Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2020 TCDP 14

Date : Le 22 avril 2020

Numéro du dossier : T2286/4118

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Jamieson Hopps

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Shadow Lines Transportation Group

l'intimée

Décision

Membre : Alex G. Pannu

 



I.  Plainte

[1]  Le plaignant dans la présente affaire, Jamieson Hopps, allègue que l’intimée, Shadow Lines Transportation Group (« Shadow »), a mis fin à son emploi en violation, au titre de l’article 7, de la Loi canadienne sur les droits de la personne, LRC 1985, ch. H‑6 (la « LCDP »).

[2]  Monsieur Hopps, qui dit souffrir de stress, d’anxiété et de dépression, affirme qu’il était atteint d’une déficience mentale au moment où l’intimée a mis fin à son emploi et que son état a constitué un facteur dans son congédiement. Or, la déficience fait partie des motifs de distinction illicite.

[3]  De son côté, l’intimée avance que le plaignant n’a pas établi qu’une caractéristique protégée avait constitué un facteur dans la cessation de son emploi. En particulier, elle soutient que le plaignant n’a pas démontré qu’il existait un lien entre sa déficience et la cessation de son emploi. Elle prétend avoir licencié le plaignant uniquement pour des raisons liées à son rendement au travail.

[4]  À l’audience, M. Hopps se représentait lui-même, alors que l’intimée était représentée par un avocat. D’une durée de trois jours, l’audience a eu lieu à Vancouver, en Colombie‑Britannique. La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission »), qui a fait enquête sur la plainte, puis a renvoyé le dossier au Tribunal pour qu’il rende une décision, n’a pas pris part à l’audience. Les deux parties ont présenté des éléments de preuve et ont fait entendre plusieurs témoins.

II.  Questions en litige

[5]  Le Tribunal doit décider si l’intimée a commis un acte discriminatoire au sens de l’article 7 de la LCDP en mettant fin à l’emploi du plaignant en raison, du moins en partie, de sa déficience. En particulier, les avis des parties divergent sur la question de savoir si le plaignant était atteint d’une déficience et, le cas échéant, si cette déficience a constitué un facteur dans la décision de le congédier. M. Hopps a aussi demandé au Tribunal de décider si Shadow avait l’obligation de se renseigner au sujet de sa déficience à l’époque où il a été mis fin à son emploi.

III.  Droit applicable

[6]  Suivant l’article 7 de la LCDP, le fait de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu ou de le défavoriser en cours d’emploi constitue un acte discriminatoire s’il est fondé sur un motif de distinction illicite. Les motifs de distinction illicite sont énoncés au paragraphe 3(1) de la Loi.

[7]  C’est dans l’arrêt Andrews c. Law Society British Columbia, [1989] 1 RCS 143 que la Cour suprême du Canada s’est penchée pour la première fois sur la question de la discrimination, et dans ses motifs, elle fait le commentaire suivant : « [la] discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d’un individu ou d’un groupe d’individus, qui a pour effet d’imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d’autres ou d’empêcher ou de restreindre l’accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d’autres membres de la société. »

[8]  Dans l’arrêt Centre universitaire de santé McGill (Hôpital général de Montréal) c. Syndicat des employés de l’Hôpital général de Montréal, 2007 CSC 4, au paragraphe 48, la Cour suprême donnait des indications supplémentaires : « La prémisse voulant qu’une pratique, une norme ou une exigence du milieu de travail ne puisse pas désavantager un individu par l’attribution de caractéristiques stéréotypées ou arbitraires est au cœur de ces définitions. » Puis, au paragraphe 49, elle précise qu’il y a « une différence entre discrimination et distinction. Les distinctions ne sont pas toutes discriminatoires. [...] La seule appartenance à un tel groupe n’est pas suffisante pour garantir l’accès à une réparation fondée sur les droits de la personne. C’est le lien qui existe entre l’appartenance à ce groupe et le caractère arbitraire du critère ou comportement désavantageux — à première vue ou de par son effet — qui suscite la possibilité de réparation. Et ce fardeau de preuve préliminaire incombe au demandeur ».

[9]  Le Tribunal a commencé à éviter de décrire le fardeau de preuve qui incombe à un plaignant comme étant celui d’une preuve prima facie. Plutôt, un plaignant doit établir une preuve qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier qu’une décision soit rendue en sa faveur [1] .

[10]  Pour prouver ses allégations, un plaignant doit démontrer : qu’il possédait une caractéristique protégée par la LCDP contre la discrimination, qu’il a subi un effet préjudiciable relativement à son emploi et que la caractéristique protégée a constitué un facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable [2] .

[11]  La Cour suprême du Canada a apporté des précisions au sujet de cette définition dans l’arrêt Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, au paragraphe 56 :

[56] [...] bien que [...] l’on exige [de lui], non pas la preuve d’un « lien causal » mais plutôt d’un simple « lien » ou « facteur », il n’en demeure pas moins que le demandeur doit démontrer, par prépondérance des probabilités, l’existence des trois éléments constitutifs de la discrimination. Pour cette raison, l’existence du « lien » ou du « facteur » doit être établie par preuve prépondérante.

[12]  Concrètement, cela signifie, selon les précisions données par la Cour suprême, que l’intimé peut présenter soit des éléments de preuve réfutant l’allégation de discrimination, soit une défense justifiant la discrimination, ou les deux. En l’absence de justification établie par l’intimé, la présentation d’une preuve prépondérante à l’égard de ces trois éléments sera suffisante pour permettre au Tribunal de conclure à la violation de la LCDP. Par ailleurs, si cet intimé parvient à justifier sa décision, il n’y aura pas de violation, et ce, même si le plaignant réussit à étayer ses allégations [3] .

[13]  Monsieur Hopps doit donc établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’il possédait une caractéristique protégée par la LCDP, qu’il a subi des effets préjudiciables du fait des actes de l’intimée et que sa déficience a constitué un facteur dans la manifestation des effets préjudiciables.

[14]  Le Tribunal déterminera si M. Hopps a établi qu’il avait une déficience — une caractéristique protégée par la LCDP — au moment de son congédiement. Dans l’arrêt Desormeaux c. Ottawa (Ville), 2005 CAF 311, au paragraphe 15, la Cour d’appel fédérale explique que « la déficience au sens juridique consiste en un handicap physique ou mental, qui occasionne une limitation fonctionnelle ou qui est associé à la perception d’un handicap ». Nul ne conteste le fait que le M. Hopps a subi des effets préjudiciables par suite de la cessation de son emploi par Shadow. Le Tribunal doit maintenant examiner si la déficience présumée a constitué un facteur dans le congédiement.

IV.  Preuve

Témoins du plaignant

Jamieson Hopps

[15]  Jamieson Hopps a témoigné en qualité de plaignant. Il a expliqué qu’au départ, il avait postulé un emploi de surveillant de cour d’entreposage, mais qu’en février 2015, Shadow lui avait offert un poste de courtier de fret au sein de la division de la logistique parce qu’il avait déjà travaillé dans un bureau.

[16]  D’après son propre témoignage, M. Hopps s’acquittait bien de ses fonctions de courtier de fret et, le mois de mars suivant, il s’était vu accorder une hausse salariale de 10 000 $. En avril, il avait été promu à un poste au service de répartition, quoique sans nouvelle augmentation de salaire.

[17]  Monsieur Hopps a déclaré qu’en juin 2015, les affaires avaient commencé à [traduction] « tourner au ralenti » dans sa division (appelée la division « I‑5 »). Il a dit avoir eu l’impression que son supérieur hiérarchique, Boyd Rupp, remettait en question ses décisions sur la répartition du transport routier parce qu’il avait un intérêt financier à ce que les activités commerciales de Shadow soient détournées vers une autre division.

[18]  Monsieur Hopps a ajouté qu’un certain nombre de problèmes touchant aux opérations étaient survenus dans sa division en raison d’erreurs commises par sa collègue, Natalie Shaw, mais que c’était sur lui qu’on avait fait rejeter le blâme.

[19]  Aux dires de M. Hopps, tous ces facteurs avaient fait en sorte que, le matin du 13 octobre, il avait eu une [traduction] « crise de panique » juste avant une rencontre prévue avec M. Rupp et Mme Sandi Fox, la directrice des opérations et des ressources humaines. Au lieu de se présenter à la réunion, il s’était rendu à un centre médical des environs pour subir un examen et recevoir des soins. Il a déclaré qu’il avait eu besoin de prendre congé de son travail, sur l’avis du médecin qui l’avait traité.

[20]  Monsieur Hopps a affirmé qu’il avait eu l’intention de revenir au travail le 27 octobre. Toutefois, lorsqu’il s’était présenté à la rencontre avec M. Rupp et Mme Fox à cette même date, Shadow l’avait congédié.

[21]  Monsieur Hopps a dit que, depuis, il avait réorienté sa carrière vers des emplois manuels et exempts de stress.

Le Dr Alaa Gayed

[22]  Le Dr Gayed, un omnipraticien qui a travaillé au centre médical Willoughby, à Langley, a reçu M. Hopps en consultation le 13 octobre 2015 lorsque celui-ci s’est présenté à la clinique sans avoir de rendez-vous. Ce n’est pas lui que M. Hopps consultait normalement, et il ne l’avait d’ailleurs jamais vu.

[23]  En consultant les notes qu’il avait consignées, le Dr Gayed a témoigné que M. Hopps lui avait confié avoir eu une crise de panique la semaine précédente en raison du stress vécu au travail. Dans le dossier, le Dr Gayed avait noté ceci : [traduction] « M. Hopps dit qu’il n’arrive pas à fonctionner ou à se concentrer, qu’il était déprimé, irritable par manque de sommeil, qu’il avait peu d’énergie et d’appétit , aucune idéation suicidaire. » Le Dr Gayed a aussi observé des pleurs et un état de détresse chez M. Hopps. [traduction] « Il avait le regard fuyant et s’exprimait d’une voix faible. » Dans ses notes d’évaluation, le Dr Gayed a écrit [traduction] « dépression anxieuse + billet maladie ». Dans la partie réservée au plan de traitement, il a prescrit [traduction] « Cipralex et Ativan et 2 semaines de congé ».

[24]  Le Dr Gayed a remis à M. Hopps un billet médical portant la date du 13 octobre, dans lequel il lui prescrivait de s’absenter du travail pendant deux semaines « en raison de son état de santé ».

[25]  Le Dr Gayed a revu M. Hopps le 23 octobre. Dans son dossier, il a écrit que M. Hopps était venu pour un suivi concernant son anxiété. Il a noté [traduction] « une légère amélioration, quoique toujours fragile. Désire reprendre le travail le 27 octobre, à raison de demi-journées ». Dans les notes d’évaluation, il a inscrit [traduction] « anxiété » et dans celles réservées au plan de traitement, [traduction] « billet retour au travail 27 octobre, demi-journées 2 sem., suivi 2 nov. ».

[26]  Le Dr Gayed a remis à M. Hopps un billet médical indiquant [traduction] « Jamieson reprendra le travail le 27 octobre 2015 pour des demi‑journées pendant deux semaines. »

Sandra Tolson

[27]  Sandra Tolson est la conjointe de M. Hopps depuis sept ans. Son témoignage a porté sur les effets de sa perte d’emploi sur la vie du ménage. Elle a déclaré que M. Hopps et elle avaient été forcés de vivre avec un seul revenu durant six à sept semaines, le temps que le relevé d’emploi de M. Hopps soit corrigé par Shadow et qu’il puisse toucher de l’assurance‑emploi.

[28]  Mme Tolson a ajouté que, par suite du congédiement, il était devenu difficile de convaincre M. Hopps de faire quoi que ce soit. Elle se disait qu’il était déprimé.

[29]  Lorsque M. Hopps travaillait pour Shadow, a-t-elle affirmé, il était constamment dérangé par les appels reçus sur son téléphone cellulaire fourni par l’entreprise, qu’il était tenu d’avoir avec lui en permanence. Autour de mai et juin 2015, elle avait remarqué qu’il était stressé et semblait dépassé.

Témoins de l’intimée

Boyd Rupp

[30]  Boyd Rupp était directeur des opérations à l’époque où M. Hopps travaillait pour Shadow : il était donc son supérieur immédiat. Employé par Shadow depuis 2004, il a travaillé aux ventes, puis à la répartition durant sept ou huit ans, pour ensuite passer aux opérations. Il avait également accumulé 35 années d’expérience à des postes de répartiteur au sein d’autres entreprises de camionnage. Il est toujours un employé de Shadow, mais il se trouve actuellement en congé d’invalidité prolongé.

[31]  Monsieur Rupp a décrit les activités de Shadow comme étant réparties en quatre divisions : I‑5 (conteneurs en provenance de Vancouver-Seattle); transport de ligne (fret en provenance des ports de Vancouver, Seattle et Tacoma); courtage; fret en vrac.

[32]  Monsieur Rupp a expliqué que les bureaux du service de répartition de l’entreprise étaient à aire ouverte et que trois ou quatre répartiteurs et vendeurs y travaillaient dans un espace réduit. Cette configuration était voulue afin de permettre aux employés de savoir ce que les autres faisaient et de réagir rapidement. Selon M. Rupp, c’était un lieu bruyant et très stressant où les répartiteurs passaient leur temps au téléphone et à s’échanger des informations entre eux pour jumeler camions et cargaisons, tels des joueurs déplaçant des pièces sur un échiquier.

[33]  Monsieur Rupp a déclaré avoir engagé M. Hopps comme répartiteur à la division I‑5 parce qu’il avait de l’entregent, et qu’il paraissait disposé à faire le travail, même s’il n’avait aucune expérience. Monsieur Rupp pensait que lui-même et les autres employés d’expérience de Shadow pourraient lui venir en aide.

[34]  Selon M. Rupp, pendant le premier mois, M. Hopps s’était bien débrouillé en tant que répartiteur; mais par la suite, son rendement s’était mis à décliner. Monsieur Rupp a dit en ignorer la raison. Il a mentionné des cas où les documents requis n’avaient pas été remplis à temps, de sorte que des camions étaient restés coincés à la frontière. Il y aurait aussi eu des problèmes dans la façon dont les camions étaient répartis. À un certain nombre d’occasions, des erreurs avaient été commises, ce qui avait contrarié des clients. M. Rupp a dit avoir eu de nombreuses discussions avec M. Hopps, sans constater d’amélioration dans son rendement.

[35]  Monsieur Rupp a raconté que, le 9 septembre, il avait remis à M. Hopps une réprimande écrite parce qu’il avait l’impression que ses avertissements verbaux n’avaient aucun effet. Le 10 septembre, à la suite d’un autre incident qui lui a fait remettre en question la répartition décidée par M. Hopps, il a adressé une note de service à Mme Sandi Fox pour lui demander de proposer le poste de répartiteur de la division I‑5 à deux autres employés. Il a expliqué qu’à ce stade, il songeait à congédier M. Hopps.

[36]  Monsieur Rupp a déclaré que, le 9 octobre, un nouvel incident s’était produit après que M. Hopps eut ignoré les instructions qu’il lui avait explicitement données. Ce même jour, il avait écrit dans un courriel transmis à Mme Fox : [traduction] « nous DEVONS renvoyer Jamie » mardi au plus tard.

[37]  Monsieur Rupp a relaté que, le 13 octobre, à son arrivée au travail, M. Hopps avait été prié de se présenter dans la salle de réunion pour une rencontre avec lui-même et Mme Fox. Madame Fox et lui étaient en discussion avec un conducteur lorsque, vers 9 h, M. Hopps les avait interrompus pour leur dire qu’il [traduction] « s’absentait une demi-heure ». Puisqu’il n’était toujours pas de retour à l’heure indiquée, M. Rupp lui avait fait parvenir un courriel à 11 h 5 pour lui demander où il était. À 11 h 11, M. Hopps avait répondu au courriel, avisant M. Rupp qu’on lui avait recommandé de prendre un congé de deux semaines pour raisons médicales. Il précisait : [traduction] « Depuis quelques semaines, je subis beaucoup de stress et je me sens dépassé. » Il joignait aussi comme pièce le billet du Dr Gayed daté du 13 octobre.

[38]  Monsieur Rupp a indiqué qu’ils avaient alors mis en veilleuse la question du congédiement jusqu’au retour de M. Hopps. La lettre de congédiement, coécrite par M. Rupp et Mme Fox, avait été mise à jour au 27 octobre. Lorsque M. Hopps était rentré au travail, le 27 octobre, il les avait rencontrés tous les deux. Monsieur Rupp a affirmé qu’il avait demandé à M. Hopps « qu’est-ce qui t’arrive? », mais que Mme Fox avait coupé court à la réponse de M. Hopps en lui remettant la lettre de congédiement. La rencontre, qui fut brève, s’est conclue sans que le contenu de la lettre soit abordé ou que M. Hopps puisse s’expliquer à propos de son rendement.

Sandi Fox

[39]  Sandi Fox occupe le poste de directrice de terminal au bureau de Shadow situé à Langley. Auparavant, elle avait travaillé aux services de l’exploitation et des ressources humaines de l’entreprise à ses bureaux de Calgary, d’Edmonton et de Regina.

[40]  Dans son témoignage, Mme Fox a déclaré qu’en avril 2015, le surveillant de M. Hopps à l’époque lui avait demandé de faire le nécessaire pour qu’il soit hébergé pendant trois nuits dans un hôtel des environs parce qu’il avait des problèmes à la maison. Elle a précisé que les problèmes domestiques de M. Hopps n’avaient pas nui à son travail.

[41]  Madame Fox a indiqué qu’elle avait pris connaissance des problèmes de rendement de M. Hopps vers le milieu de l’été 2015. Elle a mentionné une rencontre avec un client mécontent de la société Hillenbrand, en août 2015, lors de laquelle elle avait eu l’impression que M. Hopps avait tardé à donner au client le nom de son supérieur, malgré plusieurs demandes en ce sens. Shadow avait fini par perdre Hillenbrand comme client.

[42]  Madame Fox a déclaré avoir participé à un certain nombre de rencontres avec M. Rupp et M. Hopps afin de discuter des problèmes de rendement de ce dernier. Elle avait le sentiment que M. Hopps, qui n’avait pourtant aucune expérience, ne voulait pas entendre ce que M. Rupp avait à lui dire. Il rejetait la faute sur les autres au lieu d’assumer la responsabilité des problèmes qu’il y avait au travail. Selon Mme Fox, il avait du mal à s’intégrer à l’équipe de Shadow. Elle a ajouté que, même si M. Hopps avait connu un bon départ, son rendement s’était ensuite détérioré et ne s’était jamais amélioré à l’issue des discussions qu’il avait eues avec M. Rupp et elle.

[43]  Madame Fox a relaté que, le 9 octobre, dans le cadre d’une réunion qui portait sur les opérations hebdomadaires de Shadow, M. Hopps avait été vexé par certains propos, ce qui l’avait fait éclater et dire qu’il en [traduction] « avait assez » et qu’ils devraient [traduction] « peut-être trouver quelqu’un d’autre ». Monsieur Hopps avait ensuite quitté la réunion pour s’en retourner à son bureau et poursuivre son travail. Selon Mme Fox, les autres participants en avaient simplement conclu qu’il était contrarié et qu’il passait une [traduction] « mauvaise journée ».

[44]  Madame Fox a déclaré avoir donné son appui à la décision de M. Rupp de mettre fin à l’emploi de M. Hopps, décision qu’il lui avait communiquée par courriel le 9 octobre. Madame Fox a rédigé la lettre de congédiement au matin du 13 octobre, soit le premier jour ouvré normal suivant la longue fin de semaine. La rencontre avec M. Hopps n’ayant pas eu lieu comme prévu le 13 octobre, elle avait révisé la lettre en vue de leur prochaine rencontre, fixée au 27 octobre.

[45]  Aux dires de Mme Fox, même si l’entreprise et elle-même croyaient avoir un motif valable pour mettre fin à l’emploi de M. Hopps, vu que celui-ci ne travaillait pas pour Shadow depuis longtemps, elles avaient estimé qu’il était injuste de ne pas lui accorder une indemnité de départ en guise de dédommagement.

[46]  Elle a dit ne pas se rappeler que M. Hopps ait dit quoi que ce soit à propos de ses problèmes de santé lors de sa rencontre avec elle et M. Rupp, le 27 octobre. Elle a reconnu qu’elle s’était hâtée pour interrompre M. Hopps et lui remettre la lettre de congédiement, car elle s’était donné comme règle d’éviter les échanges de banalités avec tout employé sur le point d’être congédié.

V.  Analyse

Le plaignant possédait-il une caractéristique protégée par l’article 3?

 

[47]  Lors de son témoignage, M. Hopps a expliqué que, depuis plusieurs années, il était traité et prenait des médicaments pour divers maux, dont l’anxiété et le stress ainsi que la dépression. Le handicap mental peut être considéré comme une déficience et, partant, comme une caractéristique protégée au titre de l’article 3 de la LCDP [4] . La question pertinente, de l’avis du Tribunal, est de savoir si M. Hopps souffrait d’une déficience au moment de son congédiement.  

[48]  Pour faire valoir qu’il souffrait d’un trouble mental, M. Hopps se fonde principalement sur le diagnostic du Dr Gayed et le traitement prescrit par celui-ci. En contre-interrogatoire, le Dr Gayed a reconnu qu’il n’était pas psychiatre et n’avait pas traité M. Hopps auparavant. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de faire établir le diagnostic par un expert, je trouve important de souligner que le Dr Gayed a eu très peu l’occasion d’examiner M. Hopps. En effet, il a déclaré que, lors de cette première consultation décisive du 13 octobre, l’examen avait duré environ 10 minutes. Il a revu M. Hopps à deux autres occasions seulement, soit le 27 octobre et le 2 novembre.

[49]  À l’issue du premier examen de M. Hopps, le Dr Gayed a noté au dossier que le patient souffrait d’anxiété et de dépression. Lors du deuxième examen, le 22 octobre, l’état de M. Hopps s’était nettement amélioré et le Dr Gayed a estimé qu’il pouvait reprendre le travail à raison de demi-journées, pour une durée de deux semaines. Il n’est fait aucune mention de dépression dans les notes rédigées par la suite. Lors du troisième examen de M. Hopps, le 2 novembre, le Dr Gayed a estimé qu’il pouvait reprendre le travail sans avoir à bénéficier de mesures d’adaptation, ce qui révèle que le médecin n’a pas constaté de limitations fonctionnelles à long terme propres à satisfaire au critère juridique de la déficience défini dans l’arrêt Desormeaux.

[50]  La preuve ne démontre pas que le Dr Gayed ait jamais diagnostiqué un trouble mental reconnu chez M. Hopps, à l’époque de son congédiement. Je ne vois aucun élément de preuve de nature médicale indiquant que M. Hopps ait souffert de dépression avant ou après la cessation de son emploi pour une période de six mois. Ce constat est étayé par le témoignage de Mme Tolson, qui a déclaré que M. Hopps paraissait déprimé après la perte de son emploi, mais elle n’a pas mentionné qu’il souffrait de dépression avant ce moment.

[51]   En outre, à l’audience, M. Hopps n’a jamais prétendu qu’une déficience nuisait à son rendement au travail à l’époque de son congédiement. À la différence de la situation examinée dans l’arrêt Desormeaux, il ne semble pas que le plaignant en l’espèce souffrait d’une déficience occasionnant une limitation fonctionnelle, réelle ou perçue.

[52]  Dans la décision Halfacree c. Canada (Procureur général), 2014 CF 360, la Cour fédérale a déclaré, au paragraphe 40, que « même s’il peut être invalidant, le stress ne constitue pas en soi une invalidité exigeant des mesures d’adaptation. Pour pouvoir se réclamer de la protection de la législation en matière de droits de la personne, l’employé doit fournir un diagnostic détaillé et étayé ».

[53]  La décision Halfacree est citée avec approbation dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Gatien, 2016 CAF 3, au paragraphe 48, où la Cour d’appel souligne que « la jurisprudence reconnaît qu’on ne peut assimiler le stress à une invalidité ».

[54]  De la même façon, l’anxiété situationnelle peut correspondre au genre d’affection ou d’état personnel qui est exclu de la notion de déficience : Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Ville de Montréal, 2000 CSC 27, au paragraphe 82.

[55]   Au vu de la preuve présentée, j’estime que M. Hopps souffrait plus vraisemblablement d’anxiété situationnelle passagère, en octobre 2015, juste avant la cessation de son emploi, ce qui n’est pas une déficience correspondant à une caractéristique protégée sous le régime de la LCDP. Par conséquent, je conclus que M. Hopps n’a pas démontré qu’il avait subi une discrimination fondée sur un motif de distinction illicite.

Y avait-il un lien entre la déficience présumée et la cessation d’emploi?

[56]  Bien que mes conclusions précédentes soient suffisantes pour trancher l’affaire, je me propose d’examiner la question de savoir si M. Hopps est parvenu à établir que sa déficience a constitué un facteur dans le congédiement. Pour les besoins de cette analyse, je présumerai que M. Hopps a réussi à établir que son anxiété constituait une déficience. Cependant, même en ayant établi qu’il souffrait d’une déficience, M. Hopps aurait encore eu à prouver que sa déficience avait constitué un facteur dans son congédiement [5] .

[57]  Le plaignant fait valoir que sa déficience a constitué un facteur dans le congédiement, car l’intimée a mis fin à son emploi lorsqu’elle a été avisée de cette déficience. Ainsi, puisqu’il a été remercié dès son retour d’un congé de maladie attribuable à sa déficience, le plaignant demande au Tribunal d’en déduire que Shadow a pris la décision de le congédier parce qu’elle avait appris l’existence de cette déficience.

[58]  L’intimée répond à cela qu’elle ignorait que M. Hopps affirmait avoir une déficience. Selon Mme Fox, l’entreprise a entendu parler pour la première fois du fait que M. Hopps disait avoir une déficience lorsqu’elle a reçu la plainte pour atteinte aux droits de la personne initialement déposée devant le Tribunal des droits de la personne de la Colombie-Britannique, longtemps après son congédiement.

[59]  L’intimée prétend avoir mis fin à l’emploi de M. Hopps pour des raisons liées à son rendement au travail et que la décision de ce faire a été prise le 9 octobre 2015, soit quatre jours avant sa visite à la clinique du Dr Gayed et la présentation du billet du médecin. Elle ajoute que si la rencontre avec M. Hopps avait eu lieu comme prévu le 13 octobre, il aurait été congédié à cette occasion. Selon l’entreprise, c’est uniquement parce qu’elle croyait que la réglementation du travail lui interdisait de congédier un employé en congé de maladie que la cessation d’emploi a pris effet le 27 octobre.

[60]  Monsieur Rupp et Mme Fox ont tous deux témoigné et produit en preuve des documents faisant état des préoccupations exprimées par Shadow quant au rendement de M. Hopps au travail, à partir de l’été et jusqu’en octobre 2015. Dans son témoignage, M. Rupp a déclaré avoir envisagé de mettre fin à l’emploi de M. Hopps dès le 10 septembre.

[61]  D’après les éléments de preuve présentés par les témoins de l’intimée, M. Hopps ne reconnaissait aucune de ses fautes, n’acceptait aucune responsabilité pour les problèmes qui survenaient au travail et blâmait les autres pour toute erreur. Le témoignage de M. Hopps était d’ailleurs au même effet : les erreurs qui avaient pu se produire étaient le fait d’autrui, et il ne s’en attribuait aucune. Étant donné qu’il s’agissait du premier emploi de M. Hopps dans le domaine de la répartition, et qu’il a décidé par la suite de se trouver des emplois manuels et moins stressants, j’estime plus probable que M. Hopps ait commis des erreurs et éprouvé des difficultés au travail.

[62]  Même si M. Rupp a témoigné qu’il touchait des commissions sur les recettes de l’ensemble des divisions de Shadow, M. Hopps a continué de croire que c’était pour servir ses intérêts personnels que M. Rupp remettait en question ses décisions touchant la répartition. Monsieur Hopps a déclaré qu’il se sentait forcé de détourner le fret de sa division I‑5 vers la division du transport de ligne parce que M. Rupp en tirait un avantage personnel, bien qu’il n’ait pas cherché à contester le témoignage de ce dernier.

[63]  En dehors du courriel qu’il a envoyé à M. Rupp le 13 octobre et du billet du Dr Gayed portant la même date, le plaignant n’a produit aucun élément de preuve qui aurait pu amener Shadow à s’interroger sur sa santé mentale. Lors des rencontres avec M. Rupp et Mme Fox, M. Hopps ne présentait pas de signes que son rendement au travail était diminué en raison d’une déficience mentale, et il n’en a jamais fait mention non plus. En fait, M. Hopps a constamment nié le fait que son rendement puisse être inférieur à la norme. Exception faite d’un bref moment d’emportement survenu à la réunion du secteur des opérations du 9 octobre, qu’il a quittée pour s’en retourner à son bureau, M. Hopps n’a pu citer aucun autre incident propre à démontrer l’existence d’une déficience mentale.

[64]  Puisque nous traitons ici de questions relevant des droits de la personne, et non du droit du travail, je m’abstiendrai de tout commentaire en ce qui concerne le bien-fondé de la décision de l’intimée de mettre fin à l’emploi de M. Hopps. Cependant, je conclus, en me fondant sur la preuve, que l’intimée a offert une explication raisonnable pour justifier sa décision de le congédier, soit son rendement au travail . À l’audience, M. Hopps n’a pas fait valoir que les problèmes de rendement qui lui étaient reprochés étaient dus à sa déficience. Je ne crois pas que la décision de Shadow n’était qu’un prétexte pour camoufler une décision fondée sur des motifs de distinction illicite.

[65]  Le plaignant soutient que le courriel qu’il a envoyé à Boyd Rupp au sortir de sa visite chez le Dr Gayed, le 13 octobre, et auquel il avait joint la note du médecin, aurait dû alerter Shadow quant à l’existence de son problème de santé. Toutefois, dans ce courriel, il avise M. Rupp qu’on lui a conseillé de prendre un congé de deux semaines pour des [traduction] « raisons médicales ». Puis, il prie son interlocuteur de l’excuser pour le [traduction] « désagrément » occasionné. Il conclut en expliquant que [traduction] « [d]epuis quelques semaines, [il] vi[vait] beaucoup de stress et [se] sen[tait] dépassé ».

[66]  À mon sens, le courriel de M. Hopps et le billet du Dr Gayed du 22 octobre, dont il est question plus haut, ne fournissent pas suffisamment d’informations pour alerter l’intimée quant à la possibilité que M. Hopps ait un problème de santé mentale attribuable à une déficience au sens de la LCDP. Hormis le fait qu’il mentionnait le stress et l’anxiété, le plaignant ne donnait aucune précision sur son état de santé. Une personne raisonnable ne saurait conclure, sur la base de ce courriel et du billet du médecin, que M. Hopps avait une déficience.

[67]  Monsieur Hopps affirme avoir tenté d’expliquer son état en réponse à la question que lui a adressée M. Rupp le 27 octobre, mais en avoir été empêché par l’intervention de Mme Fox. Cependant, même s’il y était parvenu, je ne crois pas que cela aurait influencé la décision de Shadow de mettre fin à son emploi, car cette décision était déjà prise.

[68]  Compte tenu de la preuve qui m’a été présentée, je conclus que la décision de l’intimée de mettre fin à l’emploi de M. Hopps était fondée sur son rendement au travail, et non sur sa déficience présumée ou son absence pour cause de maladie. La cessation d’emploi a été décidée avant la réception du courriel du 13 octobre de M. Hopps, accompagné du billet du Dr Gayed, informant l’entreprise qu’il devait s’absenter du travail pour cause de stress. La déficience n’a pas constitué un facteur dans le congédiement, puisque le plaignant n’a pas suffisamment informé l’intimée de sa prétendue déficience et puisque la décision de le congédier avait déjà été prise.

L’intimée avait-elle l’obligation de se renseigner au sujet de la déficience présumée du plaignant et, à défaut de le faire, a-t-elle manqué à son obligation d’adaptation?

[69]  Le plaignant prétend que, puisque ses problèmes de santé pouvaient être considérés comme une déficience, l’intimée avait une obligation procédurale de s’enquérir de son éventuelle déficience et de prendre des mesures d’adaptation. En somme, le plaignant a revendiqué un droit distinct à certaines mesures d’adaptation d’ordre procédural. Selon lui, l’intimée avait l’obligation de se renseigner sur sa déficience, vu le fait qu’il s’était absenté pendant deux semaines pour des raisons de santé et qu’il lui avait remis un billet médical.

[70]  Dans l’arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2014 CAF 131, la Cour d’appel fédérale a confirmé qu’il n’existait pas d’obligation procédurale distincte de prendre des mesures d’adaptation. Plus précisément, au paragraphe 16 de ses motifs, la Cour écrit : « La LCDP ne prévoit pas d’obligation procédurale distincte d’adaptation qui pourrait justifier des mesures de réparation lorsque l’employeur démontre qu’il remplit les trois conditions du critère […] visant à déterminer si une norme discriminatoire à première vue est une exigence professionnelle justifiée. » On peut aussi penser que, par cet argument, le plaignant cherche à faire valoir que Shadow disposait de suffisamment d’éléments de preuve de sa déficience pour qu’on puisse présumer qu’elle était au courant ou qu’elle s’est sciemment abstenue de chercher à confirmer ce qu’elle avait appris.

[71]  Cet argument présente quelques problèmes. Premièrement, je suis déjà arrivé à la conclusion que M. Hopps n’avait pas de déficience au sens de la LCDP. Deuxièmement, M. Hopps a nié que sa déficience avait nui à son rendement au travail. Donc, même si Shadow s’était interrogée sur la possibilité que M. Hopps souffre d’une déficience ayant des répercussions sur son rendement au travail, elle aurait conclu à l’absence de lien entre la déficience présumée et le rendement au travail de l’intéressé.

[72]  S’il est vrai que, dans certains cas, l’employeur peut avoir l’obligation de se demander si le rendement de l’employé au travail est lié à une déficience, il faut qu’il dispose de plus de preuves de cette possible déficience. Par exemple, dans la décision Lafrenière c. Via Rail Canada Inc., 2019 TCDP 16, le plaignant avait pris un congé de maladie d’une durée de trois mois quelques mois avant son congédiement; sa supérieure avait consigné dans ses notes qu’elle s’inquiétait pour cet employé qui paraissait ne pas bien aller. Cette situation contraste avec les faits en cause ici, qui se comparent davantage aux affaires dans lesquelles il a été jugé que l’employeur n’avait pas été avisé d’une possible déficience. La décision XS v. YP, 2015 BCHRT 97, nous offre un autre exemple de situation où le tribunal a estimé que l’employé n’avait pas avisé son employeur de ses problèmes de santé mentale, même s’il y avait fait quelques allusions d’une manière perçue par l’employeur comme une forme de [traduction] « défoulement ».

[73]  Dans la décision Matheson v. Okanagan Similkameen School District No. 53, 2009 BCHRT 112, le tribunal a déclaré, au paragraphe 11 : [traduction] « En fait, un employé désireux d’obtenir des mesures d’adaptation pour une déficience est tenu de dévoiler à son employeur suffisamment de renseignements pour lui permettre de s’acquitter de son obligation d’accommodement […] ». Dans cette affaire, même si l’employée avait informé son employeur du stress qu’elle vivait, le tribunal a conclu, au paragraphe 14 : [traduction] « Le stress, en soi, n’est pas une déficience au sens du Code. Plus particulièrement, le stress vécu au travail en raison d’une enquête de l’employeur sur de présumés problèmes de rendement, ou d’une relation difficile avec un surveillant, ne permet pas à lui seul de conclure à l’existence d’une déficience au sens du Code […] ».

[74]  Dans l’affaire Young v. Vancouver Coastal Health Authority, 2018 BCHRT 27, l’employeur avait congédié une employée qui était en congé de maladie. Après avoir constaté que cette décision avait été prise avant que ne survienne la série d’événements déclencheurs allégués par l’employée, le tribunal a rejeté la plainte, estimant que la plaignante n’avait pas avisé son employeur de l’existence d’une déficience et qu’il ne lui était pas permis de conclure, sur la foi de la preuve, que l’employeur aurait dû être vigilant quant à la possibilité que des mesures d’adaptation soient nécessaires.

[75]  Par ailleurs, même si l’intimée a manqué à son obligation de se renseigner, il n’y a pas de mesure de redressement possible lorsque le plaignant n’a pas établi l’existence d’une discrimination.

VI.  Décision

[76]  Compte tenu de la preuve au dossier, je ne puis conclure que l’intimée a fait preuve de discrimination contre le plaignant au sens de l’article 7 de la LCDP, et je rejette par conséquent la plainte.

[77]  Le plaignant a été incapable de prouver qu’il possédait une caractéristique protégée par l’article 3 de la LCDP. Malgré l’existence de quelques éléments de preuve indiquant qu’à l’époque de son congédiement, il subissait du stress au travail, son état ne correspondait pas à un trouble ou à un problème de santé mentale assimilable à une déficience. Le stress n’est pas en soi une déficience.

[78]  Le plaignant n’a pas non plus été en mesure d’établir l’existence d’un lien entre sa déficience présumée et son congédiement. La preuve a démontré que l’intimée a pris la décision de congédier le plaignant avant que celui-ci ne l’informe du stress dont il souffrait.

[79]  Les renseignements que le plaignant a fournis à l’intimée au sujet de son état de santé n’étaient pas suffisants pour faire naître une obligation d’adaptation. Enfin, même si l’intimée ne s’est pas acquittée de son obligation d’adaptation, le plaignant n’a droit à aucune mesure de redressement s’il n’établit pas qu’il y a eu discrimination de la part de l’intimée.

Signée par

Alex G. Pannu

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 22 avril 2020

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2286/4118

Intitulé de la cause : Jamieson Hopps c. Shadow Lines Transportation Group

Date de la décision du tribunal : Le 22 avril 2020

Date et lieu de l’audience : Les 8, 9 et 10 avril 2019

Vancouver (Colombie-Britannique)

Comparutions :

Jamieson Hopps, pour lui même

Aucune comparution , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Stephanie Vellins et Jaime H. Hoopes, pour l'intimée



[1] Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears, [1985] 2 RCS 536, à la page 558; voir aussi Emmett c. Agence du revenu du Canada, 2018 TCDP 23, aux paragraphes 53 et 54.

[2] Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), 2012 CSC 61, au paragraphe 33.

[3] Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, au paragraphe 64.

[4] Desormeaux c. Ottawa (Ville), 2005 CAF 311, au paragraphe 15

[5] Moore c. Colombie-Britannique (Éducation), [2012] CSC 61.

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