Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 TCDP 7

Date : le 14 mars 2022

Numéro du dossier : T2407/6619

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Earl Ka-Nowpasikow (Earl Andrew)

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Nation crie de Poundmaker

l’intimée

Décision sur requête

Membre : George E. Ulyatt

 


I. La requête

[1] L’intimée, la Nation crie de Poundmaker, a présenté une requête en vue d’obtenir le rejet de la plainte dans son intégralité au titre de l’article 9 des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne (2021), DORS/2021-137 (les « Règles de pratique »). Cet article dispose :

9. Si une partie omet de se conformer aux présentes règles, à une ordonnance de la formation ou à un délai fixé sous le régime des présentes règles, la formation peut, eu égard aux circonstances, de sa propre initiative ou sur requête d’une autre partie, ordonner à la partie de remédier à l’omission, continuer l’instruction de la plainte, rejeter la plainte ou rendre toute autre ordonnance qui respecte le principe énoncé à la règle 5.

II. Le contexte procédural

[2] Le 9 janvier 2018, Earl Ka-Nowpasikow a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « CCDP ») contre la Nation crie de Poundmaker dans laquelle il allègue avoir été victime de discrimination relativement à la fourniture de logements sur la réserve de la Nation crie de Poundmaker. Le 15 juillet 2019, la CCDP a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction. L’instruction de la plainte a duré dix jours, entre le 16 août 2021 et le 14 septembre 2021.

[3] Le dernier jour de l’instruction, le Tribunal a ordonné aux parties de présenter par écrit leurs arguments finaux selon l’échéancier suivant :

  1. Les arguments écrits du plaignant devaient être présentés au plus tard le 26 octobre 2021.
  2. Les arguments écrits de l’intimée et de la CCDP devaient être déposés au plus tard le 23 novembre 2021.
  3. La réplique du plaignant devait être déposée au plus tard le 7 décembre 2021, le cas échéant.

[4] Le plaignant n’a pas respecté cet échéancier, ce qui a entraîné la série d’événements suivants :

  1. Le 25 octobre 2021, avec le consentement des parties, le Tribunal a accordé au plaignant une prorogation de deux semaines pour lui permettre de déposer ses arguments finaux au plus tard le 9 novembre 2021, ainsi qu’une prorogation correspondante aux autres parties pour le dépôt de leurs propres arguments finaux.
  2. Le 16 novembre 2021, le plaignant a demandé, par courriel, une autre prorogation de deux semaines afin de pouvoir déposer ses arguments finaux le 23 novembre 2021, mais n’a pas mis l’intimée en copie du courriel (le « courriel du 16 novembre »).
  3. Le même jour, l’intimée a informé les parties et le Tribunal qu’elle s’opposait à une autre prorogation et qu’elle comptait demander le rejet de la plainte au titre de l’article 9 des Règles de pratique.
  4. Lors d’une conférence de gestion préparatoire tenue le 19 novembre 2021, le Tribunal a discuté avec les parties de la requête en vue d’obtenir le rejet de la plainte, a fixé les échéances pour la signification et le dépôt des observations des parties au sujet de la requête et a confirmé avec les parties que le plaignant n’avait pas l’intention de déposer d’autres arguments finaux, à l’exception d’une réplique, au besoin, et l’intimée a préféré déposer ses arguments finaux après la résolution de la requête.
  5. Le 26 novembre 2021, après avoir reçu le résumé de la conférence de gestion préparatoire, l’intimée a indiqué au greffe qu’elle n’avait pas reçu copie du courriel du 16 novembre.
  6. Le même jour, le greffe a informé toutes les parties que l’intimée n’avait pas reçu copie du courriel du 16 novembre et a joint une copie du courriel.
  7. Par conséquent, les arguments finaux de l’intimée et de la CCDP ainsi que toute réplique n’ont pas encore été déposés.

III. Les positions des parties

[5] L’intimée demande le rejet de la plainte dans son intégralité. Elle fait valoir que le plaignant :

  1. n’a pas respecté les échéances fixées par le Tribunal pour la signification et le dépôt des arguments finaux, soit le 26 octobre 2021 et le 9 novembre 2021;
  2. ne l’a pas mise en copie du courriel du 16 novembre;
  3. n’a pas répondu aux communications du Tribunal datées du 10 et du 12 novembre 2021 et portant sur le fait qu’il n’avait pas respecté l’échéance du 9 novembre 2021 pour le dépôt de ses arguments finaux.

[6] Le plaignant et la CCDP demandent le rejet de la requête.

[7] Le plaignant fait valoir que les Règles de pratique sont assujetties à la considération primordiale énoncée à l’article 5 :

5. Les présentes règles sont interprétées et appliquées de façon à permettre de trancher la plainte sur le fond de façon équitable, informelle et rapide.

[8] Le plaignant mentionne qu’il a corrigé son retard en déposant ses arguments finaux le 18 novembre 2021 et en les signifiant aux autres parties le 26 novembre 2021. Il affirme qu’il a omis involontairement de mettre les autres parties en copie lorsqu’il a déposé sa nouvelle demande de prorogation de délai le 16 novembre 2021.

[9] Le plaignant ajoute que la demande devrait être évaluée dans le contexte de l’ensemble de l’instance et des actes des parties relativement au déroulement de l’instance.

[10] Le plaignant estime que le retard n’a causé aucun préjudice à l’intimée, mais qu’il subirait un grave préjudice si l’affaire était rejetée à un stade aussi tardif en raison d’une erreur involontaire à l’égard de sa correspondance et du léger retard dans la signification et le dépôt des observations.

[11] La CCDP a présenté deux critères relatifs aux requêtes en vue d’obtenir le rejet de la plainte, qui sont résumés dans la décision Chisholm c. Halifax Employers Association, 2019 TCDP 38, aux paragraphes 18 et 19 :

Selon ce qu’on a appelé le « critère classique » applicable dans les cas de rejet pour cause de retard, le décideur doit déterminer 1) s’il y a eu un retard excessif; 2) si le retard est inexcusable; et 3) si les défendeurs sont susceptibles de subir un grave préjudice en raison de ce retard. [...]

La deuxième approche est exposée aux paragraphes 16 à 18 de la décision Seitz c. Canada [...] Pour suivre cette approche, le Tribunal doit se demander si le plaideur n’a « te[nu] absolument aucun compte » des délais et des règles que le Tribunal a établis : c’est-à-dire du fait qu’une action est laissée trop longtemps dormante et que le plaideur ne semble pas avoir l’intention de clore le dossier. Ce défaut ne doit pas seulement être jugé à la lumière du préjudice causé aux plaideurs, mais aussi de l’abus de la justice, ce qui est distinct du préjudice causé par un retard excessif et inexcusable. Ce genre d’affaires peut donner lieu à une conclusion d’abus de procédure.

[12] La CCDP soutient que, dans son évaluation de la requête en vue d’obtenir le rejet de la demande, le Tribunal doit soupeser les faits de l’affaire, la nécessité de l’efficacité et de l’économie, les préjudices, l’importance de donner un caractère définitif aux plaintes pour atteinte aux droits de la personne ainsi que l’obligation d’équité envers toutes les parties. La CCDP estime qu’il demeure dans l’intérêt public de trancher la plainte sur le fond pour les raisons suivantes :

  1. un nombre considérable de ressources ont déjà été utilisées, dont la tenue d’une instruction complète;
  2. les irrégularités procédurales ont été corrigées;
  3. le retard est léger;
  4. l’intimée ne subit aucun préjudice;
  5. le plaignant pourrait subir un grave préjudice.

IV. Analyse

[13] Le paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C (1985), ch. H-6, dispose : « L’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique. »

[14] Selon l’un ou l’autre des critères mentionnés dans la décision Chisholm, la prépondérance des facteurs est favorable à la poursuite de l’instruction de la plainte sur le fond. Le rejet d’une plainte pour cause de retard est une mesure de réparation sévère qui doit être appliquée avec prudence. Dans la présente affaire, les retards dans le dépôt des arguments et l’envoi du courriel à la CCDP ont été légers et ont été corrigés. L’instruction est déjà terminée, sous réserve du dépôt des arguments finaux de l’intimée et de la CCDP et d’une réplique du plaignant, le cas échéant. L’intimée n’a pas donné de détails concernant tout préjudice subi. Le retard et l’erreur à l’égard de la mise en copie du courriel ne sont pas suffisamment importants pour que le Tribunal infère l’existence d’un préjudice pour l’intimée ou conclue que la conduite du plaignant constitue une menace pour l’administration de la justice.

V. La décision sur requête

[15] La requête de l’intimée est rejetée.

[16] L’intimée et la CCDP déposeront par écrit leurs arguments finaux au plus tard le 29 mars 2022.

[17] Le plaignant déposera sa réplique finale au plus tard le 21 avril 2022.

Signée par

George E. Ulyatt

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 14 mars 2022


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2407/6619

Intitulé de la cause : Earl Ka-Nowpasikow (Earl Andrew) c. Nation crie de Poundmaker

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 14 mars 2022

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Eldon B. Lindgren, c.r. , pour le plaignant

Brittany Tovee , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Deanne Kasokeo , pour l’intimée

 

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