Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2021 TCDP 43

Date : le 9 décembre 2021

Numéro du dossier : T2504/6120

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Natalia Boukailo

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Société canadienne des postes

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Kathryn A. Raymond, Q.C.

 


Table des matières

I. Introduction 1

II. Aperçu de la plainte 1

III. Prétendues nouvelles allégations 2

IV. Cadre juridique s’appliquant aux questions 2

V. Analyse de chaque nouvelle allégation 4

A. Allégations concernant la blessure subie au travail par la plaignante 4

(i) Observations 4

Position de Postes Canada 4

Position de Mme Boukailo 5

(ii) Motifs 6

Historique de la plainte 6

Aucune modification à l’étape de la Commission 8

Lien 8

Instance 9

Preuve d’invalidité 11

Le contenu devrait-il être radié? 12

(iii) Décision sur requête 13

B. Prétention selon laquelle Postes Canada devrait verser des indemnités pour perte de salaire 13

(i) Introduction 13

(ii) Observations 14

Position de Postes Canada 14

Position de Mme Boukailo 15

(iii) Motifs 16

(iv) Décision sur requête 20

C. Allégation selon laquelle la signature de Mme Boukailo a été falsifiée 22

(i) Observations 22

Position de Postes Canada 22

Position de Mme Boukailo 24

(ii) Motifs 25

(iii) Décision sur requête 31

D. Allégation selon laquelle Postes Canada a exercé des représailles 31

(i) Introduction 31

(ii) Objections de Postes Canada 32

(iii) Approche du Tribunal à l’égard des objections de procédure 35

Conséquences pratiques et juridiques 35

Conclusions sur les objections 36

(iv) Contenu pertinent concernant les représailles 42

(v) Observations 43

Position de Postes Canada 43

Position de la Commission 45

(vi) Motifs et décision sur requête 45

E. Demande d’indemnisation pour pertes futures de salaire et de prestations de retraite 51

(i) Observations 52

Position de Postes Canada 52

Position de Mme Boukailo 53

(ii) Motifs 56

(iii) Décision sur requête 59

VI. Résumé 59

VII. Ordonnances 62

 


I. Introduction

[1] La Société canadienne des postes (« Postes Canada »), l’intimée, croit que la plaignante, Mme Boukailo, tente d’élargir la portée de sa plainte de discrimination en avançant de nouvelles allégations qui ne faisaient pas partie de sa plainte initiale et qui sont [traduction] « non liées aux questions centrales en litige entre les parties ». Postes Canada a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance radiant du contenu de l’exposé des précisions déposé par Mme Boukailo et de la réplique qu’elle a déposée en réponse à l’exposé des précisions de Postes Canada. Subsidiairement, Postes Canada demande une ordonnance obligeant Mme Boukailo à fournir de meilleures précisions.

[2] Pour les motifs qui suivent, la requête est accueillie en partie et rejetée à d’autres égards. La communication de certaines précisions est ordonnée.

II. Aperçu de la plainte

[3] Au moment des faits qui font l’objet des allégations soulevées dans la plainte, Mme Boukailo travaillait à temps plein comme superviseure pour Postes Canada. Le 14 août 2014, elle s’est blessé la main au travail et a dû s’absenter pendant un certain nombre de semaines, période pendant laquelle elle a touché des indemnités pour accident du travail. Elle est retournée à son poste de superviseure avec des tâches modifiées le 29 octobre 2014. Mme Boukailo soutient que son poste de superviseure a pris fin prématurément et sur avis verbal seulement, le 1er décembre 2014, alors qu’elle se remettait encore de sa blessure. Elle affirme qu’elle a postulé un autre poste de supervision en février 2015 et qu’au cours de l’entrevue, on lui a posé des questions au sujet de sa blessure. Elle n’a pas été choisie pour le poste. Mme Boukailo affirme qu’elle a été forcée de retourner au travail à titre de commis des postes le 25 février 2015, plutôt que de se voir offrir des mesures d’adaptation dans un poste de superviseure, et que Postes Canada ne lui a pas offert de mesures d’adaptation adéquates dans le poste de commis des postes. Elle soutient avoir par la suite échoué à d’autres concours.

[4] La Commission a renvoyé l’intégralité de la plainte au Tribunal pour instruction.

III. Prétendues nouvelles allégations

[5] En résumé, Postes Canada soutient que Mme Boukailo a soulevé de nouvelles allégations dans l’exposé des précisions qu’elle a déposé en déclarant que Postes Canada a causé son accident de travail, que Postes Canada devrait verser des indemnités pour perte de salaire, que sa signature a été falsifiée sur certains documents, que Postes Canada a exercé des représailles contre elle en raison du dépôt de sa plainte et qu’elle craint pour sa sécurité d’emploi et, par conséquent, qu’elle réclame des pertes futures de salaire et de prestations de retraite jusqu’à la date de sa retraite.

[6] Postes Canada soutient que la réplique de Mme Boukailo contient d’autres détails concernant les prétendues nouvelles allégations au sujet des fausses signatures et des représailles qui devraient également être radiés.

IV. Cadre juridique s’appliquant aux questions

[7] La compétence du Tribunal pour mener une enquête en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, c H-6 (la « Loi ») est fondée sur le renvoi d’une plainte par la Commission. L’intégralité de plainte initiale a été renvoyée au Tribunal. Dans la présente requête, le Tribunal doit décider si Mme Boukailo a, à tort, élargi la portée de sa plainte au moyen d’allégations supplémentaires dans son exposé des précisions et sa réplique.

[8] L’une des raisons pour lesquelles des modifications à une plainte peuvent ne pas être autorisées, la portée d’une plainte peut être limitée ou du contenu d’un exposé des précisions peut être radié par une ordonnance du Tribunal est le fait que la Loi exige que la Commission décide s’il y a lieu de soumettre une plainte au Tribunal pour instruction et, le cas échéant, de ce qui lui est renvoyé. C’est la Commission qui décide si une plainte ou un élément d’une plainte est renvoyé au Tribunal. Les plaignants potentiels n’ont pas de droit d’accès direct au Tribunal. Les modifications ne sont pas autorisées lorsqu’elles permettent à une partie de contourner la Loi en créant de nouvelles plaintes devant le Tribunal qui n’ont pas été examinées par la Commission.

[9] Postes Canada reconnaît que Mme Boukailo a le droit d’expliquer plus en détail les allégations de sa plainte dans son exposé des précisions et sa réplique. En fait, elle est tenue de le faire en vertu des Règles de procédure du Tribunal (les « Règles »). Toutefois, Postes Canada soutient que Mme Boukailo peut donner des précisions seulement sur les allégations initiales contenues dans sa plainte. Postes Canada s’appuie sur la décision Karas c Société canadienne du sang et Santé Canada, 2021 TCDP 2 (« Karas »). Au paragraphe 24 de sa décision, le Tribunal a expliqué que « l’exposé des précisions doit raisonnablement respecter, dans sa substance même, les fondements factuels et les allégations initiales de discrimination tels qu’énoncés par la partie plaignante dans sa plainte initiale ».

[10] Postes Canada soutient que le critère juridique à appliquer consiste à déterminer si les prétendues nouvelles allégations ont un lien avec les allégations sous-jacentes à la plainte initiale déposée auprès de la Commission (Casler c La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2017 TCDP 6 (« Casler »), au par. 7). À cet égard, Postes Canada affirme que [traduction] « les modifications ou les nouvelles allégations doivent être liées à l’objet principal de la plainte et [qu’]elles sont nécessaires pour permettre au Tribunal d’enquêter sur les questions essentielles en litige » (Casler, au par. 10).

[11] Le lien ou la pertinence est plus manifeste lorsque le nouveau contenu proposé s’applique aux mêmes motifs de discrimination et correspond aux mêmes actes discriminatoires ou types de pratiques que ceux déjà mentionnés dans la plainte. En l’espèce, le même motif de discrimination est allégué à l’égard de l’ensemble du nouveau contenu, sauf en ce qui concerne la plainte de représailles, qui est traitée séparément ci‑après. Par conséquent, l’analyse de la question concernant le « lien » consiste d’abord à décider si le contenu contesté correspond aux mêmes actes discriminatoires ou types de pratiques que ceux déjà mentionnés dans la plainte. Si tel est le cas, le Tribunal décidera alors si les nouveaux faits proposés n’ont aucun lien avec les faits de la plainte initiale ou s’ils sont conformes et nécessaires à l’exposé factuel de la plainte.

[12] Un autre aspect important du cadre juridique s’appliquant à une requête en modification d’une plainte est la question de savoir s’il y a un préjudice réel et important pour l’autre partie, que le Tribunal doit trancher avant de permettre l’ajout de renseignements à la plainte (Casler, au par. 11, Letnes c Gendarmerie royale du Canada, 2019 TCDP 41, aux par. 6 et 8). L’examen de cette question est nécessaire pour garantir que le déroulement de la présente instance respecte la justice naturelle et l’équité procédurale. Par conséquent, la question du préjudice doit également être examinée.

V. Analyse de chaque nouvelle allégation

[13] Sauf pour les représailles, chaque prétendue nouvelle allégation sera évaluée en fonction des actes discriminatoires dont fait état la plainte. Les actes discriminatoires allégués dans la plainte peuvent se résumer en ces termes : 1) le poste de superviseure de Mme Boukailo a pris fin sans préavis; 2) elle a dû retourner au travail dans un poste d’échelon inférieur de commis des postes; 3) aucune mesure d’adaptation n’a été offerte pour son invalidité et 4) elle s’est vu refuser d’autres postes en raison de son invalidité.

[14] Outre les représailles, la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») n’a pas pris position sur la présente requête. C’est pourquoi la position de la Commission n’est pas abordée au-delà de la section sur les représailles dans les présents motifs.

A. Allégations concernant la blessure subie au travail par la plaignante

(i) Observations

Position de Postes Canada

[15] Postes Canada soutient que Mme Boukailo a soulevé de nouvelles allégations concernant la blessure qu’elle a subie au travail le 14 août 2014 au paragraphe 2 de son exposé des précisions. Postes Canada fait valoir que Mme Boukailo affirme maintenant qu’elle a été blessée en raison de conditions de travail dangereuses créées par Postes Canada.

[16] Postes Canada affirme que Mme Boukailo n’explique pas comment le fait de travailler dans des conditions dangereuses équivaut à de la discrimination. Postes Canada soutient, de façon générale, que Mme Boukailo ne laisse pas entendre que sa blessure a été causée parce qu’elle a été victime de discrimination.

[17] Postes Canada soutient que le fait de permettre la présentation d’éléments de preuve sur cette question n’aidera pas le Tribunal à trancher les véritables questions en litige, qui concernent les droits de la personne, et non les blessures en milieu de travail.

[18] Postes Canada soutient en outre que le Tribunal n’est pas l’instance appropriée pour porter plainte au sujet de conditions de travail prétendument dangereuses. Elle soutient que Mme Boukailo avait le droit de déposer un grief auprès de son syndicat. Elle avait également le droit de refuser d’effectuer un travail dangereux au titre de la partie II du Code canadien du travail, LRC 1985, c L-2, ou de la Loi sur la sécurité et l’hygiène du travail, CPLM, c W210. Postes Canada souligne que ces lois comportent des procédures que les travailleurs sont tenus de suivre pour refuser d’effectuer un travail dangereux. Ces procédures donnent à l’employeur l’occasion d’enquêter sur ce qui s’est passé. Postes Canada affirme que Mme Boukailo n’a pas suivi ces procédures, qu’elle n’a pas eu l’occasion de faire enquête et que Mme Boukailo ne devrait pas avoir le droit de soulever cette allégation cinq ans plus tard.

Position de Mme Boukailo

[19] Mme Boukailo soutient que la discrimination dont elle a été victime fait partie d’une chaîne d’événements. Elle soutient que les faits et la preuve connexe sont tous liés entre eux et démontrent toute la portée de la discrimination qu’elle croit avoir subie.

[20] Mme Boukailo soutient que le premier maillon de la chaîne d’événements dans sa plainte correspondait aux conditions de travail dangereuses à Postes Canada, qu’elle attribue à une dotation en personnel insuffisante des postes de supervision au cours de la semaine où elle s’est blessée. Dans sa réponse à la requête, Mme Boukailo affirme que Postes Canada a enfreint sa propre politique en matière de santé et de sécurité en faisant en sorte que ses tâches soient doublées en raison de l’absence d’autres superviseurs, dans le but de réduire les coûts. Elle soutient que sa blessure au travail a été causée par ces conditions de travail dangereuses. Elle affirme aussi que cela prouve l’existence de son invalidité.

[21] Mme Boukailo affirme que Postes Canada a eu l’occasion d’enquêter sur les conditions de travail dangereuses. Elle a offert de fournir le nom des superviseurs qui étaient absents. Elle a également déclaré qu’elle n’avait pas signalé les conditions de travail dangereuses à l’époque [traduction] « par crainte de perdre [son] emploi ».

[22] Elle affirme également ce qui suit : [traduction] « […] des allégations concernant les “conditions de travail dangereuses et stressantes” qui ont entraîné ma blessure ont été faites dans des déclarations, datées du 25 octobre 2018 (page 3) et du 28 août 2019 (paragraphe 8 et dans la conclusion) ». Comme il est expliqué ci‑après, il semble qu’il s’agissait de déclarations faites dans les observations que Mme Boukailo a présentées à la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») pendant l’enquête sur sa plainte.

(ii) Motifs

Historique de la plainte

[23] Dans la plainte déposée auprès de la Commission en 2015, Mme Boukailo n’a pas laissé entendre qu’il s’agissait aussi de la responsabilité potentielle de Postes Canada à l’égard de conditions de travail dangereuses ou que Postes Canada avait causé sa blessure au travail. Mme Boukailo indique toutefois qu’elle a fait des déclarations concernant les [traduction] « conditions de travail dangereuses et stressantes » à l’étape de l’enquête devant la Commission en 2018 et 2019. Les documents accompagnant ces déclarations n’ont pas été fournis avec ses documents de requête à l’appui de sa réponse.

[24] Il semble que les déclarations auxquelles Mme Boukailo fait référence sont des observations qu’elle a présentées à la Commission. La Commission a déposé une liste de documents tirés de son propre dossier auprès du Tribunal dans le cadre du processus de divulgation. La liste de la Commission contient un document daté du 25 octobre 2018, qui est décrit comme les observations de la plaignante concernant un rapport fondé sur les articles 40/41 à l’étape de la Commission. De même, il y a un document daté du 28 août 2019. Selon la Commission, il s’agit de la réfutation présentée par Mme Boukailo à l’égard de la défense déposée par Postes Canada contre la plainte. Le Tribunal conclut que les prétendues déclarations sont probablement contenues dans ces observations.

[25] Le Tribunal n’est pas disposé à tenir compte de ces renseignements. Même si le contenu des déclarations est confirmé au Tribunal et même s’il est véridique, il n’est pas pertinent pour l’analyse en l’espèce. La question fondamentale de la présente requête est celle-ci : « qu’est-ce qui a été renvoyé par la Commission pour instruction? ». La Commission a renvoyé la plainte initiale au Tribunal pour instruction. La plainte initiale était jointe à la lettre informant le président du Tribunal du renvoi de la Commission. La plainte initiale ne contenait pas ces déclarations ni aucune mention d’un lieu de travail dangereux.

[26] Lorsque Mme Boukailo demande que le Tribunal tienne compte des déclarations qu’elle a faites dans les observations présentées à la Commission au cours de son enquête, elle demande en fait que le Tribunal tienne compte de l’historique de la plainte. Mme Boukailo ne prétend pas qu’il y ait une ambiguïté relativement à ce que la Commission a décidé de renvoyer au Tribunal. Si le Tribunal estime qu’il y avait une ambiguïté à cet égard, cela pourrait ouvrir la porte à l’examen de l’historique de la plainte. Toutefois, comme il n’y a pas d’ambiguïté au sujet de ce qui a été renvoyé, rien ne justifie un examen par le Tribunal de l’historique de la plainte avant son renvoi.

[27] S’il y avait un fondement juridique pour examiner l’historique de la plainte, le Tribunal ne considérerait pas que les observations présentées par une partie au personnel de la Commission au cours de l’enquête constituent « l’historique de la plainte ». Le Tribunal ne devrait tenir compte que des décisions prises par le Conseil des commissaires de la Commission au sujet de l’évaluation de la plainte par la Commission et de sa décision au sujet de ce qui est renvoyé pour instruction. Seul le Conseil des commissaires a le pouvoir de prendre ces décisions. À moins que l’observation d’une partie ne soit adoptée dans une décision du Conseil des commissaires de la Commission, elle n’a pas de statut spécial après le renvoi, à la suite du prononcé de la décision. C’est la décision officielle de la Commission concernant ce qui est renvoyé qui détermine la compétence du Tribunal, et non ce qui est contenu dans les observations présentées par une partie à la Commission.

Aucune modification à l’étape de la Commission

[28] Il semble que Mme Boukailo n’ait pas demandé que sa plainte devant la Commission soit modifiée pour inclure une allégation selon laquelle l’intimée a causé sa blessure au travail. En se fondant sur la décision de la Commission de renvoyer la plainte dans son intégralité, tel qu’elle a été déposée, le Tribunal conclut que la Commission n’a pas décidé d’élargir ou de modifier la plainte.

Lien

[29] Le Tribunal s’est demandé si l’allégation selon laquelle l’intimée avait causé la blessure de Mme Boukailo pouvait faire partie de sa plainte, c’est-à-dire s’il y avait un lien avec sa plainte, même s’il n’y a aucune mention des conditions de travail dangereuses dans la plainte. La plainte fait état de ce qui suit :

[traduction]

La discrimination s’applique au motif d’une invalidité temporaire qui a eu une incidence sur ma capacité d’exécuter mon travail. La discrimination a eu lieu pendant mon rétablissement à la suite d’une blessure que j’ai subie alors que je travaillais à Winnipeg, au Manitoba.

[30] Selon la plainte, la discrimination a eu lieu pendant que Mme Boukailo se rétablissait de sa blessure. Les circonstances entourant la blessure sont survenues en dehors de cette période. Il semble donc, à première vue, que la nouvelle allégation ne fait pas l’objet de la plainte initiale du point de vue de la période visée.

[31] La plainte commence par le fait de la blessure. Il est écrit ceci :

[traduction]

Je me suis blessée au travail (fracture du poignet) le 14 août 2014 pendant mon mandat de superviseure. Ma blessure a nécessité une visite à la salle d’urgence où j’ai passé la nuit jusqu’au 15 août 2014.

[32] Il n’y a aucun fondement permettant de lier de façon substantielle la nouvelle allégation à la plainte initiale, sauf cette mention qui n’attribue pas de blâme à l’intimée. Les allégations d’actes discriminatoires dans la plainte initiale ont toutes trait au fait que la plaignante a subi un effet préjudiciable relativement à l’accès à des postes au travail et aux mesures d’adaptation en raison de son invalidité.

[33] Les déclarations que Mme Boukailo a pu faire au personnel de la Commission au cours de l’enquête au sujet du fait que Postes Canada aurait causé une blessure au travail sont de nature distincte des autres allégations contenues dans sa plainte initiale. Les conditions de travail dangereuses ne correspondent pas aux mêmes actes discriminatoires ou types de pratiques que ceux déjà mentionnés dans la plainte.

[34] La cause de la blessure que Mme Boukailo a subie au travail et l’existence (ou non) de conditions de travail dangereuses n’ont apparemment aucun rapport avec les droits de la personne de Mme Boukailo. Le fait qu’elle se soit blessé la main est pertinent. C’est le premier événement de la plainte initiale et le début de la chaîne d’événements allégués qui sont pertinents pour sa plainte. La façon dont elle s’est blessé la main n’a rien à voir avec sa plainte relative aux droits de la personne. Ce ne sont pas tous les événements qui se sont produits dans la vie de Mme Boukailo avant qu’elle ne dépose sa plainte relative aux droits de la personne qui sont pertinents pour cette plainte.

[35] Le Tribunal conclut que les allégations selon lesquelles Postes Canada est responsable de conditions de travail dangereuses ou les allégations selon lesquelles Postes Canada a causé la blessure subie au travail par Mme Boukailo dépassent clairement la portée de la plainte initiale. Le Tribunal n’est pas convaincu que cette nouvelle allégation doive être incluse pour permettre à la présente instance de régler les véritables questions en litige.

Instance

[36] Le contenu contesté au paragraphe 2 de l’exposé des précisions est une allégation distincte en raison de ses implications juridiques. Le Tribunal note que l’exposé des précisions de Mme Boukailo ne mentionne pas la question des [traduction] « conditions de travail dangereuses » dans la section [traduction] « Questions » de son exposé des précisions ou dans la section [traduction] « Réparation ». Il ne s’agit donc pas techniquement d’une allégation pour laquelle une réparation est demandée dans son exposé des précisions. Toutefois, dans sa réponse à la requête, Mme Boukailo approfondit l’allégation au paragraphe 2 de son exposé des précisions et, au paragraphe 23, elle soutient ce qui suit : [traduction] « [l]’intimée n’a pas respecté la politique sur la santé et la sécurité en créant des conditions de travail dangereuses et stressantes, ce qui a entraîné une blessure au travail, qui s’est produite le 14 août 2014 et qui a eu des répercussions sur toute ma vie » (non souligné dans l’original). Mme Boukailo n’explique pas dans sa réponse à la requête l’issue qu’elle souhaite obtenir en raison de la blessure au travail qui aurait été causée par Postes Canada. Cependant, il semble manifeste qu’elle a l’intention de présenter le contenu du paragraphe 2 comme une allégation et il s’agit d’une allégation importante, étant donné qu’elle affirme que la situation a entraîné des répercussions sur toute sa vie. Par conséquent, le Tribunal conclut que le paragraphe 2 et, en particulier, la phrase [traduction] « L’intimée n’a pas fourni le personnel approprié et a créé des conditions de travail dangereuses » ne sont pas seulement des faits supplémentaires allégués, mais une allégation importante contre Postes Canada.

[37] La nouvelle allégation donne lieu, en théorie, à sa propre cause d’action et à sa propre réparation dans notre système juridique. Elle peut légalement donner lieu à ses propres procédures judiciaires. La plainte fait ainsi état de l’existence d’une autre instance judiciaire : [traduction] « Un dossier a été ouvert auprès de la Commission des accidents du travail du Manitoba à la suite de cet incident. »

[38] L’indemnisation des victimes d’accidents du travail est offerte au Canada par l’entremise de régimes législatifs dans chaque province et territoire et s’applique à toute blessure survenant au travail, sans égard à la faute. L’indemnisation vise à offrir un soutien financier aux employés qui sont blessés au travail. Les employés n’ont pas besoin d’intenter des poursuites contre leur employeur pour obtenir une indemnisation ou des prestations, ce qui serait d’ailleurs très difficile à faire pour de nombreux employés. L’une des principales caractéristiques des régimes d’indemnisation des accidentés du travail est l’idée que, si un employeur cause une blessure à un employé, une indemnisation peut être offerte sans qu’il soit nécessaire de s’adresser aux tribunaux. L’employé a plutôt accès au programme d’indemnisation des accidentés du travail. Il semble que, lorsque Mme Boukailo cherche à modifier sa plainte relative aux droits de la personne pour prétendre que Postes Canada a causé la blessure subie au travail, elle tente à tort d’obtenir par l’intermédiaire du Tribunal une indemnisation qu’elle est tenue d’obtenir par l’intermédiaire des mécanismes d’indemnisation des accidentés du travail.

[39] La Commission et le Tribunal ont une compétence différente, qui porte sur la question des droits de la personne, comme l’exige la Loi. Il n’y a rien dans la Loi au sujet des conditions de travail dangereuses ou des blessures liées au travail qui surviennent en dehors des préjudices prétendument causés par la discrimination. Le Tribunal n’est pas convaincu que l’allégation selon laquelle Postes Canada a causé la blessure au poignet de Mme Boukailo est pertinente ou appropriée dans la présente plainte. Il ne s’agit pas de l’instance appropriée.

[40] D’autres lois, notamment le Code canadien du travail et la Loi sur la sécurité et l’hygiène du travail, s’appliquent particulièrement à la sécurité au travail et aux blessures liées au travail. Elles sont directement pertinentes. S’il y a des différends non résolus à cet égard, des recours peuvent être intentés aux termes de ces lois auprès d’autres tribunaux compétents.

Preuve d’invalidité

[41] Mme Boukailo soutient en outre que le fait que les conditions de travail dangereuses aient entraîné la blessure à sa main prouve son invalidité. Le fait qu’il y ait eu une blessure au travail ne prouve pas que Mme Boukailo a une invalidité, comme elle le laisse entendre. Ce ne sont pas toutes les blessures au travail qui mènent à une invalidité. C’est le cas pour beaucoup de blessures, mais pas toutes. Pour certaines blessures entraînant une invalidité, l’invalidité est temporaire. Ce qui importe, c’est de savoir si Mme Boukailo avait une invalidité ou une invalidité perçue durant la période visée par sa plainte. La question de savoir si une invalidité existait au moment pertinent aux fins de la plainte sera tranchée en fonction de la preuve présentée à l’audience.

Le contenu devrait-il être radié?

[42] La question suivante est de savoir s’il est approprié de radier les trois phrases suivantes du paragraphe 2 de l’exposé des précisions de la plaignante au motif qu’elles ne sont pas juridiquement pertinentes pour les questions en litige en l’espèce :

[traduction]

L’intimée n’a pas fourni le personnel approprié et a créé des conditions de travail dangereuses. J’ai dû composer avec beaucoup de stress et de pression parce que la direction m’a demandé de remplacer deux autres superviseurs qui étaient en congé cette semaine-là, en plus d’assumer mes propres responsabilités. Le fait d’être surchargée de travail m’a menée à mon accident en milieu de travail.

[43] La radiation de contenu d’un exposé des précisions peut être une approche directe qu’un tribunal peut adopter pour résoudre du contenu problématique. Une approche pourrait consister à permettre que le contenu demeure, même s’il n’est pas pertinent, sous réserve de conditions quant à son utilisation en vue de trancher le bien-fondé de l’affaire. Par exemple, l’allégation pourrait demeurer dans l’exposé des précisions, mais ne pas être utilisée aux fins de l’évaluation de la responsabilité.

[44] Cette allégation, si elle est autorisée à demeurer dans l’exposé des précisions, fera partie du dossier public. Il en est ainsi parce que les causes relatives aux droits de la personne sont ouvertes au public à l’étape de l’audience. L’allégation selon laquelle Postes Canada a causé cette blessure a une incidence évidente sur la réputation, compte tenu des raisons alléguées, y compris le fait que la blessure était délibérée parce que la réduction des coûts a été privilégiée au détriment des employés. Cette allégation pourrait donner de Postes Canada une perception négative qui n’est pas liée à la présente plainte qui relève du domaine public.

[45] Le Tribunal a décidé que cette allégation ne sera pas tranchée aux fins de l’évaluation de la responsabilité ou même dans le cadre de l’exercice de recherche des faits du Tribunal, parce qu’elle n’est pas pertinente pour la plainte. Postes Canada ne sera pas tenue de fournir de preuves à l’égard de cette question.

[46] Postes Canada n’aura donc pas l’occasion de se défendre contre cette allégation. Par conséquent, cette allégation ne sera réfutée d’aucune façon par la décision du Tribunal sur le bien‑fondé. Il n’est pas juste pour Postes Canada de laisser dans l’exposé des précisions de Mme Boukailo une allégation importante d’acte répréhensible qui a des répercussions sur la réputation et qui ne sera pas réglée par la présente instance, et qui n’est pas pertinente pour celle-ci, à part pour établir l’existence d’une blessure, un fait qui est important pour la présente plainte. Les trois phrases du paragraphe 2 de l’exposé des précisions de Mme Boukailo sont radiées et, par conséquent, doivent être supprimées de cet exposé.

[47] Le Tribunal accordera à Mme Boukailo une certaine marge de manœuvre pour raconter son histoire à l’audience, afin de fournir des renseignements sur ce qui s’est passé à titre de contexte seulement, parce qu’elle agit pour son propre compte. Cela dit, Mme Boukailo doit faire de son mieux pour commencer par sa blessure et son affirmation d’invalidité, comme elle l’a fait dans sa plainte écrite. Si, en tant que personne agissant pour son propre compte, Mme Boukailo s’écarte du fait qu’elle a subi une blessure et des faits soulevés concernant la façon dont elle s’est produite le 14 août 2014 et avance, dans le cadre de son témoignage, une allégation selon laquelle Postes Canada a causé sa blessure, Postes Canada pourra s’y opposer. Le Tribunal se penchera sur l’objection.

(iii) Décision sur requête

[48] Le Tribunal ne se prononcera pas sur les trois phrases du paragraphe 2 de l’exposé des précisions de Mme Boukailo susmentionnées, car elles ne sont pas pertinentes pour la plainte. Elles sont réputées avoir été radiées de l’exposé des précisions de la plaignante.

B. Prétention selon laquelle Postes Canada devrait verser des indemnités pour perte de salaire

(i) Introduction

[49] Il semble que la Commission des accidents du travail du Manitoba (la « CAT ») ait versé des prestations à Mme Boukailo lorsqu’elle était en congé de maladie en raison de la blessure qu’elle a subie au travail en août 2014. Mme Boukailo semble avancer pour la première fois, au paragraphe 13 de son exposé des précisions, que durant une période postérieure au 11 avril 2015, elle n’était pas apte à exercer des fonctions [traduction] « à temps plein » et qu’elle a subi une perte de salaire. À l’alinéa 33c) de son exposé des précisions, elle déclare qu’elle demande au Tribunal une ordonnance enjoignant à Postes Canada de payer une [traduction] « indemnité de 3 033,31 $ pour perte de salaire à la suite du retour au travail» (non souligné dans l’original). Son exposé des précisions ne contient aucune autre explication ou aucun autre détail.

(ii) Observations

Position de Postes Canada

[50] Postes Canada est d’avis que le montant réclamé à l’alinéa 33c) est une indemnité pour perte de salaire non payée qui a été refusée par la CAT, et non une perte de salaire en soi. Postes Canada a fourni une décision de la CAT concernant l’appel interjeté par Mme Boukailo contre le refus de la CAT de lui accorder des indemnités pour perte de salaire. Son appel a été rejeté. Selon Postes Canada, Mme Boukailo prétend que Postes Canada devrait payer le montant qui, selon elle, aurait dû lui être versé par la CAT.

[51] Selon la première observation de Postes Canada, il ne sera pas utile au Tribunal de demander des éléments de preuve sur cette question pour trancher les véritables questions en litige dans la présente plainte. À titre de rappel, les allégations portent sur la cessation du poste de superviseure de Mme Boukailo, son retour à un poste de niveau inférieur, le défaut de lui attribuer un autre poste de superviseure ou de lui permettre d’accéder à d’autres postes, et le défaut de prendre des mesures d’adaptation pour elle.

[52] Postes Canada soutient que la réparation que Mme Boukailo cherche à obtenir à l’alinéa 33c) relève exclusivement de la compétence de la CAT. Elle soutient que Mme Boukailo n’a pas expliqué en quoi le Tribunal a compétence pour lui accorder cette indemnité à titre de réparation. Compte tenu de la décision préliminaire ci-après, il n’est pas nécessaire de transmettre les détails des observations de Postes Canada concernant la compétence pour le moment. Postes Canada demande que les alinéas 13 et 33c) soient radiés.

Position de Mme Boukailo

[53] En guise de contexte, à l’alinéa 33a) de son exposé des précisions, Mme Boukailo affirme avoir subi une perte de salaire de la part de Postes Canada entre le moment de la discrimination invoquée et sa retraite. Il semble que cette prétention soit liée à son affirmation selon laquelle son poste de superviseure à temps plein lui a été retiré et qu’elle devait travailler à temps partiel dans un poste de niveau inférieur de commis des postes.

[54] Selon la nouvelle allégation à l’alinéa 33c) de l’exposé des précisions, Mme Boukailo réclame une [traduction] « perte de salaire à la suite du retour au travail ». Au paragraphe 13, Mme Boukailo affirme avoir subi [traduction] « une perte de salaire à laquelle [elle avait] droit pendant [son] retour au travail après le 11 avril 2015, que la CAT a refusé d’accepter ». Elle affirme par ailleurs : [traduction] « mon médecin avait signalé des problèmes de santé et des restrictions en lien avec le travail qui ne me permettaient pas de travailler régulièrement à temps plein ». Il semble que Mme Boukailo affirme qu’elle a subi une perte de salaire après le 11 avril 2015 en raison de son invalidité, à titre de commis des postes, qui est distincte de celle qui fait l’objet de sa demande d’indemnité pour perte de salaire en ce qui concerne la perte de son poste de superviseure.

[55] Dans les observations en réponse à la requête de Mme Boukailo, il y a une section intitulée [traduction] « Perte de salaire après le 11 avril 2015 ». Elle soutient, au paragraphe 24, que Postes Canada n’a pas tenu compte de ses besoins en la forçant [traduction] « à exécuter des tâches non modifiées à titre de commis des postes, sans autorisation médicale, ce qui a aggravé l’état de [sa] main et retardé considérablement [son] rétablissement ». Elle fait référence aux prétendues restrictions médicales imposées par son médecin qui devaient se poursuivre au-delà du 25 mai 2015. Mme Boukailo affirme en outre dans ses observations qu’elle a droit à une indemnité partielle pour perte de salaire au-delà du 11 avril 2015, sans préciser l’indemnité dont il est question ou la partie qui serait responsable de la payer. Mme Boukailo affirme également que la perte de salaire réclamée est pertinente dans son cas parce que [traduction] « [s]elon les renseignements fournis par le service de soutien administratif de la CAT à Postes Canada, “un employé temporaire occupant un poste de supervision à temps plein est payé par la SCP” ». Elle n’a pas fourni d’autres détails ou éléments de preuve à cet égard.

(iii) Motifs

[56] En général, les questions en litige ne sont pas clairement définies par Mme Boukailo, et le Tribunal n’est pas disposé à accepter, pour le moment, la façon dont les questions sont formulées par Postes Canada.

[57] Ce qui est demandé à l’alinéa 33c) n’est pas clairement défini. Il n’est pas clair s’il s’agit d’indemnités pour perte de salaire du même montant que celles que Mme Boukailo espérait recevoir de la CAT après le 11 avril 2015 et qui, selon elle, devraient être payées par Postes Canada maintenant qu’elles ont été refusées par la CAT, ou d’une perte de salaire qui aurait dû être assumée par Postes Canada et qui est distincte de l’indemnité pour perte de salaire qui est déjà réclamée à l’alinéa 33a).

[58] Mme Boukailo n’explique pas pleinement pourquoi la perte est susceptible d’indemnisation. Elle ne précise pas comment l’allégation selon laquelle l’intimée n’a pas pris de mesures d’adaptation à son endroit pourrait donner lieu au montant précis mentionné à l’alinéa 33c) de l’exposé des précisions. Au paragraphe 22 de son exposé des précisions, Mme Boukailo fait référence au défaut de Postes Canada de prendre, dans le cadre du poste de commis des postes, des mesures d’adaptation à l’égard de sa blessure, et au paragraphe 23, au défaut de Postes Canada de prendre des mesures d’adaptation dans le cadre d’un programme de retour au travail dans ce poste. Elle affirme, au paragraphe 27, avoir subi des répercussions psychologiques en raison de la discrimination, ce qui a prolongé la durée de son rétablissement. Cela laisse entendre qu’elle croit que sa blessure à la main a été aggravée ou que son rétablissement a été retardé en raison de la blessure ou en raison des répercussions psychologiques par suite de l’absence de mesures d’adaptation, et d’autres effets préjudiciables prétendument causées par la discrimination. Il semble qu’elle tente de tenir Postes Canada responsable de toute perte de salaire non admissible pour ce motif.

[59] Par contre, si elle essaie, comme le dit Postes Canada, de tenir cette dernière responsable d’un montant que la CAT avait l’obligation exclusive de verser après le 11 avril 2015, elle n’explique pas pourquoi elle s’attend à ce que Postes Canada paie ce montant. Si elle affirme qu’un employé du service de soutien administratif de la CAT à Postes Canada l’a informée que, si elle était restée dans son poste de superviseure temporaire, elle ne serait pas admissible aux prestations de la CAT, mais serait payée par Postes Canada, elle n’est pas claire à ce sujet. Elle ne semble pas avoir demandé à cette personne de fournir des renseignements supplémentaires sur le fondement de cette allégation ou, en général, sur cette question aux fins de l’audience.

[60] Comme il a été mentionné, Mme Boukailo prétend que, lorsqu’elle est retournée au travail en février 2015, elle occupait un poste à temps partiel, et non à temps plein. Mme Boukailo affirme toutefois que son médecin ne l’a pas autorisée à exercer un travail régulier à temps plein après le 11 avril 2015. Elle n’explique pas ce qui s’est passé entre‑temps. Il n’y a aucune explication sur ce qui s’est passé après le 11 avril 2015.

[61] Même la période pertinente n’est pas précisée pour l’alinéa 33c). Le Tribunal a seulement été informé que la période pertinente a commencé le 11 avril 2015, et non du moment où elle a pris fin.

[62] Il n’y a aucune explication quant à savoir en quoi consistent les indemnités pour perte de salaire, s’il s’agit d’un remplacement complet d’une perte de salaire ou sur quel fondement juridique repose leur versement. La CAT fonctionne essentiellement sans égard à la faute. L’évaluation du montant des paiements dus à un employé n’est pas fondée sur la détermination de la responsabilité, comme c’est le cas devant le Tribunal.

[63] Le règlement du différend concernant l’alinéa 33c) dépend de la question de savoir si l’indemnisation éventuelle de Mme Boukailo pour la période visée à l’alinéa 33c) relève exclusivement de la responsabilité de la CAT ou de celle de Postes Canada. Il y a trop de questions sans réponse à cet égard.

[64] Le Tribunal n’est pas disposé à adopter au pied de la lettre des faits ou des conclusions qui figurent dans la décision de la CAT, aux fins de la présente requête, comme Postes Canada semble l’encourager à faire. D’après la décision de la CAT, Mme Boukailo effectuait des heures de travail réduites selon les conseils de son médecin et elle avait subi une perte de salaire. La CAT devait déterminer s’il lui incombait de verser des indemnités pour perte de salaire à Mme Boukailo après le 11 avril 2015. Elle a conclu que ce n’était pas le cas. Elle n’a pas déterminé si Postes Canada était responsable de paiements à verser après le 11 avril 2015. La décision de la CAT ne tenait pas compte du fait qu’il y avait eu un défaut d’offrir des mesures d’adaptation ou que le rétablissement de Mme Boukailo avait été retardé. Le tribunal de la CAT fonctionne selon un régime distinct, en vertu de lois différentes. En bref, la décision de la CAT ne tient pas compte des mêmes questions ou ne les examine pas de la même façon que le Tribunal.

[65] La décision de la CAT a aussi fait état de deux problèmes de santé. Cependant, elle se concentrait sur la blessure à la main de Mme Boukailo. La CAT semble avoir accepté que cette blessure se soit produite au travail et avoir évalué l’aptitude de Mme Boukailo à travailler [traduction] « à temps plein » après le 11 avril 2015 à la suite de cette blessure. Il y avait des indications dans la décision selon lesquelles le deuxième problème de la santé, de nature psychologique, n’était pas considéré comme une lésion s’étant produite au travail ou du moins ce problème ne relevait pas de la CAT. Par conséquent, dans sa décision, la CAT n’a pas déterminé si et dans quelle mesure Mme Boukailo pouvait ou ne pouvait pas travailler relativement aux deux problèmes de santé, mais s’est plutôt prononcée sur l’étendue de sa responsabilité à l’égard du paiement des prestations pour perte de salaire après le 11 avril 2015 pour la blessure qui, selon elle, s’était produite au travail.

[66] La CAT a décidé qu’elle n’avait aucune obligation envers Mme Boukailo, mais cette dernière pourrait affirmer que Postes Canada lui doit d’autres prestations ou indemnités pour la période pertinente. Si la CAT n’est pas responsable d’une perte de salaire pour la période postérieure au 11 avril 2015 concernant le poste de commis des postes, compte tenu de la blessure au poignet, il n’est pas clair que Postes Canada n’a pas de responsabilité non plus. Mme Boukailo doit fournir des détails sur sa demande à cet égard. Mme Boukailo devrait notamment préciser si elle affirme qu’il y a un fondement juridique obligeant Postes Canada à compenser une perte de salaire pendant un retour au travail concernant une invalidité en plus de ce que la CAT peut fournir ou si l’obligation existe à l’égard d’une invalidité qui n’est pas liée au travail, ou encore si Postes Canada a une obligation envers elle au titre d’une autre prestation pertinente prévue par la convention collective ou par tout régime d’assurance applicable. Les questions de compétence doivent être prises en compte une fois que les faits contextuels sont clarifiés.

[67] Selon la première observation de Postes Canada, le fait de répondre à la question soulevée par l’alinéa 33c) n’aide pas le Tribunal à résoudre les questions centrales en l’espèce. L’une des questions importantes en litige dans la présente affaire est la question de la réparation. L’alinéa 33c) s’applique à la question de la réparation. Il serait utile au Tribunal d’avoir des éléments de preuve pour établir les faits et clarifier la nature de la réclamation afin qu’il puisse déterminer avec exactitude si l’alinéa 33c) porte sur une forme pertinente de réparation demandée, correspondant à une compensation, et, par conséquent, s’il y a lieu d’ordonner le paiement du montant réclamé.

[68] Postes Canada soutient que le Tribunal n’a pas compétence pour accorder à Mme Boukailo une indemnité à cet égard à titre de réparation parce que la réparation qu’elle demande relève exclusivement de la compétence de la CAT. Comme il est expliqué plus haut, rien ne permet d’établir que le montant précisé à l’alinéa 33c) correspond uniquement à un montant que Mme Boukailo espérait que la CAT paie ou à un montant que seule la CAT doit payer.

[69] Habituellement, le Tribunal trancherait une question de compétence à titre préliminaire. Toutefois, le Tribunal n’est pas en mesure de tirer des conclusions de fait sur ce qui s’est produit pendant cette période ou d’évaluer pleinement la question de la responsabilité pour perte de salaire que Postes Canada pourrait avoir envers Mme Boukailo, y compris pour la période pertinente après le 11 avril, 2015, sans que la preuve ait été présentée à l’audience. Le Tribunal n’est pas convaincu qu’il dispose d’un fondement complet et exact pour trancher les faits sur lesquels l’argument relatif à la compétence serait fondé.

[70] De plus, à moins que Mme Boukailo n’établisse à l’audience l’existence d’une discrimination prima facie, il ne sera pas nécessaire que le Tribunal règle la question de la réparation. À cet égard, Mme Boukailo doit d’abord prouver, compte tenu de tout élément de preuve présenté par l’intimée, qu’elle possède une caractéristique protégée par la Loi, qu’elle a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi et qu’il y a un lien entre la caractéristique protégée (l’invalidité en l’espèce) et les répercussions négatives qu’elle a subies. Le Tribunal décidera si Postes Canada est responsable de l’une ou l’autre des allégations corroborées au cours de l’audience. En supposant que la responsabilité est établie, la réparation devient une question à trancher par le Tribunal. En effet, la réparation découle de la responsabilité. C’est dans le contexte de la responsabilité que Mme Boukailo doit prouver qu’elle a subi des pertes qui, en théorie, sont des pertes susceptibles de compensation permises en vertu de l’article 53 de la Loi. Toutefois, pour obtenir une indemnisation, elle doit également prouver que ses pertes présumées découlent de la responsabilité établie par le Tribunal.

[71] Pour les motifs susmentionnés, et par souci d’efficacité, il est donc prématuré de traiter de cette question dans le cadre d’une requête préalable à l’audience. Pour être clair, Postes Canada est libre de faire valoir cet argument dans ses observations concernant la compétence à l’avenir, au besoin.

(iv) Décision sur requête

[72] S’il y a un fondement juridique pour obliger Postes Canada à offrir une indemnisation supplémentaire à l’égard du poste de commis des postes, distincte de tout montant qui est dû exclusivement par la CAT pour la même période, comme il est allégué à l’alinéa 33c) de l’exposé des précisions, cette question sera abordée à l’audience relativement à la réclamation pour perte de salaire de Mme Boukailo. Le Tribunal n’est pas disposé à tirer une conclusion sur cette question jusqu’à ce que tous les éléments de preuve aient été présentés à l’audience et qu’il soit approprié d’examiner la question de la réparation.

[73] Le contenu contesté figurant à l’alinéa 33c) et au paragraphe 13 de l’exposé des précisions peut être conservé. Le paragraphe 13 comprend une déclaration selon laquelle Mme Boukailo avait des problèmes de santé et faisait l’objet de restrictions imposées par son médecin qui ne lui permettaient pas de travailler à temps plein. Il n’y a rien d’inadmissible dans ce contenu. Il peut rester tel quel.

[74] La question dans la requête concernant la réparation demandée à l’alinéa 33c) est ajournée. Le Tribunal ne rend aucune décision sur les questions de compétence pour l’instance et se réserve le droit de le faire, s’il y a lieu.

[75] Les parties doivent s’engager à déterminer si cette question peut être réglée sans que le Tribunal ait à rendre une décision. À cette fin, Mme Boukailo doit fournir des précisions qui portent sur les questions suivantes :

  1. Mme Boukailo doit informer Postes Canada de la période pertinente de toute perte aux fins de l’alinéa 33c);
  2. Mme Boukailo doit expliquer exactement ce qu’elle réclame, c’est-à-dire indiquer si elle réclame une perte de salaire ou une indemnité pour perte de salaire et indiquer si c’est pour une blessure ou un problème de santé lié ou non au travail;
  3. Si elle demande une indemnité, elle doit déterminer si celle‑ci est offerte au titre d’une disposition de la convention collective ou d’un régime d’assurance applicable, et, en tout état de cause, préciser le fournisseur de prestations et le régime d’avantages sociaux;
  4. Si elle demande une indemnité, elle doit indiquer à quoi sert l’indemnité et expliquer si elle est calculée de la même façon qu’une perte de salaire « directe » ou différemment, et expliquer comment elle est calculée, si elle peut avoir accès à cette information;
  5. Si elle demande une indemnisation uniquement pour le non-paiement d’indemnités de remplacement du salaire qui sont versées seulement par la CAT, et si elle ne réclame aucune perte de salaire à Postes Canada, elle doit le confirmer clairement par écrit;
  6. Si Mme Boukailo réclame à l’alinéa 33c) une perte de salaire précise de la part de Postes Canada relativement au poste de commis des postes, elle doit expliquer tout écart présumé dans la rémunération liée au salaire ou aux avantages sociaux ou toute rémunération touchée par une réduction de salaire pour la période pertinente découlant de son emploi à Postes Canada et comment ce montant est calculé.

C. Allégation selon laquelle la signature de Mme Boukailo a été falsifiée

[76] Postes Canada demande la radiation du paragraphe 29 de l’exposé des précisions de la plaignante et de l’alinéa 2g) de sa réplique, qui font tous deux état de la contrefaçon. Il n’est pas contesté que l’emploi d’une durée déterminée de Mme Boukailo à titre de superviseure temporaire a été prolongé à plusieurs reprises par lettre. Mme Boukailo soutient, au paragraphe 29 de son exposé des précisions, que sa signature a été falsifiée sur deux documents. À l’alinéa 2g) de sa réplique, Mme Boukailo précise qu’il s’agit de lettres de Postes Canada prolongeant la durée de son poste de superviseure. Les lettres étaient datées du 12 août 2014 et du 14 octobre 2014. Les signatures sont datées respectivement du 2 septembre 2014 et du 15 octobre 2014.

[77] Dans sa réponse à la requête, Mme Boukailo laisse entendre en outre que les lettres elles-mêmes ont été créées après le fait, peu avant une réunion de 2017 entre Postes Canada et le syndicat de la plaignante au sujet d’un grief, pour lequel ces documents auraient été pertinents.

(i) Observations

Position de Postes Canada

[78] Postes Canada demande que le contenu concernant la contrefaçon soit radié de l’exposé des précisions et de la réplique de la plaignante au motif qu’il s’agit d’une nouvelle allégation et d’une tentative de Mme Boukailo d’élargir la portée de sa plainte. Postes Canada soutient essentiellement que la question de la contrefaçon alléguée n’a aucun rapport avec le fond de la plainte et que les allégations concernant la contrefaçon n’aideront pas le Tribunal à trancher les questions centrales en litige entre les parties. Bref, Postes Canada demande que ce contenu soit radié parce qu’il n’est pas pertinent.

[79] Postes Canada déclare au début de ses observations, au paragraphe 37 de sa requête, que Mme Boukailo prétend essentiellement dans sa plainte que l’intimée a prématurément mis fin au poste de superviseure temporaire de Mme Boukailo en novembre 2014 en raison de son invalidité et a ensuite omis de prendre des mesures d’adaptation pour elle dans le poste de commis des postes. Au paragraphe 38 de sa requête, Postes Canada affirme que le cœur du différend entre les parties dans la plainte initiale [traduction] « consiste à savoir si la Société a fait preuve de discrimination à l’égard de la plaignante en omettant de prolonger de nouveau son poste de superviseure temporaire après le 29 novembre 2014 ».

[80] Postes Canada poursuit en faisant valoir qu’il n’y a aucun lien entre la plainte et l’allégation selon laquelle la signature de Mme Boukailo a été falsifiée sur les lettres du 12 août 2014 et du 14 octobre 2014. Elle soutient que [traduction] « [m]ême si la signature de la plaignante a été falsifiée sur les lettres du 12 août 2014 et du 14 octobre 201 […] cela n’aidera pas le Tribunal à déterminer si la Société a fait preuve de discrimination à l’égard de la plaignante en mettant fin à son poste de superviseure temporaire le 30 novembre 2014 ».

[81] Selon le deuxième argument de Postes Canada, Mme Boukailo n’allègue pas que la falsification de sa signature se fondait sur un motif de distinction illicite ou sur sa caractéristique protégée liée à une invalidité et constituait de la discrimination. Postes Canada soutient donc que l’allégation n’est pas liée à la plainte.

[82] Postes Canada soutient en outre que la présente procédure n’est pas l’instance appropriée pour trancher une allégation selon laquelle elle a falsifié la signature de Mme Boukailo. Premièrement, elle soutient que cette dernière aurait dû déposer un grief en vertu de la convention collective pour contester tout document figurant dans son dossier personnel. Deuxièmement, elle souligne que la contrefaçon constitue une infraction criminelle prévue au Code criminel, LRC 1985, c C-46. Elle soutient que le Tribunal n’a pas compétence pour déterminer s’il y a eu contrefaçon.

[83] Dans la réplique qu’elle a déposée à l’égard de la requête, Postes Canada affirme qu’il y a un fait important allégué dans la réponse de Mme Boukailo à la requête qui est très préjudiciable. Ce nouveau contenu indique que les lettres du 12 août 2014 et du 14 octobre 2014 ont été créées par Postes Canada après le fait, en 2017, pour le grief. Postes Canada soutient que le Tribunal ne devrait pas en tenir compte.

Position de Mme Boukailo

[84] Mme Boukailo affirme que les gestes posés par Postes Canada, y compris le traitement des documents à son sujet, sont pertinents parce qu’ils illustrent la manière injuste dont elle a été traitée en raison de son invalidité temporaire et, pour paraphraser ses propos, les répercussions qu’elle a subies.

[85] Mme Boukailo affirme qu’elle ne pouvait pas inclure l’allégation de contrefaçon dans sa plainte initiale parce qu’elle n’a pas obtenu les lettres en question avant mars 2017, lorsqu’elle a reçu un dossier de Postes Canada contenant toutes ses lettres de prolongation. Elle affirme que les documents du dossier ne lui ont été fournis que peu de temps avant une réunion entre son syndicat et Postes Canada au sujet d’un grief qui comprenait des questions mentionnées dans sa plainte relative aux droits de la personne. [La Commission a conclu que le grief n’empêchait pas que la plainte de Mme Boukailo fasse l’objet d’une enquête et soit renvoyée au Tribunal.]

[86] Mme Boukailo affirme dans son exposé des précisions qu’elle a découvert des documents qu’elle n’avait pas signés. Plus précisément, elle affirme qu’elle n’a pas signé ces lettres le 2 septembre 2014 et le 15 octobre 2014 en raison de sa blessure. Elle affirme que la main dont elle se sert pour écrire était la main blessée dans l’accident. Elle soutient que, le 2 septembre 2014, elle avait un plâtre sur la main. Le 15 octobre 2014, son plâtre lui avait été retiré seulement quelques jours auparavant. Elle affirme qu’elle avait [traduction] « une capacité d’écriture minime » à ce moment-là. Elle soutient que sa signature sur ces documents est identique à celle qu’elle a apposée sur un autre document. Pour ces raisons, elle croit que sa signature a été falsifiée.

[87] Dans sa réponse à la requête en radiation, Mme Boukailo a déclaré qu’elle n’avait pas reçu ces lettres au moment où elles auraient dû être envoyées et qu’elle ne les avait pas reçues avant la cessation de son poste de superviseure. Elle prétend avoir reçu les lettres portant sa signature falsifiée seulement en mars 2017 avant la réunion de règlement du grief et croit que les lettres ont été créées pour la réunion avec le syndicat en mars 2017.

(ii) Motifs

[88] Postes Canada cherche à faire radier le contenu concernant l’allégation de contrefaçon parce qu’il n’est pas pertinent. La question clé est donc la pertinence. Il est important de bien cerner les principales questions en litige en l’espèce, car ces questions permettent de déterminer quels documents sont pertinents. Le Tribunal fait remarquer que Postes Canada a formulé la première question principale de la plainte de deux façons différentes dans ses observations. Au départ, Postes Canada déclare à juste titre que la plainte dit essentiellement que l’intimée a prématurément mis fin au poste de superviseure temporaire de Mme Boukailo en novembre 2014 en raison de son invalidité. Toutefois, Postes Canada s’écarte ensuite de cette caractérisation et reformule la question principale comme étant celle de savoir si elle a fait preuve de discrimination en omettant de prolonger de nouveau le poste temporaire de Mme Boukailo après le 29 novembre 2014.

[89] Les documents prétendument falsifiés, s’ils étaient authentiques, auraient été rédigés plus tôt, en août et octobre 2014. Ils portaient sur la date de fin du poste temporaire de Mme Boukailo, et non sur son renouvellement après le 29 novembre 2014. Si la seule question à trancher concernait le renouvellement du poste temporaire, la pertinence des documents serait douteuse, le cas échéant. Toutefois, l’absence de renouvellement du poste temporaire n’est pas le premier point principal qu’a soulevé la plaignante dans sa plainte.

[90] Le principal point en litige dans la plainte initiale est l’allégation selon laquelle Postes Canada a mis fin prématurément à son poste de superviseure, sans préavis, le 1er décembre 2014. Mme Boukailo soutient que le poste ne devait pas prendre fin à cette date (ou le 29 novembre 2014, comme le prétend Postes Canada) ou qu’elle n’a pas été avisée de la date de cessation d’emploi du poste. La cessation prématurée d’un poste sans préavis est une question différente que le non-renouvellement ou la non‑prolongation d’un poste temporaire ou la suggestion que Postes Canada aurait finalement dû trouver un autre poste de supervision semblable pour Mme Boukailo. Le premier point à régler relativement au poste temporaire de Mme Boukailo est donc la question de savoir s’il y avait une date de cessation d’emploi et si Mme Boukailo a été avisée de cette date. La question de savoir si le contrat aurait dû être renouvelé ou prolongé après sa date de résiliation (en supposant que l’existence d’une date de résiliation est prouvée) est une question séquentielle.

[91] Postes Canada soutient que la question de la contrefaçon alléguée n’a aucun rapport avec le fond de la plainte. Toutefois, Postes Canada ne fait pas de rapprochement entre cette observation et le contenu de sa défense à l’égard de la plainte. Aux paragraphes 14, 15, 21 et 22 de son exposé des précisions, Postes Canada soutient que le poste temporaire de Mme Boukailo a été régulièrement prolongé par des lettres écrites et que, dans chaque cas, elle a été informée de la date de fin prévue. Postes Canada affirme que Mme Boukailo a été avisée de la date de fin de son poste temporaire à l’automne 2014. Elle affirme que cette date lui a été communiquée dans la [traduction] « lettre de prolongation finale datée du 14 octobre 2014 », qu’elle cite ensuite et qui dit ceci : [traduction] « la prolongation de votre nomination à ce poste […] doit se poursuivre jusqu’au 29 novembre 2014 ». Postes Canada affirme en outre que l’allégation de Mme Boukailo selon laquelle elle n’a pas reçu d’avis écrit concernant la fin de son poste de durée déterminée [traduction] « est fausse ». La question de savoir si Mme Boukailo a reçu et signé la lettre du 14 octobre 2014 est très pertinente. Si Mme Boukailo n’a pas reçu la lettre du 14 octobre 2014, la question de savoir si elle a reçu la lettre du 12 août 2014 et son contenu, et si elle a signé ce document, est très pertinente. Les lettres du 14 octobre 2014 et les lettres antérieures semblables, en particulier la lettre du 12 août 2014, sont directement pertinentes, sinon fondamentales, pour la défense présentée par Postes Canada dans son exposé des précisions.

[92] Postes Canada peut choisir de modifier sa défense. Toutefois, le Tribunal a estimé que Postes Canada était prête à se fier aux signatures sur les lettres pour établir que Mme Boukailo a reçu les lettres et a accusé réception d’un avis de prolongation de son poste d’août à novembre 2014, et donc, qu’elle avait été avisée que le poste de superviseur d’une période déterminée prendrait fin le 29 novembre 2014. Postes Canada semblait avoir l’intention de s’appuyer sur ces documents pour se défendre contre l’allégation selon laquelle elle a prématurément mis fin au poste de Mme Boukailo le 1er décembre 2014, sans préavis. Les documents semblent constituer une preuve clé de son affirmation selon laquelle elle n’a pas mis fin au poste de superviseur pour des raisons discriminatoires et que le poste a plutôt pris fin à sa date d’échéance. Postes Canada soutient en outre que le poste de superviseur n’a pas été renouvelé pour des raisons d’affaires. Les lettres figurent dans sa liste de documents, dans laquelle les parties sont tenues de communiquer tous les documents qui pourraient être pertinents.

[93] Par conséquent, le Tribunal a présumé que Postes Canada souhaiterait que ces lettres soient admises en preuve à l’audience. Toutefois, dans sa réplique aux observations de Mme Boukailo au sujet de la requête, Postes Canada affirme que, si elle cherche à s’appuyer sur les lettres à l’audience devant le Tribunal, elle devra établir l’authenticité des documents pour les faire admettre en preuve.

[94] L’observation de Postes Canada sur ce point comprend la possibilité qu’elle ne dépose pas ces documents en preuve. Postes Canada peut choisir de ne pas déposer les lettres en preuve à l’appui de sa défense. Si c’est le cas, il se peut qu’il ne soit pas nécessaire de trancher les questions relatives à ces lettres. Toutefois, si Postes Canada choisit de ne pas s’appuyer sur les lettres, cela ne signifie pas nécessairement que les lettres ne seront pas présentées en preuve. Mme Boukailo, qui a reçu les lettres de Postes Canada, pourrait demander à présenter les lettres en preuve à l’appui de ses allégations.

[95] Pour revenir à la question de la pertinence pour trancher le fond de la plainte, d’après les renseignements dont dispose le Tribunal, les lettres en question sont directement pertinentes pour la question de savoir s’il y avait une date de cessation d’emploi et si Mme Boukailo a reçu un avis de cette date de cessation d’emploi, et le cas échéant, à quel moment. Il serait manifestement erroné de conclure que ces documents sont accessoires ou n’ont aucun rapport avec les questions de fond de la plainte et que, par conséquent, l’allégation de contrefaçon est accessoire ou non pertinente.

[96] À tout le moins, on ne peut présumer à cette étape que les documents ne sont pas pertinents ou qu’ils ne seront pas présentés en preuve. On ne peut donc pas supposer que les questions entourant ces lettres n’auront pas à être tranchées. Dans ces circonstances, le Tribunal n’est pas disposé à radier l’allégation de falsification de ces lettres.

[97] Avant de laisser de côté la question de la pertinence qui est soulevée dans la défense de Postes Canada, le Tribunal souhaite revenir à l’observation faite par Postes Canada concernant le fardeau de prouver la pertinence. Postes Canada soutient que Mme Boukailo n’a pas expliqué dans ses documents comment une signature falsifiée sur une lettre de prolongation de son poste temporaire est liée à ses allégations de discrimination. Compte tenu de la défense de Postes Canada et du fait qu’elle a déposé la présente requête, le fardeau de la persuasion repose sur Postes Canada.

[98] De plus, l’observation selon laquelle la plaignante n’a pas établi en quoi les fausses signatures présumées sont discriminatoires ou liées à un motif de distinction illicite prévu par la Loi est un argument bidon. La falsification est pertinente pour établir la modification potentielle des éléments de preuve pertinents. La contrefaçon n’a pas nécessairement à être une forme particulière de discrimination; c’est une question pertinente pour déterminer si Postes Canada a agi de bonne foi dans le cadre de la présente instance, mais dans la mesure où il s’agit d’une allégation de discrimination, celle-ci serait évidemment liée à l’invalidité et Mme Boukailo n’a pas besoin d’expliquer, plus en profondeur, comment une signature falsifiée sur une lettre prolongeant son poste temporaire est liée à ses allégations de discrimination. Compte tenu de la défense énoncée dans son exposé des précisions, Postes Canada n’a pas expliqué en quoi une signature falsifiée sur ces lettres n’est pas liée à l’allégation de Mme Boukailo selon laquelle il était discriminatoire pour Postes Canada de mettre fin prématurément à son poste de superviseure. Quoi qu’il en soit, l’allégation est pertinente pour soupeser les principaux éléments de preuve potentiels.

[99] Postes Canada soutient que, même si la signature sur les lettres est falsifiée, ce n’est pas une preuve de discrimination. Il s’agit d’un autre argument de Postes Canada selon lequel de fausses signatures sur des preuves clés ne sont pas pertinentes. L’argument n’est pas convaincant à ce dernier égard.

[100] Le Tribunal convient que la preuve de la contrefaçon de ces lettres ne constitue pas nécessairement une preuve de discrimination. La raison d’une telle falsification, en supposant qu’elle soit prouvée, n’a peut-être rien à voir avec la discrimination. Toutefois, selon les circonstances, la preuve de contrefaçon pourrait avoir des répercussions sur des questions qui dépendent de la crédibilité. Si elles sont prouvées, les fausses signatures figurant dans les dossiers de l’entreprise pourraient constituer une preuve de mauvaise foi et d’utilisation déloyale et, par conséquent, être compatibles avec une preuve circonstancielle de discrimination. Si elle est prouvée, la falsification des signatures d’un plaignant pourrait constituer un acte discriminatoire, selon la raison et la motivation. L’utilisation des documents pourrait être pertinente pour l’allégation de discrimination. De plus, s’il est prouvé qu’un plaignant n’a pas signé des documents importants, cela pourrait constituer un fondement pour une observation selon laquelle un employé de l’intimé s’est livré volontairement à un acte discriminatoire et que des dommages-intérêts spéciaux devraient être accordés en vertu du paragraphe 53(3) de la Loi.

[101] La question n’est pas de savoir si la contrefaçon peut être ou non une preuve de discrimination à cette étape de l’instance. Ce qui est pertinent, c’est la question de savoir si des documents qui sont très pertinents dans le cadre d’une instance relative aux droits de la personne ont été modifiés ou créés en dehors de leur utilisation présumée.

[102] Le Tribunal se tourne vers les observations de Postes Canada selon lesquelles il n’a pas compétence pour traiter de cette allégation ou devrait renvoyer la question à une autre instance. Le Tribunal est tenu de rendre des décisions relatives à la preuve et d’évaluer les faits importants soulevés dans les instances dont il est saisi. Le Tribunal a incontestablement compétence pour déterminer l’authenticité, la validité et la fiabilité de tout document, de toute signature ou de toute preuve pouvant être pertinents pour une plainte. Cela vaut pour les décisions visant à déterminer si la preuve documentaire a été falsifiée ou modifiée et comprend la question de savoir s’il y a une signature falsifiée sur les lettres en cause.

[103] Mme Boukailo n’est pas tenue, comme le laisse entendre Postes Canada, de s’abstenir de formuler cette allégation, qui est sans doute pertinente pour sa plainte. Elle n’est pas tenue de poursuivre plutôt ce qui est probablement un recours frappé de prescription en déposant un grief au sujet de l’inclusion des lettres contestées dans son dossier personnel. De même, le Tribunal n’outrepasse pas sa compétence et n’assume pas à tort la compétence d’un tribunal pénal, comme le laissent entendre les observations de Postes Canada, en évaluant l’authenticité de la preuve et en tirant des conclusions factuelles et juridiques sur la question de savoir si la preuve a été falsifiée ou modifiée dans les instances dont il est saisi.

[104] Enfin, Postes Canada affirme qu’il y a un nouveau fait important allégué dans la réponse de Mme Boukailo à la requête selon laquelle les lettres du 12 août 2014 et du 14 octobre 2014 ont été créées par Postes Canada pour le grief, en 2017. Elle soutient que le fait allégué est très préjudiciable et que le Tribunal ne devrait pas en tenir compte.

[105] Depuis le dépôt de son exposé des précisions, Mme Boukailo a été cohérente au sujet de son allégation selon laquelle elle n’a pas reçu les lettres au moment où elles auraient dû être envoyées, selon leur date. Elle a fourni d’autres précisions dans sa réponse à la requête concernant la façon dont elle affirme avoir obtenu ces lettres en 2017.

[106] Postes Canada s’oppose à la croyance de Mme Boukailo selon laquelle ces lettres ont été créées aux fins du grief plutôt qu’au moment pertinent pour sa plainte. Postes Canada demande au Tribunal de ne pas tenir compte de l’allégation parce qu’elle est préjudiciable, mais n’explique pas en quoi l’allégation elle-même est préjudiciable. Le préjudice découle peut-être du fait qu’il y a une implication selon laquelle Postes Canada a utilisé des éléments de preuve ou des dossiers commerciaux falsifiés dans le cadre de la procédure de règlement des griefs avant de les utiliser dans la présente instance. Toutefois, il n’y a pas d’assertion précise concernant l’utilisation des documents dans le processus de règlement des griefs, mais l’allégation porte plutôt sur un motif pour la création présumée des documents. À cet égard, la question la plus importante est celle de savoir si les lettres ont été préparées, livrées et signées aux dates qu’elles portent.

[107] La preuve présentée à l’audience pourrait indiquer que les lettres n’ont pas du tout été falsifiées. Il se peut que la preuve montre que les lettres ont été créées au plus tard à la date indiquée. Toutefois, la question de savoir si l’une ou l’autre de ces lettres a été créée après coup est pertinente. Le moment de la création des lettres est donc pertinent. Si la preuve montre que les lettres ont été créées après le fait, le motif de leur création pourrait être pertinent. D’autre part, il pourrait ne pas être pertinent. Cette question serait tranchée, au besoin.

[108] Le fait est que l’expression de croyance de Mme Boukailo au sujet de la création de ces documents pour le grief découle de l’allégation initiale selon laquelle sa signature a été falsifiée sur les lettres, vraisemblablement aux fins de sa plainte en matière de droits de la personne, et ne semble pas être plus préjudiciable que l’allégation initiale. Le Tribunal n’est pas disposé à radier les faits allégués qui pourraient être pertinents et qui sont plaidés avant l’audience, avant la réception de tout élément de preuve à cet égard.

[109] L’intimée demande en outre au Tribunal de ne pas tenir compte d’une allégation qui, si elle est prouvée, est pertinente. Une demande visant à ne pas tenir compte d’une telle allégation devrait être rejetée lorsque la partie qui fait opposition n’a pas fourni de preuve concernant le bien-fondé de la question ou le préjudice allégué. Une demande visant à ce que le Tribunal ne tienne pas compte d’une allégation avant l’audience invite le Tribunal à procéder injustement contre la partie adverse. Le Tribunal n’agira pas de la sorte.

(iii) Décision sur requête

[110] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal refuse d’accueillir la requête de Poste Canada visant à radier le paragraphe 29 de l’exposé des précisions de Mme Boukailo et l’alinéa 2g) de sa réplique.

D. Allégation selon laquelle Postes Canada a exercé des représailles

(i) Introduction

[111] Comme il a été mentionné précédemment, Postes Canada demande dans sa requête que le contenu de l’exposé des précisions de Mme Boukailo concernant une nouvelle allégation de représailles soit radié. Subsidiairement, Postes Canada sollicite une ordonnance obligeant Mme Boukailo à fournir de meilleures précisions sur son allégation.

[112] Postes Canada a soulevé trois objections de procédure au cours de la présentation de sa requête, en plus des arguments concernant le bien-fondé de celle-ci. Elle a également décidé de ne pas fournir de détails pour indiquer sa position précise sur certaines questions à ce moment-ci. Il convient de se pencher sur ces questions à ce stade-ci, dans le contexte des allégations de représailles.

[113] Postes Canada dit s’opposer à ce qu’elle décrit comme de nombreux faits nouveaux importants dans la réponse de Mme Boukailo à la requête. Elle affirme que la plupart d’entre eux portent sur la question des représailles. La nouvelle allégation de représailles est choisie pour expliquer le raisonnement du Tribunal à l’égard des objections de Postes Canada, lorsque cela est pertinent pour la présente décision, et la décision du Tribunal de ne pas donner suite à ces objections dans la présente requête. Le Tribunal examinera ensuite le bien-fondé de la demande de radiation des allégations de représailles.

(ii) Objections de Postes Canada

[114] Selon la première objection de Postes Canada, les observations de Mme Boukailo en réponse à la requête ne répondent pas directement aux questions juridiques qui se rapportent à une requête visant à radier du contenu de son exposé des précisions. Par exemple, elle n’aborde pas les dispositions législatives qui précisent quand il est approprié de radier du contenu d’un exposé des précisions et quand ce n’est pas le cas.

[115] Dans la même veine, au paragraphe 3 de sa réplique, Postes Canada soutient que la réponse de Mme Boukailo [traduction] « réitère en grande partie sa position sur le bien-fondé de la plainte, plutôt que d’établir comment les nouvelles allégations soulevées dans son exposé des précisions et sa réplique sont liées à la plainte et devraient être entendues par le Tribunal ». Postes Canada a pris position à plusieurs reprises dans ses observations selon lesquelles il incombait à Mme Boukailo d’expliquer sa position pour réfuter les observations initiales de Postes Canada dans la requête. Elle laissait entendre qu’il y avait un fardeau qui incombait à Mme Boukailo et dont celle‑ci ne s’est acquittée, et que, par conséquent, sa requête devrait être accueillie.

[116] Postes Canada ne se contente pas de soutenir que l’approche de Mme Boukailo est juridiquement incorrecte, mais elle souligne l’impact de cette approche. Postes Canada soutient qu’il convient que le Tribunal ne tienne pas compte des observations de Mme Boukailo en réponse à la requête au motif qu’elles ont trait au bien-fondé de la plainte. Selon la raison invoquée par Postes Canada, également au paragraphe 3 de sa réplique, [traduction] « [l]e Tribunal n’examine pas le bien-fondé des nouvelles allégations lorsqu’il décide d’accueillir une requête en radiation ou une requête en modification de la plainte initiale ».

[117] Au-delà de sa première objection selon laquelle Mme Boukailo n’a pas répondu avec des arguments juridiques applicables ou n’a pas établi comment les nouvelles allégations soulevées dans son exposé des précisions et sa réponse sont liées à la plainte, Postes Canada soulève l’objection selon laquelle Mme Boukailo a inclus à tort des faits nouveaux importants dans sa réponse à la requête qui ne figuraient pas dans la plainte, dans son exposé des précisions ou dans la réplique qu’elle a déposée à l’exposé des précisions de Postes Canada. Au paragraphe 4 de ses observations en réplique, Postes Canada soutient que Mme Boukailo [traduction] « n’a pas le droit de soulever de nouveaux faits et détails importants à l’appui de sa plainte à cette étape de l’instance du Tribunal, et il n’est pas non plus approprié de le faire en réponse à la requête en radiation de la Société ». Postes Canada s’oppose à ce que Mme Boukailo s’appuie sur ces nouveaux faits à l’audience, parce qu’ils sont [traduction] « inopportuns » et que Postes Canada n’a pas eu l’occasion d’y répondre.

[118] Postes Canada soutient que le Tribunal devrait faire abstraction de ces nouveaux faits importants dans la réponse à la requête pour décider la façon de trancher sa requête en radiation. Postes Canada affirme qu’elle ne répondra pas à ces faits nouveaux pour le moment. Toutefois, elle se réserve le droit d’y répondre plus en profondeur.

[119] Postes Canada déclare également ce qui suit au paragraphe 5 : [traduction] « [c]ertains de ces nouveaux faits et détails importants ont également trait à des aspects de la plainte sur lesquels l’intimée convient que le Tribunal devrait se pencher et qui n’ont rien à voir avec la requête en radiation ».

[120] Quant à sa troisième objection, Postes Canada soutient dans ses observations en réplique que les nouvelles allégations de représailles ne devraient pas être autorisées parce que les mêmes allégations font l’objet d’une autre instance. Postes Canada affirme qu’au paragraphe 32 de sa réponse à la requête, Mme Boukailo reconnaît que son syndicat a déposé deux griefs. Postes Canada affirme que Mme Boukailo soutient, au paragraphe 15 de son exposé des précisions, que son superviseur a exercé des représailles contre elle en lui envoyant essentiellement une lettre disciplinaire le 1er septembre 2020, et à l’alinéa 8a) de sa réplique, se plaint du fait qu’il a effectué une évaluation de travail individuelle à son sujet le 15 octobre 2020. Postes Canada soutient que les griefs portent essentiellement sur les mêmes faits et questions que les allégations de représailles de Mme Boukailo. Elle souligne que, aux paragraphes 27 et 30 de sa réponse à la requête, Mme Boukailo prétend que les représailles alléguées contrevenaient à la convention collective. Postes Canada affirme que la plaignante cherche à obtenir un certain nombre de réparations au moyen de l’arbitrage, y compris des indemnisations pour perte de salaire et d’avantages sociaux et des dommages-intérêts qui pourraient être accordés par le Tribunal. Postes Canada affirme que les deux griefs sont toujours en cours et qu’elle s’attend à ce qu’ils fassent l’objet d’un arbitrage.

[121] Postes Canada soutient que Mme Boukailo ne devrait pas avoir le droit de déposer en même temps une plainte relative aux droits de la personne et de recourir aux procédures prévues dans la convention collective au sujet des mêmes actes discriminatoires allégués. Postes Canada soutient que la Commission a le pouvoir, en vertu de l’alinéa 41(1)a) de la Loi, de refuser de donner suite à une plainte si un plaignant épuise les procédures de règlement des griefs à sa disposition, mais la Commission n’a pas eu l’occasion d’examiner les allégations de représailles. Postes Canada soutient, au paragraphe 16 de sa réplique à la réponse de Mme Boukailo à la requête, que le Tribunal devrait procéder au motif que la Loi a pour objet de veiller à ce que les plaignants [traduction] « n’entament pas simultanément des procédures parallèles dans deux instances différentes pour les mêmes manquements allégués ». Postes Canada laisse entendre que le Tribunal devrait rejeter les allégations de représailles.

(iii) Approche du Tribunal à l’égard des objections de procédure

Conséquences pratiques et juridiques

[122] Le Tribunal convient que, dans sa réponse à la requête, Mme Boukailo met l’accent sur le bien-fondé de l’allégation de discrimination, y compris les représailles. Ce commentaire peut être formulé au sujet de la majorité, sinon la totalité, des observations qu’elle a déposées en réponse à la requête. La question porte donc sur l’incidence pratique et juridique de ses observations sur la présente requête.

[123] Dans ses observations, Postes Canada va au-delà du fait de soutenir que l’autre partie a tort et d’expliquer pourquoi. Postes Canada demande que les observations de la plaignante ne soient pas prises en compte. Cette demande a des incidences sur l’équité procédurale.

[124] En ce qui concerne son opposition à ce qui, selon elle, est l’inclusion d’une [traduction] « quantité importante de faits nouveaux importants », Postes Canada n’a pas indiqué dans sa réplique, à une exception près, quels étaient, selon elle, les nouveaux faits importants contenus dans la réponse de Mme Boukailo à la requête qui ne figuraient pas dans sa plainte, son exposé des précisions ou sa réplique. La seule exception concerne la question de la contrefaçon; à ce sujet, Postes Canada a indiqué qu’elle s’opposait à l’allégation précise selon laquelle elle a falsifié la signature de Mme Boukailo aux fins du grief. La question est abordée dans la section procédurale des présents motifs. Autrement, à part pour le fait d’indiquer qu’une grande partie des nombreux faits nouveaux allégués concernent la question des représailles, Postes Canada ne précise pas ce qu’elle considère comme des faits nouveaux et répréhensibles dans la réponse de Mme Boukailo à la requête aux fins de son objection. Ainsi, lorsque Postes Canada demande au Tribunal de ne pas tenir compte des observations de la plaignante, elle lui demande essentiellement de ne pas tenir compte de la plupart ou de la totalité de sa réponse à sa requête.

Conclusions sur les objections

[125] Postes Canada a beaucoup insisté sur ce que Mme Boukailo a fait d’« erroné » dans sa réponse à la requête. Il n’est pas rare que des parties qui agissent pour leur propre compte ou dont la représentaton par avocat est déficiente et qui n’ont pas de connaissances ou de compétences juridiques prennent parfois position ou demandent réparation sans expliquer pleinement leur fondement juridique ou sans indiquer expressément tous les détails factuels en l’absence de quelques directives données au départ. Le recours à l’instruction active dans les instances lorsqu’il est dans l’intérêt de la justice et de l’équité procédurale de le faire est également courant. Le Tribunal doit quand même rendre une décision, malgré les circonstances difficiles, et il recourra à l’instruction active au besoin pour régler les véritables questions en litige entre les parties, comme l’exigent les paragraphes 1(1) et (2) des Règles. Le Tribunal est conscient de l’obligation de fournir aux parties qui agissent pour leur propre compte et qui n’ont ni l’expertise ni l’expérience voulues en matière juridique un soutien procédural approprié pour veiller à ce que leur cause soit entendue sur le bien‑fondé.

[126] L’intimée cherche avant tout à persuader le Tribunal de ne pas tenir compte des observations de Mme Boukailo parce qu’elles ne sont pas pertinentes pour la requête. Elle affirme que le Tribunal ne devrait pas tenir compte de ses observations. Elle soutient également que Mme Boukailo n’a pas le droit de présenter d’autres faits importants dans sa réponse à la requête et qu’il est inapproprié de le faire. Cela signifie que le Tribunal devrait ne pas tenir compte de ces nouveaux renseignements. Le Tribunal se penche donc d’abord sur la réparation demandée. Habituellement, le Tribunal se concentre d’abord sur la question de savoir si l’intimée a été convaincante au sujet du bien-fondé de sa requête. Dans la présente affaire, le Tribunal se concentrerait d’abord sur les explications de Postes Canada concernant les raisons pour lesquelles du contenu de l’exposé des précisions de la plaignante devrait être radié. Il faut que le Tribunal donne suite aux observations de la plaignante dans le cadre de la requête ou qu’il rende une décision à leur égard seulement si ces observations peuvent être déterminantes pour l’issue de la requête.

[127] Comme il a été expliqué, selon la première objection de Postes Canada, les observations de Mme Boukailo ne répondent pas directement aux questions juridiques relatives à une requête en radiation et n’établissent pas comment les nouvelles allégations soulevées dans son exposé des précisions et sa réplique sont liées à la plainte. Postes Canada insiste sur le fait que le Tribunal devrait ne pas tenir compte des observations de la plaignante parce qu’elles ne sont pas pertinentes sur le plan juridique étant donné l’accent mis sur le bien-fondé de la plainte plutôt que sur la requête. Dans sa demande de [traduction] « ne pas tenir compte », il n’est pas tout à fait clair si Postes Canada demande au Tribunal de ne pas être influencé par les observations de Mme Boukailo ou de refuser de continuer à lire et à examiner ses observations. Il semble effectivement que l’utilisation de l’expression [traduction] « ne pas tenir compte » dans le contexte des observations de l’intimée fait fi de la nécessité d’examiner les observations de la plaignante. Dans un cas comme dans l’autre, le Tribunal n’est pas d’accord pour dire que les objections de Postes Canada mènent à la conclusion qu’il ne faudrait pas tenir compte de la réponse de Mme Boukailo, et ce, pour des raisons de fond et de procédure.

[128] Les raisons de fond du rejet de la demande de Postes Canada sur ce point sont expliquées ci-après dans le contexte du bien-fondé de la requête en radiation des allégations de représailles. Essentiellement, les arguments de Mme Boukailo ont une certaine pertinence pour la présente requête pour les motifs exposés.

[129] Les raisons procédurales pour ne pas ignorer la réponse de Mme Boukailo reposent sur l’exigence d’équité. D’une part, comme il est indiqué ailleurs dans les présents motifs, Postes Canada aborde le bien-fondé des allégations contenues dans la plainte à l’occasion dans sa requête. Elle le fait en ce qui concerne les allégations de représailles. Elle fournit également des faits supplémentaires dans ses documents de requête. Néanmoins, le Tribunal tient compte des observations de Postes Canada aux fins de la présente requête. Il serait injuste de ne pas faire la même chose pour Mme Boukailo.

[130] Le Tribunal n’accepte pas la position de Postes Canada selon laquelle Mme Boukailo n’a pas le droit de soulever de nouveaux faits et détails importants à l’appui de sa plainte à cette étape de l’instance. Le Tribunal n’accepte pas qu’il soit inapproprié pour elle de le faire en réponse à la requête en radiation. Les parties sont autorisées à présenter des éléments de preuve et des renseignements supplémentaires dans le cadre d’une requête. C’est exactement ce que Postes Canada a fait, par exemple, en fournissant des copies des griefs avec ses documents de requête. Mis à part l’allégation selon laquelle Postes Canada a causé sa blessure, il n’y a rien de non pertinent pour la plainte ou d’inapproprié dans la réponse de Mme Boukailo à la requête, de sorte que cette dernière ne devrait pas être autorisée à s’appuyer sur ces documents pour la requête. Il y a une différence entre la question de savoir si les documents fournis par une partie dans sa requête sont convaincants et la question de savoir si les documents ne doivent pas être pris en compte parce qu’ils sont inappropriés ou parce que la partie n’a pas le droit de les présenter en est une autre. Tout le monde a droit à une possibilité équitable de présenter ses arguments.

[131] Bien qu’il soit vrai que le Tribunal n’examine pas le bien-fondé de la plainte dans une requête de cette nature, cela ne revient pas à faire fi de la pertinence des observations d’une partie. Le Tribunal a l’obligation d’examiner pleinement les observations de chaque partie et les répercussions de ces observations; sinon, il irait à l’encontre des principes de justice naturelle. Au cours du processus d’examen de la requête, il serait injuste sur le plan procédural de ne pas tenir compte de la pertinence des observations de la plaignante en raison de ce qu’elles ne contiennent pas. De même, il serait injuste de ne pas tenir compte des observations de la plaignante en raison de leur contenu, sans que Postes Canada démontre de façon convaincante qu’elle est lésée par l’inclusion de présumés documents répréhensibles et qu’il n’y a pas d’autre recours procédural pour atténuer ce préjudice. La décision du Tribunal sera fondée sur ce qui est pertinent, mais le Tribunal ne refusera pas d’examiner des observations parce qu’une partie soutient qu’elles ne sont pas pertinentes. Le fait de laisser entendre qu’une partie ou la totalité d’une observation n’est pas pertinente ne justifie pas le fait d’ignorer des parties, des aspects ou des implications d’une observation qui pourraient être pertinents. Le fait que le contenu soit « non pertinent » à un égard ne justifie pas une demande visant à obtenir, comme réparation, que ce contenu ne soit pas pris en compte, surtout lorsqu’il est pertinent à un autre égard. Pour des raisons semblables, le Tribunal ne refusera pas d’examiner des observations parce qu’une partie soutient qu’elles sont inappropriées sans démontrer pourquoi.

[132] Il serait particulièrement injuste que le Tribunal ne tienne pas compte des observations de Mme Boukailo concernant le bien-fondé de sa plainte, comme le demande Postes Canada, car en omettant de préciser son objection liée à la non-pertinence, Postes Canada demande essentiellement au Tribunal de ne pas tenir compte de la majorité ou de la totalité de la réponse de Mme Boukailo à sa requête. Comme il est expliqué ci‑après, sa réponse répond au moins en partie à la requête.

[133] En même temps qu’elle présente cette objection, Postes Canada explique à l’inverse que certains des nouveaux faits et détails importants se rapportent effectivement à la plainte et ne sont pas inclus dans la requête en radiation. Comme il est expliqué, Postes Canada n’a pas indiqué quel contenu de la réponse de Mme Boukailo entre dans la catégorie des faits nouveaux qui, selon elle, devraient faire l’objet d’une enquête et quel contenu n’entre pas dans cette catégorie. Elle n’a pas précisé le sujet précis de son objection. Bien qu’elle n’ait pas précisé les prétendus faits nouveaux importants auxquels se rapporte son objection, Postes Canada soutient également que Mme Boukailo ne devrait pas pouvoir s’y appuyer lorsque l’audience sur le bien‑fondé aura lieu.

[134] Postes Canada ne fournit pas les motifs de sa décision de ne pas indiquer le sujet précis de son objection concernant la présentation de faits nouveaux importants dans la réponse de la plaignante à la requête. Comme il a été indiqué, Postes Canada déclare qu’elle ne répondra pas aux faits nouveaux, mais se réserve le droit d’y répondre plus en profondeur. Avec tout le respect que je lui dois, l’intimée, qui est celle qui a présenté une requête, ne devrait pas présumer qu’elle est libre de ne pas aborder les questions qui sont ou peuvent être nécessaires pour trancher la requête maintenant.

[135] Postes Canada est bien représentée par une avocate. Le Tribunal ne devinera pas quelle est la position de Postes Canada à l’égard du contenu qui doit être conservé ou comment ses objections pourraient s’appliquer à chaque élément de contenu, de façon générale, dans la réponse de la plaignante à la requête. De plus, lorsque des objections sont soulevées au cours d’une requête, le Tribunal devrait avoir l’occasion de décider dans quelle mesure ces objections sont importantes pour sa décision sur la requête et si les nouvelles questions peuvent ou doivent être séparées de la requête.

[136] Enfin, comme il a été expliqué, Postes Canada s’oppose à l’inclusion d’allégations de représailles au motif que les mêmes allégations font l’objet d’une procédure différente, au moyen de griefs déposés en vertu d’une convention collective. Postes Canada est tenue au courant des griefs au sein de son organisation et devrait certainement être au courant des griefs qu’elle décrit comme étant « en cours » et dont elle s’attend qu’ils soient soumis à l’arbitrage. Postes Canada a été avisée que les allégations de représailles concernaient ce qu’elle décrit maintenant comme [traduction] « les mêmes faits et questions » dans les griefs parce que Mme Boukailo a inclus des faits importants au sujet des représailles exercées le 1er septembre 2020 et 15 octobre 2020 selon ses allégations formulées dans son exposé des précisions, au paragraphe 15, et dans sa réplique, à l’alinéa 8a), respectivement. Postes Canada fait référence à ce contenu dans ses observations sur la requête et avait clairement en sa possession cette information lorsque l’exposé des précisions de la plaignante a été déposé. De même, Postes Canada a été avisée du sujet visé par les griefs en cause, d’après les formulaires de grief qu’elle a présentés avec sa réplique à la requête. Postes Canada aurait dû présenter son argument concernant l’instance appropriée pour les allégations de représailles dans sa requête, et ne pas attendre que Mme Boukailo dépose sa réponse à la requête. Étant donné que Postes Canada n’a pas inclus cet argument dans les observations et les documents initiaux de sa requête, Mme Boukailo n’a pas eu l’occasion de répondre à cette question. C’est injuste sur le plan procédural. Le Tribunal refuse d’accueillir l’objection de Postes Canada à l’instance, car ce n’est pas équitable sur le plan procédural pour Mme Boukailo.

[137] Cette objection est également rejetée eu égard à la question de son bien-fondé. Ces griefs ont été déposés après le 1er septembre 2020 et le 15 octobre 2020, c’est-à-dire après le renvoi de la présente plainte au Tribunal le 9 juillet 2020. Le Tribunal est saisi de la plainte à la suite du renvoi par la Commission. Il s’ensuit que le Tribunal est saisi de toutes les questions liées à la présente plainte, y compris de toute allégation de représailles qui pourrait être soulevée.

[138] Il va sans dire que la Commission n’aura pas examiné les allégations de représailles qui surviennent après le renvoi d’une plainte au Tribunal. Ce n’est pas une raison pour que le Tribunal refuse d’entendre les allégations, comme il est expliqué ci‑après en ce qui concerne le bien-fondé de la requête en radiation des allégations de représailles. L’intimée n’a offert aucun fondement pour appuyer la proposition selon laquelle il serait juridiquement approprié de supprimer les allégations de représailles se rapportant à une plainte dont le Tribunal est saisi en bonne et due forme parce qu’un grief portant sur les mêmes faits et questions relativement aux représailles a été déposé en vertu d’une convention collective.

[139] Le Tribunal souligne également qu’il s’est écoulé plus d’un an depuis le dépôt des griefs. L’intimée n’a pas fourni de preuve au Tribunal pour démontrer que les griefs ont été officiellement renvoyés à l’arbitrage, ce qui exige le consentement du syndicat, et elle n’a pas informé le Tribunal que des séances d’arbitrage ont été organisées depuis. Si ces griefs sont soumis à l’arbitrage et que des audiences sont prévues, et s’il y a une question de chevauchement ou de caractère théorique compte tenu de la présente instance, cette question peut être soulevée auprès de l’arbitre.

[140] De plus, le Tribunal n’est pas disposé à conclure que les griefs portent sur les mêmes faits et questions en se fondant sur les documents déposés pour la requête. Il s’agit de l’observation de l’intimée à cet effet, d’une copie de chaque grief et d’une partie de la convention collective applicable. Les formulaires de grief ne sont pas des actes de procédure. Ils sont souvent rédigés de façon informelle, en termes généraux et non spécifiques, et toutes les dispositions éventuellement pertinentes de la convention collective sont énumérées par le syndicat, de sorte qu’il est en mesure de faire valoir que ce contenu est pertinent à l’audience, ce qui semble être le cas en l’espèce. Il n’y a aucune référence expresse à la discrimination dans les formulaires de grief, ni aucune description de la discrimination alléguée dans la description des faits ou relativement aux réparations demandées, seulement une référence à des articles de la convention collective et une référence générale à [traduction] « d’autres lois ». Les articles mentionnés dans la convention collective sont ceux qui interdisent la discrimination et le harcèlement en milieu de travail et sont habituellement inclus dans les formulaires de grief.

[141] Les formulaires de grief ne constituent pas une preuve fiable des éléments qui font effectivement partie du sujet visé par toute question qui finit par être soumise à un arbitre, en supposant que les cas sont soumis à l’arbitrage. Le Tribunal n’est pas disposé à conclure qu’il s’agit de la mauvaise instance pour entendre et trancher les allégations de représailles ou que les griefs constituent une raison de ne pas permettre que les allégations de représailles soient ajoutées à une plainte existante en matière de droits de la personne.

[142] Enfin, le Tribunal tranche les objections relatives à la requête de Postes Canada sur le bien-fondé, y compris l’opposition à l’instance, en se fondant sur les documents et les renseignements déjà fournis par les parties, plutôt que de demander d’autres observations à Mme Boukailo et une réplique. Cette approche est le moyen le plus rapide de régler les questions de procédure qui ont été entièrement cernées par l’intimée, pour faire avancer la présente affaire jusqu’à l’audience.

(iv) Contenu pertinent concernant les représailles

[143] La première étape consiste à établir si, en tant que partie qui a déposé la présente requête, Postes Canada s’est acquittée du fardeau qui lui incombait d’établir que les nouvelles allégations ne sont pas liées à la plainte. Le contenu concernant les représailles se trouve aux paragraphes 15, 28 et 32 de l’exposé des précisions de la plaignante et aux alinéas 8a) et b) de sa réplique à l’exposé des précisions déposé par Postes Canada.

[144] Au paragraphe 15, Mme Boukailo soutient que, après avoir refusé la médiation au Tribunal, elle a reçu une lettre d’instruction, qualifiée de forme de mesure disciplinaire, de la part de son superviseur et que celui-ci a commencé à la traiter différemment des autres travailleurs à compter du 1er septembre 2020. Les paragraphes 28 et 32 indiquent, respectivement, que [traduction] « l’intimée a commencé à exercer des représailles contre [elle] » et font référence à [traduction] « des pratiques de représailles en milieu de travail » parce qu’elle avait déposé une plainte en matière de droits de la personne. Dans la réplique qu’elle a déposée à l’exposé des précisions de Postes Canada, Mme Boukailo soutient en outre aux alinéas 8a) et b) que, le 15 octobre 2020, elle a été [traduction] « accusée de choses qui n’ont pas été faites », que Postes Canada [traduction] « la harcèle, l’intimide et la cible », que Postes Canada effectue des évaluations de travail individuelles qui s’appliquent à elle seule en milieu de travail et qu’elle a fait l’objet de mesures disciplinaires sans raison.

(v) Observations

Position de Postes Canada

[145] Postes Canada soutient que Mme Boukailo avait l’obligation de décrire clairement la portée de sa plainte lorsqu’elle l’a déposée. Elle soutient que Mme Boukailo ne devrait pas être autorisée à élargir la portée de sa plainte à cette étape de l’instance. Postes Canada affirme qu’il s’agit de nouvelles allégations qui ne sont pas vraiment liées à la plainte initiale et que l’inclusion de ces allégations n’aidera pas le Tribunal à trancher les questions en litige entre les parties.

[146] Postes Canada reconnaît que le Tribunal a conclu qu’il peut être approprié de permettre à un plaignant de modifier sa plainte ou d’ajouter des allégations de représailles. Postes Canada reconnaît qu’une modification ne devrait être refusée que lorsqu’il est évident que les allégations de représailles ne peuvent pas aboutir. Cependant, elle soutient qu’il y a trois conditions à remplir. Au paragraphe 43 de ses observations, elle laisse entendre que ces conditions sont les suivantes :

(1) Les allégations de représailles doivent être liées aux allégations à l’origine de la plainte initiale;

(2) Les allégations doivent porter sur une prétention défendable de représailles;

(3) L’intimée doit recevoir un préavis suffisant des allégations pour qu’elle ne subisse pas de préjudice en raison de l’ajout de celles-ci.

[147] À cet égard, Postes Canada s’appuie sur les décisions Letnes c Gendarmerie royale du Canada, 2019 TCDP 41, aux par. 17 et 18, Saviye c Afroglobal Network Inc. et Daramola, 2016 TCDP 18, aux par. 16 et 17, et Simon c Première Nation Abegweit, 2018 TCDP 31 (« Simon »), au par. 53.

[148] Postes Canada a présenté des observations au sujet de deux des trois conditions susmentionnées préalables à l’inclusion d’une plainte de représailles dans une plainte existante. Premièrement, Postes Canada soutient qu’il n’y a aucun lien entre l’allégation de représailles et les allégations qui ont donné lieu à la plainte initiale. Deuxièmement, Postes Canada soutient que certaines allégations de représailles sont indéfendables en raison du contenu de l’exposé des précisions et de la réplique de Mme Boukailo. Postes Canada n’a pas présenté d’observations sur la question du préjudice.

[149] Tout en reconnaissant que le Tribunal ne devrait pas examiner le bien-fondé des allégations de représailles, Postes Canada a présenté des observations concernant les éléments que Mme Boukailo devrait établir à l’audience pour réussir à prouver que Postes Canada a exercé des représailles contre elle en se fondant sur la décision Simon, aux paragraphes 50 à 51. Elle a présenté des observations connexes selon lesquelles Mme Boukailo n’avait pas établi certains faits pour avoir gain de cause. À cet égard, elle soutient que Mme Boukailo n’a pas fourni les renseignements ou les explications nécessaires dans les allégations de représailles telles qu’elles sont rédigées dans son exposé des précisions et sa réplique.

[150] Postes Canada soutient en outre que le Tribunal devrait faire abstraction des nouveaux faits importants dans la réponse de Mme Boukailo à la requête et doit déterminer si les allégations sont défendables en se fondant sur les faits importants dans son exposé des précisions et sa réplique. Plus précisément, Postes Canada soutient que Mme Boukailo doit établir que sa plainte était un facteur ou une raison permettant à son superviseur de prendre des mesures défavorables, comme l’envoi d’une lettre disciplinaire. Postes Canada affirme que Mme Boukailo n’a pas établi ce fait et qu’elle n’a pas fait référence à quoi que ce soit dans son exposé des précisions ou sa réplique qui établit le lien entre les représailles invoquées et sa plainte. Postes Canada s’appuie sur la décision Brickner c Gendarmerie royale du Canada, 2018 TCDP 2 (« Brickner ») pour faire valoir que l’allégation de représailles ne devrait pas être acceptée parce qu’elle n’était pas suffisamment détaillée.

[151] Comme il est indiqué, Postes Canada demande que les allégations concernant les représailles soient radiées de l’exposé des précisions et de la réplique de Mme Boukailo parce qu’elles sont générales et non détaillées. Subsidiairement, Postes Canada demande que Mme Boukailo soit tenue de fournir d’autres détails plus précis sur ses allégations de représailles.

Position de la Commission

[152] La Commission soutient que les allégations de représailles se rapportent à des événements survenus après le renvoi de la plainte au Tribunal, qu’elles ont été soulevées en temps opportun et qu’il n’y a pas lieu de les radier. La Commission soutient qu’il est inapproprié de radier l’allégation de représailles. Elle laisse entendre qu’il est plus approprié d’ordonner que d’autres détails soient présentés, une mesure qui s’harmonise avec l’objectif de la Loi selon lequel le Tribunal doit veiller à ce que les parties aient la possibilité pleine et entière de se faire entendre. La Commission soutient que Postes Canada aura suffisamment d’occasions, à cette étape préliminaire du processus, de communiquer les documents pertinents et de répondre.

[153] La Commission ajoute qu’il « serait difficile au plan pratique, inefficace et injuste d’exiger que les personnes présentent des allégations de représailles seulement dans le cadre d’une procédure distincte » : Polhill c Première Nation Keeseekoowenin, 2017 TCDP 34, au par. 17 (« Polhill »). Par conséquent, la Commission suggère que le Tribunal devrait généralement « autoriser une modification afin d’y ajouter une allégation de représailles, à moins qu’il soit manifeste et évident qu’une telle demande ne saurait être jugée fondée » : Polhill, au par. 17.

[154] La Commission demande au Tribunal de rejeter la requête de Postes Canada visant à radier les allégations de représailles de Mme Boukailo. Subsidiairement, elle soutient que Mme Boukailo devrait être tenue de fournir d’autres précisions.

(vi) Motifs et décision sur requête

[155] Le Tribunal est d’accord avec l’observation dans la décision Polhill selon laquelle il serait « difficile au plan pratique, inefficace et injuste » d’exiger qu’une allégation de représailles fasse l’objet d’une procédure distincte.

[156] Cela nous amène à l’argument de l’intimée selon lequel les représailles constituent une nouvelle allégation qui n’est pas vraiment liée à la plainte initiale. Elle souligne que les représailles ne sont pas mentionnées dans la plainte initiale.

[157] Les représailles constituent un acte discriminatoire distinct et une infraction à la Loi en vertu de l’article 14.1, selon lequel « [c]onstitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée […] d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée » (non souligné dans l’original). L’article 14.1 définit les représailles comme un acte discriminatoire commis par une personne contre un plaignant parce qu’il a déposé une plainte. Cet acte discriminatoire ne peut se produire qu’après le dépôt d’une plainte. L’objection d’un intimé selon laquelle une plainte n’incluait pas de représailles lorsqu’elle a été déposée auprès de la Commission n’est pas une raison pour rejeter ce contenu par la suite, compte tenu de ce qui est énoncé dans la Loi.

[158] Les représailles correspondent à un acte discriminatoire unique et distincte. Toutefois, Postes Canada soutient que les allégations de représailles doivent être liées aux allégations à l’origine de la plainte initiale. Dans la mesure où les représailles auraient eu lieu à la suite du dépôt d’une plainte, la même caractéristique protégée est implicitement engagée. Les représailles sont exercées en raison d’une plainte qui découle d’une caractéristique protégée. Le dépôt d’une plainte de représailles est, par sa nature, lié à la plainte initiale en fonction de ses caractéristiques protégées et, ainsi, est lié de façon causale aux motifs de discrimination visés par la plainte.

[159] La prémisse selon laquelle les allégations de représailles doivent être liées aux allégations à l’origine de la plainte initiale doit être examinée dans le contexte de la définition des représailles dans la Loi. Comme il s’agit d’un acte discriminatoire distinct, il suffit de dire que des représailles découlent de l’existence d’une plainte. Les représailles peuvent prendre de nombreuses formes différentes de celles de la discrimination initiale. Les allégations précises de représailles n’ont pas à viser les mêmes actes discriminatoires ou types de pratiques que ceux déjà mentionnés dans la plainte. Rien dans la Loi ne limite les représailles à des comportements répétés. Les représailles correspondent à un acte discriminatoire en soi et peuvent être fondées sur des faits propres à chaque affaire.

[160] Postes Canada se plaint que de nouveaux renseignements concernant les représailles sont fournis dans la réponse de Mme Boukailo à la requête. Les représailles sont, de par leur nature, une nouvelle allégation. Toutes les allégations de représailles dans son exposé des précisions sont de nouvelles allégations qui ne figuraient pas dans la plainte lorsqu’elle a été déposée auprès de la Commission. De même, les allégations incluses dans les observations de Mme Boukailo sur la requête pour expliquer le bien-fondé de son allégation de représailles, au-delà de ce qui a été énoncé dans son exposé des précisions et sa réplique, sont de nouvelles précisions. Elles correspondent à une nouvelle allégation de représailles. L’argument de Postes Canada selon lequel les allégations de représailles doivent être liées aux allégations à l’origine de la plainte initiale, ce qui sous-entend qu’il faut quelque chose de plus qu’un lien, n’est pas un fondement convaincant pour écarter l’allégation de représailles de l’exposé des précisions de Mme Boukailo. Les allégations initiales et l’allégation de représailles sont suffisamment liées du fait que la plainte a été déposée, qu’elle a été attribuée comme étant la cause de la conduite présumée de son superviseur et qu’au moins certains détails des allégations précises ont été fournis.

[161] Une partie importante des observations de Postes Canada porte sur le bien-fondé de l’allégation de représailles, à savoir que les allégations de représailles, telles qu’elles sont rédigées dans l’exposé des précisions et la réplique, ne peuvent établir l’existence des représailles. Sauf tout le respect que je lui dois, Postes Canada brouille la ligne de démarcation entre la question de savoir si l’allégation est défendable et celle de savoir si Mme Boukailo peut établir le bien‑fondé de l’allégation à l’audience.

[162] Postes Canada fait référence à l’allégation de Mme Boukailo selon laquelle les représailles sont liées à son refus de la médiation. Postes Canada affirme qu’elle ignorait que Mme Boukailo avait refusé la médiation. Tout d’abord, d’autres paragraphes de son exposé des précisions indiquent clairement que les représailles auraient commencé après le dépôt de la plainte. Deuxièmement, la connaissance de Postes Canada de son refus de la médiation est une question qui exige des preuves à l’audience. Il ne suffit pas que Postes Canada énonce dans ses observations des faits qui ne sont pas étayés par des éléments de preuve et qui suscitent un certain degré d’inférence et de spéculation de la part du Tribunal. Par exemple, le Tribunal est invité par les observations de Postes Canada à supposer que personne n’a informé qui que ce soit à Postes Canada que Mme Boukailo avait refusé la médiation. Subsidiairement, sa position invite le Tribunal à supposer que personne à Postes Canada n’a compris que Mme Boukailo avait refusé la médiation parce qu’elle n’y a pas participé après que cette possibilité a été offerte aux parties ou par d’autres moyens.

[163] Postes Canada se plaint que Mme Boukailo ne dit pas comment son superviseur a appris qu’elle avait refusé la médiation. Les plaignants ne sont pas au courant de tout ce qui se passe dans leur milieu de travail et n’ont pas besoin de savoir exactement comment une personne en particulier a été mise au courant d’une plainte relative aux droits de la personne ou d’un refus de médiation pour présenter une allégation selon laquelle la personne exerce des représailles parce qu’une plainte a été déposée. Le plus souvent, un plaignant n’aurait pas accès à la façon dont un gestionnaire ou un superviseur a obtenu de l’information. Ce n’est pas une norme de preuve obligatoire, du moins à ce stade-ci. Aux fins de la présente requête, la question est celle de savoir si l’allégation, si elle est véridique, est défendable. Le Tribunal est en mesure de tirer une conclusion fondée sur un lien temporel entre deux événements ou faits allégués en raison de leur proximité dans le temps et il agit de la sorte lorsqu’il convient de le faire. En l’espèce, Mme Boukailo affirme dans son exposé des précisions que son superviseur avait commencé à exercer des représailles contre elle [traduction] « immédiatement après [qu’elle eut] refusé l’option d’une séance de médiation » (non souligné dans l’original). Mme Boukailo a fait un lien temporel dans son allégation. Le Tribunal n’a pas à examiner le bien-fondé de cette allégation. Il doit seulement être convaincu qu’il s’agit d’une allégation de représailles défendable. Il est convaincu que tel est le cas.

[164] Mme Boukailo a établi plusieurs liens factuels entre l’allégation de représailles et sa plainte et a fourni deux exemples concernant son superviseur. Si les représailles alléguées sont le fait d’un superviseur ou d’un gestionnaire, il est plausible de déduire que celui-ci savait peut-être qu’une plainte avait été déposée, à la suite de discussions internes ou d’une enquête. Que ce soit ou non le cas, c’est une question de preuve à l’audience.

[165] Mme Boukailo affirme dans sa réponse à la requête que les représailles se poursuivent et qu’elle est [traduction] « tenue de travailler au sein du groupe de gestion contre lequel [elle a] déposé un grief ». Elle soutient que son superviseur [traduction] « travaille au sein du même groupe de gestion que celui qui fait partie de l’acte discriminatoire ». Elle a déduit, à partir ce fondement factuel, que le superviseur avait connaissance de la plainte. Voilà qui suffit, aux fins de la requête, lorsque le critère consiste à déterminer si l’allégation est défendable.

[166] Mme Boukailo affirme que le fait que son superviseur n’avait aucune connaissance de sa plainte [traduction] « ne le dégage pas de sa responsabilité ». Ce qu’elle entend par là n’est pas exactement clair. Toutefois, si elle veut dire que son superviseur n’a pas besoin d’être au courant de sa plainte pour que le Tribunal puisse conclure que le superviseur a exercé des représailles de son propre chef, elle se trompe. Postes Canada souligne à juste titre que, pour établir à l’audience l’existence des mesures de représailles, le Tribunal doit conclure qu’un intimé ou un employé de l’intimé qui a participé à un incident subséquent savait qu’une plainte avait été déposée. L’erreur de Postes Canada réside dans son inférence selon laquelle c’est tout ce que Mme Boukailo a déclaré, alors que ce n’est pas le cas.

[167] Comme il a été mentionné, Postes Canada se fonde également sur la décision Brickner dans laquelle le Tribunal a conclu que les allégations n’étaient pas suffisamment détaillées pour établir le bien-fondé d’une prétention et n’a pas permis à la plaignante d’avoir une autre occasion de les modifier pour corriger la situation. Les faits de l’affaire Brickner étaient très différents. La plainte comprenait déjà des allégations de représailles. La plaignante cherchait à ajouter d’autres allégations de représailles, après une tentative infructueuse d’obtenir une autre ordonnance de divulgation du Tribunal. L’ordonnance de divulgation a été refusée en raison du manque de pertinence. La plaignante a ensuite présenté une requête pour ajouter des éléments aux allégations de représailles qui auraient modifié ce qui était pertinent et rouvert la question de la divulgation. Au paragraphe 36, le Tribunal explique que la plaignante avait été informée plus tôt par le Tribunal, pendant le processus de gestion de l’instance, de l’importance de fournir des détails précis dans ses allégations. Le Tribunal a conclu, au paragraphe 37, que la plaignante avait déjà eu la possibilité pleine et entière de modifier son exposé des précisions et a affirmé qu’il ne croyait pas que la plaignante arriverait à perfectionner ses allégations si elle se voyait donner une autre chance. Les circonstances ne sont pas les mêmes en l’espèce. L’affaire Brickner se distingue de l’affaire en l’espèce.

[168] Il n’y a aucune raison de radier l’allégation de représailles. Au lieu de radier l’allégation de la plaignante, il y a une solution de rechange raisonnable et équitable sur le plan de la procédure, à savoir la fourniture d’autres précisions, dans la mesure où cela peut être nécessaire, comme l’a demandé subsidiairement l’intimée. En général, à moins qu’il y ait de bonnes raisons de procéder autrement, lorsque des renseignements supplémentaires sont jugés nécessaires pour permettre à une partie de se préparer pour l’audience, cette partie devrait d’abord présenter une requête pour obtenir des précisions. Les requêtes en radiation sont le plus souvent plus appropriées lorsqu’un plaignant a reçu l’ordre de fournir des précisions et a omis de le faire.

[169] Postes Canada a demandé subsidiairement dans la présente requête à obtenir certaines précisions. Mme Boukailo a fourni des précisions supplémentaires dans le cadre de sa réponse au sujet du bien-fondé de la plainte. Postes Canada s’oppose à ces nouveaux faits importants. Postes Canada ne reconnaît pas pleinement l’importance du fait que Mme Boukailo ait fourni des précisions supplémentaires dans le cadre de sa réponse sur le bien-fondé de sa requête. Pour être clair, Postes Canada a bien souligné dans ses observations que certains des nouveaux faits et détails importants dans la réponse de Mme Boukailo à la requête se rapportaient effectivement à la plainte et ne sont pas inclus dans la requête en radiation. Toutefois, comme il a été mentionné, ce contenu n’a pas été défini, de sorte que le Tribunal n’est pas en mesure d’examiner pleinement cette question.

[170] Mme Boukailo a peut-être accidentellement fourni d’autres précisions dans sa réponse à la requête, mais elle a répondu et elle a expliqué sa cause de cette façon. La présentation d’une requête en radiation lorsque la partie a répondu aux questions en suspens dans une certaine mesure est une position dure et retarde et complique inutilement une instance. On s’attend à ce que les parties ne persistent pas avec des objections dans la mesure où la partie adverse y a répondu, même si c’était à la dernière minute. Même s’il peut être frustrant pour la partie requérante d’avoir eu à présenter une requête, celle-ci aura eu l’effet escompté. La partie requérante devrait énoncer clairement ce qui demeure en litige.

[171] Les précisions fournies par Mme Boukailo sont peut-être complètes ou non, mais celle‑ci semble disposée à fournir des précisions. Le Tribunal convient qu’il est raisonnable d’ordonner la présentation de précisions supplémentaires et de meilleure qualité afin que les parties aient la possibilité pleine et entière de se faire entendre. Postes Canada n’est pas lésée par une telle ordonnance, car elle aura suffisamment l’occasion de communiquer les documents pertinents et de répondre.

[172] Par conséquent, le Tribunal rejette la requête en radiation de l’allégation de représailles. La plainte de Mme Boukailo est plutôt réputée avoir été modifiée afin d’y inclure l’allégation de représailles.

[173] Il est ordonné à Mme Boukailo de fournir des précisions supplémentaires et de meilleure qualité sur l’allégation de représailles. Par souci d’efficacité, le Tribunal a l’intention de considérer les détails supplémentaires contenus dans les observations de Mme Boukailo en réponse à la requête comme étant des précisions. Le Tribunal note également que Mme Boukailo a fait référence à des documents numérotés qui n’ont pas été déposés auprès du Tribunal pour la présente requête. Les précisions sont habituellement rédigées de manière à fournir une explication des faits importants allégués, plutôt que de renvoyer le lecteur à d’autres documents. Un renvoi aux documents pertinents est un élément supplémentaire qui devrait aider les autres parties et le Tribunal. Cependant, il serait utile que toutes les précisions de Mme Boukailo concernant les représailles soient expliquées dans un seul document, à savoir dans un exposé des précisions modifié qu’elle déposera. D’autres directives concernant la rédaction des précisions seront fournies dans le cadre du processus de gestion de l’instance.

E. Demande d’indemnisation pour pertes futures de salaire et de prestations de retraite

[174] Cette question concerne une demande présentée par Postes Canada afin que le Tribunal radie le paragraphe 32 et les alinéas 33a) et 33d) de l’exposé des précisions de Mme Boukailo.

[175] Mme Boukailo n’a pas numéroté les pages ou les paragraphes de sa réponse aux observations de Postes Canada. À l’avenir, Mme Boukailo doit s’assurer de le faire dans chaque document qu’elle prépare. Dans les présents motifs, il sera fait référence à la page chronologique où figure le contenu de ses observations.

(i) Observations

Position de Postes Canada

[176] Postes Canada soutient, au paragraphe 32 et aux alinéas 33a) et 33d) de son exposé des précisions, que Mme Boukailo demande pour la première fois une réparation pour les pertes futures de salaire et de prestations de retraite. Postes Canada affirme que les faits allégués dans l’exposé des précisions de la plaignante n’indiquent pas comment Mme Boukailo pourrait en fait avoir droit à une indemnisation pour perte de salaire future. Elle mentionne, à titre d’exemples, que Mme Boukailo n’a pas indiqué : 1) qu’elle est incapable de travailler en raison de son invalidité, ou 2) qu’elle continue d’avoir besoin de mesures d’adaptation pour sa blessure liée au travail que Postes Canada n’a pas fournies, ou 3) qu’elle continue même de faire l’objet de restrictions liées au travail.

[177] Postes Canada affirme, au paragraphe 54, que la réclamation de Mme Boukailo pour pertes futures de salaire et de prestations de retraite est indéfendable parce que [traduction] « [i]l n’y a pas de faits prouvés dans l’exposé des précisions de la plaignante pour donner même à penser qu’elle pourrait avoir droit à une indemnisation pour perte de salaire future » (non souligné dans l’original). Postes Canada soutient que les paragraphes pertinents de l’exposé des précisions devraient être radiés. Subsidiairement, Postes Canada demande une ordonnance en vue d’obtenir d’autres précisions.

[178] Au paragraphe 55, Postes Canada affirme que la période visée par la plainte va de décembre 2014 à septembre 2015. Elle ajoute que les allégations concernant le défaut d’offrir des mesures d’adaptation semblent avoir été soulevées après le retour de Mme Boukailo à son poste de commis des postes le 25 février 2015. Selon Postes Canada, [traduction] « [é]tant donné que la plaignante n’a pas affirmé qu’elle continuait d’être limitée dans sa capacité de travailler à temps plein et dans le cadre de ses fonctions habituelles de commis des postes en raison de son invalidité […], rien ne permet d’établir un lien entre la plainte et les réparations demandées ».

[179] Postes Canada affirme, au paragraphe 56, que l’allégation de la plaignante au sujet du manque de mesures d’adaptation est [traduction] « clairement limitée à une courte période allant de février 2015 à juillet 2015 ». Postes Canada ajoute ce qui suit aux paragraphes 56 et 57 :

[traduction]

[56] […] La plaignante n’a pas allégué dans sa plainte ou dans son exposé des précisions qu’elle est incapable de travailler de façon permanente. Elle n’a pas non plus allégué que la Société a continué de ne pas répondre à ses besoins d’adaptation. La plaignante n’a allégué nulle part que son invalidité est permanente et qu’elle a continué de faire l’objet de restrictions au travail qui sont liées à son invalidité.

[57] Il est évident que la plaignante ne peut pas avoir gain de cause pour ce qui est des réparations demandées au paragraphe 32 et aux alinéas 33a) et 33d) de son exposé des précisions, car elle demande des réparations futures pour plusieurs années à venir, alors qu’elle n’a pas prouvé que le Tribunal pouvait accorder ces réparations. La plaignante a continué d’être employée par la Société à titre de commis des postes et touche une rémunération pour ce même poste. La plaignante n’a pas fait valoir de fondement qui appuierait un droit à des réparations futures, et elle n’a pas non plus établi le lien entre ces réparations demandées et la plainte.

Position de Mme Boukailo

[180] Mme Boukailo souligne, à la deuxième page de ses observations, qu’elle a été victime de discrimination et de représailles en raison d’une invalidité temporaire. Elle soutient que Postes Canada a mis fin à son poste de superviseure à temps plein et qu’il s’agissait d’un acte discriminatoire. À la troisième page, elle soutient qu’on lui a délibérément donné une note d’échec à une entrevue pour un autre poste de supervision et qu’il s’agissait d’un acte discriminatoire. De plus, elle soutient que Postes Canada n’a pas offert de tâches modifiées en milieu de travail pour ses restrictions liées à son invalidité.

[181] À la troisième page de ses observations, Mme Boukailo indique qu’elle a perdu son salaire parce qu’à la fin de son congé de maladie, elle n’a pas été réintégrée dans le poste à temps plein qu’elle occupait avant l’accident. Elle explique qu’elle a été affectée à un poste à temps partiel à une échelle salariale inférieure. Elle affirme aussi qu’elle a par la suite perdu des occasions d’emploi et, plus précisément, qu’elle a perdu une occasion d’obtenir un emploi permanent à temps plein à Postes Canada. Mme Boukailo prétend également qu’elle a été exclue de possibilités d’emploi à temps plein en guise de représailles.

[182] À la troisième page, Mme Boukailo ajoute que sa plainte concerne la cessation injustifiée de son poste à temps plein en raison d’une blessure qu’elle a subie. Elle soutient que la discrimination a eu lieu pendant son rétablissement. Elle soutient que l’intimée a créé une interruption de service artificielle qui, selon elle, est un acte discriminatoire.

[183] À la sixième page, Mme Boukailo revient à l’allégation selon laquelle Postes Canada lui a délibérément donné une note d’échec lorsqu’elle a postulé un poste de superviseur à temps plein en février 2015 et soutient encore une fois qu’elle ne s’est pas vu offrir la possibilité de réintégrer le poste qu’elle occupait avant de subir sa blessure en raison de ses limitations physiques temporaires.

[184] À la neuvième page, Mme Boukailo affirme qu’elle a été forcée d’occuper, à la fin de février 2015, un poste de commis des postes comportant des tâches non modifiées, sans autorisation médicale, ce qui a aggravé sa blessure et retardé son rétablissement. Elle soutient qu’après le 11 avril 2015, elle présentait encore des limitations fonctionnelles. Elle prétend que Postes Canada l’a obligée à numériser les codes des colis. À la dixième page, elle explique que le balayage des colis est un travail qui se fait à deux mains. Elle affirme que, parce qu’elle avait des limitations permanentes, elle a travaillé un moins grand nombre d’heures. Elle soutient que, pour cette raison, elle a subi une perte de salaire continue après le 11 avril 2015. Comme il est indiqué plus haut, il y a un différend concernant cette question qui pourrait devoir être tranché à l’audience.

[185] Les pages suivantes de ses observations traitent des allégations de représailles. À la onzième page, Mme Boukailo revient à l’allégation selon laquelle elle a injustement perdu son poste de superviseure à temps plein. Elle soutient qu’au fil des ans, elle a été exclue des postes de superviseur parce qu’elle avait déposé une plainte de discrimination.

[186] À la douzième page de ses observations, Mme Boukailo affirme qu’elle avait pour objectif d’obtenir un emploi à temps plein et de continuer à travailler à Postes Canada jusqu’à sa retraite. À la treizième page, elle explique qu’elle cherche à obtenir son salaire perdu et les prestations de retraite perdues qui auraient été versés par Postes Canada jusqu’à la date de sa retraite de Postes Canada, soit le 24 mai 2027. Cette demande est fondée sur plusieurs facteurs, y compris le fait que la discrimination est continue et qu’elle a eu une incidence sur son salaire et ses possibilités d’emploi au sein de l’organisation, et qu’elle continue de le faire.

[187] Au paragraphe 1 de son exposé des précisions, Mme Boukailo déclare qu’elle est restée commis des postes à temps partiel.

[188] La plainte de Mme Boukailo a été déposée le 22 octobre 2015. À la page 5 du formulaire de plainte, Mme Boukailo indique que la discrimination a commencé le 1er décembre 2014 et qu’elle est [traduction] « continue ». Au début de l’exposé narratif de sa plainte, Mme Boukailo explique que sa plainte de discrimination concerne un refus d’employer ou de continuer d’employer ou un traitement injuste en milieu de travail. Elle explique que la discrimination se poursuit et qu’elle a eu une incidence négative sur son salaire et ses possibilités d’emploi au sein de l’organisation.

[189] Les prétendues actes discriminatoires qui sont mentionnés dans l’exposé des précisions sont décrits dans la plainte. Mme Boukailo affirme ceci, dans l’exposé narratif de sa plainte : [traduction] « je devrais pouvoir reprendre le travail que je faisais avant ma blessure et […] je ne me fais pas offrir la possibilité de le faire ». Elle soutient en outre que Postes Canada [traduction] « a non seulement rendu [son] rétablissement extrêmement stressant et a eu un effet négatif sur [sa] santé mentale, mais les actions et les décisions des représentants de l’entreprise ont également eu une incidence négative importante sur [son] salaire et [ses] avantages sociaux ». Elle affirme aussi, dans son exposé, que tous les superviseurs nommés pour une période déterminée qui ont été embauchés en même temps qu’elle en 2013 ont obtenu un statut permanent à temps plein en 2014 et qu’elle est la seule qui n’a pas encore obtenu de poste permanent.

[190] À la fin de l’exposé narratif de sa plainte, Mme Boukailo soutient ce qui suit :

[traduction]

[…] J’ai été victime de discrimination dans le domaine de l’emploi en raison d’une invalidité temporaire découlant d’une blessure au travail. Cela a eu une incidence négative sur mes niveaux de stress, ma santé mentale, mon salaire et mes possibilités d’emploi au sein de l’organisation, et cela continue d’avoir un effet négatif. (Non souligné dans l’original.)

(ii) Motifs

[191] Les observations de Postes Canada au sujet de ces paragraphes sont intitulées [traduction] « Allégations selon lesquelles la plaignante a perdu des possibilités d’emploi futures en raison d’une perte de capacité de travailler » (non souligné dans l’original). La description des questions par Postes Canada aux paragraphes 32 et 33 est incorrecte. De plus, certains des arguments présentés par Postes Canada n’énoncent pas fidèlement les faits qui sous‑tendent la requête.

[192] D’abord, les paragraphes pertinents ne portent pas uniquement sur les possibilités d’emploi futures perdues. Ensuite, ces paragraphes ne se rapportent pas uniquement à une perte de revenu future ou à la perte de prestations de retraite. Mme Boukailo ne mentionne pas une perte de revenu future pour la première fois dans son exposé des précisions, comme le prétend Postes Canada.

[193] Dans la plainte initiale, Mme Boukailo a indiqué avoir souhaité qu’elle soit réintégrée dans son poste de superviseure et a déclaré que les mesures prises par les représentants de l’intimée avaient eu une [traduction] « incidence négative importante sur [son] salaire et [ses] avantages sociaux ». L’incidence alléguée sur son salaire et ses avantages sociaux est, par inférence, continue et désignée comme telle. Postes Canada n’a pas raison lorsqu’elle affirme qu’à aucun moment Mme Boukailo n’indique que les faits visés par sa plainte persistent. Or, Mme Boukailo le précise dans sa plainte.

[194] Mme Boukailo ne prétend pas avoir perdu la capacité de travailler. La mention d’une [traduction] « perte de capacité de travailler » est ajoutée par Postes Canada. Ce n’est pas ce que Mme Boukailo a déclaré. Les demandes d’indemnisation pour pertes futures de Mme Boukailo découlent de la perte alléguée de son poste de supervision à temps plein et sont en lien avec sa plainte de représailles, qui fait état des problèmes continus à cet égard.

[195] Le Tribunal reconnaît que de nombreuses affaires en matière de droits de la personne concernent des situations où un plaignant est incapable de travailler à l’avenir en raison de son invalidité. Cependant, si un employé perd un poste à temps plein pour des raisons jugées discriminatoires, qu’il connaît des périodes de chômage et qu’il ne travaille finalement qu’à temps partiel par la suite, il a sans doute subi une perte de salaire. En l’espèce, la perte serait continue. Une perte continue donne lieu à une réclamation pour perte future de revenu. Dans la présente affaire, Mme Boukailo a le droit de présenter une demande d’indemnisation pour perte future de revenu et de prestations de retraite si elle conserve son poste à temps partiel jusqu’à sa retraite. Mme Boukailo peut ou non avoir gain de cause à l’audience, selon la preuve, mais elle a le droit de présenter la réclamation.

[196] Postes Canada souligne à juste titre que Mme Boukailo travaille toujours au sein de son organisation, même si elle ne reconnaît pas qu’il s’agit d’un travail à temps partiel ou à un niveau inférieur au poste que Mme Boukailo occupait au moment de sa blessure. Ses observations laisser entendre qu’il faudrait que Mme Boukailo perde son emploi à Postes Canada avant de présenter une réclamation pour une perte de revenu future. Si Mme Boukailo perdait son emploi à Postes Canada, elle pourrait, en théorie, connaître une plus grande perte de revenus futurs. Le fondement de sa réclamation pour perte de revenu future est expliqué plus haut.

[197] Si Mme Boukailo est toujours au service de Postes Canada au moment de l’audience, elle n’aura pas de fondement sur lequel s’appuyer pour dire qu’elle a perdu son poste de commis des postes, parce qu’elle n’aura pas perdu ce poste. À ce stade-ci, elle exprime son insécurité dans son exposé des précisions. Il n’est pas rare qu’un employé se sente en situation d’insécurité d’emploi s’il croit être victime de représailles.

[198] Mme Boukailo affirme que la plainte ne peut pas la protéger. Mme Boukailo agit pour son propre compte. Elle craint, semble-t-il, de perdre son emploi ou d’être mutée par Postes Canada à un nouveau poste qui n’est pas approprié pour elle et qu’elle ne peut pas occuper, et ce, à titre de mesure punitive. Tout cela est hypothétique. Le seul point important, aux fins des présentes, est qu’elle avise effectivement Postes Canada qu’elle cherchera à obtenir le montant complet de toute demande pour pertes qui s’appliquera à l’avenir. Le montant de toute perte future est, par sa nature même, spéculatif parce qu’il concerne des événements futurs. Cela n’empêche pas qu’une demande soit présentée pour une perte future.

[199] À cet égard, Postes Canada reconnaît que Mme Boukailo affirme, dans son exposé des précisions, qu’elle [traduction] « devra rejeter tout poste ou toute possibilité d’emploi possible » de Postes Canada. La déclaration de Mme Boukailo suit les paragraphes de son exposé des précisions dans lesquels elle fournit des détails sur ses allégations quant aux représailles, qui n’étaient pas survenues au moment où elle a déposé sa plainte. À la simple lecture de l’exposé des précisions, il est évident que Mme Boukailo craint pour sa sécurité d’emploi et a l’impression, à tort ou à raison, qu’elle n’est plus en mesure d’accepter d’autres possibilités d’emploi à Postes Canada. Elle craint également, d’après ce qui peut être raisonnablement déduit à partir de ses déclarations, qu’à long terme, elle ne reste pas au service de Postes Canada pour une raison quelconque et qu’elle subisse une perte future de revenu et de prestations de retraite. La position de Postes Canada selon laquelle les faits allégués dans l’exposé des précisions de la plaignante n’indiquent pas comment Mme Boukailo pourrait avoir droit à une indemnisation pour perte de salaire future ne tient pas compte des faits pertinents dans son exposé des précisions qui ont été susmentionnés et qui vont exactement dans ce sens.

[200] Les observations de Postes Canada ne tiennent pas compte du fait que Mme Boukailo a présenté, dans sa plainte, une réclamation en raison de répercussions négatives importantes et continues sur son salaire et ses avantages sociaux. Ses observations ne reconnaissent pas non plus que Mme Boukailo réclame une perte future en raison des représailles. De l’avis du Tribunal, Postes Canada a adopté une position qui sort de façon déraisonnable et injuste la réclamation pour perte future de salaire et de prestations de retraite de son contexte dans la plainte et dans l’exposé des précisions. Les observations de Postes Canada selon lesquelles Mme Boukailo cherche à obtenir des indemnisations pour une perte future de salaire et de prestations de retraite pour la première fois ou que les faits allégués dans l’exposé des précisions de la plaignante ne laissent pas entendre que Mme Boukailo pourrait avoir droit à une indemnisation pour perte de salaire future ne sont pas corroborées par le contenu des documents que Mme Boukailo a déposés.

[201] Dans le même ordre d’idées, dans ses documents de requête, Postes Canada fait valoir que Mme Boukailo affirme seulement qu’il y a eu un manque de mesures d’adaptation après son retour au travail à titre de commis des postes à temps partiel en février 2015, relativement à ce poste, et affirme que la période visée par la plainte est limitée et se termine en septembre 2015. En fait, l’allégation de Mme Boukailo selon laquelle Postes Canada ne lui a pas offert de mesures d’adaptation est générale. Elle n’est pas limitée par une date. Elle découle de la décision de mettre fin au poste de superviseure à temps plein le 29 novembre 2014 ou le 1er décembre 2014. Mme Boukailo prétend que le poste de superviseure lui convenait, compte tenu de sa blessure à la main, alors que le travail de commis des postes qui consistait à manipuler des lettres et un lecteur de codes toute la journée ne lui convenait pas. Il est clair que Mme Boukailo affirme qu’un retour à son poste de superviseure ou à un autre poste de supervision était une forme de mesure d’adaptation qu’elle aurait dû recevoir. Cette allégation de perte d’emploi vise également une période qui se poursuit encore, après septembre 2015.

(iii) Décision sur requête

[202] Le Tribunal refuse de radier le paragraphe 32 et les alinéas 33a) et 33d) de l’exposé des précisions de la plaignante.

[203] Mme Boukailo doit fournir d’autres précisions au sujet de toute allégation de perte continue de revenu et de perte de prestations de retraite, avant l’audience à une date qui sera fixée par le Tribunal dans le cadre du processus de gestion de l’instance. Ces précisions doivent comprendre une explication de la façon dont elle en arrive au montant de l’indemnisation qu’elle demande. Si Mme Boukailo devait cesser de travailler à Postes Canada d’ici l’audience, elle aurait le droit de présenter une autre demande d’indemnisation pour perte de revenu future à cet égard et elle sera tenue de fournir des précisions à ce sujet.

VI. Résumé

[204] La plaignante doit déposer un exposé des précisions modifié conformément aux directives fournies dans la présente décision sur requête. La préparation d’un exposé des précisions modifié fera l’objet d’une discussion dans le cadre d’une conférence de gestion de l’instance avec le Tribunal, et d’autres directives concernant la préparation de l’exposé seront fournies, au besoin. À la conférence de gestion de l’instance, une date sera fixée pour le dépôt de l’exposé des précisions modifié de la plaignante afin de permettre à cette dernière d’obtenir des conseils comptables ou actuariels concernant la perte présumée de revenu et le calcul de la perte présumée de prestations de retraite.

[205] L’intimée doit répondre à l’exposé des précisions modifié par un exposé des précisions modifié en son nom à une date qui sera déterminée durant la conférence de gestion de l’instance.

[206] La plaignante aura l’occasion de déposer une réplique modifiée à une date qui sera déterminée durant la conférence de gestion de l’instance.

[207] La requête de Postes Canada visant à radier du contenu de l’exposé des précisions déposé par Mme Boukailo est accueillie relativement au paragraphe 2 en ce qui concerne le contenu suivant :

[traduction]

L’intimée n’a pas fourni le personnel approprié et a créé des conditions de travail dangereuses. J’ai dû composer avec beaucoup de stress et de pression parce que la direction m’a demandé de remplacer deux autres superviseurs qui étaient en congé cette semaine-là, en plus d’assumer mes propres responsabilités. Le fait d’être surchargée de travail m’a menée à mon accident en milieu de travail.

[208] Ce contenu doit être supprimé de l’exposé des précisions modifié que Mme Boukailo déposera. La requête en radiation de l’intimée relativement au reste du paragraphe 2 est rejetée.

[209] La requête de l’intimée à l’égard de l’alinéa 33c) de l’exposé des précisions de la plaignante est ajournée. Les questions soulevées au sujet de l’alinéa 33c) seront tranchées par le Tribunal, au besoin, dans le contexte d’une requête renouvelée présentée par l’intimée à l’audience, après la présentation de tous les éléments de preuve et des observations de toutes les parties.

[210] L’exposé des précisions modifié de la plaignante doit fournir des précisions à Postes Canada concernant la nature et l’étendue de toute indemnisation pour perte de salaire ou d’avantages sociaux que Postes Canada pourrait lui devoir au cours de la période pertinente relativement à l’alinéa 33c). Dans les précisions qu’elle fournira concernant l’alinéa 33c), la plaignante doit répondre aux questions suivantes :

  1. Mme Boukailo doit informer Postes Canada de la période pertinente de toute perte aux fins de l’alinéa 33c);
  2. Mme Boukailo doit expliquer exactement ce qu’elle réclame, c’est-à-dire indiquer si elle réclame une perte de salaire ou une indemnité pour perte de salaire et indiquer si c’est pour une blessure ou un problème de santé lié ou non au travail;
  3. Si elle demande une indemnité, elle doit déterminer si celle‑ci est offerte au titre d’une disposition de la convention collective ou d’un régime d’assurance applicable, et, en tout état de cause, préciser le fournisseur de prestations et le régime d’avantages sociaux;
  4. Si elle demande une indemnité, elle doit indiquer à quoi sert l’indemnité et expliquer si elle est calculée de la même façon qu’une perte de salaire « directe » ou différemment, et expliquer comment elle est calculée, si elle peut avoir accès à cette information;
  5. Si elle demande une indemnisation uniquement pour le non-paiement d’indemnités de remplacement du salaire qui sont versées seulement par la CAT, et si elle ne réclame aucune perte de salaire à Postes Canada, elle doit le confirmer clairement par écrit;
  6. Si Mme Boukailo réclame à l’alinéa 33c) une perte de salaire précise de la part de Postes Canada relativement au poste de commis des postes, elle doit expliquer tout écart présumé dans la rémunération liée au salaire ou aux avantages sociaux ou toute rémunération touchée par une réduction de salaire pour la période pertinente découlant de son emploi à Postes Canada et comment ce montant est calculé.

[211] Le contenu du paragraphe 13 de l’exposé des précisions de la plaignante peut être conservé.

[212] Les allégations de contrefaçon relatives aux lettres du 12 août 2014 et du 14 octobre 2014, au paragraphe 29 de l’exposé des précisions de Mme Boukailo et à l’alinéa 2g) de sa réplique, peuvent demeurer dans l’exposé des précisions modifié. La requête en radiation de l’intimée est rejetée à cet égard.

[213] La requête de l’intimée visant à radier du contenu relativement à la question des représailles, aux paragraphes 15, 28 et 32 de l’exposé des précisions de Mme Boukailo et aux alinéas 2 g), 8 a) et b) de sa réplique, est rejetée. La plainte de Mme Boukailo est réputée avoir été modifiée afin d’y inclure l’allégation de représailles. Le Tribunal estime que les détails supplémentaires dans les observations de Mme Boukailo en réponse à la requête sont des précisions. Toutefois, Mme Boukailo doit fournir toutes les précisions sur chaque cas de représailles alléguées de la part de Postes Canada dans son exposé des précisions modifié afin que tous les détails soient complets et qu’ils figurent dans un seul document. D’autres directives seront fournies dans le cadre du processus de gestion de l’instance.

[214] La requête de l’intimée visant à supprimer le paragraphe 32 et les alinéas 33a) et 33d) de l’exposé des précisions de la plaignante, en ce qui concerne les indemnisations pour perte future de salaire et de prestations de retraite, est rejetée. Ce contenu peut demeurer dans l’exposé des précisions modifié de la plaignante.

[215] La requête de l’intimée visant à obtenir des précisions supplémentaires et de meilleure qualité sur toute réclamation pour perte future de revenu et de prestations de retraite est accueillie. Comme il s’agit d’une réclamation existante, la plaignante doit inclure des précisions sur sa réclamation pour perte de revenu et sa réclamation pour perte de prestations de retraite jusqu’à la date de la présente décision dans son exposé des précisions modifié, et elle doit indiquer et mettre à jour avant l’audience toute autre perte future alléguée.

VII. Ordonnances

[216] Par les présentes, il est ordonné que :

  1. Le contenu suivant du paragraphe 2 de l’exposé des précisions de la plaignante doit être radié et le Tribunal n’en tiendra pas compte aux fins de l’évaluation de la responsabilité :

[traduction]

L’intimée n’a pas fourni le personnel approprié et a créé des conditions de travail dangereuses. J’ai dû composer avec beaucoup de stress et de pression parce que la direction m’a demandé de remplacer deux autres superviseurs qui étaient en congé cette semaine-là, en plus d’assumer mes propres responsabilités. Le fait d’être surchargée de travail m’a menée à mon accident en milieu de travail.

  1. La requête de l’intimée concernant l’alinéa 33c) est ajournée. L’intimée peut renouveler sa requête concernant l’alinéa 33c) à l’audience sur le bien-fondé de la plainte.
  2. La plainte de la plaignante est modifiée afin d’y inclure une allégation de représailles.
  3. La plaignante doit déposer un exposé des précisions modifié contenant des précisions supplémentaires sur la réclamation qu’elle présente à l’alinéa 33c), son allégation de représailles et sa réclamation pour perte actuelle et future de revenu et de prestations de retraite dont fait état son exposé des précisions.
  4. Le reste de la requête de l’intimée est rejeté.

Signée par

Kathryn A. Raymond, Q.C.

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 9 décembre 2021


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2504/6120

Intitulé de la cause : Natalia Boukailo c. Société canadienne des postes

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 9 décembre 2021

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par :

Natalia Boukailo , pour elle même

Sarah Chênevert-Beaudoin , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Lauren Ditschun , pour l'intimée

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.