Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2022 TCDP 16

Date : le 9 mai 2022

Numéro du dossier : T2387/4619

Entre :

Lucyna Loboda

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Compagnie des chemins de fers nationaux du Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre(s) : Gabriel Gaudreault

 



I. Contexte de la demande

[1] Il s’agit d’une décision traitant de la demande de la plaignante, Mme Lucyna Loboda, de suspendre la procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (« Tribunal ») jusqu’au 1er novembre 2022 en raison de sa condition médicale.

[2] Le 24 mars 2017, Mme Loboda a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (« Commission ») contre son ancien employeur, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (« partie intimée ») au titre de l’article 7 de la Loi canadienne de droits de la personne (« Loi » ou « LCDP »). La plainte a été renvoyée au Tribunal le 17 juin 2019 pour son instruction.

[3] Le Tribunal et les parties sont toujours à l’étape de la divulgation au préalable des documents potentiellement pertinents au litige. Le Tribunal a rendu une récente décision le 4 novembre 2021 ordonnant à la plaignante de divulguer différents documents recherchés par la partie intimée (voir Lucyna Loboda c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2021 TCDP 40).

[4] Le 23 décembre 2021, la Commission a informé le Tribunal et la partie intimée que Mme Loboda faisait face à des problèmes de santé affectant sa capacité à poursuivre la procédure. Me Hudson, avocate de la Commission, a fait part de la demande de la plaignante de suspendre la procédure pour un futur prévisible, demande confirmée par Mme Loboda dans un court courriel le 24 décembre 2021.

[5] Plusieurs échanges ont eu lieu entre le Tribunal et les parties. Le Tribunal a consigné l’évolution de la procédure dans deux directives faisant partie intégrante du dossier officiel du Tribunal, l’une étant datée du 21 janvier 2022 et l’autre, du 10 mars 2022.

[6] Le 15 avril 2022, le Tribunal a finalement eu en mains l’entièreté des représentations des parties quant à la demande de suspension de procédure faite par la plaignante. Il est désormais en mesure de trancher cette demande.

II. Décision

[7] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal accorde partiellement la demande de Mme Loboda et ordonne la suspension de la procédure jusqu’au 1er août 2022.

[8] Le Tribunal émet également d’autres ordonnances qui sont consignées à la partie V de la présente décision.

III. Fondements juridiques

[9] Tout d'abord, il est incontesté que le Tribunal a la compétence afin de suspendre l'instruction de sa plainte (Laurent Duverger c. 2553-4330 Québec inc. (Aéropro), 2018 TCDP 5 (CanLII) [Duverger]; Williams c. Banque de Nouvelle-Écosse, 2021 TCDP 24 (CanLII), au par. 30 [Williams])

[10] Il est également reconnu qu’une suspension des procédures ne devrait être accordée que dans des circonstances exceptionnelles (Duverger, au par. 71; Bailie et al. c. Air Canada et Association des pilotes d’Air Canada, 2012 TCDP 6 (CanLII), au par. 22; Williams, au par. 34).

[11] Dans l’affaire Duverger, le Tribunal a adopté le critère de « l’intérêt de la justice » lorsqu’il analyse de telles demandes. Ce critère lui permet d'effectuer un examen plus large des considérations relatives à la demande de suspension de l’instruction.

[12] Sont inclus dans ces considérations non seulement les principes de justice naturelle, d'équité procédurale et de célérité énoncés au paragraphe 48.9 (1) de la LCDP, mais également toutes les autres considérations pertinentes qui s’imposent dans les circonstances, incluant notamment celles prévues dans l’affaire RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), 1994 CanLII 117 (CSC) (c’est-à-dire l’existence d’une question sérieuse de fait ou de droit à juger, le préjudice irréparable et la prépondérance des inconvénients).

[13] L'approche de « l'intérêt de la justice » permet ainsi au Tribunal d'évaluer de façon raisonnable et souple tous les facteurs qui sont applicables et pertinents dans les circonstances d'une telle demande et permet de pondérer les intérêts de chaque partie incluant l'intérêt du public à ce que les plaintes en matière des droits de la personne soient instruites avec célérité (Duverger, au par. 51; Hughes c. Transports Canada, 2020 TCDP 21 (CanLII), au par. 21).

[14] C'est en gardant ces principes à l'esprit que le Tribunal analysera la demande de suspension de la plaignante.

IV. Analyse

[15] La plaignante a déposé le 17 mars 2022 des représentations au soutien de sa demande de suspension des procédures. Elle y explique avoir fait face à des problèmes de santé dans les derniers mois qui se sont aggravés au point qu’elle ait de la difficulté à prendre soin d'elle-même. Elle ajoute avoir également fait le deuil de certains membres de sa famille proche et élargie ce qui aurait affecté son état de santé.

[16] Au soutien de sa demande, la plaignante a aussi fourni une lettre de sa médecin de famille, la Dre Oksana Boychuk, dans laquelle celle-ci explique que Mme Loboda est sous ses soins et qu'en raison de son état de santé, il est conseillé qu'elle soit excusée de sa participation dans la procédure du 11 mars 2022 au 1er novembre 2022.

[17] La partie intimée s'oppose à la demande de la plaignante et le Tribunal peut résumer ses arguments de la manière suivante :

  • Les procédures devant le tribunal doivent être conduites de manière expéditive et les demandes en suspension de procédure ne doivent être accordées que dans des circonstances exceptionnelles;

  • Depuis août 2019, la procédure a subi des délais importants en raison de problèmes liés à la divulgation de documents et à l’annulation conséquente de l’audience à deux occasions;

  • Sept années se sont écoulées depuis le dépôt de la plainte et la divulgation des documents potentiellement pertinents au litige n'est pas encore terminée – les retards occasionnés affectent l’équité de la procédure et la capacité de la partie intimée à se défendre;

  • Plus l’audience est retardée, plus l’impact et le préjudice potentiels pour la partie intimée sont grands. La preuve et les témoins peuvent également devenir indisponibles en raison du passage du temps.

  • Suivant l'ordonnance du Tribunal datée du 4 novembre 2021, rien n'indique que des démarches ont été prises par la plaignante afin de récupérer les documents en question, ce qui pourrait occasionner d’autres retards.

  • La preuve médicale soumise ne permet pas d'établir les limitations de la plaignante, en quoi elles affectent sa capacité à participer à la procédure du Tribunal ni comment la procédure affecte son état de santé;

  • Il faut pondérer la preuve médicale fournie au regard du principe de la célérité de la procédure tout en tenant compte de l'utilisation efficace du temps requis par toutes les parties;

  • La preuve médicale fournie est vague et nébuleuse et elle ne justifie pas de suspendre la procédure jusqu’en novembre 2022;

  • La perte par la plaignante de membres de sa famille ne constitue pas non plus une circonstance exceptionnelle, tout comme le stress, l'anxiété, les coûts, le temps et l'énergie sont des inconvénients inhérents à la participation à des procédures judiciaires et n’occasionnent pas nécessairement un préjudice irréparable justifiant une suspension;

[18] Le Tribunal note que la partie intimée offre cependant un compromis : elle consentirait à ce que la procédure soit ajournée jusqu'au 30 juin 2022. Pendant ce temps, la plaignante pourrait entamer des démarches afin de récupérer les documents dont la divulgation a été ordonnée par le Tribunal dans sa décision du 4 novembre 2021, si cela n’a pas déjà été fait. À l'expiration de ce délai, une téléconférence permettrait d'établir les délais relatifs à la divulgation des documents manquants et de fixer les dates de l’audience.

[19] Le Tribunal résume les arguments principaux de la Commission de la manière suivante :

  • Elle ne s'oppose pas à la demande de la plaignante;

  • Mme Loboda a confirmé que son état de santé s’est détérioré dans les derniers mois et elle a fourni les détails nécessaires au soutien de sa demande, comme requis par le Tribunal;

  • Son état de santé et les effets notamment du stress et de l’anxiété ne sont pas que de simples inconvénients. La plaignante a détaillé son état de santé dans son exposé des précisions;

  • La plaignante est atteinte de la maladie de Graves occasionnant chez elle une perte de poids involontaire, des palpitations cardiaques, des tremblements, une faiblesse musculaire, une perte de cheveux, un goitre et de l’ophtalmopathie.

  • Son anxiété lui cause des attaques de panique, de la nervosité, des difficultés à penser clairement, de l’hyperventilation et de fortes transpirations.

  • Sa dépression suscite chez elle le désespoir, une perte de concentration, de l’insomnie ou du sommeil excessif, de l’irritabilité, de la fatigue et des idéations suicidaires;

  • Bien que la médecin traitante ne détaille pas spécifiquement dans sa lettre la condition médicale de Mme Loboda, le fait qu’elle recommande une suspension de la procédure en raison l’état de santé de celle-ci conjugué à la description qu’elle a offerte de sa condition médicale sont révélateurs des difficultés dont la plaignante doit faire face;

  • La partie intimée n’a pas démontré que de la preuve pourrait être perdue ou que des témoins seraient affectés négativement par le passage du temps et la durée de la suspension recherchée par la plaignante lui permettra de se concentrer sur sa santé.

[20] Le Tribunal a autorisé l’intimée à fournir des représentations additionnelles. Dans ces représentations, elle reprend l’essentiel de ses arguments faits dans sa réponse principale et ajoute les arguments suivants

  • Les détails sur la condition médicale de Mme Loboda tels que décrits par la Commission n’ont pas été fournis par la plaignante elle-même et ne sont pas non plus supportés par la lettre de la Dre Boychuk;

  • La condition médicale de la plaignante, à ce jour, n’a pas été prouvée, citant la décision Syncrude Canada Ltd. v. Saunders, 2015 ABQB 237 de la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta;

  • Les détails de la condition médicale de la plaignante sont tirés d’un exposé des précisions relatant des problèmes de santé datant de plusieurs années et la seule preuve médicale objective disponible à ce jour est celle offerte par la médecin de la plaignante.

[21] Dans sa réplique, la plaignante ajoute les observations suivantes :

  • Elle n’a pas l’énergie voulue pour fournir de longues représentations comparables à celle de la partie intimée et comme elle a déjà de la difficulté à prendre soin d’elle-même, elle ne peut produire des représentations de plus grande qualité;

  • La lettre de sa médecin ne contient pas de détails parce que celle-ci lui aurait dit que ce type de lettre n’en contient généralement pas. Cependant, si le Tribunal nécessite plus de détails, la plaignante consent à ce qu’il communique avec sa médecin;

  • Elle a plusieurs symptômes liés à la maladie de Graves, comme il est décrit dans son exposé des précisions, elle est atteinte d’anxiété et de dépression, et la sévérité de ses symptômes varie;

  • Elle a d’autres problèmes de santé non décrits qui pourraient appuyer sa demande de suspension, mais ne veut pas les divulguer à la partie intimée, étant soucieuse de sa vie privée et de son intimité qui sont des enjeux dans le dossier;

  • Elle consent à divulguer ces nouveaux problèmes de santé uniquement au Tribunal;

  • Le compromis de la partie intimée n’est pas une vraie suspension puisqu’elle devra continuer à faire les démarches pour récupérer les documents recherchés et il ne prend pas sérieusement en compte la recommandation de son médecin;

  • Elle veut plus que tout résoudre ce dossier, qui a affecté sa santé, ses relations et ses finances et n’a pas pour intention de causer préjudice à la partie intimée;

[22] Maintenant que le Tribunal a résumé la position de chaque partie, il peut déterminer s’il est dans l’intérêt de la justice de suspendre la procédure jusqu’au 1er novembre 2022, comme demandé par Mme Loboda.

[23] Le Tribunal est conscient que la LCDP requiert que les plaintes doivent être instruites de la manière la plus expéditive possible (paragraphe 48.9(1) de la LCDP). L’intérêt du public commande également que les plaintes en discrimination soient traitées le plus rapidement possible (Bell Canada v. Communication, Energy and Paperworkers Union of Canada, 1997 CanLII 4851 (FC)).

[24] Le Tribunal doit aussi être guidé par les principes de justice naturelle. Il doit tenir compte du droit de la plaignante d’être entendue et de participer pleinement à l’instruction de sa plainte et de pouvoir présenter des éléments de preuve et des observations en temps opportun, ce qui est notamment prévu au paragraphe 50(1) de la LCDP. Corollairement, le Tribunal reconnait que la partie intimée a aussi le droit à une procédure expéditive.

[25] À cette étape-ci de la procédure, le Tribunal estime qu’il détient suffisamment d’éléments lui permettant de conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la participation de Mme Loboda dans la procédure est compromise en raison de ses problèmes de santé et qu’il est nécessaire de lui offrir du temps afin qu’elle puisse se rétablir.

[26] Il faut noter que le Tribunal est en accord avec une portion de la position de la partie intimée : il est vrai que Mme Loboda aurait pu fournir plus de détails sur sa condition médicale. Effectivement, il aurait été tout à fait convenable pour la Dre Boychuk de fournir des précisions sur son état de santé et de détailler les limitations qui l’affectent. La Dre Boychuk aurait pu le faire sans offrir plus d’informations qu’il n’aurait été nécessaire d’offrir au Tribunal et aux autres parties, tout en nous permettant de bien cerner les enjeux de santé de Mme Loboda. Il suffit d’avoir l’information nécessaire et utile sans non plus s’ingérer sans limites dans les sphères de la vie privée de la plaignante.

[27] Le Tribunal comprend également que la partie intimée ne conteste pas que la plaignante fait face à des difficultés de santé. À cet effet, et bien que la lettre de la Dre Boychuk soit lacunaire à ce sujet, Mme Loboda a tout de même offert de plus amples renseignements sur son état de santé dans sa réplique. Les informations qu’elle a fournies ne paraissent pas frivoles et ne peuvent être écartées par le Tribunal, bien qu’elles ne soient pas non plus fortement détaillées.

[28] Mme Loboda a confirmé ne pas avoir l’énergie voulue pour fournir des représentations détaillées au soutien de ses prétentions et qu’elle vit avec les symptômes liés à la sa maladie de Graves tel que décrit dans son exposé des précisions (et repris par la Commission – il n’est pas nécessaire de les reprendre ici), en plus de faire de l’anxiété et d’être atteinte de dépression.

[29] Au surplus, le Tribunal constate que la participation de Mme Loboda est devenue difficile dans les derniers mois, lui-même ayant eu beaucoup de mal à entrer en communication avec elle entre novembre 2021 et février 2022.Mme Loboda avait pourtant toujours participé à la procédure du Tribunal depuis son commencement en juin 2019. Nul ne peut nier que son absence soudaine en novembre 2021 était inhabituelle.

[30] Le Tribunal estime qu’il n’est pas nécessaire, à ce stade-ci, d’avoir une preuve médicale plus complète pour tirer la conclusion que la participation pleine et entière de Mme Loboda dans la procédure est compromise en raison de son état de santé. Le Tribunal détient suffisamment d’information pour conclure en ce sens.

[31] De plus, bien que le Tribunal soit sensible aux arguments de la partie intimée, il est d’avis que les effets des délais sur la procédure elle-même sont incertains. La preuve ne révèle pas non plus clairement dans quelle mesure la capacité de la partie intimée à se défendre, comme elle le soutient, en serait affectée.

[32] Il est vrai que des délais trop longs peuvent devenir abusifs, mais le Tribunal n’a pas entendu d’arguments à cet effet et rien de permet de conclure à ce stade-ci à l’existence d’un abus en raison des délais. Au surplus, si la plainte de Mme Loboda a été déposée à la Commission en mars 2017, la procédure devant le Tribunal en est une complètement nouvelle. Le Tribunal a été saisi de l’affaire en juin 2019 et rien dans ce qui a été présenté par la partie intimée dans le cadre de la présente requête ne permet au Tribunal de conclure à ce moment-ci que des éléments de preuve, testimoniale ou documentaire, pourraient être perdus ou détruits, ou que des témoins seraient négativement affectés par le prolongement de la procédure. Le Tribunal n’est pas non plus en mesure de conclure à l’existence d’un préjudice irréparable sur la foi des arguments fournis par la partie intimée.

[33] Néanmoins, le Tribunal convient que le temps est un facteur important. Il veut s’assurer que la procédure pourra éventuellement se poursuivre efficacement afin qu’il puisse décider au fond de l’affaire (article 52 de la LCDP) le plus rapidement possible (paragraphe 48.9(1) de la LCDP).

[34] Il n’est donc pas prêt à accorder une suspension des procédures jusqu’au 1er novembre 2022 sans recevoir d’information médicale supplémentaire de la part de Mme Loboda au soutien d’une suspension aussi longue. Le Tribunal entend la partie intimée lorsqu’elle plaide un compromis et il doit s’assurer que les intérêts de celle-ci soient également préservés.

[35] Au vu de ce qui précède, le Tribunal conclut qu’il est justifié, raisonnable et dans l’intérêt de la justice, de suspendre les procédures jusqu’au 5 août 2022, ce qui constitue quatre mois de suspension de la procédure depuis le dépôt de la réplique de Mme Loboda datée du 15 avril 2022.

[36] Le Tribunal pourrait permettre une extension de la suspension des procédures jusqu’au 1er novembre 2022 si les circonstances le justifient.

[37] Une demande d’extension de la suspension des procédures jusqu’au 1er novembre 2022, si elle est présentée, devra être appuyée par une preuve médicale supplémentaire de la part de Mme Loboda et de sa médecin, la Dre Boychuk, ou d’un autre médecin traitant. À cette occasion, Mme Loboda, par l’entremise de son médecin traitant, devra impérativement fournir des informations détaillées qui répondront aux questions suivantes :

  • Quelles sont précisément les conditions médicales dont souffre Mme Loboda et qui lui créent des limitations fonctionnelles l’empêchant de participer à la procédure du Tribunal? Veuillez détailler ces limitations;

  • Est-ce que ces limitations perdureront à court, moyen ou long terme? Veuillez justifier;

  • Est-ce qu’une suspension de la procédure au 1er novembre 2022 est nécessaire et pourquoi? Sera-t-elle suffisante pour que Mme Loboda puisse se rétablir et participer à l’audience du Tribunal à son expiration?

  • Dans la négative, quelle est l’expectative de rétablissement de Mme Loboda? Sera-t-elle en mesure de participer à la procédure du Tribunal dans un avenir proche? Si oui, dans quel délai?

  • Existerait-il une autre manière de s’assurer de la participation de Mme Loboda à la procédure? Existe-t-il des accommodements, des mesures d’adaptation qui pourraient être mis en place et qui pourrait aider sa situation? Si oui, veuillez détailler lesquels?

[38] Il est important, non seulement pour Mme Loboda, mais également pour son médecin traitant qui devra fournir les informations demandées par le Tribunal, de comprendre que lorsque les procédures reprendront, le Tribunal s’attend à ce que la plaignante participe pleinement au déroulement de l’instruction. Notre procédure en est une quasi judiciaire, qui ressemble beaucoup à celle d’une cour de justice. Mme Loboda devra participer à des téléconférences de gestion d’instance, compléter la recherche extensive de documents, préparer des représentations en cas de requête et se préparer pour l’audience qui durera plusieurs jours et inclura le dépôt de la preuve documentaire et testimoniale, les interrogatoires et contre-interrogatoires, la gestion d’objections ainsi que la préparation d’arguments oraux ou écrit.

[39] Cela étant précisé, le Tribunal invite Mme Loboda et son médecin traitant à lui fournir toutes informations nécessaires et additionnelles qu’elles jugent opportunes et nécessaires afin qu’il puisse rendre une décision éclairée sur une demande d’extension de la suspension de procédure.

[40] Enfin, Mme Loboda a mentionné souffrir de nouveaux problèmes de santé qui pourraient justifier sa demande en suspension de procédure, mais elle refuse que la partie intimée en soi informée. Cependant, elle accepterait de transmettre l’information uniquement au Tribunal.

[41] Malheureusement, bien que le Tribunal soit sensible à une telle demande, il ne peut y donner suite, et ce, pour des raisons évidentes de justice naturelle et d’équité procédurale. Si Mme Loboda estime souffrir de problèmes de santé qui peuvent soutenir sa demande et ses prétentions, il est de sa responsabilité de les alléguer et d’en faire la preuve. Corollairement, les autres parties ont le droit de connaitre les arguments de Mme Loboda et la preuve à leur appui, et bien entendu, d’avoir l’occasion d’y répondre.

[42] Si la plaignante désire que certaines informations au soutien de sa demande demeurent confidentielles, il lui est loisible d’en demander la confidentialité conformément à l’article 52 de la LCDP. Si le Tribunal reçoit une telle demande, il entendra les parties, évaluera la preuve présentée et tranchera la question eu égard aux circonstances et au droit applicable.

[43] Finalement, la partie intimée a mentionné que malgré une suspension des procédures, la plaignante pourrait tout de même faire des démarches afin de récupérer les documents dont la divulgation a été ordonnée par le Tribunal dans son ordonnance du 4 novembre 2021. L’objectif demeure celui de l’efficacité et de la célérité.

[44] Le Tribunal n’est pas d’accord avec cette demande. Une suspension des procédures demeure une suspension des procédures, c’est-à-dire qu’elle entraîne l’arrêt temporaire de l’instruction de la plainte (Duverger, au par. 26). Lorsque le Tribunal suspend sa procédure, le dossier s’arrête tant pour le Tribunal que pour les parties au dossier jusqu’à ce que la suspension soit levée.

[45] Dans le cas qui nous concerne, la suspension de la procédure vise à permettre à Mme Loboda de se rétablir. Lui ordonner de continuer à travailler dans son dossier alors que la procédure est suspendue déjouerait l’objectif même de la suspension. Avec optimisme, le rétablissement de Mme Loboda se fera dans un avenir rapproché et elle pourra alors revenir en force à la procédure. Le Tribunal et les parties pourront alors finaliser les questions relatives à la divulgation et, espérons-le, régler toute autre question de procédure et fixer les dates de l’audience.

V. Ordonnances

[46] Pour tous les motifs qui précèdent, le Tribunal estime qu’il est dans l’intérêt de la justice de suspendre la procédure jusqu’au 5 août 2022 afin de permettre à la plaignante de se rétablir.

[47] Si la plaignante nécessite une extension de la suspension jusqu’au 1er novembre 2022, elle devra fournir les détails supplémentaires demandés sur son état de santé, et ce, au plus tard le 5 août 2022, énoncés aux paragraphes 37 à 39 de la présente décision.

Signée par

Gabriel Gaudreault

Membre(s) du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 9 mai 2022

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2387/4619

Intitulé de la cause : Lucyna Loboda c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 9 mai 2022

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites :

Lucyna Loboda , la plaignante

Julie Hudson, pour la Commission canadienne des droits de la personne (N'incluez pas si aucune soumission n'a été déposée)

Alison Walsh , pour l'intimée

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