Tribunal canadien des droits de la personne

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Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2019 TCDP 26

Date : 12 juin 2019

Numéros des dossiers : T2231/5317 et T2232/5417

Entre :

Roger Khouri et Francois Khouri

les plaignants

 - et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Virgin Mobile Canada

l'intimée

  Décision sur requête

 Membre instructeur :  Colleen Harrington



I.  Introduction

[1]  Les plaignants, Roger Khouri et Francois Khouri, sont frères et clients de la téléphonie mobile de l’intimée, Virgin Mobile Canada (Virgin Mobile), une marque exploitée par Bell Mobilité Inc. Roger Khouri et Francois Khouri sont tous les deux aveugles au sens de la loi et incapables de lire des documents imprimés. Francois est client de Virgin Mobile depuis février 2014 et Roger depuis juin 2015.

[2]  Les plaignants ont déposé des plaintes auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) en 2016, dans lesquelles ils allèguent tous les deux que Virgin Mobile les a défavorisés dans la prestation de services ou leur a privé l’accès à des services d’une manière qui est liée à leur invalidité ou les deux, en contravention à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

[3]  La Commission a demandé au Tribunal d’instruire ces plaintes et, en janvier 2019, elle a présenté une requête en vue d’obtenir une ordonnance prescrivant Virgin Mobile de produire certains documents en rapport, selon elle, avec les faits, les questions, les défenses et les mesures de réparation déterminés par les parties à ces plaintes. Les plaignants appuient la requête de la Commission.

[4]  Après que Virgin Mobile a répondu à la requête, la Commission a révisé celle–ci et a réduit le nombre de documents qu’elle cherchait à obtenir, même si les plaignants pensent que Virgin Mobile devrait produire tous les documents demandés dans la requête initiale.

[5]  Je suis d’avis que la majorité des documents demandés par la Commission dans sa requête révisée concernent vraisemblablement les faits, les questions et les mesures de réparation soulevés dans ces plaintes et qu’il faut ordonner leur production, comme cela est énoncé dans l’ordonnance ci–après.

[6]  Afin de situer le contexte de ma décision, je commencerai par résumer les positions des parties concernant les plaintes telles qu’elles sont décrites dans leur exposé des précisions. Ce faisant, je ne tire aucune conclusion de fait.

II.  Allégations contenues dans les plaintes et les exposés des précisions des parties

[7]  Les plaignants allèguent qu’ils ont fait l’objet de discrimination lorsqu’ils accédaient à certains services offerts par Virgin Mobile, et ce en raison de leur déficience visuelle.

A.  Service d’annuaire 411

[8]  En raison de leur déficience visuelle, les plaignants utilisent le service d’assistance annuaire 411 (service 411) pour trouver des numéros de téléphone et effectuer des appels. Les plaignants déclarent que leurs derniers fournisseurs de téléphonie mobile accordaient systématiquement une exemption des frais du service 411 aux utilisateurs ayant une déficience visuelle et que ces frais n’apparaissaient donc pas sur leurs factures de téléphone. Cependant, leurs factures de téléphone de Virgin Mobile comprennent les frais pour toutes les fois où ils ont utilisé le service 411 pendant la période de facturation. Contrairement aux clients sans déficience visuelle qui peuvent consulter et payer leurs factures en ligne quand ils le veulent, les plaignants disent qu’ils n’ont d’autre choix que de téléphoner chaque mois au centre d’appel de Virgin Mobile pour connaître le montant réel dû, ce qui leur demande souvent d’expliquer aux employés du centre d’appel pourquoi les frais de service 411 devraient être supprimés de leurs factures, au cours de ce qu’ils ont décrit comme étant [traduction] « des appels frustrants et souvent longs [1]  ». Les plaignants pensent que rien dans le système de Virgin Mobile n’indique qu’ils ont une déficience visuelle et qu’ils ont, par conséquent, droit à une exemption des frais de service 411. La Commission allègue que la frustration et le temps que représente l’utilisation du service 411 pour les plaignants ou d’autres personnes ayant une déficience visuelle [traduction] « constituent une distinction défavorable liée à la déficience visuelle des plaignants [2]  ».

[9]  Virgin Mobile déclare fournir à ses clients un accès au Centre de services d’accessibilité (CSA) de Bell Mobilité, qui aide à répondre aux besoins des clients qui s’identifient comme ayant une déficience. Elle ajoute que le CSA garde une liste des clients ayant une déficience et ayant droit à des crédits pour le service 411. Virgin Mobile affirme que son système de facturation ne peut pas déduire à l’avance les crédits pour le service 411. Mais, une fois que le CSA déduit les crédits des personnes figurant sur la liste, le client peut consulter en ligne le solde de compte mis à jour avant la date d’échéance du paiement. Virgin Mobile conteste donc l’allégation selon laquelle les clients doivent téléphoner au centre d’appel pour faire déduire les crédits correspondant au service 411.

[10]  Virgin Mobile soutient également que les plaignants ne pourront pas prouver qu’ils sont victimes de discrimination au sens de l’article 5 de la Loi, car les crédits relatifs au service 411 qui leur sont offerts constituent un [traduction] « avantage facultatif » destiné à aider les clients ayant une déficience, contrairement aux « services » offerts aux membres du « public », comme l’exige la Loi [3] .

[11]  En second lieu, si les plaignants peuvent prouver une discrimination prima facie en ce qui concerne le service 411, Virgin Mobile déclare vouloir s’appuyer sur les exceptions prévues par la Loi énoncées à l’alinéa 15(1)g) (à savoir qu’il existe un motif justifiable à la conduite ou à la pratique discriminatoire alléguée) et au paragraphe 16(1) (auquel l’intimée renvoie comme étant l’exception liée au [traduction] « programme d’amélioration »). La Commission avance que l’adaptation qui consiste, de la part de Virgin Mobile, à accorder aux plaignants et aux autres clients ayant une déficience des crédits pour le service 411 [traduction] « n’empêche pas qu’elle soit considérée comme une pratique discriminatoire » au sens de la Loi, contrairement à ce que prétend l’intimée.

B.  Accessibilité de l’information au moyen de VoiceOver

[12]  Les plaignants prétendent également que certaines caractéristiques des applis Mon compte et Mes avantages de Virgin Mobile, son site Web et certains textos qui leur sont envoyés par Virgin Mobile ne sont pas accessibles aux clients ayant une déficience visuelle. Ces éléments ne sont pas accesibles à eux lorsqu’ils utilisent l’application de synthèse texte‑parole intégrée dans le système d’exploitation iOS de tous les appareils Apple, y compris les iPhone, que Virgin Mobile vend à ses clients. Le programme, appelé « VoiceOver », donne des descriptions auditives de tous les éléments affichés à l’écran et est la seule application de synthèse texte‑parole produite par Apple.

[13]  Virgin Mobile explique que la technologie des applications mobiles ne cesse d’évoluer et qu’elle–même développe et met continuellement à jour son appli Mon compte pour améliorer l’expérience client, y compris l’amélioration de son accessibilité. L’intimée précise qu’elle engage des testeurs ayant une déficience visuelle pour évaluer l’accessibilité de l’appli, pour pouvoir repérer et régler proactivement tout problème, y compris ceux soulevés par les plaignants pour ce qui est de rendre l’appli Mon compte compatible avec VoiceOver. Les plaignants contestent l’affirmation selon laquelle les mises à jour de l’appli Mon compte ont réglé tous les problèmes d’accessibilité qu’ils ont soulevés et que cette appli est aujourd’hui entièrement accessible aux clients ayant une déficience visuelle.

[14]  Virgin Mobile répond ainsi à l’allégation selon laquelle les liens dans ses textos ne sont pas accessibles au moyen de VoiceOver en disant : [traduction] « le problème ne vient pas de l’appli Mon compte [4]  ». La Commission et les plaignants s’opposent à ce que Virgin Mobile restreigne la portée de la plainte. Ils font valoir que tous les renseignements sur les services offerts par Virgin Mobile doivent être, mais ne le sont malheureusement pas, accessibles aux clients ayant une déficience visuelle, et cela comprend les textos qu’elle adresse à ses clients.

C.  Contrats de service accessibles

[15]  Roger Khouri affirme également qu’il a demandé à de nombreuses reprises de recevoir une copie accessible de ses contrats de service, mais qu’il n’a jamais reçu de la part de Virgin Mobile de CD en texte électronique ou de CD audio. Virgin Mobile répond que, selon ses dossiers, elle lui a bel et bien envoyé à plusieurs reprises des CD en texte électronique et des CD audio, et ce, pas plus tard qu’en janvier 2018. Roger Khouri conteste cette affirmation et précise plutôt qu’il a reçu ses factures mensuelles sur des différents formats, ce qu’il n’avait pas demandé, et que ces formats ne sont de toute façon pas compatibles avec son lecteur d’écran.

III.  Requête en divulgation présentée par la Commission visant la production de documents

[16]  Le 18 janvier 2019, la Commission a présenté sa requête en divulgation portant sur 19 catégories de documents (énoncées aux alinéas 39a) à s) de ses observations écrites à l’appui de la requête). Les plaignants ont approuvé la requête de la Commission et l’ont appuyée.

[17]  La Commission a révisé sa requête en divulgation pour y inclure que les documents que Virgin Mobile refuse de produire. Cette révision a été faite après que Virgin Mobile a répondu  à la requête de la Commission, où elle déclare qu’elle a déjà produit certains des documents demandés, qu’elle n’est pas en possession de certains autres ou qu’ils n’existent pas et qu’elle accepte de produire d’autres documents.

[18]  La Commission demande maintenant au Tribunal d’ordonner à Virgin Mobile de remettre les documents qu’elle a accepté de produire, comme cela est mentionné au paragraphe 13 des observations en réplique de la Commission dans cette requête, ce que j’accepte de faire.

[19]  De plus, la Commission continue de demander qu’il soit ordonné à Virgin Mobile de produire plusieurs catégories de documents qui, selon elle, peuvent être pertinents à l’égard des faits, des questions, des défenses et des mesures de réparation ou l’un des quatre déterminés par les parties. La Commission soutient qu’en tant que partie chargée de représenter l’intérêt public en vertu de l’article 51 de la Loi, elle doit avoir [traduction] « la possibilité pleine et entière de participer à l’enquête [5]  ». Elle affirme que les documents demandés permettront également aux parties de définir la portée des mesures de réparation éventuelle dont il est question dans l’instance.

[20]  La Commission demande maintenant au Tribunal d’ordonner à Virgin Mobile de produire les documents suivants, que je classe en six catégories :

  1. Toutes les notes concernant les comptes des plaignants, ainsi que tous les documents accessibles suivants : enregistrements audio, transcriptions d’appels et notes relatives aux appels des plaignants à Virgin Mobile du moment où ils en sont devenus clients jusqu’à ce jour.
  2. Tous les documents relatifs au travail effectué par Virgin Mobile pour améliorer l’accessibilité de l’appli de Virgin Mobile de 2014 à ce jour.
  3. Tous les documents expliquant l’historique et les activités du Centre de services d’accessibilité (CSA) de Virgin Mobile, ainsi que les renseignements confirmant que les plaignants ont été informés de son existence et qu’ils ont été inscrits sur sa « liste d’exemption spéciale » pour les frais de service 411.
  4. Tous les documents relatifs à l’interaction de l’employée de Virgin Mobile, Andrea Roworth, à l’égard du programme de crédits du service 411 et à la connaissance qu’elle a de l’historique des relations du service à la clientèle de Virgin Mobile avec les plaignants.
  5. Tous les documents relatifs à toute contrainte excessive qu’occasionneraient pour Virgin Mobile les mesures d’adaptation visant à répondre aux besoins des plaignants.
  6. Des copies des textos promotionnels que les plaignants ont reçus de Virgin Mobile depuis qu’ils sont clients de celle‑ci.

IV.  Question à trancher

[21]  Les parties conviennent que la seule question à trancher par rapport à cette requête est celle de déterminer si les documents exigés peuvent être pertinents à l’égard des faits, des questions ou des mesures de réparation demandées dans ces plaintes.

V.  Principes juridiques

[22]  La Commission souligne que les parties échangent des documents avant une audience afin qu’elles aient une possibilité suffisante de présenter leur cause et de se préparer convenablement en vue de l’audience. À l’appui de sa requête, la Commission cite le paragraphe 50(1) de la Loi, qui prévoit que toutes les parties doivent avoir « la possibilité pleine et entière » de comparaître et de présenter des éléments de preuve et des observations. Elle s’appuie aussi sur l’article 6 des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (les Règles) aux termes duquel toutes les parties doivent énumérer et produire, initialement et de façon continue, tous les documents en leur possession, pour lesquels aucun privilège de non‑divulgation n’est invoqué, et qui sont « potentiellement pertinents » à l’égard d’un fait, d’une question ou d’une forme de réparation demandée en l’occurrence.

[23]  Pour que des documents puissent être considérés comme pertinents en vertu de l’article 6, il doit y avoir un « lien rationnel » entre le document demandé et un fait, une question ou une mesure de redressement mentionnés par une partie à l’instance [6] . La pertinence potentielle d’un document doit être déterminée au cas par cas [7] . Il incombe à la partie requérante de démontrer le lien rationnel [8] .

[24]  Pour expliquer le sens du terme « pertinence » dans ce contexte, le Tribunal a formulé les observations suivantes :

[…] À l’égard de la question de la pertinence, la Cour suprême a mentionné qu’un défendeur doit démontrer non pas que la preuve est pertinente au sens traditionnel du mot, mais que la divulgation du document sera utile, est appropriée, est susceptible de faire progresser le débat et repose sur un objectif acceptable qu’il cherche à atteindre dans le dossier, et que le document se rapporte au litige (au paragraphe 23) [9] .

[25]  La demande de divulgation ne doit pas être spéculative ou ne doit pas équivaloir à une « partie de pêche ». Les documents demandés devraient plutôt être décrits de manière suffisamment précise. Autrement dit, la demande « ne devrait pas obliger une partie ou une personne étrangère au litige à se soumettre à une recherche onéreuse et fort étendue de documentation [10]  ».

[26]  Cependant, le seuil en ce qui concerne la production de documents potentiellement pertinents est faible et la tendance favorise une divulgation plus générale à cette étape [11] . En outre, le simple fait d’ordonner la production d’un document à cette étape de l’instance ne signifie pas nécessairement qu’il sera admissible en preuve à l’audience ou que le Tribunal lui accordera une importance significative [12] .

VI.  Analyse

[27]  Dans l’examen des documents demandés par la Commission, je résumerai les positions des parties pour ce qui est de savoir si je devrais ordonner leur divulgation. J’indiquerai ensuite ma décision par rapport à chaque demande. Je souligne que, pour chaque demande, la Commission sollicite la production de documents dans un format accessible aux plaignants.

[traduction]

  1. Toutes les notes concernant les comptes des plaignants chez l’intimée, ainsi que toutes les notes relatives aux appels, les transcriptions d’appels et les enregistrements audio accessibles relatifs aux appels des plaignants à Virgin Mobile depuis qu’ils sont devenus clients de l’intimée jusqu’à présent [13] .

[28]  Virgin Mobile affirme qu’elle a déjà produit toutes les notes concernant les comptes et les transcriptions des appels audio en sa possession, jusqu’au 31 octobre 2018, qui peuvent être pertinentes à l’égard des questions soulevées dans ces plaintes et qui sont, de son point de vue : la facturation du service 411, l’appli de Virgin Mobile et les contrats accessibles. L’intimée déclare qu’elle continuera de respecter ses obligations de divulgation continue.

[29]  La Commission et les plaignants s’élèvent contre la qualification restrictive que Virgin Mobile propose au sujet des problèmes soulevés dans les plaintes. Ils soulignent que les plaintes ne portent pas sur des problèmes spécifiques auxquels se sont heurtés les plaignants relativement aux efforts d’adaptation en cours de Virgin. La question porte plutôt sur les renseignements provenant de différents services de Virgin Mobile qui doivent être compatibles avec les lecteurs d’écran pour que les clients ayant une déficience visuelle y aient accès, y compris le service 411, les applis de Virgin Mobile, ses contrats de service et les relevés mensuels, les textos envoyés aux clients et son site Web. La Commission estime qu’une plus grande accessibilité des services de Virgin est une question d’intérêt public, raison pour laquelle elle demande des mesures de réparation d’intérêt public.

[30]  Par ailleurs, Virgin Mobile déclare ne pas avoir d’enregistrements audio de tous les appels mentionnés dans les notes relatives aux comptes. Francois Khouri se demande pourquoi il en est ainsi, car il a l’impression que Virgin Mobile enregistrait tous les appels des clients au service à la clientèle. Lui–même et Roger Khouri se demandent également si certains de leurs appels téléphoniques enregistrés n’ont pas été effacés depuis qu’ils ont déposé plainte. Roger Khouri soutient que Virgin Mobile était tenue de conserver et de préserver tous les documents depuis le début de ce processus relatif aux droits de la personne.

[31]  Virgin Mobile déclare aussi que les enregistrements audio des appels téléphoniques contiennent des renseignements personnels concernant des tiers qu’il faudrait expurger. La Commission fait observer que les employés du centre d’appel de Virgin Mobile sont employés pour communiquer avec le public. Francois Khouri se demande quels renseignements personnels ces appels téléphoniques pourraient contenir, autre que du nom de l’employé et des renseignements personnels le concernant qu’il accepte de voir communiquer dans le cadre de ce processus. Selon la Commission, Virgin Mobile pourrait régler son problème concernant des renseignements sur des tiers en expurgeant les renseignements personnels dans les dossiers, qu’ils soient audio ou écrits. Elle souligne en outre que le Tribunal peut également rendre une ordonnance de confidentialité à l’égard de ces documents.

[32]  Virgin Mobile soutient aussi qu’il serait déraisonnable de lui demander de transcrire tous les appels audio des plaignants, d’autant que Francois Khouri est client de Virgin Mobile depuis avril 2014, soit un an avant qu’il soit confronté aux problèmes allégués qui constituent le fondement des plaintes. La Commission déclare que les difficultés d’accès des plaignants aux services de Virgin Mobile de manière générale sont en cause. Elle avance que les renseignements au moment où ils sont devenus clients de Virgin Mobile peuvent montrer que Virgin Mobile a eu tôt connaissance de leurs besoins en matière d’accessibilité.

[33]  Francois Khouri propose, pour réduire le temps et le coût de transcription par Virgin Mobile des appels demandés, de ne divulguer que les enregistrements audio des appels mêmes, étant donné que c’est la solution qu’il privilégie de toute façon. Les plaignants soulignent que la version audio de ces appels montre le temps qu’ils ont passé au téléphone à essayer de régler leurs problèmes d’accessibilité et le manque d’information et de compréhension de la part des employés de Virgin Mobile en ce qui concerne leurs besoins en tant que clients ayant une déficience visuelle.

[34]  Décision du Tribunal : À ce stade‑ci, je n’approuve pas que les problèmes soulevés par les plaignants sont aussi limités que le prétendre Virgin Mobile.. Comme le Tribunal l’a déjà fait remarquer, pour être potentiellement pertinent, un document demandé doit être utile et susceptible de faire progresser le débat [14] . En me fondant sur un examen des plaintes relatives aux droits de la personne et des exposés des précisions des parties, j’admets que les obligations de divulgation de Virgin Mobile s’étendent à tous les aspects des interactions des plaignants avec Virgin Mobile dans lesquelles ils ont eu un problème d’accessibilité en tant que clients ayant une déficience visuelle. Cela comprend les textos envoyés par Virgin Mobile, son site Web et toute appli de Virgin utilisée par les plaignants, en plus des frais et crédits relatifs au service 411, ainsi que la fourniture de contrats de service et de relevés mensuels accessibles. Je suis également d’accord avec la Commission sur le fait que les renseignements au moment où les plaignants sont devenus clients peuvent montrer que Virgin Mobile a eu tôt connaissance de leurs besoins en matière d’accessibilité.

[35]  S’il est possible qu’une partie des notes relatives aux comptes des plaignants soit sans rapport avec les problèmes d’accessibilité, je ne dispose d’aucun élément pour l’instant sur l’ampleur des notes. Je demande à Virgin Mobile d’examiner toutes ses notes relatives aux comptes des plaignants depuis qu’ils sont clients et de divulguer celles qui se rapportent aux questions que j’ai formulées [15] . Si l’intimée se demande si certaines notes relatives aux comptes sont potentiellement pertinentes, elle peut les communiquer au Tribunal qui les examinera et décidera si elles doivent être divulguées.

[36]  J’ordonnerai également à Virgin Mobile de divulguer toutes les notes relatives aux appels et les enregistrements audio des appels téléphoniques des plaignants à Virgin Mobile depuis qu’ils sont clients de celle‑ci. Je conviens qu’en fonction du nombre d’appels enregistrés en la possession de Virgin Mobile, la transcription de tous ces appels pourrait occasionner un retard. Je suppose qu’un enregistrement audio est sans doute plus accessible à une personne aveugle au sens de la loi qu’une transcription écrite d’un appel qui doit ensuite être lue sur un lecteur d’écran, et c’est aussi la solution que préfèrent les plaignants. Par conséquent, j’accepte d’ordonner pour l’instant la communication des enregistrements audio seulement et non des transcriptions.

[37]  De plus, comme les plaignants prétendent qu’ils ont dû appeler Virgin Mobile pour régler certaines questions, car ils ne pouvaient pas le faire avec les applis ou sur le site Web, l’intimée devrait leur communiquer les enregistrements audio et les notes relatives aux appels pour tous leurs appels en sa possession. Ce n’est pas seulement le contenu des appels qui peut se révéler pertinent à l’égard de leurs plaintes, mais aussi le fait qu’ils aient dû appeler, parce qu’ils ne pouvaient avoir accès aux services de Virgin Mobile autrement.

[38]  Virgin Mobile n’a pas précisé quels renseignements personnels concernant des tiers qui pourraient se trouver dans les enregistrements audio des appels téléphoniques. S’il s’agit simplement des noms des préposés au service à la clientèle, il n’est pas nécessaire à mon avis de purger ces renseignements, sauf si Virgin Mobile décide qu’elle doit le faire, ce qui entraînera manifestement du retard. Ces enregistrements ne constitueront pas forcément des éléments de preuve à l’audience. Par conséquent, si Virgin Mobile souhaite demander que certains renseignements personnels soient expurgés ou demeurent confidentiels à l’audience, elle le pourra alors le faire.

[39]  En outre, si certains appels enregistrés des plaignants à Virgin Mobile ont été effacés, l’intimée doit en informer les plaignants et leur préciser quand et pourquoi cela s’est produit.

[traduction]

  1. Tous les documents relatifs au travail effectué par Virgin pour améliorer l’accessibilité de l’appli de Virgin Mobile de 2014 à ce jour, y compris, notamment :
    1. Tous les documents utilisés comme directives ou références, ou les deux, par les développeurs et les testeurs de Virgin avant et après ces plaintes dans le développement et les essais de l’appli de Virgin Mobile et de son site Web en ce qui concerne les essais visant à repérer des problèmes éventuels d’accessibilité pour les personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle.
    2. Tous les documents relatifs aux mises à jour de l’appli de Virgin Mobile en 2015 et 2016 dans lesquels figurent les mesures visant à remédier aux problèmes soulevés par les plaignants [16] , y compris les notes et documents d’enquête montrant quels problèmes ont été réglés et tout élément de preuve d’autres mises à jour apportées aux applis de Virgin Mobile depuis lors [17] .
    3. Tous les documents relatifs à l’engagement par Virgin de testeurs ayant une déficience visuelle pour les essais d’accessibilité de l’appli de Virgin Mobile visant à repérer et à régler de manière proactive les problèmes, et tous les documents relatifs à toute autre vérification de l’accessibilité effectuée sur l’appli de Virgin Mobile ou sur son site Web de 2014 à ce jour.
    4. Tous les documents relatifs aux fonctions de Jeremie Racine en tant que chef de conception et de réalisation de projet et à ses travaux sur les mesures correctives, ainsi qu’à tous les essais continus de l’appli de Virgin Mobile concernant l’accessibilité [18] .

[40]  La Commission soutient que l’information montrant les efforts déployés par Virgin Mobile de 2014 jusqu’à présent pour améliorer son appli concerne directement les questions soumises au Tribunal, y compris celle de savoir si Virgin Mobile a pris des mesures d’adaptation à l’égard des plaignants et d’autres clients aveugles ou ayant une déficience visuelle. Selon elle, les documents relatifs à l’analyse par Virgin Mobile des problèmes soulevés par les plaignants en 2015 et 2016 apporteraient des précisions sur la connaissance que Virgin Mobile avait des problèmes d’accessibilité et sur le moment où elle en a eu connaissance, ainsi que sur les mesures qu’elle a prises pour répondre aux préoccupations des plaignants. Selon la Commission, ces documents renseigneraient aussi sur les pratiques et procédures mises en place par Virgin pour régler les problèmes en matière d’accessibilité. Elle explique que cela est directement lié aux mesures de réparation d’intérêt public mentionnées par les plaignants, comme l’affectation par Virgin Mobile de techniciens au service des clients aveugles ou ayant une déficience visuelle qui éprouvent des difficultés sur son site Web et à l’égard de ses applis, et l’engagement par Virgin Mobile d’un consultant pour effectuer des essais de ses applis concernant l’accessibilité des utilisateurs aveugles ou ayant une déficience visuelle [19] .

[41]   De plus, la Commission souligne que Virgin Mobile a exprimé son intention d’appeler M. Racine à témoigner. Par conséquent, les documents relatifs à ses travaux doivent être produits afin que toutes les parties puissent se préparer pour l’audience.

[42]  Virgin Mobile soutient que la demande de la Commission est excessive, imprécise et non pertinente, car elle ne donne de précision sur aucune amélioration particulière relative à l’accessibilité qui pourrait se rapporter à ces plaintes. En réponse, la Commission précise que sa demande ne porte pas sur des documents liés à toutes les améliorations relatives à l’accessibilité, mais plutôt sur celles qui concernent les clients ayant une déficience visuelle. Elle réclame précisément les documents relatifs aux mises à jour apportées aux applis qui ont permis de régler les problèmes soulevés par les plaignants, ainsi qu’aux autres mises à jour apportées aux applis depuis lors qui sont potentiellement pertinentes en la matière.

[43]  Virgin Mobile déclare que les plaintes ont été déposées en 2016, mais que la Commission demande des documents relatifs aux travaux portant sur l’appli ou le site Web de 2014 à ce jour, ce qui représente une période trop grande et sans lien rationnel avec les plaintes. Virgin Mobile soutient aussi que l’accessibilité de son site Web n’a pas de lien rationnel avec les plaintes.

[44]  La Commission et les plaignants affirment que cette affaire concerne l’accessibilité générale des services de Virgin Mobile pour les clients ayant une déficience visuelle, y compris les plaignants, depuis qu’ils sont clients de Virgin Mobile. Les plaignants déclarent que l’inaccessibilité de l’appli Mon compte, de l’appli Mes avantages et du site Web de Virgin Mobile a toujours été au cœur de leurs plaintes.

[45]  Virgin Mobile explique par ailleurs que, si la Commission ne demande que des documents relatifs aux enquêtes menées au sujet des plaintes, de telles enquêtes auraient été faites sur instruction de l’avocat et elle estime que ces documents sont protégés par un privilège. La Commission conteste cet argument, faisant valoir qu’un document n’est pas nécessairement couvert par un privilège du simple fait qu’il est lié à une instruction donnée par un avocat. Elle souligne que Virgin Mobile ne cite pas de jurisprudence à l’appui d’une revendication d’un privilège de non‑divulgation à l’égard de documents demandés. La Commission précise qu’elle ne demande pas de documents visés par un privilège de non‑divulgation qui pourraient être concernés par cette demande, mais qu’une revendication générale d’un privilège de non‑divulgation visant toute la demande est indéfendable.

[46]  De plus, Virgin Mobile soutient que cette demande est tellement générale qu’elle pourrait viser des documents très volumineux. Virgin Mobile déclare ne pas conserver ces documents dans des archives centrales et que de nombreuses personnes, dont des entrepreneurs, ont travaillé sur la modification et l’amélioration de l’appli de Virgin Mobile de 2014 à ce jour. Elle dit que cela prendrait trop de temps de les chercher et qu’il faudrait ensuite du temps aussi aux parties pour les examiner, ce qui pourrait retarder la procédure. En outre, bon nombre des documents demandés pourraient contenir des renseignements confidentiels ou exclusifs n'ayant aucun rapport avec les problèmes d’accessibilité. Par exemple, il se révèlerait que des documents sur la conception de produits  contiennent des renseignements connexes sur les pratiques commerciales, l’établissement des prix et la structuration des produits. Virgin Mobile soutient que la valeur probante de ces éléments de preuve ne donne pas plus d’ampleur à l’effet préjudiciable qu’elle occasionnerait sur l’instance. La Commission déclare comprendre que cette demande de production est peut‑être vaste et dit qu’elle est disposée à collaborer avec Virgin Mobile pour proposer des moyens de la resserrer, par exemple en produisant des documents qui résument les efforts déployés par Virgin Mobile en matière d’accessibilité.

[47]  Enfin, Virgin Mobile explique qu’elle cherche actuellement à rendre les applis de Virgin Mobile conformes aux Règles pour l’accessibilité des contenus Web 2.0 (WCAG 2.0) de niveau AA d’ici un an et estime que continuer de travailler sur la conformité des applis aux WCAG est une meilleure utilisation de son temps que de chercher les documents visés par cette demande.

[48]  Les plaignants se réjouissent du fait que Virgin Mobile cherche à rendre ses applis conformes aux WCAG 2.0 de niveau AA, mais ils n’approuvent pas la déclaration selon laquelle il s’agit là d’une meilleure utilisation de son temps que de chercher les documents demandés [20] . Selon Francois Khouri, Virgin Mobile est tenue par la loi de trouver ces documents et qu’elle devrait le faire en même temps qu’elle travaille sur l’appli. Il ajoute que, si Virgin Mobile ne communique pas les renseignements potentiellement pertinents demandés dans la requête, les plaignants n’auront pas la possibilité pleine et entière de présenter leurs arguments au Tribunal.

[49]  Décision du Tribunal : Encore une fois, j’admets que les plaintes sont d’une portée plus générale que ne l’affirme Virgin Mobile. Je conviens que tous les efforts déployés par Virgin Mobile pour améliorer l’accessibilité de ses applis (notamment l’appli Mon compte et l’appli Mes avantages dont parlent les plaignants) ou de son site Web pour les clients ayant une déficience visuelle, de 2014 à ce jour, sont pertinents à l’égard des plaintes. Ces efforts se rapportent à la période pendant laquelle les plaignants sont clients de Virgin Mobile et devraient se traduire par toute amélioration de l’accessibilité qui les aurait aidés en tant que clients ayant une déficience visuelle.

[50]  En ce qui concerne l’allégation de Virgin Mobile selon laquelle la demande de la Commission est [traduction] « excessive et imprécise », je suis convaincue que la Commission, comme elle l’a précisé, demande des documents pertinents aux plaintes et non toutes les améliorations apportées aux applis en matière d’accessibilité.

[51]  En ce qui a trait aux documents énumérés dans la demande présentée au point (2)(i) précédemment, j’admets qu’il faut ordonner à Virgin Mobile de produire tous les documents utilisés comme directives ou références, ou les deux, par les développeurs et les testeurs de Virgin dans le développement et les essais des applis Mon compte et Mes avantages de Virgin Mobile et de son site Web relativement aux essais visant à repérer des problèmes éventuels d’accessibilité pour les personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle, de 2014 à ce jour.

[52]  Quant aux documents demandés au point (2)(iii) susmentionné, j’admets qu’il faut ordonner à Virgin Mobile de produire tous les documents relatifs à l’engagement de testeurs ayant une déficience visuelle pour mener des essais d’accessibilité des applis de Virgin Mobile (Mon compte et Mes avantages) afin de repérer et régler de manière proactive les problèmes d’accessibilité, et tous les documents relatifs à toute autre vérification de l’accessibilité effectuée sur ces applis et sur le site Web, de 2014 à ce jour, concernant l’accessibilité de clients aveugles ou ayant une déficience visuelle.

[53]  En ce qui concerne les documents demandés au point (2)(iv) susmentionné, je tiens à souligner que, dans son exposé des précisions, Virgin Mobile mentionne Jeremie Racine en tant que témoin qu’elle compte appeler à témoigner au sujet [traduction] « des questions se rapportant à l’appli Mon compte, y compris les mesures prises par Virgin Mobile pour examiner les préoccupations des plaignants, des mesures correctives subséquentes et du processus continu d’essais de l’appli Mon compte relativement à l’accessibilité [21]  ». La demande faite par la Commission pour obtenir des documents sur le rôle de M. Racine à titre de chef de projet travaillant sur des problèmes d’accessibilité de l’appli Mon compte de Virgin Mobile, sur les essais et sur le règlement de ces problèmes correspond à ce sur quoi il témoignera. Ces éléments peuvent donc être pertinents à l’égard des faits, des questions et des formes de réparation possible dans cette affaire. J’ordonnerai la divulgation de ces renseignements.

[54]  Pour ce qui est de l’argument selon lequel les documents relatifs aux enquêtes menées à la suite des plaintes en matière d’accessibilité formulées par les plaignants sont protégés par le secret professionnel de l’avocat, parce qu’elles ont été menées sur instruction de l’avocat : je suis d’accord avec la Commission sur le fait que Virgin Mobile se contente d’affirmer que tous les documents relatifs aux instructions d’un avocat sont automatiquement protégés par le secret professionnel de l’avocat. On remarque que l’intimée a déjà communiqué des documents découlant d’une enquête sur les problèmes d’inaccessibilité des plaignants menée par son employée Jamelia Boland. On se demande donc pourquoi elle invoque le privilège de non‑divulgation à l’égard d’autres documents visés par une enquête.

[55]  La Cour suprême du Canada a expliqué ainsi le secret professionnel : « Les communications faites par le client qui consulte un conseiller juridique ès qualité, voulues confidentielles par le client, et qui ont pour fin d’obtenir un avis juridique font l’objet à son instance d’une protection permanente contre toute divulgation par le client ou le conseiller juridique, sous réserve de la renonciation à cette protection [22] . » Même des documents échangés entre employés qui transmettent ou commentent des communications visées par le privilège du conseil juridique peuvent être protégés par le secret professionnel, à condition que l’échange se fasse dans le contexte de la sollicitation ou de l’obtention d’avis juridiques [23] .

[56]  Dans cette affaire, il est difficile de déterminer si ces documents entrent dans cette catégorie en l’absence de renseignements supplémentaires à l’appui de la revendication. En effet, même si l’avocat a conseillé à Virgin Mobile d’examiner ces préoccupations, il est peu probable que tous les documents utilisés au cours des enquêtes soient systématiquement visés par le privilège du secret professionnel de l’avocat. Si Virgin Mobile invoque le privilège du secret professionnel de l’avocat à l’égard de ces documents, il lui incombe de démontrer que ces documents sont visés par ce privilège, et je ne suis pas convaincue que Virgin Mobile se soit acquittée de cette charge, compte tenu des renseignements présentés dans ses observations.

[57]  Quoi qu’il en soit, la Commission confirme qu’elle ne demande pas de documents visés par le secret professionnel de l’avocat qui pourraient relever de cette demande. Si Virgin Mobile est d’avis que certains des documents en question sont visés par le secret professionnel de l’avocat, elle doit en dresser la liste comme le prévoit l’alinéa 6(1)e) des Règles du Tribunal et expliquer pourquoi elle invoque ce privilège. Si la Commission ou les plaignants contestent l’une ou l’autre revendication du privilège, ils peuvent en aviser le Tribunal, qui pourra alors examiner les documents pour déterminer s’ils sont protégés par le secret professionnel de l’avocat ou s’ils doivent être communiqués aux autres parties.

[58]  Par conséquent, sous réserve des directives relatives au privilège du secret professionnel de l’avocat, j’accepte d’ordonner à Virgin Mobile de divulguer tout autre document en sa possession visé par la demande figurant au point (2)(ii) susmentionné, se rapportant aux mises à jour apportées à ses applis en 2015 et 2016 qui ont permis de régler les problèmes soulevés par les plaignants. Il s’agit notamment des notes relatives aux enquêtes et des documents montrant quels problèmes ont été réglés et toute preuve concernant d’autres mises à jour des applis Mon compte et Mes avantages relatives à l’accessibilité des clients aveugles ou ayant une déficience visuelle, depuis cette époque jusqu’à ce jour.

[59]  Enfin, pour ce qui est de l’observation de Virgin Mobile disant que son temps serait mieux utilisé si elle continuait à chercher à rendre les applis conformes aux WCAG 2.0 de niveau AA maintenant plutôt qu’à chercher les documents demandés : cela revient à dire aux autres parties, et surtout aux plaignants, que cette plainte entrave d’une certaine manière les efforts déployés actuellement par Virgin Mobile en matière d’accessibilité, ce qui est injuste. L’intimée est une grande entreprise qui devrait avoir les moyens d’accomplir les deux tâches et, en tout état de cause, les plaignants ont le droit de poursuivre leur plainte devant le Tribunal et d’obtenir tous les documents potentiellement pertinents en la possession de Virgin Mobile afin d’avoir la possibilité pleine et entière de présenter leurs arguments au Tribunal.

[60]  Je tiens à souligner que la Commission a proposé de collaborer avec Virgin Mobile afin de circonscrire ces demandes, par exemple en acceptant des documents récapitulatifs au lieu de tous les documents mêmes. Si cette solution est utile pour Virgin Mobile, je ne m’y oppose pas, bien que le Tribunal ait conclu précédemment que l’article 6 de ses Règles ne lui permet pas de demander à une partie de créer des documents aux fins de la communication [24] . Si la Commission et l’intimée ne s’entendent pas rapidement sur une méthode pour réduire le nombre de documents à divulguer, Virgin Mobile devra produire tous les documents visés par l’ordonnance.

[61]  En ce qui concerne la crainte de Virgin Mobile selon laquelle les demandes pourraient porter sur des documents exclusifs et de conception sans lien avec les problèmes d’accessibilité, il est possible de purger ou de supprimer ces renseignements, ou Virgin Mobile peut demander au Tribunal de rendre une ordonnance de confidentialité.

  1. a) Tous les documents expliquant l’historique et les activités du Centre de services d’accessibilité (CSA) de Virgin Mobile, y compris tous les documents et communications prouvant que Virgin Mobile a informé les plaignants de l’existence du CSA au plus tard en mai 2015 (date à laquelle l’intimée affirme que le nom de Francois Khouri a été retiré par erreur de la « liste d’exemption spéciale » du CSA) et qu’elle l’ avait réinscrit sur sa liste d’exemption spéciale [25] .

b) Francois Khouri continue de demander la production de « tous les documents (notes, courriels ou autres formes de communications) relatifs au commentaire selon lequel [traduction] « au mois de mai 2015 ou vers cette date, un employé de Virgin Mobile a par erreur retiré le nom de Francois Khouri de la “liste d’exemption spéciale” du CSA [26]  », bien que la Commission ne demande plus ces documents dans le cadre de la requête.

[62]  Virgin Mobile soutient que le CSA est une unité opérationnelle interne de Bell Canada qui s’occupe des problèmes d’accessibilité des clients de Bell et des entités et marques qui lui sont associées, dont Virgin Mobile, et que le CSA a toujours existé pendant toutes les périodes pertinentes où les plaignants ont été clients de Virgin Mobile. Elle précise que la page du CSA a été ajoutée à leur site Web le 22 juillet 2017.

[63]  Selon la Commission, il existe un lien rationnel entre les renseignements relatifs à l’historique et aux activités du CSA et la question de l’omission alléguée de Virgin Mobile de prendre des mesures d’adaptation, car il reste des faits à établir au sujet de la connaissance ou de l’absence de connaissance des plaignants quant à l’existence du CSA et du fait que Virgin Mobile les a avisés de leur inscription sur la liste d’exemption spéciale. La Commission dit que les plaignants nient avoir été avisés de cette mesure et que Virgin Mobile n’a pas, à ce jour, fourni de preuve contraire.

[64]  La Commission déclare aussi que les documents relatifs à ces questions permettraient de nous éclairer sur les pratiques et procédures établies de Virgin Mobile pour répondre aux besoins de clients ayant une déficience, notamment en matière d’accessibilité, et d’établir l’existence d’un lien rationnel entre ces documents et les mesures de réparation demandées dans cette affaire. Par exemple, les plaignants demandent que Virgin Mobile crée un service doté d’un personnel formé pour aider les clients ayant une déficience qui ont du mal à accéder aux services de Virgin Mobile.

[65]  Virgin Mobile est d’avis que ces demandes sont excessives et disproportionnées par rapport aux plaintes. Elle précise que le fait que les plaignants aient été informés ou non de l’existence du CSA n’est pas pertinent aux questions que doit trancher le Tribunal. L’intimée explique aussi que le nom de Francois Khouri a été retiré de la liste d’exemption spéciale en mai 2015, que cette erreur a été remédiée rapidement et qu’en tout état de cause cet incident s’est produit six mois avant qu’il dépose sa plainte, et qu'il ne fait donc pas partie de la période pertinente. Virgin Mobile avance aussi que son retrait de la liste d’exemption spéciale est sans rapport avec l’objet des plaintes, qui porte plutôt sur la méthode utilisée pour créditer les frais du service 411 sur les comptes des plaignants et non sur le fait que cette méthode a été suspendue par erreur et rapidement rétablie.

[66]  La Commission souligne que le CSA a toujours existé pendant toutes les périodes pertinentes où les plaignants ont été clients de Virgin Mobile. Pourtant, les plaignants allèguent qu’ils ont eu des problèmes d’accessibilité pendant un certain nombre d’années. La Commission soutient que le fait d’informer les plaignants de l’existence de son centre spécialisé qui aide les clients ayant des besoins en matière d’accessibilité est très pertinent à la question centrale, qui est de savoir si Virgin Mobile a soit traité les plaignants de manière défavorable, soit leur a refusé l’accès à des services en raison de leur déficience, ou les deux.

[67]  Francois Khouri soutient que les renseignements demandés au sujet du CSA sont pertinents y compris le moment où Virgin Mobile a informé les plaignants de son existence parce que Virgin Mobile [traduction] « compte sur le fait que le CSA est là pour aider les clients de Virgin Mobile ayant une déficience visuelle, comme Roger et moi‑même, mais elle ne nous a jamais parlé du CSA [27]  ». Il ajoute que [traduction] « les plaignants contestent à la fois le fait que le nom de Francois ait été retiré de la liste et la façon dont les crédits sont appliqués [28]  ». Il conteste l’allégation de Virgin Mobile selon laquelle le retrait de la liste d’exemption relative au service 411 et la résolution de ce problème ne sont pas pertinents, parce qu’il s’est produit six mois avant qu’il dépose sa plainte. Selon lui, la discrimination de la part de Virgin Mobile était continue et a commencé avant qu’ils portent plainte. Plus précisément, il explique qu’après la suspension relative à son exemption des frais de service 411, il a contacté la Commission le 5 mai 2015 à ce sujet et que, peu après avoir parlé à un agent des droits de la personne, son exemption de frais a été rétablie par Virgin Mobile. Il déclare que ce n’est qu’après avoir passé huit mois à s’efforcer d’aider Virgin Mobile à rendre ses services, ses applis et son site Web plus accessibles qu’ils ont porté plainte, quand leurs efforts se sont révélés futiles.

[68]  Décision du Tribunal : Je conviens que le fait de savoir quand et comment (ou l’un des deux) Virgin Mobile a informé les plaignants de l’existence du CSA est potentiellement pertinent à la question de savoir comment Virgin Mobile les a traités, de même qu’en ce qui concerne ses pratiques et politiques établies pour répondre aux besoins de clients ayant une déficience et ceux ayant besoin de mesures d’adaptation, ce que la Commission a relevé comme étant une question principale dans cette affaire.

[69]  Par conséquent, j’ordonnerai à Virgin Mobile de divulguer tous les documents et toutes les communications prouvant qu’elle a informé les plaignants aussi bien de l’existence du CSA que de leur inscription sur la liste d’exemption spéciale.

[70]  De plus, j’ordonnerai à Virgin Mobile de divulguer tous les documents, en plus de ceux déjà communiqués, se rapportant au retrait du nom de Francois Khouri de la liste d’exemption spéciale et à sa réinscription sur cette liste, en mai 2015 ou autour de cette date.

[71]  Je tiens également à souligner que, dans sa plainte concernant les droits de la personne, Roger Khouri déclare avoir été auparavant client de Bell Mobilité, société mère de Virgin Mobile, et que Bell ne lui facturait pas l’utilisation du service 411, car [traduction] « toutes les personnes ayant une déficience visuelle reçoivent systématiquement un crédit sur leur compte pour tous les frais qui leur sont facturés pour le service 411 ». Les renseignements relatifs à l’historique et aux activités du CSA sont potentiellement pertinents à cette allégation, étant donné que le CSA est une unité opérationnelle interne de Bell Canada qui, selon Virgin Mobile, a toujours existé pendant toutes les périodes pertinentes durant lesquels les plaignants ont été clients de Virgin Mobile, et que c’est le CSA qui tient la « liste d’exemption spéciale » pour le service 411. Ils sont aussi potentiellement pertinents à l’égard des mesures de réparation demandées par les plaignants, par exemple celles voulant que Virgin Mobile emploie des techniciens au service de clients ayant une déficience visuelle.

[72]  Cependant, je crains que la demande, qui vise [traduction] « tous les documents expliquant l’historique et les activités du CSA », soit trop générale, étant donné que nous ne savons pas quand le CSA a été créé. J’admets que Virgin devrait produire d’autres documents sur l’historique et les activités du CSA, mais au lieu de demander la communication de tous les documents le concernant depuis sa création, j’ordonnerai à l’intimée de divulguer les documents qui répondent aux questions suivantes : Quand le CSA a–t–il été créé et pourquoi? Quand a–t–il commencé à s’occuper de Virgin Mobile et ses clients? Qui est–il censé servir? Comment aide–t–il Virgin Mobile et ses clients? Qui sont les personnes qui travaillent au CSA et quelles sont leurs qualifications ou formations particulières, le cas échéant? Ces renseignements seront probablement pertinents à l’égard de la position même de Virgin Mobile relativement aux plaintes, car le CSA semble être au cœur de son argument selon lequel elle tient compte des besoins de personnes ayant une déficience et leur offre des services accessibles.

[73]  Si, après la divulgation de ces renseignements, la Commission pense avoir besoin d’autres documents sur l’historique et les activités du CSA que l’intimée refuse de communiquer, une autre demande de divulgation pourra alors être présentée au Tribunal.

  1. Tous les documents (notes, courriels ou autres formes de communications) relatifs à l’interaction d’Andrea Roworth (représentante du service à la clientèle, service du contentieux, bureau administratif du soutien aux membres) à l’égard du programme des crédits du service 411 et à la connaissance qu’elle a de l’historique des relations du service à la clientèle de Virgin Mobile avec les plaignants [29] .

[74]  La Commission affirme que ces renseignements sont directement liés à l’allégation des plaignants selon laquelle Virgin Mobile a fait preuve de discrimination à leur égard pour avoir omis de faire en sorte que les frais pour le service 411 ne leur soient pas facturés, même si elle prétend le contraire, et pour avoir maintenu un processus fastidieux d’élimination de ces frais [30] .

[75]  Virgin Mobile fait valoir que cette demande n’est pas pertinente, car Mme Roworth n’est en rien concernée par la méthode employée pour créditer les frais du service 411 sur le compte des plaignants ou de n’importe qui d’autre. Dans son affidavit déposé à l’appui de la réponse écrite de Virgin Mobile à la requête, Mme Roworth déclare qu’elle a pour la première fois pris connaissance des problèmes des plaignants au sujet du programme de crédits du service 411 en octobre 2017, après avoir été informée de leurs plaintes auprès de la Commission, et que tout travail qu’elle a effectué relativement à ce programme l’a été à la demande des avocats de Virgin Mobile. Elle déclare aussi que des centaines de documents pourraient se rapporter à cette demande. Virgin Mobile soutient que la Commission n’a pas démontré pourquoi les documents demandés seront utiles et appuieront ses arguments. Cela est particulièrement important, parce que cette demande imposerait à Virgin Mobile une recherche onéreuse de documents dont bon nombre sont protégés par un privilège.

[76]  La Commission fait observer que Virgin Mobile entend appeler Mme Roworth à témoigner, entre autres, au sujet de la façon dont les crédits du service 411 ont été appliqués pour les plaignants et de la relation entre le service à la clientèle de Virgin Mobile et les plaignants [31] . Selon la Commission, les documents relatifs au programme de crédits du service 411, l’expérience des plaignants quant au programme et leurs expériences avec le service à la clientèle de Virgin Mobile sont des points qui se trouvent au centre de cette plainte relative à l’accessibilité des services de Virgin Mobile pour les clients ayant une déficience visuelle. La Commission se déclare prête à conclure toute entente de confidentialité appropriée ou, autrement, à accepter volontiers une ordonnance de confidentialité du Tribunal visant à protéger les renseignements exclusifs.

[77]  Décision du Tribunal : Je tiens à faire observer que Virgin Mobile entend appeler Mme Roworth à témoigner au sujet du [traduction] « programme de crédits du service 411, y compris l’historique du programme et la façon dont les crédits du service 411 ont été appliqués, aussi bien dans le cas des plaignants que de façon générale. Mme Roworth parlera également de l’historique de la relation du service à la clientèle de Virgin Mobile avec les plaignants, y compris des notes relatives aux comptes et des enregistrements d’appels que Virgin Mobile produira [32]  ».

[78]  Virgin Mobile laisse entendre que, parce que le travail effectué par Mme Roworth relativement au programme de crédits du service 411 l’a été à la demande des avocats de Virgin Mobile après que le Tribunal a reçu la plainte en août 2017, certains documents visés par cette demande seraient protégés par un privilège. Il semble que Virgin Mobile renvoie peut‑être au privilège relatif au litige plutôt qu’au privilège du secret professionnel de l’avocat. Le privilège relatif au litige s’applique lorsque les documents ont été générés pour l’objet principal du litige, lorsqu’une procédure est envisagée, prévue ou en cours [33] .

[79]  Il semble juste de supposer qu’un litige a été envisagé au moment où Mme Roworth est intervenue, et il est possible que certains des documents demandés par la Commission au sujet du programme de crédits du service 411 soient protégés par le privilège relatif au litige. Cependant, Virgin Mobile déclare que Mme Roworth témoignera au sujet des notes faites aux comptes et des enregistrements d’appels que Virgin Mobile produira concernant son service à la clientèle. Il semble donc qu’elle est également en mesure de produire des documents déjà en sa possession que Mme Roworth a consultés pour s’informer sur le programme de crédits du service 411 et que ces documents devraient être faciles à trouver plutôt que d’exiger des recherches onéreuses.

[80]  La Commission a précisé qu’elle ne demande pas de documents protégés par un privilège qui pourraient se rapporter à cette demande. Cependant, aux termes de l’alinéa 6(1)e) des Règles du Tribunal, Virgin Mobile est tenue de dresser une liste de tous les documents visés par la demande pour lesquels un privilège de non‑divulgation est invoqué. Ce faisant, Virgin Mobile devrait expliquer pourquoi elle invoque ce privilège, étant donné qu’il lui incombe d’établir que les documents en question devraient être protégés par un privilège. Si la Commission ou les plaignants contestent ces revendications de privilège, ils peuvent en aviser le Tribunal qui pourra alors examiner les documents afin de déterminer s’ils sont visés par le privilège ou s’ils doivent être communiqués aux autres parties.

[81]  Si Virgin Mobile s’inquiète au sujet de la confidentialité de certains documents et ne parvient pas à conclure une entente avec la Commission et les plaignants, elle peut demander au Tribunal de rendre une ordonnance de confidentialité avant de divulguer les documents.

  1. Les documents relatifs à toute contrainte excessive qu’occasionneraient pour Virgin Mobile des mesures d’adaptation visant à répondre aux besoins des plaignants, comme elle l’indique dans son exposé des précisions [34] .

[82]  La Commission fait valoir que les documents demandés ont un lien rationnel avec la question centrale de cette affaire. qui est de déterminer si Virgin Mobile a omis de prendre des mesures d’adaptation pour répondre aux besoins des plaignants en tant que clients ayant une déficience visuelle.

[83]  Dans son exposé des précisions, Virgin Mobile déclare [traduction] « continuer de chercher à déterminer s’il est possible d’automatiser le programme des crédits du service 411 relativement à la facture même et, dans l’affirmative, comment il faut procéder. Virgin Mobile se réserve le droit de compléter son exposé des précisions lorsqu’elle aura d’autres renseignements [35] ». Dans sa réponse écrite à cette requête, Virgin Mobile confirme que cela continue d’être le cas et qu’elle s’engage à apporter, quand elle les aura, des précisions et des documents pertinents non visés par un privilège se rapportent aux contraintes excessives que cela lui occasionnerait.

[84]  En réplique, la Commission souligne que Virgin Mobile évoque des contraintes excessives dans son exposé des précisions et qu’il lui incombe d’en apporter la preuve en temps opportun, si elle existe. Selon elle, Virgin Mobile ne peut pas [traduction] « réserver la contrainte excessive comme moyen de défense sans apporter de fondement probatoire et en continuant à chercher à déterminer si des contraintes excessives peuvent survenir [36]  ».

[85]  Décision du Tribunal : Je suis d’accord avec la Commission au sujet de l’argument selon lequel Virgin Mobile doit divulguer ces documents à cette étape, avant l’audience. Virgin Mobile a invoqué dans son exposé des précisions un moyen de défense fondé sur un motif justifiable et doit donc produire des documents relatifs à la contrainte excessive. Si elle continue de chercher à déterminer si une automatisation est possible, elle devrait déjà être en possession de quelques documents, qu’elle doit produire maintenant et de façon continue par la suite.

  1. Des copies des textos promotionnels que les plaignants ont reçus de Virgin Mobile depuis qu’ils sont clients de celle‑ci [37] .

[86]  La Commission soutient que ces documents ont un lien rationnel avec le nœud du litige, à savoir que Virgin Mobile a refusé des services à des clients aveugles ou ayant une déficience visuelle, les a traités défavorablement et n’a pas tenu compte de leurs besoins en fournissant des renseignements et en offrant des services par des moyens qui leur étaient inaccessibles.

[87]  Virgin Mobile affirme que cette demande n’a pas de lien rationnel avec les plaintes, qui ne concernent que les crédits du service 411, les applis de Virgin Mobile et la présentation des contrats en média substitut.

[88]  Comme il en a été question précédemment, la Commission et les plaignants soutiennent que Virgin Mobile réduit injustement la portée des plaintes, qui concernent l’accès aux services de Virgin Mobile, ce qui comprend ses applis, son site Web, ses textos contenant des liens Internet ainsi que les contrats en média substitut et l’exemption de frais relatifs au service 411.

[89]  Décision du Tribunal : J’ai déjà précisé que j’acceptais que les obligations de communication de Virgin Mobile s’étendent à tous les aspects des interactions des plaignants avec Virgin Mobile, et ce, où l’accessibilité se révèle problématique pour eux en tant que clients ayant une déficience visuelle, y compris les textos envoyés par Virgin Mobile. Je tiens également à souligner que Roger Khouri explique en détail, dans l’exposé des précisions des plaignants, son impossibilité d’accéder aux textos de Virgin Mobile. Par conséquent, j’approuve l’argument selon lequel ces textos sont potentiellement pertinents à cette étape et j’ordonnerai à Virgin Mobile de les divulguer.

VII.  Conclusion

[90]  Selon les Règles du Tribunal et la jurisprudence, les parties doivent communiquer entre elles les documents potentiellement pertinents aux faits, aux questions et aux mesures de redressement mentionnés par une des parties à l’instance. Dans sa réponse écrite à la requête de la Commission concernant la divulgation et la production de documents supplémentaires, Virgin Mobile a tenté de limiter la portée des plaintes et, par conséquent, des faits, des questions et des réparations dans cette affaire. Je n’admets pas que cela soit approprié à cette étape de l’instance, car la documentation présentée par les parties jusqu’ici n’appuie pas la qualification restrictive que Virgin Mobile propose à l’égard des questions. J’approuve l’argument selon lequel les obligations des parties relatives à la communication s’étendent à tous les aspects des interactions des plaignants avec Virgin Mobile, et ce, où l’accessibilité s’est révélée problématique pour eux en tant que clients ayant une déficience visuelle.

[91]  Virgin Mobile demande que le Tribunal rejette la requête de la Commission. Je ne le ferai pas. Virgin Mobile a aussi demandé, si le Tribunal fait droit à une partie quelconque de la requête, que l’ordonnance l’autorise à expurger les documents, le cas échéant. J’ai déjà précisé que Virgin Mobile peut purger des renseignements confidentiels ou exclusifs qui n’ont pas de lien avec les problèmes d’accessibilité mentionnés.

[92]  En cas de désaccord sur les documents visés par un privilège ou sur ceux expurgés ou lorsque l’intimée considère qu’un document ou un enregistrement audio n’est pas potentiellement pertinent, ces documents ou ces enregistrements peuvent être communiqués au Tribunal afin de déterminer s’il doit être divulgué.

[93]  Lorsque l’ordonnance vise un grand nombre de documents, j’encourage les parties à collaborer afin de s’entendre sur les renseignements qui peuvent être résumés pour des fins de rapidité.

[94]  Enfin, comme je l’ai souligné dans l’introduction de la présente décision sur requête, les plaignants soutiennent que Virgin Mobile devrait produire tous les documents demandés initialement par la Commission dans sa requête et pas seulement les documents demandés dans sa requête révisée. Sauf dans le cas où les plaignants traitent précisément ces catégories supplémentaires de documents dans leurs observations, qui ont été examinés dans cette affaire, je ne me pencherai pas sur d’autres demandes de documents dans la présente décision.

VIII.  Ordonnance

Il est ordonné que :

  • i) L’intimée communique immédiatement les documents qui suivent à la Commission et aux plaignants, dans un format accessible, en plus de ceux déjà divulgués :

    • 1) Tous les documents que Virgin Mobile a accepté de produire dans sa réponse à la requête, y compris :

      • a) Les versions accessibles des relevés de compte mensuels des plaignants [38] ;

      • b) Les notes relatives aux appels, les transcriptions et les enregistrements audio des appels téléphoniques de Roger Khouri en juillet et décembre 2018 [39] ;

      • c) Toutes les directives ou politiques relatives aux contrats en média substitut [40] ;

      • d) Tous les documents pertinents et ceux non visés par un privilège quant à l’enquête menée par Jeremie Racine sur les problèmes des plaignants [41] ;

      • e) Les documents de formation des employés de Virgin Mobile qui s’occupent des clients aveugles ou ayant une déficience visuelle [42] ;

      • f) Les directives et politiques que suivent les employés de Virgin Mobile qui s’occupent des clients de celle‑ci ayant une déficience visuelle [43] .

    • 2) Toutes les notes relatives aux comptes concernant les aspects des interactions des plaignants avec Virgin Mobile, et ce, où l’accessibilité s’est révélée problématique pour eux en tant que clients ayant une déficience visuelle. Cela comprend les problèmes concernant les textos envoyés par Virgin Mobile, son site Web et toute appli de Virgin qu’utilisaient les plaignants, en plus des frais et crédits du service 411, et la fourniture de contrats de service et de relevés mensuels accessibles. Si l’intimée se demande si certaines notes relatives aux comptes sont potentiellement pertinentes, ces notes peuvent être communiquées au Tribunal, qui les examinera afin de déterminer si elles devraient être divulguées.

    • 3) Toutes les notes relatives aux appels et les enregistrements audio se rapportant aux appels téléphoniques des plaignants à Virgin Mobile depuis qu’ils sont clients de celle‑ci. En outre, si certains de leurs appels enregistrés à Virgin Mobile ont été effacés, l’intimée doit les en informer et leur préciser quand et pourquoi cela s’est produit.

    • 4) Tous les documents pour lesquels aucun privilège n’est revendiqué, y compris les notes d’enquêtes relatives à la mise à jour des applis Mon compte et Mes avantages de Virgin Mobile en 2015 et 2016 dans lesquels figurent les mesures visant à remédier aux problèmes soulevés par les plaignants. Cela comprend les documents montrant quels problèmes ont été réglés et toute preuve d’autres mises à jour de ces applis relatives à l’accessibilité des clients aveugles ou ayant une déficience visuelle depuis cette époque jusqu’à ce jour.

    • 5) Tous les documents utilisés comme directives et/ou références par les développeurs et les testeurs de Virgin Mobile dans le développement et les essais des applis Mon compte et Mes avantages de Virgin Mobile et de son site Web relativement aux essais portant sur des problèmes d’accessibilité potentiels pour les personnes aveugles ou ayant une déficience visuelle, de 2014 à ce jour.

    • 6) Tous les documents relatifs à l’engagement par Virgin Mobile de testeurs ayant une déficience visuelle pour des essais concernant l’accessibilité des applis Mon compte et Mes avantages de Virgin Mobile afin de repérer et de régler les problèmes de manière proactive. Cela comprend tous les documents relatifs à toute autre vérification de l’accessibilité menée sur ces applis ou sur le site Web de 2014 à ce jour en ce qui concerne l’accessibilité des clients aveugles ou ayant une déficience visuelle.

    • 7) Tous les documents relatifs aux fonctions de Jeremie Racine en tant que chef de conception et de réalisation de projet et s’agissant de ses travaux sur les mesures correctives, ainsi que de tous les essais continus de l’appli Mon compte de Virgin Mobile concernant l’accessibilité.

    • 8) Tous les documents et communications prouvant que Virgin Mobile a informé les plaignants aussi bien de l’existence du CSA que de leur inscription sur la liste d’exemption spéciale.

    • 9) Tous les documents, en plus de ceux qui ont été déjà communiqués, relatifs au retrait du nom de Francois Khouri de la liste d’exemption spéciale et à sa réinscription sur cette liste en mai 2015 ou vers cette date.

    • 10) Les documents dans lesquels on répond aux questions suivantes sur le CSA : Quand le CSA a–t–il été créé et pourquoi? Quand a–t–il commencé à s’occuper de Virgin Mobile et de ses clients? Qui est–il censé servir? Comment aide–t–il Virgin Mobile et ses clients? Qui sont les personnes qui travaillent au CSA et quelles sont leurs qualifications ou formations particulières, le cas échéant [44] ?

    • 11) Tous les documents pour lesquels aucun privilège n’est revendiqué, y compris les notes, courriels et autres formes de communications, relatifs à la connaissance qu’avait Andrea Roworth du programme des crédits du service 411 et de l’historique des relations du service à la clientèle de Virgin Mobile avec les plaignants.

    • 12) Tous les documents relatifs à toute contrainte excessive qu’occasionneraient à Virgin Mobile les mesures d’adaptation visant à répondre aux besoins des plaignants figurant dans son exposé de précisions, y compris les documents relatifs à la faisabilité de l’automatisation des crédits de service 411.

    • 13) Des copies de tous les textos promotionnels que les plaignants ont reçus de Virgin Mobile depuis qu’ils sont clients de celle‑ci.

selon les conditions suivantes :

  1. Virgin Mobile peut expurger des documents des renseignements qui ne sont pas potentiellement pertinents ou qui contiennent des renseignements personnels concernant des tiers, ou qui contiennent des renseignements exclusifs. Autrement, Virgin Mobile peut demander une ordonnance de confidentialité pour protéger ces renseignements avant leur divulgation;

  2. Ces documents et enregistrements audio ne peuvent être utilisés que pour les besoins de la présente instance relative aux droits de la personne et pour aucune autre fin ni dans aucune autre procédure judiciaire;

  3. Les parties ne doivent communiquer ces documents à aucune personne ou entité extérieure, autres que des avocats ou des témoins retenus comme experts dans l’instance;

  4. Si Virgin Mobile refuse de fournir des documents énoncés dans la présente ordonnance et que les autres parties n’approuvent pas cette objection, ils doivent être communiqués au Tribunal pour qu’il les examine et détermine s’ils doivent être produits et s’ils devraient être expurgés d’une manière quelconque;

  5. La divulgation de ces documents ne signifie pas qu’ils seront admissibles comme preuve à l’audience et toute question à cet égard sera réglée pendant l’audience. Si l’intimée refuse que ces documents fassent partie du dossier public, elle doit le mentionner à l’audience.

  • ii) L’intimée signifie et dépose immédiatement une liste de tous les documents en sa possession, à l’égard desquels elle invoque un privilège, et qui sont visés par cette ordonnance ou se rapportent par ailleurs à un fait, une question ou une forme de redressement demandée dans cette affaire, y compris les faits, questions et formes de redressement mentionnées par les autres parties, aux termes du paragraphe 6(1) des Règles du Tribunal. L’intimée fournira une explication de la revendication du privilège.

Signé par

Colleen Harrington

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 12 juin 2019

Version française de la décision du membre


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossiers du Tribunal: T2231/5317 et T2232/5417

Intitulé : Roger Khouri et Francois Khouri c. Virgin Mobile Canada

Date de la décision du Tribunal : le 12 juin 2019

Requête jugée sur dossier sans la comparution des parties

Représentations écrites par :

Roger Khouri et Francois Khouri, pour les plaignants

Sheila Osborne–Brown et Jessica Walsh, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Sacha Liben et Lisa Alleyne, pour l’intimée



[1] Exposé des précisions des plaignants, déposé le 30 avril 2018, au paragraphe 14.

[2] Exposé des précisions de la Commission, déposé le 30 avril 2018, au paragraphe 37.

[3] Exposé des précisions de l’intimée, déposé le 28 mai 2018, aux alinéas 39b) et c).

[4] Exposé des précisions de l’intimée, à l’alinéa 22c).

[5] Observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête en divulgation, déposées le 18 janvier 2019, au paragraphe 4.

[6] Clegg c. Air Canada, 2017 CHRT 27, voir au paragraphe 21; Turner c. Agence des services frontaliers du Canada, 2018 CHRT 1, aux paragraphes 30 et 31.

[7] Seeley c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2013 CHRT 18, au paragraphe 6.

[8] Turner, précitée à la note 6, voir au paragraphe 31.

[9] Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier c. Bell Canada, 2005 CHRT 34, voir au paragraphe 11, renvoyant à Glegg c. Smith & Nephew Inc., 2005 CSC 31, au paragraphe 23.

[10] MacEachern c. Service correctionnel du Canada, 2014 CHRT 31, voir au paragraphe 14.

[11] Turner, précitée à la note 6, voir aux paragraphes 30 à 33; Egan c. Agence du revenu du Canada, 2017 CHRT 33, voir au paragraphe 31.

[12] Egan, référence précèdente, voir au paragraphe 33.

[13] Ces demandes se trouvent aux alinéas 39a), c) et d) des observations écrites de la Commission présentées à l’appui de sa requête.

[14] Précitée à la note 9.

[15] C’est–à–dire tous les aspects des interactions des plaignants avec Virgin Mobile dans lesquelles ils ont eu un problème d’accessibilité en tant que clients ayant une déficience visuelle. Cela comprend les textos envoyés par Virgin Mobile, son site Web et toute appli de Virgin utilisée par les plaignants, en plus des frais et crédits relatifs au service 411, ainsi que la fourniture de contrats de service et de relevés mensuels accessibles.

[16] Aux paragraphes 20 et 21 de l’exposé des précisions de l’intimée, Virgin Mobile a affirmé qu’elle tient à rendre son « appli Mon compte » accessible et qu’elle a, par conséquent examiné les problèmes soulevés par les plaignants en 2015 et 2016, puis elle a publié des mises à jour de l’appli le 29 octobre 2015, le 24 août 2016 et le 20 novembre 2016, afin de régler plusieurs problèmes d’accessibilité. Ces mises à jour comprenaient des changements visant à améliorer la compatibilité de l’appli Mon compte avec VoiceOver.

[17] Au paragraphe 22 de l’exposé des précisions de l’intimée, Virgin Mobile déclare ne pas avoir eu connaissance d’autres problèmes d’accessibilité concernant l’appli Mon compte, alors que les plaignants ont déterminé trois [traduction] « problèmes qui seraient persistants » concernant : 1) l’allégation de Roger Khouri selon laquelle, à cause de sa déficience visuelle, il doit appeler le centre de service à la clientèle de Virgin Mobile pour obtenir des renseignements sur son [traduction] « utilisation de données en temps réel », au lieu de recevoir des renseignements plus actuels au moyen de l’appli Mon compte. Virgin Mobile conteste cette allégation en expliquant que l’utilisation de données n’est pas mise à jour en temps réel sur l’appli Mon compte, de sorte que les clients qui n’ont pas de déficience visuelle n’ont pas accès à de meilleurs renseignements que les plaignants, que ce soit au moyen de l’appli ou en appelant le centre de service à la clientèle, et qu’il ne s’agit donc pas d’un problème d’accessibilité; 2) l’allégation des plaignants selon laquelle l’option « Besoin d’aide » de l’appli Mon compte ne fonctionne pas toujours avec VoiceOver. Virgin Mobile déclare avoir besoin de plus de renseignements pour étudier cette question afin de déterminer si d’autres mesures correctives peuvent être mises en œuvre; 3) les plaignants affirment qu’ils ont reçu des textos avec des liens Internet qui ne sont pas compatibles avec leur programme VoiceOver, mais Virgin Mobile dit que [traduction] « le problème ne tient pas à l’appli Mon compte ».

[18] Ces quatre demandes correspondent aux alinéas 39e), n) et o) des observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête.

[19] Observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête, aux alinéas 39e) et n).

[20] Paragraphes 20 et 21 de la réplique de Francois Khouri (déposée le 21 mars 2019) aux observations écrites de l’intimée en réponse à cette requête (déposées le 8 mars 2019).

[21] Exposé des précisions de l’intimée, au paragraphe 52.

[22] Descoteaux c. Mierzwinski, [1982] 1 RCS 860, 1982 CanLII 22 (CSC).

[23] Slansky c. Canada (Procureur général), 2013 CAF 199.

[24] Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 CHRT 42, au paragraphe 17.

[25] Ces demandes figurent aux alinéas 39f) et g) des observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête.

[26] Ces renseignements se trouvent à l’alinéa 24h) des observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête.

[27] Réplique de Francois Khouri à la réponse de l’intimée à la requête, au paragraphe 16.

[28] Voir note précèdente.

[29] Cette demande est formulée à l’alinéa 39i) des observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête.

[30] Au paragraphe 3(1) de l’exposé des précisions des plaignants, déposé le 30 avril 2018.

[31] Comme cela est énoncé au paragraphe 51 de l’exposé des précisions de l’intimée.

[32] Voir note précèdente.

[33] Dans Blank c. Canada (Ministre de la Justice), 2006 CSC 39, la Cour suprême du Canada a fait observer que le privilège relatif au litige est [traduction] « applicable aux communications entre un avocat et son client ou des tiers, ou à des documents créés par l’avocat ou sur instruction de l’avocat, lorsque ces documents ou communications ont principalement pour objet de se préparer en vue d’une instance réelle ou raisonnablement prévisible ou de s’occuper de ces litiges. Ce privilège s’applique généralement aux documents que l’avocat ou les personnes sous sa direction ont préparés, réunis ou annotés. L’objet du privilège relatif au litige est de créer une « zone de confidentialité » à l’occasion ou en prévision d’un litige ». (Aux paragraphes 26 et 27)

[34] Cette demande est formulée à l’alinéa 39m) des observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête.

[35] Exposé des précisions de l’intimée, à l’alinéa 40c).

[36] Observations en réponse de la Commission dans sa requête, au paragraphe 23.

[37] Cette demande est formulée à l’alinéa 39r) des observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête.

[38] Correspondant à l’alinéa 24b) des observations écrites de la Commission à l’appui de sa requête et paragraphes 14et 15 de la réponse de Virgin à la requête.

[39] Correspondant aux sous–alinéas 24d)(ii) et (iii) de la requête de la Commission et paragraphes 20 et 22 de la réponse de Virgin à la requête.

[40] Correspondant à l’alinéa 24k) de la requête de la Commission et paragraphes 43 à 44 de la réponse de Virgin à la requête.

[41] Correspondant à une partie de l’alinéa 24o) de la requête de la Commission et paragraphe 60 de la réponse de Virgin à la requête.

[42] Correspondant à l’alinéa 24p) de la requête de la Commission et paragraphes 62 à 63 de la réponse de Virgin à la requête.

[43] Correspondant à l’alinéa 24q) de la requête de la Commission et paragraphes 64 à 65 de la réponse de Virgin à la requête.

[44] Je remarque qu’il peut y avoir des chevauchements entre ces documents et ceux mentionnés aux alinéas 1e) et f) de cette ordonnance.

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