Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien des
droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2019 TCDP 40

Date : le 9 septembre 2019

Numéro(s) du/des dossier(s) : T2323/7818

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Linda Logan

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Anie Perrault

 



En prévision de l’audition de la présente affaire, l’intimée a présenté une requête pour faire radier certains paragraphes des exposés des précisions déposés par la plaignante et par la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP). La présente décision porte sur cette requête.

I. SURVOL

[1] La plaignante, Mme Linda Logan, allègue que son employeur, la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (l’intimée) a fait preuve à son endroit de discrimination fondée sur la déficience, et continue de le faire, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). Elle allègue également que, en contravention de l’article 14.1 de la LCDP, l’intimée a exercé contre elle des représailles pour avoir déposé une plainte.

[2] La présente décision sur requête porte sur deux questions préliminaires.

Tout d’abord, avant l’instruction par le Tribunal de cette affaire, l’intimée a présenté une requête demandant une ordonnance en radiation de nombreux paragraphes de l’exposé des précisions de la plaignante et de celui de la CCDP et déclarant qu’un grief en date du 12 mars 2018 (le grief) et une question d’accident du travail ne s’inscrivent pas dans la portée de l’instruction.

[3] Plus précisément, l’intimée demande ce qui suit :

  1. Une ordonnance radiant des portions de l’exposé des précisions de la plaignante et de l’exposé des précisions de la CCDP, notamment :
    1. les paragraphes 9 et 29 de l’exposé des précisions de la plaignante et de l’exposé des précisions de la CCDP portant sur la réunion du 2 mars 2018 entre la plaignante et des représentants de l’intimée et l’allégation de congédiement déguisé et de manquement de la part de l’intimée de prendre des mesures d’adaptation, tous étant des sujets du grief (le grief) que la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a jugé ne pas s’inscrire dans la portée de la plainte;
    2. la mention [traduction] « Pour avoir refusé de me permettre d’annuler ma retraite – 10 jours de congé payé », à la sous‑section [traduction] « ii) Réparations personnelles » de la section 2 modifiée de l’exposé des précisions de la plaignante;
    3. le paragraphe commençant par [traduction] « Contexte avec David Kawaler : […] », à la page 9 de la section 2 de l’exposé des précisions de la plaignante concernant un appel en matière de salaire à la Commission des accidents du travail (CAT) après un accident du travail subi par la plaignante en 2010 (le dossier antérieur soumis à la CAT);
    4. la mention [traduction] « Montant que la CAT doit au fiduciaire – 8 000 $ » à la sous-section [traduction] « ii) Réparations personnelles » de la section 2 modifiée de l’exposé des précisions de la plaignante.
  2. Une ordonnance déclarant que le grief et le dossier antérieur soumis à la CAT ne s’inscrivent pas dans la portée de la plainte et interdisant aux parties de présenter à l’instruction de la présente plainte des éléments de preuve qui concernent le grief et/ou le dossier antérieur soumis à la CAT et de demander une réparation quelconque de la part de l’intimée concernant le grief et/ou le dossier antérieur soumis à la CAT.

[4] En deuxième lieu, dans sa réponse à l’exposé des précisions de l’intimée, datée du 30 mai 2019, Mme Logan a demandé d’ajouter à sa plainte contre l’intimée une plainte de représailles. La CCDP appuie cette demande, mais l’intimée conteste plusieurs des fondements de la plainte de représailles. Au cours d’une conférence téléphonique de gestion de l’instance avec les parties, j’ai demandé que les allégations de représailles dont la plaignante a demandé l’ajout à sa plainte soient traitées dans le cadre de la requête en radiation présentée par l’intimée.

[5] En réponse à la requête en radiation, la CCDP a donné son accord à certains aspects des demandes de l’intimée et a proposé des changements aux paragraphes contestés, changements pour lesquels l’intimée a signifié son accord dans sa réponse.

[6] En ce qui concerne la section des réparations personnelles dans l’exposé des précisions de la plaignante, la CCDP n’a présenté aucune observation.

[7] Dans sa réponse à la requête en radiation, Mme Logan a donné un accord partiel à la requête de l’intimée en ce qui concerne le dossier antérieur soumis à la CAT, mais elle mentionne clairement qu’elle voudrait pouvoir soulever des points qui, d’après elle, constituent des éléments de preuve de discrimination continue ou de représailles de la part de l’intimée, sans faire de distinction entre les points se rapportant au grief ou aux événements qui ont eu lieu après le 23 mars 2015.

[8] J’accueille partiellement la requête en radiation de l’intimée et j’accueille partiellement la demande de la plaignante d’ajouter une plainte de représailles à sa plainte.

II. QUESTIONS D’ORDRE JURIDIQUE

[9] Le grief et les événements s’y rapportant (faits du grief) sont-ils hors de la portée de la plainte?

[10] Le dossier antérieur soumis à la CAT est-il hors de la portée de la plainte?

[11] La plaignante peut-elle ajouter des allégations de représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP?

  1. La confidentialité du dossier médical de la plaignante : distinction entre divulgation et preuve.

III. ANALYSE

A. Le grief du 12 mars 2018 (le grief)

[12] L’intimée demande que les paragraphes 9 et 29 de l’exposé des précisions de la plaignante et de celui de la CCDP soient radiés et que les événements se rapportant au grief en date du 12 mars 2018, tous faisant l’objet du grief, soient jugés hors de la portée de la plainte.

[13] La réponse de la CCDP à la requête de l’intimée consiste à proposer d’omettre tout sauf la première phrase de chacun des paragraphes contestés et de restreindre le débat à la réunion du 2 mars 2018 qui avait pour objet de parler des mesures d’adaptation pour Mme Logan, ainsi que de s’abstenir de soulever le sujet des faits du grief en ce qui concerne cette réunion. L’intimée est disposée à accepter une telle démarche, tout en se réservant le droit de soulever une objection si elle estime que cela s’impose durant l’instruction.

[14] Quant à Mme Logan, à la lecture de sa réponse, le Tribunal déduit qu’elle n’est pas disposée à modifier les paragraphes 9 et 29 de son exposé des précisions.

[15] Afin de faciliter la lecture de cette décision sur requête, voici les faits du grief dont la CCDP et l’intimée ont convenu :

  • demande de retraite de Mme Logan;
  • annulation par Mme Logan de sa demande de retraite;
  • refus par l’intimée de permettre à Mme Logan d’annuler sa demande de retraite;
  • demande par l’intimée de production de documents médicaux comme condition d’annulation de la retraite;
  • autorisation de l’intimée à Mme Logan de reprendre le travail (en dehors du fait qu’elle a repris le travail le 19 mars 2018);
  • résultat du grief.

[16] Le Tribunal a compétence d’instruire la plainte, car la CCDP l’a lui a renvoyée. Le Tribunal n’a pas compétence pour examiner une décision de la CCDP concernant la portée du renvoi de la plainte.

[17] La lettre de renvoi en date du 10 août 2018 adressée au Tribunal par la Commission concernant cette affaire ne donne aucun détail ni aspect particulier de la plainte initiale renvoyée au Tribunal.

[18] Cependant, la jurisprudence établit clairement que l’on ne peut pas prendre en compte la lettre de renvoi au Tribunal en faisant abstraction des documents fournis par les parties.

[19] Dans Murray c. Canada (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), 2014 CF 139, la Cour fédérale a examiné une situation semblable dans laquelle la Commission a envoyé au président du Tribunal une lettre qui ne contenait pas autant de détails sur sa décision que les lettres adressées aux parties. En l’occurrence, la Cour a déclaré :

Je conviens qu’en principe, la lettre que la Commission envoie au Tribunal définit la portée de ce qui est renvoyé au Tribunal aux fins d’enquête. En outre, je suis d’accord pour dire que la lettre envoyée au Tribunal en l’espèce ne précisait pas que seules des portions de la plainte de M. Murray avaient été renvoyées aux fins d’enquête. Cependant, la lettre de la Commission ne peut être dissociée du long historique de la plainte et du contexte dans lequel le Tribunal a été saisi de la plainte de M. Murray. À la lumière des circonstances précises en l’espèce, je considère que les décisions sur lesquelles le demandeur s’est appuyé sont peu utiles.

[20] En l’espèce, il est évident, d’après les exposés des précisions et tous les documents concernant la requête fournis par les parties, que la CCDP a, en fait, limité la portée de ce qui était renvoyé en excluant le grief, et cela avait été explicitement communiqué à toutes les parties.

[21] De plus, comme je l’ai mentionné ci-dessus, la CCDP a convenu dans sa réponse à la requête que le grief ne s’inscrit pas dans la portée de la présente plainte et propose des modifications aux paragraphes contestés.

[22] En ce qui concerne le grief, la CCDP propose que l’on modifie les paragraphes les plus problématiques dans les exposés des précisions afin d’apaiser les préoccupations de l’intimée et que l’on restreigne la discussion sur le grief aux [traduction] « faits essentiels » nécessaires pour établir une chronologie et le contexte requis, incluant la réunion du 2 mars 2018, mais excluant les faits du grief décrits ci-dessus.

[23] Dans sa réponse, l’intimée se déclare en accord avec la démarche proposée par la CCDP, tout en se réservant le droit de présenter une objection au cours de l’audience si elle estime que certains éléments de preuve s’approchent trop du sujet du grief.

[24] Le Tribunal souscrit à cette démarche qui lui paraît prudente et raisonnable.

[25] Néanmoins, l’intimée demande quand même au Tribunal de rendre une ordonnance pour régler cette question en litige.

[26] La LCDP et les Règles de procédure du Tribunal ne prévoient pas un mécanisme explicite pour la radiation de la portion d’un exposé des précisions. La notion de requête en radiation découle de la procédure des tribunaux civils. Dans Bailie et autres c. Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada, 2011 TCDP 17, le Tribunal s’est exprimé clairement :

[22] Le Tribunal devrait peut-être examiner les critères légaux et les pratiques des autres tribunaux en matière de droits de la personne du Canada avant de se fonder sur ceux des cours. Il existe des raisons politiques solides pour lesquelles les Règles de procédure du Tribunal ne contiennent que dix articles, alors que les Règles des cours fédérales comptent plus de 500 articles. Notamment, il existe aussi un fondement légal, parce que le paragraphe 48.9(1) de la LCDP prévoit que : « l’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique ». (Voir aussi l’alinéa 1(1)c) des Règles de procédure.)

[27] En outre, l’alinéa 50(3)e) de la LCDP confère au Tribunal de vastes pouvoirs de réparation, précisant que le Tribunal peut « trancher toute question de procédure ou de preuve » soulevée durant l’audience.

[28] La délivrance d’une ordonnance de radiation pourrait être indiquée dans le cadre d’une audience regroupant des parties averties et représentées, mais le Tribunal estime que cela ne serait peut-être pas tout à fait juste ni opportun dans le cas présent, car Mme Logan se représente elle-même. Une démarche mieux équilibrée serait probablement plus appropriée.

[29] Comme je l’ai déjà conclu dans Lafrenière c. Via Rail Canada Inc., 2017 TCDP 9, le Tribunal a compétence pour recevoir des renseignements contextuels se rapportant à la plainte :

[34] Tel qu’indiqué au paragraphe 18 de cette décision, la requête en radiation ajoute un élément de formalisme aux procédures du Tribunal qui est plus approprié dans le contexte de litige civil. En raison de ceci, le Tribunal ne s’objecte pas lors de l’audience à ce que le plaignant donne le contexte de sa plainte en référant aux paragraphes 10 à 18 et 39 à 53 de son exposé des précisions, et élabore ainsi sur l’environnement de travail dans lequel les gestes reprochés se sont déroulés, mais ce ne sera pas dans le but d’établir la responsabilité de l’intimée et d’en faire une preuve, et pour l’intimée d’en faire une contre-preuve.

[30] Dans Murray c. Commission de l’immigration et du statut de réfugié, 2018 TCDP 32, le Tribunal a conclu que le renvoi à des événements est acceptable s’il s’agit d’établir un contexte de discrimination continu :

[65] Dans la mesure où les événements allégués sont postérieurs à la période visée, ceux-ci sembleraient naturellement pertinents pour l’examen de toute demande de réparation, si la plainte est fondée relativement à la période de mars 2003 à mars 2004. Ce principe s’étend aux références faites à la discrimination persistante ou aux conséquences et aux effets de la discrimination alléguée. Par exemple, les références à un [traduction] « milieu de travail malsain » (EDP du plaignant, paragraphe 2), à un milieu de travail [traduction] « empoisonné » [EDP du plaignant, sous paragraphe 26f)] ou au [traduction] « harcèlement » (ibid.) sont faites dans le contexte de détails apportés aux effets présumés de la discrimination systémique (qui, par exemple, contribue à un milieu de travail malsain, etc.). Je ne considère pas ces simples références comme une résurgence d’allégations rejetées par la CCDP, puisqu’à mon sens elles ne sont pas, à elles seules, des sources de responsabilité.

[31] Par conséquent, le Tribunal conclut que le grief et les faits du grief ne s’inscrivent pas dans la portée de la plainte et que les paragraphes 9 et 29 de l’exposé des précisions de la plaignante et de celui de la CCDP soient modifiés comme la CCDP l’a proposé et l’intimée l’a accepté. Les paragraphes 9 et 29 de l’exposé des précisions de la CCDP et de celui de la plaignante se liront dorénavant comme suit :

[traduction]
9. La Commission reconnaît que le congédiement de Mme Logan et son grief s’y rapportant ne s’inscrivent pas dans la portée de la présente plainte.

29. Le 2 mars 2108, Mme Logan a rencontré la direction du CN au sujet de mesures d’adaptation lui permettant de jouir d’une souplesse quant à son heure de début de travail, mesures qui, d’après elle, n’ont pas été correctement mises en œuvre.

[32] Cela dit, le Tribunal ne s’oppose pas à ce que Mme Logan présente le contexte de sa plainte à l’audience en mentionnant des éléments se rapportant au grief, mais elle ne doit demander aucune réparation se rapportant à ces événements; par conséquent, l’intimée n’est pas tenue de fournir des éléments de preuve en réponse. Si, même sachant que ces renseignements ne serviront pas à établir une responsabilité, l’intimée s’oppose quand même à des éléments mentionnés durant l’instruction, elle pourra, bien sûr, soulever une objection.

B. Le dossier antérieur soumis à la CAT

[33] L’intimée allègue que tout renvoi dans l’exposé des précisions de la plaignante à un appel en matière de salaire à la Commission des accidents du travail (CAT) suite à un accident du travail en 2010 n’a [traduction] « aucun lien logique, factuel ou causal » avec la plainte et que, par conséquent, le Tribunal n’a pas compétence pour les entendre, puisque ces événements dépassent de loin la limite d’un an établie par la Commission pour ce qui est de la prise en compte des plaintes au titre de la LCDP (voir ci‑dessous) :

41 (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

[…]

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

[34] Bien que la CCDP ait expressément annulé le délai d’un an pour les autres événements qui constituent le fondement de la présente plainte, elle ne l’a pas fait pour la question de l’indemnisation des travailleurs qui remonte à quatre ans avant la date des événements qui sont au cœur de la présente plainte de discrimination et qui n’est nullement mentionnée dans la plainte initiale.

[35] La CCDP n’a pas pris position quant à la demande de l’intimée concernant le dossier antérieur soumis à la CAT et les paragraphes s’y rapportant.

[36] Mme Logan convient que sa demande de réparation se rapportant au dossier antérieur soumis à la CAT est sans lien avec la plainte. Toutefois, elle n’accepte pas le fait qu’elle ne devrait pas mentionner le dossier antérieur soumis à la CAT en décrivant les événements qui se sont produits plus tard avec M. David Kawaler, car elle estime que ses actes étaient des [traduction] « représailles » pour le dossier antérieur soumis à la CAT.

[37] Le Tribunal est d’accord avec l’intimée pour dire que le dossier antérieur soumis à la CAT n’a [traduction] « aucun lien logique, factuel ou causal » avec la plainte.

[38] La plainte porte sur des allégations de discrimination fondée sur la déficience, un comportement interdit par l’article 7 de la LCDP, ainsi que sur les événements de décembre 2014.

[39] Le dossier antérieur soumis à la CAT à laquelle la plaignante fait allusion dans son exposé des précisions et le contexte de la situation avec David Kawaler qu’elle souhaite mentionner ont trait à un accident du travail qui remonte à 2010. Cet événement a eu lieu quatre ans avant les événements sur lesquels repose la plainte de discrimination initiale de la plaignante.

[40] Compte tenu de l’écart temporel entre le dossier antérieur soumis à la CAT et les événements mentionnés dans la plainte, compte tenu de l’absence de lien entre les deux et du fait que la CCDP n’a pas accordé de dispense quant au délai décrit au paragraphe 41e) de la LCDP, le Tribunal conclut que le dossier antérieur soumis à la CAT ne s’inscrit pas dans la portée de la présente plainte et que le paragraphe commençant par [traduction] « Contexte avec David Kawaler […] » à la page 9 de la section 2 de l’exposé des précisions de la plaignante et se rapportant au dossier antérieur soumis à la CAT, ainsi que la demande [traduction] « du montant dû par la CAT au fiduciaire » doivent être radiés.

C. Les allégations de représailles

[41] La plaignante a demandé l’ajout, à sa plainte, d’allégations de représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP.

[42] La CCDP est d’accord pour dire que les faits qui se sont produits après le 23 mars 2015, date à laquelle le congé médical de Mme Logan a commencé, à l’exclusion des faits se rapportant au grief du 12 mars 2018, devraient s’inscrire dans la portée de la plainte et être examinés par le Tribunal comme étant un cas de discrimination continue. Elle entérine l’ajout des allégations suivantes de représailles, décrites par Mme Logan à la page 5 de la partie 2 de son exposé des précisions : [traduction] « changer ses mesures d’adaptation, déclarer à son syndicat qu’elle était “querelleuse” et omettre d’organiser des rencontres de promotion de l’esprit d’équipe avec elle ».

[43] Initialement, l’intimée avait indiqué dans son exposé des précisions qu’elle s’opposait à ce que les événements suivant le 23 mars 2015 fassent partie de la portée de la plainte. Toutefois, lors d’une conférence téléphonique de gestion de l’instance le 7 juin 2019, suivie de directives en date du 10 juin 2019, le Tribunal a ordonné à l’intimée de présenter une requête en radiation concernant toutes les questions se rapportant à la portée de la plainte, y compris la demande d’ajout des allégations de représailles.

[44] Dans cette requête en radiation, que le Tribunal examine maintenant, l’intimée n’a pas mentionné les événements qui sont survenus après le 23 mars 2015.

[45] Dans sa réponse à la requête en radiation, la CCDP a mentionné à nouveau les événements survenus après le 23 mars 2015, ainsi que les allégations précises de représailles, offrant ainsi à l’intimée une autre occasion de traiter ceux–ci, au besoin.

[46] Dans la réponse qu’elle a donnée quelques jours plus tard, l’intimée a mentionné la question des représailles, mais seulement en ce qui concerne la divulgation du dossier médical soulevée par la plaignante dans sa réponse à la requête. Le Tribunal traite de ce sujet ci‑dessous.

[47] Après avoir lu tous les documents déposés par les parties, le Tribunal conclut que l’intimée ne s’oppose plus à l’inclusion des événements survenus après le 23 mars 2015 et des allégations de représailles (à l’exclusion de celles se rapportant au grief).

[48] Cependant, le Tribunal doit être convaincu que les allégations de représailles constituent une plainte défendable (voir Brickner c. Gendarmerie royale du Canada, 2018 TCDP 2). Les allégations de représailles de Mme Logan semblent être liées aux allégations qui sont à l’origine de la plainte, et il n’est pas manifeste et évident qu’elles n’ont aucune chance de réussir. Il est plausible que, si elles sont prouvées, les allégations soient liées au dépôt par Mme Logan d’une plainte en matière de droit de la personne.

[49] Qui plus est, l’ajout des représailles ne causera aucun préjudice à l’intimée, l’affaire étant encore au tout début et l’intimée ayant amplement le temps de se préparer à y répondre en conséquence. Je suis également convaincue que les plaintes sont suffisamment particularisées pour permettre à l’intimée de préparer ses arguments. Si l’intimée souhaite éclaircir des détails avant l’instruction, cela peut faire l’objet d’une conférence téléphonique de gestion de l’instance future.

[50] Cependant, le Tribunal souhaite éclaircir le fait que l’allégation de représailles faite par Mme Logan, en réponse à la requête de l’intimée concernant David Kawaler, ne constitue pas manifestement des représailles au sens de l’article 14.1 de la LCDP; par conséquent, elle ne sera pas examinée sur le fond par le Tribunal.

[51] Le Tribunal a également souligné ci-dessus que tous les paragraphes se rapportant à l’affaire de la CAT sont hors de la portée de la présente plainte et que le paragraphe concernant le [traduction] « Contexte avec David Kawaler » doit être radié.

[52] Toutefois, puisque la plaignante laisse entendre que l’incident de décembre 2014, qui constitue le fondement de la plainte, était un acte que M. Kawaler avait commis en représailles pour le dossier antérieur soumis à la CAT, question que j’ai déjà déclarée hors de la portée de la présente plainte, le Tribunal est d’avis qu’il ne s’agit pas ici du type de représailles que prévoit l’article 14.1 de la LCDP.

[53] Le Tribunal n’entendra pas le contexte que la plaignante souhaite présenter au sujet de David Kawaler et ne permettra pas à la plaignante de s’y reporter durant l’audience, car il a trait au dossier antérieur soumis à la CAT que le Tribunal a déjà déclaré hors de la portée de la présente plainte.

(i) Le dossier médical de la plaignante

[54] Dans sa réponse à la requête, intitulée « Mémoire relatif à la requête de la plaignante », Mme Logan indique qu’elle souhaite également ajouter une plainte de représailles se rapportant à la divulgation des dossiers médicaux :

[traduction]
En plus des éléments de preuve que j’ai déjà fournis, j’aimerais ajouter d’autres éléments de preuve de représailles et de discrimination continue. Cela a trait au fait que l’avocat de l’intimée a inclus des documents médicaux privés datés de 1984 dans les documents qui m’ont été présentés. Ces documents médicaux privés auraient dû recevoir mon consentement avant d’être divulgués. Je n’ai nullement accordé ce consentement à qui que ce soit, leur permettant de fournir de tels renseignements à l’avocat de l’intimée. C’est une grave violation de mon droit à la protection de mes renseignements personnels. Je perçois cela comme étant une tentative contraire à l’éthique de me discréditer, de m’humilier et de m’intimider. Je le perçois comme étant une attaque malicieuse visant à me discréditer et à me priver de dignité.

[55] Mme Logan a aussi mentionné cette question au Tribunal durant la conférence téléphonique de gestion de l’instance tenue le 7 juin 2019.

[56] À ce moment ‑là, j’ai expliqué à Mme Logan qu’elle pouvait soulever cet aspect en objection durant l’instruction si l’intimée décidait de présenter ces dossiers en tant que pièce à l’audience. Pour l’instant, la divulgation des dossiers médicaux ne fait pas partie du dossier public se rapportant à cette affaire. Si les dossiers médicaux sont déposés en tant que pièce à l’audience, Mme Logan peut soulever une objection ou demander que ces pièces fassent l’objet d’une ordonnance de confidentialité (conformément à l’article 52 de la LCDP).

[57] Plus précisément, selon l’alinéa 52(1)c) de la LCDP, le Tribunal peut prendre toute mesure ou rendre toute ordonnance pour assurer la confidentialité s’il est convaincu que la divulgation pose un risque sérieux pour les personnes concernées et que cela l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique.

[58] À ce stade ‑ci, le Tribunal est d’accord avec l’intimée pour dire que la divulgation de tous les documents pouvant se rapporter à l’affaire, conformément à ses obligations au titre des Règles de procédure du Tribunal, ne constitue pas le fondement d’une allégation de représailles.

IV. CONCLUSION

[59] Concernant la requête en radiation, le Tribunal statue ce qui suit :

  1. le grief daté du 12 mars 2018 et les faits du grief ne s’inscrivent pas dans la portée de la plainte;
  2. la plaignante, si elle le souhaite, peut mentionner des éléments du grief durant l’audience, à la seule fin de présenter un contexte, mais non pas pour établir la responsabilité de l’intimée;
  3. le dossier antérieur soumis à la CAT ne s’inscrit pas dans la portée de la plainte;
  4. il est interdit à la plaignante de demander des réparations concernant le grief et le dossier antérieur soumis à la CAT;
  5. les paragraphes 9 et 29 de l’exposé des précisions de la plaignante et de celui de la CCDP sont modifiés et se lisent comme suit :

[traduction]
9. La Commission reconnaît que le congédiement de Mme Logan et son grief s’y rapportant s’inscrivent hors de la portée de la présente plainte.

29. Le 2 mars 2108, Mme Logan a rencontré la direction du CN au sujet de mesures d’adaptation lui permettant de jouir d’une souplesse quant à son heure de début de travail, mesures qui, d’après elle, n’ont pas été correctement mises en œuvre.

  1. la mention [traduction] « Pour avoir refusé de me permettre d’annuler ma retraite – 10 jours de congé payés » à la sous-section [traduction] « ii) Réparations personnelles » de la section 2 de l’exposé des précisions de la plaignante est radiée;
  2. le paragraphe commençant par [traduction] « Contexte avec David Kawaler : […] » à la page 9 de la section 2 concernant le dossier antérieur soumis à la CAT, ainsi que la mention [traduction] « Montant que la CAT doit au fiduciaire » sont radiés de l’exposé des précisions de la plaignante.

[60] Concernant la demande par la plaignante d’ajouter des allégations de représailles, le Tribunal conclut que les événements survenus après le 23 mars 2015 (à l’exclusion de ceux se rapportant au grief) s’inscrivent dans la portée de la plainte, ainsi que les allégations de représailles décrites ainsi par Mme Logan à la page 5 de la partie 2 de son exposé des précisions : [traduction] « Changer ses mesures d’adaptation, déclarer à son syndicat qu’elle était “querelleuse” et omettre d’organiser des rencontres de promotion de l’esprit d’équipe avec elle ». Doit être exclue l’allégation de représailles concernant David Kawaler, décrite ci‑dessus aux paragraphes 53 et 54 de la présente décision sur requête, ainsi que l’allégation de représailles concernant les dossiers médicaux décrites aux paragraphes 55 à 59.

[61] L’instance devant le Tribunal devant se faire sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique, les parties ne sont pas tenues en l’instance de déposer un exposé des précisions modifié. Les changements à l’exposé des précisions de la CCDP et à celui de la plaignante, décrits ci-dessus dans ma décision sur requête, sont par les présentes réputés avoir été faits.

Signée par :

Anie Perrault

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 9 septembre 2019

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2323/7818

Intitulé de la cause : Linda Logan c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 9 septembre 2019

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Représentations écrites par :

Linda Logan, pour elle même

Sheila Osborne-Brown , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Curran P. McNicol, pour l'intimée

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.