Nation. Il est injuste envers l’intimée de tenter d’élargir la portée de la plainte à l’audience.

[40] Comme le prévoit la LCDP, la compétence du Tribunal pour instruire une plainte lui est conférée par la Commission. La Commission a fait enquête sur la plainte de Mme Bird pour discrimination en matière d’emploi au sens de l’alinéa 7b) de la LCDP et l’a renvoyée au Tribunal pour instruction. Une autre plainte déposée par Mme Bird relativement au refus par la garderie de la PNP de prendre en charge sa fille en septembre 2017 n’a pas été renvoyée au Tribunal par la Commission. Par conséquent, les mentions faites dans la présente décision du refus par la garderie d’offrir des services à Mme Bird ont pour objet d’établir le contexte factuel de la plainte. Je ne me prononce pas sur la question de savoir si les actes de la garderie étaient discriminatoires.

[41] À la lumière des décisions au terme de l’examen préliminaire de la Commission, le Tribunal n’a pas compétence pour tirer des conclusions ou ordonner des réparations relativement à bon nombre des questions plus vastes soulevées par Mme Bird à l’audience et dans ses observations finales.

a) Plaignante

[42] Dans sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, Mme Bird affirme que la garderie de la PNP lui a refusé des services de garde d’enfants et qu’elle s’est ensuite vu refuser un congé de son emploi pour urgence familiale. Elle dit qu’il n’y a eu [traduction] « aucune autre suggestion qui tiendrait le moindrement compte de mes besoins, car j’ai été contrainte de choisir entre mon emploi et ma famille ».

[43] Dans ses observations finales, Mme Bird affirme que [traduction] « la décision [de l’intimée] de mettre fin à mon emploi en raison de la “crise troublante” que j’ai faite en public n’était pas une décision professionnelle mûrement réfléchie. C’était une excuse superficielle pour miner les enseignements de nos ancêtres, de ma défunte mère, de mes Aînés de la Nation et des professeurs de l’Université de l’Alberta qui m’ont aidée à obtenir mon diplôme. »

[44] Quant à une réparation, Mme Bird demande une indemnisation pour trois années de perte de salaire, des dommages-intérêts pour préjudice moral de 20 000 $ et une somme de 1 500 $ pour [traduction] « 10 mois de perte de services à la garderie de la PNP », pour un total de 171 500 $. Elle ajoute [traduction] qu’« à titre de réparation servant de processus de guérison, nous suggérons des pierres tombales pour nos êtres chers décédés, afin que nous puissions être en paix avec nous-mêmes ».

[45] En plus des réparations demandées, Mme Bird formule des recommandations visant à assurer la reddition de comptes en matière de [traduction] « gestion et [de] leadership » et recommande de mettre en place un programme de guérison axé sur les femmes de la Nation en collaboration avec les Aînés. Elle présente également de nombreuses recommandations destinées à améliorer la garderie, le service des finances, les services de l’administration, de la santé, des travaux publics et des loisirs, ainsi que les services sociaux, l’école et le service de l’éducation de la PNP.

[46] Enfin, Mme Bird dit que, si elle est réintégrée dans ses fonctions d’enseignante à l’école, elle veut inscrire ses enfants afin qu’ils soient plus près d’elle, sans [traduction] « obstacles, ingérence ou accès refusé de la part de qui que ce soit ». Elle explique que c’est un obstacle auquel elle s’est heurtée parce qu’elle ne pouvait pas travailler comme enseignante et agir comme parent au même endroit.

b) Intimée

[47] L’intimée nie avoir fait preuve de discrimination à l’égard de Mme Bird. L’intimée fait valoir que, pour établir la preuve de discrimination fondée sur la situation de famille, Mme Bird doit satisfaire au critère juridique énoncé dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2014 CAF 110 (CanLII) [Johnstone], que l’intimée décrit comme étant la référence incontournable en matière de discrimination fondée sur la situation de famille.

[48] L’intimée cite le passage suivant du paragraphe 88 de l’arrêt Johnstone : « Ce n’est que lorsque l’employé a cherché sans succès une solution de rechange raisonnable pour s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants et qu’il demeure incapable de remplir ses obligations parentales qu’une preuve de discrimination est établie de prime abord. »

[49] L’intimée soutient que la plaignante n’a pas et ne peut pas établir une preuve prima facie de discrimination fondée sur le motif de distinction illicite de la situation de famille, pour les raisons suivantes :

  • elle n’a pas été défavorisée ou traitée de façon discriminatoire par le personnel de la PNP;
  • au contraire, le personnel de l’école a déployé des efforts soutenus pour tenter de lui offrir du soutien et de répondre à ses besoins;
  • Mme Bird n’a pas fait les efforts raisonnables pour essayer de trouver des services fiables de garde d’enfants;
  • en fin de compte, des mesures d’adaptation n’ont pu être convenues parce qu’elle a refusé de communiquer ou de collaborer de quelque façon que ce soit avec le personnel de la PNP.

[50] L’intimée soutient que les réparations demandées par la plaignante sont vastes et considérables et ne conviennent pas aux circonstances.

c) Réplique de la plaignante

[51] Dans sa réplique aux arguments de l’intimée, Mme Bird affirme qu’elle a été franche au sujet de ses responsabilités liées à la prestation de soins et qu’elle a [traduction] « accepté le poste, croyant de bonne foi que l’employeur se montrerait compréhensif et prendrait des mesures d’adaptation » au besoin.

[52] Mme Bird souligne que rien dans son contrat de travail ne l’oblige à effectuer le travail non rémunéré consistant à préparer cinq semaines de plans de leçon afin de prendre un congé non payé. Elle avait besoin de se voir accorder un congé pour régler ses urgences familiales personnelles. [traduction] « Si de telles mesures d’adaptation avaient existé, il n’aurait pas été nécessaire d’instruire la présente plainte. J’ai plutôt subi plus de pression pour effectuer du travail non rémunéré pendant mes heures de fin de semaine afin de répondre aux besoins d’un suppléant, sous prétexte d’une fausse obligation juridique qui mettrait mes propres enfants en danger et m’exposerait moi-même à un risque. »

[53] Mme Bird affirme que [traduction] « la seule mise en scène, ce sont les mesures d’adaptation prises après coup et la preuve présentée [par l’intimée] après que j’eus été congédiée ». Elle soutient que l’intimée a reconnu avoir procédé à [traduction] « un licenciement indirect prémédité fondé sur une très brève évaluation sur trois semaines du respect des normes très élevées [de la directrice de l’école] ».

[54] Mme Bird déclare également qu’elle n’essaiera pas de prouver quelque effort qu’elle a déployé pour postuler d’autres emplois ou chercher à obtenir d’autres services de garde d’enfants, alors qu’elle a fait savoir dès le départ qu’elle s’occupait à temps plein de sa mère jusqu’au décès de celle-ci.

VI. Cadre juridique

[55] La LCDP a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet au principe suivant : « le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations » d’ordre discriminatoire (à l’art. 2. de la LCDP).

[56] L’alinéa 7b) de la LCDP est ainsi libellé : « Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects […] de [...] défavoriser [un individu] en cours d’emploi. » Les motifs de distinction illicite, énoncés à l’article 3 de la LCDP, incluent l’état matrimonial et la situation de famille. Les obligations en matière de garde d’enfants relèvent de la protection offerte par le motif de la situation de famille (Smolik c. Seaspan Marine Corporation, 2021 TCDP 11 (CanLII), au par. 14).

[57] Le fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination incombe à la partie plaignante. Une preuve prima facie de discrimination est « […] celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé » (Commission ontarienne des droits de la personne et O’Malley c. Simpsons-Sears, 1985 CanLII 18 (CSC), [1985] 2 RCS 536, à la p. 558).

[58] L’intimée a raison de dire que l’arrêt Johnstone a établi le critère applicable permettant de conclure à l’existence d’une discrimination prima facie fondée sur les obligations en matière de garde d’enfants au sens de la LCDP. Dans l’affaire Johnstone, la Cour d’appel fédérale a conclu que, pour qu’une partie plaignante puisse prouver selon la prépondérance des probabilités qu’elle a été victime de discrimination, elle doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable :

  1. qu’elle assume l’entretien et la surveillance d’un enfant;
  2. qu’une obligation relative à la garde des enfants fait jouer sa responsabilité légale envers cet enfant et qu’il ne s’agit pas simplement d’un choix personnel;
  3. qu’elle a déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de l’obligation en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’est raisonnablement réalisable;
  4. que les règles attaquées régissant le milieu de travail entravent d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter d’une obligation liée à la garde des enfants.

[59] Le paragraphe suivant de la décision Brunskill c. Société canadienne des postes, 2019 TCDP 22 (CanLII), rendue par le Tribunal s’applique à une affaire comme la présente, où l’intimée confirme qu’elle n’invoque pas une défense d’exigence professionnelle justifiée au titre de l’article 15 de la LCDP, mais présente plutôt une preuve pour tenter de réfuter les allégations de discrimination prima facie :

[64] Lorsque le Tribunal doit décider si le plaignant a rencontré le fardeau de son dossier, il doit considérer la preuve dans son ensemble. Cela inclut également la preuve qui a été soumise par l’intimée. En d’autres mots, la preuve déposée devant le Tribunal par le plaignant et l’intimée ne doit pas être analysée en silos. Conséquemment, il pourrait être décidé que [le plaignant] n’a pas rencontré le fardeau de son dossier si (1) en l’absence d’une réponse de l’intimée, il échoue à présenter une preuve suffisante et qui rencontre le fardeau de son dossier, ou (2) l’intimée a été en mesure de présenter une preuve qui réfute les allégations du plaignant, et ce faisant, ne permet pas à ce dernier de rencontrer le fardeau de son dossier.

[60] Lorsque, comme en l’espèce, la partie intimée présente des éléments de preuve afin de réfuter une allégation de discrimination, elle doit fournir une explication raisonnable de l’acte reproché, laquelle ne peut constituer un « prétexte » ou une excuse pour dissimuler l’acte discriminatoire (Moffat c. Davey Cartage Co. (1973) Ltd., 2015 TCDP 5 (CanLII), au par. 38).

VII. Analyse

[61] Mme Bird affirme que l’intimée a fait preuve de discrimination au sens de l’alinéa 7b) de la LCDP en l’obligeant à respecter une condition déraisonnable avant de lui accorder le congé demandé qui lui aurait permis de s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants. Elle dit que cette exigence l’a incitée à démissionner. J’appliquerai le critère à quatre volets de l’arrêt Johnstone pour établir si Mme Bird a prouvé qu’elle a fait l’objet de discrimination de la part de l’intimée dans le cadre de son emploi.

(i) Mme Bird avait une responsabilité légale envers les enfants dont elle assumait l’entretien

[62] Les deux premiers volets du critère énoncé dans l’arrêt Johnstone prévoient que Mme Bird doit prouver : (i) qu’elle assumait l’entretien et la surveillance de ses enfants et (ii) que l’obligation en question relative à la garde des enfants faisait jouer sa responsabilité légale envers ses enfants et qu’il ne s’agissait pas simplement d’un choix personnel.

[63] Il est incontesté que Mme Bird assumait l’entretien et la surveillance de ses enfants au moment pertinent. Elle était la principale responsable des soins de ses trois jeunes filles, dont le père vivait à Edmonton, travaillait à temps plein et n’était pas disponible pour aider à la garde des enfants. Pendant que les deux enfants les plus âgées étaient à l’école le jour, quelqu’un devait être à la maison pour aller à la rencontre de leur autobus après l’école. Elles ne fréquentaient pas l’école de la PNP. La fille cadette de Mme Bird n’avait pas encore deux ans en septembre 2017 et s’était vu refuser une place à la garderie de la PNP plus tôt ce mois-là.

[64] Il ne fait aucun doute que, lorsque la principale gardienne de Mme Bird – sa mère – a soudainement dû être hospitalisée, Mme Bird s’est retrouvée dans une situation qui faisait jouer sa responsabilité légale envers ses enfants. Pendant que Mme Bird était au travail, quelqu’un devait s’occuper de sa fille. C’est pour cette raison que Mme Bird a demandé un congé pour la période d’hospitalisation prévue de sa mère.

(ii) Mme Bird a fait les efforts raisonnables pour obtenir d’autres services de garde d’enfants

[65] Le troisième volet du critère porte que Mme Bird doit prouver qu’elle a déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable.

[66] L’intimée fait valoir que Mme Bird n’a pas entrepris les démarches raisonnables pour obtenir des services de garde d’enfants, même si Mme Bird avait informé l’intimée lors de son entrevue d’emploi qu’elle avait éprouvé de la difficulté à trouver des services de garde fiables lorsqu’elle était à l’université. L’intimée dit que, alors que Mme Bird avait une voiture, elle n’a pas fait de tentatives pour trouver une autre garderie à l’extérieur de la PNP, se contentant d’essayer de recourir à la garderie de la PNP. L’intimée affirme également que la plaignante n’a présenté de toute façon aucun élément de preuve selon lequel sa fille était effectivement inscrite à la garderie de la PNP.

[67] L’intimée soutient par ailleurs qu’une personne raisonnable se trouvant dans la situation de la plaignante aurait prévu que la santé de sa mère se détériorerait et aurait donc dû mener des efforts pour trouver des services fiables de garde d’enfants. Elle fait valoir que [traduction] « tout le mois de septembre s’est écoulé sans que Mme Bird ne fasse d’efforts pour obtenir d’autres services de garde d’enfants où que ce soit. D’un point de vue objectif, il est avancé que les agissements de Mme Bird n’étaient tout simplement pas raisonnables compte tenu de sa situation. »

[68] Je ne partage pas l’avis de l’intimée à cet égard. La preuve m’amène à conclure que Mme Bird a prouvé selon la prépondérance des probabilités qu’elle a déployé les efforts raisonnables dans les circonstances pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants.

[69] Mme Bird avait toujours été franche avec l’intimée à propos de sa situation relative à la garde d’enfants. Dès la première entrevue d’emploi, qu’elle a dû annuler parce que sa mère était à l’hôpital, elle a informé l’intimée de ses responsabilités liées à la prestation de soins. Mme Bird a également fait part de sa situation à Mme Birk-Calihoo et à Mme Card-Esau lors de l’entrevue d’emploi du mois d’août, et elles lui ont dit qu’elle pouvait amener sa fille à l’école si elle avait besoin de services de garde de dernière minute.

[70] Je crois le témoignage de Mme Bird selon lequel, dès que l’emploi lui a été offert, elle a présenté une demande à la garderie de la PNP en vue d’obtenir une place pour sa plus jeune enfant. Elle croyait que sa fille avait été acceptée par la garderie en date du 28 août et elle a commencé à travailler le 1er septembre. Elle a fait les démarches raisonnables, en tant que mère responsable et consciencieuse, pour veiller à ce que des services de garde soient en place pour sa première journée de travail. Or, lorsqu’elle a amené sa fille à la garderie le 1er septembre, sa prise en charge lui a été refusée. Mme Bird a suivi le conseil de Mme Card-Esau et a écrit à l’intimée pour l’informer de ce qui s’était passé. Personne ne lui a répondu.

[71] Dès sa première journée au travail, Mme Bird a été très occupée en tant que nouvelle enseignante à organiser sa classe et à enseigner ses cours. Lorsqu’elle ne travaillait pas, Mme Bird s’occupait de ses trois filles et offrait du soutien à sa mère, qui avait gentiment offert de garder ses enfants pour lui permettre de travailler comme enseignante. D’après la preuve présentée par Mme Bird, les autres membres de sa famille travaillaient eux aussi ou fréquentaient l’école et n’étaient donc pas en mesure de l’aider à s’occuper de ses enfants.

[72] Toujours selon cette preuve, Mme Bird a demandé à quelqu’un avec qui elle était amie de venir garder l’enfant à un moment donné, mais cette personne n’était pas fiable, étant partie au milieu de la journée pour retourner à Red Deer. Le 29 septembre 2017, le jour où sa mère est entrée à l’hôpital, Mme Bird a trouvé un autre membre de sa famille pour garder sa fille. À 14 h, cette personne lui a envoyé un message texte annonçant qu’elle devait lui rendre sa fille parce qu’elle avait des funérailles auxquelles assister.

[73] Aucune preuve ne m’a été présentée sur la proximité d’autres collectivités avec la PNP, mais je ne suis pas d’accord pour dire qu’il était normal de s’attendre à ce que Mme Bird fasse le tour des collectivités avoisinantes à la recherche d’autres services de garde d’enfants dans le très court laps de temps entre le moment où elle s’est vu offrir l’emploi et le moment où elle a commencé à travailler, ou pendant son emploi d’enseignante à temps plein.

[74] J’estime que Mme Bird a fait de son mieux dans le très bref délai en question. Il n’y a aucune raison de croire que Mme Bird aurait dû savoir que sa mère serait hospitalisée à court préavis. Cette dernière avait peut-être des problèmes de santé, mais elle prodiguait toujours des soins adéquats pendant le premier mois d’enseignement de Mme Bird, jusqu’à ce qu’elle entre à l’hôpital le 29 septembre. La mère de Mme Bird était sa gardienne la plus fiable, plus que les autres membres de la famille, les amis ou la garderie même de la PNP.

[75] L’intimée soutient que Mme Bird aurait dû prendre des dispositions pour que son enfant soit déposée l’après-midi du 29 septembre 2017 afin d’être prise en charge au bureau de l’école, qui était équipé de livres et de petit tapis. Mme Bird était préoccupée non seulement par la nécessité de reprendre sa fille cadette avant les funérailles, mais aussi par la question de savoir qui irait à la rencontre de l’autobus scolaire de ses deux filles aînées. De plus, Mme Bird a déclaré lors de son témoignage que, ayant vécu l’expérience de faire l’objet d’une enquête par les services à l’enfance et à la famille quand elle était à l’université, il était très important pour elle de veiller aux bons soins de ses enfants.

[76] J’accepte le fait que Mme Bird a prouvé qu’elle a déployé les efforts raisonnables pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants en explorant des solutions de rechange raisonnables et qu’aucune de ces solutions n’était raisonnablement réalisable au moment où elle a présenté sa demande de congé. Devant l’hospitalisation soudaine de sa mère, qui était sa gardienne, elle n’a pas eu le temps de trouver une solution raisonnable autre que de s’occuper elle-même de son enfant.

(iii) Exiger de Mme Bird qu’elle prépare cinq semaines de plans de leçon entravait d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de ses obligations liées à la garde des enfants

[77] Le quatrième volet du critère prévoit que Mme Bird doit prouver que les règles attaquées régissant le milieu de travail entravaient d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter d’une obligation liée à la garde des enfants.

[78] Dans la présente affaire, les « règles attaquées régissant le milieu de travail » étaient l’obligation pour Mme Bird de fournir cinq semaines de plans de leçon et de matériel pédagogique avant de se voir accorder un congé pour s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants.

[79] Mme Birk-Calihoo a déclaré lors de son témoignage que, lorsqu’elle a reçu la demande de congé de Mme Bird, elle n’avait aucune politique ou expérience antérieure sur laquelle se fonder pour examiner une demande de congé de longue durée, surtout de la part d’un nouvel enseignant. Elle a dit avoir téléphoné à deux autres Premières Nations et à une école provinciale, qui lui ont dit qu’elles s’attendaient pour leur part à ce qu’un enseignant qui demande un congé fasse un certain travail de planification des cours pour aider l’enseignant suppléant qui prendrait la relève de sa classe. Mme Birk-Calihoo a dit qu’elle pensait que le retour en classe de Mme Bird se ferait plus en douceur si elle fournissait des plans de leçon pour les cinq semaines complètes de son congé.

[80] L’une des témoins de Mme Bird était une enseignante d’expérience ayant travaillé pour différents conseils scolaires. Elle a déclaré lors de son témoignage que, selon son expérience, si un enseignant prévoyait de prendre plus de trois jours de congé, trois jours de plans de leçon seraient requis, après quoi l’enseignant suppléant devrait normalement prendre la relève de la préparation des plans de leçon courants. Elle a également déclaré que, même si un enseignant laisse des plans de suppléance, ils ne sont pas toujours utilisés parce que la suppléance est [traduction] « axée sur les besoins du moment ». Elle a dit que les enseignants suppléants sont des professionnels qui peuvent entrer dans une classe et faire ce qu’ils ont à faire. La témoin de l’intimée, Mme Bernard, a déclaré quant à elle que les enseignants suppléants à l’école de la PNP étaient des enseignants qualifiés.

[81] Une autre des témoins de Mme Bird, qui travaille comme assistante en éducation à une école de Red Deer, a confirmé qu’elle croyait comprendre que l’enseignant qui demande un congé prolongé est responsable de trois jours de plans de leçon. Ensuite, c’est l’enseignant suppléant qui prend la relève de la préparation des plans de leçon. Elle a fait remarquer que, comme les enseignants suppléants s’occupent des tests et des bulletins pour les enseignants, ils sont tout à fait qualifiés pour préparer des plans de leçon.

[82] Au cours du premier mois de son nouvel emploi, Mme Bird a travaillé très fort pour rendre sa classe culturellement pertinente pour ses élèves. C’est dans ce contexte qu’elle s’est vu imposer l’obligation de préparer cinq semaines de plans de leçon et de matériel pédagogique en très peu de temps afin de pouvoir prendre un congé dont elle avait un besoin urgent. Au moment où elle a été informée de cette condition pour se voir accorder un congé, sa mère était déjà à l’hôpital, ce qui était manifestement stressant et bouleversant pour elle. Mme Bird a déclaré lors de son témoignage qu’elle a dû s’occuper de ses trois filles au cours de la fin de semaine et que, à partir de lundi, elle a dû prendre la relève de sa mère, qui prenait soin de sa fille cadette pendant la semaine.

[83] L’intimée fait valoir que Mme Bird a réagi de manière excessive au fait de devoir préparer cinq semaines de plans de leçon, sans tenir compte ou discuter des options qui s’offraient à elle à cet égard. L’intimée soutient que [traduction] « Mme Bird s’est vu offrir par la PNP une option viable pour composer avec sa situation entourant la garde d’enfants : prendre un congé de cinq semaines, mais consacrer du temps pendant la fin de semaine à préparer cinq semaines de plans de leçon. S’il n’est pas réaliste de préparer cinq semaines de plans de leçon, alors discutons et trouvons une solution différente. Mme Bird a refusé de collaborer ou de discuter, de sorte qu’aucune solution de rechange n’était possible. » L’intimée fait observer que les mesures d’adaptation ne sont pas à sens unique et que Mme Bird avait le devoir de travailler à une solution qui répondrait à ses besoins.

[84] L’intimée soutient également que la tâche de préparer cinq semaines de plans de leçon à la maternelle n’était pas trop lourde. Elle dit que Mme Bird aurait pu utiliser les plans de leçon de son prédécesseur pour préparer les siens, ou qu’elle aurait pu demander à l’intimée plus de temps pour les préparer. Mme Birk-Calihoo a souligné que Mme Bird avait une aide-enseignante à temps plein dans sa classe qui aurait pu l’aider à préparer les plans de leçon et que, comme enseigner à la maternelle n’exige pas de s’investir autant qu’enseigner à des niveaux supérieurs, elle aurait facilement pu trouver des plans de leçon sur Internet.

[85] Mme Card-Esau a déclaré lors de son témoignage avoir dit à ce moment-là à Mme Bird qu’elle n’aurait pas à fournir les cinq semaines de plans de leçon toutes en même temps, qu’elle pourrait présenter une semaine de plans de leçon à la fois, de façon que l’exigence soit plus facile à gérer. Je reconnais qu’il aurait été raisonnable d’offrir cette possibilité à Mme Bird à ce moment-là et que Mme Card-Esau et Mme Birk-Calihoo s’en sont toutes deux rendu compte après réflexion, mais je ne crois pas qu’elles le lui aient proposé au moment de sa demande de congé.

[86] Je ne suis pas d’avis que l’intimée a invité Mme Bird à « discut[er] et trouv[er] une solution différente » de l’obligation de préparer cinq semaines de plans de leçon au cours de la fin de semaine. S’il avait été aussi facile de trouver des plans de leçon que l’intimée ne le prétend, il aurait été raisonnable que Mme Card-Esau fournisse ce renseignement à Mme Bird au moment de lui retourner sa demande de congé. Elle a plutôt demandé à Mme Bird si elle pouvait préparer cinq semaines de plans de leçon au cours de la fin de semaine, bien qu’elle ait reconnu qu’une telle attente n’était probablement pas raisonnable. Lorsque Mme Bird a demandé à la directrice de l’école si elle pouvait utiliser ses plans de suppléance d’urgence au lieu de fournir les plans de leçon, celle-ci lui a répondu que non.

[87] Mme Card-Esau a déclaré lors de son témoignage qu’il serait décidé au cas par cas si les plans de suppléance d’urgence d’un enseignant pouvaient être utilisés pour un congé. Elle a dit que, s’il survenait soudainement un événement traumatisant où un enseignant ne pouvait pas préparer un plan de leçon, l’établissement pourrait s’en remettre au coup d’œil sur l’année de l’enseignant, un plan à long terme que Mme Bird avait soumis. Bien que la situation de Mme Bird relative à la garde d’enfants puisse être décrite comme un événement traumatisant soudain, l’intimée ne semblait pas la considérer comme telle. Il n’y a pas de hiérarchie en ce qui concerne les motifs de distinction illicite. Une situation d’urgence relative à la garde d’enfants aurait dû être traitée avec le même sérieux qu’une situation liée à la déficience, par exemple si Mme Bird elle-même devait soudainement être hospitalisée et ne pouvait pas se présenter au travail.

[88] L’intimée soutient à juste titre que les employés doivent consacrer les efforts raisonnables à la recherche d’une mesure d’adaptation. Or, Mme Bird ne demandait pas un congé qui commencerait dans une semaine. Sa mère était à l’hôpital, elle n’avait pas d’autres services fiables de garde d’enfants, et elle se faisait demander de préparer cinq semaines de plans de leçon pour un enseignant suppléant qui devrait être capable de prendre en charge une classe et d’enseigner à ses élèves pendant cette période. Il ne s’était écoulé qu’un mois depuis le début de l’année scolaire et Mme Bird enseignait à la maternelle, ce qui, selon l’intimée, n’est pas aussi complexe ou n’exige pas de s’investir autant qu’enseigner à des niveaux supérieurs. Le lieu de travail est sous le contrôle de l’employeur et, dans l’examen d’une demande de congé d’urgence, l’intimée avait l’obligation de tenir compte de la situation particulière de Mme Bird.

[89] Le jour où sa gardienne d’enfants a été hospitalisée pour une période de plusieurs semaines, Mme Bird s’est retrouvée dans une situation où sa demande de congé pour s’occuper de ses enfants n’avait pas encore été approuvée. Mme Bird ne pensait pas pouvoir satisfaire à l’exigence de l’intimée qui consistait à préparer cinq semaines de plans de leçon au cours de la fin de semaine tout en prenant soin de ses trois filles. À ce moment-là, jugeant qu’il était plus faisable de trouver d’autres services de garde d’enfants et de continuer à travailler, elle a dit à Mme Card-Esau qu’elle annulait sa demande de congé.

[90] J’accepte le fait qu’exiger de Mme Bird qu’elle prépare cinq semaines de plans de leçon entravait d’une manière plus que négligeable ou insignifiante sa capacité de s’acquitter de son obligation de s’occuper de ses enfants et constituait donc de la discrimination au sens de l’alinéa 7b) de la LCDP.

VIII. Conclusion et réparations

[91] Je conclus que Mme Bird a prouvé selon la prépondérance des probabilités chacun des quatre éléments du critère énoncé dans l’arrêt Johnstone relativement à son allégation portant que l’obligation de préparer cinq semaines de plans de leçon constituait de la discrimination au sens de l’alinéa 7b) de la LCDP. Bien que l’intimée ait présenté une preuve visant à réfuter le fait que Mme Bird a été victime de discrimination, j’estime qu’elle n’est pas parvenue à le faire.

[92] Ayant conclu que Mme Bird a été traitée de façon défavorable en cours d’emploi en raison de sa situation de famille, le Tribunal peut rendre une ordonnance en vertu du paragraphe 53(2) de la LCDP. La plaignante a demandé au Tribunal de lui accorder des dommages-intérêts pour préjudice moral, perte de salaire et remboursement des frais de garde d’enfants. Elle demande également au Tribunal d’ordonner à l’intimée de payer des pierres tombales pour ses êtres chers et de mettre en œuvre un programme de guérison et plusieurs recommandations liées à l’administration de la PNP.

  1. Indemnité pour préjudice moral

[93] L’alinéa 53(2)e) de la LCDP confère au Tribunal le pouvoir d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ « la victime [de discrimination] qui a souffert un préjudice moral ». J’attire l’attention sur le fait que le Tribunal a tendance à réserver l’octroi du montant maximal de 20 000 $ aux cas les plus graves et les plus flagrants (Christoforou c. John Grant Haulage, 2021 TCDP 15 (CanLII) [Christoforou], au par. 98).

[94] L’ordonnance réparatrice rendue en vertu du paragraphe 53(2) de la LCDP ne vise pas à punir la partie intimée, mais à éliminer, dans la mesure du possible, les effets discriminatoires de l’acte (Robichaud c. Canada (Conseil du Trésor), 1987 CanLII 73 (CSC), [1987] 2 RCS 84, au par. 13). Il doit y avoir une preuve selon laquelle un plaignant a subi un préjudice moral, et il doit y avoir un lien de causalité entre ce préjudice et l’acte discriminatoire.

[95] Mme Bird a demandé le montant maximal qui puisse être accordé pour préjudice moral sous le régime de la LCDP. Elle a témoigné au sujet des répercussions que le traitement discriminatoire de la part de l’intimée a eues sur elle, tant le 29 septembre 2017 que par la suite. Dans sa lettre du 1er octobre 2017 (remise à l’intimée le 13 octobre 2017), Mme Bird déclare s’être sentie mise au pied du mur lorsque Mme Card-Esau lui a remis le formulaire de demande de congé en lui disant qu’elle devait préparer cinq semaines de plans de leçon. Elle dit que cette expérience lui a donné l’impression d’être laissée sans aide ni protection et d’avoir été dépouillée de sa dignité. Les témoins de Mme Bird et de l’intimée ont confirmé que Mme Bird était dans tous ses états lorsqu’elle est allée parler à Mme Birk-Calihoo et à Mme Lambert après avoir reçu le message texte de la personne qui gardait son enfant. Elle leur a parlé de l’obligation de préparer cinq semaines de plans de leçon en soulignant qu’il était injuste de lui imposer cette condition. Mme Bird a déclaré avoir été aux prises avec des problèmes de santé mentale à la suite de cette expérience et avoir demandé de l’aide et des conseils à des Aînés, y compris sa mère et ses oncles.

[96] Dans l’affaire Christoforou, pour décider des dommages-intérêts à accorder pour préjudice moral, le Tribunal a souscrit à l’analyse appliquée par le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario à l’évaluation de l’indemnité appropriée en cas d’atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi. Le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario applique principalement deux critères : (i) la gravité objective de l’acte discriminatoire et (ii) l’effet de la discrimination sur la victime (voir Arunachalam v. Best Buy Canada, 2010 HRTO 1880 (CanLII) [Arunachalam], au par. 52; Sanford v. Koop, 2005 HRTO 53 (CanLII), au par. 35).

[97] Le premier critère reconnaît que le préjudice moral est généralement plus grave sous l’angle objectif des événements survenus. [traduction] « Par exemple, le congédiement pour des motifs discriminatoires porte habituellement atteinte à la dignité plus qu’un commentaire fait à une seule occasion. Perdre un emploi de longue durée à cause de la discrimination est généralement plus préjudiciable que perdre un nouvel emploi. Plus les commentaires harcelants sont prolongés, blessants et graves, plus l’atteinte à la dignité, aux sentiments et à l’estime de soi est grande » (Arunachalam, au par. 53).

[98] Le second critère reconnaît l’expérience particulière d’un plaignant par suite de la discrimination. [traduction] « Les dommages-intérêts se situeront généralement à l’extrémité supérieure de la fourchette pertinente lorsque le demandeur a vécu des difficultés émotionnelles particulières à cause de l’événement et lorsque sa situation particulière rend les effets particulièrement graves » (Arunachalam, au par. 54).

[99] En appliquant le critère objectif à la situation de Mme Bird, j’ai conclu que l’acte discriminatoire dont elle a fait l’objet était la condition qui lui a été imposée de fournir cinq semaines de plans de leçon avant que sa demande de congé ne soit approuvée. Il ne s’agit pas d’un cas où l’acte discriminatoire était de longue durée, mais en fait d’un événement ponctuel qui s’est produit sur une très courte période. Bien que j’accepte le fait que la condition pour obtenir le congé expliquait en partie pourquoi Mme Bird a démissionné de façon impulsive de son emploi, elle n’a pas été congédiée par l’intimée, et l’intimée a présenté une preuve de sa volonté à la réembaucher.

[100] En ce qui concerne le critère subjectif, j’observe que Mme Bird n’occupait son emploi que depuis un mois au moment de la discrimination, mais qu’il se passait beaucoup de choses dans sa vie et qu’elle avait vécu bien des épreuves avant d’obtenir l’emploi. Elle avait surmonté toutes sortes de difficultés pour obtenir son diplôme universitaire et, parce qu’elle avait fait l’objet d’une enquête des services à l’enfance et à la famille, elle était sensible aux situations mettant en cause les soins de ses enfants.

[101] Il ne s’agissait pas d’une situation où le travail que Mme Bird devait accomplir pour pouvoir prendre son congé était offensant ou dégradant pour elle. Toutefois, lorsque sa mère a soudainement été hospitalisée, Mme Bird s’attendait à ce que l’intimée lui offre de l’aide et tienne compte de ses besoins. Elle s’est plutôt vu présenter ce qu’elle considérait comme une tâche impossible à accomplir compte tenu de ses responsabilités relatives à la garde d’enfants pendant la fin de semaine. Elle était à juste titre déçue et fâchée de la situation.

[102] Mme Bird a témoigné à propos d’un certain nombre de facteurs qui l’ont amenée à éprouver des problèmes de santé mentale relativement à sa situation d’emploi, notamment la pression liée au fait d’en être à sa première année comme enseignante, le stress associé à la maladie de sa mère, et le fait d’être mère monoparentale de trois jeunes enfants. Elle était contrariée de s’être vu refuser des services par la garderie de l’intimée, et du fait que l’intimée ne lui a pas remis la lettre de licenciement demandée et a pris quelques semaines avant de répondre à sa lettre du 13 octobre. Elle a trouvé frustrant le processus applicable à sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, et sa mère, qui l’avait aidée dans ce processus, est décédée tragiquement avant que la plainte ne soit instruite. Il est clair que tout le cours des événements s’est répercuté sur sa santé mentale. Toutefois, seule une partie du préjudice moral qu’elle a subi peut être attribuée à l’acte discriminatoire de l’intimée.

[103] Dans l’affaire Abreu c. Transport Fortuna, 2020 TCDP 35 (CanLII), le Tribunal a accordé une indemnité de 7 000 $ pour préjudice moral dans un dossier où la plaignante a appris qu’elle était enceinte peu après avoir commencé à travailler comme adjointe administrative pour l’intimée. La plaignante a dû s’absenter du travail à de nombreuses reprises pour des examens de santé liés à sa grossesse à risque élevé. L’intimée a congédié la plaignante un peu plus d’un mois après son embauche. Pour justifier le congédiement, l’intimée s’était, entre autres, appuyée sur les absences de la plaignante pour maladie en raison de sa grossesse. Le Tribunal a conclu que l’intimée avait fait preuve, à l’égard de la plaignante, de discrimination fondée sur le sexe et la déficience. Cette affaire comporte certaines similitudes avec celle de Mme Bird, en ce sens que la plaignante a également travaillé pour l’intimée pendant un mois seulement. Toutefois, la différence clé, c’est que la discrimination et la réparation dans l’affaire Abreu comprenaient la fin d’emploi de la plaignante.

[104] Bien que Mme Bird puisse s’être sentie [traduction] « mise au pied du mur » du fait d’être obligée de préparer cinq semaines de plans de leçon et que ce soit l’une des raisons pour lesquelles elle a démissionné, j’accepte le fait que l’intimée était disposée à discuter de solutions de rechange pour [traduction] « rectifier » cette condition autrement intolérable de son emploi. De plus, alors que Mme Bird a fait savoir dans une lettre qu’elle serait disposée à retourner au travail après un congé de cinq semaines, lorsque l’intimée a répondu à sa lettre et a offert de se pencher sur ses préoccupations par l’entremise de sa commission d’appel en matière d’emploi, Mme Bird a refusé.

[105] Je suis d’avis que l’intimée a manqué de considération à l’égard de la situation de Mme Bird en tant que mère monoparentale dont la propre mère – sa gardienne d’enfants – a soudainement été hospitalisée, et que ce manque de considération a entravé sa capacité de s’acquitter de ses obligations en matière de garde d’enfants. J’accepte le fait que cette situation lui a causé un préjudice moral et j’estime qu’une indemnité de 6 500 $ est appropriée dans les circonstances.

[106] Mme Bird demande au Tribunal d’ordonner à l’intimée de lui verser trois années de salaire perdu. Le Tribunal a conclu qu’il doit exister un lien de causalité entre l’acte discriminatoire et la perte de salaire alléguée (Chopra c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 268 (CanLII), au par. 37).

[107] Mme Bird affirme que la condition qui lui a été imposée en tant que mère monoparentale pour qu’elle puisse prendre congé était trop exigeante et l’a amenée à démissionner. Bien que j’accepte le fait que l’obligation discriminatoire de préparer cinq semaines de plans de leçon a contribué à sa décision impulsive de démissionner, je n’estime pas qu’il existe un lien de causalité entre la discrimination et toute perte de salaire alléguée. Je constate plutôt que l’intimée aurait été disposée à discuter d’options entourant un congé de cinq semaines ou encore de la possibilité de réembaucher Mme Bird après un congé. Or, Mme Bird n’a pas présenté de preuve selon laquelle elle était en mesure de retourner au travail après cinq semaines, et elle a choisi de ne pas donner suite à l’offre de l’intimée de régler ses préoccupations liées à l’emploi.

[108] Mme Bird s’est décrite tantôt comme ayant été indirectement licenciée, tantôt comme ayant fait l’objet d’une cessation d’emploi, tantôt comme ayant été contrainte de démissionner. Je ne souscris pas à ces caractérisations. L’intimée n’a manifestement pas mis fin à l’emploi de Mme Bird. Le seul acte commis par l’intimée a été d’exiger que Mme Bird prépare cinq semaines de plans de leçon avant d’approuver son congé. L’intimée n’a pas modifié les conditions de son emploi ou manqué de se conformer à son contrat de travail au point où Mme Bird pourrait faire valoir qu’elle a été indirectement licenciée.

[109] Après avoir parlé à Mme Card-Esau au sujet de sa demande de congé, Mme Bird a jugé qu’elle était plus susceptible de pouvoir trouver une garderie de remplacement pour continuer à enseigner que de pouvoir préparer cinq semaines de plans de leçon. Elle a dit à Mme Card-Esau qu’elle annulait sa demande de congé. Elle n’avait pas l’intention de démissionner à ce moment-là.

[110] Mme Bird subissait déjà le stress associé à l’hospitalisation de sa mère et au fait de savoir qu’il lui faudrait trouver d’autres services de garde d’enfants au lieu de prendre congé, quand la personne à qui elle avait confié son enfant lui a envoyé un message texte quelques heures plus tard pour lui annoncer qu’elle ne pouvait pas s’occuper de l’enfant parce qu’elle devait assister à des funérailles. Il est alors devenu évident pour Mme Bird qu’elle ne disposait pas d’options fiables quant à la garde d’enfants. Elle s’est sentie dépassée par les événements et donné son avis de démission.

[111] Lors de son témoignage, Mme Birk-Calihoo a déclaré que, si Mme Bird avait communiqué avec elle au cours de la fin de semaine pour discuter de sa situation, elle aurait été disposée à discuter d’options concernant les cinq semaines de plans de leçon à remettre pour que Mme Bird bénéficie de son congé.

[112] Aucune des parties n’a communiqué avec l’autre pendant la fin de semaine. Mme Card-Esau a déclaré ne pas avoir communiqué avec Mme Bird après son départ, ne voulant pas remettre en question sa décision de démissionner. Elle a déclaré avoir très rapidement remplacé Mme Bird.

[113] Mme Bird n’a communiqué avec l’intimée que deux semaines plus tard, lorsqu’elle a livré sa lettre au bureau du conseil de bande le 13 octobre 2017. Dans sa lettre, elle a laissé entendre qu’elle pourrait revenir au travail après cinq semaines, lorsque sa mère serait revenue à la maison. Toutefois, Mme Bird n’a pas présenté de preuve selon laquelle elle était en mesure de retourner au travail au bout de cinq semaines.

[114] Le Tribunal n’a pas été informé de la question de savoir si Mme Bird estimait être en mesure de retourner au travail ou quand au juste elle aurait considéré l’être. Elle a déclaré lors de son témoignage ne pas avoir été en mesure de travailler à temps plein pour l’intimée en septembre 2017 en raison de ses responsabilités liées à la prestation de soins, et s’être sentie pressée par Mme Birk-Calihoo d’accepter l’emploi. Selon la preuve dont dispose le Tribunal, les Aînés de Mme Bird lui ont vivement conseillé d’envoyer la lettre du 13 octobre dans laquelle elle offrait de remplir son contrat, malgré ses responsabilités continues liées à la prestation de soins. Mme Bird a déclaré qu’elle continuait de prendre soin de sa mère, dont la santé continuait de se détériorer progressivement. Selon son témoignage, elle a très peu travaillé après avoir démissionné de son emploi d’enseignante en raison de ses responsabilités liées à la prestation de soins et elle n’a postulé un autre emploi d’enseignante que l’année suivante, en septembre 2019.

[115] Lorsque Mme Lambert a communiqué avec Mme Bird le 8 novembre 2017 et lui a offert de déposer un grief auprès de la commission d’appel en matière d’emploi de la Nation, Mme Bird a refusé. Mme Bird dit avoir refusé de participer à ce processus parce qu’elle estimait que le retard mis à répondre à sa lettre équivalait à de la « violence latérale ». Mme Bird cherchait en même temps à obtenir de l’intimée une lettre attestant que cette dernière avait mis fin à son emploi de sorte qu’elle puisse présenter une demande de prestations d’assurance-emploi.

[116] Mme Bird était contrariée que l’intimée n’ait pas acquiescé à sa demande de mise en place d’un processus traditionnel de règlement du différend avec trois Aînés, mais se soit plutôt appuyée sur ses propres politiques d’emploi, ce qui était une façon juste et raisonnable de procéder dans les circonstances. Mme Bird a déclaré qu’elle ne faisait pas confiance à la commission d’appel en matière d’emploi de la PNP et a plutôt décidé de poursuivre le processus relatif à sa plainte pour atteinte aux droits de la personne.

[117] L’intimée soutient qu’elle travaillait à un ensemble de mesures de règlement à proposer à Mme Bird en même temps que l’offre de faire intervenir la commission d’appel en matière d’emploi de la PNP. Elle a fourni copie d’une correspondance par courriel entre Mme Birk-Calihoo, Mme Lambert et le gestionnaire de la bande confirmant la tenue de discussions sur la possibilité d’offrir d’autre travail à Mme Bird auprès de la Nation. Cette offre n’a jamais été présentée à Mme Bird parce que la réponse de cette dernière à la lettre du 8 novembre 2017 de Mme Lambert était la suivante : [traduction] « Je ne suis plus disponible pour quoi que ce soit à ce sujet. Je garderai ces documents de la Nation pour la Commission des droits de la personne et mon avocat. »

[118] Je n’estime pas que Mme Bird a subi une perte de salaire découlant de la discrimination. Pendant les cinq premières semaines suivant sa démission, il n’y a pas eu de perte de salaire parce qu’elle aurait été en congé non payé de toute façon. Mme Bird n’a pas présenté de preuve montrant qu’elle aurait effectivement pu reprendre son emploi d’enseignante à temps plein ou quand ce retour aurait pu avoir lieu. De plus, elle a choisi de ne pas collaborer avec l’intimée après que celle-ci eut communiqué avec elle le 8 novembre 2017 pour lui offrir l’occasion de régler ses préoccupations en matière d’emploi conformément aux politiques d’emploi de l’intimée. Par conséquent, je refuse d’accorder à Mme Bird l’indemnisation demandée pour perte de salaire.

  1. Frais de garde d’enfants

[119] Mme Bird n’a pas expliqué pourquoi elle demande la somme de 1 500 $ pour 10 mois de perte de services à la garderie de la PNP. Comme il a été mentionné précédemment, la Commission n’a pas renvoyé au Tribunal la plainte de Mme Bird contre la garderie. Je n’estime pas que le traitement discriminatoire que Mme Bird a subi de la part de l’intimée était lié à la décision de la garderie de refuser d’accueillir sa fille en septembre 2017. Je refuse d’accorder une telle somme.

  1. Autres réparations demandées

[120] Les autres demandes formulées dans les observations de Mme Bird – y compris le paiement de pierres tombales pour ses êtres chers, la mise en place d’un programme de guérison et ses recommandations visant à améliorer de nombreux services de la PNP et à assurer la reddition de comptes en matière de « gestion et [de] leadership » – n’ont aucun rapport non plus avec la plainte que la Commission a renvoyée au Tribunal et avec le traitement discriminatoire dont Mme Bird a fait l’objet. Je refuse d’ordonner toute autre réparation demandée.

[121] En ce qui concerne la demande faite par Mme Bird pour que ses enfants soient autorisés à s’inscrire à l’école si elle est réembauchée par l’école de la PNP, je ne vois aucune raison liée à sa plainte pour laquelle ses enfants ne pourraient pas être inscrits à l’école, s’ils sont par ailleurs admissibles. Il est clair que l’intimée était prête à offrir à Mme Bird de travailler à l’école ou au service de l’éducation en novembre 2017, et je m’attends à ce que Mme Bird puisse présenter une nouvelle demande d’emploi à cette école si elle le souhaite.

IX. Ordonnance

[122] Ayant conclu que la plainte de Mme Bird est fondée, le Tribunal ordonne :

Que l’intimée, la Première Nation Paul, verse à la plaignante une indemnité de 6 500 $ pour préjudice moral.

Signée par

Colleen Harrington

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 20 mai 2022

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2437/9619

Intitulé de la cause : Stacey Bird c. Première Nation Paul

Date de la décision du Tribunal : Le 20 mai 2022

Date et lieu de l’audience : Du 7 au 11 juin et du 21 au 25 juin 2021

Par vidéoconférence

Comparutions :

Stacey Bird, pour elle même

Christian E. Villeneuve, pour l’intimée

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