Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2021 TCDP 22

Date : le 20 juillet 2021

Numéro du dossier : T2491/4820

 

Entre :

 Eveda Nosistel

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service correctionnel Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Marie Langlois


Après examen du dossier et des prétentions des parties, le Tribunal canadien des droits de la personne rend la décision suivante :

[1] ATTENDU que le 12 juin 2015, madame Eveda Nosistel, la plaignante, dépose une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne, la Commission, qui est par la suite déférée au Tribunal canadien des droits de la personne, le Tribunal;

[2] ATTENDU que selon la plainte écrite, le litige porte sur des allégations de discrimination fondées sur l’emploi (article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, la Loi) et le harcèlement (article 14 de la Loi) en raison de la couleur et de la déficience de la plaignante;

[3] ATTENDU que le 21 avril 2021, la plaignante, formule une requête pour la confidentialité de certains documents et le caviardage de certaines informations;

[4] ATTENDU que la plaignante formule sa requête du 21 avril 2021, dans sa réplique à l’exposé des précisions de l’intimé, comme suit : « D’entrée de jeu, la Plaignante demande au Tribunal de ne pas révéler dans les dossiers publics les données ou documents qui ont été dévoilés par SCC [Service correctionnel Canada, l’intimé] sans son consentement et sans précaution pour préserver la confidentialité de ses données personnelles conformément à la loi dont : les certificats médicaux et les adresses courriel de la Plaignante. Le SCC/Intimé ne peut nier avoir observé que la Plaignante avait essayé de camoufler ces renseignements dans son exposé des précisions. La Plaignante requiert le retrait de la portion de plainte de harcèlement interne de 2013 et tout autre document ou données personnelles »;

[5] ATTENDU que le 27 mai 2021, le Tribunal envoie une lettre à la plaignante lui demandant des précisions concernant les documents qu’elle souhaite voir demeurer confidentiels et les renseignements à caviarder;

[6] ATTENDU qu’une conférence de gestion est tenue avec les parties le 11 juin 2021, à laquelle la Commission s’est absentée;

[7] ATTENDU que la plaignante précise lors de cette conférence de gestion que sa requête vise tous les certificats médicaux apparaissant au dossier, ainsi que tous les renseignements de la plainte interne de harcèlement de 2013 pour le motif qu’il s’agit de documents de nature personnelle;

[8] ATTENDU que lors de cette conférence de gestion, la plaignante précise que son adresse courriel personnelle figurant dans tous les documents devrait être caviardée puisqu’il s’agit d’un renseignement personnel qui doit demeurer confidentiel;

[9] ATTENDU que par sa lettre du 17 juin 2021 l’intimé ne s’oppose pas à la requête en confidentialité de la plaignante sous réserve que les renseignements demeurent à la connaissance des parties et qu’il leur sera possible d’y référer à l’audience;

[10] ATTENDU que par sa lettre du 17 juin 2021, l’intimé ne fait aucune référence à la demande de caviardage de la plaignante;

[11] ATTENDU que par son courriel du 7 juillet 2021, la Commission ne s’oppose pas à ce que les certificats médicaux au dossier soient maintenus confidentiels;

[12] ATTENDU que par son courriel du 7 juillet 2021, la Commission est muette eu égard à la demande de confidentialité de la plaignante quant aux documents portant sur la plainte interne de harcèlement de 2013;

[13] ATTENDU que par son courriel du 7 juillet 2021, la Commission indique ne pas prendre position sur la demande de caviardage de l’adresse courriel de la plaignante;

[14] CONSIDÉRANT que le paragraphe 1 de l’article 52 de la Loi énonce le principe général de publicité des débats judiciaires;

[15] CONSIDÉRANT que cette même disposition prévoit une exception au principe général en permettant au membre instructeur, sur demande en ce sens, de prendre toute mesure ou de rendre toute ordonnance pour assurer la confidentialité de l’instruction, et ce, dans certaines situations;

[16] CONSIDÉRANT que pour ce faire, cette même disposition prévoit les situations pour lesquelles le membre instructeur doit être convaincu que selon le cas que :

a) il y a un risque sérieux de divulgation de questions touchant la sécurité publique;

b) il y a un risque sérieux d’atteinte au droit à une instruction équitable de sorte que la nécessité d’empêcher la divulgation de renseignements l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique;

c) il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique;

d) il y a une sérieuse possibilité que la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne puisse être mise en danger par la publicité des débats.

(Le Tribunal souligne)

[17] CONSIDÉRANT que les exceptions au principe de publicité des débats sont énoncées de façon exhaustive à la Loi;

[18] CONSIDÉRANT que la preuve de l’une ou l’autre des exceptions énoncées au paragraphe 1 de l’article 52 de la Loi doit être faite selon la balance des probabilités;

[19] CONSIDÉRANT que la seule allégation de la nature personnelle des renseignements visés par la requête ne suffit pas à démontrer l’une ou l’autre des exceptions prévues au paragraphe 1 de l’article 52 de la Loi;

[20] CONSIDÉRANT que aucun risque sérieux de divulgation de questions personnelles de quelque nature que ce soit n’a été mis en preuve, ni même allégué;

[21] CONSIDÉRANT qu’en l’absence de la preuve du risque sérieux de divulgation de renseignements personnels, l’exercice de pondération, entre la nécessité de confidentialité et l’intérêt de la société à une instruction publique, ne peut être effectué de sorte que les critères analytiques contraignants de l’article 52 de la Loi ne sont pas rencontrés;

[22] CONSIDÉRANT que conformément à la jurisprudence, notamment l’affaire White c. Laboratoires nucléaires canadiens, 2020 TCDP 5, le consentement des parties à la requête en confidentialité n’est aucunement déterminant dans la décision que doit rendre le Tribunal;

[23] CONSIDÉRANT que la plaignante requiert que son adresse courriel soit caviardée dans les documents où elle apparaît.

[24] CONSIDÉRANT qu’une ordonnance de caviardage peut être prononcée pour une partie de document contenant un renseignement qui n’est pas potentiellement utile à la résolution de la question en litige (Walden et al. c. Procureur général du Canada, 2018 TCDP 20);

[25] CONSIDÉRANT qu’aucune preuve n’établit que l’adresse courriel de la plaignante est potentiellement utile à la résolution de la question en litige telle que décrite à la plainte.

PAR CES MOTIFS, LE TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

ACCEUILLE en partie la requête en confidentialité et en caviardage de madame Eveda Nosistel;

ORDONNE que l’adresse courriel de madame Eveda Nosistel soit caviardée partout où elle apparaît au dossier.

 

Signée par

Marie Langlois

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 20 juillet 2021

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2491/4820

Intitulé de la cause : Eveda Nosistel c. Service correctionnel Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 20 juillet 2021

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par:

Eveda Nosistel, pour la plaignante

Ikram Warsame , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Chantal Labonté, pour l'intimé

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