Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Mme Nalini Sampat travaillait comme préposée d’escale à Air Canada, à l’aéroport de Vancouver. Au cours de la période où elle a travaillé à Air Canada, elle a été victime de deux accidents de voiture en dehors du travail, à la suite desquels elle aurait commencé à souffrir d’anxiété et d’un trouble de stress post-traumatique (TSPT). Mme Sampat a affirmé que, en raison de ces problèmes, elle a eu de la difficulté à réussir un test de conduite. Air Canada exigeait que tous les préposés d’escale réussissent ce « test de refoulement » en trois tentatives. Mme Sampat a démissionné de son poste après avoir échoué quatre fois au test.
Mme Sampat a affirmé qu’Air Canada n’avait pas pris de mesures d’adaptation pour sa déficience. Air Canada a fait valoir que Mme Sampat n’avait pas de déficience au moment des tests et que, même si c’était le cas, elle n’aurait pas pu le savoir sans en être avisée par Mme Sampat.
Le Tribunal a conclu que Mme Sampat n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer qu’elle avait une déficience. Le Tribunal a également conclu que Mme Sampat n’avait jamais avisé Air Canada de sa déficience alléguée et n’avait pas demandé de mesures d’adaptation durant les tests de refoulement. Le Tribunal a conclu que Mme Sampat avait démissionné parce qu’elle avait échoué au test obligatoire et non pas parce qu’elle avait subi de la discrimination fondée sur sa déficience. Si Mme Sampat n’avait pas démissionné, elle aurait quand même été congédiée en raison de la politique d’Air Canada sur les compétences requises pour les agents d’escale. Le Tribunal a analysé les mesures prises par Air Canada et a conclu que l’entreprise avait déjà offert des mesures d’adaptation à Mme Sampat en lui donnant la chance de passer le test une quatrième fois, comme l’avait demandé son syndicat. Air Canada n’avait pas à lui fournir d’autres mesures d’adaptation.
Le Tribunal a rejeté la plainte de Mme Sampat. Il n’a pas ordonné à Air Canada de verser une indemnité à Mme Sampat pour préjudice moral ou de la réintégrer dans un autre poste convenable.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2021 TCDP 38

Date : le 19 octobre 2021

Numéro du dossier : T2331/8618

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Nalini Sampat

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Air Canada

l’intimée

Décision

Membre : Alex G. Pannu

 



I. APERÇU

[1] Nalini Sampat, la plaignante, a travaillé pour Air Canada, l’intimée, comme préposée d’escale à l’aéroport de Vancouver entre juin 2013 et mai 2017. Elle affirme qu’au cours de cette période, elle a subi deux accidents de la route qui n’étaient pas liés au travail et qu’elle a par la suite commencé à souffrir d’anxiété et d’un trouble de stress post-traumatique (« TSPT »). À son avis, son état de santé l’a empêchée de réussir l’un des tests requis pour devenir préposée d’escale, à savoir la conduite du véhicule servant à refouler les aéronefs (communément appelée la manœuvre de « refoulement »). Après avoir échoué trois fois à l’examen (la norme d’Air Canada), Mme Sampat a démissionné de son poste.

[2] Mme Sampat demande à être réintégrée dans un poste convenable sans perdre d’ancienneté et à toucher les cotisations au régime de retraite auxquelles elle aurait autrement eu droit. Elle réclame également une indemnité de 20 000 $ pour préjudice moral.

[3] L’intimée, Air Canada, nie avoir eu connaissance de la déficience alléguée. Elle nie que Mme Sampat avait une déficience et, à titre subsidiaire, elle soutient que cette déficience n’a pas été un facteur dans la décision de mettre fin à son emploi. Air Canada affirme que si Mme Sampat avait une déficience, celle-ci ne l’en a pas informée et n’a pas facilité l’adoption de mesures d’adaptation dans le cadre des tests de refoulement ni participé à l’application de telles mesures. À titre plus subsidiaire encore, elle soutient que Mme Sampat a bénéficié des mesures d’adaptation qu’elle a demandées tout au long du processus.

[4] Air Canada n’a pas présenté d’observations en ce qui concerne la réparation et a demandé au Tribunal de rejeter la plainte.

[5] La présente affaire porte sur la question de savoir si la plaignante avait une déficience et si l’intimée était ou aurait dû être au courant de son état. Dans l’affirmative, je dois déterminer s’il était discriminatoire pour l’intimée de refuser que la plaignante soit affectée à un poste ne nécessitant pas de certification en matière de refoulement et, en fin de compte, de refuser de continuer à l’employer. Je dois également déterminer si la plaignante a été licenciée en raison de sa déficience alléguée ou parce qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences du poste.

[6] La plaignante soutient que son employeur n’en a pas fait assez pour tenter de répondre à ses besoins. Par contre, l’intimée justifie sa décision par le fait que tous les préposés d’escale devaient obtenir les qualifications nécessaires pour refouler un aéronef et qu’il s’agissait d’une exigence professionnelle justifiée. L’intimée affirme qu’elle ne pouvait pas accorder de mesures d’adaptation à la plaignante sans subir une contrainte excessive.

[7] La plaignante s’est représentée elle-même à l’audience tandis que l’intimée était représentée par un avocat. L’audience s’est tenue en ligne et a duré trois jours. La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »), qui a fait enquête sur la plainte avant de renvoyer le dossier au Tribunal pour qu’il rende une décision, n’a pas pris part à l’audience.

[8] À l’audience, la plaignante a livré son témoignage et a appelé Francisco Sanchez Andrade et June Joseph, deux anciens collègues d’Air Canada, à témoigner. L’intimée a, quant à elle, appelé Greg Daniels, le gestionnaire de Mme Sampat durant sa période d’emploi, à témoigner.

[9] Les témoignages et les éléments de preuve documentaire sont intégrés à mon analyse des questions en litige et des décisions judiciaires applicables.

II. DÉCISION

[10] La plainte n’est pas accueillie. Mme Sampat n’a pas démontré que le fait que l’intimée ait refusé de lui accorder des mesures d’adaptation et de continuer à l’employer constitue une preuve prima facie de discrimination fondée sur la déficience. L’intimée a établi qu’elle ne pouvait pas accéder à la demande de Mme Sampat sans subir une contrainte excessive.

III. CONTEXTE FACTUEL

[11] La plaignante a travaillé pour l’intimée comme préposée d’escale à l’aéroport international de Vancouver de juin 2013 au 11 mai 2017. Un préposé d’escale doit notamment charger et décharger le fret et les bagages des aéronefs d’Air Canada, et conduire et diriger les véhicules de service sur l’aire de trafic.

[12] Il doit notamment guider et tracter les aéronefs jusqu’aux points d’attente et aux postes de stationnement pour l’embarquement et le débarquement des passagers, ainsi que pour le décollage et l’atterrissage. C’est ce que l’on appelle le « refoulement ». C’est parce que la plaignante n’a pas terminé la formation et réussi les tests portant sur le refoulement que l’intimée a jugé bon de mettre fin à son emploi chez Air Canada.

[13] Mme Sampat a été embauchée par Air Canada en juin 2013. Elle dit qu’elle occupait un poste permanent à temps partiel. Air Canada maintient plutôt qu’elle était une employée occasionnelle à temps partiel.

[14] Mme Sampat affirme avoir occupé plusieurs postes à titre d’agente d’escale de 2013 à 2015.

[15] En 2014, Mme Sampat a été impliquée dans deux accidents de la route et, par conséquent, elle soutient avoir souffert d’un trouble de stress post-traumatique (« TSPT ») et qu’elle était nerveuse au volant. Elle prétend avoir échoué à la formation sur le refoulement à cause de ce TSPT.

[16] En octobre 2015, Mme Sampat a présenté une demande pour un certain type de travail chez Air Canada. L’intimée permet à ses employés syndiqués de [traduction] « soumettre des demandes » deux fois par année, ce qui signifie que les employés peuvent choisir, en fonction de leur ancienneté, le type de travail qu’ils veulent effectuer ainsi que les jours et les heures de leurs quarts de travail.

[17] Comme elle avait peu d’ancienneté, Mme Sampat a postulé pour un poste qui était toujours disponible. Elle a choisi le poste d’agent d’escale – équipe de relève. Autrement dit, elle devait remplacer les employés absents — ceux qui étaient en vacances, ceux qui étaient malades et ceux qui n’étaient pas disponibles pour travailler comme agent d’escale.

[18] Pour ce poste, Mme Sampat devait pouvoir accomplir toutes les tâches d’un agent d’escale, y compris la conduite des camions sanitaires, des camions de dégivrage, des escaliers automoteurs et des petits tracteurs de refoulement. Elle a débuté la formation nécessaire pour acquérir ces nouvelles compétences en novembre 2015.

[19] Mme Sampat a suivi la formation d’Air Canada et a réussi tous les tests requis sans problème, à l’exception de celui sur le refoulement.

[20] Selon la politique d’Air Canada sur les compétences requises, l’employé a trois (3) chances pour réussir les tests à la suite de la formation. À défaut d’y arriver, il fait l’objet d’un licenciement administratif.

[21] La plaignante a suivi une formation sur le refoulement et elle a été évaluée les 4 et 5 novembre 2015, les 8 et 10 février 2016 et les 2 et 4 mars 2016. À chaque fois, Mme Sampat a échoué au test de refoulement. Comme elle n’a pas réussi le test en trois tentatives, la plaignante a été licenciée pour des raisons administratives le 7 mars 2016.

[22] Le syndicat a déposé un grief pour contester ce licenciement. Mme Sampat a fait valoir que, pendant sa formation de novembre 2015, l’un des formateurs est retourné chez lui parce qu’il était malade, de sorte qu’elle n’a pas reçu toute la formation.

[23] Air Canada et Mme Sampat ont conclu un accord de règlement le 8 avril 2016. Mme Sampat a donc eu droit à une quatrième chance. Or, un échec allait entraîner son licenciement. Mme Sampat a fait la formation sur le refoulement et passé les tests nécessaires du 9 au 11 mai 2016. Malgré cela, elle a échoué.

[24] Le formateur a alors recommandé à Mme Sampat d’aller rencontrer Greg Daniels, son gestionnaire. Elle a donc confié à son gestionnaire qu’elle était nerveuse et anxieuse pendant l’évaluation. Toutefois, dans leur témoignage respectif, Mme Sampat et M. Daniels ne s’entendent pas sur la question de savoir si elle lui avait dit qu’elle souffrait d’un TSPT depuis qu’elle avait été impliquée dans des accidents de voiture.

[25] M. Daniels a recommandé à Mme Sampat de démissionner au lieu de se voir imposer le licenciement administratif prévu par l’entente sur les attentes à l’égard de la formation et l’accord de règlement en cas d’échec. Il lui a dit que si elle démissionnait, elle pourrait postuler pour d’autres postes chez Air Canada alors qu’un licenciement l’empêcherait probablement d’être réembauchée par l’intimée. M. Daniels lui a conseillé de discuter avec son délégué syndical avant de revenir le rencontrer. Mme Sampat a donc discuté avec Rod Ramsey, son représentant syndical, et ensemble, ils ont rencontré M. Daniels. M. Daniels et M. Ramsey lui ont tous deux répété qu’il serait préférable qu’elle démissionne avant d’être licenciée. Mme Sampat a donc démissionné de son poste chez Air Canada le 11 mai 2016.

[26] Le 30 juin 2016, Mme Sampat a déposé une plainte contre Air Canada auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »).

IV. QUESTIONS EN LITIGE

[27] Je dois trancher les questions suivantes. Je vais les examiner une à une dans mon analyse.

  1. La plaignante a-t-elle établi l’existence d’une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la Loi du fait que l’intimée a refusé ses demandes de retour au travail et a refusé de l’employer?
  2. Le cas échéant, l’intimée a-t-elle établi de manière valable que ses actes dits discriminatoires étaient justifiés? Plus particulièrement, l’intimée a-t-elle démontré que la norme selon laquelle il fallait réussir les évaluations, y compris le test de refoulement, en trois essais, constituait une exigence professionnelle justifiée (EPJ)?
  3. Si l’intimée ne peut justifier ses actes, quelles réparations convient-il d’accorder par suite de la discrimination?

V. MOTIFS ET ANALYSE

A. Cadre juridique

[28] Mme Sampat allègue avoir été victime de discrimination en matière d’emploi fondée sur la déficience, au sens de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « Loi » ou « LCDP », LRC 1985, ch. H-6). Suivant l’article 7 de la Loi, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. Les motifs de distinction illicite sont énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi.

[29] Prouver la discrimination dans un contexte d’emploi se fait en deux temps.

[30] Dans un premier temps, le plaignant doit présenter une preuve qui porte sur les allégations formulées et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une décision en sa faveur (Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears Ltd., 1985 CSC 18 (CanLII), au par. 28 [« Simpsons-Sears »]).

[31] L’utilisation de l’expression « discrimination prima facie » ne doit pas être assimilée à un allègement de l’obligation qu’a le demandeur de convaincre le Tribunal selon la norme de la prépondérance des probabilités, laquelle continue toujours de lui incomber (Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc., 2015 CSC 39 (CanLII), au par. 65 [« Bombardier »]).

[32] Pour établir l’existence d’une discrimination prima facie, le plaignant doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable : 1) qu’il possède une caractéristique que la Loi protège contre la discrimination; 2) qu’il a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi; 3) que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de cet effet préjudiciable (Moore c. Colombie-Britannique (Éducation) 2012 CSC 61 (CanLII), au par. 33).

[33] La caractéristique protégée n’a pas à être l’unique facteur ayant motivé le traitement défavorable et il n’est pas non plus nécessaire d’établir l’existence d’un lien de causalité (voir par exemple, Société canadienne de soutien à l’enfance et à la famille des Premières nations et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord Canada), 2016 TCDP 2 (CanLII) SSEFPNC »], au par. 25).

[34] Dans l’arrêt Bombardier, au paragraphe 56, la Cour suprême du Canada a apporté les précisions suivantes :

[...] bien que [...] l’on exige [de lui], non pas la preuve d’un « lien causal » mais plutôt d’un simple « lien » ou « facteur », il n’en demeure pas moins que le demandeur doit démontrer, par prépondérance des probabilités, l’existence des trois éléments constitutifs de la discrimination. Pour cette raison, l’existence du « lien » ou du « facteur » doit être établie par preuve prépondérante.

[35] Concrètement, cela signifie, selon les précisions données par la Cour, que l’intimée peut présenter soit des éléments de preuve réfutant l’allégation de discrimination, soit une défense justifiant la discrimination, ou les deux. En l’absence de justification établie par l’intimée, la présentation d’une preuve prépondérante à l’égard de ces trois éléments sera suffisante pour permettre au Tribunal de conclure à la violation de la LCDP. Par ailleurs, si l’intimée parvient à justifier sa décision, il n’y aura pas lieu de conclure à l’existence de discrimination, et ce, même si le plaignant réussit à établir sa preuve : (Bombardier, au par. 64.)

Question no 1 : La plaignante a-t-elle établi l’existence d’une preuve prima facie de discrimination au sens de l’article 7 de la Loi du fait que l’intimée a refusé ses demandes de retour au travail et a refusé de l’employer?

(a) La plaignante a-t-elle droit à la protection contre la discrimination du fait qu’elle possède une caractéristique protégée?

[36] Je ne crois pas que la plaignante possédait une caractéristique protégée.

[37] Mme Sampat a allégué avoir été victime de discrimination fondée sur la déficience. Aux termes de la Loi, la « déficience » peut être « physique ou mentale, [...] présente ou passée » (art. 25 de la Loi). La Loi ne comporte aucune liste de ce qui peut constituer une « déficience ». La déficience n’a pas à être permanente, et ce ne sont pas seulement les déficiences mentales les plus graves qui donnent droit à la protection prévue dans la Loi (Mellon c. Canada (Développement des Ressources humaines), 2006 TCDP 3 (CanLII) [« Mellon »], au par. 88). La Loi interdit la discrimination au travail fondée sur la perception ou l’impression d’une déficience et exige l’adoption de mesures d’adaptation par l’employeur, à moins que cela n’entraîne pour lui une contrainte excessive (Dupuis c. Canada (Procureur général), 2010 CF 511 (CanLII) [« Dupuis »], au par. 25).

[38] Dans son témoignage, Mme Sampat a déclaré qu’elle ignorait qu’elle souffrait d’un TSPT pendant un certain temps après les accidents. Elle a précisé qu’elle se sentait anxieuse au volant et qu’elle avait eu au moins une crise de panique pendant qu’elle conduisait sa voiture.

[39] Mme Sampat a ajouté qu’elle était traitée par le Dr Baldev Kahlon pour son anxiété et ses crises de panique. Elle a déposé en preuve un billet du Dr Kahlon qui, selon elle, était daté du 6 mai 2016. Selon le billet, elle souffrait alors d’anxiété et de crises de panique et elle avait [traduction] « commencé à prendre des médicaments ». Or, le nom des médicaments n’est pas précisé. Toujours selon le billet, [traduction] « elle ne dev[ait] pas manœuvrer de machines ni suivre la formation, car ces situations [étaient] susceptibles de déclencher chez elle de l’anxiété et des crises de panique […] ».

[40] Mme Sampat n’a pas montré le billet médical à l’intimée avant de faire son test de refoulement le 11 mai 2016.

[41] Dans le cadre d’une autre affaire, Mme Sampat a déposé en preuve une évaluation du Dr Christopher Watt, médecin spécialisé en médecine du sport, datée du 21 septembre 2016. Dans ses opinions et conclusions, le Dr Watt a indiqué que Mme Sampat souffrait, entre autres, d’un trouble de stress post-traumatique, d’un trouble panique et d’un trouble d’anxiété généralisée.

[42] Le rapport et les opinions du Dr Watt étaient notamment fondés sur un dossier de travail comprenant dives documents, y compris des dossiers cliniques antérieurs et une évaluation psychologique faite par le Dr Rami Nader (psychologue) le 4 août 2016. L’évaluation du psychologue est reproduite à l’onglet 1.4 de l’annexe du rapport du Dr Watt, mais aucune copie de ce rapport n’a été fournie au Tribunal et il est impossible de vérifier la validité des renseignements qu’il contenait. Le Dr Watt est un médecin certifié en médecine du sport, et non un psychologue. Il est donc difficile de savoir dans quelle mesure il s’est appuyé sur le rapport du Dr Nader pour tirer ses propres conclusions. De plus, ce rapport a été rédigé plusieurs mois après que les actes reprochés eurent été commis.

[43] En 2016, le médecin de Mme Sampat, le Dr Kahlon, a fourni un bref billet médical, mais comme il porte une date ambiguë, il ne date pas nécessairement de la même période que les événements en cause. Il n’a pas suffisamment décrit la nature distinctive des crises d’anxiété et de panique et la façon dont celles-ci sont liées aux tests de refoulement. À mon sens, ce bref billet médical n’est pas convaincant.

[44] Mme Sampat a choisi de ne pas faire témoigner les Drs Watt et Kahlon à l’audience. La Cour fédérale a reconnu qu’un tribunal administratif peut accorder peu de valeur probante, voire aucune valeur probante, à un billet de médecin si ce médecin ne témoigne pas à l’audience : Hughes c. Canada, 2021 CF 147 (CanLII) [« Hughes »], au par. 84, citant Halfacree c. Canada (Procureur général), 2014 CF 360 (CanLII)  Halfacree »], au par. 38. Sans témoignage, je ne peux donc pas accorder de valeur à ces billets.

[45] Pour ce qui est du témoignage que Mme Sampat a livré au sujet de sa déficience, je l’ai trouvé peu convaincant. Elle savait à quel point il était important pour elle de saisir la dernière chance qu’elle avait de réussir le test de refoulement et pourtant, elle n’a demandé aucune mesure d’adaptation. Elle n’a parlé de sa déficience à Air Canada qu’après avoir échoué pour la quatrième fois. Elle n’a pas fait part de sa déficience lors des trois tests précédents. Mme Sampat connaissait le fonctionnement du processus d’adaptation chez Air Canada. Elle était représentée par un syndicat expérimenté et elle avait, à trois reprises en 2014 et en 2015, bénéficié de mesures d’adaptation de la part d’Air Canada pour diverses limitations physiques. Pour toutes ces raisons, je n’accorde pas beaucoup de crédibilité au témoignage de la plaignante.

[46] Dans le contexte des droits de la personne, le concept de déficience doit recevoir une interprétation large, et il n’existe pas de liste exhaustive des troubles mentaux reconnus : Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. ville de Montréal, 2000 CSC 27 (CanLII) [« Québec C.D.P.D.J»], au par. 76). Selon le critère juridique applicable, la déficience consiste en un handicap physique ou mental, qui occasionne une limitation fonctionnelle ou qui est associé à la perception d’un handicap : Desormeaux c. Ottawa (Ville), 2005 CAF 311 (CanLII) [« Desormeaux »], au par. 15. Il incombe à la plaignante de présenter des éléments de preuve suffisants pour étayer l’existence d’une déficience à la lumière de ce critère juridique.

[47] Dans la décision Halfacree, la Cour fédérale a déclaré, au paragraphe 40, que « même s’il peut être invalidant, le stress ne constitue pas en soi une invalidité exigeant des mesures d’adaptation. Pour pouvoir se réclamer de la protection de la législation en matière de droits de la personne, l’employé doit fournir un diagnostic détaillé et étayé ».

[48] La décision Halfacree est citée avec approbation par la Cour fédérale au paragraphe 84 de la décision Hughes et par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 48 de l’arrêt Canada (Procureur général) c. Gatien, 2016 CAF 3, où elle souligne que « la jurisprudence reconnaît qu’on ne peut assimiler le stress à une invalidité ».

[49] À mon avis, l’anxiété situationnelle peut constituer une affection normale, laquelle est exclue du concept de déficience (Québec C.D.P.D.J , au par. 82), à moins que le plaignant ne soit en mesure de fournir un diagnostic détaillé et étayé (Hughes, au par. 84).

[50] Dans l’affaire Desormeaux, le Tribunal s’est fondé sur les témoignages de la plaignante et de son médecin de famille pour conclure à une déficience. Sans témoignage convaincant de la part de la plaignante ni billets médicaux ayant quelque valeur probante, rien ne prouve l’existence d’un diagnostic détaillé et étayé. La plaignante n’a pas présenté suffisamment d’éléments de preuve pour appuyer son allégation selon laquelle elle souffrait d’une déficience qui donne droit à la protection prévue dans la LCDP. Par conséquent, je conclus que Mme Sampat n’a pas démontré qu’elle avait subi de la discrimination fondée sur un motif de distinction illicite.

(b) La plaignante a-t-elle subi un effet préjudiciable relativement à l’emploi concerné?

[51] Oui, nul ne conteste que la plaignante a subi un effet préjudiciable du fait qu’elle a perdu son emploi à Air Canada.

[52] Dans son témoignage, Mme Sampat a affirmé que la perte de son emploi avait eu des répercussions négatives sur sa situation financière et sur son état de santé mentale. Elle a également déclaré que sa relation avec son conjoint en avait souffert. Je n’ai aucune raison de mettre en doute le témoignage de Mme Sampat sur ces points précis.

(c) La déficience de la plaignante a-t-elle été un facteur dans le fait qu’elle a échoué au test de refoulement et qu’elle a ensuite perdu son emploi?

[53] Non. Même si j’avais conclu que la plaignante avait une déficience, je ne dispose pas d’assez d’éléments de preuve montrant que sa déficience a été un facteur dans le fait qu’elle a échoué au test de refoulement pour une quatrième fois et qu’elle a été automatiquement licenciée pour des raisons administratives. Si Mme Sampat n’avait pas démissionné d’Air Canada, elle aurait été congédiée, et ce, parce qu’elle a échoué au test de refoulement, et non parce qu’elle souffrait d’une déficience.

[54] En général, le préposé d’escale doit conduire un tracteur pour refouler ou remorquer un aéronef à un rythme de marche lent. Au moment du départ, le préposé d’escale peut devoir communiquer avec les membres de l’équipage qui se trouvent à bord de l’aéronef et avec d’autres membres du personnel de piste pour assurer un bon positionnement, suivre les signaux à bras des placiers, surveiller l’aile droite de l’aéronef ainsi que l’angle de braquage de la roue avant pendant qu’il refoule l’aéronef jusqu’au bon endroit sur la piste.

[55] Les trois premières fois qu’elle a participé à des séances de formation et passé des tests en matière de refoulement, Mme Sampat n’a pas informé l’intimée qu’elle souffrait d’une déficience. À part son témoignage, elle n’a fourni aucune preuve selon laquelle sa déficience alléguée aurait contribué à son échec au test de refoulement.

[56] Mme Sampat a réussi les évaluations requises pour exercer les autres fonctions de préposé d’escale et pour lesquelles elle devait conduire, notamment le camion de dégivrage, le chariot-toilettes et les escaliers automoteurs. Elle n’a pas dit qu’elle souffrait d’anxiété ou d’un présumé TSPT au cours de ces évaluations. Elle n’a pas non plus parlé de sa déficience à l’intimée au cours de ces évaluations.

[57] Le syndicat a déposé un grief pour contester le fait qu’elle avait été licenciée parce qu’elle n’avait pas réussi le test de refoulement après trois essais, mais ce grief n’était pas fondé sur la déficience alléguée de la plaignante. Il était plutôt fondé sur le fait qu’elle n’avait pas eu droit à une journée complète de formation pendant sa première séance.

[58] Quand le syndicat de Mme Sampat a négocié une entente avec l’intimée afin qu’elle puisse essayer une dernière fois de réussir le test, sous peine d’être congédiée, cette dernière n’a pas informé l’intimée qu’elle souffrait d’une déficience et qu’elle avait besoin de mesures d’adaptation.

[59] Après avoir échoué au test pour la quatrième fois, Mme Sampat a affirmé que le formateur avait haussé la voix et qu’elle [traduction] « avait craqué à cause de son anxiété ». Cependant, quand elle est allée voir M. Daniels, elle prétend avoir été trop gênée pour lui remettre le billet de son médecin. Par ailleurs, dans son témoignage, elle a révélé qu’elle n’avait pas pris ses médicaments la veille du test parce qu’elle avait peur de se réveiller trop tard.

[60] Mme Sampat aurait dit à M. Daniels qu’elle était anxieuse pendant l’évaluation parce que le formateur la réprimandait. Elle aurait également dit à M. Daniels qu’elle souffrait d’un TSPT. Or, dans son témoignage, M. Daniels a affirmé qu’il ne se souvenait pas que Mme Sampat lui ait dit qu’elle souffrait d’un TSPT, mais seulement qu’elle était nerveuse.

[61] Comme Mme Sampat a déclaré qu’elle était trop gênée pour remettre à l’intimée le billet médical décrivant son anxiété et son TSPT avant sa quatrième évaluation ou lors de sa réunion du 11 mai avec M. Daniels, j’estime que M. Daniels est plus crédible sur cette question.

[62] Je ne dispose d’assez d’éléments de preuve pour conclure que l’échec de Mme Sampat au quatrième test de refoulement est attribuable à sa déficience.

[63] Je ne dispose pas non plus d’assez d’éléments de preuve pour conclure que cette déficience alléguée a contribué à la perte de son emploi. Si Mme Sampat n’avait pas démissionné, elle aurait, aux termes de l’accord de règlement, été licenciée après avoir échoué à son quatrième test de refoulement. M. Daniels savait que Mme Sampat souhaitait devenir agente de bord et lui a fait savoir qu’elle aurait plus de chances d’être réembauchée par Air Canada si elle démissionnait, au lieu d’être licenciée. À mon avis, il n’y a pas, en pratique, la moindre différence entre la démission et le licenciement de la plaignante.

[64] Je distingue la présente affaire de l’affaire Chan v. Dencan Restaurants Inc., 2011 BCSC 1439 (CanLII), qui portait sur une démission forcée, que la plaignante a citée à l’appui de sa cause. Toutefois, en l’espèce, l’intimée a autorisé Mme Sampat à démissionner afin qu’elle puisse postuler à un autre poste. Il ne s’agissait pas d’une démission forcée parce que Mme Sampat avait déjà convenu qu’elle serait licenciée si elle échouait à son dernier test de refoulement. Autrement dit, si Mme Sampat n’avait pas démissionné, elle aurait été congédiée de toute façon.

[65] Air Canada n’avait pas le billet médical de Mme Sampat au moment où elle a démissionné. Il y a un désaccord fondamental entre Mme Sampat et M. Daniels quant à savoir ce que la plaignante a dit à l’intimée au sujet de sa déficience alléguée. J’ai conclu que M. Daniels était plus crédible sur cette question.

[66] L’intimée a cité l’arrêt Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30 (CanLII) [« Stewart »] à l’appui de sa cause. Dans cet arrêt, la Cour suprême du Canada a confirmé la décision du Tribunal selon laquelle le plaignant avait été congédié non pas en raison de sa dépendance aux drogues, mais pour avoir violé la politique de l’employeur. Je crois que l’arrêt Stewart s’applique en l’espèce. J’estime que Mme Sampat a perdu son emploi chez Air Canada parce qu’elle n’a pas été en mesure de réussir l’évaluation en matière de refoulement, et non pas parce qu’elle souffrait d’une déficience.

[67] Par conséquent, la plaignante n’a pas réussi à établir l’existence d’une preuve prima facie de discrimination. Même si la plaignante y était parvenue, j’estime que l’intimée a fourni une explication raisonnable.

Question no 2 : Si la plaignante avait été en mesure d’établir l’existence d’une preuve prima facie, l’intimée a-t-elle établi de manière valable que ses actes étaient justifiés?

[68] Le critère à appliquer pour établir une exigence professionnelle justifiée (EPJ) a été énoncé dans l’arrêt Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, 1999 CSC 652 (CanLII) [« Meiorin »]. Selon cet arrêt, un employeur qui invoque une défense de contrainte excessive doit prouver ce qui suit selon la prépondérance des probabilités :

a. qu’il a adopté la norme contestée (en l’espèce la norme de l’employeur selon laquelle il faut réussir les évaluations, y compris celle en matière de refoulement, en moins de trois essais) dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause;

b. qu’il a adopté la norme particulière en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

c. que la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail, en ce sens qu’il est impossible de composer avec un employé qui a les mêmes caractéristiques que le plaignant sans subir une contrainte excessive en matière de santé, de sécurité ou de coûts.

[69] L’intimé doit démontrer qu’il est plus probable qu’improbable que la norme ou la politique qu’il a établie est une EPJ (art.15 de la Loi, Bombardier, au par. 37 et Meiorin, aux par. 54 et 71-72). Si l’intimé ne peut justifier la conduite discriminatoire, on conclura à la discrimination.

[70] L’intimé doit donc démontrer qu’il a pris pour l’employé des mesures d’adaptation raisonnables sans qu’il en résulte une contrainte excessive. Ce fardeau incombe à l’employeur puisque c’est lui qui détient les informations nécessaires afin de démontrer l’existence d’une contrainte excessive. L’employé sera rarement, voire jamais, en mesure de démontrer son absence (Simpson-Sears, au par. 28).

[71] Lorsque l’intimé réfute l’allégation de discrimination, il doit fournir une explication raisonnable, qui ne peut constituer un « prétexte » ou une excuse pour dissimuler l’acte discriminatoire (Moffat c. Davey Cartage Co. (1973) Ltd., 2015 TCDP 5 (CanLII), au par. 38).

(a) L’employeur a-t-il adopté la norme dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause?

[72] Oui. En tant que compagnie aérienne sous réglementation fédérale, Air Canada accorde une grande importance à la sécurité et exige que ses employés reçoivent une formation adéquate pour faire leur travail.

[73] Les préposés d’escale d’Air Canada doivent signer une entente par laquelle ils reconnaissent les attentes qu’a l’employeur à leur égard en matière de formation. Ils doivent notamment passer des tests écrits et des tests de conduite sur plusieurs véhicules aéroportuaires utilisés dans leurs activités quotidiennes. Mme Sampat a signé l’entente sur les attentes en 2013, au début de son emploi.

(b) L’intimée a-t-elle adopté la norme en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail;

[74] Oui. Comme Mme Sampat a postulé pour un poste d’agent d’escale dans l’équipe de relève en 2015, elle devait être en mesure de remplacer les agents d’escale en vacances, en congé de maladie ou autrement absents. L’agent de l’équipe de relève doit être en mesure de remplir toutes les fonctions requises, y compris la conduite des différents véhicules utilisés dans le cadre des opérations.

[75] Mme Sampat savait ce qu’elle devait faire pour devenir agente d’escale dans l’équipe de relève et a commencé sa formation peu de temps après avoir postulé pour le poste. Elle n’a contesté aucune des exigences. Il ressort de ses dossiers de formation qu’elle a passé et réussi toutes les évaluations, sauf une, soit celle en matière de refoulement, qu’elle a passée quatre fois parce qu’elle s’est vu accorder un essai supplémentaire alors que, selon la norme applicable, les agents d’escale ont droit à trois essais.

[76] Je n’ai rien entendu qui suggère que l’intimée n’a pas adopté la norme de bonne foi. Je crois que la norme était nécessaire pour atteindre un but légitime lié au travail, c’est‑à‑dire l’exploitation sûre et efficace d’une compagnie aérienne.

(c) La norme était-elle raisonnablement nécessaire à la réalisation de son but, en ce sens qu’il était impossible de répondre aux besoins de Mme Sampat sans qu’il en résulte une contrainte excessive?

[77] Oui. L’intimée a déjà pris des mesures d’adaptation à l’égard de la plaignante en lui donnant une quatrième chance de réussir son évaluation en matière de refoulement. Air Canada a également pris des mesures d’adaptation à l’égard de Mme Sampat en évitant de lui assigner un formateur avec qui elle ne souhaitait pas travailler.

[78] Mme Sampat n’a demandé aucune mesure d’adaptation au cours de ses tests de conduite, y compris celui pour le tracteur de refoulement.

[79] Si Mme Sampat avait demandé des mesures d’adaptation, Air Canada n’aurait pas pu accéder à sa demande en la dispensant du test de refoulement bien qu’elle fasse partie de l’équipe de relève. Le poste exigeait que les employés de relève soient en mesure de conduire tous les véhicules utilisés dans le cadre des opérations de la compagnie aérienne.

[80] Mme Sampat a appelé Francisco Javier Sanchez Andrade comme témoin. Il a affirmé qu’il était préposé d’escale et qu’il avait été congédié par Air Canada après avoir échoué au test de refoulement à trois reprises. Son syndicat a déposé un grief contre le congédiement et a ordonné à Air Canada de le réembaucher. Il a été transféré aux opérations de fret. Or, il ne travaille plus pour l’intimée.

[81] Il ne semble pas que M. Sanchez ait été ou ait voulu être préposé d’escale dans l’équipe de relève après sa réintégration puisqu’il n’avait pas passé le test de refoulement. Si Mme Sampat avait voulu recevoir le même traitement que M. Sanchez, elle aurait pu renoncer à devenir préposée d’escale dans l’équipe de relève et demander à être mutée dans un poste ne nécessitant pas une certification en matière de refoulement. Or, elle a choisi de conclure un accord de règlement afin d’avoir une dernière chance de passer le test de refoulement. Il était précisé dans cet accord de règlement que la plaignante serait congédiée sans droit de grief si elle échouait.

[82] La plaignante a appelé une ancienne collègue, June Joseph, à témoigner. Mme Joseph a dit que Mme Sampat lui avait parlé de son anxiété au cours de sa formation sur le refoulement. Elle a laissé entendre que M. Daniels avait appelé chez elle et avait tenté de l’intimider pour ne pas qu’elle témoigne, mais elle n’a fourni aucune preuve pour appuyer ses dires tandis que M. Daniels a donné une explication raisonnable pour justifier son appel. J’estime que son témoignage n’est pas crédible.

[83] La plaignante a demandé au Tribunal de prendre en considération l’affaire Air Canada v. Cheema 2017 BCSC 1060 (CanLII), mais cette affaire portait sur des allégations de différence de traitement et de collusion entre Air Canada et un syndicat. Mme Sampat n’a présenté aucune observation sur ce point et, le cas échéant, il serait plus approprié de présenter ces observations dans le cadre d’un forum sur les relations de travail et non dans une plainte en matière de droits de la personne.

Conclusions sur les mesures d’adaptation

[84] Avant de déposer une plainte auprès de la Commission, Mme Sampat n’avait jamais demandé à l’intimée de prendre des mesures d’adaptation en ce qui concerne le test de refoulement du fait qu’elle souffrait d’une déficience.

[85] Toutefois, elle connaissait bien le processus d’adaptation d’Air Canada puisqu’elle y avait eu recours à plusieurs reprises. En octobre et novembre 2014 ainsi qu’en décembre 2015, Mme Sampat a conclu avec Air Canada des ententes lui permettant de modifier ses fonctions étant donné qu’elle prétendait souffrir de certaines blessures et limitations physiques.

[86] Bien que Mme Sampat ait déjà bénéficié du processus d’adaptation de l’intimée, elle n’a pas demandé de mesures d’adaptation pour sa déficience alléguée, notamment quand est venu le temps de passer ses évaluations en matière de refoulement.

[87] Ce n’est qu’après avoir déposé sa plainte qu’elle a présenté à Air Canada le billet médical décrivant son stress et son anxiété. M. Daniels a nié le fait qu’elle lui avait dit souffrir d’un TSPT après le quatrième test.

[88] Dans ses observations finales, Mme Sampat a fait valoir que l’intimée avait une obligation procédurale de se renseigner sur son éventuelle déficience et de prendre des mesures pour répondre à ses besoins étant donné qu’elle avait avisé M. Daniels qu’elle souffrait d’un TSPT (ce qu’il conteste). En somme, la plaignante a revendiqué un droit distinct à certaines mesures d’adaptation d’ordre procédural. Rien dans la loi ne vient étayer cette affirmation.

[89] Dans l’arrêt Canada (procureur général) c. Cruden, 2014 CAF 131 (CanLII), la Cour d’appel fédérale a toutefois confirmé qu’il n’existait pas d’obligation procédurale distincte de prendre des mesures d’adaptation. Au paragraphe 16 de ses motifs, la Cour a écrit : « La LCDP ne prévoit pas d’obligation procédurale distincte d’adaptation qui pourrait justifier des mesures de réparation lorsque l’employeur démontre qu’il remplit les trois conditions du critère […] visant à déterminer si une norme discriminatoire à première vue est une exigence professionnelle justifiée. »

[90] S’il est vrai que, dans certains cas, l’employeur peut avoir l’obligation de se demander si le rendement de l’employé au travail est lié à une déficience, il faut d’abord qu’il dispose de plus de preuves de cette possible déficience. Dans la décision Matheson v. Okanagan Similkameen School District No. 53, 2009 BCHRT 112, le tribunal a déclaré, au paragraphe 11 : [traduction] « En fait, l’employée désireuse d’obtenir des mesures d’adaptation en raison d’une déficience est tenue de communiquer à son employeur suffisamment de renseignements pour lui permettre de s’acquitter de son obligation d’adaptation […] ».

[91] Mme Sampat a fourni peu de renseignements, voire aucun, à l’intimée sur sa déficience alléguée. Il n’est pas raisonnable pour un employeur de prendre des mesures d’adaptation lorsqu’il n’est pas clair quelles mesures sont demandées pour une déficience inconnue ou lorsqu’aucune mesure d’adaptation n’est demandée.

[92] Par ailleurs, même si l’intimée a manqué à son obligation de se renseigner, il n’y a pas de mesure de réparation possible puisque la plaignante n’a pas établi l’existence d’une discrimination.

VI. ORDONNANCE

[93] La plainte n’est pas fondée et la plaignante n’a pas droit à des mesures de réparation.

Signée par

Alex G. Pannu

Membre du Tribunal

Vancouver (Colombie-Britannique)

Le 19 octobre 2021

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T23318618

Intitulé de la cause : Nalini Sampat c. Air Canada

Date de la Décision du tribunal : Le 19 octobre 2021

Date et lieu de l’audience : 24, 25 et 26 novembre 2020

par vidéoconférence

Comparutions :

Nalini Sampat, pour elle même

Aucune comparution, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Andrew Woodhouse, pour l’intimée

 

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