Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2019 TCDP 50

Date : le 18 décembre 2019

Numéro du dossier : T2256/1118

Entre :

Hayley Nielsen

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Bande Indienne Nee Tahi Buhn

l'intimé

Décision

Membre : Gabriel Gaudreault

 



I.  Mise en contexte

[1]  Madame Hayley Nielsen (plaignante) est originaire de Burns Lake, petite communauté située en Colombie-Britannique. Elle est membre de la Première Nation Nee Tahi Buhn (Nation) et détient son statut « d’Indienne » en application de la Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), ch. I-5. Mme Nielsen a des origines mixtes, son père étant caucasien et sa mère étant membre de la Nation.

[2]  En 2014, Mme Nielsen a présenté sa candidature afin d’être nommée conseillère au sein du conseil de la Bande indienne Nee Tahi Buhn (intimée). En décembre de la même année, elle s’est fait élire pour un mandat de 4 ans se terminant en novembre 2018.

[3]  Durant son mandat, Mme Nielsen allègue avoir été le sujet de propos discriminatoires proférés par le chef de la Nation à l’époque, M. Raymond Morris. Ces propos discriminatoires auraient été proférés dans le cadre de son mandat pour l’intimée et aurait fait référence à sa race, son origine nationale ou ethnique ainsi que sa religion.

[4]  Mme Nielsen allègue n’avoir eu d’autre choix que de quitter prématurément son poste de conseillère en mars 2017, et ce, en raison de l’environnement toxique au sein du conseil de bande causé par les agissements de M. Raymond Morris.

[5]  Plus spécifiquement, elle allègue avoir subi un traitement défavorable en cours d’emploi (article 7 LCDP) et d’avoir été victime de harcèlement en matière d’emploi (article 14 LCDP). Ces actes discriminatoires seraient fondés sur sa race, son origine nationale ou ethnique et de sa religion.

[6]  C’est en août 2016 que Mme Nielsen a déposé une plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (Commission), plainte qui a été référée au Tribunal en février 2018. La Commission, qui représente l’intérêt du public, a entièrement participé à l’audience du Tribunal.

[7]  Mme Nielsen recherche ainsi réparations pour les actes discriminatoires qu’elle aurait subis. Elle demande les réparations suivantes :

·  5000 $ en dommage pour préjudice moral (alinéa 53 (2)(e) LCDP) ;

·  25 500 $ en dommages pour perte de salaires (des honoraires) (alinéa 53 (2)(c) LCDP) ;

·  Une lettre d’excuses de la part de l’intimée, qui devra être publiée sur le fil Facebook de la bande ainsi que dans le journal local de Burns Lake.

[8]  La Commission, quant à elle, appuie les réparations de Mme Nielsen, mais recherche aussi des réparations systémiques, dans l’intérêt du public, afin que de tels actes ne se reproduisent plus. Elle demande les réparations suivantes, en application de l’alinéa 53(2)(a) LCDP:

·  Que l’intimée mette fin aux actes discriminatoires et prenne des mesures afin de prévenir que ce genre d’actes se reproduisent. Plus précisément, l’intimée devra mettre en place des politiques sur les droits de la personne et contre le harcèlement, en consultation avec la Commission ;

·  Après la création de ces politiques, que l’intimée engage un expert externe afin de former le personnel du conseil de bande, les conseillers ainsi que le chef sur ces nouvelles politiques.

[9]  Je tiens à spécifier que la participation de l’intimée dans le processus du Tribunal a été, dans son ensemble, minimale. J’aborderai ce problème dans la section II de la présente décision (Remarque préliminaire – Participation minimale de l’intimée).

[10]  Même si M. Frank Morris s’est présenté à l’audience en tant que son représentant, l’intimée n’a pas présenté de défense dans ce dossier.

[11]  Pendant l’audience, M. Frank Morris a été très peu actif. Il n’a pas contre-interrogé Mme Nielsen et il n’a que très courtement contre-interrogé Mme Debbie West, un témoin de la plaignante. Il n’a pas déposé de documents ou présenté de défense en application de l’article 15 LCDP. Il n’a pas non plus présenté d’éléments de preuve permettant de réfuter la présomption de l’article 65 LCDP.

[12]  Je me suis assuré de donner l’opportunité à chaque partie de présenter une défense complète et entière et je dois rendre ma décision avec les éléments de preuve qui ont été déposés à l’audience, soit la documentation limitée de Mme Nielsen, son témoignage, celui de Mme West ainsi que son très court contre-interrogatoire et finalement le bref témoignage de M. Frank Morris.

[13]  Pour les motifs suivants, je juge que la plainte de Mme Nielsen est fondée et j’ordonnerai réparation pour la discrimination dont elle a été victime (paragraphe 53 (2) LCDP).

II.  Remarque préliminaire — Participation minimale de l’intimée

[14]  Comme mentionné précédemment, la participation de l’intimée dans cette plainte a été minimale. J’estime qu’il est pertinent de faire un bref survol de cette absence de participation. Évidemment, cette participation minimale est reflétée dans le dossier officiel du Tribunal.

[15]  Lorsque la plainte a été référée au Tribunal, l’intimée était représentée par M. Johny Najm. Ce dernier parlait au nom de l’ancien chef, M. Raymond Morris. Un exposé des faits a été déposé dans le dossier du Tribunal. Par contre, aucune liste de documents ou de témoins n’a été déposée. M. Najm s’est également joint à quelques téléconférences.

[16]  Cela dit, en janvier 2019, M. Najm a informé les parties et le Tribunal qu’il se retirait du dossier et qu’il ne représenterait plus M. Raymond Morris. Du même coup, il a informé le Tribunal et les autres parties que M. Frank Morris serait le seul témoin de l’intimée à l’audience. C’est après le départ de M. Najm que l’absence de participation de l’intimée est devenue claire.

[17]  Le Tribunal, tout au long de l’année 2019, a multiplié les démarches afin de contacter l’intimée. Ces démarches, tant des tentatives d’appel par les greffiers, l’envoi de courriels, et même l’envoi d’un huissier de justice au bureau du conseil de bande afin de signifier un avis d’audience, n’ont pas été concluantes. La participation de l’intimée était alors inexistante.

[18]  Une audience devait avoir lieu en avril 2019, mais a été annulée en raison du manque de participation de l’intimée. De nouvelles dates d’audience ont été fixées en juin 2019, mais ont encore été ajournées en raison du manque de participation de l’intimée.

[19]  Après avoir multiplié les tentatives de contact avec l’intimée, le Tribunal a finalement été en mesure d’entrer en contact avec Mme Patricia Prince, chef de la bande à ce moment-là, ainsi qu’avec autre conseiller, M. Mark Morris.

[20]  Ayant contact avec eux, le Tribunal a tenté de les convaincre de se joindre à une téléconférence. Le premier essai a malheureusement échoué. La téléconférence a été repoussée et l’intimée en a été informée.

[21]  Le 4 juillet 2019, l’intimée s’est étonnamment jointe à une téléconférence de gestion de l’instance. Lors de cet appel, quatre représentants du conseil de bande étaient présents : Mme Patricia Prince, M. Victor Burt, M. Mark Morris et M. Frank Morris.  

[22]  Des directives claires ont été données par le Tribunal lors de cet appel pour la suite des choses. L’intimée a manifesté son désir de retenir les services d’un avocat. Le Tribunal lui a ordonné de faire un suivi à ce sujet avant le 23 août 2019. De plus, les dates d’audience du 4 au 8 novembre 2019, à Burns Lake, ont été fixées, et ce, avec le consentement et la disponibilité de toutes les parties, incluant les représentants de l’intimée.

[23]  Le 23 août 2019, l’intimée n’a pas fait de suivi auprès du Tribunal quant à ses démarches pour retenir les services d’un avocat. Le Tribunal a fait un suivi auprès d’elle, mais encore une fois, sans succès.

[24]  Le 6 septembre 2019, le Tribunal a envoyé une correspondance aux parties déclarant le dossier prêt à procéder. L’intimée ne s’est pas manifestée. Le 11 octobre 2019, le Tribunal a fait parvenir un avis d’audience aux parties. L’intimée ne s’est pas manifestée. Enfin, le 29 octobre 2019, le Tribunal a envoyé des directives concernant le dépôt de documents à l’audience. L’intimée ne s’est toujours pas manifestée.

[25]  L’audience a débuté le 4 novembre 2019, 9 h 30, à Burns Lake. Mme Nielsen était présente tout comme Me Samar Musalam, avocate de la Commission. M. Frank Morris , chef adjoint de la bande, était aussi présent en tant que représentant de l’intimée. Considérant la présence de toutes les parties, l’audience a pu débuter.

[26]  Le Tribunal a entendu la preuve de Mme Nielsen et de la Commission lors de cette première journée. La preuve fut succincte.

[27]  En après-midi, lorsqu’est venu le tour de l’intimée à présenter sa preuve,, M. Frank Morris n’était clairement pas prêt à procéder. Il avait avec lui des documents qu’il voulait déposer, mais a manifesté avoir manqué de temps afin de récolter tous les documents qu’il estimait nécessaires. Il a expliqué qu’il avait contacté différents individus afin de recueillir les documents manquants, mais qu’ils n’avaient pas répondu. Il a aussi manifesté avoir manqué d’encre dans son imprimante.

[28]  Avec le consentement des autres parties, l’audience a été ajournée au mardi 5 novembre 2019 afin de donner un peu plus de temps à M. Frank Morris pour se préparer. La Commission a fait savoir qu’elle n’avait jamais reçu quelconques documents de la part de l’intimée, et ce faisant, a annoncé que l’admissibilité de tels documents devrait éventuellement être abordée.

[29]  Le jour suivant, M. Frank Morris est arrivé en retard à l’audience du Tribunal. M. Frank Morris a expliqué avoir tenté de contacter les autres conseillers du conseil, mais sans succès. Il aurait aussi tenté de récupérer certains documents notamment auprès du département de finance, mais sans succès.

[30]  J’ai expliqué à M. Frank Morris que c’était au tour de l’intimée de présenter sa défense et de déposer sa preuve. Je lui ai dit qu’il s’agissait de son opportunité afin d’expliquer au Tribunal sa version des faits. J’ai également précisé que l’intimée aurait dû avoir le temps de se préparer depuis janvier 2019 et que les quatre conseillers présents lors de l’appel en juillet 2019 étaient tous au fait de l’audience.

[31]  M. Frank Morris a très brièvement témoigné, soit à peine quelques minutes. Il a aussi annoncé n’avoir aucune autre défense à offrir au Tribunal. Je me suis assuré que M. Frank Morris comprenait l’ampleur de la situation et les conséquences qui en découleraient si l’intimée ne fournissait pas de défense. Je lui ai demandé à plusieurs reprises s’il désirait m’expliquer ce qu’il comprenait de la plainte et me présenter ses observations, mais il a décliné de le faire. Je lui ai également demandé s’il désirait déposer les documents qu’il avait mentionnés la veille, ce qu’il a aussitôt décliné. M. Frank Morris n’avait simplement rien d’autre à ajouter.

[32]  Je comprends de l’ensemble des échanges entre les parties et le Tribunal que certaines difficultés sont survenues au sein du conseil de bande incluant un arbitrage qui aurait eu lieu en août 2019 relativement à la constitution du conseil de bande et de l’élection du chef et des conseillers. Je prends acte de ces difficultés. Cela dit, j’ai décidé que cette situation n’empêchait pas le Tribunal de procéder comme prévu depuis plusieurs mois, d’autant plus que l’audience avait déjà été remise à plus d’une reprise.

[33]  M. Frank Morris ainsi que Mme Nielsen ont confirmé que Mme Patricia Prince, M. Victor Burt ainsi que M. Frank Morris, lui-même, étaient toujours en poste au sein du conseil, et ce, malgré le résultat de l’arbitrage. Autrement dit, il appert que la formation du conseil de bande n’a, au final, pas substantiellement changé. Je comprends que sur 4 membres, un seul a changé.

[34]  Je rappelle que tant Mme Prince que M. Burt ainsi que M. Frank Morris étaient présents lors de la téléconférence du 4 juillet 2019. Ainsi, trois membres du conseil, incluant la cheffe, étaient bien au fait des procédures du Tribunal et des dates d’audience à venir. Pourtant, seul M. Frank Morris s’est présenté en personne aux audiences afin de représenter l’intimée.

[35]  Enfin, alors que Me Musalam effectuait ses représentations finales, M. Frank Morris s’est subitement levé et a déclaré qu’il quittait l’audience. Se dirigeant vers la sortie, il a affirmé qu’il n’avait pas le temps « pour ce genre de chose ». Je l’ai questionné à savoir s’il ne préférait pas plutôt rester, ce qu’il a décliné et il est parti en coup de vent. Il n’est pas revenu avant la fermeture de l’audience.  

[36]  Cela étant dit, il est malheureux que l’intimée n’ait pas saisi l’opportunité qu’elle avait de participer pleinement dans le processus du Tribunal. Entre janvier 2019 et novembre 2019, le Tribunal a offert à l’intimée, à de multiples occasions, l’opportunité de présenter une défense pleine et entière. Après l’appel du 4 juillet 2019 et malgré la présence de plusieurs conseillers et de la cheffe, l’intimée a choisi de limiter sa participation à l’audience.

[37]  Même lors de l’audience, le Tribunal a été flexible et compréhensif de la situation de l’intimée. Il a donné du temps supplémentaire à son représentant afin qu’il récupère des documents manquants, qu’il prépare son témoignage et qu’il dépose sa preuve. Malgré tout, le représentant de l’intimée a quitté les audiences durant les représentations finales et n’a finalement soumis aucun document.

[38]  Cela dit, je rappelle que la LCDP commande que l’instruction des plaintes soit traitée sans formalisme et de manière expéditive, dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (paragraphe 48.9 (1) LCDP).

[39]  J’estime que l’intimée a eu amplement l’opportunité de présenter, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, ses éléments de preuve ainsi que ses observations (paragraphe 50 (1) LCDP) et règle 1 (1) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne 03-05-04 (Règles)).

[40]  Le rôle ultime du Tribunal est d’entendre la plainte (paragraphes 48.9 (1), 49 (1) et 50 (1) LCDP) et de la trancher tel que le requiert les paragraphes 53 (1) et (2) LCDP.

III.  Questions en litige

[41]  L’objectif de la LCDP est de garantir à tout individu la jouissance du droit à l’égalité des chances d’épanouissement et à la prise de mesures visant la satisfaction de ses besoins, dans la mesure compatible avec ses devoirs et obligations au sein de la société, indépendamment de quelconques considérations fondées sur des motifs de distinction illicite (article 2 LCDP).

[42]  Il est bien établi qu’en matière de discrimination, il revient à la partie plaignante de présenter une preuve suffisamment complète afin de remplir le fardeau de son dossier. Autrement dit :

[…] la preuve suffisante jusqu’à preuve contraire est celle qui porte sur les allégations qui ont été faites et qui, si on leur ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur de la plaignante, en l’absence de réplique de l’employeur intimé. 

(Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons-Sears [Simpsons-Sears], [1985] 2 RCS 536, au par. 28)

[43]  Trois éléments doivent être prouvés par Mme Nielsen afin qu’elle rencontre son fardeau de la preuve, c’est-à-dire :

1)  Elle a un ou plusieurs motifs de distinction illicite protégé(s) par la LCDP ;

2)  Elle a subi un effet préjudiciable (dans le cas en l’espèce, en application des articles 7 et 14 LCDP) ;

3)  Le ou plusieurs motif(s) de distinction illicite a (ont) été un (des) facteur(s) dans la manifestation des effets préjudiciables.

(Moore c. Colombie-Britannique (Éducation) [Moore], [2012] RCS 61, au par. 33 et Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation) [Bombardier], [2015] RCS 789 ; Simpsons-Sears, précité, au par 28).

[44]  La preuve présentée doit être analysée selon la prépondérance des probabilités. Je rappelle que le motif de distinction illicite n’a pas à être l’unique facteur dans la manifestation de l’effet préjudiciable. De plus, la preuve directe de discrimination ou la preuve d’intention de discriminer ne sont pas nécessaires pour que la partie plaignante rencontre son fardeau de la preuve (Bombardier, aux par. 40 et 41).

[45]  Comme le rappelle souvent le Tribunal, la discrimination n’est habituellement pas commise ouvertement ou avec intention. Ce faisant, le Tribunal doit analyser l’ensemble des circonstances de la plainte afin de déterminer s’il existe de subtiles odeurs de discrimination (voir Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [Basi], 1988 CanLII 108 [TCDP]).

[46]  La preuve circonstancielle peut aider le Tribunal à tirer des inférences lorsque la preuve qui a été présentée au soutien des allégations rend ces inférences plus probables que les hypothèses ou autres inférences possibles (voir Basi, précité). Cela dit, il faut tout de même que la preuve circonstancielle présentée à l’audience demeure tangiblement liée à la décision ou à la conduite reprochée à la partie intimée (Bombardier, précité, au par. 88).

[47]  Il est de mon avis que lorsque le Tribunal analyse la preuve afin de déterminer si une partie plaignante a rencontré le fardeau qui lui incombe, il doit analyser la preuve dans son ensemble. Cela peut inclure des éléments de preuve qui ont été présentés par la partie intimée (Brunskill, précité, au par. 64) qui, si elle le désire, peut tenter de réfuter la preuve du plaignant.

[48]  Ainsi, le Tribunal pourrait conclure, selon la prépondérance des probabilités, que la partie plaignante a, ou n’a pas, présenté une preuve suffisamment complète quant à ces 3 éléments. Si la preuve n’est pas complète et suffisante, la plainte est rejetée.

[49]   Au contraire, si le Tribunal conclut que la preuve est suffisamment complète, le fardeau de la preuve est renversé et appartient maintenant à la partie intimée. Cette dernière peut présenter une justification à sa décision ou conduite, tel que le prévoit l’article 15 LCDP. La partie plaignante peut, à son tour, présenter des éléments afin de réfuter cette justification. Ce faisant, elle tenterait de démontrer que la justification de la partie intimée n’est, dans les faits, qu’un simple prétexte.

[50]  Encore une fois, le Tribunal évaluera ces éléments selon la prépondérance des probabilités. C’est à la suite de toute cette analyse que le Tribunal peut conclure à l’existence, ou non, de discrimination (paragraphes 53 (1) et (2) LCDP).

[51]  Enfin, la partie intimée pourrait limiter sa responsabilité, dans les cas applicables, en réfutant la présomption de l’article 65 LCDP.

[52]  C’est sous cette analyse que j’aborderai les éléments de preuve présentés à l’audience.

IV.  Analyse

[53]  Les faits de cette plainte sont relativement simples. Je précise que Mme Nielsen a témoigné à l’audience : son témoignage était clair, direct, empreint de certitude et d’émotions. Mme Nielsen a été en mesure de présenter les faits fondant sa plainte avec des souvenirs précis des événements.

[54]  Certaines informations qu’elle a présentées à l’audience ont été corroborées avec de la preuve documentaire ou le témoignage de Mme Debbie West, ce qui rend le témoignage de Mme Nielsencrédible et fiable.

[55]  L’intimée n’a pas offert de défense dans le dossier. M. Frank Morris a fourni quelques informations, sans plus. L’intimée n’a pas été en mesure de réfuter les allégations de Mme Nielsen ni d’attaquer la fiabilité de son témoignage ou celui de Mme West.

[56]  Ainsi, je n’ai aucune raison de remettre en question les faits qui ont été présentés par Mme Nielsen ainsi que son témoin, Mme West. Je donne ainsi foi aux faits qu’elles m’ont présentés.

A.  Motif(s) de distinction illicite protégé(s) par la LCDP

[57]  Les motifs de distinction illicite invoqués dans la plainte de Mme Nielsen sont l’origine nationale ou ethnique (origines autochtone et caucasienne) ainsi que la religion (non-pratiquante).

[58]  Selon la preuve présentée à l’audience et pour reprendre ses propres termes, Mme Nielsen se définit à moitié autochtone et à moitié caucasienne. Précisément, sa mère est membre de la Nation et détient son statut « d’Indienne » en application de la Loi sur les Indiens. Son père, quant à lui, est d’origine caucasienne. C’est pourquoi elle se définit sous ces deux origines. Elle a également confirmé qu’elle détenait son statut en vertu de la Loi sur les Indiens.

[59]  Mme Nielsen a aussi clairement confirmé ne pas pratiquer de religion.

[60]  En lien avec la preuve déposée et les faits de la plainte, par exemple, il a été présenté que M. Raymond Morris, qui avait été élu chef de la Nation le 12 décembre 2014 pour un mandat de 4 ans, a envoyé des courriels à Mme Nielsen la traitant de « white bastard » [Traduction] « bâtarde blanche ».

[61]  Il est reconnu que la LCDP interdit aussi la discrimination qui est basée sur l’appartenance perçue à un groupe protégé (voir Polhill c. la Première Nation Keseekoowenin, 2019 TCDP 42, au par. 68. Voir aussi Warman c. Kyburz, 2003 TCDP 18, au par. 52 ; Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Montréal (Ville) Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665 ; Rail Canada Inc. c. Canada (Commission des droits de la personne.) (no 2) (1999), 33 C.H.R.R. D/127 (TCDP)).

[62]  J’estime que c’est le fait que Mme Nielsen soit perçue comme étant d’origine caucasienne (autrement dit, « blanche », pour reprendre les mots de M. Raymond Morris) qui est en question dans la présente plainte. Je rappelle que Mme Nielsen est également d’origine autochtone, ses origines émanant de sa lignée maternelle.

[63]  Quant à la religion, c’est le fait que Mme Nielsen ne pratique pas de religion, plus précisément qu’elle ne prie pas au début des rencontres du conseil de bande, ni au début des assemblées publiques, qui a suscité des commentaires désobligeants de la part de l’ancien chef, M. Raymond Morris.

[64]  Il est intéressant de noter qu’à ma connaissance, le Tribunal n’a jamais traité de la question à savoir si le fait de ne pas pratiquer une religion, de ne pas avoir de religion, d’être non-croyant, d’être athée ou agnostique est visé par le motif de distinction illicite de la religion prévu à l’article 3 LCDP.

[65]  Je n’ai pas l’intention de m’attarder longuement sur le sujet puisque je suis du ferme avis que le motif de la religion inclue le fait de ne pas pratiquer de religion, de n’avoir aucune croyance religieuse, d’être athée ou agnostique, ou non-croyant.  

[66]  La LCDP a pour but de permettre aux individus d’être égaux en faits et en droit, indépendamment de toute caractéristique personnelle. Il s’agit de la notion fondamentale d’égalité des chances, d’égalité des opportunités, ce qui est l’essence même de notre Loi (voir article 2 LCDP).

[67]  La LCDP vise à protéger les individus contre les pratiques discriminatoires qui se fonderaient notamment sur leurs caractéristiques personnelles. Dans le cas actuel, il s’agit de la religion. Que nous soyons en matière d’emploi, de services, de biens, d’installations, d’hébergement, de locaux commerciaux ou de logements résidentiels, etc. (articles 5 à 14,1 LCDP), tous les individus ont droit à l’égalité des chances, et ce, qu’ils aient une ou plusieurs croyances, ou qu’ils n’en aient aucune.

[68]  Interpréter la LCDP autrement pourrait entrainer des résultats absurdes en ce que des personnes qui sont non-pratiquantes, non-croyantes, athées, agnostiques, etc., ne recevraient aucune protection sous notre Loi parce qu’elles n’auraient pas, à proprement dit, de religion. Illustrons ce potentiel non-sens par un exemple simple.

[69]  Un employeur embrasse une religion x et exige que ses 3 employés (A, B et C) se soumettent aux pratiques de cette religion x. A est non-croyant ; B et C pratiquent la religion y. Les employés considèrent que les exigences de l’employeur sont discriminatoires et veulent déposer une plainte à ce sujet.

[70]  Si nous considérons que le fait d’être non-croyant, non-pratiquant, athée, agnostique, etc., est exclus du motif de distinction illicite de la religion (article 3 LCDP), seuls les employés B et C seraient, dans les faits, protégés par la LCDP. Pourquoi ? Parce qu’ils s’identifieraient à une religion ouqu’ils pratiqueraient une religion, contrairement à l’employé A. Ainsi, seul l’employé A, qui est non-croyant, non-pratiquant, athée ou agnostique, n’aurait pas de recours sous la LCDP. Ceci est un illogisme.

[71]  Ce résultat serait un non-sens et ce n’est pas du tout l’objectif de la LCDP. À plus forte raison, c’est justement l’égalité des chances pour tous que la LCDP vise à protéger, indépendamment de leur adhésion à une religion ou non.

[72]  Si un doute persiste, je rappelle que notre Tribunal est dans l’obligation de prendre en considération les valeurs de la Charte canadienne lorsqu’il interprète sa propre Loi (voir Doré v. Barreau du Québec, 2012 SCC 12, au par. 35 et Conseil scolaire francophone de la Colombie-Britannique v. British Columbia, 2013 SCC 42).

[73]  Ainsi, les préceptes dégagés par la Cour suprême du Canada en matière de religion, de liberté de religion, de croyances, etc., sont manifestement fondamentales à la LCDP.

[74]  Sans me lancer dans une revue de la jurisprudence en la matière, il suffit de dire que le concept de liberté de religion a fait couler beaucoup d’encre, y compris par la Cour suprême du Canada. Cela fait un bon moment déjà que la Cour suprême a confirmé que la Charte canadienne protège tant les croyants que les non-croyants (article 2a) Charte canadienne. Voir aussi R. v. Big M Drug Mart Ltd., [Big M Drug Mart], [1985] 1 RCS 195, aux par. 123 ; S.L. v. Commission scolaire des Chênes, [2012] CSC 7, au par. 32)

[75]  Les tribunaux provinciaux ont suivi les importants enseignements de la Cour suprême en la matière et ont confirmé à leur tour que les non-croyants et les croyants sont égaux en faits et en droit et bénéficient des mêmes protections (voir par exemple Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (au Québec, voir par exemple Payette c. Laval (Ville de), 2006 QCTDP 17, aux par. 108 et suivants. En Ontario, voir par exemple R.C. v. District School Board of Niagara, 2013 HRTO 1382. En Colombie-Britannique, voir par exemple Mangel and Yasué obo Child A v. Bowen Island Montessori School and others, 2018 BCHRT 281).

[76]  En conséquence, je conclus que Mme Nielsen a été en mesure, selon la prépondérance des probabilités, de prouver qu’elle détient deux motifs de distinction illicite qui sont protégés par la LCDP, soit l’origine nationale ou ethnique ainsi que la religion (Moore, précité).

B.  Effets préjudiciables en application des articles 7 et 14 LCDP et existence du lien entre les motifs de distinction illicite et ces effets préjudiciables

[77]  Pour les raisons suivantes, j’estime que Mme Nielsen a été en mesure de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’elle a subi un effet préjudiciable en application des articles 7 et 14 LCDP. Elle a aussi été en mesure de prouver l’existence d’un lien entre cet effet préjudiciable et les motifs de distinction illicite que sont son origine nationale ou ethnique ainsi que sa religion.

(i)  Les faits généraux prouvés à l’audience

[78]  Mme Nielsen est membre de la nation Nee Tahi Buhn. En 2014, elle a présenté sa candidature afin d’être nommée conseillère sur le conseil de bande. Elle a gagné son élection et a été nommée pour un mandat de 4 ans, débutant le 12 décembre 2014, et se terminant le 12 novembre 2018.

[79]  3 autres membres ont été élus : Mme Charity Morris (conseillère), M. Cody Reid (chef adjoint) et M. Raymond Morris (chef). Je comprends de la preuve que M. Reid est le fils de Mme Nielsen.

[80]  Mme Nielsen a expliqué avoir présenté sa candidature afin de pouvoir participer activement dans sa communauté et d’être impliquée auprès de ses membres.

[81]  Il a été prévu que les conseillers allaient recevoir un salaire de 1500 $ par mois pour leur travail, et le chef, 2500 $. Mme Nielsen les qualifie d’honoraires, ce qui a peu d’importance dans les circontances. De plus, il n’a pas été discuté que Mme Neilson ne pouvait pas garder l’autre emploi qu’elle occupait à l’usine d’eau potable, emploi qu’elle a conservé.

[82]  Au début de son mandat, Mme Nielsen a confirmé que la relation entre elle, les conseillers et le chef était bonne. La collaboration était au rendez-vous, l’ambiance était agréable.

[83]  Elle a rapidement abordé la question du fait qu’elle ne pratiquait pas de religion avec l’administratrice de la Nation (pour le traducteur – general manager of the band), qui était à ce moment-là la femme de M. Raymond Morris. Mme Nielsen a expliqué ne pas désirer prier aux débuts des réunions du conseil ou des assemblées. Elle ne voulait pas non plus qu’on lui demande de dire ou de faire la prière. On lui a fait savoir que cela ne posait aucun problème.

[84]  Mme Nielsen a expliqué que la situation a rapidement commencé à se détériorer entre elle et le chef. Lorsque les conseillers adoptaient une position différente de celle de M. Raymond Morris, c’est à ce moment que tout se corsait. Selon ses dires, il aimait que les choses se déroulent à sa façon. La situation s’est graduellement détériorée et l’environnement de travail est devenu de plus en plus négatif et froid.

[85]  Mme Nielsen a affirmé que M. Raymond Morris lui envoyait des commentaires très négatifs tant par messages textes, par courriels ou que de vive voix. Entre autres, il lui a dit qu’elle ne devrait pas avoir l’opportunité de siéger au conseil puisqu’elle était non-pratiquante.

[86]  Mme Nielsen n’a pas de copie de ces messages textes, qu’elle affirme avoir ignorés pendant un certain temps. Mais dans son témoignage, il est clair que la situation perdurait dans le temps et que cela s’est produit à un certain nombre d’occasions. Elle a ajouté que la gestionnaire de la bande, la femme de M. Raymond Morris, tentait d’atténuer les réactions de son conjoint en affirmant qu’il avait passé une mauvaise nuit.

[87]  Sans entrer dans tous les détails, un incident est survenu en mai 2016 alors que les conseillers ont tenté de limiter l’utilisation de certaines sommes d’argent par M. Raymond Morris. Certaines explications sont incluses dans un courriel de Mme Nielsen envoyé à M. Raymond Morris datant du 16 mai 2016. Il semble que celui-ci n’ait pas apprécié cette démarche de la part des conseillers puisqu’il a répliqué avec virulence à Mme Nielsen.

[88]  Deux courriels ont été envoyés par M. Raymond Morris à Mme Nielsen en mai 2016, pendant cette série d’événements. Les deux courriels ont été déposés à l’audience.

[89]  Dans le premier, M. Raymond Morris a écrit : « I resign fucken[sic] white bastards run it » [Traduction] « Je démissionne criss de bâtards blancs, dirigez-le (ou la) ». Je comprends que lorsqu’il dit « dirigez-le », il fait référence à la direction du conseil ou de la Nation, mais cela n’a que peu de pertinence. Dans le second courriel, il poursuit ses commentaires et écrit de nouveau à Mme Nielsen : « white bastards » [Traduction] « bâtards blancs ».

[90]  Mme Nielsen s’est directement sentie visée par ces mots empreints de vulgarité et qui font directement référence à ses origines caucasiennes. Elle a également expliqué qu’elle sentait que son fils, M. Reid, était aussi visé par ces commentaires.

[91]  Après la réception de ces courriels, une assemblée publique a eu lieu le 17 mai 2016. Elle était prévue à 9 h, mais M. Raymond Morris est arrivé presque trois heures en retard. Mme Nielsen a témoigné qu’elle l’avait approché avant l’assemblée afin de lui demander s’il voulait la rencontrer en privé et discuter des courriels des jours précédents. Il a décliné son offre et lui a dit qu’il maintenait ce qu’il avait dit. Elle lui a également demandé s’il voulait s’excuser de l’avoir appelée « bâtarde blanche », ce à quoi il a répliqué qu’il ne s’excuserait pas.

[92]  L’assemblée a débuté et Mme Nielsen a expliqué qu’à ce genre d’assemblée, les membres de la communauté peuvent y assister. Il y avait des membres du public dans la salle et M. Raymond Morris, devant tous et incluant les autres conseillers, a clamé haut et fort que puisque Mme Nielsen ne pratique pas de religion, elle ne devrait pas occuper la fonction de conseillère.

[93]  Mme Nielsen, lorsqu’elle a témoigné de cet événement, s’est effondrée en larme. Je constate que cet événement la blesse toujours. Les souvenirs qui resurgissent ne lui permettent pas de contenir ses larmes. Les mots la font toujours souffrir et force est de constater qu’elle est encore à ce jour stupéfaite des propos tenus par M. Raymond Morris. 

[94]  Mme Nielsen avait déjà expliqué à la gestionnaire de la bande ainsi qu’aux conseillers qu’elle ne priait pas. Cela n’avait pas posé de problème par le passé. Ce faisant, elle ne comprend pas pourquoi, soudainement, M. Raymond Morris a affirmé publiquement et devant les membres de sa communauté qu’elle n’avait pas de croyances religieuses et qu’elle ne devrait pas siéger sur le conseil pour cette raison.

[95]  Elle a aussi confirmé que M. Raymond Morris ne s’était jamais excusé pour ce qui s’était passé. Elle sait très bien que l’intervention de M. Morris lors de cette assemblée était injuste, d’autant plus qu’elle a toujours respecté les croyances religieuses des autres.

[96]  Malgré cet événement, Mme Nielsen est restée en fonction jusqu’en mars 2017, soit pendant près de dix mois de plus. Toutefois, en raison du harcèlement et du traitement injuste qu’elle subissait aux mains de M. Raymond Morris et de l’environnement toxique qui en résultait, elle a décidé de démissionner.

[97]  La preuve révèle qu’elle n’est pas la seule conseillère à avoir quitté ses fonctions : Mme Charity Morris a aussi démissionné en raison du harcèlement commis par M. Raymond Morris. Enfin, son fils, M. Cody Reid, qui était chef adjoint, a aussi quitté ses fonctions avant la fin de son mandat.

[98]  Cela dit, Mme Nielsen a affirmé croire que l’intimée ne s’est dotée d’aucune politique afin de contrer le harcèlement ni de politique sur les droits de la personne. La seule formation à laquelle elle se souvient avoir assisté a été offerte par les services policiers en matière de violence.

[99]  Mme Nielsen a témoigné que son expérience en tant que conseillère a été stressante pour elle et que l’environnement de travail l’affectait beaucoup. Les messages, commentaires et courriels de M. Raymond Morris étaient vulgaires et l’affectaient beaucoup. L’environnement de travail était froid, négatif et malsain. Mme Nielsen a expliqué avoir évité de se présenter au bureau lorsqu’elle le pouvait, et ce, afin de fuir l’environnement toxique causé par M. Raymond Morris. Elle s’y déplaçait uniquement lorsque nécessaire, par exemple lors des rencontres et assemblées.

[100]  Mme Debbie West, qui était gestionnaire du Conseil de bande, a témoigné dans le même sens que Mme Nielsen. Elle a décrit l’environnement de travail comme étant négatif et toxique. Elle aussi a fait l’objet de remarques de la part de M. Raymond Morris. Lorsqu’elle en parle, Mme West devient très émotive : les larmes coulent. Je vois qu’elle est encore affectée par ce qui a pu se produire dans son propre lien professionnel avec M. Raymond Morris.

[101]  Mme Nielsen a témoigné que les impacts des agissements de M. Raymond Morris sont toujours présents à ce jour. Les commentaires qu’il a faits publiquement ont entaché sa réputation. Elle a expliqué que M. Morris a propagé de fausses informations à son sujet en lien avec son mandat comme conseillère. Ces fausses informations concernaient entre autres ses implications dans la gestion au conseil et l’utilisation indue de certaines sommes d’argent.

[102]  Mme Nielsen a aussi expliqué s’être fait menacer et intimider depuis le dépôt de sa plainte. Certaines personnes croient qu’elle ne devrait pas avoir l’opportunité de continuer de travailler à l’usine d’eau potable alors que les procédures de notre Tribunal sont en cours. Un autre conseiller du conseil, M. Mark Morris, a également mentionné qu’elle ne devrait pas avoir le droit de demeurer au sein de la Nation alors que les procédures sont en cours.

[103]  Je n’ai pas l’intention de m’attarder plus longuement à ces sujets, mais il suffit de constater que la détérioration de cette relation entre Mme Nielsen et M. Raymond Morris semble avoir eu des répercussions bien au-delà des faits spécifiques de cette plainte.

[104]  Encore une fois, Mme Nielsen a eu du mal à retenir ses larmes, lorsqu’elle m’a raconté ces impacts collatéraux. Elle a expliqué être encore à ce jour sous le stress de tout ce qui s’est passé et qu’elle a beaucoup de difficulté à dormir. Elle ressent encore la négativité et les conséquences de ces événements, ce qui l’empêche de poursuivre sa vie avec sérénité.

(ii)  Le traitement défavorable en cour d’emploi (article 7 b) LCDP)

[105]  Cela étant dit, l’article 7 LCDP interdit à quiconque, par des moyens directs ou indirects, de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu (alinéa a) ou de le défavoriser en cours d’emploi (alinéa b).

[106]  Il m’apparait clair que c’est l’alinéa 7 b) LCDP qui s’applique dans les circonstances puisque l’intimée n’a pas refusé d’employer ou de continuer d’employer Mme Nielsen. C’est plutôt le traitement défavorable commis par l’intimée qui est en jeu dans la présente plainte, traitement défavorable qui a causé des effets préjudiciables à Mme Nielsen. C’est la conséquence de ces effets préjudiciable qui, ultimement, a poussé Mme Nielsen à démissionner prématurément de sa fonction.

[107]  Comme je l’ai déjà expliqué dans la décision Brunskill c. Société canadienne des postes, 2019 TCDP 22, aux par. 90 et suivants, lorsque nous analysons l’article 7 LCDP, le contenu de l’alinéa 15 (1) (a) LCDP est pertinent dans la mesure où il s’agit de la défense que peut invoquer une partie intimée afin de justifier un traitement défavorable.

[108]  Plus précisément, l’alinéa 15 (1) (a) LCDP prévoit que « [n] e constitue pas des actes discriminatoires » « les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences » qui découlent d’exigences professionnelles justifiées. En d’autres mots, l’employeur qui refuse, exclu, suspend, restreint, ou qui met en place des conditions ou des restrictions à un employé pourrait être justifié de le faire s’il est capable de démontrer qu’il s’agissait-là d’une exigence professionnelle. L’exigence professionnelle est prévue au paragraphe 15 (2) LCDP.

[109]  Ainsi, les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences représentent les agissements que pourraient commettre un employeur et qui, sans justificatif, pourraient être considérés comme le traitement défavorable d’un employé en cours d’emploi.

[110]  Dans le cas en l’espèce, la preuve révèle que M. Raymond Morris qui, je le rappelle, était chef de la Nation et siégeait au conseil de bande avec les trois autres conseillers, a exprimé le fait qu’il croyait que Mme Nielsen ne devrait pas avoir l’opportunité de siéger sur le conseil puisqu’elle ne pratique pas de religion. Ces commentaires, prononcés lors de l’assemblée du 17 mai 2016 en présence des autres conseillers et des membres de la communauté sont particulièrement catégoriques, brutaux et choquants.

[111]  En se fondant sur le motif de religion, M. Raymond Morris a tenté de supprimer le droit à Mme Nielsen de l’égalité des chances, des opportunités, en affirmant publiquement que puisqu’elle ne pratique pas de religion, elle ne devrait pas avoir l’opportunité d’occuper la fonction de conseillère.

[112]  De la même manière, les commentaires vulgaires de M. Raymond Morris, plus spécifiquement les termes « bâtarde blanche », sont outrageux. Ces commentaires sont directement fondés sur les origines mixtes de Mme Nielsen. Cette dernière a senti qu’en raison de ses origines, elle était traitée différemment, ce qui constitue tout autant une atteinte à l’article 7 b) LCDP.

[113]  La Cour d’appel fédérale, dans sa décision Tahmourpour c. Canada (Procureur général), 2010 CAF 192, au par. 12, nous enseigne que pour que le traitement défavorable soit discriminatoire, il doit être préjudiciable, dommageable ou mauvais.

[114]  La preuve démontre que les commentaires de M. Raymond Morris, tant sur les origines de Mme Nielsen que sa religion, ont été mauvais, dommageables et préjudiciables. Et puisque je n’ai aucune raison de remettre en question la crédibilité et la fiabilité des témoignages de Mme Nielsen et de Mme West, j’estime que Mme Nielsen a été en mesure de rencontrer son fardeau de la preuve et de démontrer que son origine nationale ou ethnique ainsi que sa religion ont été un facteur dans le traitement défavorable en cours d’emploi, en application de l’article 7 LCDP. Elle remplit donc les trois critères de la décision Moore, précitée.

(iii)  Le harcèlement en matière d’emploi (article 14 (1)(c) LCDP)

[115]  L’alinéa 14 (1)(c) LCDP prévoit qu’est discriminatoire le fait d’harceler quelqu’un en matière d’emploi en se fondant sur un motif de distinction illicite.  

[116]  Le harcèlement n’est pas défini dans la LCDP. Cela dit, la jurisprudence du Tribunal apporte un éclairage utile et pertinent sur ce que constitue le harcèlement en matière d’emploi, qui est généralement défini comme une conduite non sollicitée ou importune, liée à un motif de distinction illicite et qui a des conséquences néfastes sur la victime en matière d’emploi (voir par exemple Alizadeh-Ebadi c. Manitoba Telecom Services Inc. [Alizadeh], 2017 TCDP 36, au par. 163 ainsi que Morin c. Canada (Procureur général) [Morin], 2005 TCDP 41, au par. 246).

[117]  Le Tribunal a souvent écrit que le harcèlement réside essentiellement dans la création d’un climat de travail hostile qui porte atteinte à la dignité personnelle du plaignant (voir entre autres Alizadeh, précité, au par. 163, Dawson c. Société canadienne des postes, 2008 TCDP 41; Chopra c. Santé Canada, 2008 TCDP 39 ; Hill c. Air Canada, 2003 TCDP 9).

[118]  Je nuancerais en précisant qu’à mon avis, en matière de harcèlement, la création d’un climat hostile n’est pas toujours un prérequis dans la mesure où, par exemple, dans Duverger c. 2553-4330 Québec Inc. (Aéropro) [Duverger], 2019 TCDP 8, il fut déterminé que le harcèlement post-emploi était aussi protégé par la LCDP.

[119]  Ainsi, l’élément important est plutôt celui de l’existence d’un lien suffisant avec le contexte d’emploi (voir Duverger, précité, aux par. 108 et suivants. Voir également British Columbia Human Rights Tribunal c. Schrenk, 2007 CSC 62, aux par. 37, 38 et 40).

[120]  Cela étant précisé, je rappelle qu’une plaisanterie vulgaire, grossière ou de mauvais goût, à elle seule, ne constituera généralement pas du harcèlement. Il doit exister une forme de persistance ou de répétition dans la conduite reprochée (Alizadeh, précité, au par. 163 et Morin, précité, au par. 246). Néanmoins, un seul incident sérieux ou grave peut être suffisant (voir par exemple Stanger c. Société canadienne des postes, 2017 TCDP 8, aux par. 19 à 22 ; Alizadeh, précité, au par. 163 ; Morin, précité, au par. 246).).

[121]  Je suis d’avis qu’une personne raisonnable dans les mêmes circonstances et suivant les normes actuelles de la société aurait été choquée par les commentaires tenus ainsi que les agissements de M. Raymond Morris.

[122]  De plus, il est clair que les commentaires de M. Raymond Morris faisaient référence tant aux origines caucasiennes de Mme Nielsen (« bâtarde blanche ») qu’à sa religion (ne pas pratiquer de religion). Ces propos et ces agissements étaient importuns et inacceptables. Mme Nielsen s’est sentie visée et choquée que M. Raymond Morris tienne ce genre de propos. Rapidement, après l’assemblée du 17 mai 2016, elle est intervenue et a demandé à M. Raymond Morris de le rencontrer afin de discuter de la situation, ce qu’il a refusé. Elle lui a également demandé de s’excuser, ce qu’il a tout autant refusé de faire.

[123]  Il est aussi important de rappeler que les évènements de mai 2016 ne font que représenter la culmination des propos vulgaires de M. Raymond Morris à l’encontre de la plaignante. D’autres messages textes et d’autres propos avaient aussi été tenus par le passé. Même si Mme Nielsen n’a pas déposé de preuve écrite à l’audience à ce sujet, je donne foi à son témoignage. La preuve révèle donc que non seulement l’élément de répétition existe, mais que la gravité des incidents est suffisamment élevée pour que cela constitue du harcèlement.

[124]  J’ajoute que la création d’un milieu de travail hostile et malsain a aussi été prouvée tout comme le fait que le harcèlement s’est produit en matière d’emploi ; le lien avec le contexte d’emploi est plus qu’évident (Duverger, précité, au par. 125). Tant Mme Nielsen que Mme West ont confirmé que le milieu de travail était négatif, toxique et froid. Toutes les deux ont dénoncé l’attitude de M. Raymond Morris et l’impact de ses agissements sur l’environnement de travail. Elles ont aussi confirmé que Mme Charity Morris et M. Cody Reid ont aussi quitté leur fonction en raison de la négativité du milieu de travail. Enfin, Mme Nielsen a expliqué avoir évité de se présenter au bureau le plus possible afin de rester loin de cette toxicité.

[125]  Il n’en faut pas plus pour me convaincre que Mme Nielsen a été en mesure de rencontrer, selon la prépondérance des probabilités, son fardeau de la preuve. Elle a rempli les trois critères de la décision Moore, précitée, et je conclus qu’elle a été victime de harcèlement en matière d’emploi en application de l’alinéa 14 (1) (c) LCDP et que son origine nationale ou ethnique ainsi que sa religion ont été un facteur dans les effets préjudiciables subis.

C.  Absence de justification de l’intimée et engagement de sa responsabilité pour les actes commis par M. Raymond Morris (articles 15 et 65 LCDP)

[126]  Comme je l’ai mentionné précédemment, l’intimée n’a pas présenté de défense lors de l’audience. M. Frank Morris, le représentant de l’intimée qui était présent à l’audience, n’a fourni aucune preuve permettant de réfuter les allégations de Mme Nielsen. Il n’a présenté aucune justification en application de l’article 15 LCDP et n’a pas non plus présenté de preuve afin de limiter la responsabilité de l’intimée en vertu de l’article 65 LCDP. Comme aucune preuve n’a été offerte par l’intimée afin de justifier ses agissements (article 15 LCDP), je vais rapidement aborder la présomption du paragraphe 65 (1) LCDP.

[127]  Bien qu’aucun argument ne m’ait été présenté quant à l’applicabilité de la présomption contenue à l’article 65 LCDP, je considère qu’il est important que j’explique pourquoi celle-ci s’applique au présent dossier.

[128]  Le paragraphe 65 (1) LCDP prévoit que :

Sous réserve du paragraphe (2), les actes ou omissions commis par un employé, un mandataire, un administrateur ou un dirigeant dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l’application de la présente loi, avoir été commis par la personne, l’organisme ou l’association qui l’emploie.

[129]  Dans le cas qui nous occupe, Mme Nielsen a choisi de porter plainte contre le conseil de bande directement plutôt que contre le chef au moment des faits, M. Raymond Morris, individu qui est à l’origine des actes discriminatoires.

[130]  Selon moi, la fonction de chef de bande est couverte par l’énumération « employé, mandataire, administrateur ou dirigeant » de l’article 65 puisqu’il s’agit d’une fonction rémunérée, où le travail du chef est fait au bénéfice, et comme représentant, du conseil de bande.

[131]  Il importe peu de définir précisément ce qu’est la fonction de chef, puisque cette fonction s’apparente autant à celle d’un employé que d’un administrateur ou d’un dirigeant du conseil. Ce qui est primordial, c’est que lorsque M. Raymond Morris a professé les insultes en question, il l’a fait en sa qualité de chef de bande, et ce, en tant que représentant du conseil de bande.

[132]  Dans ce contexte, et vu l’absence de toute réfutation par l’intimée sous le paragraphe 65 (2) LCDP, je conclus que cette présomption s’applique et que les gestes posés par M. Raymond Morris, alors qu’il était chef du conseil, entrainent la responsabilité du conseil de bande lui-même.

V.  Réparations

[133]  Considérant que Mme Nielsen a été en mesure de rencontrer son fardeau de preuve et en l’absence de justification de la part de l’intimée, elle est en droit de recevoir réparation pour la discrimination subie, en application de l’article 53 (2) LCDP. 

A.  Réparations demandées par Mme Nielsen

(i)  Dommages pour préjudice moral

[134]  Mme Nielsen a demandé une somme de 5 000 $ pour préjudice moral, ce que je lui accorde, et ce, pour les raisons suivantes.

[135]  Les commentaires discriminatoires qu’a tenus M. Raymond Morris sont particulièrement graves et honteux. Il est inacceptable d’insulter quelqu’un en l’appelant « bâtarde blanche » tout comme il est inacceptable d’exprimer lors d’une assemblée publique qu’une conseillère ne devrait pas avoir l’opportunité d’occuper sa fonction puisqu’elle ne pratique pas de religion.

[136]  Comme je l’ai rappelé dans la décision Willcott c. Freeway Transportation, 2019 TCDP 29, au par. 234, la Cour suprême du Canada a reconnu que les facteurs systémiques et historiques touchant les Premières Nations sont de connaissance d’office et incluent le fait que les autochtones sont victimes de préjugés raciaux (voir R c. Williams, [1998] 1 RCS 1128, et citée dans Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse c. Blais, 2007 QCTDP 11 (CanLII)).

[137]  Ce qui est particulier ici, c’est l’utilisation de termes empreints de préjugés par le chef de la Nation à l’encontre d’une autre conseillère élue, qui est aussi membre de la même Nation. Les termes employés par M. Raymond Morris sont forts et ont définitivement blessé Mme Nielsen qui a eu peine à contenir ses émotions lors de l’audience.

[138]  J’ai entendu une femme posée et sensible, témoigner avec crédibilité et aplomb. Par contre, lorsqu’elle se souvient des mots employés par le chef, lorsqu’elle se souvient comment l’environnement était toxique et malsain, lorsqu’elle explique comment elle s’est sentie visée, humiliée et choquée, j’ai entendu une femme qui a souffert, une femme qui a été brisée.

[139]  J’ai également entendu le témoignage de Mme West qui était à l’emploi du conseil au moment des événements de la plainte. Mme West a non seulement corroboré la présence d’un environnement malsain et toxique, ayant elle-même vécu les foudres de M. Raymond Morris, mais elle a aussi confirmé que Mme Nielsen était affectée par ce qui se tramait. Elle a notamment noté que Mme Nielsen était cernée et avait l’air particulièrement épuisée et fatiguée.

[140]  Cela dit, Mme Nielsen s’est sentie obligée de quitter sa fonction de conseillère en raison des agissements de M. Raymond Morris. Je rappelle qu’elle a exprimé avoir décidé de présenter sa candidature en tant que conseillère parce qu’elle avait le désir de s’impliquer au sein de sa communauté et auprès de ses membres. Malheureusement, Mme Nielsen a trouvé dans cette fonction discrimination et souffrance, ce qu’elle n’aurait jamais dû subir.

[141]  De plus, elle a expliqué que les impacts sont toujours existants à ce jour. Elle a entre autres expliqué qu’il est difficile pour elle de maintenir de bonnes relations avec des membres de la communauté considérant sa réputation entachée par M. Raymond Morris. Elle a également dit que certains membres croient qu’elle a commis des actes fautifs alors qu’elle était conseillère. Elle s’est fait menacer de ne plus pouvoir travailler à l’usine d’eau potable, son emploi depuis longtemps. Elle s’est aussi fait dire que durant les procédures devant notre Tribunal, elle ne devrait pas avoir le droit de demeurer au sein de la Nation. Finalement, elle a lu des commentaires désobligeants à son sujet sur Facebook de la part d’autres membres, à la suite de ce qui s’était passé avec M. Raymond Morris.

[142]  L’objectif d’octroyer des dommages pour préjudice moral est de dédommager, tant que faire se peut, la partie plaignante pour les souffrances et les douleurs qu’elle a subies, incluant l’atteinte intrinsèque à sa dignité.  

[143]  Pour toutes ces raisons, je lui accorde la somme de 5 000 $ en application de l’article 53 (2) (e) LCDP, somme qui est fort raisonnable.

(ii)  Dommages pour pertes de salaire

[144]  Mme Nielsen demande également la somme de 25 500 $ pour perte de salaires en application de l’alinéa 53 (2) (c) LCDP. Je lui accorde également ces dommages.

[145]  Le raisonnement derrière cette demande est simple. Mme Nielsen a expliqué avoir quitté prématurément son poste de conseillère en mars 2017, alors que son mandat prenait fin en novembre 2018. Selon la prépondérance des probabilités, je donne foi à la preuve qui a été déposée par Mme Nielsen à ce sujet.

[146]  Mme Nielsen a expliqué qu’en raison des propos et des agissements discriminatoires de M. Raymond Morris, tout cela a créé un environnement de travail hostile et malsain, ce qui l’a poussée à quitter sa fonction de conseillère prématurément puisque la situation était insoutenable.

[147]  En effet, les courriels, les propos et les messages textes de M. Raymond Morris ont perduré dans le temps et ont culminé avec les évènements de mai 2016. Je rappelle que j’ai déterminé que les propos et les agissements de l’ancien chef ont été la cause de cet environnement empoisonné, ce qui a non seulement été détaillé par Mme Nielsen, mais aussi corroboré par Mme West dans son témoignage. J’ai déjà réitéré à quelques reprises que la conseillère Charity Morris ainsi que le chef adjoint, M. Cody Reid, ont aussi quitté leur fonction prématurément en raison de cet environnement. Mme Nielsen a expliqué qu’elle ne voulait plus se rendre au bureau afin de se tenir loin de ce climat toxique.

[148]  Tout cela lui a causé un stress important et, par le fait même, lui a créé des problèmes de sommeil. Elle a expliqué que cela affectait sa vie en général, que sa réputation avait été entachée, qu’elle avait de la difficulté à maintenir de bonnes relations avec les autres membres. Sa seule avenue a été de quitter sa fonction prématurément afin de se protéger et de préserver sa santé mentale.

[149]  Je suis d’avis que la prépondérance des probabilités milite pour l’établissement du lien causal entre le départ prématuré de Mme Nielsen en mars 2017 et les pratiques discriminatoires commises par M. Raymond Morris. Corollairement, il existe un lien causal entre les actes discriminatoires subis par Mme Nielsen et la perte de salaire alléguée par celle-ci (Chopra c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 268).

[150]  Tel que le prescrit l’alinéa 53 (2) (c) LCDP, le Tribunal peut indemniser la victime pour la totalité ou la fraction des pertes de salaire qui ont été entrainées par l’acte.

[151]  Mme Nielsen a témoigné que les conseillers recevaient une somme de 1 500 $ par mois en tant qu’honoraires. Cette information a aussi été corroborée par Mme West qui, je le rappelle, occupait un poste de gestionnaire au sein du conseil. Elle a expliqué avoir été au courant des honoraires de 1 500 $ par mois alloués aux conseillers en raison de son travail et de ses fonctions qui l’amenaient à avoir accès à ce genre d’information financière.

[152]  Je n’ai rien dans la preuve qui me permette de remettre en question les témoignages de Mme Nielsen et de Mme West à ce sujet. Leurs témoignages sont également corroborés par de la preuve documentaire, puisque Mme Nielsen a déposé certains de ses relevés de la Banque CIBC. Ces documents ont été admis en preuve avec le consentement du représentant de l’intimée, M. Frank Morris.

[153]  Dans ces relevés, dont certaines informations personnelles ont été caviardées, il appert que Mme Nielsen recevait des dépôts de 1 500 $ par mois de la part de Nee Tahi Buhn et ce, de façon récurrente. Mme Nielsen n’a pas déposé tous ses relevés entre décembre 2014 et mars 2017 mais elle en a déposé près d’une dizaine et j’estime que cela est bien suffisant.

[154]  M. Frank Morris a rapidement témoigné par rapport à cette somme mensuelle de 1 500 $ octroyée aux conseillers. Il a d’abord tenté de diminuer le poids des documents déposés par Mme Nielsen notamment puisque la première page de son document ne contient aucune date, aucune signature, etc.

[155]  Dans son témoignage, Mme Nielsen a précisément expliqué que c’est elle qui a rédigé la première page de son document, et ce, afin de donner une image générale des mois où elle a reçu des honoraires. Je comprends que Mme Nielsen a utilisé un programme de rédaction, par exemple Word, afin de créer ce document. Le but étant d’assister les parties et le Tribunal et de résumer les informations qui se retrouvent dans les relevés bancaires eux-mêmes.

[156]  Je ne suis pas prêt à diminuer le poids qui doit être accordé aux relevés de la Banque CIBC comme le demande l’intimée, puisque la première page est un résumé créé par Mme Nielsen. Ce n’est pas le résumé en tant que tel qui est important dans les circonstances, mais bien les relevés bancaires eux-mêmes. La première page est utile, mais ce n’est pas ce document qui est constitutif de la preuve. Ce sont les relevés bancaires que je prends en considération dans ma décision puisqu’ils corroborent les témoignages de Mme Nielsen et de Mme West en ce que les conseillers recevaient de l’intimée une somme de 1 500 $ par mois en honoraires.

[157]  M. Frank Morris a aussi brièvement expliqué que ce sont les conseillers eux-mêmes qui se sont attribués ces honoraires et que les sommes n’étaient pas correctes ou autorisées. En fait, je comprends que M. Frank Morris semble remettre en question la légitimé du montant des honoraires versés aux conseillers.

[158]  Cette question n’est pas pertinente dans les circonstances puisque le Tribunal n’a pas pour mandat de réviser les décisions d’un conseil ni de se prononcer sur la légitimée de ce genre de décision. Mon rôle n’est pas de décider si cette somme est légitime ou non, mais plutôt de déterminer s’il y a existence de discrimination et si oui, de dédommager la partie plaignante entre autres pour les pertes de salaire qu’elle a subies.

[159]  Dans les circonstances, la prépondérance des probabilités milite en la faveur que Mme Nielsen recevait de l’intimée, en tant qu’honoraires, une somme de 1 500 $ par mois, ce qui a été corroboré tant par la preuve testimoniale que documentaire.

[160]  Mme Nielsen a demandé 17 mois de compensation pour pertes de salaire, pour une somme totale de 25 500 $ (17 mois à 1 500 $ par mois). Cela dit, elle a témoigné avoir démissionné en mars 2017 et que son mandat se serait sinon terminé en novembre 2018.

[161]  Bien qu’initialement, la position de Mme Nielsen fût à l’effet qu’elle avait quitté en juin 2016, informations que nous retrouvons par exemple dans son exposé des précisions ou le document qu’elle a créé quant à ses relevés bancaires de la Banque CIBC, elle a répété à plus d’une reprise lors de son témoignage avoir démissionné en mars 2017. Elle a été claire à cet effet dans son interrogatoire en chef. Elle s’est aussi elle-même corrigée lorsqu’elle a déposé son document résumant ses relevés bancaires et a précisé qu’il y avait erreur et que sa démission avait effectivement eu lieu en mars 2017.

[162]  Cela étant clarifié, entre son départ prématuré et la fin prévue de son mandat, je calcule environ 20 ou 21 mois de travail.

[163]  Il n’est pas clair pour moi des raisons pour lesquelles Mme Nielsen demande spécifiquement 17 mois de pertes de salaire : aurait-elle déduit des mois de congés ou de vacances ? La preuve ne me permet pas de répondre à cette interrogation. Néanmoins, Mme Nielsen a expliqué dans ses remarques d’ouverture, son témoignage, son exposé des précisions, qu’elle recherchait 17 mois de salaires, à 1 500 $ par mois. Ainsi, j’estime qu’elle a été constante dans ses représentations à ce sujet.

[164]  L’article 53 (2) (c) LCDP prévoit que le Tribunal peut dédommager la victime pour la totalité ou la fraction des pertes de salaire entrainées par l’acte discriminatoire. Corollairement, il en découle qu’une victime ne peut pas non plus être surcompensée (Chopra c. Canada (Procureur général) [Chopra CF], 2006 CF 9, aux par. 41 et 42 et voir l’appel de cette décision, Chopra c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 268). Encore faut-il qu’il existe un lien causal entre la perte de salaire et l’acte discriminatoire, ce qui est le cas en l’espèce.

[165]  Mme Nielsen a donc le droit d’être remise dans son état antérieur, comme si elle n’avait pas vécu d’actes discriminatoires. En fait, n’eût été des agissements et propos discriminatoires de M. Raymond Morris, Mme Nielsen aurait maintenu ses fonctions et aurait reçu ses honoraires mensuels jusqu’en novembre 2018. La perte de salaire découle ainsi des actes discriminatoires commis par M. Raymond Morris.

[166]  Dans le cas en l’espèce, Mme Nielsen n’a pas mis en preuve la date spécifique de sa démission. Elle a tout simplement expliqué avoir quitté en mars 2017 et rechercher une compensation pour pertes de salaire pour une durée de 17 mois.

[167]  Ce faisant, je lui accorde 25 500$ pour pertes de salaire en application de l’article 53 (2) (c) LCDP.

(iii)  Lettre d’excuses

[168]  Je n’ai pas l’intention de m’attarder longuement sur cette question puisqu’il a été décidé par la Cour fédérale dans Canada (Procureur Général) c. Stevenson, 2003 CFPI 341, que la LCDP ne permet pas au membre instructeur d’ordonner qu’une partie présente des excuses.

[169]  Cette décision de la Cour fédérale a été suivie par le Tribunal ultérieurement dans plusieurs décisions (voir entre autres Brown c. la Commission de la capitale nationale et Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, 2006 TCDP 26, par. 293 ; Culic c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 1, aux par. 315 et 316 ; Goodwin c. Birkett, 2004 TCDP 29, au par. 27 ; Groupe d’aide et d’information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec Inc. c. Barbe, 2003 TCDP 24, au par. 78).

[170]  Mme Nielsen ne m’a pas présenté d’arguments qui permettraient que je m’éloigne de cette tendance jurisprudentielle bien établie et conséquemment, je rejette cette demande.

B.  Réparations demandées par la Commission

[171]  La Commission supporte Mme Nielsen dans les réparations personnelles qu’elle recherche devant le Tribunal. En plus, la Commission recherche ses propres réparations. Plus spécifiquement, elle demande que l’intimée mette fin à ses actes discriminatoires et qu’elle prenne des mesures concrètes, en consultation avec la Commission, afin de prévenir des actes semblables dans le futur (alinéa 53 (2)(a) LCDP).

[172]  Elle demande que l’intimée mette en place des politiques sur les droits de la personne et contre le harcèlement, politiques qui seront révisées par la Commission.

[173]  Après la création de ces politiques, elle demande que l’intimée engage un expert externe afin qu’il forme les conseillers du conseil de bande, le chef, ainsi que le personnel du conseil de bande, sur ces nouvelles politiques.

[174]  Mme Nielsen a témoigné à l’effet que lorsqu’elle a été nommée conseillère et pendant son mandat, elle n’a pas eu connaissance que l’intimée avait des politiques sur les droits de la personne et contre le harcèlement. Elle a également confirmé n’avoir reçu aucune formation à ces sujets. La seule formation qu’elle a confirmée avoir reçue a été offerte par les services policiers, en matière de violence.

[175]  Cela a également été corroboré par Mme West. À sa connaissance, l’intimée n’avait pas mis en place ce genre de politiques et elle n’a pas reçu de formation non plus à ces sujets.

[176]  Comme l’intimée n’a présenté aucune preuve à ce sujet, n’a déposé aucun document, aucune politique, je donne foi aux témoignages de Mme Nielsen et Mme West. Je n’ai aucune raison de remettre en question les informations qu’elles m’ont présentées à l’audience. Ainsi, la prépondérance des probabilités milite en la faveur que l’intimée n’ait aucune politique sur les droits de la personne et contre le harcèlement et qu’elle n’offre aucune formation à son personnel, conseillers et chef, sur ces sujets qui sont pourtant d’une grande importance.

[177]  L’intimée ne peut se soustraire à l’application de la LCDP et des droits et obligations qui y sont contenus. Depuis le retrait de l’ancien article 67 en 2008, les conseils de bande des Premières Nations du Canada doivent tout autant se soumettre aux obligations de la LCDP et doivent s’assurer que leurs milieux de travail sont exempts de harcèlement et de traitements défavorables qui seraient par ailleurs fondés sur des motifs de distinction illicite protégés par la LCDP.

[178]  Comme je l’ai écrit dans la décision Nur c. Compagnie de chemins de fer nationaux du Canada [Nur], 2019 TCDP 5, au par. 92, les procédures et les politiques d’une entreprise, qu’elles concernent les droits de la personne, la discrimination, le harcèlement, les accommodements des personnes ayant des besoins spécifiques, etc., sont les véhicules, les outils, qui sont utilisés afin que l’entreprise puisse rencontrer ses obligations juridiques en matière des droits de la personne.

[179]  Les politiques et les procédures servent à prévenir, sensibiliser, enseigner et agir, dans le domaine des droits de la personne. Bien que dans Nur, il s’agissait de politiques et de procédures d’une entreprise, je suis d’avis que les mêmes commentaires s’appliquent pour toutes associations, organisations, agences, etc., fédérales incluant les conseils de bande.

[180]  Je juge que la demande de la Commission est tout à fait appropriée dans les circonstances et j’y donnerai suite.

[181]  J’ordonne à l’intimée de mettre fin aux actes discriminatoires et de mettre en place des mesures afin de prévenir que des actes similaires se reproduisent dans l’avenir. Afin d’y parvenir, je lui ordonne de mettre en place des politiques sur les droits de la personne et contre le harcèlement dans le milieu de travail, en consultation avec la Commission.

[182]  À la suite de la création de ces politiques, j’ordonne à l’intimée d’engager un expert externe qui verra à former le personnel du conseil de bande, conseillers ainsi que le chef, sur ces politiques nouvellement adoptées.

[183]  Une seule préoccupation demeure. Si M. Frank Morris, représentant de l’intimée, n’a pas présenté de défense dans cette plainte, un élément est ressorti de ses diverses interventions à l’audience et c’est l’existence de la désorganisation qui règne au sein de l’intimée.

[184]  Je crois que la participation minimale de l’intimée dans les procédures du Tribunal, téléconférences, etc. met tout autant en lumière les difficultés qui règnent chez l’intimée. Les délais qui ont été nécessaires pour se rendre à l’audience (soit près de 21 mois), notamment en raison des difficultés à avoir la participation de l’intimée, démontrent que le temps est un facteur important à considérer.

[185]  Malgré cela, je suis ferme à l’effet que ce n’est pas parce que l’intimée est une organisation désorganisée qu’elle devrait obtenir un passe-droit afin de ne pas respecter ses obligations juridiques en matière de droits de la personne. Et je n’ai aucun doute que la Commission, qui sera un agent consultatif dans ce dossier, restera alerte, pragmatique et sensible aux difficultés que peut vivre le conseil ainsi que la Nation.

[186]  En conséquence, j’adapte le délai afin que l’intimée puisse se conformer à cette ordonnance et je lui accorde un délai de 18 mois à partir de la date de la présente décision. Enfin, je suis clair à l’effet que je ne retiens pas juridiction dans ce dossier.

C.  Intérêts

[187]  Mme Nielsen n’a pas spécifiquement demandé le versement d’intérêts avant jugement comme le permet le paragraphe 53 (4) LCDP.

[188]  À ce sujet, j’ai déjà exprimé que malgré l’absence d’une demande spécifique en la matière, j’estime que le membre instructeur jouit d’une discrétion afin d’accorder des intérêts (voir Willcott c. Freeway Transportation, 2019 TCDP 29, aux par. 277 à 282).

[277] Les intérêts avant jugement ne sont pas une catégorie distincte des dommages-intérêts qu’une partie plaignante peut réclamer. Les intérêts font partie de l’ensemble de la réclamation. Ce faisant, il n’est pas nécessaire de les réclamer expressément puisqu’‘ils découlent naturellement de la perte originale.

[278] Les intérêts constituent un élément du processus d’indemnisation. L’objectif de l’adjudication des dommages vise à remettre la personne lésée dans la situation où elle aurait été, s’il n’y avait pas eu question du préjudice subi (voir Apotex Inc. c. Wellcome Foundation Ltd. [Apotex], [2001] 1 CF 495, aux par. 120 et 121).

[279] De plus, les intérêts :

[…] sur l’indemnité ont comme objectifs, entre autres, d’empêcher la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire de tirer profit des délais qui sont engendrés par le processus quasi judiciaire et surtout, de compenser équitablement la victime de l’acte discriminatoire pour le préjudice qu’elle a subi et par le fait même, du retard à être indemnisée.

(Duverger c. 2553-4330 Québec Inc. (Aéropro), 2019 TCDP 18, au par. 318. La même idée est exprimée dans Apotex, précité, au par. 122).

[280] Le membre instructeur jouit d’une discrétion afin d’accorder des intérêts sur les dommages et les sommes accordées (voir Brunskill, précité, au par. 168). Le paragraphe 53 (4) LCDP se lie comme suite :

Sous réserve des règles visées à l’article 48.9, le membre instructeur peut accorder des intérêts sur l’indemnité au taux et pour la période qu’il estime justifiés.

[Je mets l’emphase]

[281] Le Tribunal s’est aussi doté de règles en matière de calcul des intérêts sur les dommages. À cet effet, la règle 9 (12) des Règles de procédure (03-05-04) prévoit que :

9 (12) À moins d’ordonnance contraire de la part du membre instructeur, tous les intérêts accordés conformément au paragraphe 53 (4) de la Loi canadienne sur les droits de la personne doivent

a) être calculés à taux simple sur une base annuelle en se fondant sur le taux officiel d’escompte fixé par la Banque du Canada (données de fréquence mensuelle) ;

b) courir de la date où l’acte discriminatoire s’est produit jusqu’à la date du versement de l’indemnité.

[282] La conjonction du paragraphe 53 (4) LCDP et de la règle 9 (12) des Règles de procédure informent clairement les parties que lorsqu’elles procèdent devant le Tribunal, le membre instructeur a la discrétion pour ordonner des intérêts sur les indemnités. Elles sont également au courant de la manière dont il pourra calculer les intérêts et à compter de quelle date les intérêts courront, c’est-à-dire à la date où l’acte discriminatoire s’est produit, et ce, jusqu’à la date du versement de l’indemnité.

[189]  Considérant la preuve qui a été déposée, le point culminant des événements de cette plainte débute le 15 mai 2016 alors que M. Raymond Morris envoie le premier courriel comportant des propos discriminatoires à l’encontre de Mme Nielsen. J’accorderai donc, pour les dommages pour préjudice moral, des intérêts à partir de cette date.

[190]  Quant à la perte de salaire, comme Mme Nielsen n’a eu d’autre choix que de quitter sa fonction de conseillère en raison du traitement défavorable et du harcèlement commis par M. Raymond Morris, et que la date de son départ est en mars 2017, j’accorderai des intérêts à partir du 1er mars 2017.

VI.  Décision

[191]  Pour tous ces motifs, j’accorde à Mme Nielsen une somme de 5 000 $ en application de l’alinéa 52 (2) (e) LCDP.

[192]  Les intérêts sont calculés à taux simple sur une base annuelle en se fondant sur le taux officiel d’escompte fixé par la Banque du Canada (données de fréquence mensuelle), calculés en date du 15 mai 2016, et ce, jusqu’à la date du versement des indemnités.

[193]  J’accorde à Mme Nielsen une somme de 25 500 $ en application de l’alinéa 53 (2) (c) LCDP.

[194]  Les intérêts sont calculés à taux simple sur une base annuelle en se fondant sur le taux officiel d’escompte fixé par la Banque du Canada (données de fréquence mensuelle), calculés en date du 15 mars 2017, et ce, jusqu’à la date du versement des indemnités.

[195]  J’ordonne à l’intimée de mettre fin aux actes discriminatoires et de prendre des mesures afin de prévenir que de tels actes se reproduisent dans l’avenir. Plus précisément, j’ordonne à l’intimée, dans les 18 mois suivant la date de cette décision :

·  d’élaborer des politiques sur les droits de la personne et contre le harcèlement, en consultation avec la Commission ;

·  après la création de ces politiques sur les droits de la personne et contre le harcèlement, d’engager un expert externe afin de former son personnel, les conseillers ainsi que le chef, sur celles-ci.

Signée par

Gabriel Gaudreault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 18 décembre 2019

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2256/1118

Intitulé de la cause : Hayley Nielsen c. Nee Tahi Buhn Indian Band

Date de la décision du tribunal : Le 18 décembre 2019

Date et lieu de l’audience : 4 et 5 novembre 2019

Burns Lake, Colombie-Britannique

Comparutions :

Hayley Nielsen, pour elle même

Samar Musallam , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Frank Morris, pour l'intimé

 

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