Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2020 TCDP 39

Date : le 23 décembre 2020

Numéro du dossier : T2495/5220

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Graham Farmer

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Halifax Employers Association

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Kathryn A. Raymond, Q.C.

 



I. Introduction

[1] La présente plainte pour atteinte aux droits de la personne concerne des faits survenus à Halifax, en Nouvelle-Écosse. La plainte a été renvoyée au Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») pour instruction en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H-6 (la « Loi »). Le président du Tribunal a confié la gestion de l’instance et l’instruction de la plainte à un membre à temps partiel du Tribunal résidant à Halifax, Me Kathryn A. Raymond, c.r. (la « membre Raymond », ou, selon le contexte, le « Tribunal »). L’intimée, la Halifax Employers Association (l’« Association »), a présenté une requête demandant que la membre instructrice Raymond se récuse en raison d’une crainte raisonnable de partialité. L’intimée demande que la membre Raymond renvoie l’affaire au président pour qu’il la confie à un autre membre du Tribunal.

[2] Pour les motifs qui suivent, la requête en récusation de l’intimée est rejetée.

II. Dispositions législatives en matière de nominations

[3] Comme il ressortira de ce qui suit, les dispositions de la Loi concernant la nomination des membres du Tribunal fournissent le contexte pertinent. Aux termes du paragraphe 48.1(4) de la Loi, le gouverneur en conseil procède aux nominations des membres du Tribunal « […] avec le souci d’assurer une bonne représentation des régions ». Le Tribunal est constitué de membres à temps plein et de membres à temps partiel. Selon l’article 48.5, tous les membres à temps plein du Tribunal doivent résider dans la région de la capitale nationale. Par conséquent, l’obligation légale selon laquelle la composition du Tribunal doit refléter une bonne représentation des régions est satisfaite par la nomination de membres à temps partiel, comme la membre Raymond, qui habite en Nouvelle-Écosse.

[4] La Loi exige, au paragraphe 48.1(3), que le président, le vice-président et au moins deux autres membres du Tribunal soient des membres en règle du barreau d’une province. En pratique, les membres à temps partiel du Tribunal sont des membres en règle du barreau de leur province et la plupart d’entre eux exercent le droit pendant leur mandat à temps partiel au sein du Tribunal. La membre Raymond est membre en règle du barreau de la Nouvelle-Écosse depuis 1990 et elle était auparavant membre du Barreau du Haut-Canada.

[5] Pour être admissible à une nomination à titre de membre instructeur du Tribunal, il faut avoir une expérience et des compétences dans le domaine des droits de la personne. La membre Raymond travaille en cabinet privé dans le domaine du droit du travail et dans d’autres domaines du droit pertinents quant à son admissibilité. De plus, la membre Raymond occupe d'autres fonctions juridictionnelles pertinentes.

[6] Lorsqu’ils sont nommés membres à temps plein ou à temps partiel du Tribunal, tous les membres du Tribunal doivent s’engager par un serment professionnel à s’acquitter de leurs fonctions avec impartialité. La membre Raymond a été nommée membre à temps partiel du Tribunal en juillet 2019 et a par la suite prêté le serment professionnel en question.

III. Divulgation à la suite de la nomination par le Tribunal

[7] En juillet 2020, la membre Raymond a accepté le mandat que lui avait confié le président du Tribunal d’instruire la présente plainte en vertu du paragraphe 49(2) de la Loi, après avoir vérifié au préalable s’il existait un conflit d’intérêts. Cette vérification a confirmé qu’il n’existait dans le présent dossier aucun lien ni aucune relation avocat-client ou avocat-partie adverse entre elle, en sa capacité d’avocate exerçant en cabinet privé, et le plaignant (Graham Farmer), l’intimée (l’Association) ou la Commission.

[8] Comme la membre Raymond exerce le droit en tant qu’associée au sein d’un cabinet d’avocats, la vérification de l’existence d’un conflit d’intérêts visait également à découvrir tout lien connu entre les clients ou les membres de ce cabinet d’avocats et les parties à la plainte pour atteinte aux droits de la personne. Plusieurs liens ont été signalés.

[9] Le 10 août 2020, la membre Raymond a écrit aux parties à la présente plainte pour déclarer les liens en question. La lettre était ainsi libellée :

[traduction]

Outre les fonctions que j’assume en tant que membre du Tribunal, j’exerce le droit en Nouvelle-Écosse au sein du cabinet privé BOYNECLARKE LLP. Par mesure de précaution, j’ai l’habitude de remonter jusqu’à dix ans en arrière pour vérifier s’il existe des liens connus entre moi-même ou d’autres membres de mon cabinet et les parties à une plainte déposée devant le Tribunal. La divulgation de tous les renseignements suivants n’est probablement pas exigée, mais est offerte aux parties par souci de transparence. Je vous informe donc de ce qui suit :

Je n’ai participé à aucune affaire concernant l’une ou l’autre des parties à la présente plainte.

Graham Farmer : Le plaignant était le client d’un autre avocat de mon cabinet dans un dossier sans rapport avec la présente affaire, qui a été classé il y a dix ans.

Halifax Employers Association : L’intimée était une partie adverse dans une affaire classée sans rapport avec la présente plainte, à laquelle a participé un autre avocat de mon cabinet il y a plus de cinq ans; un des membres du conseil d’administration de l’intimée est actuellement le client d’un autre avocat de mon cabinet à titre personnel, dans une affaire sans rapport avec la présente plainte; deux autres membres du conseil d’administration ont retenu les services d’avocats de mon cabinet pour des affaires personnelles sans rapport avec la présente plainte, dont la plus récente a été classée il y a quatre ans.

Membres de la Halifax Employers Association : L’un des 37 employeurs membres de l’association intimée est présentement le client d’un autre avocat de mon cabinet dans un dossier sans rapport avec la présente plainte; un autre membre de l’intimée est un ancien client de mon cabinet relativement à des dossiers classés sans rapport avec la présente plainte, dont le plus récent remonte à plusieurs années; un troisième membre était une partie adverse dans un dossier sans rapport avec la présente plainte géré par un autre avocat et qui a été classé il y a six ans.

J’invite les parties à bien vouloir me faire part sans délai de toute question que soulèveraient ces renseignements.

[10] Les parties n’ont soulevé aucune question à la suite de la divulgation de ces renseignements par le Tribunal.

IV. Demande de récusation préventive

[11] Même si l’intimée n’avait aucune réserve au sujet des liens antérieurs divulgués par la membre Raymond dans sa lettre, son avocat a adressé au Tribunal, le 4 septembre 2020, une demande informelle sous forme de lettre. Après en avoir avisé les autres parties, l’avocat a demandé que la membre Raymond se récuse de façon préventive sans qu’il soit nécessaire de déposer une requête à cette fin, en raison de l’existence d’un présumé conflit d’intérêts dans une autre affaire que celles susmentionnées.

[12] La demande de récusation préventive était fondée sur le fait qu’en sa qualité d’avocate de pratique privée, la membre Raymond représente un client ayant un différend avec une université située dans la région de l’Atlantique (l’« Université »). Dans la présente décision sur requête, cette instance sera appelée « l’instance relative à l’Université ». L’intimée a qualifié cette autre affaire de procédure confidentielle concernant l’Université à l’interne. L’avocat de l’intimée a souligné que son cabinet, Stewart McKelvey, représente également une partie à l’instance relative à l’Université. Il a plus particulièrement expliqué que deux des associés de son cabinet, dont l’un est l’associé directeur régional du cabinet, représentaient l’autre partie dans l’instance relative à l’Université. L’instance relative à l’Université, qui est toujours en cours, a été décrite comme étant conflictuelle, soulevant de nombreuses questions et nécessitant plusieurs audiences réparties sur plus de six ans. L’avocat de l’intimée a informé la membre Raymond qu’il représentait également l’Université dans d’autres dossiers sans rapport avec l’instance relative à l’Université ou avec la présente plainte.

[13] L’avocat de l’intimée a fait valoir que le mandat confié à la membre Raymond dans l’instance relative à l’Université, à titre d’avocate, suscitait une crainte raisonnable de partialité contre son cabinet d’avocats dans la présente instance. L’avocat de l’intimée a précisé que l’intimée n’alléguait pas que la membre Raymond avait effectivement ou subjectivement un parti pris. Il a déclaré ce qui suit : [traduction] « […] Il existe à notre avis une crainte objectivement raisonnable de partialité de votre part contre le cabinet d’avocats Stewart McKelvey dans la présente affaire en raison de votre participation, avec mes collègues, à l’instance relative à l’Université. »

[14] Le plaignant, l’intimée et la Commission n’ont rien à voir avec le différend relatif à l’Université.

[15] La lettre du 4 septembre 2020 demandant la récusation n’était pas accompagnée d’un affidavit. L’avocat de l’intimée a affirmé que l’autre procédure en cours à l’Université était confidentielle et que les éléments de preuve la concernant ne pouvaient être communiqués aux parties à la présente affaire ni au Tribunal. Il a aussi confirmé qu’il n’avait pas révélé les détails de l’instance relative à l’Université à sa cliente, l’Association.

[16] Comme nous l’avons déjà précisé, l’intimée a demandé que la membre Raymond se récuse sans qu’il soit nécessaire de déposer une requête. Un membre d’un tribunal peut exercer son pouvoir discrétionnaire et se récuser sur la foi d’une information reçue d’une des parties au litige, sans audience, étant donné que la récusation est une décision discrétionnaire qui n’a aucune incidence sur les droits substantiels des parties (Human Rights Commission (N.S.) v. Town of Kentville, 2004 NSCA 44 (CanLII)). Toutefois, en l’espèce, la membre Raymond a conclu que le dépôt d’une requête était nécessaire et elle a ordonné à l’intimée de déposer une requête en récusation.

V. Genèse de la requête en récusation de l’intimée

[17] L’intimée a déposé sa requête le 13 octobre 2020. Le plaignant et la Commission ont par la suite indiqué qu’ils ne prenaient pas position au sujet de la requête de l’intimée.

[18] Sans pour autant le formuler expressément comme demande accessoire dans la requête, l’intimée semble demander à la membre Raymond de se récuser sur le fondement du critère juridique de la crainte raisonnable de partialité, et qu’elle lui demande aussi de se récuser de son propre chef, sur demande, ainsi qu’il est envisagé dans la conclusion de l’avis de requête.

[19] Aucun affidavit n’a été déposé à l’appui de la requête de l’intimée. Celle-ci maintient que l’instance relative à l’Université est confidentielle et qu’en conséquence, elle n’est pas en mesure de fournir des éléments de preuve à l’appui de sa requête en récusation. L’intimée fait valoir que sa requête ne devrait pas être rejetée pour absence de preuve, puisqu’elle ne peut pas présenter d’éléments de preuve. La membre Raymond devrait plutôt se récuser, selon l’intimée.

[20] Avant de poursuivre sur la question faits à l’origine de la requête, il convient tout d’abord d’expliquer la thèse défendue par l’intimée au sujet de sa connaissance des faits, compte tenu du caractère confidentiel allégué de l’instance relative à l’Université et des obstacles qui, selon ce qu’elle a déclaré au Tribunal, l’ont empêchée de fournir un dossier factuel à l’appui de sa requête.

VI. La position de l’intimée concernant sa connaissance des faits

[21] Comme nous l’avons déjà expliqué, l’avocat de l’intimée affirme qu’il n’a divulgué à sa cliente, l’Association, aucun renseignement concernant le dossier de l’instance relative à l’Université. Il ressort de cette affirmation, de la lettre du 4 septembre 2020 de l’avocat de l’intimée et de la requête du 13 octobre 2020 que l’avocat de l’intimée a une connaissance du dossier de l’Université qui lui permet de conseiller sa cliente dans le contexte de la requête en récusation. Il est également évident que l’intimée, l’Association, ignore tout des questions évoquées par son avocat.

[22] Compte tenu de sa position suivant laquelle l’instance relative à l’Université est confidentielle, l’avocat de l’intimée s’est exprimé au sujet de sa connaissance de ce dossier dans sa lettre du 4 septembre 2020. L’avocat a fait valoir que dans l’arrêt Succession MacDonald c. Martin, 1990 CanLII 32 (CSC) [Succession MacDonald], la Cour suprême du Canada a établi, aux pages 1260 et 1261, la présomption réfutable selon laquelle les avocats d’un même cabinet se font des confidences et échangent des renseignements confidentiels. L’avocat de l’intimée écrit : [traduction] « En l’espèce, non seulement j’agis en tant qu’avocat de l’Association tout en étant avocat de l’Université qui est partie à l’instance relative à l’Université, mais il existe une présomption réfutable suivant laquelle les associés de mon cabinet m’auront transmis des renseignements concernant l’instance relative à l’Université. » (Bien que l’avocat de l’intimée affirme qu’il représente l’Université, il ne participe pas à l’instance relative à l’Université.)

[23] Le Tribunal convient qu’il existe une présomption réfutable selon laquelle les deux associés du cabinet de l’avocat de l’intimée qui s’occupent du dossier de l’Université ont communiqué à l’avocat de l’intimée des renseignements concernant l’instance relative à l’Université. L’avocat de l’intimée n’a, en aucune façon, donné à penser que ses collègues ne lui avaient pas communiqué de tels renseignements ou que les faits de l’affaire permettaient de réfuter la présomption .

[24] Il est évident que l’avocat de l’intimée se fonde sur le fait qu’il a obtenu des renseignements concernant l’instance relative à l’Université pour donner à l’intimée, l’Association, un avis juridique selon lequel il existe dans la présente affaire une crainte raisonnable de partialité. En conséquence, le Tribunal comprend que l’avocat de l’intimée demande effectivement au Tribunal de statuer sur la requête de l’intimée en partant du principe que la présomption établie dans l’arrêt Succession MacDonald s’applique et que, pour les fins de la présente requête, on peut présumer que l’avocat de l’intimée est très bien renseigné quant à l’instance relative à l’Université.

[25] Le Tribunal constate également qu’étant donné que l’avocat n’a pas divulgué à sa cliente, l’Association, les renseignements qu’il possède au sujet de l’instance relative à l’Université, l’Association a déposé la présente requête en suivant l’avis de son avocat, sans exiger qu’il lui communique les renseignements concernant l’instance relative à l’Université sur lesquels repose la présente requête, comme ce serait normalement le cas entre un avocat et son client. Le Tribunal comprend donc que l’intimée est prête à faire instruire la présente requête sans avoir pris connaissance des renseignements pertinents que possède son avocat.

VII. La position de l’intimée concernant la preuve et les renseignements à l’appui de sa requête

[26] L’avocat de l’intimée a expliqué qu’il ne pouvait pas fournir d’éléments de preuve à l’appui de sa requête parce que, selon lui, l’instance relative à l’Université à l’interne est confidentielle. Il affirme que le caractère confidentiel de l’instance relative à l’Université vise à protéger toutes les parties à cette instance, y compris le client que Me Raymond représente comme avocate dans le cadre de sa pratique privée. L’avocat de l’intimée a également expliqué que l’Université, en tant que cliente de son cabinet d’avocats, n’avait pas renoncé au privilège du secret professionnel.

[27] L’avocat de l’intimée a reconnu le fait que, comme avocate de pratique privée, la membre Raymond a présenté plusieurs demandes de contrôle judiciaire devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse au nom de sa cliente, dans l’instance relative à l’Université, qui sont de nature publique. L’avocat a toutefois précisé que les dossiers publics ne contenaient pas d’éléments sur lesquels l’intimée pouvait se fonder à l’appui de ses allégations de partialité. Le Tribunal en conclut que l’avocat de l’intimée a pris connaissance des demandes en question.

[28] L’avocat de l’intimée a fait valoir que, pour ces raisons, aucun document provenant de l’instance relative à l’Université ne pouvait être produit sous forme d’affidavit à l’appui de la requête. L’avocat a semblé estimer qu’il était confronté à une impasse.

[29] L’intimée a en outre laissé entendre que c’était en réalité la membre Raymond qui devait divulguer les renseignements qu’elle avait en sa possession. L’intimée a cité à l’appui l’arrêt Benedict v. Ontario, 2000 CanLII 16884 (CA Ont) [Benedict], au paragraphe 35. Dans cet arrêt, la Cour d’appel de l’Ontario a conclu qu’il existait des situations dans lesquelles [traduction] « […] seul le juge connaît les détails susceptibles de donner lieu à une apparence de partialité s’il devait instruire l’affaire ». En citant l’arrêt Benedict et d’autres décisions semblables dans ses observations, l’intimée semble adopter le point de vue selon lequel la membre Raymond est la seule personne qui est au courant des faits de nature à susciter une crainte raisonnable de partialité, de sorte qu’elle doit se récuser ou communiquer aux parties tous les faits pertinents. On ne sait pas avec certitude si cet argument est invoqué accessoirement ou pour indiquer que la membre Raymond a accès à des renseignements complémentaires qui ne se trouvent pas dans le dossier de l’instance relative à l’Université.

[30] Après avoir invoqué l’arrêt Benedict et d’autres décisions, l’intimée ajoute toutefois que la membre Raymond ne pouvait divulguer aux parties tous les renseignements qu’elle avait en main au sujet de l’instance relative à l’Université en raison de leur caractère confidentiel.

[31] Il ressort de ces observations que l’intimée laisse entendre que la membre Raymond devrait se récuser parce qu’elle se trouve elle aussi dans une situation sans issue en ce qui concerne la communication des renseignements requis pour la requête.

VIII. Développements ultérieurs concernant la preuve et la confidentialité

[32] Après avoir reçu la requête, le Tribunal a décidé, le 29 octobre 2020, d’écrire une lettre aux parties pour leur offrir des suggestions générales afin de faciliter la présentation, par l’intimée, d’éléments de preuve à l’appui de sa requête. Cette mesure a été prise en vertu de l’article 3 des Règles de procédure du Tribunal, qui prévoit que, dès réception de l’avis de requête, le Tribunal peut notamment donner des directives au sujet de la présentation de la preuve par toutes les parties.

[33] Dans sa lettre, le Tribunal a expliqué qu’il n’existait à son avis aucun motif de récusation découlant de l’instance relative à l’Université, et que c’était la raison pour laquelle celle-ci n’avait pas été soulevée dans sa lettre du 10 août 2020. Le Tribunal a pris acte de l’argument de l’intimée selon lequel elle n’était pas en mesure de fournir des éléments de preuve à l’appui de sa requête. Le Tribunal a expliqué qu’il se trouvait de ce fait dans une situation difficile, étant donné que la jurisprudence établit qu’il incombe généralement à la partie qui allègue la partialité d’en faire la preuve.

[34] Le Tribunal a affirmé qu’il avait compris que les allégations de l’intimée reposaient sur le caractère conflictuel de l’instance relative à l’Université, qui serait vraisemblablement manifeste au vu du dossier de l’instance. Le Tribunal a donc suggéré à l’avocat de l’intimée de produire un affidavit dressant la liste des documents de l’instance relative à l’Université qui étayaient ses allégations. Les documents eux-mêmes seraient annexés à cet affidavit et leur contenu serait entièrement caviardé, à l’exception des passages servant à illustrer le caractère conflictuel de l’instance. De plus, la date et le numéro des pages de tout document annexé seraient clairement indiqués. Le Tribunal a expliqué que, si un enregistrement audio était utilisé, des repères de temps pourraient être fournis et les passages invoqués de la bande magnétique pourraient être transcrits. Tous les autres renseignements seraient caviardés.

[35] De plus, le Tribunal a signalé qu’il avait le pouvoir légal de rendre des ordonnances et de prendre des mesures pour assurer la confidentialité de l’instruction, conformément à l’article 52 de la Loi. Le Tribunal a ajouté que, lorsque les circonstances le justifient, cette disposition peut être invoquée pour mettre le dossier officiel sous scellés et pour interdire la publication de toute décision ou décision sur requête. Le Tribunal a invité l’intimée à proposer une ordonnance de confidentialité qui répondrait à ses besoins, en tenant compte du fait que des détails importants de l’instance relative à l’Université – nom des parties, faits à l’origine du litige – étaient déjà accessibles au public dans les dossiers des demandes de contrôle judiciaire.

[36] Le 16 novembre 2020, l’intimée a répondu en indiquant que les suggestions du Tribunal n’étaient pas réalistes parce qu’elles ne tenaient pas compte des craintes soulevées par l’intimée au sujet de la confidentialité. L’intimée a invoqué les raisons suivantes pour refuser de donner suite aux suggestions du Tribunal :

[traduction]

 

Supposons que la proposition de la membre instructrice soit retenue et que l’avocat de l’Association produise un affidavit auquel serait annexé un document provenant de l’instance relative à l’Université. On trouverait dans ce document des passages qui « illustrent le caractère conflictuel de l’instance », et le reste du document serait caviardé. Supposons maintenant que la membre instructrice soit d’avis que l’avocat de l’Association a cité les propos non caviardés hors de leur contexte et que ceux-ci puissent être expliqués ou justifiés par d’autres passages caviardés du document ou par un autre document ne faisant pas partie de l’affidavit. On ne sait pas avec certitude ce qui se passerait alors, puisque la membre instructrice est chargée de trancher de manière impartiale la requête dont elle est saisie. La proposition de la membre instructrice risquerait de lui causer une injustice parce qu’elle ne peut témoigner lors de l’instruction de la requête et qu’elle ne peut présenter d’éléments de preuve pour réfuter ceux de l’Association […]. Les parties à l’instance devant le Tribunal ne seraient pas plus avancées en ce qui concerne la compréhension du contexte de l’instance relative à l’Université, et il y aurait encore un risque de violation de la confidentialité de l’instance relative à l’Université malgré tous les efforts de caviardage […] L’Association maintient donc la position initiale qu’elle a fait valoir dans sa requête et soutient qu’il n’est pas possible d’annexer des documents tirés de l’instance relative à l’Université sans porter atteinte aux obligations de confidentialité.

[37] La Commission et le plaignant avaient la possibilité de répondre aux suggestions du Tribunal au plus tard le 27 novembre 2020. La Commission n’a pas fait valoir d’autres arguments, étant donné que l’intimée n’avait pas pris position quant à une possible ordonnance de confidentialité. Le plaignant, quant à lui, n’a pas répondu.

IX. Questions en litige

[38] Les principales questions que soulève la présente requête sont les suivantes :

  • 1) la question de savoir si l’intimée n’est pas en mesure de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa requête en raison du caractère confidentiel de l’instance relative à l’Université et du risque qu’une ordonnance de confidentialité soit inefficace;

  • 2) la question de savoir si la membre Raymond est tenue de communiquer des renseignements concernant l’instance relative à l’Université;

  • 3) la question de savoir si la membre Raymond devrait se récuser et renoncer à instruire et à trancher la présente plainte pour atteinte aux droits de la personne.

X. Fardeau de la preuve

[39] Il est bien établi en droit que, dans une requête en récusation, le fardeau de la preuve incombe au requérant, qui doit satisfaire au critère de la prépondérance des probabilités.

XI. Présomption de bonne foi et d’impartialité

[40] Les décideurs chargés de rendre des décisions judiciaires et quasi judiciaires bénéficient d’une forte présomption de bonne foi et d’impartialité. C’est à la partie portant le fardeau de la preuve qu’incombe la charge de réfuter cette présomption de bonne foi. Dans l’arrêt Carbone v. McMahon, 2017 ABCA 384, au paragraphe 62, la Cour d’appel de l’Alberta écrit : [traduction] « Ceux qui contestent cette présomption doivent “présenter des éléments de preuve convaincants et substantiels justifiant, selon la prépondérance des probabilités, la conclusion que le juge avait effectivement un parti pris ou qu’une personne sensée, raisonnable et bien renseignée conclurait que le juge n’a pas tranché l’affaire de façon impartiale” » (voir également Bizon v. Bizon, 2014 ABCA 174 (CanLII), au paragraphe 62; La Reine c. S., 1997 CanLII 324 (CSC), et Committee for Justice and Liberty c. L’Office national de l’énergie, 1976 CanLII 2 (CSC) [Committee for Justice]).

[41] En outre, les membres du Tribunal canadien des droits de la personne prêtent un serment professionnel, ce qui renforce la présomption de leur impartialité et de leur bonne foi (Pacific Opera Victoria Association v. International Alliance of Theatrical Stage Employees, Local No. 168, 2001 CanLII 33238 [Pacific Opera], aux paragraphes 19 et 20, et Auer v. Auer, 2018 ABQB 510 (CanLII) [Auer], aux paragraphes 102 et 103).

[42] Cette forte présomption d’impartialité ne peut être réfutée au moyen d’une simple demande de récusation, au risque de créer le chaos dans le système de justice administrative et d’inciter les parties à « se choisir » un décideur. Il n’est pas permis aux parties de choisir leur juge ou de récuser un décideur simplement parce qu’elles ne souhaitent pas comparaître devant lui (voir, à cet égard, R. v. Mitchell, 2002 BCSC 3 (CanLII), aux paragraphes 39 et 40; CET-53358-15-RO (Re), 2017 CanLII 93937 (Commission de la location immobilière de l’Ontario), au paragraphe 22).

XII. Obligation de présenter des éléments de preuve

[43] Pour réfuter la présomption d’impartialité, il faut présenter des éléments de preuve convaincants, comme il a été expliqué dans la décision Pacific Opera, précitée, au paragraphe 20. Ainsi que le font observer Emily Lawrence et Adam Stikuts dans leur article intitulé « Allegations of Bias in Administrative Law Proceedings: A Review of Recent Cases » (2017) 30 Can J Admin L & Prac 145, à la page 15 [Lawrence & Stikuts] :

[traduction]

Lorsque l’allégation de partialité vise des décisions antérieures ou des faits survenus au cours d’audiences précédentes, il est impératif d’indiquer au décideur les paragraphes et les lignes de la transcription pertinents. Pourtant, les plaideurs omettent parfois de le faire. Par exemple, dans l’affaire Prince Edward County Field Naturalists v. Ontario (Environment and Climate Change), la partie qui demandait la récusation faisait valoir que les décisions antérieures écrites rendues par les membres du tribunal démontraient qu’ils avaient un parti pris en sa défaveur, sans fournir la moindre précision quant aux observations ou aux passages problématiques. Elle n’a mentionné des numéros de paragraphes spécifiques que dans sa réplique. Comme on pouvait s’y attendre, le tribunal a estimé que l’absence initiale de détails rendait la demande peu convaincante et il a par conséquent refusé de se récuser.

De même, dans l’affaire Alla et Bombardier inc., […] l’avocat n’avait donné aucun exemple du manque de respect reproché. Le décideur saisi de la requête s’est dit « frappé par le caractère général, vague et imprécis des allégations de la requête » et il a rejeté la demande de récusation.

[44] Le fardeau de la preuve incombe à l’intimée puisque c’est elle qui a présenté la requête en récusation; elle doit donc présenter des éléments de preuve au soutien de sa requête. Or, l’intimée n’en a fourni aucun.

[45] La requête de l’intimée pourrait par conséquent être rejetée pour absence de preuve. L’intimée a toutefois soutenu qu’elle n’était pas en mesure de présenter des éléments de preuve en raison de l’ampleur des contraintes découlant du caractère confidentiel de l’instance relative à l’Université. L’intimée soutient qu’elle ne devrait donc pas être déboutée de sa requête. Par conséquent, le Tribunal s’est demandé si les questions de confidentialité soulevées par l’intimée empêchaient cette dernière de présenter des éléments de preuve à l’appui de sa requête.

XIII. Est-il ou non impossible de présenter des éléments de preuve à l’appui de la requête en raison de la confidentialité?

[46] Comme nous l’avons déjà précisé, l’avocat de l’intimée dispose de tous les renseignements dont il a besoin au sujet de l’instance relative à l’Université. Il invoque la présomption réfutable selon laquelle ses deux associés, qui participent à l’instance relative à l’Université, lui ont communiqué des renseignements confidentiels au sujet de cette instance. Il n’a nullement laissé entendre que la présomption devait être réfutée. Sur la base de ces renseignements, l’avocat de l’intimé a émis l’opinion que les faits suscitaient une crainte raisonnable de partialité, et l’intimée a fait sienne cette opinion. L’avocat de l’intimée est par conséquent légalement présumé avoir accès à tous les renseignements concernant l’instance relative à l’Université dont il avait besoin pour se forger une opinion, conseiller sa cliente et déposer la requête. La présumée confidentialité de l’autre instance n’empêche pas l’avocat de l’intimée d’être au courant de l’autre dossier et de soumettre un affidavit à l’appui d’une requête en récusation, sous réserve de considérations ayant trait à la confidentialité ou à l’existence d’un privilège. L’avocat de l’intimée n’a pas précisé les renseignements qui, selon lui, étaient pertinents dans le contexte de la requête et qu’il ne pouvait obtenir afin de les examiner au nom de sa cliente.

[47] L’avocat de l’intimée allègue toutefois qu’il n’est pas en mesure de fournir des éléments de preuve au nom de sa cliente parce que l’autre instance est confidentielle. Comme mentionné ci-dessus, l’intimée n’a présenté aucun élément de preuve ni cité de précédent pour étayer sa prémisse de départ suivant laquelle l’autre instance est confidentielle.

[48] S’agissant de la portée du caractère confidentiel de cette autre instance, l’avocat de l’intimée a reconnu que des demandes de contrôle judiciaire avaient été déposées devant la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse et que ces demandes sont publiques.

[49] La Cour suprême de la Nouvelle-Écosse est saisie de trois demandes de contrôle judiciaire. L’Université n’a pas demandé que ces documents soient mis sous scellés. La membre Raymond rappelle qu’une de ces demandes a fait l’objet d’une certaine attention médiatique.

[50] Les demandes de contrôle judiciaire sont soumises aux Règles de procédure civile de la Nouvelle-Écosse. Ces Règles contiennent certaines exigences quant aux éléments que doit contenir une demande de contrôle judiciaire. En raison de ces exigences, les trois demandes de contrôle judiciaire en question contiennent une quantité importante de renseignements au sujet de l’instance relative à l’Université, notamment l’identité des parties, un exposé des faits à l’origine de l’instance, l’énumération de bon nombre des questions en litige dans l’instance jusqu’à la date du dépôt de la plus récente demande, en novembre 2019, et l’historique des litiges procéduraux, des audiences et des décisions sur requête rendues par le tribunal saisi de l’instance dont les décisions feront l’objet du contrôle judiciaire. Ces demandes de contrôle judiciaire contiennent également une liste de toutes les transcriptions et tous les documents versés au dossier de cette affaire interne, en l’occurrence les nombreuses communications échangées entre les parties et le tribunal. Une quantité importante de renseignements portant sur cette autre instance appartiennent donc à la sphère publique.

[51] Une demande de contrôle judiciaire est soumise à une cour de justice par une partie qui est en désaccord avec une décision rendue et qui souhaite que celle-ci soit corrigée. Les demandes de contrôle judiciaire dont il est question en l’occurrence fournissent donc des renseignements, dans des dossiers publics, qui portent sur les différends opposant les parties à l’instance relative à l’Université. Elles sont également pertinentes quant au caractère conflictuel de l’instance.

[52] En outre, l’Université n’a pas prétendu que les faits à l’origine de l’affaire interne étaient confidentiels. L’Université a informé des organismes tiers, l’un en Nouvelle-Écosse et l’autre dans une autre province, de ce qu’elle avait fait qui a mené à cette instance. Ces organismes tiers fournissent des renseignements au public et à d’autres organisations semblables à l’échelle internationale; les renseignements ainsi fournis sont donc rendus publics. De plus, la membre Raymond ne se souvient pas que la question de la confidentialité ait été examinée dans le cadre de l’instance relative à l’Université. Elle est peut-être confidentielle, mais le tribunal n’a tiré aucune conclusion en ce sens dans cette instance.

[53] En résumé, il ne peut être contesté, au vu des faits, 1) que l’existence de l’instance relative à l’Université n’est pas confidentielle et 2) qu’une grande partie des renseignements concernant l’instance relative à l’Université est accessible au public, en raison des trois demandes de contrôle judiciaire qui ont été déposées auprès de la Cour.

[54] Selon l’avocat de l’intimée, l’examen des renseignements portés à la connaissance de la Cour dans les trois demandes de contrôle judiciaire ne permet pas de déterminer les raisons pour lesquelles il invoque une crainte raisonnable de partialité.

[55] L’avocat de l’intimée n’a mentionné aucun renseignement versé au dossier de l’instance relative à l’Université – qu’il s’agisse de dates ou de tout autre renseignement anonymisé – qu’il souhaiterait annexer à un affidavit à l’appui de sa requête, ne serait-ce que pour démontrer qu’il existe des éléments de preuve ou préciser où se trouvent ces éléments de preuve dans le dossier. L’avocat de l’intimée a plutôt fait de vagues allusions au caractère hautement conflictuel de l’instance relative à l’Université et il revendique une totale confidentialité sur les éléments de preuve qu’il affirme être pertinents quant à sa requête. Comme aucune indication n’a été donnée quant aux éléments de preuve que l’avocat de l’intimée voudrait invoquer, la membre Raymond ne peut déterminer si elle est d’accord avec lui pour affirmer que ceux-ci sont confidentiels. De l’avis du Tribunal, l’argument de l’avocat de l’intimée selon lequel il ne peut pas présenter d’autres renseignements est incompatible avec l’obligation qui incombe à l’intimée, en tant que partie requérante, de fournir au Tribunal suffisamment de renseignements pour lui permettre d’instruire les questions en litige et de statuer sur la requête.

[56] Il est également difficile de comprendre pourquoi l’avocat de l’intimée estime qu’il ne peut présenter le moindre élément de preuve. Dans sa requête, l’intimée affirme qu’il existe une crainte raisonnable que la membre Raymond ait un parti pris contre le cabinet d’avocats Stewart McKelvey. Des éléments de preuve pertinents à l’appui de la requête contiendraient des renseignements sur les propos ou les actes de la membre Raymond qui suscitent une telle crainte raisonnable de partialité. Les éléments de preuve ne devraient pas porter sur les clients en cause dans l’autre instance, mais sur le cabinet d’avocats ou ses avocats. Par conséquent, la divulgation de renseignements concernant le prétendu parti pris défavorable au cabinet d’avocats ne devrait pas porter atteinte aux renseignements confidentiels des clients. L’intimée n’a pas expliqué ou démontré de façon satisfaisante en quoi la présentation d’éléments de preuve concernant cette crainte de partialité porterait atteinte à la confidentialité.

[57] Pour ces motifs, il semble que l’avocat de l’intimée aurait dû être en mesure de fournir des précisions sur les propos ou les actes de la membre Raymond qui suscitent une crainte de partialité à l’endroit du cabinet d’avocats, en relatant de façon générale ce qui s’était produit, en mentionnant une date ou un document ou en indiquant de toute autre façon où, dans l’autre dossier, la membre Raymond pouvait trouver ces renseignements. De l’avis du Tribunal, l’intimée aurait pu trouver un moyen de préciser la totalité ou une partie de ce type d’éléments de preuve sans pour autant porter atteinte à la confidentialité ou nuire aux intérêts des plaideurs de cette autre instance.

[58] Le Tribunal rappelle que, dans une requête en récusation, le fardeau de la preuve appartient au requérant, et non au Tribunal, lorsque les faits sur lesquels repose la requête sont connus du requérant. Or, la requête du 13 octobre 2020 de l’intimée et sa réponse du 16 novembre 2020 n’offrent aucune autre suggestion quant à la façon dont l’intimée pourrait expliquer les propos ou les gestes qu’elle attribue à la membre Raymond tout en protégeant la confidentialité. L’intimée n’a pas expliqué non plus pourquoi elle ne pouvait communiquer ces renseignements de manière anonymisée.

[59] L’intimée a fait valoir plusieurs autres arguments à l’appui de sa prétention selon laquelle sa requête ne devrait pas être rejetée pour absence de preuve, étant donné qu’elle n’est pas en mesure de présenter des éléments de preuve concernant l’instance relative à l’Université. Je vais traiter brièvement de ces arguments.

[60] L’avocat de l’intimée a affirmé que le fait que l’instance relative à l’Université est confidentielle protège toutes les parties, y compris le client de la membre Raymond. L’intimée n’explique pas pourquoi il en est ainsi. Si elle veut dire par là que l’identité des clients et l’existence de différends sont confidentielles, elle se trompe. L’existence d’un dossier public sur l’existence de cette autre instance réfute cet argument en ce qui concerne toutes les parties à l’instance relative à l’Université. De plus, si la membre Raymond avait pressenti que son client subirait un préjudice dans l’instance relative à l’Université, elle n’aurait pas accepté qu’on lui confie l’instruction de la présente plainte.

[61] L’intimée soutient essentiellement que les renseignements qu’elle présenterait en preuve, si elle était en mesure de le faire, sont protégés par le privilège du secret professionnel de l’avocat, mais elle n’explique pas sur quel fondement elle invoque ce privilège. L’intimée n’a présenté aucun élément de preuve ni cité de précédent pour étayer cet argument.

[62] Les demandes de contrôle judiciaire font état de communications échangées entre deux parties et un tribunal. Le client de Me Raymond n’a aucune affiliation avec l’Université. Par conséquent, les communications dont il est fait état dans le dossier de l’instance relative à l’Université concernent également une partie externe. Il semble que le privilège du secret professionnel ne protège pas les communications échangées entre les parties et le tribunal dans ces circonstances. Le Tribunal ne peut donc conclure que l’intimée n’est pas en mesure de fournir des éléments de preuve au motif qu’ils sont protégés par le secret professionnel de l’avocat.

[63] Pour ces motifs, le Tribunal n’est pas convaincu que l’intimée ne peut pas présenter des éléments de preuve à l’appui de sa requête en raison du caractère confidentiel de l’instance relative à l’Université.

XIV. Les éléments de preuve confidentiels seraient-ils ou non protégés par une ordonnance de confidentialité?

[64] Dans sa lettre du 29 octobre 2020, le Tribunal a offert à l’intimée des solutions pour l’aider à présenter un affidavit, après que l’intimée eut déposé sa première requête sans l’accompagner d’un affidavit. Ainsi, le Tribunal a suggéré à l’avocat de l’intimée de caviarder certains passages de la preuve documentaire ou des transcriptions à annexer à l’affidavit. Le Tribunal a également proposé à l’intimée de demander une ordonnance de confidentialité personnalisée. L’intimée a refusé ces suggestions du Tribunal.

[65] En réponse, l’intimée a fait valoir qu’il existait un risque que le caractère confidentiel de l’instance relative à l’Université ne soit pas respecté en dépit des mesures prises pour caviarder les documents. L’intimée n’a présenté aucun élément de preuve ni cité de précédent pour expliquer ou étayer ce prétendu risque.

[66] Le Tribunal est en mesure de protéger la confidentialité de l’instruction grâce à l’article 52 de la Loi. Le paragraphe 52(1) permet ainsi au membre instructeur de « […] prendre toute mesure ou rendre toute ordonnance pour assurer la confidentialité de l’instruction […] » lorsque la divulgation causerait un préjudice injustifié : voir l’alinéa 52(1)c). En permettant au Tribunal de « prendre toute mesure » pour assurer la confidentialité, la Loi lui confère de vastes pouvoirs. De même, le paragraphe 52(2) confère au Tribunal un vaste éventail de pouvoirs pour assurer la confidentialité d’une audience visant à obtenir une ordonnance de confidentialité.

[67] L’intimée n’a pas cherché à se prévaloir des mesures de protection de la confidentialité offertes par la Loi, faisant plutôt valoir que celles-ci ne seraient pas efficaces. Il incombe à l’intimée de démontrer que ces mesures de protection de la confidentialité ne seraient pas efficaces. Or, elle n’a présenté aucun élément de preuve ou argument pour se décharger de ce fardeau. En faisant allusion au [traduction] « risque que le caractère confidentiel ne soit pas respecté en dépit des mesures prises », sans fournir d’explications, l’intimée ne s’est pas acquittée du fardeau qui lui incombait. Le Tribunal ne peut conclure qu’il était raisonnable de la part de l’intimée de refuser de demander une ordonnance de confidentialité – ce qui lui aurait permis de faire instruire sa requête avec des éléments de preuve anonymisés – ou de se prévaloir des autres mesures de protection de la confidentialité que le Tribunal pouvait ordonner. Le Tribunal conclut que l’intimée pouvait demander une ordonnance de confidentialité pour protéger les renseignements confidentiels fournis dans un affidavit à l’appui de la requête en récusation et qu’elle pouvait, par conséquent, présenter des éléments de preuve à l’appui de sa requête sans porter atteinte à la confidentialité. Malheureusement, l’intimée ne l’a pas fait.

[68] L’intimée a invoqué une autre raison pour expliquer son refus de demander une ordonnance de confidentialité, soit l’équité envers le Tribunal. L’intimée fait valoir qu’il serait injuste qu’elle produise des éléments de preuve en soumettant les documents caviardés autorisés aux termes d’une ordonnance de confidentialité, étant donné que la membre Raymond ne serait pas en mesure de fournir d’explications contextuelles en réponse à des allégations précises.

[69] Cet argument est purement hypothétique et spéculatif. L’intimée présume que la membre Raymond aurait l’obligation de répondre à l’affidavit. Or, la membre Raymond aurait pu se contenter d’examiner la preuve et de décider de se récuser ou non. Elle aurait été en mesure de rendre une décision sur requête à partir des éléments de preuve présentés par l’intimée.

[70] Le Tribunal présume que les renseignements fournis au nom de l’intimée par son avocat dans un affidavit portant sur un membre d’un tribunal seraient exacts et, de même, que l’avocat de l’intimée ne ferait pas de déclaration hors contexte au sujet d’un membre d’un tribunal dans un affidavit. Il est plus probable qu’improbable que la membre Raymond aurait été en mesure de rendre une décision en se fondant sur les éléments de preuve présentés par l’intimée.

[71] De plus, la membre Raymond n’aurait pas besoin de signaler à l’avocat certains éléments du dossier de l’autre instance pour que l’avocat soit mis au courant de ces renseignements, étant donné que l’avocat est présumé en fait et en droit être au courant de tous les faits de l’autre instance qui sont pertinents dans le contexte de la présente requête. Au besoin, la membre Raymond aurait pu, dans sa décision écrite, renvoyer aux éléments contextuels du dossier de l’autre instance de manière anonymisée.

[72] Si, après avoir examiné les éléments de preuve présentés par l’intimée, le Tribunal avait estimé que d’autres renseignements étaient nécessaires, il aurait abordé la question en temps utile. Au lieu de cela, l’intimée a pris les devants en estimant que la question serait soulevée et qu’elle ne pourrait être réglée. Encore là, la membre Raymond aurait pu fournir des renseignements anonymisés ou recourir à d’autres moyens pour s’assurer qu’aucun renseignement confidentiel n'est divulgué, notamment par une ordonnance de confidentialité.

[73] De l’avis du Tribunal, l’affirmation selon laquelle la membre Raymond serait tenue de répondre à l’affidavit ne constitue pas un motif suffisamment probable ou convaincant pour que l’intimée décide, de manière préventive, de présenter une requête sans fournir de preuve à l’appui. L’absence de motif probable ou suffisant pour justifier cette décision semble d’autant plus plausible que l’intimée a estimé qu’elle ne devait pas demander d’ordonnance de confidentialité pour assurer la confidentialité de sa requête.

[74] Enfin, les renseignements concernant l’instance relative à l’Université qui se trouvent dans les demandes de contrôle judiciaire sont accessibles pour comprendre le contexte, si cela est nécessaire et approprié. Les demandes de contrôle judiciaire font état de diverses objections procédurales formulées par la membre Raymond dans l’instance relative à l’Université. L’intimée n’a pas expliqué pourquoi cette source de renseignements publics ne servirait pas à situer le contexte. L’intimée n’a pas non plus cité d’exemple illustrant la nécessité de situer le contexte pour éviter de causer une injustice à la membre Raymond.

[75] Si le Tribunal a tort de conclure que l’intimée était en mesure de présenter des éléments de preuve sous forme d’affidavit à l’appui de sa requête sans porter atteinte à la confidentialité de l’autre instance, il estime néanmoins que l’intimée aurait pu déposer un affidavit sans porter atteinte au caractère confidentiel en demandant une ordonnance de confidentialité détaillée. Elle a toutefois décidé de ne pas le faire.

XV. La membre Raymond a-t-elle l’obligation de divulguer des renseignements?

[76] Comme nous l’avons déjà expliqué, pour justifier son refus de demander une ordonnance de confidentialité, l’intimée a fait valoir que l’offre du Tribunal de rendre une telle ordonnance risquait de causer une injustice à la membre Raymond, parce qu’elle ne peut témoigner à l’audience relative à la requête ou présenter des éléments de preuve pour réfuter ceux de l’Association. Nous avons déjà traité de la prémisse suivant laquelle la membre Raymond aurait à réfuter les éléments de preuve de l’intimée au lieu de rendre une décision. Toutefois, la thèse de l’intimée soulève également la question de savoir si un membre d’un tribunal administratif peut agir comme témoin. De l’avis du Tribunal, cette question se rapporte à celle de savoir si un membre d’un tribunal administratif est tenu de divulguer des renseignements et, dans l’affirmative, dans quelles circonstances.

[77] Le Tribunal convient avec l’intimée que la membre Raymond ne peut être un témoin au sens propre du terme, parce que les membres de tribunaux administratifs juridictionnels ne peuvent pas, par exemple, être contre-interrogés. Les renseignements communiqués par les membres de ces tribunaux sont présumés être fiables. Toutefois, dans certaines circonstances, les membres de tribunaux administratifs peuvent devenir des témoins, en ce sens qu’ils peuvent être tenus de divulguer certains renseignements aux parties. Ils doivent divulguer les renseignements qu’ils sont les seuls à connaître et qui sont pertinents pour trancher une requête en récusation, et ce, afin de donner aux parties l’occasion de contester ces renseignements, de s’assurer qu’ils sont versés au dossier et qu’un tribunal judiciaire peut les examiner.

[78] On trouve un exemple de telles circonstances dans l’affaire De Cotiis et al. v. De Cotiis et al., 2004 BCSC 117 (CanLII) [De Cotiis], que l’intimée a citée dans ses observations. Dans cette affaire, un juge avait travaillé comme associé au sein d’un cabinet d’avocats pendant 15 mois avant d’être nommé juge. En sa qualité de juge, il devait entendre une affaire concernant une personne représentée par un des associés de son ancien cabinet d’avocats. L’avocat de la partie adverse a présenté une requête en récusation. Il n’était pas en mesure d’avoir beaucoup de détails au sujet des liens antérieurs du juge avec le cabinet de l’associé en question, mais il était au courant de leur existence. Ainsi, l’avocat de la partie adverse ne pouvait savoir dans quelle mesure le juge avait travaillé pour l’associé en question lorsqu’il était un des associés de ce cabinet. Le tribunal a fait observer ce qui suit : [traduction] « Même si je ne n’affirmerais pas aussi catégoriquement que Me Hordo que le juge “devient effectivement un témoin”, il n’en demeure pas moins que le juge doit divulguer les faits entourant ses liens antérieurs ». Le Tribunal estime que, même si un tribunal peut être tenu de divulguer certains renseignements, l’intimée exagère jusqu’à un certain point l’ampleur des contraintes qui lui sont imposées. Il est faux de prétendre que la membre Raymond ne peut, si les circonstances l’exigent, communiquer des renseignements aux parties.

[79] Le Tribunal a du mal à concilier les arguments formulés par l’intimée sur la question de savoir si le Tribunal était tenu ici de divulguer des renseignements. L’intimée fait valoir que le Tribunal ne peut ni témoigner ni réfuter les éléments de preuve présentés par l’intimée. Toutefois, l’intimée cite également dans ses observations les décisions De Cotiis et Quattro Farms Ltd. v. County of Forty Mile No. 8, 2019 ABQB 135 (CanLII) [Quattro], qui concernaient toutes les deux un décideur qui avait déjà entretenu des liens avec un cabinet d’avocats et qui était censé divulguer des renseignements que ne possédait pas l’auteur de la requête en récusation.

[80] Dans l’affaire Quattro, l’avocat de la demanderesse avait informé la commission de révision que le président de cette dernière ne devait pas entendre l’affaire parce qu’il avait consulté d’autres avocats de son cabinet. L’avocat a expliqué à la commission de révision qu’il ne pouvait révéler davantage de renseignements au sujet de la consultation par son président des avocats de son cabinet sans violer le secret professionnel de l’avocat. Les autres avocats en cause dans l’affaire Quattro avaient également expliqué les contraintes professionnelles en question à la commission de révision. Le président a toutefois refusé de se récuser et la commission de révision a indiqué que la requête en récusation était [traduction] « fondée sur le fait que le président a consulté un ou deux membres du cabinet d’avocats [de l’avocat de Quattro], sans préciser de date ni fournir d’autres éléments de preuve, faits ou arguments à cet égard ». L’intimée souligne que, dans la décision Quattro, la cour a critiqué la conduite du président, à qui elle a reproché d’avoir [traduction] « refusé de renoncer au privilège [du secret professionnel de l’avocat] pour donner aux parties l’occasion d’évaluer la conclusion du tribunal suivant laquelle il n’y avait pas de crainte raisonnable de partialité » et d’avoir [traduction] « continué à caractériser la communication limitée de renseignements comme un “choix” fait par l’avocat ». La cour a fait observer que le président :

[traduction]

 

[…] n’a pas reconnu les contraintes imposées à l’avocat quant à la production de plus amples détails sur la question. Il n’a pas reconnu non plus qu’il était le seul interlocuteur qui disposait des renseignements nécessaires pour réfuter cette crainte. En fin de compte, il n’a pas justifié sa conclusion ou celle du tribunal selon lesquelles il n’y avait pas de crainte raisonnable de partialité et il n’a communiqué aux parties aucun renseignement leur permettant de vérifier le bien-fondé de cette conclusion [au paragraphe 63].

[81] L’avocat de l’intimée a également cité l’arrêt Benedict, précité, à l’appui de l’argument selon lequel un juge ne devrait communiquer des renseignements que s’il est au courant de détails de nature à susciter une apparence de partialité.

[82] L’intimée n’a pas expliqué en quoi l’arrêt Benedict ou les décisions connexes mentionnées ci-dessus s’appliquaient aux faits à l’étude. En se fondant sur ces décisions, l’intimée a semblé laisser entendre qu’elle plaiderait que la membre Raymond avait l’obligation de divulguer des renseignements dans le cadre de la présente requête. Le Tribunal s’attendait à ce que l’intimée précise la nature générale des renseignements en question, ce qu’elle n’a pas fait. Comme je l’ai fait observer d’entrée de jeu, l’avocat de l’intimée n’a pas précisé les renseignements auxquels il n’avait pas eu accès et dont il aurait besoin pour faire instruire la requête de sa cliente.

[83] Comme je l’ai déjà expliqué, l’avocat de l’intimée s’est appuyé sur la présomption selon laquelle, comme il est au courant de l’instance relative à l’Université, le Tribunal l’est aussi. L’intimée a suivi le conseil de son avocat et a déposé la présente requête en récusation sans que lui soient dévoilés des éléments de preuve documentaire tirés de l’instance relative à l’Université. Par conséquent, le Tribunal tient pour acquis qu’il n’est pas tenu, avant de rendre la présente décision, de divulguer à l’intimée et à son avocat les faits que connaissent les deux associés du cabinet Stewart McKelvey participant à l’instance relative à l’Université et qui sont pertinents dans le contexte de la présente requête. Le Tribunal est d’avis que l’avocat de l’intimée est réputé être au courant des renseignements en question, d’autant plus que l’intimée a elle-même déposé la présente requête sans avoir obtenu de détails de son avocat.

[84] Tout en invoquant la présomption selon laquelle il est au courant de suffisamment de faits pour justifier le dépôt de la présente requête, l’avocat semble laisser entendre, en raison du fait que l’intimée cite les décisions De Cotiis, Quattro et Benedict dans ses observations, qu’il y a des renseignements qui ne sont connus que de la membre Raymond et qui sont de nature à susciter une crainte raisonnable et objective de parti pris contre le cabinet d’avocats Stewart McKelvey, et qu’elle devrait divulguer les renseignements en question. Parallèlement, l’intimée estime également que la membre Raymond ne peut divulguer de renseignements, premièrement, parce qu’elle ne peut agir comme témoin dans la présente instance et, deuxièmement, en raison du caractère confidentiel de l’instance relative à l’Université. C’est en raison de ces arguments que l’intimée semble laisser entendre que la membre Raymond se trouve dans une impasse, en ce sens qu’elle ne peut pas fournir de renseignements en réponse à la requête en récusation, et qu’elle devrait par conséquent se récuser.

[85] La position de l’intimée concernant la divulgation de renseignements par le Tribunal implique que l’intimée n’a pas en main de renseignements qui seraient de nature à susciter une crainte raisonnable de partialité contre le cabinet d’avocats Stewart McKelvey. Cette position contredit la requête de l’intimée et son argument suivant lequel la crainte de partialité ressort à l’évidence du dossier de l’instance relative à l’Université. De plus, si l’intimée veut laisser entendre que la membre Raymond dispose d’autres renseignements au sujet du dossier de l’instance relative à l’Université, auxquels son avocat n’a pas accès, mais qui doivent être communiqués aux parties par souci d’équité, la membre Raymond ne peut pas deviner de quels renseignements il s’agit.

[86] La membre Raymond a informé les parties qu’elle ignorait lesquels de ses propos ou de ses actes seraient de nature à susciter une crainte raisonnable de partialité de sa part contre le cabinet d’avocats Stewart McKelvey.

[87] Dans sa lettre du 10 août 2020, la membre Raymond a informé les parties des éléments qu’elle estimait être potentiellement pertinents pour la question de la partialité. La membre Raymond n’y a pas mentionné la question soulevée par l’intimée. Elle n’a pas estimé qu’elle avait ou qu’elle pourrait être perçue comme ayant un éventuel parti pris contre le cabinet d’avocats Stewart McKelvey du fait qu’elle participait à une instance hautement conflictuelle l’opposant à deux associés de ce cabinet.

[88] Le Tribunal convient qu’il serait tenu de divulguer aux parties les faits qu’elles ignorent ou, en l’occurrence, de les divulguer à l’avocat de l’intimée. Le Tribunal n’est toutefois pas persuadé que les décisions De Cotiis, Quattro et Benedict s’appliquent aux faits à l’étude. L’avocat de l’intimée est présumé avoir connaissance de la même information, dans le dossier de l’autre instance, que celle dont dispose la membre Raymond. L’avocat de l’intimée peut consulter ses deux associés et le dossier. En d’autres termes, à la connaissance de la membre Raymond, l’avocat de l’intimée dispose de tous les renseignements nécessaires pour rédiger un affidavit à l’appui de son allégation suivant laquelle la membre Raymond aurait un parti pris contre le cabinet d’avocats.

[89] La membre Raymond ne peut que répéter qu’elle est incapable de déterminer lesquels de ses propos ou de ses actes seraient de nature à soulever une crainte raisonnable de partialité de sa part contre le cabinet d’avocats Stewart McKelvey, en fonction de ses interactions avec deux des associés de ce cabinet.

[90] En résumé, dans ces circonstances, le Tribunal ne peut conclure qu’il a l’obligation de divulguer d’autres renseignements aux parties.

XVI. Bien-fondé de la requête

[91] L’intimée fait valoir que le critère applicable en matière de partialité a été établi dans l’arrêt Bande indienne Wewaykum c. Canada, 2003 CSC 45 (CanLII) [Wewaykum], aux paragraphes 60, 67-68 et 77 :

… la crainte de partialité doit être raisonnable et le fait d’une personne sensée et raisonnable qui se poserait elle‑même la question et prendrait les renseignements nécessaires à ce sujet. Selon les termes de la Cour d’appel, ce critère consiste à se demander « à quelle conclusion en arriverait une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique. Croirait‑elle que, selon toute vraisemblance, [le décideur], consciemment ou non, ne rendra pas une décision juste? »

Le Tribunal est d’accord pour dire qu’il s’agit du critère applicable.

[92] L’intimée affirme également à juste titre que le critère de la crainte raisonnable de partialité « dépend énormément des faits propres à chaque affaire ». Comme la Cour suprême l’a fait observer dans l’arrêt Wewaykum, précité, au paragraphe 77 :

Dans Man O’War Station Ltd. c. Auckland City Council (Judgment No. 1), [2002] 3 N.Z.L.R. 577, [2002] UKPC 28, par. 11, lord Steyn a dit qu’[traduction] « [i]l s’agit d’un aspect du droit où le contexte et les circonstances particulières sont de la plus haute importance ». En conséquence, la question ne peut être tranchée au moyen de règles péremptoires et, contrairement à ce qui a été soutenu durant les plaidoiries, il n’existe pas d’exemples « classiques ». Que les faits avérés tendent à indiquer que le décideur possède un intérêt pécuniaire ou personnel dans le litige, qu’il existe des liens entre lui et une partie, un avocat ou un juge, qu’il a dans le passé participé au litige ou été au fait de celui‑ci, qu’il a exprimé des opinions et exercé des activités à cet égard, tous ces faits doivent être examinés attentivement eu égard à l’ensemble du contexte. Il n’existe aucun raccourci.

[93] Le Tribunal convient aussi avec l’intimée que, parmi les relations de nature à susciter une crainte raisonnable de partialité, il y a lieu de mentionner [traduction] « les rapports entretenus avec l’avocat représentant une des parties […] » comme il a été signalé dans Lawrence & Stikuts, précité, à la page 340.

[94] L’avocat de l’intimée part du principe que l’instance relative à l’Université est une procédure conflictuelle toujours en cours. La plupart des litiges sont conflictuels, et il y a beaucoup de litiges qui sont hautement conflictuels. Cela ne suffit pas en soi pour conclure qu’un avocat a un parti pris à l’encontre du cabinet d’avocats pour lequel travaille l’avocat de la partie adverse. La question a été décrite au paragraphe 24 de la décision Pacific Opera, précitée. Il s’agit de savoir si l’existence de rapports professionnels acrimonieux a une certaine pertinence à l’égard de l’instance se déroulant devant le décideur. Dans le cas qui nous occupe, les rapports professionnels acrimonieux qui existeraient avec les deux associés qui participent à l’instance relative à l’Université n’ont rien à voir avec l’instance qui se déroule devant le Tribunal.

[95] La membre Raymond tient à préciser qu’elle est d’accord avec l’avocat de l’intimée pour dire que l’instance relative à l’Université est de nature hautement conflictuelle. De nombreuses questions litigieuses d’ordre procédural y ont été soulevées. La membre Raymond admet qu’elle a critiqué les positions prises par les avocats de la partie adverse. Le dépôt de trois demandes de contrôle judiciaire auprès de la Cour suprême de la Nouvelle-Écosse en l’espace d’un an le démontre. Selon le dossier du tribunal de l’instance relative à l’Université, la membre Raymond a reproché aux deux associés du cabinet d’avocat de l’intimée les positions qu’ils défendaient. Les avocats des deux parties devant le tribunal dans l’instance relative à l’Université se sont reproché mutuellement leur comportement et leurs positions.

[96] La membre Raymond admet que les deux associés qui agissent dans l’instance relative à l’Université pourraient hésiter à comparaître devant elle, soit parce qu’elle s’est plainte d’eux, soit parce qu’ils se sont plaints d’elle devant un autre tribunal. C’est ce qui s’est passé dans l’affaire Piatek v. Goodhoofd, 2016 CanLII 95204 (Cour des petites créances de l’Ontario) [Piatek], dans laquelle un des avocats soutenait que le juge suppléant de la Cour des petites créances ne devrait pas entendre l’affaire. L’avocat et le juge suppléant étaient des adversaires dans un litige en cours hautement conflictuel, comme le démontrait notamment la multiplication des requêtes dans cet autre dossier. L’avocat qui demandait la récusation avait notamment souscrit un affidavit. En vertu de son pouvoir discrétionnaire et par mesure de précaution, le juge suppléant s’est récusé du dossier, qu’il a qualifié de cause dépendant largement des faits. Dans cette affaire, l’avocat participant au litige hautement conflictuel aurait comparu devant l’avocat de la partie adverse, agissant en sa qualité de décideur. Ce n’est pas le cas dans la présente affaire.

[97] Cela ne veut pas dire que la récusation devrait être automatique lorsque deux avocats qui participent à un litige se retrouvent ensuite dans un contexte juridictionnel. Il arrive que des avocats membres du barreau d’une province occupent des fonctions juridictionnelles à temps partiel, ce qui se voit souvent dans des villes de moindre taille comme Halifax, où le nombre d’avocats exerçant dans un domaine particulier du droit est limité. Dans le cadre de ses fonctions juridictionnelles, la membre Raymond a vu comparaître des avocats devant elle alors qu’elle et ces mêmes avocats représentaient des parties adverses dans un litige, sans pour autant qu’une objection soit soulevée ou qu’on demande sa récusation. Toutefois, la membre Raymond comprendrait que les associés du cabinet d’avocats Stewart McKelvey agissant dans le cadre de l’instance relative à l’Université soient mal à l’aise de comparaître devant elle dans la présente affaire. Chaque cas dépend des faits qui lui sont propres. Ainsi que la Cour d’appel de l’Ontario l’a expliqué dans l’arrêt Beard Winter LLP v. Shekhdar, 2016 ONCA 493 (CanLII), au paragraphe 10, le juge (ou un décideur) serait bien avisé de se récuser si une certaine vraisemblance se dégage de l’allégation de parti pris. Toutefois, [traduction] « […] les juges ne rendent pas service à l’administration de la justice lorsqu’ils accèdent à des demandes de récusation totalement déraisonnables et non fondées […] ».

[98] Aucun des deux associés du cabinet d’avocats participant à l’instance relative à l’Université n’est appelé à comparaître devant la membre Raymond dans la présente affaire; c’est plutôt l’avocat de l’intimée qui comparaîtrait devant elle. Il n’y a pas d’antécédents de difficultés ou de conflits entre l’avocat de l’intimée et la membre Raymond.

[99] La requête de l’intimée suppose implicitement que les rapports conflictuels entre les avocats qui participent à l’instance relative à l’Université s’appliquent à tous les avocats du cabinet, y compris l’avocat de l’intimée. Le Tribunal estime que cette hypothèse est erronée.

[100] De plus, la requête n’allègue pas expressément qu’il existe une crainte raisonnable que la membre Raymond ait un parti pris à l’encontre de l’avocat de l’intimée. La requête est vague à cet égard. Si l’avocat de l’intimée souhaitait effectivement invoquer l’existence d’une telle crainte, il n’a pas expliqué comment celle-ci était possible.

[101] La membre Raymond connaît un peu l’avocat de l’intimée, ayant étudié le droit dans les années 1980, à une ou deux années de la période où il a fait lui-même ses études de droit. Ils ne se sont rencontrés que sporadiquement dans un cadre professionnel depuis que la membre Raymond est revenue en Nouvelle-Écosse en 1990. La membre Raymond se rappelle avoir participé à un dossier auquel l’avocat de l’intimée avait aussi participé et se souvient vaguement que leurs clients respectifs avaient des intérêts semblables. Ces faits remonteraient toutefois à plus d’une dizaine d’années, voire aux années 1990. La seule occasion récente au cours de laquelle la membre Raymond se rappelle avoir interagi avec l’avocat de l’intimée s’est produite à l’hiver 2019 à l’occasion d’un dîner organisé à l’intention de la magistrature et du barreau par l’Association du Barreau canadien, au cours duquel ils ont brièvement discuté de la participation de la membre Raymond à la publication d’un rapport pour le gouvernement fédéral concernant la modernisation des normes du travail.

[102] Stewart McKelvey est le plus grand cabinet d’avocats privé dans les provinces de l’Atlantique. De nombreux avocats exercent au sein de ce cabinet. Au fil des ans, la membre Raymond s’est occupée d’autres dossiers auxquels participaient des membres du groupe du droit du travail du cabinet Stewart McKelvey. Rien ne permet de penser que la membre Raymond nourrisse une aversion générale pour ce cabinet.

[103] L’avocat de l’intimée considère comme un fait pertinent que l’un des avocats de la partie adverse dans l’autre instance est l’associé directeur général du cabinet. Toutefois, il n’a pas expliqué en quoi cela permettait de conclure que la membre Raymond a un parti pris contre l’ensemble du cabinet d’avocats ou qu’il existe une crainte raisonnable de partialité de sa part contre le cabinet dans son ensemble. L’intimée n’a cité aucun précédent à l’appui de son argument selon lequel le fait d’avoir des rapports litigieux avec un avocat qui est directeur régional d’un cabinet d’avocats soulève une crainte raisonnable de partialité contre ce cabinet d’avocats et chacun de ses associés.

[104] L’avocat de l’intimée a, lors du dépôt de la présente requête, décidé de faire savoir à la membre Raymond qu’il effectue des travaux juridiques pour l’Université qui est partie à l’autre instance. La signification de ce renseignement n’est pas claire. L’avocat n’a pas expliqué en quoi ce renseignement justifiait l’existence d’une crainte de partialité contre lui de la part de la membre Raymond. Les avocats représentent de nombreux clients. Les avocats ne peuvent raisonnablement s’attendre à ce que leurs collègues leur reprochent de représenter des clients. Rien ne permet de penser que ce soit le cas en l’espèce.

[105] Le Tribunal a examiné attentivement la jurisprudence citée par l’intimée. On n’a présenté au Tribunal aucune décision dans laquelle un tribunal aurait conclu à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part d’un juge ou d’un décideur à l’encontre d’un cabinet d’avocats.

[106] L’hypothétique personne bien renseignée dont il est question dans l’arrêt Wewaykum, précité, est présumée être au courant des attentes professionnelles et des réalités de l’exercice du droit dans un contexte où des avocats exerçant en cabinet privé représentent divers clients. Une personne bien renseignée quant aux interactions entre les membres de la profession et aux réalités de l’exercice du droit, qui étudierait les faits à l’étude de façon réaliste et pratique, ne considérerait pas, à mon avis, que le renseignement transmis par l’avocat de l’intimée à la membre Raymond, à savoir qu’il effectue ou a effectué des travaux juridiques pour l’Université, serait de nature à susciter une crainte raisonnable et objective de partialité contre lui ou contre un client non concerné de la part de la membre Raymond. De même, cette hypothétique personne bien renseignée ne conclurait pas, selon le Tribunal, qu’il existe une crainte raisonnable et objective de partialité de la part de la membre Raymond à l’encontre du cabinet d’avocats Stewart McKelvey, compte tenu des faits à l’étude.

[107] De plus, contrairement à l’affaire Benedict, la membre Raymond n’a aucun intérêt dans l’issue de la présente affaire. Peu importe qu’elle conclue ou non que l’Association a fait preuve de discrimination, cette conclusion n’aurait aucune incidence sur l’instance relative à l’Université.

[108] En définitive, l’avocat de l’intimée demande la récusation de la membre Raymond en alléguant des faits qu’il ne veut pas ou ne peut pas communiquer à sa cliente, au Tribunal ou à l’une ou l’autre des parties à l’instance introduite devant le Tribunal. À mon avis, il ne s’agit pas d’un fondement permettant de réfuter la présomption d’impartialité. Il est reconnu en droit que les tribunaux administratifs comme le Tribunal canadien des droits de la personne sont compétents pour statuer sur leur propre impartialité (voir Warman c. Lemire, 2008 TCDP 29 (CanLII), au paragraphe 3; voir également le paragraphe 50(2) de la Loi). Il incombait donc à l’avocat de l’intimée de présenter une requête complète devant le Tribunal et de défendre la cause de sa cliente.

[109] De plus, il est difficile de comprendre comment l’intimée peut nourrir une crainte raisonnable de partialité alors que son propre avocat ne lui a pas divulgué les faits sur lesquels se fonde cette crainte. Le critère applicable est celui de la personne raisonnable. La personne raisonnable doit être « une personne bien renseignée qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique » (Committee for Justice, précité, cité dans Commission scolaire francophone du Yukon, district scolaire #23 c. Yukon (Procureure générale), 2015 CSC 25, au paragraphe 20). L’intimée a fait instruire la présente requête sans être informée des faits. De plus, les réalités de la pratique du droit commandent que les avocats et les décideurs saisissent la différence entre un avocat et ses clients et entre un avocat et son cabinet dans ce contexte.

[110] En conclusion, il convient également de mentionner que, pour évaluer les allégations de partialité, il y a lieu de tenir compte de la nature des fonctions du Tribunal. Dans le cas qui nous occupe, le paragraphe 48.1(2) de la Loi exige que les membres du Tribunal possèdent une expérience et des compétences dans le domaine des droits de la personne. La Loi exige aussi que certains membres du Tribunal soient des membres en règle du barreau d’une province. Habituellement, les membres à temps partiel sont des membres en règle d’un barreau. En raison de ces exigences légales et de l’historique des nominations au Tribunal, il est inévitable que des membres du Tribunal aient des liens avec les parties ou avec l’avocat de la partie adverse ou qu’ils en aient déjà eu.

[111] Il en va de même pour les avocats et les tribunaux du droit du travail et de l’emploi qui statuent sur les questions liées aux relations de travail et aux normes de travail. L’affaire Pacific Opera, précitée, en est un exemple. Dans cette affaire, l’avocat de l’employeur avait présenté une requête en récusation contre la vice-présidente de la Commission des relations de travail de la Colombie-Britannique, Me O’Brien, qu’il soupçonnait de partialité en raison des rapports très litigieux qui existaient entre eux depuis longtemps. La vice-présidente avait déjà été une dirigeante syndicale. L’employeur et le syndicat en question s’affrontaient depuis de nombreuses années dans le cadre d’affaires très litigieuses, notamment des griefs, des arbitrages et des débrayages. La Commission des relations de travail a décrit comme suit la nature des rapports entre l’ancien avocat et l’ancienne dirigeante du syndicat, au paragraphe 4 :

[traduction]

 

Les rapports qu’entretenaient Me O’Brien et Me Chafetz allaient au-delà d’une relation d’opposition normale dans laquelle on s’attendrait à des affrontements vigoureux à l’audience, mais à des relations cordiales et civiles ailleurs. Les relations qui existaient entre Me O’Brien et Me Chafetz étaient très tendues. Elles se caractérisaient par une certaine animosité.

[112] Les rapports conflictuels qui existaient entre les deux avocats étaient à ce point tendus que, alors que l’arbitre agissait comme déléguée syndicale contre l’avocat de l’employeur, ce dernier avait exigé de contre-interroger Me O’Brien sur sa conduite. De plus, l’avocat de l’employeur avait attaqué la crédibilité de Me O’Brien et avait obtenu contre elle une condamnation aux dépens en raison de ses agissements (voir paragraphes 26 et 27 de la décision Pacific Opera). La Commission a toutefois estimé que cela ne suffisait pas pour réfuter la présomption d’impartialité. À son avis, l’acrimonie constatée ne débordait pas le cadre de la norme en matière d’arbitrage du travail (voir paragraphe 30). Ainsi qu’elle l’a fait observer au paragraphe 22 : [traduction] « Si la crainte raisonnable de partialité dans le contexte des relations de travail reposait simplement sur l’existence réelle ou présumée d’une acrimonie entre d’anciens adversaires dans le domaine des relations de travail, la Commission s’en trouverait paralysée ». L’affaire Pacific Opera concernait donc un avocat qui était appelé à comparaître devant la vice-présidente après avoir eu avec elle des rapports très acrimonieux, ce qui est différent de la situation présente, où c’est un autre avocat, bien que faisant partie du même cabinet, qui comparaît devant le Tribunal.

[113] L’un des passages clés de la décision Pacific Opera se trouve au paragraphe 24, où la Commission affirme que la question à se poser est [traduction] « […] celle de savoir si les rapports professionnels ont un lien quelconque avec l’instance dont est saisi l’arbitre ».

[114] Le Tribunal estime que, même s’il n’est pas lié par la décision Pacific Opera, le raisonnement qu’on y trouve quant à la pertinence des allégations par rapport à l’instance dont est saisi le décideur est approprié dans le contexte d’un système de justice administrative dans lequel des décideurs à temps partiel sont habituellement choisis parce qu’ils sont des avocats en exercice et qu’ils continuent à accumuler de l’expérience dans le domaine concerné justement parce qu’ils exercent le droit. Ce raisonnement vaut également pour l’exigence de la représentation régionale lors de la constitution d’un tribunal, comme c’est le cas pour le Tribunal canadien des droits de la personne.

[115] En conclusion, le Tribunal estime que la requête de l’intimée manque de détails et que son allégation, selon laquelle il existe une crainte raisonnable de partialité à l’encontre du cabinet d’avocats Stewart McKelvey, n’est pas étayée par la preuve. Le Tribunal ne peut conclure qu’une personne bien renseignée, qui étudierait la question de façon réaliste et pratique, conclurait de façon raisonnable que la membre Raymond a un parti pris contre le cabinet Stewart McKelvey ou contre l’avocat de l’intimée en raison du rôle qu’elle joue dans une autre instance de nature hautement conflictuelle à laquelle participent également deux des associés de ce cabinet d’avocats.

[116] Je souscris aux propos qu’a tenus le juge Hillier dans la décision Al-Ghamdi v. Alberta, 2016 ABQB 424 (CanLII), au paragraphe 75, que la Cour a fait siens dans la décision Auer, précitée, au paragraphe 103 : [traduction] « Si les éléments de preuve présentés ne permettent pas de conclure à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité, se récuser revient à abdiquer ses responsabilités ».

XVII. Ordonnance

[117] Pour ces motifs, la requête présentée par l’intimée en vue d’obtenir la récusation de la membre Raymond dans la présente affaire est rejetée.

Signée par

Kathryn A. Raymond, Q.C.

Membre du Tribunal

 

Ottawa (Ontario)

Le 23 décembre 2020

 

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2495/5220

Intitulé de la cause : Graham Farmer c. Halifax Employers Association

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 23 décembre 2020

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par :

Me Brian G. Johnston, c.r., pour l'intimée

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