Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2021 TCDP 28

Date : le 23 août 2021

Numéros du dossier : T2482/3920

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Simon Banda

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service correctionnel du Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Jennifer Khurana

 


CONTEXTE

[1] M. Banda s’identifie comme étant de race noire et d’origine zambienne. Il a suivi le Programme de formation correctionnelle (le « programme ») administré par l’intimé, le Service correctionnel du Canada (le « SCC »), dans le but de devenir agent correctionnel au sein du SCC. M. Banda a été libéré du programme peu de temps avant de l’avoir terminé. Il allègue que les agents de formation du personnel et d’autres employés du SCC l’ont ciblé et l’ont traité plus sévèrement que les recrues blanches du programme, au moins en partie en raison de sa race, de sa couleur ou de son origine nationale ou ethnique. Le SCC nie cette allégation de discrimination et affirme que M. Banda a été libéré du programme parce qu’il a échoué aux tests requis.

[2] La présente décision sur requête porte sur la demande de M. Banda visant à modifier son exposé des précisions, afin d’y ajouter l’allégation selon laquelle il a subi un traitement défavorable par rapport aux autres recrues qui n’étaient pas de race noire et n’avaient pas la même origine nationale ou ethnique que lui. M. Banda soutient que les modifications qu’il propose sont liées en fait et en droit à sa plainte initiale et sont également pertinentes eu égard à toute demande de réparation qu’il pourrait formuler.

[3] La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») consent à la demande de M. Banda. Le SCC s’y oppose.

[4] Pour les motifs exposés ci‑après, la demande de modification de l’exposé des précisions de M. Banda est accueillie.

QUESTION EN LITIGE

1. Le Tribunal devrait‑il accueillir la demande de M. Banda et lui permettre de modifier son exposé des précisions afin d’y ajouter l’allégation selon laquelle il a subi un traitement défavorable dans la manière dont sa performance a été évaluée?

MOTIFS

[5] Oui. La modification proposée et les allégations sont pertinentes quant aux questions en litige et sont étroitement liées à la plainte initiale de M. Banda. M. Banda a tardé à présenter sa demande, ce qui a fait perdre du temps et des ressources aux parties. Cependant, je suis d’avis que le Tribunal peut tenir compte des préoccupations du SCC en ce qui concerne sa capacité à se préparer à l’audience et le moment où la présente demande a été déposée.

[6] Le Tribunal doit donner aux parties la possibilité pleine et entière de présenter des éléments de preuve et des arguments juridiques sur les questions soulevées dans la plainte (Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6, (la « Loi »), au par. 50(1), et article 1 des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03‑05‑04) (les « Règles »)).

[7] Le Tribunal a le pouvoir d’autoriser des modifications aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu que la modification soit liée à la plainte initiale et qu’elle ne cause pas de préjudice à l’autre partie (Tabor c. La Première nation Millbrook, 2013 TCDP 9, aux par. 4‑6).

[8] M. Banda aimerait modifier son exposé des précisions afin d’y ajouter des allégations concernant des faits dont il n’aurait pris connaissance qu’après avoir reçu les documents du SCC dans le cadre de la divulgation de la preuve. Selon M. Banda, le SCC a divulgué des formulaires d’évaluation sommaire des candidats qui montrent que l’organisation n’avait pas consigné les échecs des recrues blanches aux tests initiaux de maniement des armes à feu. Or, lorsque M. Banda a échoué à ces tests, ses résultats ont été consignés dans ses formulaires d’évaluation. M. Banda affirme également avoir été exagérément examiné par le SCC, qui a pris plus de notes et inscrit plus de renseignements détaillés à son sujet que pour les autres recrues. Il soutient que le formulaire d’évaluation de sa performance contient 17 entrées, alors que les formulaires des recrues blanches comprennent généralement entre 4 et 9 notes.

[9] Le SCC s’ oppose à la demande de M. Banda. Il prétend qu’il subirait un préjudice si M. Banda était autorisé à apporter cette modification tardive, car l’audience doit commencer dans un mois. M. Banda a proposé cette modification pour la première fois durant une conférence téléphonique préparatoire qui a eu lieu près de six mois après la divulgation des formulaires d’évaluation sommaire et d’évaluation de la performance des candidats par le SCC, le 16 décembre 2020.

[10] M. Banda a déposé de longues observations en réplique. Le SCC s’y est opposé, en précisant que ces observations n’étaient pas adéquates, car M. Banda y soulevait de nouveaux arguments qu’il aurait dû présenter dans sa requête. Pour cette raison, le SCC demande au Tribunal de faire abstraction des 33 paragraphes des observations en réplique, à l’exception de trois d’entre eux. Il ne demande pas au Tribunal de lui donner la possibilité de déposer sa propre réplique aux observations, car cela ne ferait que retarder la décision sur la demande de modification. M. Banda soutient pour sa part que ses observations en réplique répondent à l’argument général soulevé par le SCC selon lequel les parties doivent pouvoir présenter entièrement et équitablement leur position.

[11] Les observations en réplique se répètent en grande partie et ne s’appliquent pas à la seule question qui fait l’objet de la présente requête, à savoir si la modification doit être autorisée. Elles sont à tout le moins vagues. J’autorise la modification, mais je suis toutefois d’avis que les paragraphes contestés par le SCC ne sont pas déterminants en ce qui concerne ma décision sur la requête.

[12] J’estime que le fait d’autoriser cette modification aide le Tribunal à s’acquitter de sa tâche de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties. La principale allégation de M. Banda est qu’il a été traité plus sévèrement et exagérément examiné en comparaison des recrues blanches. Cette modification s’inscrit dans la portée de l’allégation de M. Banda quant à la manière dont sa performance a été évaluée par rapport à celle des recrues blanches et n’allonge pas considérablement son exposé des précisions.

[13] Je ne crois pas non plus que le SCC subira un préjudice qui ne peut être évité si l’on répond à ses préoccupations quant à la date de l’audience et à sa préparation en vue de celle-ci.

[14] Il n’apparaît pas clairement que le SCC devra modifier sa liste des témoins par suite de l’ajout de cette allégation. Il est difficile de savoir quels autres documents potentiellement pertinents quant aux questions de performance visées par la présente plainte devront être produits, s’ils ne l’ont pas déjà été.

[15] Je ne suis pas non plus convaincue que le SCC ne connaît pas les arguments contre lesquels il doit se défendre. La modification proposée par M. Banda est énoncée dans ses documents de requête, et le Tribunal lui enjoint de produire rapidement son exposé des précisions modifié, comme il est précisé ci‑dessous. Il ne devrait pas y avoir de surprises.

[16] Enfin, le SCC invoque la décision sur requête que j’ai rendue à l’égard de la première demande de modification de M. Banda, et dans laquelle je déclarais que « [l]e plaignant ne peut pas modifier son exposé des précisions pour y inclure quoi que ce soit d’autre que [l’]allégation précise » concernant la demande de congé de maladie (Simon Banda c. Service correctionnel du Canada, 2021 TCDP 19, au par. 32). Le SCC affirme que cette ordonnance porte un coup fatal à la présente requête de M. Banda. Toutefois, je n’ai pas dit que M. Banda ne pourrait jamais présenter une autre demande de modification. Au contraire, si l’on interprète cette phrase dans le contexte de l’ensemble de la décision sur requête, il est évident que mon but était d’ordonner à M. Banda de modifier son exposé des précisions en y ajoutant seulement l’allégation précise autorisée. Autrement dit, en autorisant la modification, je ne donnais pas carte blanche à M. Banda pour qu’il modifie son exposé des précisions afin d’y inclure quoi que ce soit d’autre que l’allégation précise concernant la demande de congé de maladie.

[17] M. Banda n’a pas expliqué pourquoi il a tardé à déposer la présente requête. La seule raison fournie est qu’il [traduction] « a fallu du temps au plaignant et à son avocate » pour examiner les documents divulgués par le SCC. Pourtant, M. Banda est représenté par une avocate, et il ne s’agit pas de sa première requête pour modifier son exposé des précisions. M. Banda n’a pas expliqué non plus pourquoi il n’avait pas proposé cette modification au moment du dépôt de sa première requête en modification ou dans les plus brefs délais possibles après celle‑ci, comme l’exigent les Règles (al. 3(1)a) des Règles).

[18] En raison de ce défaut, les parties doivent prendre connaissance d’une deuxième série de documents de requête, je dois rendre une autre décision sur requête et, étant donné que j’autorise la modification, les parties devront produire un deuxième exposé des précisions modifié, ce qui entraînera des retards et fera perdre temps et ressources à toutes les parties.

[19] Cependant, même si le plaignant a tardé à déposer la présente requête, je ne suis pas convaincue que l’autorisation de cette modification aura des répercussions importantes sur les dates d’audience. Je ne suis pas non plus convaincue que la modification prolongera indûment le processus d’audience ou la préparation des parties. Les parties n’ont pas encore déposé les pièces qu’elles envisagent de déposer ni les déclarations détaillées de leurs témoins. C’est au moment de la conférence téléphonique préparatoire, après que j’aurai entendu les parties et me serai assurée qu’elles disposent de suffisamment de temps pour accomplir les formalités nécessaires dans le cadre du processus, compte tenu de la modification de l’exposé des précisions, que j’accorderai une brève prorogation et reporterai la date limite actuellement fixée au 27 août 2021. Cependant, les parties devraient être prêtes à produire leurs documents rapidement après notre conférence téléphonique. Comme les seules nouveautés pour les parties sont les pièces envisagées et les passages des déclarations des témoins relatifs à cette modification, elles devraient déjà avoir commencé à préparer les documents qu’elles entendent présenter.

[20] M. Banda ne devrait toutefois pas interpréter la discussion qui se tiendra lors de la conférence téléphonique préparatoire comme une invitation ou une autorisation à demander l’ajournement de l’audience, parce qu’il a lui‑même tardé à examiner les documents divulgués par le SCC. Les parties doivent être prêtes lorsqu’arrivera la date de l’audience.

[21] J’ai fixé ci-dessous les délais pour le dépôt de l’exposé des précisions modifié de M. Banda, de toute modification des exposés des précisions du SCC et de la Commission et des répliques éventuelles.

[22] Le Tribunal s’attend également à ce que l’avocate du plaignant dépose un exposé des précisions modifié qui se limite aux allégations précises concernant les formulaires d’évaluation dont il est question dans la requête, et qui les énonce de manière concise. La longueur des allégations n’est pas un avantage.

ORDONNANCE

[23] La demande présentée par M. Banda en vue de modifier son exposé des précisions pour y inclure l’allégation concernant ses formulaires d’évaluation sommaire et d’évaluation de la performance est accueillie. L’exposé des précisions modifié de M. Banda doit être fourni dans les deux jours civils suivant la date de la présente décision sur requête.

[24] Si l’intimé souhaite déposer un exposé des précisions modifié en réponse à cet exposé des précisions de M. Banda, il peut le faire au plus tard dans les sept jours civils suivant la date de réception de l’exposé des précisions modifié de M. Banda. Les répliques modifiées de M. Banda et de la Commission, le cas échéant, doivent être déposées dans les deux jours civils suivant la date de réception de l’exposé des précisions modifié de l’intimé.

[25] Le greffe du Tribunal communiquera sans délai avec les parties pour fixer la date d’une conférence téléphonique préparatoire à l’audience concernant la plainte.

[26] La date limite du 27 août 2021 pour le dépôt des déclarations des témoins et des pièces qu’on envisage de déposer sera reportée à une nouvelle date qui sera fixée lors de la conférence téléphonique préparatoire. Le Tribunal fournira également de plus amples instructions aux parties en ce qui a trait au déroulement de l’audience par vidéoconférence.

Signée par

Jennifer Khurana

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 23 août 2021

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2482/3920

Intitulé de la cause : Simon Banda c. Service correctionnel du Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 23 août 2021

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Représentations écrites par :

Jacqueline G. Collins , pour le plaignant

Ikram Warsame , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Barry Benkendorf et Sydney Pilek , pour l'intimé

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