Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2020 TCDP 19

Date : le 6 juillet 2020

Numéro du dossier : T2201/2317

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Tesha Peters

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

United Parcel Service du Canada Ltd. et Linden Gordon

les intimés

Décision sur requête

Membre : Kathryn A. Raymond, c.r.

 


Table des matières

I. Introduction 1

II. Demandes de production 1

a) Toutes les notes et tous les rapports concernant le traitement de Mme Peters par le Dr Tarek Mohamed Sallamas 1

i. Introduction 1

ii. Position des parties 2

iii. Décision 2

b) Toutes les notes et tous les rapports concernant le traitement de Mme Peters par le Dr Steven MacDonald du 1er janvier 2011 à aujourd’hui 3

c) Une copie des messages textes inappropriés que Mme Peters aurait reçus de M. Gordon 3

d) Toutes les communications avec Service Canada et tous les documents se rapportant à toute demande de prestations d’assurance‑emploi au cours de la période allant de février 2015 à aujourd’hui, y compris les demandes elles-mêmes, les lettres de décision, les documents d’appel, etc. 4

e) Tous les documents relatifs à l’emploi pour toute la période d’emploi de Mme Peters chez Costco jusqu’à aujourd’hui, y compris les lettres d’embauche, les talons de paye, les formulaires T4, les plaintes à la direction concernant le harcèlement qui aurait été pratiqué par d’autres employés ou M. Gordon et les lettres de congédiement ou de démission, selon le cas. 4

f) Tous les documents démontrant l’existence d’efforts d’atténuation (les critères de recherche utilisés, y compris les zones géographiques, les échelles salariales, les types de postes, la façon dont la recherche a été effectuée, les endroits où une demande d’emploi a été présentée et la façon dont elle l’a été, le curriculum vitæ et la lettre de présentation utilisés, le nombre d’entrevues réalisées, la raison du refus d’embaucher, etc.) de février 2015 à aujourd’hui ainsi que les documents relatifs à un emploi obtenu à la suite d’efforts fructueux, comme les lettres d’embauche, les talons de paye et les formulaires T4. 4

i. Position des parties 5

ii. Décision 6

g) Un compte rendu complet des périodes (par mois/année) passées aux États‑Unis, au Canada et dans tout autre pays de février 2015 à aujourd’hui, avec preuves à l’appui si elles sont demandées. 6

h) Un compte rendu complet et une preuve des dépenses réclamées relativement au voyage aux États‑Unis qui, selon Mme Peters, est dû uniquement au traitement que lui aurait fait subir M. Gordon. 7

i) L’ensemble des déclarations de revenus et des avis de cotisation pour les années 2015 à 2019 émis par le Canada, les États‑Unis et tout autre ressort dans lequel Mme Peters a gagné un revenu. 8

i. Position des parties 8

ii. Décision 8

j) Des copies complètes et non caviardées des dossiers médicaux de Mme Peters tenus par le Dr Steve MacDonald, le Dr Kelley et le Dr Tarek Mohamed Sallamas pendant la période allant de 2014 à aujourd’hui. 10

k) Une copie complète et non caviardée du dossier de la demande de prestations d’invalidité de courte durée que Mme Peters a présentée à Manuvie pendant qu’elle travaillait chez l’intimée. 11

III. La question du caviardage 11

i. Introduction 11

ii. Contexte 11

iii. Les préoccupations du Tribunal en ce qui a trait à la procédure 18

iv. Décision relative aux caviardages 20

IV. Décision procédurale concernant les futurs caviardages 20

V. Ordonnance 22

 


I. Introduction

[1] La société intimée, UPS, demande la production de certains documents de la part de la plaignante, Mme Peters, relativement à la plainte pour harcèlement sexuel déposée par celle‑ci. Certaines demandes ne sont pas contestées par Mme Peters, mais elle exige l’imposition de certains paramètres, alors que d’autres sont contestés. Il existe un désaccord général entre les deux parties quant au caviardage des documents et à la marche à suivre pour régler la question des caviardages contestés.

[2] Le particulier intimé, M. Gordon, ne prend pas position. La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») ne se prononce pas non plus sur les demandes précises d’UPS, mais elle a présenté des observations sur le droit applicable.

II. Demandes de production

[3] En ce qui a trait aux questions relatives à la production des documents, les parties conviennent que ceux-ci doivent être potentiellement pertinents pour être communiqués. Les demandes de production sont tranchées de la façon décrite ci-après.

a) Toutes les notes et tous les rapports concernant le traitement de Mme Peters par le Dr Tarek Mohamed Sallamas

i. Introduction

[4] UPS a sollicité la divulgation du dossier médical de Mme Peters tenu par le Dr Sallamas, un médecin aux États‑Unis. Afin d’accorder à Mme Peters plus de temps pour procéder à la divulgation, le Tribunal, avant de trancher les autres questions de divulgation, a ordonné la divulgation du dossier en question, lequel a été transmis au moyen d’une lettre le 15 mai 2020. Les parties ont été informées que les motifs de la décision du Tribunal sur ce point seraient fournis en même temps que la décision concernant les autres questions de divulgation. Voici donc ces motifs.

ii. Position des parties

[5] Mme Peters soutient que la discrimination dont elle aurait été victime a nui à sa santé. Elle affirme avoir eu un accident d’automobile au cours de la période visée par sa plainte, à l’occasion d’un séjour aux États‑Unis. Mme Peters indique qu’elle n’a vu le Dr Sallamas qu’une seule fois, après l’accident, et qu’elle est ensuite revenue au Canada, où elle a reçu des soins de suivi de son médecin habituel. Elle explique avoir produit les documents figurant dans le dossier tenu par son médecin traitant au Canada, notamment ceux concernant son évaluation à la suite de l’accident. Mme Peters s’est opposée au fait de devoir produire les documents figurant dans son dossier auprès du Dr Sallamas, car elle estime qu’ils ne sont pas pertinents et qu’elle n’a vu ce dernier qu’une seule fois. Elle s’oppose en outre au fait de devoir engager les frais d’obtention des documents aux États‑Unis.

[6] UPS soutient que le Dr Sallamas est mentionné dans l’exposé des précisions de Mme Peters et qu’il est, de ce fait, pertinent. UPS soutient en l’occurrence que ces documents sont pertinents [traduction] « […] pour avoir une idée de la capacité fonctionnelle globale de la plaignante à l’époque pertinente, car ils sont liés à la cause d’une affection invalidante ainsi qu’à sa capacité d’occuper un emploi et aux efforts d’atténuation s’y rapportant ».

iii. Décision

[7] En soutenant que la discrimination dont elle aurait été victime a nui à sa santé, Mme Peters a mis son état de santé en cause dans la présente plainte. Elle a également soutenu être incapable de travailler en raison de ces problèmes de santé allégués. La pertinence du dossier tenu par le médecin traitant à l’égard de Mme Peters n’est pas contestée. Ce dossier contient des documents ayant trait à l’accident d’automobile. Mme Peters a produit ces derniers et elle se fonde sur ce fait pour affirmer qu’il n’y a pas lieu d’ordonner la production du dossier tenu par le Dr Sallamas. À première vue, le dossier du Dr Sallamas la concernant est lui aussi potentiellement pertinent. Rien ne permet de différencier ces dossiers médicaux sur le plan de la pertinence. Les parties à une instance du Tribunal ont l’obligation de produire tous les documents potentiellement pertinents.

[8] Mme Peters s’est opposée parce qu’elle a vu le Dr Sallamas une seule fois et qu’elle s’inquiète des frais d’obtention de ces documents d’un médecin aux États‑Unis. Le Dr Sallamas a peut‑être vu Mme Peters une seule fois, mais cette fois était importante. Il l’a vue relativement à des problèmes de santé apparus immédiatement après l’accident d’automobile. Mme Peters n’a donné aucune précision sur la question des frais. Le Tribunal n’est pas en mesure de conclure que les frais d’obtention des documents ayant trait à une seule visite chez un médecin aux États‑Unis seront importants.

[9] Pour ces motifs, les documents en question ont été jugés potentiellement pertinents, et il a été ordonné le 15 mai 2020 qu’ils soient produits au plus tard le 12 juin 2020. Depuis, la plaignante a informé le Tribunal le 12 juin 2020 des difficultés qu’elle avait rencontrées en tentant de se conformer à l’ordonnance. Des directives supplémentaires ont été données par le Tribunal le 16 juin 2020 concernant la mise en œuvre de l’ordonnance. Une nouvelle date de production a été fixée au 6 juillet 2020.

b) Toutes les notes et tous les rapports concernant le traitement de Mme Peters par le Dr Steven MacDonald du 1er janvier 2011 à aujourd’hui

[10] La demande d’UPS visant ces documents n’est pas contestée. Mme Peters a procédé à la divulgation des documents pour la période allant jusqu’en octobre 2018 et s’est engagée à mettre à jour la divulgation avant l’audience. Le 20 février 2020, le Tribunal a enjoint à Mme Peters de mettre à jour cette divulgation dans les semaines suivantes et réitéré l’obligation continue de Mme Peters de mettre à jour la divulgation avant l’audience.

c) Une copie des messages textes inappropriés que Mme Peters aurait reçus de M. Gordon

[11] UPS a reconnu avoir été informée, en octobre 2018, que Mme Peters n’avait plus de copies de ces messages. UPS n’a pas présenté d’autres observations à cet égard. Il n’est pas nécessaire de rendre une ordonnance sur ce point.

d) Toutes les communications avec Service Canada et tous les documents se rapportant à toute demande de prestations d’assurance‑emploi au cours de la période allant de février 2015 à aujourd’hui, y compris les demandes elles-mêmes, les lettres de décision, les documents d’appel, etc.

[12] Mme Peters accepte de fournir les documents demandés, étant entendu que le passage « toutes les communications avec Service Canada » renvoie aux communications se rapportant à toute demande d’assurance‑emploi.

[13] UPS n’a pas déposé de réplique et n’a donc pas contesté cette précision.

[14] Le Tribunal estime que cette précision est raisonnable et confirme que la demande de divulgation doit être interprétée comme s’appliquant à l’assurance‑emploi, ce qui comprend les demandes de prestations de maladie ou d’assurance‑emploi et les documents s’y rapportant.

e) Tous les documents relatifs à l’emploi pour toute la période d’emploi de Mme Peters chez Costco jusqu’à aujourd’hui, y compris les lettres d’embauche, les talons de paye, les formulaires T4, les plaintes à la direction concernant le harcèlement qui aurait été pratiqué par d’autres employés ou M. Gordon et les lettres de congédiement ou de démission, selon le cas.

[15] Mme Peters accepte de fournir les documents relatifs à son emploi chez Costco pour la période débutant en 2014, soit la première année au cours de laquelle un traitement discriminatoire aurait eu lieu, selon son exposé des précisions. Elle soutient que les documents relatifs à son emploi chez Costco avant 2014 ne sont pas pertinents.

[16] UPS ne s’est pas opposée à cette condition.

[17] Mme Peters devra produire les documents relatifs à son emploi chez Costco pour la période débutant en 2014. Le Tribunal convient que des documents qui proviendraient d’un autre employeur et qui seraient antérieurs à la date à laquelle un traitement discriminatoire aurait été exercé pendant que Mme Peters travaillait chez UPS ne sont pas pertinents.

f) Tous les documents démontrant l’existence d’efforts d’atténuation (les critères de recherche utilisés, y compris les zones géographiques, les échelles salariales, les types de postes, la façon dont la recherche a été effectuée, les endroits où une demande d’emploi a été présentée et la façon dont elle l’a été, le curriculum vitæ et la lettre de présentation utilisés, le nombre d’entrevues réalisées, la raison du refus d’embaucher, etc.) de février 2015 à aujourd’hui ainsi que les documents relatifs à un emploi obtenu à la suite d’efforts fructueux, comme les lettres d’embauche, les talons de paye et les formulaires T4.

i. Position des parties

[18] Mme Peters acquiesce partiellement aux demandes d’UPS. Elle reconnaît avoir l’obligation de produire les documents existants relatifs à l’emploi qui sont en sa possession, sous son autorité ou sous sa garde, y compris les curriculum vitæ et les lettres de présentation communiqués à d’autres employeurs pour la période allant de 2015 à aujourd’hui, ainsi que les documents concernant à la fois les efforts infructueux et les efforts fructueux. Elle convient que ces documents sont pertinents quant à l’atténuation de ses pertes par l’obtention d’un autre emploi. Toutefois, elle conteste la pertinence potentielle des demandes figurant entre parenthèses au paragraphe f) ci‑dessus : « les critères de recherche utilisés, y compris les zones géographiques, les échelles salariales, les types de postes, la façon dont la recherche a été effectuée, les endroits où une demande d’emploi a été présentée et la façon dont elle l’a été, le curriculum vitæ et la lettre de présentation utilisés, le nombre d’entrevues réalisées, la raison du refus d’embaucher, etc. ». Elle fait observer qu’UPS n’a cité aucune jurisprudence démontrant que le Tribunal avait déjà ordonné, par le passé, la divulgation de documents contenant pareils renseignements relativement à une partie plaignante.

[19] Selon Mme Peters, UPS lui demande ici de créer des documents afin que les renseignements en question puissent être divulgués avant l’audience. Mme Peters soutient qu’elle n’est pas tenue de créer des documents et que le Tribunal a déjà statué que, selon les dispositions de ses Règles de procédure relatives à la divulgation, les parties qui comparaissent devant le Tribunal ne sont pas tenues de créer des documents : Warman c. Canadian Heritage Alliance, 2006 TCDP 31; Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 42.

ii. Décision

[20] Le Tribunal convient que, dans le contexte de la production de documents, les Règles de procédure du Tribunal n’obligent pas les parties à créer un document afin de fournir des renseignements potentiellement pertinents à une autre partie. Mme Peters aura l’occasion de témoigner sur ses efforts d’atténuation, et UPS aura l’occasion de contre‑interroger Mme Peters sur cette question à l’audience.

[21] Toutefois, la question de l’atténuation d’une perte de revenu alléguée par l’obtention d’un autre emploi englobe la question de savoir si les efforts d’atténuation déployés étaient raisonnables. À ce titre, seront pris en compte non seulement les efforts déployés pour poser sa candidature à des postes, mais aussi ceux déployés pour chercher des occasions d’emploi. UPS devra déterminer si elle est d’accord pour dire que ces efforts étaient raisonnables. Le Tribunal estime que les renseignements, à cet égard, sont potentiellement pertinents pour permettre à UPS de saisir toute la portée des efforts d’atténuation de Mme Peters et donc de prendre une décision quant à la position à adopter.

[22] Mme Peters devra vérifier s’il existe des documents du type de ceux demandés et, si c’est le cas, elle sera tenue de les produire. Autrement dit, parmi les documents qu’il lui faudra produire, il devra y avoir tous les documents en sa possession qui font état de sa recherche d’occasions d’emploi. Si les renseignements potentiellement pertinents que cherche à obtenir UPS ne figurent pas dans un document existant, Mme Peters devra en informer les autres parties.

g) Un compte rendu complet des périodes (par mois/année) passées aux États‑Unis, au Canada et dans tout autre pays de février 2015 à aujourd’hui, avec preuves à l’appui si elles sont demandées.

[23] UPS soutient que les allées et venues de Mme Peters au cours de la période allant de février 2015, date à laquelle elle a quitté son emploi chez UPS, à aujourd’hui sont [traduction] « […] pertinentes pour comprendre le traitement qu’elle a subi, ses efforts d’atténuation et quels autres documents peuvent être potentiellement pertinents ».

[24] Mme Peters affirme pour sa part qu’elle n’a en sa possession ou sous son autorité aucun document susceptible de satisfaire à cette demande. Elle soutient qu’une partie à une plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne n’est pas tenue par la loi de créer des documents à des fins de divulgation.

[25] Pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci‑dessus, Mme Peters n’est pas tenue de créer un document afin de fournir les renseignements demandés. Toutefois, si elle ne l’a pas déjà fait, Mme Peters devra examiner son passeport, tout autre document de voyage ou tout document ayant trait à un emploi occupé à l’extérieur du Canada afin de déterminer s’il fait état d’entrées dans d’autres pays que le Canada ou de sorties de ces pays au cours de la période allant de février 2015 à aujourd’hui. Le cas échéant, elle devra produire des copies des pages pertinentes de son passeport, y compris celle où figure la photo, ou de tout autre document visé ci-dessus.

h) Un compte rendu complet et une preuve des dépenses réclamées relativement au voyage aux États‑Unis qui, selon Mme Peters, est dû uniquement au traitement que lui aurait fait subir M. Gordon.

[26] Mme Peters répond qu’elle a produit tous les documents potentiellement pertinents ayant trait aux dépenses liées au voyage aux États‑Unis dû au traitement que lui aurait fait subir M. Gordon.

[27] UPS demande également un [traduction] « compte rendu complet » des dépenses de voyage. Cela semble constituer une demande de renseignements résumés, ce qui reviendrait implicitement à demander à Mme Peters de créer un certain type de document. Pour les motifs énoncés ci‑dessus, cet élément de la demande d’UPS est rejeté.

i) L’ensemble des déclarations de revenus et des avis de cotisation pour les années 2015 à 2019 émis par le Canada, les États‑Unis et tout autre ressort dans lequel Mme Peters a gagné un revenu.

i. Position des parties

[28] UPS soutient que ces documents [traduction] « […] se rapportent à la vérification des sources et du montant des revenus et prestations de la plaignante qui pourraient être déduits de toute indemnité pour perte de salaire ».

[29] Mme Peters accepte de fournir ses documents relatifs à l’emploi – y compris les formulaires T4 des années 2015 à 2019 – et, comme il a été mentionné, les documents liés aux prestations d’assurance‑emploi qu’elle a demandées ou reçues. Elle affirme que les documents liés à la demande d’UPS visant les [traduction] « sources et [le] montant des revenus et des prestations » seront fournis.

[30] Toutefois, Mme Peters s’oppose à la production de l’ensemble de ses déclarations d’impôt sur le revenu et de ses avis de cotisation au motif que la demande a une portée trop large. Elle soutient que ces documents contiennent des renseignements qui vont au‑delà de ce qui est pertinent en l’espèce. Il faut, dit-elle, établir un équilibre entre son droit à la protection de la vie privée et son obligation de divulguer. Elle fait valoir que les documents qu’elle accepte de fournir répondront au droit d’UPS d’obtenir la divulgation de documents et que, par conséquent, il n’est pas nécessaire de produire des déclarations d’impôt sur le revenu.

[31] UPS n’a pas répondu à la position de Mme Peters.

ii. Décision

[32] UPS a droit à la divulgation des documents ayant trait aux revenus et aux prestations liés à l’emploi et au travail indépendant, selon le cas. Le Tribunal convient que cette divulgation a pour but de vérifier les sources et le montant des revenus et des prestations qui sont touchés par Mme Peters. La question à trancher est celle des documents qu’il convient de consulter pour effectuer cette vérification.

[33] Mme Peters a indiqué qu’elle produira des documents relatifs à l’emploi, y compris ceux concernant les sources et le montant des revenus et des prestations, comme les formulaires T4. Une autre source de « revenu » est l’assurance‑emploi. Mme Peters produira des documents permettant de vérifier le montant des prestations d’assurance‑emploi qu’elle a reçues. Comme il est indiqué plus loin, Mme Peters fournira des documents permettant de vérifier les prestations d’invalidité qu’elle a reçues à titre de remplacement du revenu.

[34] Le Tribunal conclut que les documents que Mme Peters a accepté de divulguer répondent en grande partie au droit d’UPS à la divulgation des documents ayant trait aux revenus et aux prestations qui sont liés à l’emploi et au travail indépendant.

[35] Les déclarations de revenus de Mme Peters sont susceptibles de contenir d’autres renseignements que ceux ayant trait aux revenus et aux prestations reçus d’autres employeurs ou dans le cadre d’un travail indépendant, puisque des renseignements supplémentaires doivent être fournis à Revenu Canada dans ces formulaires. Par exemple, les revenus d’intérêt sur les placements doivent être inclus dans les déclarations d’impôt sur le revenu. Mme Peters a droit au respect de sa vie privée à l’égard des renseignements qui y sont contenus et qui ne sont pas pertinents en l’espèce. UPS ne s’est pas opposée en réplique aux préoccupations en matière de protection de la vie privée de Mme Peters. La demande de divulgation des déclarations de revenus a une portée trop large. Par conséquent, elle est rejetée.

[36] UPS a demandé la production des avis de cotisation de l’Agence du revenu du Canada concernant Mme Peters pour les années 2015 à 2019. Ces documents fournissent l’évaluation du revenu total par Revenu Canada. Le calcul du revenu total comprend les revenus provenant de sources autres que l’emploi et le travail indépendant et découlant de lois comme celles qui régissent le Régime de pensions du Canada (RPC) et l’assurance-emploi (AE). Par exemple, les sommes retirées d’un régime enregistré d’épargne-retraite (REER) sont incluses dans le revenu total. Ces sommes ne sont vraisemblablement pas pertinentes à l’égard d’une réclamation pour perte de revenu. Les avis de cotisation contiennent également des renseignements n’ayant rien à voir avec le revenu, comme les droits de cotisation à un REER et l’impôt à payer. Toutefois, l’avis de cotisation fournit une vérification supplémentaire par un « tiers » du montant du revenu total. La difficulté qui peut se poser sur le plan de la pertinence tient au fait que le montant est calculé en fonction de toutes les sources de revenus.

[37] Étant donné que les avis de cotisation fournissent une vérification, par un tiers, du revenu total, le Tribunal ordonne qu’ils soient produits, sous réserve de certaines restrictions. Mme Peters devra produire ses avis de cotisation pour les années 2015 à 2019.

[38] Le contenu des avis de cotisation se rapportant au revenu, qui devrait comprendre toute mention du revenu, comme les déductions du calcul du revenu prévues par la loi (RPC et AE) et le revenu total, devra être divulgué. Le contenu se rapportant à des éléments autres que le revenu touché par Mme Peters pourra être caviardé par celle‑ci. Toutefois, une explication du caviardage devra être fournie aux autres parties. Si le caviardage est contesté, la question pourra être résolue au moyen du processus indiqué ci‑après.

[39] Si Mme Peters a perçu un revenu autre qu’un revenu provenant d’un emploi ou d’un travail indépendant, le montant du revenu total figurant sur l’avis de cotisation pertinent sera plus élevé que la somme des montants confirmés par les formulaires T4 et les autres relevés des gains connexes qu’elle aura fournis. En pareil cas, Mme Peters devra fournir une explication de cette autre source de revenus aux autres parties afin de justifier la différence. Si des questions imprévues ou insolubles devaient se poser à cet égard, le Tribunal se réserve la compétence de les trancher.

j) Des copies complètes et non caviardées des dossiers médicaux de Mme Peters tenus par le Dr Steve MacDonald, le Dr Kelley et le Dr Tarek Mohamed Sallamas pendant la période allant de 2014 à aujourd’hui.

[40] La question de la production de ces documents a été réglée par consentement des parties et au moyen de directives du Tribunal, comme il est mentionné plus haut. La question de savoir si les caviardages apportés à ces documents devront être retirés est examinée plus loin.

k) Une copie complète et non caviardée du dossier de la demande de prestations d’invalidité de courte durée que Mme Peters a présentée à Manuvie pendant qu’elle travaillait chez l’intimée.

[41] Mme Peters accepte de fournir les documents ayant trait à la demande de prestations d’invalidité de courte durée qu’elle a présentée à Manuvie. Elle a indiqué accepter de le faire en se réservant le droit de procéder aux caviardages nécessaires, mais déclare qu’elle fournira le motif de chaque caviardage aux autres parties.

III. La question du caviardage

i. Introduction

[42] Comme il est indiqué plus haut, le 17 janvier 2020, UPS a demandé les dossiers médicaux non caviardés tenus par trois des médecins de Mme Peters. UPS a également demandé que des documents non caviardés soient fournis relativement à des prestations d’invalidité de courte durée. Le Tribunal a tenu pour acquis que l’opposition d’UPS aux caviardages existants serait réglée en tant qu’élément des différends entre les parties concernant la divulgation de documents préalable à l’audience. Il a fixé des dates pour toutes les requêtes préalables à l’audience afin que l’audience ait lieu au moment prévu.

[43] Cependant, des difficultés d’ordre procédural ont fait obstacle au règlement des questions relatives aux caviardages, et des éléments clés du fond des questions n’ont pas été abordés par UPS comme s’y attendait le Tribunal. Il existe également un différend entre Mme Peters et UPS quant à la procédure à suivre pour régler la question des caviardages contestés.

ii. Contexte

[44] Les parties ont échangé des communications au sujet de la divulgation en 2018. Certaines des questions relatives à la divulgation ont été réglées. D’autres ont fait l’objet de refus de produire.

[45] Lors d’une conférence préparatoire tenue le 16 décembre 2019, les parties ont reconnu la nécessité de régler entre elles les questions relatives à la divulgation. Le Tribunal a enjoint aux parties de s’y efforcer. Il leur a également enjoint de déposer, au plus tard le 17 janvier 2020, toutes les requêtes préalables à l’audience qui se rapportaient à la divulgation ou à d’autres questions, exception faite d’une requête que Mme Peters était tenue de déposer le 10 janvier 2020. Les réponses aux requêtes devaient toutes être déposées au plus tard le 7 février 2020, et toutes les répliques devaient être déposées au plus tard le 14 février 2020.

[46] Ce calendrier, établi le 16 décembre 2019, a été confirmé lors d’une seconde conférence préparatoire, tenue avec les parties le 2 janvier 2020. Des résumés de chacune des deux conférences préparatoires, qui confirmaient le calendrier, ont été envoyés aux parties le 18 décembre 2020 et le 24 janvier 2020 respectivement. L’intention du Tribunal était de faire en sorte que les questions préalables à l’audience soient réglées de manière à ce que l’audience sur le fond puisse avoir lieu à la date prévue.

[47] Mme Peters a déposé la requête dont la date de dépôt était fixée au 10 janvier 2020. Elle a également déposé, le 17 janvier 2020, une requête contenant ses demandes de divulgation adressées à UPS. Dans les deux cas, Mme Peters a déposé et signifié un avis de requête et un affidavit de signification conformément au paragraphe 3(1) et à l’article 2 des Règles de procédure. La dernière requête relative à la divulgation a fait l’objet d’une décision du Tribunal : Peters c. United Parcel Service du Canada Ltd. et Gordon, 2020 TCDP 18, une décision non publiée rendue le 26 juin 2020 (« Peters »).

[48] Bien qu’UPS ait indiqué, lors de la conférence préparatoire, que des demandes de divulgation adressées à Mme Peters demeuraient en suspens, elle n’a pas déposé de requête en divulgation le 17 janvier 2020. UPS a plutôt transmis aux parties, avec copie conforme au Tribunal, une lettre datée du 17 janvier 2020 qui contenait entre autres une liste des demandes de production adressées à Mme Peters et demeurées en suspens. UPS a souligné que Mme Peters avait refusé de produire certains documents en 2018 au motif qu’ils n’étaient pas pertinents.

[49] UPS n’a pas présenté d’observations dans sa lettre du 17 janvier 2020 relativement à ses demandes de production. Dans cette lettre, elle demandait la divulgation, se contentant d’affirmer que les documents demandés étaient [traduction] « [des documents] potentiellement pertinents et qui peuvent être produits, mais dont la production est en suspens ». UPS a toutefois indiqué, à l’alinéa a)(i) de la lettre, qu’elle avait l’intention de présenter des observations concernant l’une des demandes de divulgation.

[50] Dans la liste des demandes de divulgation d’UPS adressées à Mme Peters qui étaient en suspens figurait une demande visant des dossiers médicaux non caviardés qui avaient déjà été fournis, de même qu’une copie non caviardée du dossier d’invalidité de courte durée de Mme Peters. UPS n’a pas précisé quels étaient les caviardages contestés dans les dossiers médicaux ou présenté d’observations sur la question du caviardage.

[51] UPS a présenté, avec sa lettre du 17 janvier 2020, des observations répondant aux demandes de divulgation formulées dans la requête du 17 janvier 2020 de Mme Peters visant la société mère d’UPS aux États‑Unis. Mais la lettre du 17 janvier 2020 et les documents joints à celle‑ci ne répondaient pas clairement à toutes les questions soulevées par la requête du 17 janvier 2020 de Mme Peters, comme il est expliqué dans la décision du Tribunal dans Peters.

[52] Le 7 février 2020, soit la date fixée pour le dépôt des réponses, UPS a envoyé au Tribunal une lettre indiquant que les réponses étaient jointes aux deux requêtes déposées par Mme Peters le 10 janvier 2020 et le 17 janvier 2020 respectivement. Seule la réponse à la requête du 10 janvier 2020 était jointe.

[53] C’est alors qu’un différend est survenu entre Mme Peters et UPS quant aux dates des futures étapes de l’instruction auxquelles il convenait d’examiner les demandes de divulgation d’UPS et les documents caviardés. Le 13 février 2020, UPS s’est opposée au fait que Mme Peters n’ait pas répondu à la liste de demandes de divulgation contenue dans sa lettre du 17 janvier 2020 de manière à lui permettre de déposer une réponse le 14 février 2020 (la date fixée pour le dépôt des répliques). Le 14 février 2020, Mme Peters s’est opposée au fait qu’UPS n’ait pas déposé à temps, le 17 janvier 2020, sa requête accompagnée d’observations sur la divulgation qu’elle demandait. Mme Peters a notamment déclaré qu’UPS n’avait pas précisé quelles parties caviardées des dossiers elle souhaitait voir. Elle a fait valoir qu’il incombait à UPS d’établir que ses dossiers médicaux avaient été caviardés de façon inappropriée et qu’UPS n’avait pas déposé d’observations à cet égard. Mme Peters s’est opposée à l’[traduction]« interprétation » que donnait UPS du calendrier, car elle ne pourrait prendre connaissance des observations d’UPS qu’à la date fixée pour le dépôt des répliques. Le calendrier ne lui donnait pas la possibilité de répondre aux observations concernant les demandes de divulgation d’UPS. Mme Peters a tout de même présenté des observations en réponse aux demandes de divulgation d’UPS, sans préjudice à son droit de répondre à toute requête déposée par UPS après l’expiration du délai fixé pour le faire.

[54] Le 18 février 2020, l’avocat d’UPS a envoyé un courriel de réponse indiquant qu’il y avait un malentendu quant au fait que l’on s’attende à ce qu’une requête se rapportant à la divulgation soit déposée par UPS au plus tard le 17 janvier 2020. Il a indiqué qu’il croyait comprendre que d’autres requêtes devaient être déposées au plus tard le 17 janvier 2020. Exception faite de la requête se rapportant aux questions de production de documents aux États‑Unis, l’avocat d’UPS croyait comprendre que les parties devaient répertorier toutes les autres demandes de production en suspens au plus tard le 17 janvier 2020, que la partie adverse devait répondre et que le Tribunal statuerait ensuite sur les demandes de production contestées.

[55] Dans son courriel du 18 février 2020, l’avocat d’UPS a fourni ce qui a été décrit comme un aperçu des observations d’UPS concernant la liste des demandes de production qu’elle adressait à Mme Peters. Il a indiqué que d’autres observations seraient déposées au plus tard le 21 février 2020, c’est‑à‑dire avant la fin de la semaine. Quant à la question du caviardage, l’avocat d’UPS a expliqué, dans son courriel, qu’il était difficile de préciser quelles parties caviardées étaient potentiellement pertinentes vu le fait que le contenu avait été caviardé.

[56] L’avocat d’UPS avait indiqué qu’UPS serait en mesure de déposer des observations complètes au plus tard le 21 février 2020. Le 20 février 2020, le Tribunal a écrit ceci : [traduction] « [a]fin de dissiper toute confusion, le tribunal rappelle que son intention était de faire en sorte que toutes les requêtes préliminaires soient déposées au plus tard le 17 janvier 2020, avec des observations complètes, compte tenu de la nécessité de résoudre toutes les questions préliminaires afin que la présente affaire puisse être instruite ». Le Tribunal a rétroactivement accordé une prorogation permettant à UPS de présenter d’autres observations concernant sa requête en divulgation au plus tard le 21 février 2020. D’autres dates ont été fixées pour la réponse et la réplique à cette requête, entre autres directives.

[57] Le paragraphe 5 de la lettre du Tribunal datée du 20 février 2020 donnait la directive suivante pour aider UPS et les autres parties quant à la question du caviardage :

[traduction]

Le Tribunal doit établir un processus pour régler tous les caviardages contestés; les observations devraient porter sur cette question de procédure et les caviardages eux‑mêmes; l’intimée peut commencer par indiquer précisément les caviardages contestés et expliquer pourquoi les parties caviardées semblent pertinentes pour des motifs d’ordre général, ou pour des motifs fondés sur le reste du document caviardé où figure le caviardage; la plaignante doit fournir des renseignements suffisants dans sa réponse quant à la raison d’être de chaque caviardage afin de permettre à l’intimée de fournir une réplique […]

[58] UPS n’a pas déposé sa requête en divulgation et en retrait des caviardages au plus tard le 21 février 2020.

[59] Le Tribunal a demandé des explications à UPS. L’avocat d’UPS a indiqué qu’il avait décidé de déposer la requête d’UPS à une date différente de celle prescrite, c’est‑à‑dire le 28 février 2020. Le motif invoqué était que l’avocat avait décidé de déposer la requête d’UPS à la même date que celle à laquelle il devait présenter des réponses aux autres requêtes. Il préférait déposer un seul document.

[60] Étant donné que les autres parties ne subissaient aucun préjudice quant aux dates d’audience en raison d’un retard d’une semaine, le Tribunal a accepté de recevoir la requête d’UPS le 28 février 2020. Il a toutefois dû fixer de nouvelles dates pour éviter qu’un préjudice soit causé à Mme Peters relativement à la requête d’UPS. Les directives du Tribunal faisant suite à ce qui s’était produit ont été communiquées aux parties par lettre le 27 février 2020.

[61] Ces directives comportaient une mise en garde du Tribunal. Il a été rappelé aux parties qu’aucune d’elles n’est autorisée à passer outre à une directive procédurale du Tribunal. Le paragraphe 1(5) des Règles de procédure du Tribunal précise qu’à moins que le Tribunal n’accorde une prorogation, tous les délais, notamment ceux fixés relativement aux requêtes, sont impératifs. Le Tribunal a enjoint aux parties d’obtenir une autorisation préalable à l’égard de toute modification ou précision, selon le cas, demandée relativement aux délais de dépôt. Les parties ont également été informées qu’il ne faut pas présumer que l’autorisation de proroger un délai sera accordée. Le Tribunal a souligné l’importance de la gestion de l’instance et du respect d’un échéancier pour atteindre un certain degré d’organisation et de certitude pour les parties et éviter les retards. Enfin, le Tribunal a fait observer que le dépôt tardif d’UPS avait créé un autre problème, car il a obligé l’avocat de Mme Peters à déposer un autre document distinct. Comme indiqué, cette mise en garde a été transmise aux parties le 27 février 2020 au moyen d’une lettre envoyée par courriel.

[62] Le 28 février 2020, UPS n’a pas déposé et signifié un avis de requête et un affidavit de signification en bonne et due forme suivant les modalités du paragraphe 3(1) et de l’article 2 des Règles de procédure. Elle a plutôt envoyé une lettre accompagnée d’observations concernant sa requête en divulgation, figurant à une annexe C jointe à sa lettre. Les observations de l’annexe C reproduisaient la liste des demandes de divulgation censément en suspens contenue dans sa lettre du 17 janvier 2020 et elles incluaient un [traduction] « bref aperçu », comme UPS le décrit, des observations formulées dans son courriel du 18 février 2020 ainsi que de nouvelles observations sur le fond. L’annexe C était considérée comme répondant aux directives du Tribunal. L’avocat d’UPS s’est excusé de la confusion qu’il avait pu créer.

[63] Le Tribunal a examiné la lettre d’UPS datée du 28 février 2020 au vu des demandes de production d’UPS adressées à Mme Peters et tranchées précédemment dans la présente décision.

[64] UPS a indiqué que l’annexe C répondait expressément à la directive énoncée au paragraphe 5, cité précédemment, des directives du Tribunal datées du 20 février 2020 concernant ce que devait faire UPS quant à la question du caviardage. Le Tribunal avait donné à UPS pour instruction d’indiquer précisément les caviardages contestés et d’expliquer la pertinence des parties caviardées, pour des motifs d’ordre général ou des motifs fondés sur le reste du document caviardé où figurait le caviardage. Le Tribunal a donné cette directive parce qu’on ne peut présumer que chaque ligne d’un document médical est potentiellement pertinente à l’égard d’une plainte pour atteinte aux droits de la personne. En l’espèce, il était allégué que trois ensembles de documents médicaux contenaient des caviardages qui étaient inappropriés au vu de la pertinence des renseignements caviardés.

[65] UPS a présenté des observations d’ordre général concernant son droit d’obtenir des documents – médicaux ou autres – non caviardés, affirmant que l’équité procédurale requiert la production de dossiers médicaux non caviardés lorsque le plaignant met son état de santé et son incapacité de travailler en cause dans une plainte : Palm c. I.L.W.U., Local 500, 2012 TCDP 11 et Yaffa c. Air Canada, 2014 TCDP 22. Toutefois, UPS n’a pas précisé de quels caviardages il s’agissait ou présenté d’observations expliquant pourquoi les parties caviardées ne devraient pas l’être.

[66] UPS a terminé ses observations figurant à l’annexe C en affirmant ceci : [traduction] « […] quant à la directive du Tribunal voulant que l’intimée précise les caviardages visés, la pertinence et les motifs concernant la production de dossiers médicaux, nous soutenons respectueusement qu’une telle démarche est prématurée et pourrait se révéler inutile ». UPS affirme également que Mme Peters avait fait savoir que d’autres documents médicaux seraient fournis et émet l’hypothèse que ces documents pourraient être caviardés. UPS fait valoir que la question [traduction] « […] est susceptible de se poser de nouveau et de nécessiter une autre décision du Tribunal ».

[67] En ce qui concerne la première affirmation d’UPS, celle‑ci n’avait jamais laissé entendre que sa demande de production de dossiers non caviardés était prématurée. Elle n’a pas expliqué pourquoi elle le laissait maintenant entendre. Elle n’a pas non plus précisé en quoi cet aspect de la requête pourrait se révéler inutile. Quant à la dernière affirmation d’UPS, aucune décision n’avait encore été rendue par le Tribunal relativement aux caviardages existants.

[68] Le 13 mars 2020, Mme Peters a déposé une réponse dans laquelle elle a qualifié de [traduction] « regrettable » la décision d’UPS de refuser de préciser les parties caviardées en cause ou de présenter des observations quant à leur pertinence. Mme Peters désapprouve le fait qu’UPS se fonde de façon générale sur une jurisprudence selon laquelle il n’existerait pas de droit au caviardage. Elle fait observer qu’UPS n’a cité aucune décision allant dans ce sens. Elle soutient qu’il convient qu’une partie procède au caviardage des parties d’un document qui ne sont pas potentiellement pertinentes : Walden c. Procureur général du Canada (représentant le Conseil du Trésor du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada), 2018 TCDP 20, au paragraphe 10; Khouri et Khouri c. Virgin Mobile Canada, 2019 TCDP 26, au paragraphe 60 et Clegg c. Air Canada, 2019 TCDP 3. À titre d’exemples, Mme Peters affirme que les renseignements médicaux sur d’autres personnes ou encore ceux concernant des problèmes de santé dont il n’est pas allégué qu’ils seraient attribuables aux actes de l’intimé ne sont pas pertinents, et qu’il y a lieu de caviarder ces renseignements afin d’établir un équilibre entre le droit à la divulgation et le droit à la vie privée du plaignant.

[69] Mme Peters affirme qu’elle a examiné les dossiers médicaux et qu’elle a trouvé un seul document contenant un paragraphe partiellement caviardé. Il s’agit du rapport du Dr MacDonald daté du 14 novembre 2017. Elle accepte de retirer le caviardage.

[70] UPS n’a pas déposé de réplique.

iii. Les préoccupations du Tribunal en ce qui a trait à la procédure

[71] Bien que le Tribunal ait confirmé à deux reprises par écrit le calendrier des requêtes, y compris par une confirmation datée du 18 décembre 2020 indiquant que le calendrier visait les questions de divulgation, UPS n’a pas signifié ni déposé sa requête en divulgation le 17 janvier 2020 comme le Tribunal l’avait ordonné. UPS a dit qu’il s’agissait d’un malentendu.

[72] UPS s’est engagée à présenter des observations relatives à sa requête le 21 février 2020, ce qui a amené le Tribunal à accorder rétroactivement une prorogation du délai jusqu’au 21 février 2020. UPS n’a pas déposé d’observations à cette date.

[73] Le jour précédent, soit le 20 février 2020, le Tribunal a prévenu les parties qu’une autorisation préalable devait être obtenue à l’égard de toute prorogation, car les délais fixés pour les requêtes sont impératifs. L’importance de la gestion de l’instance et du respect des délais a été expliquée.

[74] UPS n’a pas présenté de demande au Tribunal afin d’obtenir une autre prorogation du délai au‑delà du 21 février 2020. Elle a ainsi enfreint le paragraphe 3(1) des Règles de procédure et les directives du Tribunal et ignoré la mise en garde du Tribunal datée du 20 février 2020.

[75] UPS a indiqué, à la suite d’une demande du Tribunal, qu’elle déposerait ses observations le 28 février 2020. Elle a effectivement déposé des observations le 28 février 2020.

[76] UPS a indiqué que l’annexe C de sa lettre du 28 février 2020 répondait expressément à la directive énoncée au paragraphe 5 des directives du Tribunal datées du 20 février 2020. Toutefois, elle n’a pas précisé les parties caviardées en cause ou présenté d’observations expliquant la pertinence individuelle de chacune, comme le lui avait enjoint le Tribunal. Des observations générales dans le cadre desquelles la production de documents non caviardés était demandée ont été présentées. UPS a affirmé que la démarche consistant à préciser les caviardages visés et quelle était la pertinence des parties caviardées, motifs à l’appui, était non seulement prématurée, mais aussi potentiellement inutile. UPS a affirmé que cet aspect devrait probablement être abordé plus tard, mais a semblé laisser entendre que la question avait déjà été tranchée par le Tribunal. Bien qu’elle n’ait pas fourni au Tribunal les renseignements demandés, UPS a cherché à conserver la possibilité de s’opposer à tout caviardage.

[77] Si l’on considère la série d’événements de façon cumulative, UPS n’a pas obtempéré aux directives procédurales du Tribunal. Elle n’a pas déposé sa requête ou ses observations à temps, et ce, à plusieurs reprises. Elle n’a pas non plus présenté de requête ou de demande d’ajournement du dépôt de sa requête, prévu pour le 21 février 2020, bien qu’on lui ait intimé de procéder au dépôt à cette date et malgré la mise en garde du Tribunal datée du 20 février 2020 concernant la nécessité d’obtenir une autorisation préalable du Tribunal pour toute prorogation et les remarques connexes. Le 28 février 2020, UPS n’avait pas déposé d’observations conformes aux directives quant à la question du caviardage et avait omis d’indiquer précisément quels caviardages elle contestait.

[78] Le refus de préciser les caviardages visés a eu pour effet pratique de rendre possible l’ajournement indéfini, sans autorisation du Tribunal, du règlement d’une question qui, selon ce que comprend le Tribunal, était en suspens depuis 2018. UPS a toujours soutenu que les dossiers médicaux de Mme Peters tenus par trois médecins avaient été caviardés. Selon les renseignements qui avaient été fournis au Tribunal, les différends concernant les documents caviardés devaient être réglés en prévision des dates de l’audience sur le fond de la plainte.

[79] Le Tribunal établit le processus d’instruction des plaintes au moyen de ses Règles de procédure et de directives procédurales visant à assurer l’équité et le déroulement ordonné, efficace et efficient des affaires dont il est saisi. Le refus d’une partie d’obtempérer aux directives du Tribunal nuit au bon déroulement de l’instance. Cela doit cesser. Le Tribunal espère qu’il pourra désormais compter sur la pleine adhésion de toutes les parties à cet égard.

iv. Décision relative aux caviardages

[80] Mme Peters a trouvé un seul caviardage dans un ensemble de documents médicaux. UPS n’a pas déposé de réplique et, par conséquent, n’a pas contesté le fait qu’il n’y avait qu’un seul caviardage.

[81] Mme Peters a accepté de retirer l’unique caviardage. Le Tribunal conclut donc qu’il n’y a aucune question de caviardage de documents à résoudre.

IV. Décision procédurale concernant les futurs caviardages

[82] Il est possible qu’aucune question de caviardage ne se pose relativement à toute autre production de dossiers médicaux par Mme Peters ou encore à la production de son dossier d’invalidité de courte durée ou de tout autre document. Si Mme Peters souhaite caviarder un document, elle devra signaler clairement le caviardage et informer les autres parties des raisons de celui-ci.

[83] UPS a soutenu que les dossiers d’invalidité ou médicaux caviardés concernant Mme Peters devraient être divulgués à l’avocat d’UPS afin qu’une première décision soit rendue, sous réserve d’une ordonnance de confidentialité, et ce, dans le but déclaré de réduire ou d’éliminer les caviardages contestés nécessitant une décision du Tribunal.

[84] Le Tribunal a examiné les observations d’UPS concernant le processus à suivre pour régler tout différend futur ayant trait aux caviardages. Il existe un droit préexistant à la protection de la vie privée à l’égard des dossiers médicaux d’une personne. Il ne convient pas que les caviardages contestés soient examinés par l’avocat de la partie adverse, comme le propose UPS. Ce rôle revient au Tribunal.

[85] Les parties doivent déterminer s’il existe un différend concernant le caviardage d’un document dès sa réception. Si un caviardage est contesté, la partie qui conteste doit déposer et signifier une requête visant à résoudre la question conformément aux Règles de procédure dans un délai de cinq jours ouvrables, excluant la date de réception du document caviardé.

[86] L’autre partie doit déposer une réponse dans les cinq jours ouvrables suivants et envoyer en même temps le document contesté, à la fois dans sa forme caviardée et dans sa forme non caviardée, au Tribunal en tant que pièce jointe à un courriel portant la mention « Confidentiel : pour examen par le Tribunal seulement ». Ce courriel ne doit pas contenir de commentaires ni être envoyé en copie conforme aux autres parties. Chaque page de la pièce jointe doit porter la mention « confidentiel ».

[87] La partie qui conteste peut présenter une réplique, au besoin, dans les trois jours suivant la date de réception de la réponse.

[88] Le Tribunal rendra la décision qui s’impose pour faire en sorte que l’audience ait lieu aux dates prévues à compter de septembre.

V. Ordonnance

[89] À moins qu’une autre date soit précisée dans les paragraphes ci‑dessous, le Tribunal ordonne à Mme Peters de divulguer les documents suivants à UPS au plus tard le lundi 27 juillet 2020 :

  1. Toutes les notes et tous les rapports concernant le traitement de Mme Peters par le Dr Tarek Mohamed Sallamas, au plus tard le lundi 6 juillet 2020;
  2. Une copie non caviardée du document caviardé provenant du dossier médical tenu par le Dr Steven MacDonald concernant Mme Peters devra être fournie au plus tard le lundi 13 juillet 2020, et la divulgation de toutes les notes et de tous les rapports concernant le traitement de Mme Peters par le Dr Steven MacDonald du 1er janvier 2011 à aujourd’hui devra être mise à jour au plus tard le vendredi 31 juillet 2020 et par la suite avant l’audience s’il y a d’autres documents;
  3. Toutes les communications avec Service Canada et tous les documents se rapportant à toute demande de prestations d’assurance‑emploi au cours de la période allant de février 2015 à aujourd’hui, y compris les demandes elles-mêmes, les lettres de décision, les documents d’appel, etc.;
  4. Tous les documents relatifs à l’emploi de Mme Peters chez Costco de 2014 à aujourd’hui, y compris les lettres d’embauche, les talons de paye, les formulaires T4, les plaintes à la direction concernant le harcèlement qui aurait été pratiqué par d’autres employés ou M. Gordon et les lettres de congédiement ou de démission, selon le cas;
  5. Tous les documents démontrant l’existence d’efforts d’atténuation (les critères de recherche utilisés, y compris les zones géographiques, les échelles salariales, les types de postes, la façon dont la recherche a été effectuée, les endroits où une demande d’emploi a été présentée et la façon dont elle l’a été, le curriculum vitæ et la lettre de présentation utilisés, le nombre d’entrevues réalisées, la raison du refus d’embaucher, etc.) de février 2015 à aujourd’hui ainsi que les documents relatifs à un emploi obtenu à la suite d’efforts fructueux, comme les lettres d’embauche, les talons de paye et les formulaires T4;
  6. Si elle ne l’a pas déjà fait, Mme Peters devra examiner son passeport, tout autre document de voyage ou tout document ayant trait à un emploi occupé à l’extérieur du Canada afin de déterminer s’il fait état d’entrées dans d’autres pays que le Canada ou de sorties de ces pays de février 2015 à aujourd’hui. Le cas échéant, elle devra produire des copies des pages pertinentes de son passeport, y compris celle où figure la photo, ou de tout autre document visé ci-dessus;
  7. Les documents relatifs à l’emploi liés à la demande d’UPS visant les sources et le montant des revenus et des prestations, y compris les formulaires T4 des années 2015 à 2019 et les documents liés aux prestations d’assurance‑emploi reçues;
  8. Les avis de cotisation des années 2015 à 2019 émis par le Canada, les États‑Unis et tout autre ressort dans lequel Mme Peters a gagné un revenu. Le contenu des avis de cotisation se rapportant au revenu, qui devrait comprendre toute mention du revenu, comme les déductions du calcul du revenu prévues par la loi (RPC et AE) et le revenu total, devra être divulgué. Le contenu se rapportant à des éléments autres que le revenu touché par Mme Peters pourra être caviardé par celle‑ci. Toutefois, une explication du caviardage devra être fournie aux autres parties. Si le caviardage est contesté, la question pourra être résolue au moyen du processus indiqué ci‑dessous. Si Mme Peters a perçu un revenu autre qu’un revenu provenant d’un emploi, le montant du revenu total figurant sur l’avis de cotisation pertinent sera plus élevé que la somme des montants confirmés par les formulaires T4 et les autres relevés des gains connexes qu’elle aura fournis. En pareil cas, Mme Peters devra fournir une explication de cette autre source de revenus aux autres parties afin de justifier la différence;
  9. Une copie complète du dossier de la demande de prestations d’invalidité de courte durée que Mme Peters a présentée à Manuvie pendant qu’elle travaillait chez UPS;
  10. Si un document est caviardé et que le caviardage est contesté, la partie qui conteste doit déposer et signifier une requête visant à résoudre la question conformément aux Règles de procédure dans un délai de cinq jours ouvrables suivant la réception du document caviardé, excluant la date de réception. L’autre partie doit déposer une réponse dans les cinq jours ouvrables suivants et envoyer en même temps le document contesté, à la fois dans sa forme caviardée et dans sa forme non caviardée, au Tribunal en tant que pièce jointe à un courriel portant la mention « Confidentiel : pour examen par le Tribunal seulement ». Ce courriel ne doit pas contenir de commentaires ni être envoyé en copie conforme aux autres parties. Chaque page de la pièce jointe doit porter la mention « confidentiel ». La partie qui conteste peut présenter une réplique, au besoin, dans les trois jours suivant la date de réception de la réponse.

[90] Le Tribunal se réserve la compétence de trancher toute question relative à la mise en œuvre de ses ordonnances.

Signée par

Kathryn A. Raymond, c.r.

Membre du Tribunal

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

Le 6 juillet 2020

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2201/2317

Intitulé de la cause : Tesha Peters c. United Parcel Service du Canada Ltd. et Gordon

Date de la décision sur requête du Tribunal : Le 6 juillet 2020

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par :

David Baker, Laura Lepine et Claire Budziak, pour la plaignante

Sasha Hart et Ikram Warsame , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Seann D. McAleese, pour United Parcel Service du Canada Ltd.

Linden Gordon, pour lui même

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.