Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2021 TCDP 32

Date : le 30 août 2021

Numéro du dossier : T2463/2020

 

Entre :

Angelle Levasseur

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Société canadienne des postes

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Gabriel Gaudreault

 



I. Contexte de la demande

[1] La présente décision du Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») dispose de la requête en radiation déposée par la Société canadienne des postes (la « Société » ou l’« intimée ») le 7 mai 2021.

[2] La Société demande au Tribunal de radier certaines allégations formulées dans l’exposé des précisions (« EDP ») amendé et la réplique d’Angelle Levasseur (la « plaignante » ou « Mme Levasseur »), ainsi que certaines allégations formulées dans l’EDP de la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »), comme suit :

· La dernière phrase du paragraphe 7 et les paragraphes 23, 31, 40, 41 ainsi que la deuxième phrase du paragraphe 42 de l’EDP amendé de la plaignante;

· Certaines portions des paragraphes 11, 24 et 26 de la réplique de la plaignante;

· Les paragraphes 29 et 30 de l’EDP de la Commission.

[3] Dans sa réplique, la Société dit également demander la radiation du paragraphe 39 de l’EDP amendé de la plaignante.

[4] La Société argue principalement que ces allégations vont au-delà de l’étendue de la plainte dont le Tribunal est saisi.

[5] Mme Levasseur et la Commission s’opposent à la requête de l’intimée et demandent au Tribunal de maintenir ces allégations dans la procédure, soutenant qu’elles sont incluses dans la portée de la plainte devant le Tribunal.

[6] Pour les motifs qui suivent, le Tribunal accorde en partie la requête de l’intimée, soit en ce qui concerne les arguments fondés sur l’article 5 et l’alinéa 14(1) c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « LCDP »). Le reste de la requête est rejetée.

II. Fondements juridiques

[7] Les fondements juridiques en matière de requête en radiation sont inévitablement les mêmes que les principes directeurs élaborés par le Tribunal pour déterminer l’étendue d’une plainte. Ce lien est naturel dans la mesure où une partie peut demander la radiation d’allégations entre autres lorsqu’elle estime que les allégations ne tombent pas dans la portée de la plainte ayant été transmise au Tribunal.

[8] À ce sujet, je reprends essentiellement les commentaires de mon collègue, le membre Edward P. Lustig, dans AA c. Forces armées canadiennes, 2019 TCDP 33 (CanLII), au paragraphe 55 [AA].

[9] Les principes guidant le Tribunal en la matière sont de jurisprudence constante (voir par exemple AA, aux paragraphes 56 à 59; Karas c. Société canadienne du sang et Santé Canada, 2021 TCDP 2, aux paragraphes 9 à 31 [Karas]; Casler c. La Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2017 TCDP 6, aux paragraphes 7 à 11 [Casler], Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 1, aux paragraphes 9 à 13 [Gaucher]).

[10] C’est la LCDP qui prévoit les mécanismes permettant aux justiciables de déposer une plainte relative à des actes discriminatoires relevant du champ de compétence du Parlement fédéral. La Commission a, entre autres choses, mandat de recevoir ces plaintes et d’enquêter (paragraphes 40(1) et 43(1) de la LCDP), rôle différent de celui du Tribunal qui lui, a pour mandat d’instruire les plaintes qu’il reçoit (paragraphes 44(3), 49(1) et 50(1) de la LCDP).

[11] Le processus s’enclenche par le dépôt d’une plainte formelle auprès de la Commission au moyen d’un formulaire désigné. Le plaignant y décrit les événements qui, selon lui, ont mené aux actes discriminatoires allégués. Il donne ainsi un résumé, en date du dépôt de sa plainte, de sa version des faits l’amenant à croire qu’il est, ou a été, victime de discrimination. Cette discrimination pourrait, par ailleurs, être en cours ou persistante, selon les circonstances décrites.

[12] Après enquête, la Commission décide si les circonstances justifient que la plainte soit référée au Tribunal (paragraphe 49(1) de la LCDP), et le cas échéant, transmet une lettre au président du Tribunal à cet effet. Les parties reçoivent aussi une lettre, qui est distincte, confirmant le renvoi de la plainte pour son instruction. Si la Commission n’exprime aucune limitation ou exclusion dans sa lettre au président du Tribunal, et à moins d’indication contraire, le Tribunal suppose que la plainte a alors été référée dans son entièreté.

[13] Il est aussi reconnu que la lettre de la Commission n’est pas l’unique outil permettant au Tribunal d’établir la portée d’une plainte. C’est l’exposé des précisions (« EDP ») des parties, qui est déposé au tout début de la procédure du Tribunal, qui est le véhicule procédural constitutif de la base du recours. L’EDP énonce les conditions de l’instruction; autrement dit, il expose ce sur quoi porte l’instruction de la plainte. L’EDP clarifie, raffine et détaille les allégations de discrimination et il est inévitable que de nouveaux faits ou de nouvelles circonstances soient révélés après le dépôt de la plainte initiale. Les plaintes sont alors susceptibles d’être précisées.

[14] Si l’EDP est le véhicule procédural utilisé dans l’instruction du Tribunal, la plainte d’origine déposée au stade de la Commission, les autres formulaires tels que le résumé de la plainte ou les autres documents administratifs ne constituent pas en eux-mêmes des actes de procédure lors de l’instruction.

[15] Il ne s’ensuit pas que l’EDP peut inclure des éléments qui n’ont aucun lien logique avec la plainte déposée par le plaignant. De fait, l’EDP doit raisonnablement respecter, dans sa substance même, les fondements factuels et les allégations prévues à la plainte initiale du plaignant. Et lorsque le Tribunal reçoit une requête visant à modifier, amender ou bonifier l’étendue d’une plainte, ou comme dans le cas actuel, une requête visant à la circonscrire ou en radier certains éléments, il doit alors utiliser les outils, le matériel mis à sa disposition afin de trancher la question.

[16] Or, pour trancher la question, le Tribunal doit nécessairement déterminer la teneur, la portée de la plainte dont il est saisi. Il doit alors examiner le matériel et les observations reçus, définir la portée de la plainte et conclure s’il existe une connexion, un lien suffisant entre les allégations contenues dans l’EDP et la plainte initialement déposée devant la Commission. Une plainte ne devrait pas être indûment restreinte en faisant primer la forme sur le fond, limitant ainsi l’examen, par le Tribunal, des questions réelles et essentielles en litige, mais il doit y exister un fondement factuel établissant un lien raisonnable avec le contenu de l’EDP. S’il y a absence de lien suffisant (ou raisonnable) avec la plainte initiale, les allégations constituent une toute nouvelle plainte.

[17] Afin de définir la portée de la plainte et selon le matériel mis à sa disposition, le Tribunal peut consulter notamment le rapport d’enquête de la Commission et les lettres envoyées par celle-ci au président et aux parties, la plainte initiale et les formulaires administratifs. Autrement dit, « […] le Tribunal peut prendre en considération les documents et informations qui sont mis à sa disposition afin d’avoir une compréhension d’ensemble de la plainte, de son historique et de son contexte général. Cela lui permet de déterminer quelle est l’étendue de la plainte dont il est saisi » (Karas, au paragraphe 30).

[18] C’est en gardant à l’esprit ces principes que le Tribunal analysera la requête en radiation de l’intimée.

III. Question en litige

[19] La question en litige est simple :

Est-ce que le Tribunal doit accorder la requête en radiation de l’intimée?

[20] Pour répondre à cette question, le Tribunal doit déterminer, entre autres, s’il existe un lien, une connexion suffisante entre les allégations identifiées par la Société et visées par la requête en radiation, d’une part, et la plainte de Mme Levasseur, d’autre part.

IV. Analyse

[21] À des fins de concision et afin de s’assurer qu’il instruise la plainte de la manière la plus expéditive possible (paragraphe 48.9(1) de la LCDP), le Tribunal se concentrera uniquement sur les éléments qu’il juge essentiels, nécessaires et pertinents pour rendre la présente décision (Turner c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 159, au paragraphe 40; Constantinescu c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 3, au paragraphe 54; Karas, au paragraphe 32).

[22] La plaignante, dans sa réponse à la requête, a déployé beaucoup d’efforts afin de rectifier certains faits allégués par l’intimée. Le Tribunal rappelle que l’objectif n’est pas, dans le cadre de la présente requête, de tirer quelque conclusion de fait ou de faire quelque inférence que ce soit quant à la plainte. Le Tribunal ne se penchera pas sur le bien-fondé des allégations (Karas, au paragraphe 147; Constantinescu c. Service correctionnel Canada, 2020 TCDP 4, au paragraphe 204). Ce sera à l’audience que le Tribunal pourra, suivant la preuve présentée, tirer des conclusions de fait et faire des inférences dans ce dossier. Il sera alors loisible à la plaignante de présenter sa preuve et ses observations à ce sujet, en temps opportun.

A. Allégations postérieures à septembre 2016

[23] Pour les fins de la présente décision, il suffit de mentionner que Mme Levasseur a commencé à travailler pour la Société en 2005. Durant sa carrière auprès de la Société, elle s’est absentée du milieu de travail à différentes reprises en raison de problèmes de santé liés à une blessure au dos qu’elle a subie en 2003.

[24] Ainsi, elle s’est absentée du milieu de travail entre février 2015 et janvier 2016. En janvier 2016, Mme Levasseur a réintégré son milieu de travail, avec un plan de réintégration graduel au travail. En février 2016, la plaignante a quitté à nouveau l’environnement de travail en raison de ses problèmes de santé, pour revenir au travail à la fin juin 2016.

[25] La dernière journée de travail de Mme Levasseur a été le 27 septembre 2016 : elle ne réintégrera plus le milieu de travail de la Société après cette date. Plus de deux ans plus tard, soit le 20 novembre 2018, Mme Levasseur a pris une retraite médicale, ce qui a mis définitivement fin à son emploi avec la Société.

[26] Dans sa requête en radiation, l’intimée s’oppose principalement à l’ajout par la plaignante d’allégations portant sur des faits qui se seraient produits après septembre 2016 (les « allégations postérieures à septembre 2016 ») et aux réparations connexes. L’intimée demande au Tribunal d’exclure toutes les allégations de Mme Levasseur postérieures à septembre 2016 et relatives à sa retraite médicale de novembre 2018. En effet, Mme Levasseur plaide entre autres que sa retraite médicale aurait été causée par le défaut de l’intimée d’accommoder ses besoins spécifiques. La Société argue que ces allégations ne font pas partie de l’étendue de la plainte dont le Tribunal est saisi.

[27] Sans aller dans tous les détails des observations de la Commission et de Mme Levasseur, mentionnons que celles-ci s’opposent à la requête en radiation, plaidant généralement que la discrimination vécue par Mme Levasseur a, en fait, été continue. Cette discrimination aurait perduré non seulement pendant son emploi auprès de la Société, mais aussi après septembre 2016, menant ultimement à sa retraite médicale. En somme, elles arguent qu’il existe un lien suffisant avec la plainte d’origine et que ces allégations sont incluses dans la plainte.

[28] Dans son EDP amendé et sa réplique, Mme Levasseur allègue que ses problèmes de santé se sont exacerbés en raison du défaut de la Société d’accommoder ses restrictions médicales.

[29] Elle plaide plus particulièrement que le défaut de la Société d’accommoder sa déficience physique a exacerbé ses problèmes de santé mentale, ce qui l’a empêchée de retourner travailler dans l’environnement de travail de l’intimée. Si l’intimée avait correctement pris en compte ses besoins, affirme-t-elle, elle n’aurait pas eu à prendre une retraite médicale en novembre 2018. Elle réclame de ce fait des dommages pour ses pertes de salaires futurs occasionnées par les actions (inactions) de la Société.

[30] Par ailleurs, la plainte de Mme Levasseur a été déposée au titre de l’article 7 de la LCDP. Cet article concerne le domaine de l’emploi. La plaignante allègue avoir subi un traitement défavorable en raison de sa déficience (alinéa 7 b) de la LCDP). Le Tribunal a pris connaissance de la plainte initiale déposée par la plaignante, puisqu’elle a été déposée par la Commission dans ses observations quant à cette requête.

[31] Dans sa plainte initiale, la plaignante fait non seulement référence à ses problèmes de santé liés à son dos, mais elle aborde également son état de santé mentale. Elle y parle notamment de ses idéations suicidaires liées à la douleur à son dos ainsi que de ses autres problèmes de santés mentales incluant ses diagnostics de trouble de stress post-traumatique, de dépression, d’anxiété, de trouble de personnalité limite ainsi que de bipolarité.

[32] La plaignante mentionne clairement dans sa plainte initiale que certaines mesures prises par l’intimée ont aggravé sa condition médicale liée à son dos et, par le fait même, ont aussi été la cause de la détérioration de son état de santé mentale.

[33] Quant au rapport d’enquête de la Commission (le « rapport »), il a aussi été déposé au soutien de ses observations. Comme l’a correctement plaidé la Société, il est vrai que le rapport de l’enquêteur est spécifique : l’enquête ne vise que les événements qui se seraient produits entre le 12 février et le 27 juin 2016 (rapport, au paragraphe 4). Cependant, il faut rappeler que la Commission n’a pas pour objet d’enquêter sur toutes les allégations qui sont incluses dans la plainte déposée devant elle. Au contraire, la Cour fédérale a clairement statué que le pouvoir d’enquêter de la Commission s’apparente à celui d’un examen au préalable des plaintes (Desgranges c. Canada (Service d'appui aux tribunaux administratifs), 2020 CF 315 (CanLII), au paragraphe 29).

[34] Au surplus, le Tribunal a pris connaissance des lettres de la Commission envoyées au Tribunal et aux parties lorsque cette dernière a jugé nécessaire de référer la plainte pour son instruction. À cet effet, la lettre qui a été reçue par le président du Tribunal le 6 février 2020 ne précise en rien la portée de la plainte. Il en est de même des lettres qui ont été envoyées à Mme Levasseur et à la Société le 22 mars 2019. Force est de constater que ces lettres ne viennent en rien limiter ou préciser la portée de la plainte.

[35] Comme le Tribunal l’a rappelé dans Karas, le fait que les lettres ne précisent ou ne limitent pas la portée de la plainte ne lui donne pas non plus carte blanche pour inclure toutes allégations d’une partie plaignante qui n’auraient rien à voir avec sa plainte initiale. La jurisprudence est constante à cet effet en ce qu’il doit exister un lien suffisant entre les allégations et la plainte initiale de la partie plaignante (Karas, au paragraphe 112; AA, au paragraphe 59; Gaucher, au paragraphe 10; Casler, au paragraphe 7).

[36] Il convient de préciser que la plainte de Mme Levasseur a été reçue par la Commission le 22 novembre 2016. Mme Levasseur argue avoir pris sa retraite médicale en novembre 2018, soit plus de deux ans après le dépôt de sa plainte. Il est impossible d’en faire abstraction; comment Mme Levasseur aurait-elle pu, en novembre 2016 et au moment du dépôt de sa plainte devant la Commission, anticiper ou prévoir un événement qui s’est produit deux ans plus tard? C’est exactement ce que le Tribunal entend lorsqu’il écrit que les plaintes peuvent évoluer avec le temps (Karas, au paragraphe 138; Gaucher, au paragraphe 11; Casler, au paragraphe 9; AA, au paragraphe 59).

[37] Dans la même veine, l’intimée estime que la plaignante ne devrait pas avoir la possibilité de soulever dans son EDP amendé et sa réplique des faits qui se sont produits quatre ans suivant le dépôt de sa plainte. Le Tribunal est en accord avec les commentaires de la Commission en ce que cet argument fait totalement abstraction, encore une fois, de la possibilité qu’une plainte évolue avec le temps (Karas, au paragraphe 138).

[38] À cet effet, l’intimée plaide la décision Karas, au paragraphe 24, mentionnant que l’EDP de la plaignante doit raisonnablement respecter, dans son essence même, les faits et les allégations de discrimination incluses dans la plainte initiale. L’intimée semble s’écarter du raisonnement du Tribunal, ou du moins le contourner, alors que le paragraphe 24 de la décision Karas fait clairement référence, entre autres, au paragraphe 59 de la décision AA. Il faut obligatoirement remettre ce paragraphe dans son contexte, qui est le suivant : il doit exister un lien suffisant entre les allégations formulées dans l’EDP et la plainte initiale. C’est ce dont il s’agit au paragraphe 24 de Karas, ni plus ni moins; ce lien suffisant avec la plainte initiale demeure l’essence même de l’analyse du Tribunal.

[39] L’intimée argue que la plaignante a mentionné simplement au passage, durant l’enquête de la Commission et à sa toute fin, qu’elle aurait pris une retraite médicale en raison des manquements de la Société à l’accommoder. C’est ce qui permettrait de conclure que cette question n’était pas centrale à sa plainte. Il ne s’agit pas de l’analyse que le Tribunal doit faire dans ce type de requête. Il doit déterminer s’il y a un lien suffisant entre les allégations et la plainte initiale. Dans ce cas-ci, le Tribunal a déjà conclu que c’était le cas. Cet argument n’est par conséquent aucunement déterminant dans les circonstances.

[40] L’intimée soulève également qu’il n’existe aucune preuve documentaire supportant les allégations de Mme Levasseur voulant que sa santé mentale se soit détériorée en raison du défaut d’accommoder ses besoins. Le Tribunal prend note de l’argument de l’intimée, mais rappelle que c’est à l’audience que la preuve de Mme Levasseur sera appréciée. Le Tribunal a clairement statué que dans le type de requête déposée par la Société et qui concerne l’étendue de la plainte, son analyse n’a pas pour objet de décider du bien-fondé des allégations de la partie plaignante (Karas, au paragraphe 147). Qu’il n’y ait pas de preuve documentaire supportant les allégations de la plaignante est de peu d’utilité à cette étape-ci. Les allégations de Mme Levasseur seront testées à l’audience, au regard de la preuve présentée. La plaignante aura un fardeau de preuve à rencontrer, et ce, selon la prépondérance des probabilités. La Société, quant à elle, aura l’occasion de présenter une réfutation ou une défense et de présenter ses arguments au Tribunal.

[41] Le Tribunal prend aussi note des arguments de l’intimée visant le litige opposant Mme Levasseur et sa compagnie d’assurance, Sun Life. La Société plaide notamment que les allégations de Mme Levasseur dans la procédure du Tribunal sont à l’opposé de ce qu’elle a plaidé dans ce litige. Cet argument n’est pas non plus utile pour le Tribunal à cette étape-ci de la procédure et n’est pas concluant dans les circonstances. La Société pourra très bien présenter cette preuve à l’audience et fournir des arguments en ce sens en temps opportun. Par exemple, et tout comme l’a souligné la plaignante, la Société pourrait présenter des arguments au Tribunal quant aux réparations qui pourraient être accordées, considérant l’existence de cette procédure.

[42] L’intimée ajoute que la plaignante n’a pas plaidé de faits substantifs permettant d’établir le lien entre sa retraite médicale de novembre 2018 et sa plainte. Encore une fois, le Tribunal rappelle que son analyse n’a pas pour fins de déterminer le bien-fondé des allégations de Mme Levasseur (Karas, au paragraphe 147), mais simplement de déterminer s’il existe un lien suffisant entre sa plainte initiale, d’une part, et les allégations contenues dans son EDP et sa réplique, d’autre part.

[43] Le Tribunal est satisfait que la plaignante a établi l’existence de ce lien suffisant. La plaignante a été en mesure de démontrer que la discrimination qu’elle allègue se situe dans un continuum. Elle plaide que le défaut de la Société d’accommoder sa déficience physique a exacerbé son état de santé mentale, l’empêchant ainsi de retourner travailler dans l’environnement de travail de l’intimée. Ultimement, la plaignante allègue que son retour au travail n’était plus possible et argue n’avoir eu d’autre choix que de prendre une retraite médicale non envisagée.

[44] Le Tribunal est convaincu que les allégations soulevées par la plaignante et qui portent sur des faits postérieurs à septembre 2016 sont suffisamment liées à sa plainte initiale. Il serait difficile d’en arriver à une conclusion contraire. L’ajout de ces allégations ne constitue certainement pas une toute nouvelle plainte comme le soutient la Société. La plaignante a été en mesure de lier ces allégations aux fondements mêmes de sa plainte initiale et est tout à fait en droit d’ajouter ces allégations afin de préciser, raffiner ses allégations.

[45] Pour être on ne peut plus clair, Mme Levasseur a précisément énoncé dans sa plainte initiale que le défaut allégué de la Société d’accommoder les restrictions médicales liées à l’état de son dos aurait exacerbé son état de santé mentale. La Société semble omettre une part du raisonnement de la plaignante dans le paragraphe 27 de sa requête. La plaignante allègue s’être absentée du milieu de travail en raison de son état de santé mentale qui lui, aurait été exacerbé par le défaut de la Société de répondre correctement à ses besoins. Plusieurs années plus tard, elle allègue n’avoir eu d’autre choix que de prendre une retraite médicale pour cette raison. Le lien est clair et définitivement suffisant pour le Tribunal. La Société semble totalement isoler les conditions médicales de la plaignante, comme si sa condition médicale liée à son dos et celle liée à sa santé mentale évoluaient en silo. À la lecture de la plainte initiale de Mme Levasseur, le Tribunal comprend qu’il existe un rapport entre les deux : l’un semble affecter l’autre. La Société tente d’exclure ce rapport entre les deux conditions.

[46] Pourtant, dans la plainte initiale de Mme Levasseur, elle a mentionné ce lien, ce rapport entre ses deux conditions médicales. Par exemple, elle explique avoir tenté de mettre fin à sa vie afin de stopper ses douleurs sévères liées à son dos. Elle a également écrit que son médecin avait appuyé son transfert dans une autre installation en raison de sa condition physique liée à son dos, mais aussi pour des raisons de santé mentale. Enfin, elle a écrit que lors de l’une de ses réintégrations au travail, elle a été attitrée à un parcours ayant plusieurs escaliers à emprunter, causant une aggravation de l’état de son dos. Elle est précise et mentionne que son état de santé mentale s’est par le fait même détérioré, en tentant d’effectuer un travail qu’elle ne pouvait pas faire et qui lui causait de la douleur.

[47] Le Tribunal est ainsi convaincu de l’existence d’un lien suffisant entre la plainte initiale de la plaignante et les allégations formulées dans son EDP et sa réplique. Et si l’intimée estime que la plaignante ne rencontre pas le fardeau de sa preuve selon la prépondérance des probabilités telle qu’élaborée dans la décision Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), [2012] RCS 61, elle pourra très bien présenter sa preuve et ses observations à l’audience à cet effet.

[48] Le Tribunal n’a pas été convaincu par la Société que les allégations de la plaignante constituent une cible en mouvement, pour reprendre les termes employés par le Tribunal dans Starblanket c. Service correctionnel du Canada, 2014 TCDP 29, au paragraphe 25. Comme mentionné précédemment, les allégations de la plaignante sont statiques et claires, et suffisamment liées à la plainte initiale de Mme Levasseur.

[49] Enfin, le Tribunal n’est pas d’avis qu’il existe un préjudice réel et irrémédiable si ces allégations sont ajoutées à la plainte, contrairement à ce que soutient la Société. Il faut dire que la procédure en est encore à ses débuts. Rien dans ce qui a été présenté par la Société au Tribunal ne permet à celui-ci de conclure à l’existence d’un préjudice qui, par ailleurs, serait irréparable.

[50] Aucune date d’audience n’a été fixée et il est tout à fait possible pour les parties de demander au Tribunal l’autorisation de modifier leur EDP, leur liste de témoins et leurs listes de documents, s’il est nécessaire de le faire suivant la présente décision. Au surplus, les parties auront l’obligation de divulguer tous les documents potentiellement pertinents qu’elles ont en leur possession et qui se rattachent à ces allégations postérieures à septembre 2016. Si ce n’est pas déjà fait, et le Tribunal le mentionne au passage, Mme Levasseur aura certainement de la documentation à fournir à cet effet et puisqu’elle invoque ses conditions médicales dans la procédure du Tribunal, elle devra fournir aux autres parties tous les documents potentiellement pertinents à ce sujet.

[51] La Société a également plaidé que l’ajout de ces allégations aurait une incidence importante sur la durée de l’audience. Encore une fois, le Tribunal n’a pas été convaincu par l’intimée que l’ajout de ces allégations aurait un impact disproportionné sur la durée de l’audience, créant ainsi un préjudice irréparable.

[52] Pour tous ces motifs, le Tribunal rejette la requête en radiation de ces éléments.

B. Compétence du Tribunal

[53] Aux paragraphes 33 et suivants de sa requête, la Société, s’appuyant sur l’article 118 de la Loi de 1997 sur la sécurité professionnelle et l’assurance contre les accidents du travail, S.O. 1997, chap. 16, Annexe A (la « LSPAAT ») plaide que le Tribunal n’a pas compétence pour traiter les allégations postérieures à septembre 2016 puisque, selon elle, les allégations relèvent de la compétence exclusive de la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (la « CSPAAT ») de l’Ontario.

[54] En effet, selon l’intimée, les problèmes de santé mentale de la plaignante, dès lors qu’ils auraient été exacerbés par le prétendu défaut par la Société d’accommoder la plaignante, constitueraient un stress mental chronique et à ce titre, une lésion couverte par la LSPAAT. La plaignante aurait pu, prétend l’intimée, s’adresser à la CSPAAT et si elle avait démontré qu’elle remplissait les critères prescrits, elle aurait eu droit à des prestations de la CSPAAT.

[55] La Cour suprême du Canada a élaboré une analyse en deux étapes dans la décision Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Québec (Procureur général), 2004 CSC 39 (CanLII) [Morin].

[56] Bien que les faits en l’espèce soient différents de ceux propres à l’affaire Morin, les commentaires de la Cour suprême demeurent totalement pertinents en l’instance. Elle rappelle d’ailleurs, aux paragraphes 7 à 10, ce qui suit :

7 Il n’est pas facile de déterminer lequel de deux tribunaux susceptibles d’être saisis devrait trancher un litige en matière de relations de travail lorsque la loi semble attribuer compétence aux deux. Comme notre Cour l'a expliqué dans Weber c. Ontario Hydro, 1995 CanLII 108 (CSC), [1995] 2 R.C.S. 929, il existe trois avenues possibles.

8 La première possibilité est de conclure que les deux tribunaux sont compétents. Il s’agit du modèle de la compétence « concurrente » suivant lequel tout différend en matière de relations de travail peut être porté soit devant l'arbitre en droit du travail, soit devant une cour de justice ou un autre tribunal administratif.

9 La deuxième est celle du « chevauchement » des compétences. Suivant ce modèle, la compétence des tribunaux du travail à l’égard des questions relevant traditionnellement du droit du travail n’écarte pas celle des tribunaux judiciaires et des autres tribunaux administratifs quant aux questions qui, bien qu’elles se posent dans le contexte du travail, débordent le cadre traditionnel du droit du travail.

10 La troisième est celle de la compétence « exclusive ». Suivant ce modèle, la compétence appartient soit à l’arbitre en droit du travail, soit à l’autre instance, mais pas aux deux.

[57] Il n’existe pas de règle par défaut quant à l’exclusivité de compétence d’un décideur (qu’il soit un Tribunal, une Cour, un arbitre, etc.) et la Cour suprême nous rappelle qu’il s’agit d’une question qui doit être abordée au cas par cas (Morin, au paragraphe 14).

[58] Ainsi, la question demeure de savoir si les nouvelles allégations de Mme Levasseur tombent sous la compétence exclusive de la CSPAAT. Autrement dit, le Tribunal doit se demander si la loi pertinente, c’est-à-dire la LSPAAT, telle qu’elle s’applique au présent litige dans son contexte factuel, accorde une compétence exclusive à la CSPAAT.

[59] Le Tribunal répond par la négative à cette question.

[60] Les deux étapes élaborées dans Morin, au paragraphe 15, sont les suivantes :

1) Examiner les dispositions de la législation habilitante et ce qui y est prévu quant à la compétence de l’instance décisionnelle;

2) Déterminer si le litige relève du mandat conféré par la loi – il s’agit de se pencher sur la nature du litige et de déterminer si elle est du ressort exclusif de l’autre instance décisionnelle.

[61] Le Tribunal analysera ces deux étapes de manière combinée et succincte. En résumé, les compétences de la CSPAAT et de notre Tribunal sont fondamentalement différentes et selon la nature du litige, il peut y avoir compétence concurrente n’excluant pas automatiquement la compétence de l’un ou de l’autre de ces deux corps décisionnels. Il n’existe pas nécessairement de compétence exclusive pour l’un ou l’autre de ces tribunaux dans leur propre champ de compétence respectif.

[62] L’article 118 de la LSPAAT prévoit que la CSPAAT a compétence exclusive afin d’examiner, d’entendre et de décider des questions qui découlent de la LSPAAT. À ce titre, la CSPAAT doit, entre autres choses, décider si la lésion corporelle ou le décès a été causé par un accident ou si l’accident est survenu du fait et au cours de l’emploi (paragraphes 118(1), (2) et (3) de la LSPAAT).

[63] Quant à notre Tribunal, il a pour compétence d’instruire les plaintes dont il est saisi et de juger si elles sont bien fondées (paragraphes 49(1), 53(1) et 53(2) de la LCDP). Ces plaintes concernent uniquement les droits de la personne et plus particulièrement, les matières relevant de la discrimination, les actes discriminatoires visés par la LCDP étant prévus à ses articles 5 à 14.1. La LCDP ne donne pas au Tribunal une compétence exclusive sur les questions relevant des droits de la personne et de la discrimination.

[64] Le Tribunal concède que la CSPAAT a compétence exclusive pour décider des questions qui découlent de la LSPAAT (voir Snow v. Honda of Canada Manufacturing, 2007 HRTO 45 (CanLII)). Toutefois, l’existence de l’article 118 de la LSPAAT n’exclut pas automatiquement la possibilité d’une compétence concurrente d’un autre tribunal sur des questions qui prennent naissance dans le même domaine, en l’occurrence, le domaine du travail (Frankson v. Workplace Safety and Insurance Board, 2011 HRTO 2107 (CanLII),au paragraphe 99).

[65] Soulignons que le rôle du Tribunal est de décider de l’existence de discrimination : il n’a pas du tout à se pencher sur la question de l’existence d’une lésion professionnelle ou d’un accident du travail. Lorsqu’il se prononce sur la question de la discrimination et statue sur la plainte, le Tribunal exerce sa propre compétence découlant de sa propre loi habilitante, soit la LCDP.

[66] En l’espèce, le Tribunal devra décider si Mme Levasseur a été victime de discrimination de la part de la Société, au regard de la preuve présentée. En ce qui concerne les allégations postérieures à septembre 2016, Mme Levasseur allègue que le défaut de la Société d’accommoder ses besoins spécifiques a exacerbé son état de santé mentale, ayant pour conséquence de la précipiter en retraite médicale en novembre 2018. La Société aura l’occasion de se défendre et de réfuter les allégations de la plaignante, de se prévaloir d’une défense statutaire notamment prévue à l’article 15 de la LCDP, voire limiter sa responsabilité, le cas échéant (article 65 de la LCDP). En aucun cas, le Tribunal n’empiètera, en traitant de ces questions, sur la compétence dévolue à la CSPAAT par la LSPAAT.

[67] Si le Tribunal conclut à l’existence de discrimination, il pourra ordonner des réparations aux termes des paragraphes 53(2), (3) et (4) de la LCDP. Il faut rappeler que les réparations qui sont prévues à la LCDP ont pour fins de remettre la victime de discrimination dans la situation où elle aurait été, n’eût été la discrimination vécue, le préjudice subi (André c. Matimekush-Lac John Nation Innu, 2021 TCDP 8, aux paragraphes 156 et 157; Brooks c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2005 TCDP 14, au paragraphe 10; Alliance de la Fonction publique du Canada c. Société canadienne des postes, 2005 TCDP 39, aux paragraphes 933 et 934; Canada (Attorney General) v. Morgan (C.A.), 1991 CanLII 8221 (FCA), au paragraphe 19). Quant à la CSPAAT, elle détermine entre autres choses si la perte de gains a résulté d’une lésion, si la déficience permanente a résulté d’une lésion, et le degré de la déficience ainsi que le montant des gains moyens et des gains moyens nets de l’individu (paragraphes 118(2), (7), (8) et (9) de la LSPAAT).

[68] Pour tous ces motifs, la Société n’a pas convaincu le Tribunal qu’il existe une compétence exclusive de la CSPAAT et qu’il n’a pas, en conséquence, compétence pour se pencher sur les allégations postérieures à septembre 2016 et potentiellement ordonner des réparations.

[69] Le Tribunal rejette donc cet argument.

C. Allégations fondées sur l’alinéa 14(1)c) de la LCDP et autres allégations antérieures à janvier 2016

(i) Allégations fondées sur l’alinéa 14(1)c) de la LCDP

[70] La Société s’oppose à l’ajout par Mme Levasseur d’allégations fondées sur l’alinéa 14(1)c) de la LCDP, en ce qui a trait au harcèlement en matière d’emploi qu’elle aurait subi en raison de son état de santé mentale.

[71] Après une révision attentive de l’EDP amendé de la plaignante et de sa plainte initiale, le Tribunal constate que les allégations de harcèlement de la plaignante sont intrinsèquement liées à des événements antérieurs à janvier 2016.

[72] Par exemple, dans l’EDP amendé de Mme Levasseur, au paragraphe 12, elle aborde des incidents de harcèlement et d’intimidation qu’elle aurait vécus en novembre 2013 jusqu’en février 2014.

[73] Le Tribunal se retrouve dans une situation particulière : les parties ont déjà annoncé au Tribunal qu’elles s’accordent pour dire que les allégations précédant janvier 2016 ne font pas partie de l’étendue de la plainte. Elles s’accordent pour dire que ces allégations ont été ajoutées à des fins de contexte uniquement et non pour détermination, par le Tribunal, de l’existence de discrimination. Ces observations et ce consentement ont été consignés dans des sommaires d’appels de gestion d’instance entre le Tribunal et les parties, comme le démontre le dossier officiel du Tribunal.

[74] Ni la plaignante ni la Commission n’ont, dans leurs observations relatives à la requête de l’intimée, manifesté que cette entente entre les parties ne tenait plus. Il est aussi étonnant que la Commission n’ait présenté aucun argument permettant de contrer les affirmations de la Société à propos de l’ajout d’allégations fondées sur l’alinéa 14(1)c) de la LCDP.

[75] Quant à la plaignante, elle n’a formulé que peu d’observations sur cet ajout. Bien qu’elle plaide que le harcèlement et l’intimidation se sont poursuivis suivant le dépôt de sa plainte, aucune de ces allégations ne se retrouve dans son EDP amendé puisque les seules références au harcèlement concernent des événements survenus en 2013 et 2014.

[76] Tenant compte de l’accord des parties et des observations formulées par la Société, le Tribunal conclut que les allégations fondées sur l’alinéa 14(1)c) de la LCDP ne sont pas incluses dans la plainte de Mme Levasseur.

[77] Le Tribunal accorde ainsi la radiation de cet élément.

(ii) Autres allégations antérieures à janvier 2016

[78] Quant aux autres allégations antérieures à janvier 2016, le Tribunal se retrouve dans la même situation : les parties se sont concertées et ont informé le Tribunal qu’elles n’étaient incluses qu’à des fins de contexte.

[79] Encore une fois, ni la Commission ni la plaignante n’ont indiqué dans leurs observations que cette entente ne tenait plus. Il serait alors difficile pour le Tribunal d’arriver à une détermination différente alors que ce ne sont pas les observations qui lui ont été faites durant la gestion d’instance.

[80] Par souci de clarté et de transparence, le Tribunal réitère ce qui a déjà été décidé par les parties et qui a été consigné dans les sommaires de gestion d’instance : les allégations antérieures à janvier 2016 ne sont incluses qu’à des fins de contexte.

V. Allégations fondées sur l’article 5 de la LCDP

[81] Dans sa réplique, la Société répond à un argument de la plaignante voulant qu’elle ne se soit pas opposée à l’ajout d’allégations fondées sur l’article 5 de la LCDP, formulées au paragraphe 39 de l’EDP amendé de Mme Levasseur.

[82] À cet effet, l’intimée prend clairement position dans sa réplique et s’oppose à l’ajout de cet acte discriminatoire, plaidant que l’article 5 de la LCDP n’est pas applicable dans les circonstances. La plaignante, quant à elle, estime que les allégations fondées sur l’article 5 de la LCDP font partie intégrante de sa plainte.

[83] Le Tribunal n’a pas l’intention de s’attarder longtemps à l’ajout à la plainte de Mme Levasseur des allégations fondées sur l’article 5 de la LCDP.

[84] D’une part, le Tribunal doit se demander s’il existe un lien suffisant entre la plainte initiale de Mme Levasseur et les allégations fondées sur l’article 5 de la LCDP. À sa face même, ce lien n’existe pas. La plainte a été déposée au titre de l’article 7 de la LCDP, qui relève du domaine de l’emploi. L’article 5 de la LCDP est celui qui concerne la fourniture de biens, de services, d’installation ou d’hébergement.

[85] Le Tribunal a passé en revue la plainte initiale de Mme Levasseur, le rapport d’enquête et les lettres envoyées par la Commission. Rien ne lui permet de conclure que l’article 5 de la LCDP s’applique, de près ou de loin, aux allégations soulevées par Mme Levasseur; il n’existe tout simplement aucun lien suffisant entre ces allégations et sa plainte.

[86] Le Tribunal accorde ainsi la radiation de cet élément.

VI. Ordonnance

[87] Pour les motifs précédents, le Tribunal accorde en partie la demande de la Société :

· Les paragraphes 39 et 40 sont réputés être radiés.

[88] Le Tribunal n’accorde pas la demande de radiation pour les éléments suivants :

· La dernière phrase du paragraphe 7;

· Les paragraphes 23, 31, 41 ainsi que la deuxième phrase du paragraphe 42 de l’EDP amendé de la plaignante;

· Les portions identifiées par l’intimée des paragraphes 11, 24 et 26 de la réplique de la plaignante.

[89] Le Tribunal n’accorde pas non plus la demande de radiation pour les éléments suivants :

· Les paragraphes 29 et 30 de l’EDP de la Commission.

Signée par

Gabriel Gaudreault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 30 août 2021

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2463/2020

Intitulé de la cause : Angelle Levasseur c. Société canadienne des postes

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 30 août 2021

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par:

Joanna Hartanu , pour la plaignante

Julie Hudson, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Samantha Cass , pour l'intimée

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