Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Résumé :

Il s’agit d’une décision tranchant la requête de la plaignante, Karen Hugie, afin que l’audience se déroule par visioconférence. La requête est accordée.
Mme Hugie a déposé une plainte contre son ancien employeur, T-Lane Trucking, en vertu de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Elle allègue avoir subi de la discrimination à l’emploi en raison de son âge et de sa déficience physique.
Les parties sont maintenant prêtes à procéder à l’audience. Toutefois, les dates d’audience ont déjà été reportées à deux reprises, pour être finalement fixées du 31 août au 4 septembre 2020. En raison de la pandémie de la Covid-19, les membres du Tribunal ne peuvent plus voyager, ni louer de salle ni accéder à leurs bureaux. Lors d’un appel de gestion de l’instance, l’intimée, T-Lane Trucking, a dit qu’elle s’opposait à ce que l’audience ait lieu par visioconférence. Dans ce contexte, Mme Hugie a déposé une requête afin de demander que l’audience procède par visioconférence.
Après avoir évalué l’intérêt des parties, du public et le préjudice qui pourrait leur être causé, le membre instructeur a accordé la demande. Selon lui, l’utilisation de la visioconférence est une alternative tout à fait appropriée à une audience en personne. Il s’agit d’une alternative qui est juste, équitable et qui sauvegarde les principes de justice naturelle et d’équité procédurale. Le membre considère également que la visioconférence lui permettra d’évaluer la crédibilité des témoins sans problème. De plus, dans le contexte actuel de la pandémie mondiale, le membre affirme qu’il est impraticable voire impossible que le Tribunal accepte d’ajourner toutes ses audiences en attendant qu’elles puissent avoir lieu en personne puisque cela causerait d’importants retards dans la gestion des dossiers du Tribunal. Enfin, le membre souligne qu’il est particulièrement important de procéder de façon expéditive dans ce dossier en raison de la santé précaire de Mme Hugie et que T-Lane Trucking ne l’a pas convaincu qu’elle subirait un préjudice si l’audience procédait par visioconférence.

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2020 TCDP 25

Date : le 7 août 2020

Numéro du dossier : T2405/6419

 

Entre :

Karen Hugie

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

T-Lane Trucking and Logistics Ltd.

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Gabriel Gaudreault

 



I.  Contexte de la décision

[1]  Dans cette décision sur requête, le Tribunal canadien des droits de la personne (Tribunal) doit décider si son audience impliquant Mme Karen Hugie (plaignante) et T-Lane Trucking and Logistics Ltd. (intimée ou T-Lane), et qui est fixée du 31 août au 4 septembre 2020, devrait procéder par visioconférence.

[2]  La plaignante a déposé une requête le 17 juillet 2020 demandant au Tribunal que l’audience procède par visioconférence, ce à quoi T-Lane s’oppose.

[3]  Il suffit de préciser que la plaignante a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) en octobre 2017, plainte qui a été référée au Tribunal en juillet 2019. Mme Hugie allègue avoir été victime de discrimination alors qu’elle était à l’emploi de T-Lane, et ce, en raison de son âge ainsi que d’une déficience physique (article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne L.R.C, 1985, ch. H-6 (LCDP) et paragraphe 3(1) LCDP).

[4]  Tout d’abord, l’audience dans ce dossier avait été fixée à février 2020, mais a dû être ajournée et fut reportée au mois d’avril 2020. Évidemment, en raison de la crise sanitaire mondiale causée par la COVID-19 et qui a affecté l’entièreté du Canada et ses provinces, l’audience d’avril 2020 a aussi dû être annulée. De nouvelles dates ont donc été fixées du 31 août au 4 septembre 2020.

[5]  Sans refaire un historique de la crise sanitaire mondiale qui sévit depuis mars 2020 en raison de la COVID-19, il est incontestable que celle-ci perdure dans le temps et affecte toutes les sphères de la société canadienne, ce qui inclut notre système judiciaire et donc, le Tribunal lui-même.

[6]   Rapidement, le Tribunal et les parties ont conclu que les dates d’audience d’août et septembre 2020 allaient être affectées par cette crise.  Ainsi, nous avons tous été contraints d’explorer de nouvelles solutions afin de pouvoir procéder comme prévu.

[7]  Différentes options ont été évaluées par le Tribunal et les parties, mais aucune n’a porté fruits. Afin d’éviter un nouveau report des dates d’audience et considérant l’opposition de l’intimée à l’utilisation de la visioconférence, la plaignante a déposé cette requête urgente demandant au Tribunal de procéder à l’audience en utilisant cette technologie.

[8]  Cela étant précisé, afin d’être concis et surtout, considérant l’urgence à disposer d’une telle demande en raison des dates d’audience rapprochées, je me concentrerai sur les arguments des parties que je juge nécessaires, essentiels et pertinents aux fins de rendre ma décision (Turner c. Canada (Procureur général), 2012 CAF 159, au paragraphe 40 [Turner]).

[9]  Après avoir considéré les arguments écrits des parties, j’accorde la demande de la plaignante et autorise que l’audience se déroule par visioconférence.

II.  Droit, position des parties et analyse

[10]  Je rappelle que ni la LCDP ni les Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les Règles) en vigueur à la date de cette décision ne contiennent de dispositions claires quant à l’utilisation de la visioconférence ainsi que le lieu où devrait se dérouler les audiences du Tribunal.

[11]  Historiquement, le Tribunal a pour pratique de tenir ses audiences à l’endroit où la discrimination alléguée a eu lieu. Cette règle n’est pas statique et peut être adaptée en fonction des circonstances de chaque affaire, tout en tenant compte, entre autres, des besoins des parties, de leur lieu de résidence ainsi que des témoins qui devront se déplacer (Baumbach c. Deer Lake Education Authority, 2004 TCDP 13, au paragraphe 6; Warman c. Guille, 2006 TCDP 17, au paragraphe 4; O’Bomsawin c. Conseil des Abénakis d’Odanak, 2016 TCDP 15, aux paragraphes 4 et 5; Duverger c. 2553-4330 Inc. (Aéropro), 2018 TCDP 12, au paragraphe 21 [Duverger 2018]). De plus, la LCDP commande au Tribunal d’essentiellement :

[…] s’assurer que le lieu de l’audition respecte les normes de la LCDP qui exigent un processus d’instruction équitable, informel, expéditif et ouvert, où chaque partie a la possibilité pleine et entière de comparaître, de présenter des éléments de preuve et de faire des observations (voir les paragraphes 48.9(1), 50(1) et 52(1) de la LCDP).

(Temple c. Horizon International Distributors, 2016 TCDP 20, au paragraphe 11)

[12]  Il est incontestable que la crise sanitaire affectant le Canada (et le monde entier) est exceptionnelle et qu’elle entraine nécessairement son lot de difficultés. Pour le Tribunal, ses membres et son personnel administratif, il s’agit entre autres d’une interdiction de voyage totale d’une durée indéterminée, de restrictions sur l’accès à leurs locaux ainsi que de l’impossibilité de louer des salles d’audience.

[13]  En conséquence, force est de constater qu’il est impossible pour le Tribunal de se déplacer là où les parties se trouvent, comme il le fait habituellement. Ainsi, la visioconférence devient l’une des alternatives que le Tribunal et les parties doivent explorer. Cependant, l’intimée s’oppose à cette alternative, ce qui nécessite donc que je tranche la question.

[14]  Dans sa demande, la plaignante allègue notamment avoir d’importants problèmes de santé, incluant souffrir d’une cardiopathie ischémique, d’hypertension ainsi que d’hypercholestérolémie. Elle ajoute avoir souffert de graves problèmes cardiaques en 2017 et en mai 2020, ce qui l’a amenée aux soins intensifs afin qu’elle survive. À la fin mai 2020, à la suite de cet épisode cardiaque, elle a également souffert d’une pancréatite aigüe, nécessitant d’autres soins d’urgence.

[15]  Elle précise que sa santé se détériore et que ses problèmes de santé sont accentués en raison des présentes procédures et de son travail à temps plein. De plus, la plaignante affirme être toujours à haut risque qu’un nouvel événement médical grave survienne en raison de ses multiples problèmes de santé.

[16]  En outre, en se fondant sur différentes jurisprudences, entre autres des décisions de notre Tribunal, de la Cour supérieure de justice de l’Ontario, du Tribunal ontarien des droits de la personne et de la Cour fédérale, la plaignante ajoute que l’intimée doit démontrer au Tribunal un préjudice significatif si la visioconférence était utilisée. Elle affirme que la visioconférence permet aux parties ainsi qu’au juge des faits de s’assurer que les témoins témoignent sans assistance et sans documents qui n’aient pas été divulgués préalablement. Elle permet également de voir les réactions des témoins, contrairement à une audience qui aurait lieu par téléphone seulement. Par ailleurs, la plaignante ajoute que la pandémie mondiale a permis d’accélérer l’acceptabilité de la visioconférence comme une alternative, un outil, valable, lors d’audience d’un tribunal ou d’une cour de justice. Selon elle, l’utilisation de cette technologie peut, de plus, éviter l’ajout de délais non-nécessaires aux procédures.

[17]  L’intimée, quant à elle, estime que l’utilisation de la visioconférence lui sera hautement préjudiciable, entravera la possibilité pleine et entière qui lui est due de comparaître et de présenter ses éléments de preuve ainsi que ses arguments. À ce sujet, l’intimé allègue qu’elle doit absolument être présente lorsque la plaignante témoignera. Selon elle, la preuve documentaire dans le dossier est limitée et ce faisant, le témoignage de Mme Hugie et les conclusions de faits que tirera le Tribunal sont d’autant plus cruciaux.

[18]  L’intimée ajoute que les audiences virtuelles ne sont pas toujours appropriées puisque cela dépend des circonstances de chaque affaire. Elle estime que lorsque des questions de crédibilité sont en jeu ou lorsque la preuve est étendue, les audiences virtuelles ne sont pas appropriées.  L’intimée doit, selon elle, avoir l’occasion de contre-interroger la plaignante et les divers témoins en personne, surtout considérant son fardeau de preuve. Elle allègue que non seulement 9 témoins sont prévus pour l’audience, mais affirme aussi que certains faits qui seront présentés sont irréconciliables et que les questions de crédibilité seront critiques.

[19]  L’intimée est d’avis que la visioconférence limitera la possibilité d’évaluer les indices non-verbaux des témoins et de s’assurer que les procédures appropriées sont suivies. L’intimé nomme, entre autres, l’agitation du témoin, le témoin qui aurait des documents devant lui alors que ceux-ci n’auraient pas été admis en preuve, le fait que d’autres individus puissent être présents afin d’assister le témoin ou la possibilité qu’un témoin discute de son témoignage avec d’autres individus lors des pauses.

[20]  En 2020, l’Honorable F. L. Myers écrivait, en pleine pandémie et quant à l’utilisation de la visioconférence dans Arconti v. Smith, 2020 ONSC 2782, au paragraphe 19 :

À mon avis, la réponse la plus simple à cette question est : « Nous sommes en 2020 ». Nous n'enregistrons plus les preuves avec une plume et de l'encre. En fait, il semblerait que nous n'enseignons même plus l’écriture cursive aux enfants dans toutes les écoles. Nous avons maintenant la capacité technologique de communiquer efficacement à distance. Son utilisation est plus efficace et bien moins coûteuse que la participation en personne. Nous ne devrions pas revenir en arrière.

[21]  Non seulement suis-je entièrement d’accord avec ces propos de l’Honorable F. L. Myers, mais j’y souscrivais déjà en 2018, tel qu’expliqué dans la décision Duverger 2018, précitée. Dans cette décision, je décidais que l’utilisation de la visioconférence est une alternative tout à fait appropriée à une audience en personne, qui est juste, équitable et qui sauvegarde les principes de justice naturelle et d’équité procédurale.

[22]  Aujourd’hui, en raison de la crise sanitaire mondiale, je suis encore plus convaincu de la justesse de cette décision. En effet, je crois toujours, à ce jour, que l’utilisation de la visioconférence, contrairement à ce que le prétend T-Lane, garantit un procès juste et équitable, entre autres, en optimisant et renforçant l’accès à la justice pour toutes les parties.

[23]  Le paragraphe 50(1) LCDP prévoit que les parties doivent avoir la possibilité pleine et entière de présenter des éléments de preuve ainsi que leurs observations. T-Lane allègue au contraire que la visioconférence lui serait préjudiciable en l’empêchant de se défendre pleinement et entièrement contre les allégations de la plaignante.

[24]  Je ne partage pas ce point de vue. Au contraire, l’utilisation de la visioconférence permet au Tribunal de garantir à toutes les parties une procédure juste, équitable, et leur permet de présenter leurs éléments de preuve et de faire leurs représentations pleinement, entièrement, et en temps opportun. Les parties conservent la possibilité d’interroger et de contre-interroger les témoins et présenter leurs éléments de preuve. Une audience utilisant cette technologie demeure une audience viva voce (de vive voix) (Duverger 2018, précitée, au paragraphe 34) et les parties ainsi que le membre instructeur sont en mesure de tous se voir, en direct.

[25]  De plus, l’intimée croit que la visioconférence limitera sa capacité à contre-interroger pleinement la plaignante et limitera le Tribunal dans son évaluation de la crédibilité des témoins, incluant les signes non-verbaux. Encore une fois, je ne partage pas l’opinion de l’intimée, en ce je suis toujours d’avis que la visioconférence est un outil qui permet tout de même au membre instructeur de juger et de déterminer de la crédibilité des témoins.

[26]  À ce propos, je souscris toujours aux commentaires de la membre Hélène Panagakos, membre de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Section de la protection des réfugiés (CISR), dans sa décision interlocutoire X (Re), 2004 CanLII 56771 (CA CISR), qui écrivait à la page 4 de cette décision :

De plus, les tribunaux canadiens ont statué que les exigences en matière qu’équité procédurale sont respectées et qu’une audience par vidéoconférence ne diffère pas considérablement d’une audience en personne.

[Traduction]

Grâce à la vidéoconférence, [...] le témoin comparaît par voie électronique devant le tribunal et ce dernier peut entendre et voir la preuve au fur et à mesure qu'elle est soumise et avoir la maîtrise du processus de présentation de la preuve pendant qu'il se déroule. Le témoin comparaît en direct devant le tribunal et ce dernier est présent, en direct, devant le témoin. R. c. Dix 1998 ABQB 370 (CanLII), (1998) 125 C.C.C. (3d) 377 (Cour du Banc de la Reine de l'Alberta)

La preuve produite [par vidéoconférence] ne diffère en rien de la preuve produite en salle d'audience, si ce n'est de la présence des témoins en personne. [...] La façon dont les témoins ont témoigné ne dénote aucunement que l’éloignement de la Cour et le moyen par lequel la preuve était entendue ont eu une influence sur eux. Bradley c. Bradley, [1999] B.C.J., no 2116 (Cour suprême de la C.-B.)

[27]  La récente décision de la Cour fédérale dans Rovi Guides, Inc. c. Vidéotron Ltée., 2020 CF 596, aux paras. 20 et 21 [Rovi], appuie toujours ces propos :

[20] Bien que le témoignage de vive voix doive généralement être livré en audience publique et que la présence en personne soit la règle et généralement préférable, il ne s’ensuit pas nécessairement que la capacité de la Cour d’évaluer la crédibilité d’un témoin ou que l’efficacité des avocats dans l’interrogatoire du témoin sera ou pourrait être compromise par la vidéoconférence. 

[21] Jusqu’à ce qu’un vaccin contre la COVID‑19 soit accessible au Canada, ou jusqu’à ce que les responsables de la santé publique lèvent les ordonnances de confinement et assouplissent les restrictions afin de permettre aux gens de se déplacer en toute sécurité, de se réunir et de retourner au travail, les audiences de la Cour fédérale devront être tenues à distance à l’aide de la technologie appropriée et disponible. Étant donné que les installations de la Cour demeureront fermées dans un avenir prévisible, l’opposition de Vidéotron doit être rejetée puisqu’elle retarderait indéfiniment l’instruction.

[28]  En effet, lors d’une audience virtuelle qui utilise la visioconférence, le témoin est en direct devant le membre et le membre est en direct devant lui. Au même titre que lorsque le témoin apparait en personne devant le membre, ce dernier est en mesure de non seulement constater les signes non-verbaux du témoin, mais également de s’assurer et de contrôler que les procédures appropriées sont suivies en matière de témoignage (Duverger 2018, précitée, au paragraphe 36).

[29]  Lorsque le Tribunal doit décider si l’utilisation de la visioconférence est une alternative possible dans une procédure, le Tribunal fait un certain exercice de pondération entre les différents intérêts des parties et le préjudice qui pourrait en découler, tout en étant guidé par les principes énoncés dans sa loi habilitante. Cet exercice de pondération a été repris par différents tribunaux et cours de justice, par exemple par la Cour fédérale dans Rovi, précitée, au paragraphe 18 (voir également Pack All Manufacturing Inc. v. Triad Plactic Inc., [2001] O.J. No. 5882, 2001 CanLII 7655 (ONSC), au paragraphe 9 [Pack All Manufacturing]).

[30]  Dans le contexte de la crise sanitaire causée par la COVID-19, il est, à mon sens, impraticable voire impossible que le Tribunal accepte d’ajourner toutes ses audiences dans lesquelles certaines parties s’opposent à la visioconférence, alors qu’il a la technologie pour procéder ainsi. Ajourner des audiences au Tribunal n’est pas sans conséquence, et il faut nécessairement éviter que la COVID-19 ne cause des retards, des accumulations, dans les dossiers du Tribunal.

[31]  Il est non seulement dans l’intérêt des parties, mais également dans l’intérêt du public, que les audiences du Tribunal continuent à procéder malgré la pandémie. Comme rappelé dans Duverger c. 2553-4330 Québec Inc. (Aéropro), 2018 TCDP 5, au paragraphe 59 :

À chaque fois que des allégations de discrimination enfreignant la LCDP sont invoquées, l’intérêt du public est forcément impliqué (voir Federation of Women Teachers’ Associations of Ontario v. Ontario (Human Rights Commission) (Ont. Div. Ct.), 1988 CanLII 4794 (ON SC)). Sans contredit, les intérêts du public commandent, entre autres, que les plaintes en matière de discrimination soient traitées de manière expéditive (voir Bell Canada v. Communication, Energy and Paperworkers Union of Canada (1997), 127 FTR 44, 1997 CanLII 4851 (FC), [Bell Canada], voir également le paragraphe 48.9(1) LCDP).

[32]  Quant aux alternatives proposées par l’intimée dans sa réponse, deux commentaires s’imposent. D’une part, l’intimée mentionne qu’elle a offert que les parties et les témoins se rassemblent au même endroit, en Colombie-Britannique, alors que le membre instructeur et le greffier seraient en visioconférence de la région de la capitale nationale. À ce sujet, rien n’empêche les parties de s’organiser ainsi, et ce, si les restrictions gouvernementales en vigueur dans leur région leur permettent de le faire. Cela dit, le membre instructeur ne peut être impliqué dans ce genre d’arrangements.

[33]  D’autre part, l’intimée explique qu’elle accepterait qu’un autre membre instructeur soit assigné afin que le dossier puisse procéder plus rapidement. D’une part, il n’appartient pas à l’intimée, ou à quelconque partie, d’accepter que le dossier soit réassigné. Il s’agit de la prérogative du président du Tribunal de désigner un membre instructeur et du membre instructeur d’en accepter la désignation (paragraphe 49(2) LCDP). D’autre part, même dans l’éventualité où un autre membre instructeur serait désigné pour instruire la plainte, cela ne changerait rien à l’existence de la crise sanitaire et des restrictions provinciales et fédérales qui sont imposées aux canadiens et aux canadiennes. Rien ne permet, à ce jour, de déterminer à quel moment ces restrictions seront levées et à quel moment les parties et le Tribunal pourront se rassembler, en personne, et à nouveau, afin de procéder à l’audience.

[34]  Et si le Tribunal acceptait les arguments de l’intimée, qui s’oppose à l’utilisation de la visioconférence, il pourrait s’en suivre que l’audience soit, à toute fin pratique, ajournée indéfiniment.

[35]  Somme toute, je suis d’avis que les raisons invoquées par l’intimée ne me convainquent pas que l’utilisation de la visioconférence lui causera un préjudice significatif (Duverger 2018, précitée, au paragraphe 37; Rovi, précitée, au paragraphe 18; Pack All Manufacturing, précitée, au paragraphe 9).

[36]  Au contraire, considérant les restrictions et incertitudes causées par la crise sanitaire et considérant l’état de santé précaire de la plaignante, j’estime qu’il est nécessaire de procéder à l’audience aux dates prévues, et ce, en utilisant la visioconférence.  Par ailleurs, si les parties respectent les restrictions du gouvernement fédéral ainsi que de la province où elles résident, les avocats, leurs clients et leurs témoins ont toujours le loisir de se rassembler afin de participer à l’audience ensemble.

III.  Décision

[37]  J’accorde la demande de la plaignante et autorise l’utilisation de la visioconférence lors de l’audience prévue du 31 août 2020 au 4 septembre 2020.

Signée par

Gabriel Gaudreault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 7 août 2020

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2405/6419

Intitulé de la cause : Karen Hugie c. T-Lane Transportation and Logistics

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 7 août 2020

Représentations écrites par:

Jennifer D. Trotti, pour la plaignante

Jessie C. Legaree, pour l'intimée

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