Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2021 TCDP 29

Date : le 24 août 2021

Numéro du dossier : T2163/3716

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Amir Attaran

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : David L. Thomas

 

 



I. Introduction

[1] La présente décision porte sur deux requêtes écrites que le plaignant, M. Amir Attaran, a récemment présentées au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal » ou le « TCDP »). L’audience est bien avancée. En effet, il y a eu dix jours d’audience en février 2021 et quatre autres jours en avril 2021. Le plaignant et la Commission ont produit leur preuve. L’intimé a, quant à lui, présenté trois de ses témoins jusqu’à maintenant. Quand l’audience a été suspendue le 30 avril 2021, le plaignant était toujours en train de contre-interroger le témoin expert de l’intimé, le professeur Michael Haan. Un autre témoin de l’intimé doit comparaître à la reprise de l’audience en septembre.

[2] Dans sa première requête datée du 4 juin 2021, le plaignant sollicite la divulgation des documents de l’intimé, c’est-à-dire Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (« IRCC »). En fait, il demande la divulgation de deux séries de documents : ceux se rapportant aux documents de travail d’un expert et ceux se rapportant aux annonces faites récemment par IRCC en ce qui concerne la résidence permanente.

[3] Le plaignant a déposé sa deuxième requête le 30 juillet 2021, alors que la première était toujours en délibéré. Il demande à IRCC de fournir les documents afférents à une annonce encore plus récente selon laquelle davantage de demandes de parrainage présentées dans le cadre du Programme des parents et des grands-parents (PGP) seraient acceptées en 2021.

[4] Comme les documents sont de nature différente, les arguments en faveur et à l’encontre de la divulgation le sont aussi. Par conséquent, dans la présente décision sur requête, les documents du témoin expert seront traités séparément des documents se rapportant aux changements de politiques.

[5] La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») n’a pas présenté d’observations distinctes dans le dossier de la première requête, mais a avisé le Tribunal qu’elle souscrivait à l’explication du cadre juridique régissant le privilège relatif au litige et la pertinence potentielle qu’avait donné le plaignant dans sa première requête. S’agissant de la deuxième requête, la Commission a convenu de la pertinente potentielle des documents, mais a proposé de limiter la production de nouveaux documents.

[6] La partie intéressée en l’espèce, la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, conformément à la décision sur requête antérieure du Tribunal (2018 TCDP 6), n’est pas autorisée à présenter d’observations à l’égard des requêtes provisoires.

II. Documents se rapportant à la preuve d’expert du professeur Haan

[7] Le plaignant sollicite la divulgation de trois éléments qui, selon lui, constituent le fondement du rapport d’expert du professeur Haan :

  • A)toutes les communications qui ont été échangées entre le professeur Haan et son étudiante de cycle supérieur et qui ont servi à la recherche ou à la préparation du rapport d’expert;

  • B)tous les documents dont dispose le professeur Haan et qui ont servi à la recherche ou à la préparation de son rapport d’expert, y compris tous les documents fournis par l’avocat de l’intimé;

  • C)le mandat de représentation ou le contrat qu’ont signé le professeur Haan et l’intimé.

[8] L’intimé affirme que les documents demandés ne sont pas nécessaires, que la demande a été présentée trop tard et que tous ces documents sont protégés par le privilège relatif au litige.

[9] Il ressort clairement de la loi que les documents fondamentaux — qui seraient autrement protégés par le privilège relatif au litige — doivent être divulgués quand un témoin expert est appelé à témoigner. En l’espèce, il y a différentes interprétations de ce qui constitue un « document fondamental » nécessaire à la formulation de l’opinion d’expert du professeur Haan.

(i) Communications échangées avec l’étudiante de cycle supérieur

[10] Pendant son contre-interrogatoire, le professeur Haan a déclaré qu’une étudiante de cycle supérieur l’avait aidé à préparer son rapport en rédigeant les premières ébauches des paragraphes 54, 55 et 56, qu’il a ensuite révisées. Le plaignant soutient que ces communications constituent des documents fondamentaux qui ne sont pas assujettis au privilège relatif au litige. Il ajoute que la « zone de confidentialité » du privilège relatif au litige est limitée. Les communications échangées avec l’étudiante de cycle supérieur ne bénéficient pas de cette protection, car il ne s’agit pas d’une tierce partie au litige, mais peut‑être d’une quatrième ou d’une cinquième partie.

[11] M. Attaran s’appuie sur la décision que la Cour suprême du Canada a rendue dans l’arrêt Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39 (« Blank ») pour affirmer que la « zone de confidentialité » est limitée (par. 34) et que le privilège relatif au litige vise non seulement les communications entre un avocat (ou plaideur) et son client, mais aussi entre un avocat (ou plaideur) et un tiers. M. Attaran soutient que c’est là que doit s’arrêter la « zone de confidentialité » et que les communications que ce tiers échange avec d’autres personnes ne devraient pas être assujetties au privilège au litige.

[12] L’intimé cite également l’arrêt Moore v. Getahun, 2015 ONCA 55 (« Moore »), plus particulièrement l’extrait où la Cour d’appel de l’Ontario cite l’arrêt Blank :

[traduction]

69. Dans l’arrêt Blank, la cour a fait remarquer, au paragraphe 34, que le privilège relatif au litige crée « une “zone de confidentialité” à l’occasion ou en prévision d’un litige. Pour se préparer de manière minutieuse et approfondie en vue de l’instruction, les avocats doivent bénéficier d’une protection qui leur permette de travailler avec des tiers, comme des experts, qui prennent des notes, vérifient des hypothèses, rédigent et révisent les versions provisoires de leur rapport.

70. Aux termes du paragraphe 31.06(3), les versions provisoires du rapport d’expert que la partie n’entend pas invoquer sont protégées par le privilège et ne doivent pas être divulguées. Sous la protection du privilège relatif au litige, il en va de même pour les versions provisoires des rapports, les notes et comptes rendus de consultations entre les experts et les avocats, même quand la partie a l’intention d’appeler l’expert à témoigner. [Non souligné dans l’original.]

[13] L’intimé renvoie aussi à la décision Wright v. Detour Gold Corporation 2016 ONSC 6807 (« Wright »), où la cour a confirmé que le privilège relatif au litige s’appliquait dans un cas où le témoin expert avait retenu les services d’un consultant pour rédiger son avis. Dans cette affaire, les plaignants sollicitaient la production des versions provisoires du rapport, de la facture émise par l’expert pour son rapport et de la correspondance et des communications que l’expert a eues avec son consultant qui, dans ce cas, était un autre cabinet d’avocats. La cour a rejeté la demande et a conclu qu’il était justifié de refuser de fournir ces documents.

[14] Je souscris à l’observation faite par le juge Perell au paragraphe 21 de la décision Wright :

[traduction]

Il n’est guère surprenant qu’un expert se fasse aider pour préparer et rédiger son avis, et il est tout simplement faux de dire que l’assistant devient alors l’auteur parce qu’il a participé à la rédaction.

[15] M. Attaran soutient qu’une partie du rapport a été rédigée par un prête-plume; or, ce n’est pas le cas. Selon le témoignage du professeur Haan, l’étudiante de cycle supérieur n’est l’auteure d’aucune partie du rapport. Elle a rédigé les paragraphes 54, 55 et 56 du rapport, mais le professeur Haan affirme les avoir fortement modifiés. Quand Mme Carrasco de la Commission lui a demandé ce qu’il voulait dire par « fortement modifiés », il a répondu ce qui suit :

[traduction]

Parce que j’aime être responsable des documents qui portent mon nom. Je ne veux donc pas me contenter de modifier légèrement ce qu’elle rédige. Je réécris le tout pour en faire mon propre texte.

(Attaran c. IRCC, enregistrement audio, 28 avril 2021 @ 2:01:28)

[16] Il n’y a rien de choquant à ce qu’un expert universitaire demande l’avis d’un étudiant ou d’un collègue lors de la préparation d’un rapport. L’important c’est que l’expert adopte l’ensemble du contenu et des conclusions du rapport et qu’il soit prêt à témoigner sous serment pour confirmer que ce sont ses propres opinions. C’est ce qui s’est produit en l’espèce.

[17] Comme je l’ai déjà indiqué, selon M. Attaran, l’arrêt Blank pose des limites à la zone de confidentialité créée par le privilège relatif au litige. Les courriels échangés entre le professeur Haan et son étudiante ne seraient pas des communications protégées d’un tiers, mais des communications entre une tierce et une quatrième partie et, par conséquent, n’entreraient pas dans la zone de confidentialité.

[18] Cependant, ce n’est pas ce qui est écrit dans l’arrêt Blank. L’expression « zone de confidentialité » qu’utilise la Cour suprême ne renvoie pas aux degrés de communication liés au litige, mais plutôt à la période durant laquelle il est possible de revendiquer le privilège relatif au litige :

L’objet du privilège relatif au litige est, je le répète, de créer une « zone de confidentialité » à l’occasion ou en prévision d’un litige. Aussitôt que le litige prend fin, le privilège auquel il a donné lieu perd son objet précis et concret — et, par conséquent, sa raison d’être. Mais, comme certains le diraient, le litige n’est pas terminé tant qu’il n’est pas terminé : On ne peut pas dire qu’il est « terminé », au vrai sens du terme, lorsque les parties au litige ou des parties liées demeurent engagées dans ce qui constitue essentiellement le même combat juridique. (Blank, au par. 34)

[19] Je reconnais que, lorsqu’un expert devient un témoin dans un litige, le privilège relatif au litige est levé puisque l’expert est tenu de divulguer les documents fondamentaux sur lesquels il fonde son opinion. Le paragraphe 49 de la décision rendue antérieurement par le Tribunal dans l’affaire Montreuil c. Les Forces canadiennes, 2007 TCDP 17Montreuil »), est invoqué pour faire valoir que le témoin peut être tenu de produire « tout document qui a pu servir à la rédaction de son rapport et être interrogé sur ces documents ».

[20] L’argument est moins clair quand on regarde la définition de documents fondamentaux. Dans la décision Montreuil, les « sources documentaires » demandées par la Commission n’étaient pas des rapports ou des études, mais plutôt un rapport préliminaire soumis au procureur et une version antérieure de ce rapport. Ce ne sont pas les types de documents en cause en l’espèce. Toutefois, il s’agit de savoir si les notes échangées entre le professeur Haan et son étudiante de cycle supérieur constituent des documents fondamentaux pour le rapport d’expert.

[21] Pour répondre à cette question, M. Attaran cite la décision Ladco Company Limited et al v. City of Winnipeg, 2019 MBQB 139 (« Ladco »), qui énonce au paragraphe 12 les principes de common law applicables. M. Attaran cite expressément le sous‑paragraphe 12g), où la cour renvoie à l’arrêt Moore :

[traduction]

g) ce que l’on appelle « l’information fondamentale » de l’opinion comprend les détails et les renseignements fournis à l’expert, les faits qui ont été présentés à l’expert et sur lesquels il fonde son opinion, les directives suivies par l’expert et les hypothèses sur lesquelles l’expert a dû s’appuyer ou qu’il a dû accepter pour formuler son opinion.

[22] Cependant, au sous-paragraphe 13d) de la décision Ladco, la cour arrive à la conclusion que l’aperçu préliminaire du rapport d’expert était assujetti au privilège relatif au litige parce qu’il [traduction] « ne cont[enait] ni les faits ni les directives ayant servi à la préparation du rapport d’expert ». De même, pour ordonner la production des communications échangées entre le professeur Haan et son étudiante, il me faudrait conclure que le professeur Haan a utilisé ces communications comme faits ou directives pour rédiger son rapport.

[23] Dans la note en bas de page 18 de sa requête, le plaignant reconnaît que, dans l’arrêt Moore, il est indiqué qu’en l’absence de conduite répréhensible, la renonciation implicite au privilège ne s’étend pas aux rapports préliminaires échangés entre l’expert et l’avocat. Il déclare ensuite qu’en l’espèce, il ne demande pas la divulgation des ébauches.

[24] Au paragraphe 71 de l’arrêt Moore, le juge Sharpe écrit ce qui suit :

[traduction]

Faire en sorte que les discussions préparatoires et les ébauches soient automatiquement divulguées serait, à mon avis, contraire à la doctrine existante et aurait pour effet de décourager toute forme de préparation minutieuse. Une telle règle pourrait dissuader les participants de mettre par écrit leurs opinions préliminaires ou provisoires, une étape nécessaire à l’élaboration d’une opinion fiable et approfondie. Exiger la production de toutes les ébauches, bonnes et mauvaises, dissuaderait les parties de retenir les services des experts pour qu’ils fournissent des opinions prudentes et impartiales et les encouragerait plutôt à produire des rapports partisans et déséquilibrés. Permettre aux parties d’examiner sans réserve les différences entre un rapport final et une ébauche précédente nuirait indûment à la préparation du dossier et risquerait de prolonger inutilement les procédures.

[25] Je suis d’avis que les communications échangées avec un étudiant de cycle supérieur au sujet de l’ébauche du rapport font partie des discussions préparatoires, comme le prévoit l’arrêt Moore, et ne devraient donc pas être divulguées.

[26] De plus, le Tribunal ne dispose d’aucune preuve lui permettant de croire qu’il y a eu une conduite répréhensible (voir Moore, au par. 77) En fait, il n’existe aucune preuve que l’étudiante de cycle supérieur a présenté au professeur Haan des faits ou des directives qui ont permis de fonder son opinion. Ce dernier affirme plutôt avoir fortement révisé les ébauches préparées par l’étudiante pour les mettre à sa main.

[27] Au paragraphe 20 de sa requête, M. Attaran qualifie les interactions entre le professeur Haan et son étudiante comme des échanges s’apparentant à de la [traduction] « recherche ou à de la documentation universitaire dont l’objet principal n’était pas leur utilisation dans un litige ». Il n’y a aucune trace de ces échanges, mais même s’il y en avait, la demande serait probablement rejetée vu l’absence de pertinence. Si le professeur Haan a communiqué avec son étudiante pour qu’elle l’aide à rédiger trois paragraphes de son rapport d’expert, il est clair que cela a été fait principalement pour les besoins du litige, ce qui constitue un motif suffisant pour les exclure (voir Blank, au par. 60)

[28] Fait peut-être plus important encore, dans l’arrêt Blank, la Cour suprême du Canada affirme clairement que « les parties au litige, représentées ou non, doivent avoir la possibilité de préparer leurs arguments en privé, sans ingérence de la partie adverse et sans crainte d’une communication prématurée » (au par 27).

[29] Au final, je ne peux pas conclure que les communications entre le professeur Haan et son étudiante de cycle supérieur, qui ne lui a apporté qu’une aide limitée dans la préparation de ce rapport, pourraient être considérées comme des documents fondamentaux. Toutes les communications en lien avec l’aide apportée par l’étudiante avaient pour objet principal la préparation du litige. Par conséquent, j’estime que les communications échangées entre le professeur Haan et son étudiante sont assujetties au privilège relatif au litige et qu’elles sont donc inadmissibles devant le Tribunal.

(ii) Documents invoqués par le professeur Haan et les documents qui lui ont été fournis par l’avocat de l’intimé

[30] Pendant le contre-interrogatoire du professeur Haan portant sur ses compétences à titre d’expert, M. Attaran lui a demandé quels documents l’avocat de l’intimé lui avait fournis pour la préparation de son rapport d’expert. Avant qu’il ne puisse répondre à la question, M. Stynes s’est opposé à la question en invoquant le privilège relatif au litige. J’ai d’abord accueilli l’objection et, après une autre discussion (pendant laquelle le témoin a été exclu), le plaignant a accepté de reporter cette question jusqu’à ce qu’il contre-interroge le professeur Haan sur le contenu de son rapport, qui est en cours.

[31] M. Attaran cite la décision Montreuil à l’appui de la proposition selon laquelle la partie qui contre-interroge le témoin expert « est en droit d’obtenir copie de tous les documents ayant servi à la rédaction de son rapport — les bases documentaires de son rapport » (au par. 41).

[32] Citant la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’arrêt Moore, M. Attaran soutient que le fait de citer l’expert à témoigner entraîne une « renonciation implicite » au privilège relatif au litige en ce qui concerne les faits sur lesquels repose l’opinion de l’expert. Cette renonciation implicite s’applique aux [traduction] « documents se rapportant à la formulation de l’opinion ».

[33] M. Attaran cherche à obtenir des documents utilisés dans le cadre de la recherche et de la préparation du rapport et des « documents » que M. Stynes, l’avocat de l’intimé, aurait fournis au professeur Haan. M. Stynes s’est opposé à la poursuite du contre‑interrogatoire au motif que les réponses seraient protégées par le privilège relatif au litige. M. Attaran soutient que l’objection était irrecevable. Il réclame la production de ces documents fondamentaux ou encore la présentation d’un index documentaire préparé par M. Stynes dans le but de répertorier les documents que l’intimé aurait fournis au professeur Haan afin qu’il prépare son rapport.

[34] L’intimé soutient que la demande est trop générale et que certains documents visés par la demande sont protégés par le privilège relatif au litige. Le rapport du professeur Haan comporte des références et des citations précises et expose ses opinions. L’intimé souligne que le plaignant a eu accès à l’ensemble des études, des rapports et des données présentés dans le rapport et qu’il a reçu le rapport écrit du professeur Haan plus d’un an avant qu’il ne soit présenté à l’audience. À tout moment durant cette période, il aurait pu présenter une demande s’il n’arrivait pas à les consulter.

[35] L’intimé fait valoir que si la demande vise des communications échangées entre l’avocat de l’intimé et leur expert, ces communications sont protégées par le secret professionnel.

[36] En ce qui concerne la question des documents que M. Stynes a fournis au professeur Haan afin qu’il prépare son rapport, il se peut que le désaccord soit d’ordre terminologique. La question posée lors du contre-interrogatoire, à laquelle M. Stynes s’est opposé, était la suivante :

[traduction]

« Quels documents M. Stynes vous a-t-il fournis pour la préparation de ce rapport? »

[37] Le terme « document » a un sens plutôt large et pourrait inclure certaines communications qui seraient — à juste titre — protégées par le privilège relatif au litige. Quand j’ai accueilli l’objection et demandé à M. Attaran s’il pouvait reformuler sa question, il a fait référence à la lettre de mission du professeur Haan dans laquelle l’avocat de l’intimé avait dressé une liste d’éléments à inclure dans un rapport d’expert, notamment [traduction] « les faits et les hypothèses » sur lesquels les opinions exprimées dans le rapport sont fondées. Selon M. Attaran, les documents que l’avocat de l’intimée a pu remettre au professeur Haan sont donc visés.

[38] Après la présentation de ses observations et des observations de la Commission, le plaignant a accepté de reporter la question jusqu’à la tenue du contre-interrogatoire sur le rapport d’expert. Au moment où l’avocat de l’intimé a soulevé l’objection, le professeur Haan était toujours contre-interrogé sur ses compétences.

[39] À la suite de cette question, le plaignant demande la [traduction] « divulgation de tous les documents que possède le professeur Haan et qui ont servi à la recherche et à la préparation de son rapport d’expert, y compris tous les documents fournis par l’avocat de l’intimé ».

[40] À la lecture des observations des deux parties, je ne vois pas de désaccord important. L’avocat de l’intimé ne s’oppose pas à la divulgation des études, rapports et données présentés dans le rapport et au contre-interrogatoire qui s’en suit. Dans la mesure où ces types de documents représentent une partie des faits et des hypothèses sur lesquels est fondé le rapport, ils constituent des documents fondamentaux.

[41] En revanche, les communications échangées entre l’avocat de l’intimé et l’expert, qui ne sont pas des documents fondamentaux, devraient être considérées comme étant protégées par le privilège relatif au litige.

[42] Le plaignant soutient que les documents fondamentaux qui se trouvent en la possession du professeur Haan sont importants dans l’appréciation de la crédibilité de ce dernier. Dans leur ouvrage intitulé « The Law of Evidence in Canada » (5e édition), les auteurs Sopinka, Lederman et Bryant ont écrit ce qui suit au paragraphe § 14 244 : [traduction] « En ce qui concerne la crédibilité de l’expert, il faut faire preuve de prudence avant qu’elle ne devienne un prétexte pour divulguer toutes les communications échangées entre l’avocat et l’expert ainsi que les ébauches de rapports. Il est certain que les communications confidentielles qui ne forment pas le fondement de l’opinion de l’expert ne font pas l’objet d’une renonciation. » Je suis du même avis et j’estime que la renonciation implicite doit être interprétée de manière restreinte afin de protéger les communications échangées entre l’avocat et un tiers.

[43] Par conséquent, j’ordonne à l’avocat de l’intimé de remettre, dans les sept jours suivant la présente décision sur requête, un index de tous les documents fournis au professeur Haan qui sont des documents fondamentaux du rapport ou qui contiennent des faits ou des hypothèses sur lesquels il a demandé au professeur Haan de fonder son opinion. Pour tous les documents qui ne sont pas à la disposition des autres parties, l’intimé doit aussi fournir des copies. Par souci de clarté, l’index ne doit pas inclure les rapports préliminaires ou les ébauches de travail, ni les notes ou les communications faites dans le cadre de la préparation du litige.

(iii) Mandat de représentation en justice conclu entre le professeur Haan et l’intimé

[44] M. Attaran réclame également la divulgation du mandat de représentation en justice du professeur Haan, dans lequel est indiquée la somme qui lui a été versée pour préparer son rapport. Il fait valoir que le privilège relatif au litige ne peut pas être invoqué pour [traduction] « soustraire à la divulgation certaines conditions (comme le salaire) en vertu desquelles une partie a retenu les services d’un témoin expert […] ».

[45] L’intimé soutient que le contrat du professeur Haan n’est pas pertinent pour les questions en litige et, plus particulièrement, les modalités de paiement et les exigences en matière de sécurité. L’intimé souligne la différence entre le mandat de représentation en justice et la lettre de mission, laquelle contient les directives suivies par l’expert. Il fait remarquer que la lettre de mission, datée du 20 décembre 2019, qu’il a conclue avec le professeur Haan a été divulguée et qu’elle énonçait les obligations d’un témoin expert, faisant ainsi référence aux Règles de procédure sous le régime de la LCDP (03-05-04) (les « anciennes règles »), au Code de déontologie régissant les témoins experts de la Cour fédérale et le délai de signification et de dépôt du rapport.

[46] Je n’ordonnerai pas la divulgation du mandat de représentation en justice ou du contrat que le professeur Haan a conclu avec l’intimé. Le document potentiellement pertinent, qui a été divulgué avec le rapport d’expert, était la lettre de mission datée du 20 décembre 2019. Le plaignant n’a invoqué aucun précédent ni aucun argument sérieux donnant à croire que le fait que le professeur Haan [traduction] « a été payé pour préparer son rapport » est pertinent dans le cadre de sa contestation de la crédibilité du professeur Haan ou de la fiabilité de son témoignage.

III. Documents se rapportant aux changements de politique d’IRCC annoncés en mars et en avril 2021 (1ère requête) et en juillet 2021 (2e requête)

[47] La deuxième partie de la première requête de M. Attaran vise la divulgation des documents se rapportant au changements de politique annoncés par l’intimé en mars et en avril 2021. Le plaignant a demandé la divulgation de ces documents dans des lettres adressées à l’avocat de l’intimé en date du 16 avril 2021 et du 29 avril 2021. Une deuxième requête en divulgation a été déposée et elle se rapporte au changement de politique annoncé par IRCC en juillet 2021 ce qui concerne la catégorie des PGP.

[48] Ces deux requêtes en divulgation peuvent être examinées ensemble et les deux décisions peuvent être fondées sur les mêmes motifs.

[49] Le changement de politique effectué en mars a été annoncé de manière générale à tous les demandeurs de la catégorie des PGP pour les informer que le traitement de leurs demandes d’immigration prendrait plus de temps qu’à l’habitude et qu’IRCC n’était pas en mesure de fournir des délais de traitement précis pour les demandes individuelles. M. Attaran a joint à sa requête un exemple de la lettre qu’IRCC a envoyée aux demandeurs pour les aviser du retard.

[50] En avril, le ministre intimé a annoncé un changement de politique sans précédent, à savoir une « voie novatrice vers la résidence permanente pour plus de 90 000 travailleurs essentiels et étudiants étrangers diplômés ». M. Attaran a joint à sa requête une copie du communiqué de presse d’IRCC daté du 5 mai 2021 qui donnait plus de détails sur la nouvelle « voie » vers la résidence permanente au Canada.

[51] En juillet, le ministre intimé a annoncé un changement de politique qui aurait pour effet de tripler le nombre de demandes de parents et de grands-parents qui seraient acceptées aux fins de traitement en 2021 afin d’accueillir 30 000 personnes. M. Attaran a joint à sa requête une copie du communiqué de presse d’IRCC daté du 20 juillet 2021 et un article du Toronto Star publié le même jour qui renfermait des précisions sur la hausse du nombre de demandes qui seraient acceptées dans le cadre du Programme des PGP et sur la nouvelle plateforme numérique prévue à cet effet.

[52] M. Attaran a réclamé la production de tout document expliquant comment l’intimé a usé de son pouvoir discrétionnaire pour apporter ces changements. En ce qui concerne les délais de traitement révisés pour les demandeurs de la catégorie des PGP, la nouvelle voie vers 90 000 nouveaux visas et les 30 000 autres demandes qui allaient être acceptées au titre de la catégorie des PGP en 2021, M. Attaran affirme que la divulgation de ces documents est potentiellement pertinente puisqu’ils font état de changements importants au Plan des niveaux de 2021. La question de savoir dans quelle mesure IRCC et le ministre ont le pouvoir discrétionnaire de s’écarter du Plan des niveaux est pertinente pour plusieurs des questions soulevées par M. Attaran : est-ce que l’immigration est un « service », est-ce que le Plan des niveaux est strictement contraignant et, à l’avenir, quelles seront les conditions particulières d’une mesure de réparation systémique accordée par suite de discrimination.

[53] L’intimé rejette la demande de divulgation de ces documents. Tout d’abord, en ce qui concerne les annonces faites en mars et en avril 2021, il soutient que les changements de politique s’inscrivaient dans la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19. Quant à une plainte déposée en 2009, il affirme que tout ce qui a trait à la réponse à la pandémie ne peut être intégré à la plainte ou aux affaires portées devant le Tribunal pour instruction.

[54] En outre, l’intimé soutient que ces demandes sont présentées à une étape très avancée de l’instance et qu’il subirait un préjudice si la divulgation était ordonnée. Le plaignant et la Commission ont déjà terminé de présenter leur preuve tandis que lui est à mi-chemin dans la présentation de la sienne.

[55] D’ailleurs, l’intimé remet en question la pertinence des documents. À son avis, le Tribunal a été appelé à déterminer si le plaignant avait été victime de discrimination vu le temps qu’il a fallu pour traiter la demande qu’il a présentée il y a plus de dix ans en vue de parrainer ses parents. Cette audience, soutient-il, ne se veut pas une commission d’enquête sur la façon dont le gouvernement gouverne.

[56] Enfin, il soutient qu’il n’y a rien devant le Tribunal qui puisse justifier la production des documents demandés.

[57] Dans ses premières observations déposées en réplique, M. Attaran a souligné que, le 12 avril 2021, l’avocat de l’intimé lui avait envoyé du courrier, dont certains des documents demandés dans la présente requête en divulgation. M. Attaran soutient que, ce faisant, l’intimé a reconnu la pertinence potentielle et le caractère opportun de ses documents ainsi que l’absence de préjudice. Il ajoute donc que l’intimé ne peut plus se rétracter.

[58] Dans les observations qu’elle a présentées dans le cadre de la deuxième requête, la Commission soutient que les documents demandés sont potentiellement pertinents. Cependant, elle fait valoir qu’il n’est pas nécessaire de divulguer tous les documents demandés et suggère plutôt d’admettre uniquement le communiqué de presse, l’article tiré du Toronto Star et une ventilation détaillée des plans des niveaux de 2021 montrant le nombre de demandeurs de la catégorie des PGP que le gouvernement s’est engagé à accepter en 2021.

[59] J’ai permis à l’intimé de répondre aux observations de la Commission et il a souligné qu’il avait essayé de faire admettre en preuve la ventilation du Plan des niveaux de 2021 au 9e jour de la présente audience, soit le 12 février 2021. À ce moment, M. Attaran s’est opposé à l’admission de nouveaux éléments de preuve après le début de l’audience. Ce dernier avait alors fait valoir qu’il était préférable que le dossier documentaire soit définitif et qu’il ne fallait donc pas admettre de nouveaux documents qui l’obligeraient à revoir son argumentation. J’ai accueilli son objection.

IV. Décision sur requête du Tribunal en ce qui concerne les documents relatifs aux changements de politique d’IRCC annoncés en mars et en avril 2021 (1ère requête) et en juillet 2021 (2e requête)

[60] Selon les Règles du Tribunal, les parties sont tenues de communiquer les documents potentiellement pertinents de façon continue (voir le par. 6(5) des anciennes Règles ou les par. 24(1) et (2) des Règles de pratique du Tribunal canadien des droits de la personne, 2021, DORS/2021-137). Cette obligation continue ne s’éteint pas quand l’audience commence. Dans des cas comme celui-ci, où l’audience a commencé il y a plus de six mois, il ne serait pas étonnant que de nouveaux éléments soient mis au jour au cours de l’instruction. Le Tribunal doit donc d’abord déterminer si les documents demandés sont potentiellement pertinents.

[61] L’intimé soutient que le Tribunal n’est saisi d’aucun fait justifiant la production des documents demandés. Je ne partage pas cet avis. Premièrement, dans son exposé des précisions, l’intimé fait valoir que le Plan des niveaux envoyé au Parlement chaque année restreint la marge de manœuvre. Le paragraphe 39 de l’exposé des précisions est, en partie, ainsi formulé :

[traduction]

L’intimé ne pouvait pas approuver un nombre beaucoup plus élevé de demandes de résidence permanente de parents et de grands-parents pour résoudre le problème. Le Plan des niveaux ne lui donnait pas le pouvoir de le faire.

[62] Le témoin de l’intimé, M. Bornais, a aussi confirmé cette affirmation. Pendant le contre-interrogatoire mené par le plaignant le 12 février 2021, les propos suivants ont été échangés :

[traduction]

Q. Le Plan des niveaux que le Cabinet a remis au Parlement en 2012 et en 2013, contrairement aux années précédentes, propose une fourchette qui regroupe les immigrants économiques, les immigrants parrainés par la famille et les réfugiés. Y a-t-il maintenant une certaine latitude à l’intérieur de cette fourchette pour ces différentes catégories d’immigrants, comme le prévoit le Plan des niveaux préparé par le Cabinet?

(Objection de l’avocat de l’intimé. Rejetée par le membre. Il est demandé de clarifier la question.)

Question reformulée par le membre : Le ministère a-t-il la latitude nécessaire pour décider de la combinaison des catégories à l’intérieur de cette fourchette?

R. Est-ce que c’est ça la question? La réponse est non.

(Attaran c. IRCC, enregistrement audio, 21 février 2021 @ 3:28:21)

[63] Bien qu’il y ait eu d’autres bribes de témoignages allant dans le même sens, ce qui précède me permet de conclure que certains documents demandés dans les présentes requêtes, du fait qu’ils se rapportent à l’actuel Plan des niveaux qui a été transmis au Parlement conformément à l’article 94 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, ch. 27 (« LIPR »), sont suffisamment liés. Par conséquent, à la lumière de l’exposé des précisions de l’intimé, j’estime que ces documents sont potentiellement pertinents.

[64] L’intimé soutient également que la requête de M. Attaran repose sur l’hypothèse selon laquelle les documents peuvent être pertinents. Il souligne que des éléments de preuve accumulés pendant plus d’une décennie ont déjà été admis en preuve, de sorte qu’il a déjà eu l’occasion de tester sa théorie de l’affaire. Il convient de noter que dans la première requête, il a été avancé que la lettre envoyée aux demandeurs de la catégorie des PGP à propos des délais de traitement signifiait que la situation allait empirer :

[traduction]

Il est évident que le fait que l’on retarde les demandes reçues au titre de la catégorie des PGP, alors que l’on fait avancer les autres demandes à toute vitesse, est pertinent pour ce qui est de l’allégation du demandeur selon laquelle il y aurait eu traitement arbitraire, défavorable et préjudiciable dans le délai de traitement des demandes de PGP.

[65] Cependant, la deuxième requête se rapporte à une annonce faite par IRCC qui laisse entendre le contraire. Le nombre de demandes de PGP acceptées en 2021 triplera, ce qui aura vraisemblablement pour effet d’accélérer le processus pour bon nombre de ceux qui souhaitent parrainer des parents et des grands-parents. Bien que l’argument selon lequel ces requêtes équivalent à une partie de pêche ne soit pas dénué de fondement, je n’en conclus pas moins qu’elles sont potentiellement pertinentes.

[66] L’intimé craint également de subir un préjudice important si ces documents sont divulgués en cours d’audience. Il soutient que ces changements de politique ont été apportés pour appuyer la réponse à la pandémie de COVID-19 et qu’ils doivent donc être examinés dans le contexte approprié, ce qui pourrait nécessiter la présentation d’autres éléments de preuve ou d’un témoin supplémentaire. Il affirme également que l’audience, qui doit reprendre dans moins d’un mois, pourrait être compromise si une nouvelle divulgation est ordonnée à ce moment-ci.

V. Conclusion

[67] Même si j’estime que certains des documents demandés sont potentiellement pertinents, je ne vais pas ordonner une divulgation supplémentaire pour le moment.

[68] Le Tribunal est tenu, en vertu du paragraphe 50(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (« LCDP »), de donner au plaignant la possibilité pleine et entière de présenter des éléments de preuve et des observations. Toutefois, cette obligation doit également être soupesée au vu du paragraphe 48.9(1) de la LCDP qui ordonne au Tribunal d’instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique.

[69] Dans une décision sur requête provisoire rendue le 26 mars 2021, j’ai ordonné à l’intimé de divulguer les documents visés par la requête en divulgation du plaignant datée du 5 mars 2021 même si, selon lui, la majorité de ces documents étaient protégés par le privilège du Cabinet. Or, par souci d’équité envers le plaignant, j’ai enjoint à l’intimé d’obtenir l’attestation du greffier du Conseil privé sous le régime de l’article 39 de la Loi sur la preuve au Canada, L.R.C. 1985, ch. C-5, s’il avait l’intention d’invoquer ce privilège. Cet exercice a duré près de quatre mois et le greffier a finalement délivré l’attestation de confidentialité, empêchant ainsi la divulgation de tous les documents protégés par le privilège.

[70] Dans la décision Brickner c. GRC 2017 TCDP 28 (« Brickner »), le Tribunal s’est penché sur la question de savoir si certaines demandes de divulgation, même si les documents demandés sont potentiellement pertinents, devraient néanmoins être rejetées compte tenu des répercussions sur les parties et sur le processus du Tribunal. Le TCDP est un tribunal administratif, et non une cour de justice. Les tribunaux administratifs, comme le TCDP, ont été créés par le Parlement pour traiter les différends plus rapidement et de façon plus informelle que les cours de justice (voir le par. 48.9(1) de la LCDP). Malheureusement, certaines affaires, comme celle-ci, traînent devant le Tribunal pendant des années. Conformément à l’esprit du paragraphe 50(1) de la LCDP, les parties se voient habituellement accorder une grande latitude pour faire valoir leurs arguments comme elles le souhaitent.

[71] Dans la requête en divulgation précédente du plaignant, le processus d’audience a été interrompu et l’intimé a eu la possibilité de demander au greffier du Conseil privé d’attester que les documents étaient protégés par le privilège du Cabinet. Comme je l’ai déjà mentionné, cette attestation a été délivrée quatre mois plus tard, entraînant ainsi une perte de temps et de ressources sans rien apporter au processus du Tribunal. Je souhaite éviter tout délai supplémentaire qui ne servirait que peu, voire pas du tout, à l’instruction menée par le Tribunal.

[72] J’ai fait une analyse coûts-avantages semblable au paragraphe 36 de la décision Brickner :

[36] De façon générale, toute documentation demandée doit avoir une pertinence probable, et doit donc avoir un certain lien avec les allégations formulées par une partie au litige. Il appert que cette demande se rapporte aux allégations que la cap. Brickner a formulées aux paragraphes 62 à 73 de son exposé des précisions, où elle affirme qu’entre juin 2012 et décembre 2014, il y a eu 11 postes vacants dont elle n’a pas été informée ou pour lesquels elle n’a pas été sélectionnée. Cette demande vise à mettre au jour d’autres postes disponibles au cours de cette période et dont la cap. Brickner n’a pas été informée ou pour lesquels sa candidature n’a pas été prise en considération. Je ne suis pas convaincu que cette documentation supplémentaire renforcera de façon appréciable la preuve de la cap. Brickner. Le Tribunal estime que le fait d’accueillir cette demande pourrait retarder indûment l’instruction de la plainte sans apporter d’éléments ayant une grande valeur probante puisque la plaignante semble déjà avoir en sa possession des éléments de preuve susceptibles d’appuyer son allégation selon laquelle sa candidature n’a pas été prise en considération pour plusieurs emplois dans la Division M. Le Tribunal en profiter pour rappeler aux parties que la plaignante doit seulement établir qu’elle a été écartée d’un poste pour un motif de distinction illicite pour que le Tribunal conclue à la discrimination. (Non souligné dans l’original.)

[73] En l’espèce, les éléments de preuve visés par la requête semblent potentiellement pertinents. Cependant, il faut aussi tenir compte du contexte de l’instruction de l’affaire, qui est déjà exceptionnellement longue. Plus de 140 pièces documentaires ont été produites en preuve jusqu’à maintenant, y compris des éléments de preuve similaires aux documents maintenant demandés du fait qu’ils se rapportent aux plans des niveaux. En fait, le Tribunal a déjà reçu en preuve des documents divulguant les plans des niveaux pour les années 2008 à 2019 ainsi que plusieurs instructions ministérielles relatives à la hausse du nombre d’admissions de PGP en milieu d’année. Comme il est précisé dans les observations présentées en réplique par M. Attaran, le Plan des niveaux de 2021 pour les PGP (pièce 103) et le mémoire au ministre concernant le nombre de demandes de PGP en 2021 (pièce 88) se trouvent également dans le dossier.

[74] Les deux requêtes en divulgation visent la production d’éléments de preuve alors qu’il y a un nombre important de documents au dossier qui traitent des questions fondamentales, notamment celle de savoir si l’intimé fournit un « service » au sens de l’article 5 de la LCDP. Bien que les nouveaux documents demandés pour l’année 2021 soient potentiellement pertinents, je ne suis pas convaincu qu’ils renforceront de façon appréciable la preuve existante. La plainte de M. Attaran se rapporte à des événements survenus entre 2009 et 2012. J’estime qu’il est inutile d’obtenir et d’admettre en preuve ces documents pour pouvoir statuer sur les questions soulevées par la plainte. Le préjudice causé au processus du Tribunal l’emporte sur la pertinence et l’utilité potentielles des documents demandés.

[75] Enfin, je souscris aux arguments présentés le 12 février 2021, quand le plaignant s’est opposé à l’introduction de nouveaux éléments de preuve relatifs aux plans des niveaux. Il faut clore le dossier : on ne peut pas le rouvrir indéfiniment dès lors que de nouvelles politiques sont annoncées, même une décennie ou plus après la conduite contestée.

[76] Pour tous les motifs qui précèdent, j’ai conclu que les requêtes en divulgation devraient être rejetées.

[77] Conformément au paragraphe 43 ci-dessus, l’avocat de l’intimé remettra, dans les sept jours de la présente décision sur requête, un index de tous les documents fournis au professeur Haan qui sont des documents fondamentaux du rapport ou qui constituent des faits ou des hypothèses sur lesquels l’intimé a demandé au professeur Haan de fonder son opinion.

Signée par

David L. Thomas

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 24 août 2021

 

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2163/3716

Intitulé de la cause : Amir Attaran c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 24 août 2021

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par :

Amir Attaran , pour lui même

Caroline Carrasco , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sean Stynes , pour l'intimé

 

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