Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

En congédiant Glenn Luckman, Bell Canada a fait preuve envers lui de discrimination fondée sur la déficience.
M. Luckman travaillait pour Bell comme gestionnaire du développement des entreprises. Son emploi consistait à vendre les services de Bell à des clients importants comme les commissions scolaires.
M. Luckman a pris soin de son père, qui est finalement décédé. Il a pris un congé pour accompagner son père dans les derniers jours de celui-ci et pour faire son deuil. À peu près au même moment, il a reçu un diagnostic de cancer. Il a pris un congé de maladie pour être traité et se rétablir. Il s’est absenté pendant plusieurs mois.
M. Luckman a eu de la difficulté à retourner au travail. Il n’a pas reçu beaucoup de soutien de la part de Bell. Sa première tentative de retour au travail a été un échec. Il a eu besoin d’un deuxième congé de courte durée. Il a été congédié peu de temps après son deuxième retour au travail. Bell a alors procédé à une série de mises à pied, mais M. Luckman a été la seule personne de son équipe qui a été congédiée.
Bell a affirmé que M. Luckman avait été congédié en raison de son mauvais rendement. Le Tribunal a rejeté l’explication de Bell selon laquelle M. Luckman avait eu un rendement inférieur à celui de ses collègues.
L’un des patrons de M. Luckman, Rosanna D’Ambrosio, a déclaré qu’elle avait décidé de congédier M. Luckman. Le Tribunal a conclu qu’elle avait expliqué clairement les raisons du congédiement. Mme D’Ambrosio était très axée sur le rendement de son équipe et croyait que le cancer de M. Luckman nuirait à son rendement.
M. Luckman a soutenu qu’il avait été congédié en raison du congé qu’il avait pris alors que son père était mourant et en raison de son cancer. Le Tribunal a reconnu que le cancer de M. Luckman avait été un facteur dans la décision de Bell de le congédier. Toutefois, le congé qu’il a pris pour s’occuper de son père était trop court pour avoir une incidence sur la décision de Bell de le congédier plusieurs mois plus tard.
Le Tribunal a accordé à M. Luckman une indemnité de 91 052,40 $ pour perte de salaire, une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral et une indemnité de 15 000 $ pour la conduite inconsidérée de Bell. Il a conclu que M. Luckman avait entrepris des démarches pour atténuer sa perte de salaire en cherchant du travail et en commençant un nouvel emploi près d’un an plus tard. Le Tribunal a rejeté l’argument de Bell selon lequel M. Luckman aurait dû accepter l’un des trois autres postes offerts, car les tâches des postes en question étaient considérablement différentes ou la paye n’était pas aussi intéressante.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 TCDP 18

Date : le 31 mai 2022

Numéro du dossier : T2461/1820

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Glenn Luckman

le plaignant

‑ et ‑

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

‑ et ‑

Bell Canada

l'intimée

Décision

Membre : Alex G. Pannu

 



I. Aperçu

[1] Glenn Luckman a commencé son emploi à titre de gestionnaire du développement des entreprises chez Bell Canada le 9 mai 2016. Pendant qu’il était employé chez Bell, il a pris soin de son père malade, jusqu’au décès de ce dernier en avril 2017. Toujours en avril 2017, M. Luckman a reçu un diagnostic de cancer. Il est parti en congé de maladie en mai 2017, puis il est retourné au travail en novembre 2017. Il a été congédié moins d’un mois plus tard, le 6 décembre 2017.

[2] La principale question à trancher en l’espèce est celle de savoir pour quelle raison M. Luckman a été congédié par Bell Canada. M. Luckman soutient que son cancer ou ses responsabilités d’aidant naturel à l’égard de son père ont joué un rôle dans son congédiement. Bell fait valoir que la cessation d’emploi de M. Luckman découlait d’une restructuration de l’entreprise et qu’elle n’était pas liée à son cancer ni à ses responsabilités d’aidant naturel.

[3] Dans mon analyse, j’ai tenu compte de la preuve, y compris les questions de crédibilité soulevées par les parties, ainsi que du droit. Bien que j’aie pris en considération l’ensemble de la preuve et des observations, mon analyse portera uniquement sur les éléments nécessaires pour trancher l’affaire.

II. Décision

[4] Pour les motifs exposés ci‑après, le Tribunal juge la plainte fondée. L’intimée a fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la « Loi » ou la « LCDP »), et le plaignant a droit à un montant de 91 052,40 $ pour perte de salaire. Il a également droit à 15 000 $ en dommages‑intérêts pour préjudice moral et à 15 000 $ au titre de la conduite délibérée et inconsidérée de l’intimée.

III. Contexte factuel

[5] M. Luckman a commencé à travailler pour Bell Canada à titre de gestionnaire du développement des entreprises le 9 mai 2016. M. Luckman était chargé du développement et du suivi des comptes auprès des clients de Bell. Il touchait un salaire de base de 80 000 $ et était admissible à une prime de 44 000 $, pour une rémunération potentielle totale de 124 000 $.

[6] Au milieu de 2016, M. Luckman a commencé à éprouver des problèmes de santé, et il a consulté un médecin en décembre 2016 lorsqu’il s’est découvert une bosse à l’aine. Il a reçu un diagnostic officiel de cancer le 8 avril 2017.

[7] En janvier 2017, Bell a apporté des changements à la structure des postes de gestionnaires du développement des entreprises et a muté M. Luckman dans une nouvelle équipe, où il relevait d’Andy Zankowicz, qui relevait à son tour de Rosanna D’Ambrosio.

[8] Le père de M. Luckman a été hospitalisé en avril 2017 et est malheureusement décédé plus tard ce mois‑là. M. Luckman était l’aidant naturel de son père depuis cinq ans. M. Luckman a pris un congé de deuil de cinq jours.

[9] Le 5 mai 2017, M. Luckman est parti en congé de maladie pour subir une intervention chirurgicale. Il a tenté de retourner au travail le 2 octobre 2017. L’assureur de Bell a mis en place un horaire de retour au travail graduel, bien que les parties ne s’entendent pas sur la mesure dans laquelle le retour au travail de M. Luckman a effectivement été graduel. Quoi qu’il en soit, le retour au travail a échoué, et M. Luckman a de nouveau été en congé de maladie.

[10] En novembre 2017, M. Luckman est retourné au travail pour une deuxième fois. Là encore, les parties ne s’entendent pas sur la nature exacte de ce retour au travail.

[11] Bell Canada a congédié M. Luckman le 6 décembre 2017.

[12] M. Luckman a obtenu un nouvel emploi qui a commencé le 12 novembre 2018.

IV. Questions en litige

[13] La plainte soulève les questions en litige suivantes :

V. Analyse/motifs

A. Question en litige no 1 : M. Luckman a-t-il établi, selon la prépondérance des probabilités et compte tenu de la preuve de l’intimée, l’existence d’une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience ou la situation de famille, en contravention de l’article 7 de la Loi?

(i) Cadre juridique

[14] M. Luckman affirme avoir été victime de discrimination en matière d’emploi fondée sur la déficience et la situation de famille, en contravention de l’article 7 de la Loi. Selon cet article, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. Les motifs de distinction illicite sont énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi, et comprennent la déficience et la situation de famille.

[15] Le plaignant doit établir une preuve qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une décision en sa faveur, en l’absence de réplique de l’intimé (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears, [1985] 2 RCS 536, au par. 28 [Simpson‑Sears]).

[16] L’emploi de l’expression « discrimination prima facie » ne doit pas être assimilé à un allègement de l’obligation qu’a le plaignant de convaincre le tribunal selon la norme de la prépondérance des probabilités, obligation qui continue toujours de lui incomber (Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc., 2015 CSC 39, au par. 65 [Bombardier]).

[17] Pour établir une preuve prima facie, le plaignant doit démontrer qu’il est plus probable que le contraire : 1) qu’il possédait une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination; 2) qu’il a subi un effet préjudiciable relativement à l’emploi; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (Moore c. C.‑B. (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33).

[18] Il n’est pas nécessaire que la caractéristique protégée soit le seul facteur à avoir contribué au traitement préjudiciable, et il n’est pas nécessaire non plus d’établir l’existence d’un lien de causalité (voir, par exemple, Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2, au par. 25).

[19] Voici en quels termes, au paragraphe 56 de l’arrêt Bombardier, la Cour suprême du Canada a précisé le sens de cette définition :

[Bien que] l’on exige [du demandeur], non pas la preuve d’un « lien causal » mais plutôt d’un simple « lien » ou « facteur », il n’en demeure pas moins que le demandeur doit démontrer, par prépondérance des probabilités, l’existence des trois éléments constitutifs de la discrimination. Pour cette raison, l’existence du « lien » ou du « facteur » doit être établie par preuve prépondérante.

[20] Concrètement, cela signifie, selon les précisions données par la Cour Suprême, que l’intimé peut présenter soit des éléments de preuve réfutant l’allégation de discrimination, soit une défense justifiant la discrimination, ou les deux. En l’absence de justification établie par l’intimé, la présentation d’une preuve prépondérante à l’égard de ces trois éléments sera suffisante pour permettre au Tribunal de conclure à la violation de la LCDP. Par ailleurs, si l’intimé parvient à justifier sa décision, il n’y aura pas conclusion de discrimination, et ce, même si le plaignant réussit à établir sa preuve (Bombardier, au par. 64).

[21] Toutefois, la LCDP n’impose pas d’obligation procédurale distincte de prendre des mesures d’adaptation (Canada (Procureur général) c. Cruden, 2014 CAF 131).

(ii) M. Luckman possède‑t‑il une ou des caractéristiques protégées au sens du paragraphe 3(1) de la Loi?

[22] Oui. M. Luckman a reçu un diagnostic de cancer le 8 avril 2017. Il s’agissait d’une récidive du même cancer qu’il avait eu en 2012, et qui avait entraîné une intervention chirurgicale. Il a pris un congé de maladie du 5 mai 2017 au 1er octobre 2017. Au moment où il a été congédié, soit il était encore en processus de retour au travail, soit il venait tout juste d’être entièrement revenu au travail après son congé de maladie.

[23] M. Luckman a été l’aidant naturel de son père jusqu’au décès de ce dernier en avril 2017. Il a également pris un congé de deuil. La LCDP protège l’aptitude de M. Luckman à s’occuper de son père malade. La conduite de M. Luckman, qui a pris soin de son père et qui a été en deuil de celui-ci, est visée par le motif de la situation de famille et bénéficie à ce titre d’une protection.

(iii) M. Luckman a‑t‑il subi un effet préjudiciable en cours d’emploi?

[24] Oui. Il n’est pas contesté que Bell Canada a mis fin à l’emploi de M. Luckman le 6 décembre 2017. Ce licenciement a eu un effet préjudiciable d’ordre financier, émotionnel et psychologique sur lui.

(iv) Le cancer de M. Luckman a‑t‑il été un facteur dans la décision de Bell de le congédier?

[25] Oui. Le cancer de M. Luckman a été un facteur dans la décision de Bell de le congédier.

L’état de santé de M. Luckman

[26] M. Luckman a déclaré avoir souffert en 2012 d’un cancer qui avait nécessité une intervention chirurgicale. Au moment où il avait commencé à travailler pour Bell en mai 2016, il n’était au courant d’aucun problème de santé lié à son cancer précédent.

[27] M. Luckman a dit qu’il avait commencé à éprouver des symptômes semblables à ceux de la grippe au milieu de 2016. Plus tard, il avait éprouvé des symptômes comme des saignements aux gencives, une conjonctivite et d’autres symptômes semblables à ceux d’une allergie. Lorsqu’il s’est découvert une bosse à l’aine en décembre, il est allé consulter un médecin.

[28] M. Luckman a eu de nombreux rendez‑vous chez le médecin et a subi diverses procédures de dépistage entre décembre 2016 et avril 2017. Il a reçu un diagnostic de récidive du cancer le 8 avril 2017. M. Luckman a dit que Bell savait qu’il avait eu de multiples rendez‑vous médicaux et ne s’était pas opposée à ce qu’il s’y présente.

[29] M. Luckman a déclaré que ses symptômes de cancer pendant cette période avaient eu une incidence sur son travail pour Bell. Il a déclaré qu’il souffrait d’un faible niveau d’énergie, de même que d’irritabilité, de maux d’estomac et de stress, ce qui avait nui à sa concentration et à sa capacité d’accomplir son travail de gestionnaire du développement des entreprises. Il a affirmé que son inconfort physique, son anxiété et ses absences du travail à cause de rendez‑vous médicaux lui avaient causé du stress.

[30] Ce stress avait été exacerbé par le fait qu’il était le seul aidant naturel de son père. Vers la même période où il avait reçu son diagnostic de cancer, son père avait été hospitalisé.

[31] M. Luckman a également indiqué qu’il vivait un stress supplémentaire au travail, car il avait été muté à l’équipe de M. Zankowicz en décembre 2016 et avait eu besoin d’une deuxième [traduction] « mise à niveau » pour apprendre les processus en vigueur dans sa nouvelle équipe, bien qu’il soit demeuré gestionnaire du développement des entreprises. Comme cette question se rapporte également au rendement de M. Luckman, j’y reviendrai en plus grand détail ci-après, lorsque j’aborderai l’explication de l’intimée concernant le congédiement de M. Luckman.

[32] Les parties ont convenu que, malgré les difficultés qu’il rencontrait, M. Luckman n’avait pas officiellement informé Bell de son état de santé et de la détérioration de l’état de son père avant d’envoyer un courriel à M. Zankowicz et à Mme D’Ambrosio le 18 avril 2017.

[33] M. Luckman et M. Zankowicz ne s’entendaient pas, dans leur témoignage, sur la question de savoir si le premier avait fourni, au cours de la période de janvier à avril 2017, une preuve médicale selon laquelle son cancer avait des conséquences sur son travail.

[34] Dans le courriel du 18 avril, M. Luckman avait signalé qu’il ne serait pas au bureau le lendemain. Son père était transféré aux soins palliatifs, et M. Luckman prenait un congé de deuil pour passer du temps avec son père avant qu’il ne décède. M. Luckman avait aussi indiqué que son cancer était de retour. Il avait dit qu’il maîtrisait la situation au travail, mais que la situation était éprouvante pour lui.

[35] Mme D’Ambrosio a répondu qu’il pouvait prendre congé le lendemain. Aucun élément de preuve n’a été présenté selon lequel l’intimée aurait offert ou a même envisagé d’aider M. Luckman à accomplir son travail tout en faisant face à la mort de son père et à son cancer.

[36] Le père de M. Luckman est décédé le 26 avril 2017. Il a pris un congé de deuil de cinq jours approuvé par Bell. Il est ensuite retourné au travail le 1er mai et a travaillé à temps plein en se préparant à transférer ses comptes d’entreprise avant de partir en congé de maladie. Au cours de cette période, M. Luckman a déclaré que Bell ne lui avait pas offert de congé supplémentaire, d’heures de travail flexibles, de travail à distance ou de soutien supplémentaire afin qu’il puisse faire son travail.

[37] Je rejette l’allégation du plaignant relative à la discrimination fondée sur la situation de famille, à savoir l’état de santé de son père. Il s’est écoulé peu de temps entre le moment où M. Luckman a informé Bell de l’état de santé de son père et le décès de ce dernier. Bien que l’état de santé de son père ait indubitablement eu des répercussions négatives pour M. Luckman, en plus d’accroître son stress concernant son rendement au travail, il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve indiquant que cette situation aurait été un facteur dans son congédiement, survenu huit mois plus tard.

Premier congé de maladie de M. Luckman

[38] M. Luckman a pris un congé de maladie le 5 mai 2017 pour recevoir un traitement contre son cancer. Ce congé de maladie est devenu un congé d’invalidité de courte durée (ICD), qui a été approuvé par l’assureur de l’intimée, Manuvie.

[39] Le 17 mai 2017, M. Luckman a subi avec succès une intervention chirurgicale visant à retirer huit ganglions lymphatiques. Il s’agissait là d’une opération lourde, qui exigeait une longue période de convalescence. M. Luckman est resté à l’hôpital quatre jours avant d’obtenir son congé. Par la suite, il avait régulièrement des rendez‑vous de suivi avec son chirurgien, son médecin de famille, son physiothérapeute et son infirmière. Son congé de maladie a été prolongé par son médecin le 16 août, puis le 18 septembre.

Le retour au travail de M. Luckman

[40] M. Luckman a commencé un retour progressif au travail le 1er octobre 2017 dans le cadre d’un plan qui, selon l’intimée, avait été entièrement conçu par Manuvie et ses médecins. Diana Galvis, gestionnaire des ressources humaines de Bell, a confirmé que l’intimée n’avait pas participé à l’élaboration du plan de retour au travail. Le plan prévoyait que M. Luckman travaillerait deux jours non consécutifs la première semaine, puis trois jours non consécutifs la deuxième semaine, puis quatre jours la troisième semaine et 22,5 heures la quatrième semaine. Le retour à une semaine de travail complète était fixé au 10 novembre 2017.

[41] Les témoins de l’intimée ont déclaré que les comptes de M. Luckman avaient continué d’être gérés par Loreena Percy et Stephanie Burrows lorsqu’il était retourné au travail. Bell a déclaré qu’elle ne voulait pas perturber les clients en transférant les comptes à différents gestionnaires du développement des entreprises. La seule tâche particulière que M. Luckman se soit vu confier consistait à travailler avec une équipe à un grand projet de demande de renseignements d’un conseil scolaire de l’Ontario.

[42] M. Luckman a témoigné que, peu de temps après son retour, ses clients avaient appris qu’il était revenu et, selon ses propres mots, l’avaient [traduction] « bombardé » d’appels téléphoniques où ils lui adressaient diverses demandes de renseignements sur leurs comptes. Il a dit que son retour au travail n’a pas été graduel. Il a ajouté qu’il était dépassé par les exigences du travail et qu’il avait dû retourner en congé de maladie.

[43] M. Zankowicz a affirmé qu’il ne savait pas que les clients de M. Luckman communiquaient avec lui ni qu’ils pouvaient même le faire. Il semble n’avoir effectué aucun suivi du retour au travail de M. Luckman, car il a déclaré dans son témoignage que Bell [traduction] « a[vait] sans doute » adhéré au plan de retour progressif au travail de Manuvie.

[44] M. Luckman a précisé qu’à la fin d’octobre 2017, il avait soulevé auprès de M. Zankowicz la question du volume et de la nature de son travail. Mais l’intimée n’a offert aucune mesure d’adaptation à M. Luckman. M. Zankowicz a laissé entendre que M. Luckman pourrait retourner en congé d’ICD.

Cessation d’emploi de M. Luckman

[45] L’avis des parties diverge quant au moment où M. Luckman est retourné au travail après son deuxième congé d’ICD. Ce dernier a affirmé que c’était le 21 novembre 2017. Diana Galvis a déclaré que, selon ses dossiers, M. Luckman était revenu le 10 novembre.

[46] M. Luckman a dit qu’à son deuxième retour au travail, il avait subi les mêmes pressions qu’auparavant. Bell n’avait offert aucune mesure d’adaptation, comme un horaire flexible, du travail à distance ou des ressources supplémentaires. Mme Galvis a quant à elle déclaré que, selon Manuvie, M. Luckman était apte à travailler sans restriction. Il était donc attendu qu’il travaille comme il le faisait avant son congé de maladie en mai.

[47] M. Luckman a indiqué qu’il avait eu l’impression que les membres de la direction, y compris M. Zankowicz et Mme D’Ambrosio, se montraient froids à son égard à son deuxième retour. Il était suffisamment préoccupé par son avenir pour rencontrer M. Zankowicz et lui demander directement si son emploi était assuré. Selon M. Luckman, M. Zankowicz l’avait rassuré sur son avenir chez Bell. M. Zankowicz a confirmé que la rencontre avait eu lieu, mais il a nié avoir donné de telles assurances.

[48] Le 6 décembre 2017, Bell a mis fin à l’emploi de M. Luckman. Dans la lettre envoyée par l’intimée à M. Luckman à la suite d’une réunion au travail, Bell a déclaré : [traduction] « […] en raison de changements dans l’organisation, votre poste est éliminé et vos services ne seront plus requis à compter d’aujourd’hui ».

[49] Mme Galvis a indiqué que Bell procédait à environ deux restructurations par année en raison de mesures de réduction des coûts. Elle a mentionné que Bell a fait l’objet de restructurations à grande échelle en 2017, 2018, 2019 et 2021, bien que Bell n’ait présenté que des éléments de preuve décrivant la restructuration de 2017 qui avait touché M. Luckman.

[50] Mme Galvis a dit que la restructuration de 2017 s’était faite en deux phases, l’une en décembre 2017 et l’autre au début de 2018. Au total, 118 employés de Bell Marchés Affaires (BMA) et huit employés des équipes des réseaux avaient été congédiés au cours de la première phase. M. Luckman était le seul employé de son équipe à avoir été congédié. L’intimée n’a présenté aucune preuve relative aux critères que les gestionnaires devaient utiliser pour sélectionner les employés devant être congédiés pour cause de restructuration.

[51] Le Tribunal ne remet pas en question le jugement de Bell Canada sur le plan des affaires et ne se demande pas si elle aurait dû ou non entreprendre une restructuration d’entreprise. Il cherche plutôt à savoir comment M. Luckman a été sélectionné pour un licenciement, et si la discrimination, en raison de sa déficience ou de sa situation de famille, a été un facteur dans cette sélection.

Explication de l’intimée

[52] Bell Canada nie avoir exercé quelque discrimination que ce soit en congédiant M. Luckman. Mme Galvis a déclaré que M. Luckman avait fait l’objet d’un congédiement non motivé parce que Bell procédait à une restructuration interne au cours de laquelle un certain nombre d’employés avaient été sélectionnés pour répondre aux objectifs de l’intimée de réduire l’effectif. Ce sont les critères à partir lesquels M. Luckman a été sélectionné que j’examinerai plus en détail pour établir s’il y a eu discrimination de la part de l’intimée.

[53] D’un point de vue pratique, la principale question en litige en l’espèce est de savoir si Bell avait un motif non discriminatoire pour congédier M. Luckman. M. Luckman a été congédié peu après son retour d’un congé de maladie. Peu d’efforts ont été déployés pour le réintégrer dans son emploi. Au moment de la restructuration, il a été le seul employé de son équipe à avoir été congédié. En l’absence d’une explication de Bell, il est naturel de penser que sa déficience a été un facteur dans son congédiement. Cependant, je suis conscient que l’obligation de prouver la discrimination demeure celle de M. Luckman.

Rendement de M. Luckman

[54] Dans l’exposé des précisions de l’intimée, il est mentionné que le rendement de M. Luckman ne répondait pas aux attentes. Dans ce document, on signale clairement que son rendement était l’un des critères de sa sélection.

[traduction]

Le plaignant était un employé médiocre qui comptait peu d’ancienneté, qui était sympathique, mais qui présentait aussi un rendement inférieur à des moments où il était apte au travail et n’avait aucune restriction médicale ni aucun besoin de mesures d’adaptation. Par conséquent, son poste a été choisi pour être éliminé, ce dont sa lettre de cessation d’emploi rend compte.

[55] M. Luckman a reçu sa seule évaluation de rendement à la fin de décembre 2016; il s’agissait d’une évaluation pour les sept mois où il avait travaillé chez Bell cette année‑là.

[56] Selon l’exposé des précisions, l’évaluation de rendement de 2016 était divisée en trois sections : l’état global des objectifs, qui portait sur les mesures objectives en ce qui a trait aux ventes et aux cibles; l’état global du leadership, qui concernait les qualités générales liées à l’attitude et au sens de l’initiative; et l’état global du rendement, un mélange des deux catégories précédentes.

[57] Dans son évaluation de rendement de 2016, M. Luckman a été évalué comme suit :

(i) État global des objectifs : Inférieur aux attentes

(ii) État global du leadership : Efficace

(iii) État global du rendement : Répond en partie aux attentes

[58] Tim Harvey a témoigné pour l’intimée en tant que gestionnaire de M. Luckman. Il n’avait pas attribué les cotes de M. Luckman, mais avait procédé à son évaluation de rendement. Même si Bell a qualifié le rendement de M. Luckman d’inférieur aux attentes, M. Harvey a indiqué qu’il n’y avait eu aucun problème sur le plan de son rendement. De l’avis de M. Harvey, le rendement de M. Luckman se situait à un niveau approprié.

[59] En tant qu’employé de longue date de Bell, M. Harvey a déclaré que la plupart des employés, y compris M. Luckman, avaient besoin d’une période de transition de six mois, même s’ils avaient de l’expérience dans l’industrie des télécommunications, pour s’habituer aux processus de Bell. La période de travail visée par l’évaluation correspondait à la période d’adaptation dont, selon M. Harvey, M. Luckman avait besoin.

[60] Les seuls autres éléments de preuve relatifs au rendement étaient des extraits des rapports sur les indicateurs de rendement clé (IRC) que l’équipe des gestionnaires du développement des entreprises utilisait pour faire le suivi des nouveaux contrats et des occasions qui s’offraient à chaque gestionnaire du développement des entreprises. M. Luckman s’approchait toujours du sommet du classement dans les rapports sur les IRC présentés en preuve.

[61] L’intimée a tenté d’expliquer le classement au‑dessus de la moyenne de M. Luckman en disant qu’il avait bénéficié de l’attribution de bon nombre des comptes de M. Zankowicz lorsqu’il avait été muté à son équipe. M. Luckman n’était pas le seul gestionnaire du développement des entreprises à bénéficier d’une acquisition des comptes de M. Zankowicz, mais aucun renseignement n’a été présenté au Tribunal sur le rendement des autres gestionnaires du développement des entreprises.

[62] L’intimée a également présenté en preuve divers courriels provenant de clients ou d’autres employés de Bell pour faire valoir que M. Luckman n’était pas en mesure de s’acquitter de certaines de ses responsabilités de gestionnaire du développement des entreprises, soit de répondre aux demandes de renseignements des clients ou de régler les problèmes des clients avec Bell.

[63] Cependant, lors du contre‑interrogatoire de M. Zankowicz, le Tribunal a été saisi de très peu d’éléments de preuve à l’appui de ce sous-entendu selon lequel M. Luckman était responsable de tels problèmes éprouvés par les clients, ou n’avait pas résolu les problèmes à la satisfaction de ceux-ci.

[64] Je relève qu’encore une fois, il s’agissait de courriels choisis par l’intimée. Aucun courriel n’a été présenté au sujet de problèmes semblables touchant d’autres gestionnaires du développement des entreprises. À mon avis, cette preuve a été soigneusement choisie par Bell pour ternir la réputation de M. Luckman.

[65] J’ai constaté chez l’intimée une tendance à retenir des éléments de preuve et à omettre des faits de manière sélective pour tenter d’expliquer la position au‑dessus de la moyenne de M. Luckman dans le classement des ventes et d’étayer son prétendu rendement inférieur aux attentes.

[66] Voilà qui m’amène à une grave question relative à la preuve qui a fait surface au cours de l’audience. Dans son témoignage, Mme Galvis a fréquemment fait référence aux renseignements sur l’employé sur lesquels elle s’était fondée pour procéder au congédiement. Ces renseignements se trouvent dans la base de données SAP de l’intimée dont l’existence n’a été divulguée qu’à l’audience. L’intimée a déclaré que cette base de données contenait les renseignements personnels des employés et a invoqué le secret professionnel de l’avocat.

[67] J’estime que ces renseignements auraient dû être divulgués avant l’audience. Les renseignements sur la restructuration et les cessations d’emploi qui s’en sont suivies, ainsi que sur le rendement d’autres employés par rapport à M. Luckman, sont potentiellement pertinents. Dans l’affaire Brickner c. GRC, 2017 TCDP 28, aux par. 4 à 10, le Tribunal a déclaré que les parties doivent avoir « la possibilité pleine et entière de faire valoir leurs arguments ». Il faut pour cela que les renseignements pertinents soient divulgués avant l’audience.

[68] Si l’intimée a choisi de revendiquer le privilège, elle aurait dû le faire avant l’audience, conformément aux règles de pratique du Tribunal, et les parties et le Tribunal auraient alors pu traiter de la question.

[69] L’absence de preuve de l’intimée quant au fait que le rendement de M. Luckman indiqué dans les rapports sur les IRC était attribuable aux comptes de M. Zankowicz dont il avait bénéficié m’amène à conclure que son rendement n’était pas inférieur aux normes.

[70] À l’audience et dans ses observations finales, l’intimée a minimisé le rendement de M. Luckman et l’a présenté comme la cause immédiate de son congédiement. Dans ses observations, elle a déclaré ce qui suit : [traduction] « Le plaignant n’était pas un mauvais employé et n’a jamais fait l’objet d’un plan d’amélioration du rendement ou de mesures disciplinaires. Il excellait dans la composante du rôle de gestionnaire de développement des entreprises qui concernait les relations avec les clients, mais il devait s’améliorer sur le plan administratif. »

[71] D’après le témoignage de M. Harvey, celui-ci n’était pas préoccupé par le rendement de M. Luckman. La preuve de M. Zankowicz au sujet du rendement de M. Luckman était constituée de courriels choisis qui exprimaient des préoccupations quant à sa capacité de répondre aux demandes de renseignements des clients. M. Zankowicz a également affirmé qu’ils se rencontraient chaque semaine et que des gestionnaires de développement des entreprises subalternes étaient désignés pour aider M. Luckman dans la gestion des comptes. M. Luckman était le seul gestionnaire de développement des entreprises à recevoir ce soutien.

[72] Loreena Percy était l’une des gestionnaires de développement des entreprises désignées pour aider M. Luckman. Même si elle détenait le même titre que lui, aucun compte ne lui était personnellement attribué. Elle participait au programme d’embauche de diplômés universitaires de Bell, dans le cadre duquel de nouveaux employés sont préparés à occuper des postes de direction, et elle se déplaçait dans l’entreprise pour se familiariser avec les activités.

[73] Dans son témoignage, Mme Percy a parlé du fait qu’elle aidait M. Luckman à accomplir des tâches administratives et qu’elle assistait à ses rencontres hebdomadaires avec M. Zankowicz. Elle a ajouté qu’elle passait plus de temps à aider M. Luckman que les autres gestionnaires de développement des entreprises. Toutefois, son témoignage ne fournissait pas d’autres explications quant à savoir pourquoi l’intimée a choisi de congédier M. Luckman.

Témoignage de Mme D’Ambrosio (explication de la sélection au début de 2017)

[74] Mme D’Ambrosio a témoigné que c’était elle qui avait choisi M. Luckman en novembre 2017 comme membre de l’équipe à congédier. Elle a expliqué que l’intimée lui avait dit de réduire son équipe d’une personne. Elle a affirmé qu’après avoir déjà vécu plusieurs restructurations chez Bell, elle avait en tête M. Luckman en janvier 2017, lorsqu’il avait été affecté à son équipe, en tant que membre le plus susceptible d’être congédié à la prochaine restructuration. Elle n’a présenté aucun élément de preuve corroborant cette affirmation.

[75] Mme D’Ambrosio a passé une grande partie de son témoignage à décrire l’importance que Bell accordait au service à la clientèle et à dire qu’elle avait mis sur pied une équipe hautement performante qui existait depuis environ deux ans et demi. M. Luckman était un employé relativement nouveau, bien qu’il ne soit pas le membre le plus subalterne de l’équipe. Sans l’affirmer explicitement, Mme D’Ambrosio a clairement laissé entendre qu’elle ne considérait pas M. Luckman comme étant en mesure de répondre à ses attentes en tant que membre de l’équipe. À mon avis, elle n’a pas fourni d’explication précise, non discriminatoire et raisonnable pour justifier sa décision de sélectionner M. Luckman en vue d’un congédiement.

[76] Mme D’Ambrosio a déclaré qu’elle avait choisi de ne pas recruter M. Luckman dans son équipe lorsqu’il avait eu sa première entrevue pour le poste de gestionnaire de développement des entreprises. Elle a dit qu’elle n’avait pas choisi de congédier Mme Percy, une subalterne de M. Luckman, parce que les nouveaux diplômés sont rarement inclus dans une restructuration de Bell, puisque Bell consacre beaucoup d’efforts à recruter des diplômés pour de futurs rôles de leadership. Elle n’a pas non plus choisi de congédier Ken Lou, un autre gestionnaire du développement des entreprises qui était également le subalterne de M. Luckman, parce qu’elle l’avait recruté activement pour travailler pour Bell.

[77] Mme D’Ambrosio a nié que la situation de famille, la déficience et le besoin de mesures d’adaptation de M. Luckman aient été des facteurs dans son choix de le congédier. Elle a affirmé que le rendement de M. Luckman n’était pas un prétexte pour son congédiement.

[78] L’explication de l’intimée selon laquelle sa décision de congédier M. Luckman était légale et non discriminatoire ne me paraît pas convaincante.

[79] Si l’intimée avait été en mesure d’établir que le mauvais rendement de M. Luckman était la raison pour laquelle il avait été choisi en vue d’un congédiement, elle aurait pu convaincre le Tribunal que ce rendement était un motif valable et non discriminatoire. Toutefois, la preuve qu’elle a présentée était insuffisante pour appuyer une telle justification. En fait, dans son plaidoyer final, l’intimée a modifié la défense présentée dans son exposé des précisions pour déclarer que le rendement de M. Luckman n’avait nullement été un facteur dans son congédiement.

[80] L’intimée a modifié sa défense dans son plaidoyer final pour affirmer que M. Luckman était prédestiné à être sélectionné pour un licenciement à la prochaine restructuration de Bell, peu importe son rendement ou quelque déficience que ce soit. Cette allégation repose uniquement sur le témoignage de Mme D’Ambrosio selon lequel elle avait constitué une équipe des ventes solide, dont M. Luckman était le membre le plus faible et était par conséquent vulnérable à un congédiement lors de la prochaine restructuration. Elle avait choisi M. Luckman plutôt que d’autres employés moins expérimentés parce qu’elle ne voulait pas de lui dans son équipe dès le départ. Il avait été muté à son équipe; elle ne l’avait pas convaincu de s’y joindre comme elle l’avait fait pour M. Lou.

[81] Lorsque Mme D’Ambrosio a dit à Mme Galvis, à la fin de 2017, qu’elle avait choisi M. Luckman en tant que membre de son équipe à congédier compte tenu de la restructuration, elle était pleinement au courant du décès du père de M. Luckman, du combat de celui-ci contre le cancer et des difficultés qu’il éprouvait à réintégrer le travail au sein de son équipe hautement performante de gestionnaires de développement des entreprises.

[82] J’estime qu’il n’est ni crédible ni raisonnable de prétendre que la déficience de M. Luckman n’a nullement été un facteur dans la décision de Mme D’Ambrosio de le choisir en vue d’un congédiement. Mme D’Ambrosio s’est montrée très axée sur les résultats et le rendement de son équipe pendant son témoignage. Je conclus que Mme D’Ambrosio croyait que M. Luckman ne serait pas en mesure d’atteindre ses normes élevées en raison de son état de santé, qui avait donné lieu à un long congé pour le traitement de son cancer et à un deuxième congé lorsque son retour au travail n’avait pas fonctionné. Elle craignait qu’il ait besoin de congés à l’avenir ou qu’il manque d’énergie au travail, ce qui perturberait le service qu’offrait son équipe à ses clients.

[83] Bell a déclaré que les comptes de M. Luckman ne lui avaient pas été remis à son retour au travail pour éviter de lui causer du stress, et parce que Bell ne voulait pas perturber le service à ses clients. Cette déclaration permet également de conclure que Mme D’Ambrosio pensait pouvoir éviter de perturber les activités et le service à la clientèle de son équipe en le congédiant.

[84] Aucun des autres témoins de l’intimée n’a corroboré son explication. Il n’y a pas non plus de preuve documentaire à l’appui. Je me serais attendu à ce que, en tant que gestionnaire chevronnée de Bell, Mme D’Ambrosio documente ses décisions concernant les membres de l’équipe susceptibles d’être touchés par la prochaine restructuration. Au cours du processus de congédiement, elle n’a pas mentionné à M. Zankowicz ni à Mme Galvis les raisons pour lesquelles elle avait choisi M. Luckman. En l’absence de toute preuve corroborante, l’explication est uniquement destinée à servir les intérêts de Mme D’Ambrosio. Je ne crois pas possible qu’au moment où elle a pris sa décision finale et fait part à Bell de son choix de le congédier, elle ait, consciemment ou inconsciemment, fait abstraction de la déficience physique et mentale de M. Luckman. Je suis d’avis que Mme D’Ambrosio n’est pas crédible sur ce point.

[85] J’estime que l’état de santé de M. Luckman est une considération qui a joué pour Mme D’Ambrosio lorsqu’elle a évalué s’il était toujours utile en tant que membre de l’équipe. Cet état de santé a été un facteur dans sa décision de le choisir en vue d’un congédiement. Dès lors que la déficience de M. Luckman a été un facteur, l’intimée a fait preuve de discrimination à son égard en mettant fin à son emploi, en contravention de l’article 7 de la Loi.

[86] L’explication donnée par l’intimée en l’espèce est subjective et ne repose sur aucune preuve. Le Tribunal ne peut accepter son affirmation selon laquelle ses actes n’étaient pas discriminatoires, mais étaient fondés sur d’autres motifs vagues et non étayés. Son explication semble avoir été concoctée après qu’elle se soit trouvée dans l’impossibilité d’étayer le motif du mauvais rendement de M. Luckman invoqué à l’origine pour justifier le congédiement.

[87] À la lumière de ces conclusions, je considère que M. Luckman a établi l’existence d’une preuve prima facie de discrimination exercée par l’intimée en raison de sa déficience. Je n’accepte pas les explications que cette dernière a avancées pour justifier ses actes. Les parties ont soulevé la question des mesures d’adaptation et, à mon sens, cette question est liée à celle de savoir si la prise ou l’absence de prise de mesures d’adaptation par Bell dans le cadre du retour au travail de M. Luckman démontrait que sa déficience avait joué dans son licenciement. L’intimée n’a pas fait valoir comme argument qu’elle avait mis fin à l’emploi de M. Luckman parce que le fait de continuer à l’employer aurait entraîné pour elle une contrainte excessive, ni qu’il ne pouvait satisfaire à une exigence professionnelle justifiée.

B. Question en litige no 2 : Si la discrimination est établie, à quelles mesures de réparation doit-elle donner lieu?

(i) Aperçu

[88] Ayant conclu que la conduite de l’intimée constituait de la discrimination, je passe maintenant à la question des mesures de réparation appropriées.

(i) Cadre juridique

[89] Si le Tribunal juge qu’une plainte est fondée, il peut imposer à la partie qui s’est livrée à l’acte discriminatoire de verser une indemnité. Les dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la « Loi ») (art. 53) visent à accorder une réparation intégrale à la victime de la discrimination et à la replacer dans la position où elle se trouverait s’il n’y avait pas eu discrimination (Alliance de la fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, 2010 CAF 56, au par. 299, conf. par 2011 CSC 57).

[90] Il doit y avoir un lien de causalité entre la discrimination et la perte alléguée (voir Chopra c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 268 [Chopra], aux par. 32 et 37). Il incombe au plaignant de prouver qu’il est plus probable qu’improbable que ce lien existe.

[91] Le cadre législatif propre à chaque réparation est intégré à l’analyse de chaque demande.

(ii) À quelles mesures de réparation M. Luckman a‑t‑il droit?

Perte de salaire

[92] Le Tribunal peut ordonner d’indemniser la victime de discrimination de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire entraînées par l’acte discriminatoire (art. 53(2)c) de la LCDP). L’objet de l’indemnisation, et par conséquent l’analyse correspondante, se distingue de l’indemnisation pour congédiement injuste et les délais d’indemnisation pour congédiement injuste ne devraient pas être appliqués dans une analyse relative aux droits de la personne (Laronde c. Warren Gibson Ltd., 2003 TCDP 38, au par. 179).

[93] Pour établir une date de fin, le Tribunal doit tenir compte du moment où, après la fin d’une période de grâce, la discrimination subie par la victime a cessé d’avoir un effet sur sa capacité à gagner un revenu (voir Tahmourpour, au par. 47). Il doit y avoir un lien rationnel entre la date de fin d’une période d’indemnisation et le dossier factuel (voir Hughes, aux par. 42 et 72); Canada (Procureur général) c. Morgan, 1991 CanLII 8221 (CAF) [Morgan] aux par. 4 et 16)Un juge de révision doit être en mesure de discerner, de la décision du Tribunal, la raison pour laquelle celui-ci a choisi la date de fin en question (voir Tahmourpour, au par. 47).

[94] En l’espèce, M. Luckman a le droit d’être indemnisé pour le salaire qu’il aurait reçu n’eût été sa cessation d’emploi, soit 91 052,40 $. L’intimée n’a pas contesté le montant demandé. Bell a déclaré, dans son exposé final, que si la restructuration de l’entreprise n’avait pas eu lieu, M. Luckman serait encore un de ses employés. Comme j’ai conclu que le congédiement du plaignant reposait, en partie, sur la discrimination fondée sur sa déficience, il a droit au salaire qu’il a perdu jusqu’au moment où il a trouvé un nouvel emploi.

[95] L’exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal d’accorder une indemnité pour perte de salaire doit obéir à des principes. Le montant de la perte est déterminé par les circonstances de chaque affaire et le Tribunal peut imposer une limite aux pertes causées par l’acte discriminatoire subi (voir Chopra, aux par. 37 et 40). L’un de ces principes est celui de l’atténuation (voir Chopra, au par. 40; Walsh v. Mobil Oil Canada, 2013 ABCA 238 [Walsh], au par. 41).

[96] Je ne puis accepter l’affirmation de l’intimée selon laquelle M. Luckman n’a pas atténué ses pertes. Les faits en l’espèce se distinguent des faits dans les affaires que Bell cite pour laisser entendre que M. Luckman n’a pas suffisamment atténué ses pertes. Même s’il se remet encore de sa chirurgie, M. Luckman a immédiatement mis à jour son curriculum vitæ, a communiqué avec son réseau de contacts, a contacté des recruteurs et a postulé plusieurs emplois. Il a obtenu en novembre 2017 un emploi comparable à son ancien poste chez Bell pour ce qui est du niveau et du salaire. Ces faits distinguent la présente affaire de l’affaire Christoforou c. John Grant Haulage Ltd., 2021 TCDP 15, où le plaignant avait initialement limité sa recherche d’emploi à six appels téléphoniques. La présente affaire ressemble davantage à l’affaire Hughes c Transports Canada, 2018 TCDP 15, dans laquelle le plaignant n’a obtenu que des postes temporaires au cours des neuf années suivant la discrimination. Le défaut de postuler un poste en particulier n’annulait pas les efforts considérables déployés par le plaignant pour atténuer ses pertes (par. 341).

[97] Il n’était pas déraisonnable pour M. Luckman de refuser de saisir les possibilités d’emploi internes chez Bell qui lui avaient été offertes au moment de sa cessation d’emploi. Il était question d’un poste tout à fait différent dans un point de vente au détail de téléphonie mobile. De tels postes n’étaient pas aussi attrayants que ceux qu’il avait déjà postulés. Les emplois chez Cogeco et Cogent mentionnés par Bell ne l’étaient pas non plus, puisque le salaire reposait davantage sur les commissions. M. Luckman n’était pas obligé d’accepter la première occasion qui se présentait à lui alors qu’il avait des chances crédibles d’obtenir des postes mieux rémunérés correspondant davantage à ses compétences et à son expérience.

Préjudice moral

[98] M. Luckman a droit à une indemnité de 15 000 $ pour préjudice moral

[99] Le Tribunal peut ordonner jusqu’à 20 000 $ pour tout préjudice moral subi par M. Luckman en raison de l’acte discriminatoire de l’intimée (art 53(2)e) de la LCDP). Le Tribunal tend à réserver le montant maximal de 20 000 $ aux cas les plus graves ou aux circonstances les plus flagrantes (Grant c. Manitoba Telecom Services Inc., 2012 TCDP 10, au par. 115; Alizadeh‑Ebadi c. Manitoba Telecom Services Inc., 2017 TCDP 36, au par. 213).

[100] Il n’est pas nécessaire que le plaignant fournisse une preuve médicale du préjudice moral subi (McFee c. Chemin de fer Canadien Pacifique, 2019 TCDP 28, au par. 135). M. Luckman a demandé des dommages‑intérêts séparément pour les motifs de la situation de famille et de la déficience. J’ai déjà rejeté plus tôt sa plainte pour discrimination fondée sur sa situation de famille.

[101] Même si j’avais accepté le motif de plainte de la situation de famille, le libellé du paragraphe 53(2) de la LCDP prévoit que :

À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[…]

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

(Non souligné dans l’original.)

[102] Le libellé de l’article indique que le montant que le Tribunal peut accorder au titre du préjudice moral est de 20 000 $ pour l’ensemble de la plainte plutôt que pour chaque motif de distinction illicite. Cette disposition est également conforme à la pratique antérieure du Tribunal. M. Luckman n’a présenté aucun argument ni aucune jurisprudence qui suggérerait une interprétation différente.

[103] Quel est le montant approprié à accorder au titre du préjudice moral? À mon avis, la conduite de Bell était une transgression grave de la Loi. Bell a congédié un employé qui était encore en convalescence après une intervention chirurgicale contre le cancer. Elle n’a pas cherché à savoir si sa déficience continuait de nuire à sa capacité de travailler. En plus de la souffrance physique et du stress découlant de la guérison de son cancer, M. Luckman a été forcé d’endurer l’humiliation d’avoir été congédié et d’être contraint de trouver un nouvel emploi, en plus de tous ses problèmes.

[104] Je considère que la présente affaire se situe à un niveau semblable aux affaires ci‑après et aux dommages‑intérêts accordés par le Tribunal en conséquence. Dans Christoforou c. John Grant Haulage Ltd., 2021 TCDP 15 aux par. 98‑105, les notes du médecin du plaignant mentionnaient des symptômes physiques comme des maux de tête, de l’insomnie, du stress et de l’anxiété en raison d’une situation avec l’employeur. L’employeur avait produit un relevé d’emploi inexact à l’assurance‑emploi. Le plaignant avait 60 ans et travaillait pour l’employeur depuis plus de 30 ans. Il n’y avait eu aucun effort pour tenter de lui offrir des mesures d’adaptation. Le Tribunal lui avait accordé 18 000 $ pour préjudice moral. Toutefois, dans la présente affaire, Bell a congédié M. Luckman sans motif ni indemnité de départ.

[105] Dans McFee c. Chemin de fer Canadien Pacifique, 2019 TCDP 28 aux par. 132‑137, la déficience du plaignant avait été un facteur dans son congédiement. Aucune preuve médicale du préjudice moral n’était requise. Le plaignant avait témoigné au sujet d’un manque de confiance, de préjudices moraux, d’une faible estime de soi, d’humiliation, de stress, de dépression et d’anxiété. Il avait dû emprunter de l’argent à sa tante et à sa mère à la retraite, qui est retournée travailler à temps partiel pour subvenir à ses besoins. Il avait perdu son assurance médicale complémentaire et son assurance dentaire. Il n’avait pas été en mesure de payer une pension alimentaire ou de faire des activités amusantes avec son fils. Le plaignant avait aussi eu recours à l’aide sociale pour la première fois de sa vie. Il avait travaillé pour l’employeur pendant 20 ans. Le Tribunal lui a accordé 15 000 $ pour préjudice moral.

Dommages‑intérêts spéciaux (conduite délibérée ou inconsidérée)

[106] M. Luckman a droit à un montant de 15 000 $ en dommages‑intérêts spéciaux.

[107] Le Tribunal peut ordonner des dommages‑intérêts spéciaux d’un maximum de 20 000 $ s’il conclut que l’intimée s’est livrée à un acte discriminatoire de façon délibérée ou inconsidérée (par. 53(3) de la LCDP).

[108] Les dommages‑intérêts spéciaux sont de nature punitive et visent à dissuader ou à décourager ceux qui se livrent de façon délibérée à des actes discriminatoires. Une conclusion de conduite délibérée exige la présence d’une intention de discriminer et de porter atteinte aux droits d’une personne protégés par la Loi. Par ailleurs, on entend par « acte inconsidéré » celui qui témoigne d’un mépris ou d’une indifférence quant aux conséquences et d’une manière d’agir téméraire ou insouciante (Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2013 CF 113, au par. 155). Une conclusion d’acte inconsidéré n’exige pas de preuve d’intention de discrimination (voir Hughes, au par. 89, citant Collins c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 105, au par. 4, infirmant Canada (Procureur général) c. Collins, 2011 CF 1168, au par. 33).

[109] J’estime que l’intimée a fait preuve d’une conduite inconsidérée plutôt que délibérée lorsqu’elle a choisi de congédier M. Luckman pendant qu’il souffrait d’une déficience.

[110] Étant donné qu’elle avait pour unique souci de maintenir le volume des ventes de son équipe et l’accent mis sur la clientèle, il ne faisait aucun doute dans l’esprit de Mme D’Ambrosio que M. Luckman, en raison de ses limitations d’ordre médical, représentait un risque pour l’atteinte de ses objectifs.

[111] Malgré les processus et les politiques sophistiqués de Bell en matière de ressources humaines, il ne me semble pas que quiconque se soit demandé si le congédiement d’un employé se remettant d’une chirurgie contre le cancer pourrait être discriminatoire. Mme Galvis a témoigné qu’elle avait simplement consulté sa base de données pour y voir que M. Luckman était revenu sans restriction médicales. Mme D’Ambrosio était au courant des restrictions médicales de M. Luckman, mais elle n’en a jamais parlé à qui que ce soit chez Bell pendant le processus de congédiement.

[112] Pour établir le montant de l’indemnité à accorder en l’espèce, j’ai examiné un certain nombre d’affaires comparables, comme Christoforou c John Grant Haulage Ltd., 2021 TCDP 15, dans laquelle l’employeur avait soutenu que le congédiement était attribuable à des considérations de sécurité publique, mais où il avait été conclu qu’il n’avait pas déployé d’efforts sérieux pour offrir des mesures d’adaptation. L’intimé était un employeur averti et conscient de ses obligations. Le Tribunal avait accordé au plaignant 15 000 $ en dommages‑intérêts pour conduite inconsidérée et délibérée.

[113] Dans la décision McFee c. Chemin de fer Canadien Pacifique, 2019 TCDP 28, l’employeur avait omis d’obtenir des renseignements de base avant de procéder au congédiement pour des motifs de rendement. Les principaux décideurs étaient au courant du statut de retour au travail du plaignant et s’étaient opposés dès le départ à son inclusion dans l’équipe. Dans cette affaire, le Tribunal avait également accordé une indemnité de 15 000 $ pour conduite délibérée et inconsidérée.

[114] Dans la décision Lafrenière c. Via Rail Canada Inc., 2019 TCDP 16, l’employeur a fait preuve d’une ignorance délibérée de la déficience du plaignant, a omis d’enquêter raisonnablement sur la déficience lorsqu’il a reçu un billet du médecin et a nié l’existence de la déficience. Il s’agissait d’un employeur aguerri qui aurait dû être mieux informé. Encore une fois, le Tribunal a accordé 15 000 $ pour conduite délibérée et inconsidérée.

Intérêts

[115] Le Tribunal peut accorder des intérêts sur l’indemnité dans son ordonnance (art 53(4) de la LCDP). Tous les intérêts accordés doivent être calculés à taux simple sur une base annuelle en se fondant sur le taux officiel d’escompte fixé par la Banque du Canada (données de fréquence mensuelle). Les intérêts courent de la date où l’acte discriminatoire a été commis jusqu’à la date du versement de l’indemnité (art 9(12) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03‑05‑04) (les « Règles »). Les intérêts calculés sur les montants accordés ne devraient pas amener le montant total de l’indemnité au‑delà du montant maximal prescrit par la LCDP.

[116] M. Luckman a droit à un intérêt calculé à taux simple fondé sur le taux officiel d’escompte moyen fixé par la Banque du Canada. L’intérêt courra à compter de la date à laquelle l’acte discriminatoire a été commis, soit la date du congédiement de M. Luckman, le 6 décembre 2017, jusqu’au versement par l’intimée de l’indemnité ordonnée.

Dépenses

[117] Le Tribunal peut indemniser une victime de la totalité des dépenses qu’elle a engagées en raison d’un acte discriminatoire (art 53(2)d) de la LCDP). L’accent est mis sur les coûts engagés pour le recours à d’autres biens ou services — peut‑être de sa poche ou à un coût plus élevé — que ceux que le plaignant aurait autrement reçus de l’intimée. Ces coûts peuvent comprendre les frais médicaux (p. ex., Christoforou c. John Grant Haulage Ltd., 2021 TCDP 15, aux par. 89‑90). Ils n’incluent toutefois pas les frais juridiques (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2011 CSC 53 [Mowat]).

[118] La somme de 30 000 $ demandée par M. Luckman pour les dépenses nécessaires pour présenter la plainte n’est pas accordée.

VI. Ordonnance

[119] La demande de M. Luckman pour perte de salaire est accueillie; j’ordonne donc à l’intimée de lui verser 91 052,40 $ au titre de la perte de salaire. De plus, M. Luckman a droit à 15 000 $ au titre du préjudice moral et à 15 000 $ pour la conduite délibérée ou inconsidérée de l’intimée. Les intérêts s’appliquent à tous ces montants.

Signée par

Alex G. Pannu

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 31 mai 2022

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2461/1820

Intitulé cause : Glenn Luckman c. Bell Canada

Date de la Décision du Tribunal : Le 31 mai 2022

Date et lieu de l’audience : 31 mai au 4 juin et 30 août 2021

Par vidéoconférence

Comparutions :

Craig Colraine et Olivia Mann‑Foster, pour le plaignant

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

David S. Alli, pour l’intimé

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