Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2020 TCDP 26

Date : le 13 août 2020

Numéro du dossier : T2610/3416

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Jamison Todd

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

La Ville d’Ottawa

l'intimée

Décision

Membre : Kirsten Mercer

 


Table des matières

I. Résumé des conclusions 1

II. Aperçu 2

III. La plainte 5

IV. Question préliminaire 6

A. Calcul des jours 6

V. Chronologie de la plainte 7

(i) Les douleurs musculosquelettiques 8

(ii) Le diagnostic de syndrome du côlon irritable et les mesures d’adaptation connexes 8

(iii) Le diagnostic et le traitement du reflux gastroœsophagien pathologique 10

(iv) Les absences du travail de M. Todd en 2012 18

(v) Le contrat d’emploi permanent 25

(vi) L’exigence de préavis téléphonique 27

(vii) L’assiduité accrue pendant l’application du contrat d’emploi permanent 29

(viii) Le défaut répété de M. Todd de communiquer avec son superviseur 30

(ix) L’avertissement officiel donné par M. Chaudhari 32

(x) Le congédiement 32

VI. Questions en litige 34

VII. Analyse 35

(i) La Loi canadienne sur les droits de la personnes 35

(ii) Le critère préliminaire 36

(iii) Justification 38

(iv) Mesures d’adaptation et coopération 38

(v) Aucune obligation procédurale d’adaptation en vertu du droit fédéral 40

A. Préciser l’objet de la présente analyse 40

(i) Le reflux gastroœsophagien pathologique de M. Todd 41

(ii) La santé mentale de M. Todd 43

B. Le syndrome du côlon irritable et/ou les troubles musculosquelettiques de M. Todd sont‑ils des caractéristiques protégées par la Loi? 47

(i) Le syndrome du côlon irritable 49

(ii) Les problèmes musculosquelettiques 49

(iii) Résumé des déficiences de M. Todd 53

C. M. Todd a‑t‑il subi un effet défavorable? 54

(i) M. Todd n’a pas été traité de façon défavorable dans le cadre de son emploi. 54

(ii) Le contrat d’emploi permanent n’était pas un traitement défavorable. 59

(iii) Le congédiement de M. Todd était un traitement défavorable. 63

D. Y avait‑il un lien entre le contrat d’emploi permanent et la déficience de M. Todd? 63

E. Y avait‑il un lien entre le congédiement de M. Todd et sa déficience? 65

F. OC Transpo a‑t‑elle justifié le congédiement de M. Todd en raison (en partie) de sa déficience? 67

VIII. Conclusion 70

IX. Décision 71

 


I. Résumé des conclusions

[1] De façon générale, je suis convaincue qu’OC Transpo a respecté ses obligations à l’égard des droits de la personne de M. Todd au cours de la période où celui-ci a travaillé pour elle comme chauffeur d’autobus. Malgré certaines lacunes dans l’approche convenue relativement aux mesures d’adaptation à prendre à l’égard des déficiences de M. Todd – des lacunes qui, avec le recul, sont manifestes –, j’estime que l’approche en matière d’adaptation adoptée à l’époque par OC Transpo et M. Todd était mutuellement satisfaisante. Je ne crois pas qu’OC Transpo ait fait preuve de discrimination à l’égard de M. Todd, que ce soit dans sa façon d’aborder les mesures d’adaptation à lui accorder ou au moment de mettre en place le contrat d’emploi permanent (tel qu’il est décrit ci-après) à son retour au travail en 2012.

[2] J’estime que, lorsqu’OC Transpo a congédié M. Todd en 2014, elle avait le droit de le faire en vertu du contrat d’emploi permanent (le « CEP »). Ni l’obligation de M. Todd de communiquer avec son superviseur, ni son défaut de le faire n’étaient liés d’une quelconque façon à sa déficience, et M. Todd comprenait ce qu’il devait faire et les conséquences possibles de son abstention.

[3] Si les manquements de M. Todd relativement au CEP avaient été la seule raison invoquée pour le congédier, je ne crois pas que son congédiement aurait été discriminatoire. Cependant, au moment de congédier M. Todd, OC Transpo a confondu le bris du CEP avec le taux d’absentéisme général de M. Todd et, ce faisant, elle n’a pas distingué les absences liées à une déficience des autres absences. Elle n’a pas envisagé d’autres mesures d’adaptation à ce moment‑là et n’a pas démontré qu’elle avait atteint la limite de la contrainte excessive.

[4] Le fait qu’OC Transpo ait mentionné l’absentéisme général de M. Todd comme étant l’une des raisons de son congédiement a fait intervenir les mesures de protection prévues par la Loi canadienne sur les droits de la personne (la « Loi ») à l’encontre des actes motivés en tout ou en partie par la discrimination.

[5] Même si OC Transpo a soutenu à l’audience que sa décision de congédier M. Todd était justifiée par son absentéisme excessif, à la lumière des éléments de preuve dont je disposais à l’audience, OC Transpo ne s’est pas acquittée du fardeau d’établir qu’elle avait pris soin de faire une distinction entre les absences liées à la déficience de M. Todd et ses autres absences. De plus, même si nul n’a contesté l’importance d’une présence régulière et fiable au travail, OC Transpo ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver qu’elle s’était efforcée de répondre aux besoins de M. Todd jusqu’à la limite de la contrainte excessive.

[6] Même si OC Transpo était en position de congédier M. Todd pour d’autres raisons, elle a enfreint la Loi en intégrant dans ses motifs de congédiement l’ensemble des antécédents d’absentéisme de M. Todd sans tenir compte des absences liées à sa déficience et sans démontrer qu’elle avait atteint la limite de la contrainte excessive.

II. Aperçu

[7] Jamison Todd (le « plaignant ») a travaillé comme chauffeur d’autobus pour le service de transport en commun de la Ville d’Ottawa, OC Transpo (l’« intimée »), de 2001 jusqu’à son congédiement en 2014. Même s’il aimait son emploi de chauffeur d’autobus, il s’est souvent absenté du travail durant sa carrière pour diverses raisons, dont un certain nombre de problèmes de santé.

[8] Dans la présente plainte, il s’agit de déterminer si OC Transpo a fait preuve, à l’égard de M. Todd, de discrimination fondée sur une ou plusieurs de ses déficiences pendant qu’il travaillait comme chauffeur d’autobus ou au moment de mettre fin à son emploi de chauffeur d’autobus en 2014.

[9] Même si M. Todd a reçu des diagnostics liés à plusieurs problèmes de santé mentionnés dans sa plainte, deux déficiences précises minaient sa capacité d’exercer ses fonctions de chauffeur d’autobus. D’abord et avant tout, M. Todd souffre du syndrome du côlon irritable (« SCI »), qui a été diagnostiqué en 2004 et qui lui a causé des problèmes intermittents au cours de sa carrière. M. Todd a également souffert de douleurs musculosquelettiques de façon épisodique pendant plusieurs années, mais de façon particulièrement aiguë de 2008 à 2010.

[10] Autrement dit, en raison des restrictions médicales imposées par les médecins de M. Todd (surtout en ce qui concerne son SCI), il était difficile pour lui de conduire un autobus. OC Transpo et M. Todd ont convenu que ce dernier s’absenterait du travail lorsque ses déficiences l’empêcheraient de travailler, et que de telles absences ne seraient pas retenues en sa défaveur dans le système de gestion de l’assiduité d’OC Transpo.

[11] En conséquence d’une telle approche en matière d’adaptation à l’égard des déficiences de M. Todd (approche que les parties ont désignée en tant que « plan d’adaptation »), M. Todd a accumulé un grand nombre d’absences du travail.

[12] M. Todd s’est aussi absenté du travail pour d’autres raisons. Dans certains cas, il a affirmé s’être absenté en raison d’une déficience, mais OC Transpo a indiqué qu’aucun document médical ne soutenait ses affirmations.

[13] Après que M. Todd se soit absenté du travail pendant une longue période sans fournir de justifications médicales, OC Transpo a décidé d’imposer un nouveau plan assorti de règles conçues afin qu’il améliore son assiduité au travail. Il s’agit du CEP. Parfois, les plans de ce genre sont appelés « ententes de la dernière chance », parce qu’ils constituent souvent la dernière chance accordée à un employé qui, autrement, serait congédié.

[14] Au bout d’un peu plus d’une année de travail régi par le CEP, M. Todd avait amélioré son assiduité au travail, mais il ne faisait pas tout ce qu’il était tenu de faire selon le CEP. Plus important encore, il n’appelait pas son gestionnaire, M. Chaudhari, avant de manquer un quart de travail, de sorte que ce dernier ne pouvait pas lui offrir d’autres tâches. Aux termes du CEP, M. Todd devait communiquer avec son gestionnaire, et le fait de ne pas se conformer à cette exigence pouvait entraîner son congédiement.

[15] Après avoir été averti verbalement et par écrit relativement à son défaut de communiquer avec son gestionnaire avant de s’absenter du travail, le 29 janvier 2014, M. Todd a manqué un quart de travail en raison d’une grippe sans appeler son gestionnaire.

[16] OC Transpo a alors décidé de congédier M. Todd.

[17] Toutefois, lorsqu’OC Transpo a pris la décision de le congédier, elle a tenu compte de l’ensemble des antécédents d’absence de M. Todd. Elle n’a pas tenu compte de ses absences liées à une déficience séparément de ses autres absences, et n’a pas évalué si elle aurait pu faire autre chose pour s’adapter aux déficiences de M. Todd avant de prendre en considération l’ensemble de ses absences et de décider de le congédier.

[18] La Loi canadienne sur les droits de la personne protège les Canadiens contre la discrimination fondée sur une caractéristique protégée, en l’occurrence une déficience. Par conséquent, un employeur ne peut réserver un traitement défavorable à un employé lorsqu’une caractéristique protégée (la déficience) constitue un facteur dans sa décision.

[19] Lorsqu’un plaignant prouve, selon la prépondérance des probabilités, qu’un employeur a agi d’une façon préjudiciable à son endroit en fonction d’une caractéristique protégée, l’employeur doit alors démontrer qu’il a pris toutes les mesures d’adaptation possibles sans s’imposer de contrainte excessive.

[20] Pour ce faire, l’employeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a pris à l’égard du plaignant toutes les mesures d’adaptation qu’il pouvait prendre sans qu’il en résulte une contrainte excessive. Si l’employeur ne peut justifier la conduite discriminatoire, on conclura qu’il y a eu discrimination (Beattie et Bangloy c. Affaires autochtones et du Nord Canada, 2019 TCDP 45, au par. 91).

[21] Dans la présente affaire, OC Transpo pouvait congédier M. Todd au motif qu’il n’avait pas communiqué avec son gestionnaire avant son quart de travail. Cependant, dans la mesure où elle a invoqué [traduction] « l’absentéisme excessif continu » de M. Todd comme motif supplémentaire de congédiement, elle devait prouver qu’elle s’était efforcée de répondre aux besoins de M. Todd, mais qu’elle avait atteint la limite de la contrainte excessive en matière de santé, de sécurité ou de coûts. Elle ne l’a pas fait et ne s’est donc pas acquittée du fardeau que lui imposait la Loi.

[22] Par conséquent, j’ai conclu qu’OC Transpo avait enfreint la Loi en congédiant M. Todd (en partie) pour [traduction] « absentéisme excessif continu ».

III. La plainte

[23] M. Todd a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, dans laquelle il cernait trois éléments principaux :

  1. la réponse d’OC Transpo à sa demande de mesures d’adaptation n’était pas conforme aux obligations procédurales et aux obligations de fond de l’entreprise de prendre des mesures d’adaptation au travail relativement à ses déficiences;
  2. l’imposition d’un CEP par OC Transpo à son retour au travail en 2012 était discriminatoire en regard de sa déficience, surtout compte tenu de la raison de la mise en place du CEP et des conditions imposées;
  3. OC Transpo a fait preuve de discrimination à son égard au moment de le congédier en 2014, parce que son congédiement était, du moins en partie, fondé sur des absences liées à sa déficience.

[24] OC Transpo a soutenu ne pas avoir manqué à ses obligations à l’égard de M. Todd, et a plutôt fait valoir ce qui suit :

  1. M. Todd a demandé et obtenu des mesures d’adaptation pour son SCI et, dans les circonstances, ces mesures étaient appropriées. OC Transpo a soutenu que M. Todd était satisfait des plans d’adaptation, malgré le fait que, concrètement, ceux-ci faisaient en sorte qu’il s’absentait souvent du travail. Elle a affirmé que M. Todd avait contesté les plans d’adaptation seulement après son congédiement.
  2. M. Todd a été assujetti au CEP à son retour au travail parce qu’il s’était absenté du travail pendant plusieurs mois, sans fournir de justifications médicales, et que son gestionnaire estimait avoir besoin d’une approche plus rigoureuse pour gérer son assiduité. De plus, OC Transpo a affirmé que les absences de M. Todd en 2012 n’étaient liées à aucune déficience.
  3. M. Todd a été congédié en 2014 au motif qu’il avait violé le CEP à plusieurs reprises en omettant de communiquer avec son superviseur avant le début de son quart de travail. OC Transpo a fait valoir que cette exigence était en place afin que M. Chaudhari puisse mieux gérer l’assiduité de M. Todd au travail et que M. Todd puisse se voir attribuer d’autres tâches (qui respectaient ses restrictions médicales) s’il était incapable d’accomplir ses tâches normales de chauffeur d’autobus.

IV. Question préliminaire

A. Calcul des jours

[25] Les parties et le Tribunal ont consacré beaucoup de temps et d’efforts à tenter de dresser un dossier complet de la présence au travail de M. Todd de 2001 à 2014.

[26] En plus des documents volumineux qui ont été présentés au Tribunal, les parties ont, à ma demande, produit (sur consentement) un calendrier annoté des 11 années visées par la plainte (2004‑2014). Ce calendrier m’a été extrêmement utile pour ce qui est d’avoir une vue d’ensemble de la présence au travail de M. Todd et des raisons de ses différentes absences au fil du temps, et ce, malgré le fait que le dossier contient un certain nombre de dates sur lesquelles les parties n’ont pas pu s’entendre.

[27] Ces cas sont assez limités et de peu d’importance, en proportion des 11 années qui font l’objet du différend.

[28] Après avoir analysé tous les éléments de preuve produits en l’espèce et examiné en détail la plainte, pour les motifs exposés en détail ci-après, je ne crois pas que la présente affaire repose sur le nombre précis de jours de travail de M. Todd ni sur le nombre de jours de travail qu’il a manqués et les raisons pour lesquelles il l’a fait;même sans connaître avec exactitude le nombre de jours travaillés, et même sans que l’on s’entende sur la nature de chaque absence, il est clair que M. Todd était souvent absent du travail.

[29] Parfois, de telles absences étaient liées aux déficiences de M. Todd et, parfois, elles ne l’étaient pas. Dans d’autres cas, je m’interroge sérieusement sur les raisons des absences de M. Todd, car je ne suis pas convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il existait un motif valable pour justifier un grand nombre d’entre elles.

[30] Cela dit, mes conclusions à l’égard de la présente plainte ne tiennent pas à la question de savoir à partir de combien de jours on peut parler d’un trop grand nombre ni à celle de savoir si les jours de congé de maladie de M. Todd étaient comptabilisés fidèlement dans un registre ou une feuille de calcul.

[31] Je n’ai pas cherché à analyser les centaines de pages de preuves concernant chaque quart de travail manqué au cours de la carrière de M. Todd pour établir le nombre précis de jours où il a travaillé durant une année donnée, ou pour déterminer si c’était la description d’une absence donnée par M. Todd ou celle donnée par OC Transpo qui était la bonne. Je ne crois pas avoir suffisamment d’éléments de preuve pour répondre à ces questions de façon assez précise, tout comme je ne crois pas que quoi que ce soit influe sur la réponse, dans un sens ou dans l’autre.

[32] Ainsi, lorsque j’ai rendu compte des éléments de preuve dans la présente décision, j’estime avoir été aussi précise que la preuve le permettait et que ma décision l’exigeait. Et, lorsque des chiffres précis sont fournis, il faut les considérer comme la meilleure évaluation qu’il m’était possible de faire en fonction des éléments de preuve dont je disposais. Je reconnais que certains aspects du dossier ne m’ont pas paru parfaitement limpides, mais, dans le contexte général de cette plainte, je crois que cela n’est pas important.

V. Chronologie de la plainte

[33] Dans sa plainte, le plaignant allègue avoir été victime d’actes discriminatoires répartis sur près d’une décennie. Même si j’ai conclu que la plainte porte sur deux problèmes de santé principaux, les faits révèlent que le plaignant a prétendument composé avec quatre problèmes de santé distincts pendant qu’il travaillait pour OC Transpo.

[34] J’espère qu’un aperçu de la chronologie pertinente aidera à éclaircir l’analyse juridique qui suit.

[35] M. Todd a été embauché comme chauffeur d’autobus par OC Transpo en 2001 et a commencé sa carrière avec beaucoup de succès. M. Todd était membre du Syndicat uni du transport (le « SUT »).

[36] De toute évidence, M. Todd aimait son travail de chauffeur d’autobus et, au début de sa carrière, il a reçu plusieurs éloges pour l’excellence de son service.

(i) Les douleurs musculosquelettiques

[37] Vers 2004, M. Todd a commencé à souffrir d’une douleur et d’une déficience croissantes au cou et à l’épaule. À l’automne 2004, il s’est adressé à la Dre Maureen Grace, médecin en médecine sportive, pour obtenir un traitement. La Dre Grace a recommandé une série de traitements – y compris de la massothérapie et de la physiothérapie – que M. Todd a suivis.

[38] Le dossier médical de M. Todd tenu par la Dre Grace a été présenté en preuve à l’audience. D’après les notes y figurant, le traitement suivi à l’époque par M. Todd pour des douleurs musculosquelettiques s’est limité à quelques rendez‑vous avec la Dre Grace et aux thérapies de suivi recommandées. Rien n’indique que ces douleurs musculosquelettiques ont eu pour conséquence de limiter la capacité de travailler de M. Todd.

(ii) Le diagnostic du syndrome du côlon irritable et les mesures d’adaptation connexes

[39] Toujours en 2004, M. Todd a reçu un diagnostic de SCI, une affection gastrointestinale qui touche la partie inférieure de l’intestin et qui peut causer des crampes, des douleurs abdominales, des ballonnements, des gaz, de la diarrhée et de la constipation. Même s’il n’existe pas de remède connu contre le SCI, la maladie est intermittente (caractérisée par des poussées des symptômes), et les symptômes peuvent souvent être traités par des choix de vie, comme l’alimentation, l’exercice et la réduction du stress.

[40] À la suite de son diagnostic de SCI, M. Todd a entrepris un processus afin que son employeur reconnaisse son état comme étant une déficience, notamment quant aux restrictions et limitations qui affectaient sa capacité de travailler comme chauffeur d’autobus.

[41] Le gastroentérologue de M. Todd, le Dr Tambay, a rempli un formulaire d’examen médical (le « FEM ») de la Ville d’Ottawa dans lequel il décrivait une série de restrictions liées à l’état de santé de M. Todd. Essentiellement, le Dr Tambay a informé OC Transpo que M. Todd devait pouvoir aller aux toilettes lorsqu’il avait des poussées de SCI. Le Dr Tambay a également indiqué que ces poussées seraient intermittentes et leur fréquence, plutôt imprévisible.

[42] En septembre 2005, OC Transpo a accepté la demande de mesures d’adaptation de M. Todd relativement à son SCI. M. Todd a été informé que son employeur reconnaîtrait officiellement son diagnostic comme une déficience.

Le Plan d’adaptation de 2005

[43] Le 22 septembre 2005, OC Transpo, M. Todd et le SUT ont signé une entente officielle établissant l’approche que tous adopteraient quant aux mesures d’adaptation en milieu de travail à prendre à l’égard du SCI de M. Todd. L’entente prévoyait ce qui suit :

[traduction]

[…]

En raison de cette déficience, et à la lumière des renseignements fournis par le médecin traitant et des discussions entre l’employeur et l’employé, le plan d’adaptation suivant a été établi :

  1. L’employé consultera son médecin traitant relativement à chaque absence du lieu de travail liée à la déficience.

  2. Pour chaque absence du lieu de travail liée à la déficience documentée de l’employé, un certificat médical signé par le médecin traitant doit être fourni au service de SMEE. Le certificat doit mentionner clairement que l’absence est causée par la déficience documentée.

  3. L’employé communiquera avec le service de SMEE avant son retour au travail ou à son retour au travail à la suite de chaque absence du lieu de travail attribuable à la déficience documentée.

  4. Toutes les absences conformes au point 2 ci‑dessus seront consignées séparément des autres congés et présences au dossier de l’employé.

Le présent plan d’adaptation sera révisé chaque année à compter de la date de sa signature, et les renseignements médicaux liés à la déficience documentée seront réévalués à ce moment‑là.

(Le « Plan d’adaptation de 2005 ».)

[44] Selon les éléments de preuve dont je disposais à l’audience, le Plan d’adaptation de 2005 a été mis en œuvre avec succès, sans problème ni plainte de la part de M. Todd ou d’OC Transpo.

(iii) Le diagnostic et le traitement du reflux gastro-œsophagien pathologique

[45] À la même époque, M. Todd présentait également les symptômes d’un trouble connu sous le nom de reflux gastro-œsophagien pathologique (« RGO »), qui entraînait parfois un reflux acide débilitant. M. Todd, qui éprouvait un important inconfort en raison de ce problème de santé, a cherché à obtenir un traitement.

[46] Le traitement dont M. Todd a fait l’objet comprenait une intervention chirurgicale qui a malheureusement échoué. M. Todd a dû composer avec les complications associées à l’intervention, y compris un gonflement de la zone autour de l’œsophage, qui, selon le témoignage de M. Todd, était douloureux et parfois incapacitant.

[47] Afin de remédier à ces complications, M. Todd a subi, en 2006 et en 2007, une série d’interventions visant à étirer son œsophage dans le but d’en rétablir le fonctionnement normal. Cette procédure est appelée dilatation de l’œsophage.

[48] M. Todd a déclaré que la dilatation de l’œsophage était également très douloureuse, et qu’il avait dû jeûner avant la procédure prévue. Dans les jours qui ont suivi la procédure, M. Todd n’a pas pu travailler.

[49] M. Todd a dû s’absenter du travail pendant environ un mois au début de 2005 pour subir la première intervention chirurgicale liée au RGO. Durant cette période, il a manqué quelque 22 jours de travail prévus à l’horaire et a pris 5 jours de vacances. Les dossiers d’OC Transpo révèlent que ces absences ont été traitées comme des absences involontaires (ou excusées) aux fins du système de gestion de l’assiduité d’OC Transpo.

[50] À au moins trois autres occasions, M. Todd s’est absenté du travail pour subir la procédure de dilatation. Chaque fois, M. Todd manquait deux ou trois jours de travail.

[51] Tout au long de 2007, M. Todd a connu des poussées intermittentes de son SCI, ce qui lui a fait manquer quelque 42 jours de travail cette année‑là. M. Todd s’est aussi absenté deux jours à la suite d’un accident de travail, trois jours pour des vacances, six jours pour un congé de maladie certifié à la suite d’une entorse cervicale, cinq jours en raison d’une maladie et six jours à cause d’un problème de santé mentale connu sous le nom de dysthymie, pour un total de 64 jours de travail manqués.

[52] Durant son témoignage, M. Todd a déclaré que, en 2008, il souffrait toujours de douleurs musculosquelettiques et d’une certaine anxiété associée à l’échec de la procédure liée au RGO. En 2008, M. Todd a rencontré à nouveau la Dre Grace pour une autre évaluation et un autre traitement de ses douleurs au cou et à l’épaule.

[53] M. Todd a reçu un diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs et, le 4 février 2008, la Dre Grace a recommandé qu’il prenne 12 semaines de congé comme chauffeur d’autobus pour donner à son cou et à son épaule l’occasion de guérir, ce que M. Todd a fait.

[54] La Dre Grace a également défini un certain nombre de restrictions médicales temporaires liées aux douleurs musculosquelettiques de M. Todd, mais, comme ce dernier ne se présentait pas au travail, ces restrictions temporaires n’ont jamais été appliquées.

[55] Selon le témoignage de M. Todd et les notes détaillées qui ont été déposées en preuve à l’audience, M. Todd n’a travaillé que de façon intermittente pendant la période précédant le diagnostic de tendinite de la coiffe des rotateurs rendu par la Dre Grace. M. Todd a été en congé d’invalidité de courte durée à compter du 2 janvier 2008.

[56] Le 18 juin 2008, M. Todd est retourné au travail. Il occupait alors un poste adapté assorti de tâches modifiées en fonction des restrictions imposées par la Dre Grace. M. Todd a nettoyé des autobus jusqu’au 26 août 2008. Durant son témoignage, M. Todd a déclaré que, même si le poste adapté satisfaisait aux restrictions et aux limitations imposées par sa docteure, il n’aimait pas les tâches modifiées qui lui étaient confiées et il les trouvait difficiles à accomplir en raison de ses blessures.

[57] Le 26 août 2008, M. Todd a cessé de travailler en raison de ses problèmes musculosquelettiques, et il a touché des prestations d’invalidité de longue durée jusqu’au 5 février 2010.

Le Plan d’adaptation de 2010

[58] Peu après le retour de M. Todd au travail, en février 2010, OC Transpo a lancé un processus de révision et de mise à jour (au besoin) du Plan d’adaptation de 2005. Le Plan d’adaptation de 2005 prévoyait un processus de révision annuel, mais, d’après la preuve, il ne semble pas qu’une telle révision ait été effectuée avant 2010.

[59] M. Todd a demandé au Dr Tambay des renseignements médicaux à jour pour confirmer le maintien du diagnostic de SCI, et un plan d’adaptation quelque peu révisé a été rédigé.

[60] Le 28 juin 2010, le plan d’adaptation mis à jour a été signé. Les dispositions du nouveau plan correspondaient en grande partie à celles du Plan d’adaptation de 2005, avec quelques modifications. Cependant, concrètement, peu de choses ont changé. Le plan révisé prévoyait ce qui suit :

[traduction]

L’employeur a reçu du service de Santé et mieux‑être des employés (SMEE) la confirmation que l’employé a une déficience, au sens des lignes directrices établies en matière de droits de la personne, et qu’il a besoin de mesures d’adaptation en milieu de travail. Les parties conviennent de ce qui suit :

  1. Les absences pour des raisons médicales liées à la déficience de l’employé seront consignées séparément des autres congés et présences à son dossier, à condition que l’employé :

  • soit évalué par son médecin traitant (ou son remplaçant si le médecin traitant n’est pas disponible) pour chaque absence du travail liée à la déficience;

  • fournisse, dans les dix (10) premiers jours de l’absence, un certificat médical (formulaires remis à l’employé) signé par son médecin traitant, qui précise clairement que l’absence est attribuable à la déficience documentée;

  • communique avec le service de SMEE et son superviseur dès que possible au début de toute absence liée à une déficience.

  1. Des certificats médicaux pour les absences non liées à la déficience documentée devront être fournis conformément aux dispositions applicables de la convention collective.

Le présent plan d’adaptation sera révisé chaque année ou, au besoin, à la demande de l’une des parties (l’employé ou l’employeur).

(Le « Plan d’adaptation de 2010 ».)

[61] Le Plan d’adaptation de 2010 exigeait de M. Todd qu’il communique avec son superviseur [traduction] « dès que possible » au début de toute absence liée à une déficience. Les parties à la présente plainte ont convenu que, même si M. Todd communiquait régulièrement avec le répartiteur lorsqu’il s’apprêtait à manquer un quart de travail (pour quelque raison que ce soit), il ne communiquait pas avec son superviseur comme l’exigeait le Plan d’adaptation de 2010.

L’évaluation ergonomique de 2010

[62] À son retour au travail, en février 2010, M. Todd a eu avec Susan Gibbons, consultante en ergonomie à la Ville d’Ottawa, une rencontre qui visait à assurer la réussite de sa transition vers un retour à ses fonctions de chauffeur d’autobus. Le rôle de Mme Gibbons n’était pas d’établir ou de confirmer des restrictions et des limitations médicales; l’objectif du rendez‑vous était plutôt de cerner la meilleure façon d’éviter d’aggraver à nouveau le problème au cou et à l’épaule qui avait empêché M. Todd de travailler pendant plus d’un an.

[63] À ce moment‑là, la seule restriction médicale d’ordre musculosquelettique de M. Todd était qu’il devait s’étirer toutes les deux ou trois heures. OC Transpo avait établi que cette restriction médicale pouvait être respectée dans le cadre des fonctions qu’occupait M. Todd à l’époque, et qu’elle n’exigeait pas de mesures d’adaptation quant à ses fonctions de chauffeur d’autobus ni de mesures d’adaptation officielles. Autrement dit, M. Todd pouvait adapter lui‑même ses conditions de travail.

[64] Durant son rendez‑vous en ergonomie avec Mme Gibbons, le 8 février 2010, M. Todd s’est dit préoccupé de savoir si son retour au travail lui permettrait de poursuivre ses exercices d’étirement. Il a également souligné qu’il ne tolérait la position assise que pendant environ une heure, même si son médecin n’a pas mentionné qu’il s’agissait d’une restriction médicale à ce moment‑là.

[65] Toujours durant le rendez‑vous en ergonomie, M. Todd a exprimé une préférence pour les autobus dotés d’accoudoirs et a souligné qu’il préférait des quarts de travail sur des itinéraires d’autobus plutôt rectilignes, ce qui exigeait moins de manipulation du grand volant.

[66] Dans son rapport du 12 février 2010, Mme Gibbons a formulé les recommandations suivantes relativement au retour au travail de M. Todd :

[traduction]

1. Pour assurer la réussite du retour au travail de M. Todd, je suggère que ce dernier soit affecté à un itinéraire qui lui offre suffisamment de temps de récupération à la fin d’un trajet. M. Todd a l’impression que ce serait plus envisageable pendant un quart de soir.

2. Je recommande également que, pendant son processus de retour au travail, M. Todd soit affecté à des autobus qui sont munis d’accoudoirs afin de fournir un soutien supplémentaire à la région du cou et de l’épaule. Ces autobus seraient notamment les modèles récents des séries 4300, 4400 et 5000.

3. J’ai demandé à M. Todd de communiquer avec moi deux semaines après son retour au travail pour fixer une date de suivi.

4. M. Todd a été encouragé à se lever de son siège et à s’étirer à la fin de chaque trajet, même si ce n’est que pour un bref moment (de 1 à 2 minutes).

[67] En réponse aux recommandations de Mme Gibbons, OC Transpo a déterminé que, même si le type d’autobus que M. Todd préférait était plus susceptible de se retrouver sur certains itinéraires, il lui était impossible, sur le plan opérationnel, de garantir que M. Todd obtiendrait en tout temps un autobus d’un type précis pendant son processus de retour au travail.

[68] La méthode d’attribution des itinéraires prévue dans la convention collective limitait également la mesure dans laquelle la Ville pouvait affecter M. Todd à un itinéraire précis. Cependant, il a été convenu à l’audience que M. Todd avait suffisamment d’ancienneté, à cette étape de sa carrière au sein d’OC Transpo, pour pouvoir exercer un certain contrôle sur les itinéraires qu’on lui attribuait dans le processus de proposition d’horaires.

[69] Autrement dit, la Ville a soutenu que M. Todd pouvait lui-même accroître la probabilité qu’on lui attribue des itinéraires lui permettant de conduire le type d’autobus qu’il préférait en réservant des quarts de travail où de tels véhicules étaient régulièrement utilisés, tout comme il pouvait choisir des itinéraires plus rectilignes, afin d’adapter lui‑même ses conditions de travail, mais il ne l’a pas fait.

[70] D’après la preuve, il semble que, durant le processus de retour au travail de M. Todd en 2010, ni lui ni OC Transpo n’ont pris de mesures pour mettre en œuvre les recommandations ergonomiques de Mme Gibbons. Il semble aussi que M. Todd n’a jamais cherché à obtenir le rendez‑vous de suivi qui avait été recommandé.

[71] Après son retour au travail, M. Todd a continué de subir des poussées intermittentes de son SCI, ce qui a entraîné son absence du travail. Il a aussi eu deux épisodes de douleurs myofasciales. Durant son témoignage, M. Todd a déclaré que, quelques mois seulement après son retour au travail, sa santé musculosquelettique a commencé à se détériorer.

Le formulaire d’examen médical d’avril 2010

[72] M. Todd est retourné voir la Dre Grace, qui a fourni un nouveau FEM faisant état d’un diagnostic de douleurs arthritiques myofasciales bilatérales au cou accompagnées d’une tendinite à l’épaule. La Dre Grace a prescrit à OC Transpo un certain nombre de restrictions médicales et a précisé que M. Todd aurait besoin de mesures d’adaptation permanentes en milieu de travail (le « FEM d’avril 2010 »).

[73] Dans le FEM d’avril 2010, la Dre Grace a souligné que l’affection musculosquelettique de M. Todd risquait de réapparaître sous forme de [traduction] « poussées intermittentes », mais que le pronostic de présence régulière et constante au travail de M. Todd était positif.

[74] La Dre Grace poursuivait en disant que, pendant une poussée, M. Todd serait en mesure d’effectuer des tâches modifiées, à condition que ses fonctions respectent certaines restrictions médicales, notamment :

  • ne pas soulever de charges de plus de 5 kg;
  • ne pas tirer ou pousser des charges de plus de 5 kg;
  • éviter de tourner le cou à répétition.

[75] La Dre Grace a aussi répété la demande antérieure de M. Todd concernant un autobus avec accoudoirs. Elle a fait remarquer qu’il fallait éviter les autobus de la série 4200, en raison de leur colonne de direction, et les autobus de la série 97 NOVA, en raison de la position du siège avant. Cependant, en contre‑interrogatoire, la Dre Grace a reconnu que ces recommandations ne correspondaient pas à des limitations médicales découlant de l’examen de son patient, mais qu’il s’agissait plutôt de demandes qu’elle transmettait au nom de M. Todd.

[76] À la réception du FEM d’avril 2010, OC Transpo a demandé des précisions au sujet de la restriction médicale formulée par la Dre Grace quant au besoin de limiter les mouvements du cou de M. Todd, car une telle restriction soulevait des questions quant à la capacité de M. Todd de conduire un autobus en toute sécurité.

[77] Entre‑temps, OC Transpo a décidé d’offrir à M. Todd des tâches modifiées en attendant de pouvoir régler les questions en suspens liées à ses restrictions et limitations et à leur incidence sur sa capacité de conduire un véhicule de manière sécuritaire.

[78] Le 12 juillet 2010, OC Transpo a écrit à la Dre Grace pour solliciter des précisions à ce sujet et pour lui demander directement si, sur le plan médical, M. Todd était apte à conduire. Le 9 août 2010, la Dre Grace a rempli le formulaire fourni par la Ville et confirmé que M. Todd pouvait effectivement conduire un véhicule en toute sécurité. À ce moment‑là, elle a également modifié son opinion médicale antérieure au sujet des problèmes de santé de M. Todd, en indiquant que ce dernier n’avait plus aucune restriction médicale permanente liée à son affection musculosquelettique.

L’évaluation des capacités fonctionnelles de 2010

[79] Étant donné ce soudain revirement dans l’avis médical de la Dre Grace, et pour confirmer la capacité de M. Todd de conduire un autobus en toute sécurité, la Ville a demandé à M. Todd de se soumettre à une évaluation des capacités fonctionnelles (« ECF »).

[80] L’ECF a eu lieu en septembre 2010 et les résultats ont révélé que M. Todd ne faisait face à aucune limitation fonctionnelle ni à aucun obstacle au travail. Selon les résultats de l’examen musculosquelettique et des tests fonctionnels qu’il a subis, le pronostic quant à la présence régulière et fiable de M. Todd au travail était [traduction] « excellent ».

[81] Les éléments de preuve soumis au Tribunal n’ont apporté aucune explication pour justifier la divergence entre les conclusions de la Dre Grace détaillées dans le FEM d’avril 2010 (et faisant état d’un besoin de mesures d’adaptation permanentes) et les résultats de l’ECF de septembre 2010. Toutefois, les résultats de l’ECF ont confirmé le diagnostic révisé fourni par la Dre Grace en août, selon lequel M. Todd n’était soumis à aucune restriction ni limitation à ce moment‑là.

[82] Si M. Todd estimait que ses limitations médicales ou opérationnelles n’étaient pas adéquatement évaluées ou représentées dans le rapport de l’ECF, il lui incombait de le faire savoir au moment de l’établissement du rapport, que ce soit en fournissant d’autres documents médicaux de son médecin, en communiquant directement avec la personne chargée de l’évaluation, en informant son superviseur ou le service de Santé et mieux‑être des employés (SMEE) de ses préoccupations ou en communiquant avec son syndicat.

[83] Monsieur Todd n’a pris aucune de ces mesures.

[84] M. Todd est retourné au travail alors que le Plan d’adaptation de 2010 était toujours en place, sans autre mesure d’adaptation ou restriction. Rien n’indique que M. Todd se soit opposé au fait de retourner au travail dans de telles conditions. Au contraire, d’après le rapport de l’ECF et le témoignage de M. Todd, je constate qu’à ce moment‑là, il était impatient de retourner travailler comme chauffeur d’autobus, et ce, avec le moins de restrictions possible.

(iv) Les absences du travail de M. Todd en 2012

[85] Vers mars 2012, M. Todd a affirmé avoir subi une autre blessure physique qui a eu une incidence sur sa capacité de travailler. Les éléments de preuve présentés au Tribunal n’établissent pas clairement la nature précise du problème ni sa cause.

[86] M. Todd a déclaré s’être blessé aux quadriceps en déplaçant un réfrigérateur au début de mars, ce qui l’a empêché d’aller travailler du 2 au 8 mars 2012. Il a fourni à la Ville un certificat médical à ce sujet.

[87] Au cours de la même période, M. Todd a également présenté une demande de prestations d’assurance relativement à un problème musculosquelettique différent.

[88] Les documents relatifs à ces absences, qui figuraient au dossier de M. Todd au service de SMEE et qui ont été déposés en preuve à l’audience, ne fournissent aucune précision sur la nature de la blessure en question. M. Todd a déposé une série de certificats médicaux, sans donner les raisons de son absence, et il n’apparaît pas clairement qu’OC Transpo disposait de renseignements sur les raisons pour lesquelles M. Todd avait manqué les quarts de travail concernés.

[89] Le 7 avril 2012, OC Transpo a fait valoir que M. Todd avait épuisé sa banque de jours de maladie, puisqu’il en avait utilisé un total de 17 semaines depuis l’automne 2011.

[90] M. Todd a alors contesté cette affirmation, et ces points de vue contradictoires ont entraîné une certaine confusion et une série d’échanges entre M. Todd et le service de SMEE, au début de mai 2012.

[91] À la lumière des éléments de preuve portés à ma connaissance à l’audience, je ne peux tirer de conclusion définitive sur ce qui s’est passé relativement au prétendu congé de maladie de M. Todd au cours de la première partie de 2012, et je ne peux non plus conclure, selon la prépondérance des probabilités, que cette période d’absence était liée à une déficience. En revanche, ce qui est clair, c’est qu’au début de mai 2012, le service de SMEE a encouragé M. Todd à présenter une demande de prestations d’invalidité de longue durée (« ILD »).

[92] Au bout du compte, M. Todd a présenté une demande de prestations (qui a été refusée), mais le processus ne s’est conclu qu’à la fin d’août 2012. Entre‑temps, M. Todd ne s’est pas présenté au travail et, même s’il a affirmé qu’il était invalide, cette affirmation n’a pas été corroborée par les éléments de preuve dont je disposais à l’audience.

[93] Durant son témoignage, la Dre Grace, qui a participé au processus de demande de prestations de M. Todd, a déclaré avoir rempli en juin 2012 des documents dans lesquels elle indiquait avoir diagnostiqué chez M. Todd les affections suivantes : douleur myofasciale au cou; douleur myofasciale à la hanche droite; bursite trochantérienne à la hanche droite; tendinite calcifiante à l’épaule gauche. Elle ajoutait que M. Todd ne pouvait s’asseoir pendant plus de 30 minutes sans pause, ni tendre à répétition son bras droit vers l’avant (l’« examen médical de juin 2012 »).

[94] La Dre Grace a également souligné que M. Todd était aux prises avec ces problèmes depuis 2004, et que ses symptômes se manifestaient occasionnellement et de façon intermittente.

[95] En contre‑interrogatoire, la Dre Grace a admis qu’elle n’avait pas interrogé M. Todd avant de remplir les documents d’assurance en juin 2012. Elle a ajouté qu’elle ne savait pas que M. Todd ne s’était pas présenté au travail pendant cette période. Dre Grace a affirmé qu’elle croyait que l’avis médical préparé en juin 2012 concernait la demande de prestations de massothérapie et de physiothérapie de M. Todd et qu’elle ignorait que les formulaires serviraient à appuyer une demande de prestations d’invalidité totale.

[96] Le 8 août 2012, des représentants de Manuvie ont communiqué avec M. Todd pour l’informer qu’ils devaient obtenir des renseignements supplémentaires au plus tard le 29 août 2012 afin de pouvoir terminer l’évaluation de sa demande de prestations d’ILD.

[97] Le 12 octobre 2012, des représentants de Manuvie ont contacté Kendra Haggarty, du service de SMEE, pour l’informer que la demande de prestations d’ILD de M. Todd n’était pas justifiée sur le plan médical et qu’elle était donc refusée. Les mêmes renseignements ont été officiellement communiqués au service de SMEE dans une lettre datée du 15 octobre 2012.

[98] À la lumière des éléments de preuve dont je disposais à l’audience – et plus particulièrement le témoignage de la Dre Grace –, je ne puis conclure, selon la prépondérance des probabilités, que M. Todd était dans l’incapacité de travailler en raison d’une déficience en 2012 (exception faite de ses absences alors liées au SCI, qui ne sont pas contestées).

[99] Après avoir été informé du rejet de sa demande de prestations d’ILD, M. Todd a communiqué avec M. Chaudhari le 19 octobre 2012 pour obtenir des renseignements sur les tâches modifiées et des précisions sur les jours de maladie auxquels il avait droit rétroactivement pour 2011 et 2012. M. Todd n’a pas dit à M. Chaudhari que sa demande de prestations d’ILD avait été jugée non fondée sur le plan médical.

[100] Le 22 octobre 2012, M. Chaudhari a dirigé M. Todd vers le service de SMEE en ce qui concerne ses congés de maladie et a promis de s’informer au sujet d’un retour au travail assorti de tâches modifiées.

[101] Le 25 octobre 2012, M. Chaudhari a fait un suivi auprès de M. Todd pour lui signaler qu’il avait envoyé une demande au service de SMEE à propos des mesures d’adaptation et des tâches modifiées.

[102] À ce moment‑là, des préoccupations ont été soulevées à l’interne à OC Transpo au sujet des absences inexpliquées de M. Todd et de sa capacité de revenir au travail de façon régulière et fiable. M. Chaudhari a organisé une réunion avec les responsables des relations de travail pour discuter de la situation et des prochaines étapes. Cette réunion a eu lieu le 24 octobre 2012.

[103] Le 27 octobre 2012, M. Todd a fait un suivi auprès du service de SMEE au sujet de ses jours de maladie et de la possibilité de revenir au travail avec des tâches modifiées. Puis, le 29 octobre 2012, le service de SMEE l’a informé qu’avant de pouvoir recommencer à travailler, il devait présenter un formulaire médical à jour décrivant ses restrictions médicales actuelles. Mme Kendra Haggerty, une employée de ce service, a demandé à M. Todd de faire remplir le formulaire par son médecin et de le retourner au service de SMEE avant le 12 novembre 2012.

[104] Le 1er novembre 2012, M. Todd a informé Mme Haggerty qu’il ne serait pas en mesure de voir son médecin avant le 19 novembre 2012 et qu’il ne pourrait donc pas respecter la date limite du 12 novembre.

[105] Le 6 novembre 2012, le service de SMEE a communiqué avec Yogi Sharma, à l’AMT, pour l’informer du dossier de M. Todd et lui en souligner la complexité.

[106] OC Transpo a soutenu que M. Todd avait été absent du travail pendant 263 jours depuis août 2011 et que le service de SMEE n’était pas en mesure de lui fournir d’autres paiements complémentaires pour ses congés de maladie. Dans les documents présentés en preuve à l’audience, Mme Lefebvre, du service de SMEE, a souligné que M. Todd avait utilisé 101 jours de congés de maladie payés en 2010, 104 jours de congés de maladie payés en 2011 et que, en date du 12 avril 2012, sa banque de congés de maladie était épuisée.

[107] Mme Lefebvre a mentionné que le service de SMEE préparait un plan de retour au travail pour M. Todd, mais que le processus exigeait de recevoir des renseignements médicaux du médecin de M. Todd.

[108] Le 13 novembre 2012, M. Chaudhari a envoyé une lettre à M. Todd pour l’informer de son statut d’emploi officiel, à savoir qu’il était considéré comme étant en congé sans solde et que ses prestations de soins de santé, de soins dentaires et d’assurance vie prendraient fin le 30 novembre 2012. M. Chaudhari a signalé à M. Todd qu’OC Transpo attendait les rapports médicaux remplis et l’a avisé que son statut d’emploi serait révisé si le service de SMEE ne les recevait pas le 30 novembre 2012 au plus tard.

[109] Le 19 novembre 2012, M. Todd a rencontré la Dre Grace, qui, selon ce qu’elle a déclaré à l’audience, n’avait pas eu le temps à ce moment-là de remplir les formulaires médicaux requis. M. Todd a informé le service de SMEE de la situation et du fait que les formulaires seraient remplis le 26 novembre 2012, puis transmis rapidement au service de SMEE. Il a également mentionné qu’il se croyait autorisé à reprendre ses fonctions normales et s’est informé sur l’actualisation de sa formation.

[110] Les représentants du service de SMEE ont répondu qu’ils examineraient les renseignements médicaux dès qu’ils les recevraient et qu’ils établiraient ensuite les mesures à prendre pour que M. Todd puisse reprendre le travail, si cela était possible sur le plan médical.

Le formulaire d’examen médical de novembre 2012

[111] Le 26 novembre 2012, M. Todd a remis un FEM partiellement rempli au service de SMEE; la Dre Grace n’y avait pas rempli la section qui portait sur la date de son retour au travail (le « FEM de novembre 2012 »).

[112] Dans le FEM de novembre 2012, la Dre Grace a noté que le pronostic de M. Todd relativement à sa présence régulière et constante était [traduction] « passable » et a mentionné les restrictions médicales suivantes :

  • marcher pendant un maximum de 45 minutes, avec un temps de récupération de 5 minutes;
  • rester debout pendant un maximum de 45 minutes, avec un temps de récupération de 5 minutes;
  • rester assis pendant un maximum de 45 minutes, avec un temps de récupération de 5 minutes;
  • ne pas soulever au‑dessus des épaules des charges de plus de 10 livres;
  • ne pas tirer ou pousser des objets à répétition avec le bras gauche;
  • ne pas s’étirer à répétition pour atteindre quelque chose;
  • ne pas exécuter de mouvements répétitifs au‑dessus de la tête.

[113] En contre‑interrogatoire, la Dre Grace a admis que le pronostic de présence au travail régulière et fiable qu’elle avait fait à l’égard de M. Todd dans le FEM de novembre 2012 n’était pas fondé sur son évaluation de l’état physique de M. Todd à ce moment‑là. Il s’agissait plutôt de son avis découlant du fait qu’elle avait appris, peu de temps avant, que M. Todd n’avait pas travaillé depuis un certain temps, sans justification médicale.

[114] Au cours de la même période, M. Todd, qui était impatient de retourner au travail, a informé le service de SMEE qu’il souhaitait revenir entre‑temps avec des tâches modifiées. Le service lui a indiqué qu’il transmettrait au service des affectations les formulaires nécessaires et les limitations médicales définies par la Dre Grace.

[115] Dans un courriel daté du 26 novembre 2012, Mme Haggarty a informé M. Todd qu’il avait été autorisé à exercer des fonctions modifiées, sous réserve des limitations énoncées dans le FEM de novembre 2012.

[116] Le 3 décembre 2012, la Dre Grace a transmis une mise à jour du FEM dans laquelle elle donnait son autorisation médicale à ce que M. Todd reprenne ses fonctions normales à compter du 4 décembre 2012.

[117] Le 4 décembre 2012, Kendra Haggarty a fait savoir que M. Todd avait été autorisé à reprendre son poste de chauffeur d’autobus.

[118] OC Transpo était toujours préoccupée par le pronostic de la Dre Grace selon lequel la capacité de M. Todd de se présenter régulièrement et constamment au travail n’était que [traduction] « passable ». Ainsi, le 5 décembre 2012, le service de SMEE a informé M. Todd qu’il devait fournir plus de renseignements médicaux provenant de sa docteure. OC Transpo a remis à M. Todd une lettre à l’intention de la Dre Grace, lettre que le service de SMEE avait également transmise directement à celle-ci.

[119] Durant l’audience, M. Todd a déclaré qu’il n’avait pas ouvert la lettre en question et qu’il n’en connaissait pas le contenu.

[120] Dans sa réponse, la Dre Grace a informé le service de SMEE que, même si les restrictions de M. Todd étaient temporaires, elles pourraient avoir une incidence sur sa capacité de conduire un autobus en toute sécurité et pourraient durer six mois. Elle a également avisé le service de SMEE que, selon elle, M. Todd devrait faire l’objet d’une autre ECF.

[121] Les notes liées à l’entretien téléphonique de la Dre Grace avec le service de SMEE ont été déposées en preuve à l’audience. L’auteure des notes, Mme Lefebvre, n’a pas témoigné à l’audience, mais le témoignage de la Dre Grace a permis de confirmer que le contenu des notes concordait avec son souvenir de leur conversation. Les notes de Mme Lefebvre étaient les suivantes :

[traduction]

J’ai reçu un appel de la Dre Maureen Grace. Elle dit qu’elle a reçu ma lettre et que, oui, elle appuie la réalisation d’une ECF. Je prendrai les dispositions nécessaires le plus tôt possible. De plus, la Dre Grace mentionne que, d’après les antécédents professionnels de M. Todd, son pronostic de présence régulière et constante est très mauvais. Elle dit que, même si M. Todd n’est pas considéré comme totalement invalide, il semble souffrir de nombreuses affections récurrentes. Elle se demande s’il devrait continuer à travailler comme chauffeur d’autobus et si un travail moins exigeant sur le plan physique ne lui conviendrait pas mieux. Elle a recommandé que la Ville essaie peut‑être de lui trouver un poste sédentaire et que, si son assiduité ne s’améliore pas, ainsi l’employeur aura fait tout ce qu’il pouvait faire pour adapter son milieu de travail.

J’ai répondu qu’une telle chose serait peut‑être envisageable grâce à notre processus de placement prioritaire.

La Dre Grace ne croit pas non plus que M. Todd devrait faire appel de la décision relative aux prestations d’invalidité, parce que, encore une fois, elle a dit qu’il n’est pas totalement invalide et qu’il peut travailler.

Elle était très surprise du nombre de jours de maladie que M. Todd a accumulés au cours des six dernières années, et elle convient que cela dépasse ce qu’un employeur devrait avoir à gérer. Elle comprend la réticence ou l’hésitation de la direction à réintégrer M. Todd, surtout dans son poste de chauffeur d’autobus.

Elle répondra de son mieux à mes questions et enverra le document par télécopieur aujourd’hui.

[…]

[122] M. Todd a été mis en congé payé aux fins d’enquête du 4 décembre 2012 au 3 janvier 2013, date où il est retourné au travail pour une formation d’appoint.

[123] Dans l’intervalle, M. Todd a été soumis à une autre ECF complète, qui s’est déroulée sur deux jours, soit les 17 et 18 décembre 2012 (l’« ECF de décembre 2012 »).

[124] Selon le rapport de l’ECF de décembre 2012, rien ne faisait obstacle à ce que M. Todd reprenne ses fonctions normales de chauffeur d’autobus. En fait, le rapport mentionnait que M. Todd était impatient de retourner au travail le plus rapidement possible et que rien ne l’empêchait d’exercer ses fonctions de chauffeur d’autobus.

[125] Vu ces résultats et le désir exprimé par M. Todd de reprendre son rôle de chauffeur d’autobus, il n’a plus été question de lui attribuer un autre rôle au sein d’OC Transpo ni dans le cadre du programme de placement prioritaire de la Ville. M. Todd a été jugé apte à reprendre le travail et, d’ailleurs, c’est ce qu’il voulait. Par conséquent, les parties ont préparé un plan pour l’aider à reprendre ses fonctions.

(v) Le contrat d’emploi permanent

[126] Le superviseur de M. Todd, M. Chaudhari, a déclaré à l’audience que, tandis que M. Todd se préparait à retourner au travail, pour sa part, il s’inquiétait toujours de la capacité de ce dernier de se présenter au travail de façon régulière et fiable, ainsi que de sa propre capacité de gérer l’assiduité de M. Todd.

[127] M. Sharma, qui agissait à titre de délégué syndical du SUT, a participé activement aux négociations continues sur le retour au travail de M. Todd comme chauffeur d’autobus. Durant leur témoignage, M. Sharma et M. Chaudhari ont tous deux déclaré que M. Sharma militait activement pour qu’OC Transpo trouve un moyen de permettre à M. Todd de retourner au travail, malgré les préoccupations liées à son pronostic d’assiduité. M. Sharma a déclaré avoir supplié M. Chaudhari de donner une chance à M. Todd, car il croyait qu’à ce moment‑là, OC Transpo envisageait de le congédier.

[128] M. Sharma a réussi à convaincre OC Transpo de conclure une entente de la dernière chance avec M. Todd, ce que les parties à la plainte ont appelé le contrat d’emploi permanent (« CEP »).

[129] À la suite d’une série de discussions entre le syndicat et OC Transpo et de négociations concernant diverses dispositions, le 28 décembre 2012, M. Todd, le SUT et OC Transpo ont signé une entente visant à encadrer le retour au travail de M. Todd pour une période de 18 mois.

[130] Les modalités du CEP étaient les suivantes :

[traduction]

  1. L’employé, Jamison Todd, accepte de rencontrer son chef de section chaque mois.
  2. À chacune de ses absences, Jamison Todd doit appeler son chef de section avant le quart de travail prévu.
  3. Un certificat médical doit être fourni conformément à la convention collective.
  4. L’employé, Jamison Todd, ne doit pas manquer plus de quatre jours par trimestre (trois mois).
  5. Le présent contrat d’emploi permanent demeurera en vigueur pendant une période de dix‑huit (18) mois à compter de la date de sa signature.
  6. Si M. Todd ne satisfait pas à l’une ou l’autre des conditions énoncées aux paragraphes 1 à 5, son emploi auprès de la Ville d’Ottawa prendra fin immédiatement.
  7. L’employé, Jamison Todd, et le syndicat conviennent que, en signant le présent contrat d’emploi permanent, ils renoncent à déposer un grief sur la présente mesure ou sur toute autre mesure qui pourrait entraîner le congédiement de M. Todd pour violation du présent contrat.

[131] Par suite de la signature du CEP, M. Todd est retourné au travail en janvier 2013.

[132] On a aussi demandé à M. Todd de mettre à jour les renseignements médicaux à l’appui de son Plan d’adaptation de 2010.

[133] Il a fallu plusieurs mois à M. Todd pour obtenir les renseignements nécessaires du Dr Tambay, ce qui a retardé la rédaction d’un plan d’adaptation à jour.

Le Plan d’adaptation de 2013

[134] Le nouveau plan d’adaptation lié au SCI a été signé en novembre 2013. Il prévoyait un protocole particulier destiné à faciliter l’attribution d’autres tâches à M. Todd, lorsqu’il ne pouvait travailler en raison de son SCI. Le plan prévoyait ce qui suit :

[traduction]

L’employeur a reçu des documents médicaux qui confirment que l’employé a un véritable problème de santé reconnu du point de vue des droits de la personne qui peut exiger ce qui suit :

Mesure(s) d’adaptation en milieu de travail requise(s) :

  • Travailler près d’une salle de bain

Les parties conviennent de ce qui suit :

Lorsque cela est nécessaire pour des raisons médicales, l’employé doit appeler son chef de section (aussi à l’avance que possible) et demander des tâches modifiées en fonction des limitations susmentionnées.

Si un changement de l’état de santé de l’employé fait en sorte que les mesures d’adaptation d’ordre médical ne sont plus nécessaires, l’employé doit en informer son employeur (son gestionnaire), le syndicat et le service de Santé et mieuxêtre des employés (SMEE).

La présente mesure d’adaptation peut être révisée à la demande de l’une ou l’autre des parties, à une fréquence raisonnable ou à la réception de nouveaux renseignements. Cette révision sera effectuée en consultation avec l’employé, le syndicat et l’employeur (le gestionnaire) au cas par cas.

(Le « Plan d’adaptation de 2013 ».)

[135] Malgré une certaine confusion initiale en ce qui a trait au traitement des absences liées à une déficience sous le régime du CEP, au bout du compte, les absences liées au SCI de M. Todd n’ont pas été prises en considération dans le processus de gestion de l’assiduité d’OC Transpo.

(vi) L’exigence de préavis téléphonique

[136] OC Transpo a fait valoir que le CEP et le Plan d’adaptation de 2013 ont été conçus pour fonctionner ensemble afin que M. Todd puisse exercer des fonctions différentes qui respectaient les restrictions et limitations médicales établies par le Dr Tambay.

[137] En raison de la nature imprévisible du SCI de M. Todd, le service de SMEE croyait que la seule façon de s’assurer que M. Todd puisse se voir offrir des tâches modifiées en cas de poussées de SCI était de lui demander de communiquer avec son superviseur, M. Chaudhari, dès qu’il savait qu’il manquerait son quart de travail.

[138] Cette exigence de préavis téléphonique prévue dans le CEP servait deux fonctions : premièrement, permettre à M. Chaudhari de savoir précisément quand M. Todd ne pouvait pas travailler (plutôt que de l’apprendre plusieurs jours plus tard dans un rapport de suivi interne); deuxièmement, faciliter l’attribution de tâches différentes si M. Todd était apte à travailler sur le plan médical.

[139] L’exigence de préavis téléphonique était nécessaire pour permettre au superviseur de M. Todd de lui attribuer d’autres tâches, et elle n’était pas contraignante. M. Todd faisait déjà preuve de beaucoup de diligence au moment de communiquer avec le répartiteur d’OC Transpo pour signaler qu’il manquerait un quart de travail. L’exigence de préavis téléphonique n’était rien de plus qu’un appel supplémentaire.

[140] Rien ne me permet de croire que la déficience ou les restrictions médicales de M. Todd pouvaient l’empêcher de communiquer avec son superviseur. Au contraire, la façon dont M. Todd s’est comporté tout au long de sa carrière en appelant de façon diligente le répartiteur d’OC Transpo lorsqu’il s’apprêtait à manquer un quart de travail (en raison d’une poussée de son SCI ou pour une autre raison) démontre qu’il pouvait effectivement se conformer à l’exigence de préavis téléphonique.

Réunions de gestion de l’assiduité

[141] Le protocole du CEP prévoyait également une gestion plus active des absences de M. Todd, y compris celles liées à une déficience. L’un des éléments du plan était la tenue de réunions mensuelles entre M. Todd et M. Chaudhari, au cours desquelles ils devaient examiner les absences de M. Todd, discuter des raisons de celles-ci et relever les éventuels problèmes au fur et à mesure.

[142] À l’exception des vacances prolongées prises par M. Chaudhari durant l’été 2013, ces réunions ont eu lieu chaque mois, comme prévu. M. Todd et M. Chaudhari ont tous deux témoigné s’être rencontrés, avoir examiné les absences de M. Todd et avoir discuté, entre autres, de l’exigence de préavis téléphonique.

[143] Durant les réunions, M. Chaudhari préparait des notes qui résumaient leurs discussions et dans lesquelles un espace était prévu pour les commentaires formulés par M. Todd. Ce dernier n’a pas signé les notes et n’y a ajouté aucun commentaire faisant état de préoccupations ou d’objections.

[144] Ces notes ont été déposées en preuve à l’audience, tout comme l’ont été des documents confirmant la préoccupation de M. Chaudhari quant au fait que M. Todd ne communiquait pas systématiquement avec lui avant de manquer un quart de travail. J’estime que ces documents et le témoignage de M. Chaudhari (corroboré en grande partie par le témoignage de M. Todd) sont un reflet fidèle de la surveillance et de la gestion de l’assiduité de M. Todd pendant la mise en œuvre du CEP.

(vii) L’assiduité accrue de M. Todd pendant l’application du contrat d’emploi permanent

[145] À la suite du retour au travail de M. Todd après l’adoption du CEP, au début de 2013, son assiduité a commencé à s’améliorer presque immédiatement. Malgré un certain nombre d’absences liées au SCI, en 2013, M. Todd a recommencé à maintenir une présence régulière et fiable.

[146] En janvier 2013, M. Todd a manqué deux jours de travail pour des raisons qui, selon ses dires, étaient liées au SCI (même si les dossiers de la Ville n’appuient pas une telle affirmation), et il a pris une semaine de vacances à la fin du mois.

[147] En février 2013, M. Todd n’a manqué aucun jour de travail, à l’exception de trois jours de congé de deuil en raison du décès d’un membre de sa famille.

[148] M. Todd est tombé malade au milieu de son quart de travail le 1er mars 2013 et il a été absent le lendemain, mais il est retourné au travail le surlendemain. Durant le reste du mois de mars, M. Todd a vécu deux épisodes de son SCI, s’absentant en tout cinq jours en raison de sa déficience.

[149] En avril 2013, M. Todd a manqué cinq jours de travail, dont trois en raison de son SCI. En mai et en juin 2013, il a manqué au total 12 jours, toujours en raison de son SCI.

[150] En juillet 2013, M. Todd s’est absenté seulement trois jours de son travail pour un motif non précisé et, d’août à la fin de l’année, il a manqué en tout 22 jours, dont quelquesuns seulement pour des motifs qui n’étaient pas liés au SCI.

[151] Les dossiers de la Ville révèlent qu’en 2013, M. Todd a accumulé seulement sept jours d’absence qui n’étaient pas attribuables au SCI.

[152] D’après mon examen des documents présentés en preuve à l’audience, cette tendance constituait une amélioration marquée de l’assiduité au travail de M. Todd.

[153] M. Chaudhari et M. Sharma ont tous deux déclaré que l’assiduité de M. Todd s’améliorait et qu’à cet égard, ils estimaient que le CEP fonctionnait.

[154] Malheureusement, un autre problème est survenu.

(viii) Le défaut répété de M. Todd de communiquer avec son superviseur

[155] Le CEP exigeait de M. Todd qu’il communique avec son superviseur et avec le répartiteur avant son quart de travail s’il prévoyait ne pas être là. Même si M. Todd a communiqué régulièrement avec le répartiteur (comme il l’a fait de façon fiable tout au long de sa carrière au sein d’OC Transpo), la Ville allègue qu’il a régulièrement omis de communiquer avec son superviseur.

[156] En fait, OC Transpo affirme que, durant le terme du CEP, M. Todd a omis à neuf reprises d’appeler son superviseur avant le début de son quart de travail.

[157] Durant l’audience, M. Chaudhari a parlé du fait que M. Todd n’avait pas communiqué avec lui de façon fiable lorsqu’il devait s’absenter du travail. M. Chaudhari a fait le suivi des situations où M. Todd n’avait pas communiqué avec lui comme l’exigeait le CEP, et il les a documentées dans ses notes, qui ont été déposées en preuve à l’audience.

[158] Durant son témoignage, M. Chaudhari a déclaré qu’à l’occasion de leurs réunions mensuelles, il avait soulevé verbalement auprès de M. Todd la question de ses manquements au CEP et fourni des documents à l’appui de ses préoccupations. En octobre 2013, M. Chaudhari a commencé à documenter les manquements au CEP en compilant ses notes des réunions mensuelles.

[159] M. Todd a contesté cette affirmation et déclaré avoir communiqué avec son superviseur, même s’il admet l’avoir fait par courriel plutôt qu’au téléphone.

[160] Durant son témoignage, M. Todd a affirmé avoir été informé pour la première fois en octobre 2013 de son défaut de communiquer avec son superviseur, et non pas en mars 2013 (comme M. Chaudhari l’a dit durant son témoignage). M. Todd a ajouté que l’erreur par rapport au mois d’octobre 2013 découlait d’un problème avec l’affichage chronologique sur son courriel. Cependant, il n’a pas fourni d’éléments de preuve documentaire à l’appui d’une telle affirmation ni expliqué de façon convaincante ce prétendu problème de courriel.

[161] Le récit des événements de M. Chaudhari était étayé par les notes qu’il avait prises à l’époque et par le témoignage de M. Sharma, qui a déclaré avoir été très préoccupé par le refus apparent de M. Todd de se conformer à cette exigence du CEP. M. Sharma a affirmé que M. Todd ne semblait pas prendre cette exigence au sérieux et qu’il lui avait dit qu’OC Transpo ne le congédierait jamais pour avoir omis d’appeler son superviseur.

[162] À l’audience, M. Sharma était visiblement bouleversé lorsqu’il a raconté ces événements. J’ai trouvé son témoignage à la fois crédible et fiable, et je crois qu’il était effectivement préoccupé par le fait que M. Todd ne se souciait pas de l’obligation que lui imposait le CEP.

[163] Je me retrouve avec deux témoignages aux versions irréconciliables .

[164] Tout compte fait, j’estime que le témoignage de M. Chaudhari, qui est corroboré par ses notes et par le témoignage de M. Sharma, est plus crédible que l’affirmation non étayée de M. Todd selon laquelle sa messagerie électronique ne fonctionnait pas.

[165] J’estime que M. Todd a omis de communiquer avec son superviseur (par téléphone ou par courriel) pas moins de neuf fois avant son congédiement en mars 2014.

[166] Ces manquements répétés à une exigence relativement simple sont devenus un important problème de gestion. La résistance évidente de M. Todd à l’obligation de communiquer avec son superviseur, alors même qu’il arrivait à appeler de manière régulière et constante le répartiteur d’OC Transpo, était déroutante et témoignait d’un manque de collaboration de sa part à l’égard du Plan d’adaptation de 2013.

(ix) L’avertissement officiel donné par M. Chaudhari

[167] Le 21 octobre 2013, à l’occasion de leur réunion mensuelle de gestion de l’assiduité, M. Chaudhari a officiellement averti M. Todd par écrit que ce bris du CEP était grave, et qu’OC Transpo pourrait prendre d’autres mesures.

[168] Durant son témoignage, M. Sharma a déclaré qu’il avait, une fois de plus, prié M. Todd de communiquer avec son superviseur conformément aux exigences du CEP, mais que M. Todd avait réagi en riant.

[169] Le 29 janvier 2014, M. Todd était en congé en raison de ce qu’il a décrit comme étant une grippe. Il a déclaré avoir communiqué avec la répartition lorsqu’il s’est rendu compte qu’il ne pourrait pas travailler, mais avoir soudainement été incapable de communiquer avec M. Chaudhari parce qu’il était devenu trop malade.

[170] M. Todd n’a pas pu fournir d’éléments de preuve autres que son propre témoignage pour appuyer son allégation d’incapacité soudaine.

[171] Il n’est tout simplement pas crédible que M. Todd ait pu communiquer avec les responsables de la répartition pour les informer qu’il ne pourrait exécuter son quart de travail, mais qu’il ait été incapable d’appeler son superviseur, surtout compte tenu des avertissements qu’il avait reçus de MM. Sharma et Chaudhari au sujet des conséquences d’une omission à cet égard.

[172] Il est plus probable que M. Todd ait choisi de ne pas communiquer avec son superviseur ou qu’il ait oublié de le faire.

[173] Dans un cas comme dans l’autre, ce choix équivalait à une autre violation évidente du CEP et n’avait aucun lien avec le SCI de M. Todd ou toute autre déficience.

(x) Le congédiement

[174] Lorsque M. Todd a omis de communiquer avec son superviseur le 29 janvier 2014, OC Transpo a déterminé que les violations répétées de M. Todd ne pouvaient plus être tolérées, et elle a commencé le processus de congédiement de M. Todd. Et ce, malgré le fait – comme cela a été admis – que son assiduité s’était améliorée.

[175] Dans le cadre du processus de congédiement, M. Chaudhari a préparé une note de service qui résumait la carrière de M. Todd à OC Transpo, y compris toutes ses absences liées et non liées à sa déficience (la « note de cessation d’emploi »).

[176] La note de cessation d’emploi précisait ce qui suit :

[traduction]

Problème actuel :

L’une des conditions du contrat d’emploi permanent (cijoint) signé par M. Todd l’obligeait à faire ce qui suit :

« À chacune de ses absences, Jamison Todd doit appeler son chef de section avant le quart de travail prévu. »

Au cours de la période du 23 août au 21 octobre 2013, M. Todd a omis d’appeler son chef de section à de multiples reprises. Durant la réunion du 21 octobre 2013, on a indiqué à M. Todd les dates et les situations où il avait violé l’entente. M. Todd comprenait qu’il ne respectait pas les modalités de l’entente. Des préoccupations ont également été exprimées au sujet de son absentéisme excessif.

Au cours de la période du 22 octobre au 25 novembre 2013, M. Todd a encore une fois omis d’informer son chef de section de son absence du travail. Au cours d’une réunion tenue le 25 novembre 2013, on lui a encore fourni des renseignements détaillés sur son nonrespect de l’entente.

Le 29 janvier 2014, M. Todd a violé l’entente pour la troisième fois et, jusqu’ici, il a déjà manqué 59 jours depuis la signature de l’entente le 28 décembre 2012.

Mesure recommandée :

Il est recommandé de congédier le conducteur Jamison Todd, principalement parce qu’il a violé les modalités de l’entente à de nombreuses reprises, même si on lui a donné des occasions de s’y conformer, mais aussi en raison de son absentéisme excessif continu :

« À chacune de ses absences, Jamison Todd doit appeler son chef de section avant le quart de travail prévu. »

[177] La note indiquait clairement que la principale raison du congédiement de M. Todd était ses manquements répétés à son obligation de communiquer avec son superviseur avant de manquer un quart de travail.

[178] De fait, je constate qu’OC Transpo était prête à congédier M. Todd advenant son défaut de se conformer aux modalités du CEP. J’estime aussi que M. Todd a constamment omis de collaborer en ne respectant pas l’exigence selon laquelle il devait communiquer avec son superviseur avant de s’absenter, qu’il a été averti à plusieurs reprises et que, conformément aux modalités du CEP, OC Transpo était en droit de le congédier.

[179] Je constate en outre que la note de cessation d’emploi soulevait un motif supplémentaire de congédiement : l’absentéisme excessif continu de M. Todd.

[180] Le 10 mars 2014, M. Todd a été congédié de son poste de chauffeur d’autobus et a cessé d’être un employé d’OC Transpo.

VI. Questions en litige

[181] Les questions dont je suis saisie relativement à la présente plainte sont les suivantes :

  • a) Les déficiences de M. Todd sont‑elles des caractéristiques protégées par la Loi?

  • b) OC Transpo a‑t‑elle traité M. Todd de façon défavorable :

    1. en ne lui offrant pas de mesures d’adaptation adéquates dans le cours de son emploi de chauffeur d’autobus?

    2. en l’assujettissant à un CEP au moment de son retour au travail en 2012?

    3. en le congédiant en 2014?

  • c) Y avait‑il un lien entre tout traitement défavorable subi et une ou plusieurs des déficiences de M. Todd?

  • d) Si OC Transpo a réservé un traitement défavorable à M. Todd en fonction d’une ou de plusieurs des déficiences de celui-ci, sa conduite peut‑elle néanmoins se justifier?

VII. Analyse

Le cadre juridique

(i) La Loi canadienne sur les droits de la personne

[182] Selon l’article 7 de la Loi, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi.

[183] Selon l’article 10 de la Loi, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi d’un individu, le fait, pour un employeur, de conclure des ententes touchant tout aspect d’un emploi.

[184] La déficience est un motif de distinction illicite prévu à l’article 3 de la Loi.

[185] Dans sa plainte initiale présentée à la Commission canadienne des droits de la personne, M. Todd a mentionné deux articles de la Loi que, selon lui, OC Transpo a enfreints, soit les articles 7 et 10. Cependant, ni la plainte ni l’exposé des précisions de M. Todd n’indiquent clairement quel comportement se rapporte à quel article de la Loi.

[186] La plupart, sinon la totalité, des observations présentées à l’audience ainsi que les observations finales des parties semblent concerner l’article 7 de la Loi. En outre, même lorsque les parties parlent du CEP (une entente qui pourrait être visée par l’alinéa 10b) de la Loi), elles ne semblent pas appliquer le libellé législatif de cette disposition à leurs arguments.

[187] Cela dit, du point de vue juridique, l’analyse par le Tribunal d’une plainte fondée sur l’article 7 ou l’article 10 est la même, c’est‑à‑dire qu’il faut se demander si une caractéristique protégée était en jeu, s’il y a eu un traitement défavorable ou un effet préjudiciable et s’il existe un lien entre l’effet préjudiciable et la caractéristique protégée.

[188] Je ne crois pas que mon analyse diffère, que j’applique l’article 7 ou (dans le cas du CEP) l’article 10.

(ii) Le critère préalable

[189] Dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears, [1985] 2 RCS 536, au paragraphe 28, la Cour suprême du Canada a établi en ces termes le critère préalable auquel le plaignant doit satisfaire : « Dans ce contexte, la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. »

[190] Plus précisément, pour établir l’existence d’une discrimination dans le contexte de la Loi, les plaignants doivent démontrer : 1) qu’ils possèdent une ou des caractéristiques protégées par la Loi contre la discrimination; 2) qu’ils ont subi un effet préjudiciable du fait d’une situation visée par les articles 5 à 14.1 de la Loi; 3) que la ou les caractéristiques protégées ont constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable (voir Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33; Siddoo c. SIDM, section locale 502, 2015 TCDP 21, au par. 28). Il faut prouver les trois éléments de la discrimination selon la prépondérance des probabilités (voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation) [Bombardier], 2015 CSC 39, aux par. 55 à 69; Stanger c. Société canadienne des postes, 2017 TCDP 8, au par. 12).

[191] Même si elle est encore utilisée par nombre de tribunaux administratifs et de cours pour désigner le critère préalable, l’expression prima facie est graduellement délaissée par le TCDP. Diverses raisons expliquent cet abandon (voir Brunskill, au par. 57), mais je tiens à souligner le défi que doivent relever tous les décideurs juridiques pour rendre le langage de leurs décisions plus facile à comprendre pour les Canadiens ne possédant pas de formation juridique.

[192] À une époque où tous les rédacteurs juridiques devraient s’efforcer de clarifier leurs décisions et de les rendre accessibles à l’ensemble des lecteurs, les maximes latines ne nous sont pas utiles. Nous devons expliquer, en termes simples et clairs, ce que nous faisons et pourquoi, ce qui est d’autant plus important lorsqu’il s’agit d’énoncer le critère juridique auquel les parties doivent satisfaire.

[193] Ce changement de terminologie ne modifie en rien l’analyse sousjacente réalisée par le Tribunal; il s’agit plutôt d’une nouvelle façon de la décrire motivée par un souci de clarté et d’accessibilité.

[194] Dans la présente plainte, l’application du critère préalable exige de M. Todd qu’il démontre, selon la prépondérance des probabilités : 1) qu’il possédait, à l’époque pertinente, une caractéristique protégée contre la discrimination (soit, en l’occurrence, la déficience); 2) que l’intimée lui a réservé un traitement défavorable (par son approche en matière d’adaptation, en lui imposant le CEP ou en le congédiant); 3) la caractéristique protégée (la déficience) a constitué un facteur dans le traitement défavorable d’OC Transpo (Moore c. Colombie‑Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au par. 33 [Moore]; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, aux par. 56 et 69).

[195] Comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, (1991) 14 CHRR D/12 (CAF), au paragraphe 7, il n’est pas nécessaire que la discrimination soit l’unique motif des actes ou de la décision en cause pour que la plainte soit jugée fondée. Il suffit que le motif de distinction illicite ait été l’un des facteurs ayant contribué à la décision de l’employeur (voir Bombardier, aux par. 44 à 52).

[196] Il convient de souligner qu’il est souvent difficile de fournir une preuve directe de discrimination, et c’est pourquoi une telle preuve n’est pas nécessaire pour établir l’existence d’un acte discriminatoire au sens de la Loi (voir Bombardier, aux par. 40 et 41). La tâche du Tribunal consiste donc à « tenir compte de toutes les circonstances et de tous les éléments de preuve afin de déterminer s’il est possible de détecter "de subtiles odeurs de discrimination" » (voir Basi c. Cie des chemins de fer nationaux du Canada, 1988 CanLII 108 (TCDP); Tabor c. Première nation Millbrook, 2015 TCDP 9, au par. 14).

(iii) Justification

[197] Si, compte tenu de l’ensemble des éléments de preuve, le plaignant s’acquitte de son fardeau, l’intimée a alors la possibilité de démontrer que sa conduite ou ses actes étaient néanmoins justifiés en vertu de l’article 15 de la Loi.

[198] L’article 15 de la Loi se lit comme suit :

15 (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

[…]

Besoins des individus

(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable, au sens de l’alinéa (1)g), s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[199] Si le plaignant satisfait au critère permettant d’établir un comportement discriminatoire, et que l’intimée n’est pas en mesure de justifier ses actes, une conclusion de discrimination sera tirée.

(iv) Mesures d’adaptation et coopération

[200] L’obligation de prendre des mesures d’adaptation est au cœur de l’objectif fondamental de la Loi. Au Canada, la loi exige qu’un employeur déploie beaucoup d’efforts pour trouver des mesures d’adaptation à l’égard d’un employé qui, autrement, serait victime de discrimination dans le cours de son emploi (SimpsonsSears, précité, au par. 20).

[201] Pour paraphraser l’article 2 de la Loi, celle-ci a pour objet de donner effet au droit de tous les individus à l’égalité des chances d’épanouissement, indépendamment de considérations fondées sur des caractéristiques protégées. Toutes les personnes ont droit, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à ce que leurs besoins soient raisonnablement comblés.

[202] Sous le régime de la Loi, l’obligation d’adaptation n’est pas une obligation distincte envers un employé ayant une déficience (ou toute autre caractéristique protégée). Cette obligation ne s’impose qu’une fois qu’un plaignant a établi les conditions préliminaires de la discrimination. Ce n’est pas la déficience qui entraîne l’obligation de prendre toutes les mesures d’adaptation possibles sans subir de contrainte excessive; c’est plutôt l’existence d’un obstacle en milieu de travail découlant de la déficience, qui exige que l’employeur prenne des mesures pour atténuer cet obstacle et s’assurer que l’employé a toutes les possibilités de participer pleinement au travail.

[203] Comme le Tribunal l’a expliqué dans la décision Moore c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 31, au paragraphe 86 : « Je ne saurais trop insister sur le fait que le “défaut de prendre une mesure d’adaptation” n’est ni un motif de distinction illicite ni une pratique discriminatoire aux termes de la LCDP. En vertu de cette dernière, il n’existe pas de droit d’adaptation distinct. »

[204] Une adaptation réussie est un arrangement réciproque qui exige la collaboration de toutes les parties concernées, y compris (et parfois surtout) la personne qui demande la mesure d’adaptation. La Cour suprême du Canada a déjà souligné ce besoin de collaboration dans l’arrêt Central Okanagan School District No. 23 c. Renaud, [1992] 2 RCS 970 [Renaud], à la p. 995 :

Pour faciliter la recherche d’un compromis, le plaignant doit lui aussi faire sa part. À la recherche d’un compromis raisonnable s’ajoute l’obligation de faciliter la recherche d’un tel compromis. Ainsi, pour déterminer si l’obligation d’accommodement a été remplie, il faut examiner la conduite du plaignant.

Cela ne signifie pas qu’en plus de porter à l’attention de l’employeur les faits relatifs à la discrimination, le plaignant est tenu de proposer une solution. Bien que le plaignant puisse être en mesure de faire des suggestions, l’employeur est celui qui est le mieux placé pour déterminer la façon dont il est possible de composer avec le plaignant sans s’ingérer indûment dans l’exploitation de son entreprise. Lorsque l’employeur fait une proposition qui est raisonnable et qui, si elle était mise en œuvre, remplirait l’obligation d’accommodement, le plaignant est tenu d’en faciliter la mise en œuvre. Si l’omission du plaignant de prendre des mesures raisonnables est à l’origine de l’échec de la proposition, la plainte sera rejetée. L’autre aspect de cette obligation est le devoir d’accepter une mesure d’accommodement raisonnable. C’est cet aspect que le juge McIntyre a mentionné dans l’arrêt O'Malley. Le plaignant ne peut s’attendre à une solution parfaite. S’il y a rejet d’une proposition qui serait raisonnable compte tenu de toutes les circonstances, l’employeur s’est acquitté de son obligation.

(v) Aucune obligation procédurale d’adaptation en droit fédéral

[205] Le plaignant a soutenu qu’OC Transpo n’avait pas respecté ses obligations procédurales d’adaptation envers lui. Cette question a été examinée dans les plaidoiries, mais il est important, par souci de clarté, de rappeler que la Cour d’appel fédérale a statué qu’aucune obligation procédurale de ce genre n’existe en droit fédéral (Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Canada (Procureur général) et Bronwyn Cruden, 2014 CAF 131, au par. 24). La Loi ne prévoit aucune obligation procédurale d’adaptation.

Analyse de la discrimination

A. Restriction de la portée de la présente analyse

[206] Dans sa plainte, M. Todd a invoqué quatre catégories de déficience. Même si le dossier contient des éléments de preuve relatifs à chacune des quatre affections visées, il est devenu évident, au cours de l’audience, que seulement deux des quatre catégories de déficience étaient déterminantes aux fins de l’analyse de la plainte de M. Todd, à savoir son SCI et ses troubles musculosquelettiques.

[207] Afin de simplifier l’analyse qui suit, j’aborderai d’abord les deux autres déficiences alléguées (le RGO de M. Todd et sa santé mentale) de façon plus sommaire pour pouvoir ensuite me concentrer sur les déficiences présumées qui, selon moi, sont les véritables questions dont le Tribunal est saisi.

(i) Le reflux gastro-œsophagien pathologique de M. Todd

[208] Comme il est décrit en détail plus haut, M. Todd a reçu un diagnostic de RGO pour lequel il a subi des traitements en 2006 et en 2007.

(a) Le reflux gastro-œsophagien pathologique de M. Todd est une caractéristique protégée

[209] Durant son témoignage, M. Todd a parlé de son expérience liée au RGO et des difficultés particulières qu’il a éprouvées en raison des effets secondaires de la procédure subie en 2006. Son témoignage était étayé par celui de son médecin de famille et par les dossiers médicaux déposés en preuve.

[210] Même s’il ne s’agissait pas d’un point central des observations des parties ou de l’instruction du Tribunal, je dispose de suffisamment d’éléments de preuve pour conclure que le RGO de M. Todd et les difficultés subséquentes qu’il a éprouvées après son intervention chirurgicale de 2006 constituent une déficience qui fait intervenir les protections prévues dans la Loi.

(b) Traitement défavorable

[211] La plainte de M. Todd ne porte pas sur un traitement défavorable précis découlant de son diagnostic de RGO et des complications provoquées par le traitement subséquent. M. Todd allègue plutôt que l’effet cumulatif de toutes ses absences au travail a mené à l’ensemble des traitements défavorables suivants :

  • des mesures d’adaptation insuffisantes ou inadéquates;
  • la mise en œuvre d’un CEP;
  • son congédiement.

OC Transpo n’a pas omis de tenir compte du reflux gastro-œsophagien pathologique de M. Todd.

[212] Rien n’indique que M. Todd a fait l’objet de mesures d’adaptation inadéquates relativement à son diagnostic de RGO et aux traitements connexes, ou encore qu’il a cherché à obtenir quelque mesure d’adaptation que ce soit outre l’acceptation de ses absences lorsqu’il avait des poussées ou qu’il devait subir des traitements.

[213] Pendant la période concernée, M. Todd s’est absenté du travail en raison des symptômes liés à son RGO ou des traitements connexes, et son employeur a traité ces absences comme des absences involontaires.

[214] À l’appui de son diagnostic, M. Todd a présenté un FEM rempli par le Dr Sundaresen et remis au service de SMEE en mai 2006. Le FEM mentionnait le diagnostic de RGO de M. Todd et précisait que sa capacité de travailler n’était aucunement réduite par son affection, et que le RGO n’avait aucune incidence sur ses activités quotidiennes normales.

[215] À la lumière de ces renseignements, OC Transpo a déterminé qu’à ce moment‑là, le RGO n’était pas une déficience exigeant la prise de mesures d’adaptation, mais les absences de M. Todd étaient traitées comme des absences involontaires pour raisons médicales.

[216] Pour les motifs plus amplement exposés ci‑dessous, j’ai conclu que M. Todd n’a pas fait l’objet de mesures d’adaptation inadéquates, et qu’il n’a donc pas subi de traitement défavorable dans le cours de son emploi à OC Transpo. J’ai également établi qu’à cet égard, le CEP ne constituait pas un traitement défavorable. Cependant, à l’audience, personne n’a contesté le fait que le congédiement de M. Todd constituait un traitement défavorable.

(c) Absence de lien entre le traitement défavorable et le reflux gastro‑œsophagien pathologique de M. Todd

[217] En ce qui concerne la mise en œuvre du CEP – et j’y reviendrai plus en détail ci‑dessous –, aucun élément de preuve ne donne à penser qu’il existe un lien entre le diagnostic de RGO et les traitements connexes subis par M. Todd en 2006 et 2007, et l’exigence de 2014 selon laquelle il devait signer un CEP.

[218] Même si les absences de M. Todd dans leur ensemble ont été mentionnées dans le processus de congédiement, j’estime qu’un quelconque lien avec le diagnostic de RGO et les traitements de M. Todd n’est pas important, et qu’il est trop distant pour répondre au critère juridique applicable à l’établissement d’un lien. Rien ne permet de conclure que le diagnostic de RGO de M. Todd et les traitements s’y rattachant ont été un facteur dans son congédiement.

[219] Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, j’estime qu’OC Transpo n’a exercé, à l’égard de M. Todd, aucune discrimination fondée sur son diagnostic de RGO, ses symptômes ou les traitements liés à cette affection.

(ii) La santé mentale de M. Todd

[220] M. Todd allègue avoir éprouvé divers problèmes de santé mentale pendant qu’il travaillait comme chauffeur d’autobus pour OC Transpo et avoir été victime de discrimination en raison de ces problèmes.

[221] Il ne fait aucun doute que les problèmes de santé mentale peuvent faire intervenir les protections prévues par la Loi.

[222] Les employeurs doivent s’assurer de comprendre la prévalence et l’importance des problèmes de santé mentale dans notre société, et veiller à ce que la stigmatisation pouvant être associée à de tels problèmes n’empêche pas – de manière intentionnelle ou non – la reconnaissance des effets préjudiciables ou du besoin de mesures d’adaptation à l’égard des employés souffrant de troubles de santé mentale.

[223] Cependant, un diagnostic de maladie mentale n’équivaut pas nécessairement à une déclaration de déficience en milieu de travail. Grâce aux traitements offerts, de nombreux Canadiens qui vivent avec des troubles de santé mentale ont une vie et une carrière épanouissantes et gratifiantes. Un tel diagnostic, en soi, ne signifie pas non plus forcément qu’un employé subira un traitement défavorable au travail, ni même que son employeur devra prendre des mesures d’adaptation à son endroit.

[224] Lorsque des mesures d’adaptation sont nécessaires pour soutenir un employé qui a reçu un diagnostic de maladie mentale, la Loi exige que l’employeur prenne toutes les mesures d’adaptation possibles sans qu’il en résulte une contrainte excessive. Une insuffisance à cet égard pourrait s’avérer discriminatoire. Cependant, dans les cas où aucune mesure d’adaptation n’est demandée ou requise, les Canadiens atteints d’une maladie mentale ne devraient pas être traités différemment de leurs collègues de travail du simple fait de leur diagnostic.

(a) Les problèmes de santé mentale de M. Todd auraient pu être une caractéristique protégée

[225] Indépendamment de mes déclarations générales au sujet des protections accordées aux personnes qui reçoivent un diagnostic de maladie mentale, dans la présente affaire, la santé mentale de M. Todd n’a pas été un aspect important des éléments de preuve portés à ma connaissance.

[226] M. Todd et son médecin de famille ont tous deux fait référence au diagnostic de dysthymie de M. Todd, même si je relève que le Dr Gill n’était pas le médecin traitant de M. Todd au moment où il a reçu son diagnostic.

[227] Les éléments de preuve dont je dispose à l’appui des diagnostics de M. Todd en matière de santé mentale ne sont pas solides. Cela ne veut pas dire qu’il faut en douter, mais plutôt qu’il ne s’agissait pas d’un élément central des observations formulées à l’audience. Si la santé mentale de M. Todd était la seule déficience sur laquelle sa plainte était fondée, cette absence d’éléments de preuve aurait pu s’avérer fatale à une analyse concrète de son allégation de discrimination. Cependant, le diagnostic en question n’a pas été contesté par OC Transpo. Par conséquent, même si je ne disposais pas d’assez d’éléments de preuve pour comprendre quelles limitations, le cas échéant, découlaient de ces diagnostics pour M. Todd ni pour examiner ceux-ci de façon satisfaisante, je passerai maintenant à l’étape suivante de mon analyse.

(b) Traitement défavorable

[228] Comme je l’ai mentionné précédemment, la santé mentale de M. Todd n’était pas un aspect central des éléments de preuve dont je disposais ni des observations formulées par les parties. Dans sa plainte, M. Todd n’allègue aucun traitement défavorable précis découlant de son diagnostic de maladie mentale. Il affirme plutôt que l’effet cumulatif de toutes ses absences au travail a mené à l’ensemble des traitements défavorables suivants :

  • des mesures d’adaptation insuffisantes ou inadéquates;
  • la mise en œuvre d’un CEP;
  • son congédiement.

OC Transpo n’a pas omis de prendre des mesures d’adaptation adéquates relativement aux problèmes de santé mentale de M. Todd.

[229] À la lumière des éléments de preuve limités dont je dispose, je ne puis conclure qu’OC Transpo a omis de composer avec les problèmes de santé mentale de M. Todd, dans la mesure où elle en était avisée, ce que la preuve n’établit pas clairement non plus.

[230] Une partie du dossier médical du Dr Gardiner a été déposée en preuve à l’audience. Le FEM partiellement rempli figurant dans ce dossier, qui semble avoir été entrepris à la suite du diagnostic de dysthymie de M. Todd, mentionne que celui-ci était [traduction] « capable de se présenter régulièrement au travail ». En outre, même si le Dr Gardiner semble indiquer que M. Todd pourrait ressentir une [traduction] « détresse périodique » et avoir des [traduction] « limitations occasionnelles », le formulaire ne précise pas en quoi auraient consisté ces éventuelles limitations ou restrictions ni si M. Todd aurait eu besoin de mesures d’adaptation et, dans l’affirmative, sous quelle forme.

[231] Le dossier du service de SMEE de M. Todd, qui a également été présenté en preuve à l’audience, ne contient pas de copie du FEM que le Dr Gardiner a apparemment commencé à remplir.

[232] Même si M. Todd connaît bien le processus de demande de mesures d’adaptation en milieu de travail, rien (y compris son propre témoignage) n’indique qu’il ait déjà suivi jusqu’au bout le processus nécessaire pour soumettre la documentation précisant toute restriction ou limitation (le cas échéant) ou pour demander de mesures d’adaptation à son employeur.

[233] En fait, lorsque M. Todd a mentionné son diagnostic de dysthymie dans les documents qu’il a soumis au service de SMEE pour justifier une absence du travail, OC Transpo a effectué un suivi auprès de M. Todd pour lui demander si ce diagnostic se traduisait par des limitations pour lui au travail. D’après la preuve dont je dispose, je conclus que M. Todd n’a pas répondu à cette demande de renseignements du service de SMEE.

[234] Comme je l’ai mentionné plus tôt, et pour les motifs détaillés ci‑dessous, j’ai conclu que M. Todd n’a pas fait l’objet de mesures d’adaptation inadéquates, et qu’il n’a donc pas subi de traitement défavorable dans le cours de son emploi à OC Transpo. J’ai également déterminé que, dans la présente affaire, le CEP ne constituait pas un traitement défavorable. Cependant, à l’audience, personne n’a contesté le fait que le congédiement de M. Todd constituait un traitement défavorable.

(c) Absence de lien entre la santé mentale de M. Todd et le traitement défavorable

[235] Compte tenu de la preuve présentée à l’audience, je ne suis pas convaincue de la pertinence de la santé mentale de M. Todd dans la présente instruction. Même si je suis certaine que les problèmes de M. Todd lui ont fait subir des difficultés dans sa vie – ce que je ne veux d’aucune façon minimiser –, je n’ai pas entendu de témoignage à l’appui d’une conclusion selon laquelle ces problèmes de santé auraient eu une incidence importante sur sa capacité d’exercer ses fonctions de chauffeur d’autobus ou sur le traitement qui lui a été réservé au travail. En l’occurrence, faute d’éléments de preuve de nature médicale plus détaillés, je ne suis pas disposée à tenir pour acquis que la santé mentale de M. Todd a eu une incidence sur les questions qu’il me faut trancher.

[236] En ce qui concerne la mise en œuvre du CEP – et comme je l’expliquerai plus en détail ci‑dessous –, rien ne permet de conclure à l’existence d’un lien entre la santé mentale de M. Todd et l’exigence que ce dernier signe un CEP en 2014.

[237] Même si les absences de M. Todd dans leur ensemble ont été mentionnées dans le processus de congédiement, j’estime que tout rapport qui pourrait exister entre cette mention et la santé mentale de M. Todd (et toute absence en découlant) n’est pas important, et qu’il est trop distant pour répondre au critère juridique applicable à l’établissement d’un lien. Rien ne permet de conclure que la santé mentale de M. Todd a été un facteur dans son congédiement.

[238] Par conséquent, selon la prépondérance des probabilités, j’estime qu’OC Transpo n’a exercé, à l’égard de M. Todd, aucune discrimination fondée sur une déficience mentale.

B. Le syndrome du côlon irritable et les troubles musculosquelettiques de M. Todd sont‑ils des caractéristiques protégées par la Loi?

[239] Dans sa plainte, M. Todd a allégué qu’OC Transpo avait enfreint la Loi en faisant preuve de discrimination à son endroit en fonction de sa déficience, tant dans le cours de son emploi qu’au moment de son congédiement.

[240] M. Todd s’est plaint de ce que son employeur, OC Transpo, l’avait traité de façon discriminatoire en fonction de quatre déficiences : le SCI, le RGO, la santé mentale et les problèmes musculosquelettiques.

[241] Comme je l’ai mentionné précédemment, à la lumière des éléments de preuve dont je dispose, j’ai conclu qu’OC Transpo n’a pas fait preuve de discrimination à l’égard de M. Todd sur la base de son diagnostic de RGO et des traitements connexes ou de sa santé mentale. Par conséquent, dans la présente analyse, je me concentrerai sur les deux affections qui, selon moi, étaient au cœur de la plainte pour discrimination de M. Todd, des éléments de preuve et des observations présentées au Tribunal, à savoir son SCI et ses problèmes musculosquelettiques allégués.

[242] Essentiellement, M. Todd a affirmé avoir été congédié, directement ou indirectement, en raison de son absentéisme lié à une déficience. Il a soutenu qu’un grand nombre de ses absences du travail étaient liées à une déficience et a ajouté que, si OC Transpo avait mieux géré ses problèmes de santé, il n’aurait pas accumulé autant d’absences. Il a affirmé que, par conséquent, au même titre que l’obligation de signer le CEP en 2012 pour gérer son absentéisme, son congédiement subséquent en 2014 était discriminatoire.

[243] Pour examiner plus en détail l’argument de M. Todd, nous devons d’abord déterminer si les affections de M. Todd constituent des déficiences en vertu de la Loi.

[244] Le terme « déficience » est défini à l’article 25 de la Loi comme étant une « [d]éficience physique ou mentale, qu’elle soit présente ou passée ». On considère généralement qu’il s’agit d’une définition large et permissive.

[245] Le Tribunal a interprété et élargi cette définition dans la décision Audet c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2006 TCDP 25, au paragraphe 39, qui reprend, essentiellement, l’interprétation de la déficience formulée dans l’arrêt Desormeaux c. Ottawa (Ville), 2005 CAF 311 (CanLII), au paragraphe 15, où la déficience est définie comme « tout handicap physique ou mental qui occasionne une limitation fonctionnelle ou qui est associé à la perception d’un handicap ». Voir aussi Temple, au paragraphe 39, et Brunskill.

[246] La jurisprudence établit clairement que la définition de déficience basée sur des limitations fonctionnelles doit être élargie pour y inclure la perception subjective de déficience, et ce, même en l’absence de limitations fonctionnelles. Autrement dit, même lorsqu’une personne n’a pas de limitations fonctionnelles découlant d’un problème de santé, nous devons quand même nous demander si les gens autour d’elle imposent leurs propres croyances, fondées sur la désinformation, la stigmatisation ou les préjugés (voir Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 RCS 665, 2000 CSC 27).

[247] En l’espèce, il n’y a pas de problème lié à la perception d’une déficience. Par conséquent, pour établir si les problèmes de santé de M. Todd constituaient des déficiences protégées par la Loi, j’ai évalué si chacune des affections visées avait eu une incidence sur la capacité de M. Todd de faire son travail de chauffeur d’autobus, et si oui, de quelle manière.

(i) Le syndrome du côlon irritable

[248] À l’audience, j’ai entendu le témoignage de plusieurs médecins de M. Todd, dont son médecin de famille, le Dr Gill, et son gastroentérologue, le Dr Tambay. J’ai également examiné le dossier médical de M. Todd, divers dossiers de diagnostic et les dossiers de M. Todd tenus par le service de SMEE, y compris les plans d’adaptation signés par M. Todd et OC Transpo qui reconnaissaient le SCI de M. Todd et proposaient des mesures d’adaptation.

[249] M. Todd était un chauffeur d’autobus, et les symptômes du SCI lui posaient donc un problème évident. Durant une crise, M. Todd avait souvent besoin d’un accès urgent à une salle de bain, ce qui est impossible dans les autobus d’OC Transpo et, dans la majorité des cas, le long des itinéraires d’autobus municipaux.

[250] OC Transpo a reconnu que le SCI de M. Todd constituait un problème de santé qui avait une incidence fonctionnelle sur sa capacité d’exercer ses fonctions de chauffeur d’autobus. À l’instruction de la plainte de M. Todd, OC Transpo a soulevé certaines questions au sujet de l’ampleur de son affection, mais, au bout du compte, elle n’a pas contesté le fait que le SCI de M. Todd constitue une déficience au sens de la Loi.

[251] D’après le dossier dont je disposais à l’audience, et vu que les parties s’entendent sur ce point, je conclus que le SCI de M. Todd constitue une déficience au sens de la Loi.

(ii) Les problèmes musculosquelettiques

[252] Dans l’exposé des précisions qu’il a déposé auprès du Tribunal à l’appui de sa plainte, M. Todd a mentionné deux catégories de problèmes musculosquelettiques qu’il aurait eus pendant qu’il travaillait pour OC Transpo :

  1. douleurs au cou et aux épaules;
  2. douleurs aux hanches et aux jambes.

[253] Dans ses observations finales, M. Todd a regroupé, dans la catégorie des [traduction] « douleurs musculosquelettiques », les diverses maladies et blessures dont il a souffert pendant qu’il travaillait pour OC Transpo.

[254] Même si je suis convaincue qu’à un moment au cours de sa carrière à OC Transpo, M. Todd a eu une ou plusieurs de ces blessures ou affections musculosquelettiques qui ont nui à sa capacité d’exercer ses fonctions de chauffeur d’autobus, je ne crois pas qu’il soit utile, dans l’analyse de ce dossier, de traiter ces problèmes comme une seule affection ou déficience.

[255] La preuve dont je dispose m’indique plutôt que M. Todd a composé avec deux problèmes musculosquelettiques distincts pendant qu’il travaillait comme chauffeur d’autobus. Je les aborderai maintenant à tour de rôle.

(a) Blessure au cou et à l’épaule gauche (tendinite et microtraumatismes répétés)

[256] M. Todd affirme que ses plaintes de douleurs au cou et aux épaules remontent à 2004. Durant l’audience, j’ai entendu le témoignage de M. Todd et de la Dre Grace, qui a déclaré avoir commencé à traiter M. Todd en octobre 2004 pour une blessure au bras et à l’épaule gauches.

[257] Après une série initiale de visites à l’automne 2004, M. Todd n’a pas revu la Dre Grace pour un autre traitement avant janvier 2008, date à laquelle il a prétendu avoir été victime d’un accident du travail pour lequel il a présenté une demande à la Commission de la sécurité professionnelle et de l’assurance contre les accidents du travail (CSPAAT).

[258] Sa demande à la CSPAAT a été refusée.

[259] En juin 2008, M. Todd a demandé, et obtenu, des prestations d’invalidité auprès de son assureur, Manuvie, sur la base du diagnostic de tendinite et de microtraumatismes répétés de la Dre Grace et du rapport établi par le Dr Gittens, de Medisys, au nom du fournisseur d’assurance Manuvie (le « rapport du Dr Gittens »).

[260] Je souligne que la Dre Grace a également examiné et approuvé les conclusions du rapport du Dr Gittens.

[261] La blessure en question a persisté pendant de nombreux mois, au cours desquels M. Todd n’est pas allé travailler. Du 16 juin au 26 août 2008, M. Todd a occupé des fonctions adaptées, c’est-à-dire nettoyer des autobus, mais il n’a pas été en mesure de continuer de s’acquitter de ces tâches en raison de son problème de santé. Du 27 août 2008 au 5 février 2010, M. Todd a été en congé d’invalidité de longue durée pendant plus de 17 mois.

[262] Aux fins de la présente analyse, je conclus qu’à cette époque, la blessure au cou et à l’épaule de M. Todd répondait à la définition d’une déficience.

[263] Même si certains de ses symptômes ont persisté, M. Todd a été pleinement autorisé à retourner au travail en février 2010, sans aucune restriction médicale. Aux fins de la présente analyse, je ne suis pas d’avis que M. Todd a continué de souffrir d’une déficience au cou et à l’épaule après cette période.

(b) Douleurs à la hanche et aux jambes (bursite trochantérienne, douleurs au bas du dos et problèmes continus au haut du corps)

[264] M. Todd a affirmé qu’au début de 2012, il a commencé à ressentir de la douleur aux hanches et au bas du dos. La cause de cette douleur n’est pas définie clairement, et son problème semble chevaucher une blessure aux quadriceps subie en mars 2012 en déplaçant un réfrigérateur. À ce moment‑là, M. Todd ressentait encore des douleurs intermittentes associées à sa blessure antérieure dans le haut du corps.

[265] Durant son témoignage, M. Todd a déclaré qu’il était alors incapable de travailler à cause de ses blessures, mais il n’a pas fourni d’éléments de preuve médicale à l’appui d’une telle affirmation.

[266] Au printemps 2012, M. Todd a présenté une demande de prestations d’invalidité de longue durée, qui a par la suite été refusée. L’assureur a conclu que la demande de M. Todd n’était pas étayée par la preuve médicale fournie.

[267] S’il est vrai que les conclusions d’un assureur relativement à une demande de prestations d’invalidité de longue durée peuvent être pertinentes, la position de l’assureur à elle seule ne permet pas de trancher la question de l’état de santé de M. Todd. Cependant, en dehors de son témoignage, très peu d’éléments de preuve, et pratiquement aucun de nature médicale, ont été fournis à l’audience pour appuyer l’affirmation de M. Todd selon laquelle il était incapable d’exercer ses fonctions de chauffeur d’autobus en raison de douleurs musculosquelettiques.

[268] J’ai de sérieuses réserves quant à la fiabilité du témoignage de M. Todd sur ce point pour les raisons qui suivent.

[269] Premièrement, malgré deux visites chez la Dre Grace pour remplir les documents d’assurance en juin 2012, il ne semble pas que M. Todd ait cherché à suivre un traitement médical régulier à ce moment‑là. Les deux consultations avec la Dre Grace au cours de cette période ne concordent pas avec le type de traitements qu’il a lui‑même entrepris à partir de 2008, alors qu’il était dans l’incapacité, sur le plan médical, de se présenter au travail en raison de problèmes musculosquelettiques.

[270] Deuxièmement, même si, durant son témoignage, la Dre Grace a déclaré que M. Todd éprouvait encore des symptômes de douleurs musculosquelettiques, au cours de son contre‑interrogatoire, elle a admis qu’elle ne savait pas que M. Todd ne se présentait pas au travail à l’époque. Qui plus est, elle a déclaré qu’à son avis, M. Todd pouvait se présenter au travail et s’acquitter de ses fonctions de chauffeur d’autobus, et qu’elle ignorait alors qu’il ne le faisait pas.

[271] Troisièmement, même si les documents d’assurance remplis par la Dre Grace et attestant les blessures de M. Todd ont été présentés à l’appui de l’affirmation de M. Todd selon laquelle il était invalide et ne pouvait travailler en 2012, je doute beaucoup, après avoir entendu le témoignage de la Dre Grace à l’audience, de l’importance qu’on peut accorder à de tels documents. Il semble que M. Todd n’ait pas été franc avec sa docteure au sujet de sa situation professionnelle, et la Dre Grace a déclaré qu’elle croyait remplir les documents en question à l’appui d’une demande visant à permettre à M. Todd d’obtenir des prestations de physiothérapie et de massothérapie, et non à l’appui d’une demande pour invalidité totale qui lui permettrait d’obtenir des prestations d’invalidité de longue durée.

[272] Quatrièmement, M. Todd n’a pas coopéré avec son employeur pour tenter de trouver des mesures d’adaptation ou de mettre au point un plan qui lui permettrait de retourner au travail à ce moment‑là. OC Transpo n’avait aucune information sur l’état de santé de M. Todd et le tenait pour [traduction] « disparu ». M. Todd n’a refait surface qu’une fois informé par OC Transpo qu’il était considéré comme absent sans permission et qu’il risquait de perdre ses prestations.

[273] Enfin, en décembre 2012, lorsque M. Todd a subi une évaluation des capacités fonctionnelles réalisée par OC Transpo, il ne montrait aucun signe d’une quelconque restriction.

[274] Pris ensemble, tous les éléments qui précèdent me font sérieusement douter de la fiabilité du témoignage de M. Todd. Selon la prépondérance des probabilités, je conclus qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour soutenir l’affirmation de M. Todd selon laquelle, en 2012, il éprouvait des problèmes musculosquelettiques devant être considérés comme une déficience au sens de la Loi.

(iii) Résumé des déficiences de M. Todd

[275] Aux fins de l’analyse de la plainte, je constate que M. Todd a commencé à ressentir les effets du SCI en 2004, et qu’il a continué de les ressentir durant toute sa carrière à OC Transpo. Le SCI de M. Todd a eu une incidence fonctionnelle sur sa capacité de travailler comme chauffeur d’autobus, du moment où il a reçu son diagnostic jusqu’à son congédiement.

[276] En outre, je conclus que M. Todd a eu des problèmes musculosquelettiques à divers moments au cours de sa carrière de chauffeur d’autobus pour OC Transpo. Cela dit, les éléments de preuve dont je dispose ne me permettent pas de conclure que M. Todd avait une incapacité fonctionnelle en raison de ces problèmes durant la période allant de son premier congé de maladie en 2008 au 2 août 2010, date où la Dre Grace l’a autorisé à retourner au travail sans limitations susceptibles de réduire sa capacité d’exercer ses fonctions de chauffeur d’autobus.

C. M. Todd a‑t‑il subi un effet préjudiciable?

(i) M. Todd n’a pas été défavorisé en cours d’emploi

Mesures d’adaptation liées au syndrome du côlon irritable de M. Todd

[277] Dans sa plainte, M. Todd allègue avoir subi des effets préjudiciables tout au long de son emploi à OC Transpo. Plus particulièrement, il allègue qu’en ne lui offrant pas systématiquement d’autres tâches lorsqu’il était en congé en raison d’une déficience, OC Transpo a fait en sorte qu’il accumule des absences qu’il n’aurait pas accumulées si elle lui avait proposé un travail modifié.

[278] Pour sa part, OC Transpo a soutenu que, dans la plupart des cas, M. Todd ne s’était pas prévalu de la possibilité d’accomplir d’autres tâches lors de ses épisodes de SCI, et ce, malgré le fait que, selon son FEM, il pouvait travailler, pourvu qu’il ait facilement accès à une salle de bain.

[279] OC Transpo a ajouté qu’elle ne pouvait en faire davantage pour offrir d’autres tâches à M. Todd, en raison de la nature intermittente et imprévisible de ses poussées et du fait que, souvent, elle (et les superviseurs de M. Todd) n’étaient informés de l’absence de M. Todd ou de la raison de cette absence que lorsqu’il était de retour au travail avec un certificat médical.

[280] En fin de compte, les fonctions de chauffeur d’autobus de M. Todd ne pouvaient pas être exécutées d’une manière qui respecte les prescriptions du Dr Tambay quant aux restrictions médicales de celui-ci (à savoir qu’il devait avoir accès à une salle de bain lorsqu’il subissait une crise de SCI). Même s’il était possible d’offrir à M. Todd des tâches différentes qui auraient pu respecter ses restrictions, il n’y avait aucun moyen de modifier le travail d’un chauffeur d’autobus afin qu’il permette un accès rapide à des toilettes.

[281] D’un commun accord, le Plan d’adaptation de 2005 et les plans d’adaptation subséquents ont apporté une solution à ce problème en autorisant M. Todd à manquer ses quarts de travail en cas de poussées de son SCI sans que les absences liées à ce trouble soient comptabilisées dans le programme de gestion de l’assiduité. Ce n’était peut-être pas la meilleure mesure d’adaptation possible à l’époque, mais c’est l’approche que les parties ont choisie.

[282] Il n’est pas nécessaire que les mesures d’adaptation soient parfaites pour répondre aux exigences de la Loi, surtout sans le bénéfice d’un point de vue rétrospectif.

[283] En outre, même si un employeur a un rôle de leadership à jouer dans le processus d’accommodement, un plan d’adaptation doit être le résultat d’un dialogue entre l’employeur, l’employé et, s’il y a lieu, le syndicat. Il incombe à l’employé de l’exprimer s’il estime que les mesures d’adaptation ne répondent pas à ses besoins.

[284] À la lumière des éléments de preuve dont je dispose, je ne puis conclure que M. Todd a soulevé auprès de son employeur une quelconque préoccupation au sujet des mesures d’adaptation proposées, que ce soit au cours des négociations entourant le Plan d’adaptation de 2005 ou au moment de la mise à jour du plan en 2010. En fait, c’est l’employeur qui, en 2013, a lancé l’initiative des tâches adaptées et qui les a intégrées au Plan d’adaptation de 2013.

[285] Durant son témoignage, M. Todd a déclaré qu’à la suite de l’adoption du Plan d’adaptation de 2010, ses notes médicales précisaient qu’il était en mesure d’effectuer des tâches modifiées. Cependant, rien n’indique qu’il ait tenté de discuter avec son superviseur, le service de SMEE ou son syndicat du besoin d’élaborer un plan lui permettant d’avoir accès à un travail modifié ou différent. Même s’il n’était pas le seul responsable à cet égard, si M. Todd avait des préoccupations au sujet des plans d’adaptation en vigueur, il devait les formuler pour qu’elles soient prises en compte.

[286] La preuve ne permet pas de conclure qu’il l’a fait.

[287] Sur le plan physique, il n’est pas évident que M. Todd aurait effectivement pu travailler lorsqu’il composait avec une poussée de son SCI. Durant son témoignage et dans ses observations finales, M. Todd a soutenu que, dans bien des cas, son état de santé l’empêchait même d’aller au cabinet de son médecin pour obtenir des notes médicales. Même si cela est compréhensible, vu la nature des symptômes qu’il a décrits, je ne suis pas convaincue que, dans ces circonstances, M. Todd aurait pu se présenter au travail et s’acquitter d’autres tâches pour OC Transpo.

[288] Je ne suis pas persuadée non plus que M. Todd s’est opposé aux plans d’adaptation en vigueur de 2005 à 2013.

[289] Je conclus que l’approche d’adaptation retenue par OC Transpo et M. Todd à l’égard du SCI de ce dernier était raisonnable et ne constituait pas un traitement défavorable au sens de la Loi.

[290] Même si M. Todd a soutenu que son haut taux d’absentéisme – y compris ses absences liées au SCI – est la raison pour laquelle il a fait l’objet d’un CEP, qui a mené à son congédiement, j’ai constaté que M. Todd avait été assujetti à un CEP parce qu’il avait été absent pendant plus de six mois en 2012, sans aucune explication valable, et que son employeur avait besoin d’un outil pour gérer son assiduité advenant qu’il lui permette de revenir au travail.

[291] De façon générale, soit M. Todd ne pouvait pas se présenter au travail, soit il n’était pas disposé à le faire lorsqu’il subissait une poussée de son SCI. En outre, d’après le témoignage de M. Todd et mon examen de la preuve, je conclus qu’il est plus probable qu’improbable que M. Todd ait été satisfait de pouvoir [traduction] « appeler pour se déclarer malade » comme le prévoyaient ses plans d’adaptation. Je n’ai pas entendu de témoignage qui me permettrait de conclure que les plans d’adaptation ont eu un effet préjudiciable.

Mesures d’adaptation liées aux problèmes musculosquelettiques de M. Todd

[292] M. Todd a également fait valoir qu’OC Transpo ne lui avait pas offert un travail adapté lorsqu’il était incapable de travailler en raison de ses douleurs musculosquelettiques, ce qui constituait un traitement défavorable à son égard.

[293] Même si OC Transpo n’a pas réagi directement à ces allégations, je ne crois pas que la preuve appuie les affirmations de M. Todd.

[294] La preuve démontre qu’au cours de son emploi auprès d’OC Transpo, M. Todd s’est vu offrir d’autres tâches à plusieurs reprises lorsqu’il souffrait de douleurs musculosquelettiques.

[295] Même s’il a parfois fallu un certain nombre de semaines avant que de telles tâches soient offertes, et même si les tâches proposées ne convenaient pas toujours, j’estime qu’il ne s’agissait pas d’un traitement défavorable à l’égard de M. Todd. Trouver les bonnes mesures d’adaptation requiert souvent un processus d’essais et d’erreurs, durant lequel la coopération et la communication sont primordiales. Les retards et les [traduction] « accrocs » en cours de route font parfois partie du dialogue inhérent au processus d’adaptation.

[296] Dans le cas de M. Todd, les retards à lui proposer d’autres tâches étaient liés à des renseignements médicaux inexacts et incomplets, et ils ne permettent pas de conclure qu’OC Transpo a réservé un traitement défavorable à M. Todd.

[297] Il est important qu’un employé n’ait pas à attendre trop longtemps avant de se voir offrir un travail adapté ou différent. Cependant, il est essentiel de disposer de renseignements médicaux complets et exacts pour s’assurer qu’on ne demande pas à des employés d’effectuer un travail susceptible d’aggraver leur état ou de les mettre en danger.

[298] Le fait de devoir attendre des renseignements à jour sur les restrictions et les limitations médicales applicables n’est pas, en soi, une forme de traitement défavorable, pourvu que le retard ne soit pas excessif et qu’il ne résulte pas d’une inaction prolongée de la part de l’employeur.

Rupture de la communication en 2012

[299] M. Todd a prétendu qu’en 2012, il avait dû s’absenter du travail en raison de ses problèmes musculosquelettiques. Comme je l’ai expliqué précédemment, M. Todd s’est absenté pendant une grande partie de 2012, et il avait entrepris un processus de demande de prestations d’invalidité de longue durée, demande qui a été rejetée.

[300] M. Todd a allégué qu’OC Transpo n’avait pas gardé contact avec lui pendant que le processus de demande de prestations suivait son cours, et que l’attitude adoptée à l’égard de son retour au travail constituait un traitement défavorable.

[301] Même s’il est clair qu’il y a eu une rupture de la communication en ce qui concerne l’absence de M. Todd en 2012, je ne peux conclure que cette rupture constituait un traitement défavorable de la part d’OC Transpo.

[302] Comme je l’ai déjà exposé, M. Todd n’a pu démontrer ni à l’assureur, ni à son employeur, ni au Tribunal que des éléments de preuve de nature médicale justifiaient son absence du travail. En outre, sa docteure a témoigné qu’elle l’estimait capable, sur le plan médical, de travailler. Malgré cela, M. Todd n’a pas communiqué avec son employeur, n’a pas cherché à obtenir d’autres tâches (jusqu’à ce qu’on lui refuse des prestations) et n’a même pas communiqué de façon transparente avec son médecin au sujet du fait qu’il ne travaillait pas.

[303] Je conclus que toute rupture de communication survenue en 2012 est plus probablement attribuable à la conduite de M. Todd, et qu’il n’y a aucun motif de conclure qu’il s’agissait d’un traitement défavorable de la part de son employeur.

L’exigence d’une nouvelle évaluation médicale lors du retour au travail de M. Todd en novembre 2012

[304] M. Todd a avancé qu’OC Transpo aurait dû lui permettre de retourner au travail en novembre 2012 en se fondant sur le rapport médical de juin 2012 de la Dre Grace, selon lequel il pouvait travailler en étant assujetti à certaines restrictions.

[305] Étant donné que M. Todd a continué de s’absenter du travail, en prétendant être invalide pendant plusieurs mois après l’examen médical de juin 2012, et puisque la Dre Grace agissait sur la base de faux renseignements selon lesquels M. Todd travaillait pendant ce temps, je ne puis convenir que le fait de demander une ECF avant de permettre à M. Todd de retourner au travail constituait un traitement défavorable.

[306] De plus, la Dre Grace a déclaré avoir été d’accord avec le fait qu’OC Transpo effectue une autre ECF, ce qu’elle a dit clairement au service de SMEE à la fin de 2012.

[307] Il ne s’agit pas d’un cas où l’employeur préfère les recommandations de ses propres experts médicaux à celles du médecin traitant d’un employé. La Dre Grace a appuyé l’approche proposée par le service de SMEE. Et l’affirmation selon laquelle la demande d’OC Transpo visant à ce que M. Todd se soumette à une ECF avant son retour au travail constituait un traitement défavorable ou était discriminatoire de quelque autre manière n’a aucun fondement.

[308] Je conclus qu’il y avait beaucoup d’incertitude au sujet des causes médicales de l’absence de M. Todd pendant une grande partie de 2012 (y compris du côté de la Dre Grace, qui, durant son témoignage, a déclaré qu’elle pensait que M. Todd travaillait à l’époque), de sa capacité à travailler comme chauffeur d’autobus et du pronostic sous‑optimal quant à sa présence régulière et fiable.

[309] Je ne suis pas d’accord avec M. Todd pour dire que, dans les circonstances, l’ECF de décembre 2012 était inutile, inappropriée ou constituait un traitement défavorable.

(ii) Le contrat d’emploi permanent n’était pas un traitement défavorable

Remarque sur les contrats d’emploi permanent et les droits de la personne

[310] Les contrats d’emploi permanent ou « ententes de la dernière chance », comme on les appelle parfois, sont largement utilisés dans le contexte des relations de travail, et ils ont été étudiés en profondeur par les arbitres du travail.

[311] Malgré leur utilisation largement répandue, ces mesures correctives n’ont pas reçu beaucoup d’attention de la part des décideurs en matière de droits de la personne, probablement parce qu’on y recourt fréquemment dans le contexte des conventions collectives et qu’elles relèvent ainsi de la compétence des arbitres du travail, et non des tribunaux des droits de la personne.

[312] Généralement parlant, les CEP sont considérés comme des outils utiles et importants pour donner aux employés qui font face à un licenciement une dernière occasion de modifier le comportement qui, autrement, entraînerait leur congédiement.

[313] Cela dit, ces ententes de la dernière chance présentent des défis particuliers lorsqu’ils concernent des employés qui ont besoin de mesures d’adaptation liées aux droits de la personne.

[314] Il est bien établi en droit qu’on ne peut renoncer par contrat à ses obligations en matière de droits de la personne (Voir Commission ontarienne des droits de la personne c. Etobicoke), [1982] 1 RCS 202, à la p. 213).

[315] Cependant, les employés qui ont besoin de mesures d’adaptation ne devraient pas être exclus du bénéfice d’une dernière chance simplement parce qu’ils ont ce besoin. Nous devons donc réfléchir à la façon d’intégrer cet outil des relations de travail à l’analyse des droits de la personne.

[316] Lorsqu’ils envisagent de conclure une entente de la dernière chance ou un CEP dans une situation susceptible de faire intervenir des questions liées aux droits de la personne, les employeurs doivent tenir compte de ce qui suit :

(i) s’il existe un lien entre la raison du CEP et une caractéristique protégée; l’employeur doit démontrer que l’imposition du CEP est justifiée;

(ii) s’il existe un lien entre une caractéristique protégée et le comportement que le CEP cherche à modifier; dans ce cas, le CEP doit prévoir :

  1. des mesures d’adaptation, tant qu’il n’en résulte pas de contrainte excessive;

  2. une approche personnalisée en fonction des limitations de l’employé;

(iii) le CEP doit refléter une tentative réelle de réhabilitation d’un employé et ne peut être un simple prétexte au congédiement;

(iv) lorsqu’un employé est représenté par un syndicat, il doit avoir la possibilité de demander conseil au sujet du CEP et, lorsqu’il n’est pas représenté par un syndicat, il doit avoir l’occasion de demander un avis juridique;

(v) lorsqu’un employeur entend congédier un employé pour un manquement au CEP et qu’il existe un lien entre le manquement et une caractéristique protégée, il doit faire une analyse des droits de la personne pour s’assurer qu’il a pris des toutes les mesures d’adaptation possibles sans qu’il en résulte une contrainte excessive ou que le congédiement est justifiable en vertu de la Loi.

La décision d’assujettir M. Todd à un contrat d’emploi permanent n’était pas un traitement défavorable

[317] M. Todd a allégué avoir été assujetti à un CEP en raison de ses absences liées à sa déficience en général ou (subsidiairement) en raison de son absence de 2012, qui, selon lui, était liée à une déficience.

[318] J’ai déjà établi qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour permettre de conclure que l’absence de M. Todd en 2012 était liée à une déficience.

[319] J’ai également conclu que M. Todd avait été assujetti à un CEP parce qu’il avait été absent sans permission et sans explication médicale pendant six mois, et que le CEP avait été proposé comme solution de la dernière chance avant le congédiement, parce que M. Chaudhari ne voulait pas perdre à nouveau la trace de M. Todd.

[320] Par conséquent, je ne peux souscrire à l’affirmation de M. Todd selon laquelle il a été assujetti au CEP en raison de sa déficience ou pour un motif discriminatoire.

[321] De plus, les témoignages de M. Chaudhari et M. Sharma ont confirmé qu’en novembre 2012, l’alternative au CEP de M. Todd était son congédiement. Dans ce contexte, je ne puis conclure que le CEP constituait un traitement défavorable.

Les modalités du contrat d’emploi permanent n’étaient pas défavorables à M. Todd.

[322] M. Todd a affirmé que, puisque les exigences du CEP étaient différentes de celles du programme de gestion de l’assiduité d’OC Transpo, il s’agissait nécessairement d’un traitement défavorable pour lui. Or, il n’y a pas de comparaison directe possible entre l’approche personnalisée prévue par le CEP et le régime de gestion de l’assiduité imposé aux autres employés d’OC Transpo, parce qu’elle a été conçue précisément pour corriger un comportement qui, sans le CEP, aurait pu entraîner le congédiement de l’employé.

[323] La plupart des aspects du régime (appeler le superviseur, tenir des réunions mensuelles, fournir un certificat médical conformément à la convention collective, etc.) ne constituent pas des traitements défavorables, même si le traitement est différent de celui réservé aux autres employés.

[324] Cependant, il est utile de se pencher sur le nombre d’absences permises. À première vue, les quatre absences par trimestre permises par le CEP sont inférieures au nombre d’absences permises par le programme plus général de gestion de l’assiduité, mais le CEP excluait les absences liées au SCI du calcul et offrait une possibilité d’encadrement et de gestion personnalisée en cas de problème d’assiduité.

[325] En outre, même si je devais conclure que le régime du CEP était plus strict, ce qui n’est pas le cas, cette rigueur accrue n’a pas causé de problèmes à M. Todd, puisqu’il n’a jamais atteint le nombre maximal d’absences autorisées par le CEP ou le programme de gestion de l’assiduité pendant la période ayant suivi son retour au travail en 2012.

[326] Certes, les deux régimes de gestion de l’assiduité sont différents, mais je ne peux conclure que le cadre établi par le CEP était nécessairement plus défavorable – surtout que M. Todd n’a jamais contrevenu à l’exigence de ne pas dépasser les quatre jours d’absence par trimestre.

[327] Deux exigences sont effectivement plus strictes que le régime général : i) le régime d’application stricte selon lequel l’employé peut être congédié immédiatement en cas de manquement au CEP et ii) l’obligation pour l’employé de renoncer au droit de présenter un grief à la suite d’un congédiement pour manquement au CEP.

[328] Cependant, ces caractéristiques sont au cœur des ententes de la dernière chance.

[329] Même s’il est clair, dans le cadre de l’analyse des droits de la personne, que des régimes différents peuvent souvent mener à des résultats discriminatoires, étant donné l’importance des ententes de la dernière chance pour les employés et les employeurs en tant qu’outil de gestion ou de relations de travail, je ne suis pas disposée à affirmer que cette différence est nécessairement défavorable. Agir en ce sens reviendrait à empêcher les employés ayant une déficience (ou une autre caractéristique protégée) de se prévaloir d’un outil de gestion du rendement auquel d’autres employés ont accès en dernier ressort pour éviter un congédiement.

[330] Même si le CEP prévoit un droit de congédiement immédiat en cas de manquement et une renonciation au droit de déposer un grief à l’égard d’un tel congédiement, dans les circonstances, l’alternative pour M. Todd était probablement son congédiement. Le CEP a donné à M. Todd l’occasion de reprendre le travail et d’améliorer son assiduité, ce qu’il a fait.

[331] Pour les motifs qui précèdent, je conclus que, dans la présente affaire, l’utilisation et l’application du CEP ne constituent pas un traitement défavorable à l’égard de M. Todd.

(iii) Le congédiement de M. Todd était un traitement défavorable

[332] Nul n’a contesté devant moi le fait que le congédiement de M. Todd constitue un traitement défavorable.

D. Y avait‑il un lien entre le contrat d’emploi permanent et la déficience de M. Todd?

[333] Même si j’ai conclu que, dans la présente affaire, le recours à un CEP ne constituait pas un traitement défavorable à l’égard de M. Todd, dans l’éventualité où j’aurais commis une erreur à cet égard, j’estime également que la mise en place d’un CEP lors du retour de M. Todd au travail en 2012 n’était pas liée à sa déficience.

[334] À la suite de son absence prolongée en 2012 – absence qui n’a pu être expliquée ni justifiée par les éléments de preuve médicale accessibles –, M. Todd voulait recommencer à travailler comme chauffeur d’autobus. Aucune raison médicale apparente ne venait limiter sa capacité de le faire, sous réserve des restrictions permanentes relatives à son SCI, qui avaient été traitées dans les plans d’adaptation de 2010 et de 2013.

[335] M. Chaudhari, le superviseur de M. Todd, a déclaré qu’il avait eu l’impression d’avoir failli à la tâche en ce qui concerne l’absence prolongée et inexpliquée de M. Todd en 2012. M. Chaudhari a témoigné que, en tant que superviseur direct de M. Todd, il estimait avoir besoin d’un outil de gestion supplémentaire afin de pouvoir surveiller efficacement l’assiduité de M. Todd au travail, ce qui était particulièrement difficile dans un milieu de travail comme celui d’OC Transpo, parce que les chauffeurs d’autobus travaillent partout dans la ville et que leurs quarts de travail ne correspondent pas toujours à ceux de leurs superviseurs.

[336] J’ai trouvé que le témoignage de M. Chaudhari à cet égard était crédible et fiable, surtout qu’il a admis volontiers son rôle et sa part de responsabilité dans le fait d’avoir perdu la trace de M. Todd en 2012.

[337] M. Todd a soutenu qu’OC Transpo avait cherché à mettre en place un CEP avant son retour au travail en raison de son niveau général d’absences, mais il n’a pas fourni d’éléments de preuve à l’appui d’une telle affirmation.

[338] Ni le témoignage de M. Chaudhari ni le dossier documentaire n’appuient une conclusion en ce sens.

[339] Au printemps 2012, soit au début de l’absence prolongée du travail de M. Todd, en pleine connaissance de son dossier d’assiduité, OC Transpo a envisagé d’accorder un placement prioritaire à M. Todd. Autrement dit, OC Transpo avait commencé à se demander si un autre emploi serait plus approprié pour M. Todd, étant donné que son taux d’absentéisme était très élevé à ce momentlà. À l’époque, le besoin de conclure une entente de la dernière chance n’a pas été envisagé.

[340] De plus, M. Chaudhari, qui, en tant que superviseur de M. Todd, était l’initiateur du CEP au sein d’OC Transpo, a déclaré que la raison d’être du CEP était qu’il craignait de perdre de nouveau la trace de M. Todd, comme cela était arrivé plusieurs mois auparavant.

[341] J’estime que le témoignage de M. Chaudhari sur ce point est convaincant, et qu’il est conforme à l’ensemble de son témoignage et aux documents. Il était le principal décideur préconisant le recours à un outil de gestion supplémentaire dans le dossier de M. Todd, et je ne vois aucune raison de ne pas accepter son témoignage quant aux raisons pour lesquelles il a agi ainsi.

[342] Je suis convaincue que, tout compte fait, OC Transpo souhaitait mettre en place un CEP parce qu’elle avait des préoccupations au sujet de la capacité de l’organisation à gérer l’assiduité de M. Todd après son absence prolongée et inexpliquée en 2012, et non en raison de ses déficiences ou de toute absence liée à celles-ci.

[343] Par conséquent, je conviens avec OC Transpo que l’assujettissement de M. Todd à un CEP était effectivement le résultat de son absence sans permission en 2012, et que le CEP n’était pas associé à la déficience de M. Todd ou à ses absences antérieures, liées ou non à une déficience.

[344] Cela dit, si sa déficience avait joué un certain rôle (même mineur) dans la décision d’OC Transpo d’exiger un CEP, je ne suis pas persuadée que l’entente aurait constitué un traitement défavorable. Si OC Transpo avait refusé d’offrir à M. Todd la possibilité de conclure un CEP à titre de mesure de la dernière chance, simplement en raison de ses antécédents d’absentéisme lié à sa déficience, cela aussi aurait été problématique, et peut‑être discriminatoire.

[345] Enfin, même dans l’éventualité où le CEP aurait constitué un traitement défavorable lié à la déficience de M. Todd, j’estime que, vu les circonstances de la plainte, l’utilisation par OC Transpo du CEP comme outil de gestion était justifiée. OC Transpo essayait de composer avec un employé qui avait eu de la difficulté à rendre des comptes dans un milieu de travail décentralisé et qui était récemment passé entre les mailles du filet administratif, de façon volontaire ou non.

[346] J’estime que M. Chaudhari et OC Transpo étaient en droit de prendre des mesures pour pouvoir gérer la présence au travail de M. Todd de façon régulière et fiable.

[347] Par conséquent, dans la mesure où le CEP peut avoir été défavorable de quelque façon pour M. Todd, il n’était pas pour autant discriminatoire au sens de la Loi.

E. Y avait‑il un lien entre le congédiement de M. Todd et sa déficience?

[348] Au moment du congédiement de M. Todd, OC Transpo avait déterminé que la tendance persistante de M. Todd à enfreindre le CEP ne pouvait plus être tolérée, et elle avait entrepris le processus de congédiement, malgré les améliorations reconnues dans son assiduité.

[349] Dans le cadre du processus de congédiement, M. Chaudhari a préparé la note de cessation d’emploi, qui soulignait deux raisons de congédier M. Todd et recommandait son licenciement :

[traduction]

Il est recommandé de congédier le conducteur Jamison Todd, principalement parce qu’il a violé les modalités de l’entente à de nombreuses reprises, même si on lui avait donné des occasions de s’y conformer, mais aussi en raison de son absentéisme excessif continu.

[350] J’ai déjà conclu que, dans les faits, OC Transpo avait le droit, d’un point de vue contractuel, de congédier M. Todd pour avoir enfreint le CEP.

Congédiement pour manquement au contrat d’emploi permanent

[351] À la suite de l’absence de M. Todd le 29 janvier 2014, alors qu’encore une fois, M. Todd n’avait pas communiqué avec son superviseur avant de manquer son quart de travail, OC Transpo a décidé de congédier M. Todd pour ses violations répétées du CEP.

[352] Ayant déjà examiné le CEP en profondeur et conclu qu’il n’était pas discriminatoire à l’égard de M. Todd, le Tribunal n’a aucune raison de s’ingérer dans l’application contractuelle de cette entente.

[353] De plus, il n’y avait aucun lien entre les manquements au CEP de M. Todd et sa déficience.

[354] Durant son témoignage, M. Chaudhari a déclaré avoir préparé la note de cessation d’emploi et demandé l’autorisation de congédier M. Todd, parce que ce dernier avait refusé à répétition de respecter les modalités du CEP.

[355] À cet égard, j’estime que la décision de congédier M. Todd pour violation du CEP n’était pas discriminatoire au sens de la Loi, car il n’y avait aucun lien entre cette décision et les déficiences de M. Todd. Cependant, au moment de procéder au congédiement, M. Chaudhari et OC Transpo ont mentionné une justification supplémentaire, soit [traduction] « l’absentéisme excessif continu » de M. Todd.

Cessation d’emploi pour absentéisme excessif continu

[356] À l’appui de la note de cessation d’emploi, M. Chaudhari a joint un résumé imprimé de toutes les absences de M. Todd tout au long de sa carrière à OC Transpo, sans y distinguer les absences liées à une déficience de M. Todd ni en tenir compte autrement.

[357] M. Todd a soutenu que les mentions de son absentéisme dans la note de service signifiaient que la décision de le congédier était en partie fondée sur sa déficience ou que sa déficience était un facteur dans son congédiement.

[358] Je suis d’accord avec M. Todd. Le fait de mentionner toutes ses absences (y compris les absences liées à une déficience) pour justifier son congédiement (qui n’est pas contesté) satisfait au critère préalable pour établir qu’il y a eu discrimination.

[359] Le droit est clair : lorsqu’une caractéristique protégée est un facteur dans un traitement défavorable – même si ce n’est pas le seul facteur, ni même le facteur principal – la conduite en cause satisfait au critère préalable pour l’application de la Loi (voir Holden c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada (1990), 14 CHRR D/12 (CAF)).

[360] C’est le cas de la décision d’OC Transpo de congédier M. Todd (en partie) en raison de son [traduction] « absentéisme excessif continu ».

F. OC Transpo a‑t‑elle justifié le congédiement de M. Todd en raison (en partie) de sa déficience?

[361] Étant donné que j’ai conclu que M. Todd s’est acquitté du fardeau de la preuve relativement à la cessation de son emploi, il incombe à l’intimée de démontrer que sa conduite pourrait néanmoins être justifiée au sens de l’alinéa 15(1)a) et du paragraphe 15(2) de la Loi. Pour les motifs qui suivent, je conclus qu’OC Transpo ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait de démontrer que sa décision d’inclure l’ensemble des antécédents d’absence de M. Todd (sans égard aux motifs d’absence) était justifiée.

[362] Le paragraphe 15(2) de la Loi précise que :

Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées ou un motif justifiable […] s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité.

[Non souligné dans l’original.]

[363] Dans l’arrêt Colombie‑Britannique (PSERC) c. BCGSEU, [1999] 3 RCS 3 [Meiorin], la Cour suprême a énoncé le critère qui permet d’établir qu’une pratique est une exigence professionnelle justifiée. Pour prouver l’existence d’une telle exigence, il faut démontrer selon la prépondérance des probabilités que : 1) la norme a été adoptée dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause; 2) la norme a été adoptée en croyant sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail; 3) la norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail.

[364] Dans ce dossier, les parties ont convenu que la présence régulière et fiable au travail était une exigence raisonnable et nécessaire.

[365] La question ici n’est pas de savoir si l’obligation de se présenter au travail de façon régulière et fiable est valable. Le problème tient plutôt au fait que, dès le moment où OC Transpo a décidé de tenir compte de toutes les absences de M. Todd – y compris celles qui étaient liées à une caractéristique protégée –, au moment de le congédier, elle devait démontrer qu’elle avait composé avec M. Todd jusqu’à la limite de la contrainte excessive en matière de santé, de sécurité et de coûts.

[366] Autrement dit, si OC Transpo avait prouvé qu’elle n’aurait pu prendre aucune autre mesure raisonnable ou pratique pour éviter les conséquences fâcheuses pour M. Todd, elle aurait pu satisfaire aux exigences relatives à la justification (Moore, précité, au par. 49).

[367] Il est clair qu’un employé qui a une déficience peut être congédié à juste titre pour absentéisme excessif, pourvu que l’employeur démontre qu’il a composé avec lui jusqu’à la contrainte excessive (Ville d’Ottawa c. Desormeaux et Ville d’Ottawa c. Parisien, 2004 CF 1778. Voir aussi l’arrêt Scheuneman c. Canada (Procureur général), (2000) 266 NR 154 (CAF), où l’autorisation d’interjeter appel auprès de la CSC a été refusée ([2001] S.C.C.A. no 9)).

[368] Un employé ayant une déficience peut également être congédié à juste titre en raison de la violation d’un CEP correctement mis en place.

[369] Cependant, lorsque l’employeur confond les deux motifs de congédiement, l’existence du deuxième motif (le manquement) ne le dispense pas de l’obligation en matière de droits de la personne qui, en présence du premier motif (l’absentéisme excessif), lui incombe, c’est-à-dire démontrer qu’il a atteint la limite de la contrainte excessive.

[370] Durant l’audience, OC Transpo n’a pas démontré qu’elle avait atteint la limite de la contrainte excessive et épuisé toutes les solutions raisonnables ou pratiques lorsqu’elle a congédié M. Todd.

[371] Rien n’indique qu’au moment de congédier M. Todd, OC Transpo ait envisagé des solutions de rechange au congédiement, y compris d’autres approches en matière de mesures d’adaptation ou l’affectation de M. Todd à un autre poste (qui respectait ses limitations) par un placement prioritaire.

[372] Durant la période antérieure à l’imposition du CEP (20042012), M. Todd a manqué 28 % de ses quarts de travail en raison d’absences qui n’étaient pas liées à son ILD ni à son SCI. Lorsque l’on prend en compte tous les jours de maladie de M. Todd (c.àd. notamment les absences liées à sa déficience, les congés de maladie et d’autres absences non définies) et qu’on les compare à ses jours de travail (y compris les vacances, les congés aux fins d’enquête, les congés de deuil et les congés d’urgence familiale), son niveau d’absentéisme atteint 42 %. En outre, même si l’assiduité de M. Todd s’est améliorée durant la période visée par le CEP (y compris en 2012), son taux total d’absentéisme était toujours supérieur à 39 %, ou un peu moins de 30 % si l’on exclut les absences liées au SCI et à son ILD.

[373] Il était possible pour OC Transpo de démontrer que, même en excluant les absences liées à une déficience, le taux d’absentéisme global de M. Todd était problématique et avait atteint le point où la contrainte devenait excessive. Le taux d’absentéisme de M. Todd, qui s’élevait à près de 30 % (même en excluant les absences liées à son SCI et son ILD), aurait pu suffire à OC Transpo pour s’acquitter du fardeau d’établir la contrainte excessive, mais il aurait fallu qu’elle présente des éléments de preuve à l’appui d’une telle conclusion. En outre, même si OC Transpo a souligné la distinction entre les deux motifs dans son argumentation à l’audience, je ne dispose d’aucun élément de preuve me laissant croire qu’elle a également fait cette distinction au moment de décider d’inclure ce facteur dans sa justification de congédiement.

[374] Même s’il a été reconnu à l’audience qu’une présence régulière et fiable est importante pour tout employeur – et pour OC Transpo en particulier –, OC Transpo n’a pas fourni d’élément de preuve concernant le coût réel des absences de M. Todd pour l’organisation ou me permettant d’évaluer ces coûts dans le contexte du budget global de l’organisation. OC Transpo n’a pas non plus précisé de quelle façon des absences particulières de M. Todd ont pu avoir eu une incidence sur la disponibilité des remplaçants (qui sont régulièrement mis à l’horaire et payés, qu’ils aient ou non à prendre le volant).

[375] OC Transpo a également omis de présenter des éléments de preuve concernant des enjeux majeurs pour elle en matière de santé et de sécurité (voir Hydro‑Québec c. Syndicat des employés‑e‑s de techniques professionnelles et de bureau d’Hydro‑Québec, section locale 2000 (SCFP‑FTQ), 2008 CSC 43).

[376] En fin de compte, il incombe à OC Transpo, en tant qu’employeur, de démontrer qu’elle n’aurait pu prendre aucune autre mesure raisonnable ou pratique pour éviter de congédier M. Todd (en partie) pour des absences liées à sa déficience (voir, par exemple, Moore, précité, au par. 49, et Simpsons‑Sears, précité, au par. 28). Pour les motifs exposés cidessus, je conclus qu’OC Transpo n’a pas respecté son obligation de répondre aux besoins de M. Todd jusqu’à la limite de la contrainte excessive, dès lors qu’elle a inclus les absences liées à une déficience dans sa justification du congédiement de M. Todd.

VIII. Conclusion

[377] Pour les motifs qui précèdent, j’en arrive aux conclusions suivantes :

[378] OC Transpo n’a pas fait preuve de discrimination en cours d’emploi à l’égard de M. Todd en fonction d’une ou plusieurs de ses déficiences, et les plans d’adaptation en place, bien qu’imparfaits, étaient satisfaisants.

[379] OC Transpo n’a pas fait preuve de discrimination à l’égard de M. Todd lorsqu’elle l’a assujetti à un CEP à son retour au travail en 2012.

[380] M. Todd a omis de coopérer avec OC Transpo en ne respectant pas les exigences du CEP et, conformément aux modalités de cette entente, il n’était pas discriminatoire de le congédier pour avoir enfreint le CEP.

[381] Cependant, en incluant l’ensemble des antécédents d’absentéisme de M. Todd en tant qu’un des deux motifs de son congédiement, sans distinguer les absences liées à sa déficience ni justifier sa conduite comme la Loi le permet, OC Transpo a fait preuve de discrimination à l’égard de M. Todd.

IX. Décision

[382] Je conclus que la plainte est rejetée en partie et fondée en partie.

[383] À la demande conjointe des parties, l’instruction de la plainte a été scindée en deux parties : l’une portant sur le fond et l’autre sur les réparations. Comme j’ai conclu que la plainte est fondée en partie, je suis disposée à recevoir le plus rapidement possible les observations des parties sur les réparations.

[384] Le greffe communiquera avec les parties en temps opportun pour leur donner d’autres directives et fixer la date de l’audience (au besoin).

Signé par

Kirsten Mercer

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2610/3416

Intitulé de la cause : Jamison Todd c. La Ville d’Ottawa

Date de la décision du tribunal : Le 13 août 2020

Date et lieu de l’audience : Du 21 au 25 août 2017, du 27 au 29 septembre 2017, les 1er et 2 novembre 2017, du 19 au 21 décembre 2017, les 29 et 31 janvier 2018, les 1er et 2 février 2018 et les 8 et 9 mars 2018

Ottawa (Ontario)

Représentations écrites et orales par :

Alayna Miller et Alexander Bissonnette, pour le plaignant

Aucune comparution pour la Commission canadienne des droits de la personne

Jennifer Birrell et Raquel Chisholm, pour l'intimé e

 

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