Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien

des droits de la personne

Canadian Human

Rights Tribunal

Référence : 2019 TCDP 14

Date : 26 mars 2019

Numéro du dossier : T2220/4217

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

T.P.

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Forces armées canadiennes

l’intimée

Décision

Membre : Colleen Harrington

 



I.  Introduction

[1]  Le plaignant, T.P., a déposé une plainte relative aux droits de la personne à la suite de deux tentatives d’enrôlement dans les Forces armées canadiennes (FAC). Dans le cadre du processus de gestion de l’instance du Tribunal, les parties ont échangé des exposés des précisions énonçant leur position à l’égard de la plainte, selon laquelle l’intimée, les FAC, fait preuve de discrimination dans ses politiques et pratiques d’embauche, en contravention des articles 10 et 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi).

[2]  Le plaignant, qui a reçu un diagnostic de trouble d’apprentissage lorsqu’il était enfant, affirme que les FAC ont pour politique de refuser de prendre des mesures d’adaptation pour les candidats qui passent le test d’aptitude des Forces canadiennes (TAFC). Le TAFC est un outil de sélection obligatoire utilisé par les FAC dans leur processus de recrutement. Le plaignant affirme qu’en raison du refus des FAC de tenir compte de son trouble d’apprentissage, il n’a pas été en mesure de s’enrôler dans les Forces armées.

[3]  La position de l’intimée est qu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve montrant que le plaignant a avisé les FAC de son trouble d’apprentissage ou qu’il a demandé des mesures d’adaptation relativement à ce trouble avant de passer le TAFC, en 2009 ou en 2014. Subsidiairement, l’intimée affirme que le TAFC est une exigence professionnelle justifiée (EPJ).

[4]  La Commission soutient qu’étant donné que, pendant toute la période visée par la plainte, les FAC avaient pour politique expresse de ne prendre ni de n’envisager aucune mesure d’adaptation en ce qui a trait au TAFC, il n’aurait pas été utile que le plaignant présente une demande de mesures d’adaptation, car la législation en matière de droits de la personne n’impose pas à un plaignant l’obligation de demander des mesures d’adaptation lorsque la politique expresse de l’intimé énonce que cette demande sera refusée.

[5]  En même temps que leur exposé des précisions, les parties ont échangé des listes de témoins ainsi que des documents en leur possession qu’elles estiment pertinents par rapport aux questions que le Tribunal doit examiner et trancher. Ces documents ne sont pas transmis au Tribunal à cette étape de l’instance.

[6]  La présente requête de la Commission découle de sa demande aux FAC de divulguer et de produire d’autres documents. Les FAC s’opposent à la requête. Après avoir reçu les observations des FAC en réponse à cette requête, la Commission a révisé sa demande d’ordonnance de production afin d’inclure seulement les documents ayant trait au projet de politique sur les troubles d’apprentissage des FAC.

[7]  J’accueille la demande de la Commission et rends une ordonnance enjoignant aux FAC de produire des documents ayant trait à leur projet de politique et de fournir aux parties et au Tribunal une nouvelle liste de documents précisant les documents pour lesquels le secret professionnel de l’avocat est revendiqué.

II.  Requête de la Commission aux fins de production de documents

[8]  Le 19 juin 2018, la Commission a demandé trois catégories de documents aux FAC : ceux visés par « la demande initiale de la CCDP », ceux visés par « la demande de suivi après recherche » et ceux visés par « la demande du projet de DOAD » [1] . Les FAC ont répondu le 27 août 2018 qu’elles refusaient de produire les documents relatifs au projet de DOAD.

[9]  Le 9 novembre 2018, la Commission a déposé un avis de requête pour obtenir une ordonnance enjoignant aux FAC i) de produire tous les documents demandés par la Commission dans sa lettre du 19 juin 2018 et ii) d’écrire au Tribunal et aux parties pour confirmer que des recherches diligentes ont été effectuées et que tous les documents pertinents ont été divulgués.

[10]  Les FAC affirment, et la Commission le reconnaît, qu’elles ont mené des recherches diligentes et produit tous les documents pertinents énoncés dans la lettre du 19 juin 2018 de la Commission, à l’exception des documents visés par la demande du projet de DOAD, qu’elles refusent de produire. Je constate que les FAC ont confirmé leur engagement à communiquer tout document visé par la demande initiale de la CCDP et la demande de suivi après recherche.

[11]  Dans sa demande du projet de DOAD, la Commission demande aux FAC de produire tout document : [traduction] « i) qui a mené au projet de DOAD, que ce soit des documents de recherche, des propositions de politiques, des notes d’information, des versions antérieures ou autres, et/ou ii) qui précise l’état d’avancement du projet de DOAD. »

[12]  Dans leur réponse à la Commission du 27 août 2018, les FAC ont déclaré : [traduction] « nous sommes opposés à la production d’autres projets de (DOAD) sur les troubles d’apprentissage ou d’autres documents de travail pour des raisons de pertinence. La DOAD n’est pas encore terminée, et nous ne sommes pas en mesure de fournir une date de livraison approximative pour l’instant. Nous vous tiendrons au courant de toute progression et communiquerons la politique (DOAD) définitive à la Commission et [au plaignant]. »

[13]  À l’appui de sa requête en production de documents relatifs au projet de DOAD, la Commission invoque le paragraphe 50(1) de la Loi, les alinéas 6(1)d) et e) des Règles de procédure (les Règles) du Tribunal et les principes juridiques applicables élaborés et formulés dans la jurisprudence du Tribunal. Le plaignant appuie la requête de la Commission, tandis que les FAC s’opposent à la demande du projet de DOAD pour trois motifs : i) la pertinence de ces documents dans cette instance, ii) le secret professionnel de l’avocat et iii) le privilège d’intérêt public.

III.  Position des parties à l’égard de la requête en production des documents relatifs au projet de DOAD

A.  Commission

[14]  La Commission énonce des principes clés que le Tribunal applique lorsqu’il statue sur des requêtes en divulgation et en production de documents, notamment celui selon lequel les documents qui sont « potentiellement pertinents » doivent être divulgués. Cela signifie qu’il doit y avoir un lien rationnel entre le document demandé et les faits, questions ou types de redressement demandés par les parties [2] .

[15]  Dans le cadre de la divulgation initiale de documents, les FAC ont fourni un projet de leur politique sur les troubles d’apprentissage (DOAD 5516-LD, Troubles d’apprentissage), qui, selon la Commission, [traduction] « présente la possibilité » que les candidats ayant des troubles d’apprentissage puissent bénéficier de mesures d’adaptation dans le processus de candidature des FAC. Lorsque la Commission a présenté sa demande du projet de DOAD en juin 2018, l’intimée a refusé de produire les documents « pour des raisons de pertinence », sans plus d’explication que de dire que la politique n’était pas encore terminée. La Commission soutient que les documents demandés relativement au projet de DOAD sont potentiellement pertinents à la présente instance, car les FAC ont déclaré que, si le plaignant établissait qu’il avait fait l’objet de discrimination prima facie, elles pouvaient prouver que le TAFC était une exigence professionnelle justifiée (EPJ).

[16]  La Commission affirme que le refus des FAC de produire les documents relatifs au projet de DOAD « pour des raisons de pertinence » est incompatible avec les principes fondamentaux des droits de la personne, eu égard au critère de l’EPJ établi par la Cour suprême du Canada dans l’affaire Meiorin [3] . Dans cet arrêt, la Cour suprême a élaboré le critère à trois volets ci-après, qui est couramment appliqué par le Tribunal lorsqu’un employeur soutient, suivant l’alinéa 15(1)a) et le paragraphe 15(2) de la Loi, qu’une norme discriminatoire à première vue est en fait une EPJ :

  • a) La norme a-t-elle été adoptée dans un but rationnellement lié à l’exécution du travail en cause?

  • b) Lorsqu’il a adopté la norme particulière, l’employeur croyait-il sincèrement qu’elle était nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail?

  • c) La norme est-elle raisonnablement nécessaire pour réaliser ce but légitime lié au travail? Pour prouver que la norme est raisonnablement nécessaire, il faut démontrer qu’il est impossible d’adopter des mesures d’adaptation pour un employé sans que l’employeur subisse une contrainte excessive [4] .

[17]  Afin de déterminer si la norme est « raisonnablement nécessaire », la Cour a déclaré que les tribunaux devraient poser certaines « questions importantes », telles que celle de savoir si l’employeur a cherché à trouver des méthodes de rechange, comme les évaluations individuelles en fonction d’une norme qui tient davantage compte de l’individu, et, si des normes différentes ont été étudiées, pourquoi elles n’ont pas été appliquées [5] . Le tribunal devrait également se demander si la norme est bien conçue pour que le niveau de compétence requis soit atteint sans qu’un fardeau excessif soit imposé à ceux qui sont visés par la norme [6] .

[18]  La Commission affirme que, pour mener une analyse de l’EPJ en l’espèce, le Tribunal devra déterminer si les FAC ont cherché à trouver des méthodes de rechange pour les candidats ayant des troubles d’apprentissage et pourquoi les normes moins exclusives possiblement définies n’ont pas été mises en œuvre. Selon la Commission, le Tribunal devra chercher à savoir : i) pourquoi le projet de DOAD a-t-il été rédigé? ii) sur quelle information les auteurs du projet de DOAD se sont-ils fondés pour proposer la nouvelle approche moins restrictive? iii) pourquoi cette nouvelle approche n’a-t-elle pas été proposée plus tôt? iv) pourquoi n’a-t-elle pas encore été mise en œuvre? v) d’autres mesures d’adaptation moins contraignantes pour les personnes ayant des troubles d’apprentissage ont-elles été examinées et rejetées dans le cours de l’élaboration du projet de DOAD et, dans l’affirmative, pourquoi ont-elles été rejetées?

[19]  La Commission affirme que les documents énumérés dans sa demande du projet de DOAD du 19 juin 2018 sont potentiellement pertinents par rapport à ces questions, car, selon le projet de DOAD déjà divulgué, les FAC envisageaient déjà d’adopter une norme d’exclusion moins contraignante.

[20]  La Commission soutient également que, si la responsabilité est établie, les documents demandés aideront le Tribunal à comprendre l’état actuel du projet de DOAD, ce qui sera utile au moment de déterminer s’il y a lieu d’ordonner des redressements dans l’intérêt public et, si oui, lesquels, pour éviter la récurrence de pratiques discriminatoires.

[21]  La Commission soutient qu’il faut ordonner la production des documents relatifs au projet de DOAD afin de donner à la Commission et au plaignant une juste et entière possibilité de faire valoir leur cause devant le Tribunal.

B.  Plaignant

[22]  Le plaignant consent à la requête de la Commission et souscrit à ses observations. Le plaignant fait remarquer que les FAC n’ont fourni aucune explication ou justification quant à leur refus de produire les documents relatifs au projet de DOAD « pour des raisons de pertinence ». Il soutient qu’il est tout à fait évident que les documents relatifs au projet de DOAD satisfont au critère de « pertinence potentielle ».

C.  Intimée

[23]  Bien qu’elles aient d’abord refusé de produire les documents relatifs au projet de DOAD au seul motif de leur pertinence, dans leurs observations en réponse à la présente requête, les FAC soutiennent également qu’il ne peut y avoir d’ordonnance de production des documents, parce qu’ils sont visés par le secret professionnel de l’avocat ainsi que par le privilège d’intérêt public.

(i)  Pertinence

[24]  Les FAC soutiennent que les documents demandés ne sont pas pertinents au regard de la procédure, parce que la principale question que le Tribunal doit trancher est de savoir si le plaignant a établi qu’il y a eu discrimination prima facie. Selon elles, les mesures d’adaptation pour son prétendu trouble d’apprentissage sont exclues des faits de l’affaire, parce que le plaignant n’a pas déclaré son incapacité ni demandé de mesures d’adaptation avant ou au moment de passer le TAFC, en octobre 2014.

[25]  Elles ajoutent que leurs discussions, leurs propositions et leurs approches, ainsi que l’élaboration et l’historique du projet de DOAD ne sont pas déterminants pour le Tribunal, qui doit décider si le TAFC lui-même est une EPJ, car les FAC ont reconnu que lorsque le plaignant a passé le TAFC en octobre 2014, elles n’avaient pas de politique sur les mesures d’adaptation aux troubles d’apprentissage.

[26]  Les FAC déclarent que, même si le Tribunal jugeait que les documents relatifs au projet de DOAD sont pertinents, elles refuseraient de les produire à cause du secret professionnel de l’avocat et du privilège d’intérêt public.

(ii)  Secret professionnel de l’avocat

[27]  Les FAC revendiquent ce privilège pour les documents relatifs au projet de DOAD qui contiennent des avis, des conseils et des recommandations juridiques provenant du ministère de la Défense nationale (MDN) et des Services juridiques des FAC, ainsi que du Cabinet du Juge-avocat général. L’intimée fait remarquer que le privilège du secret professionnel de l’avocat [traduction] « va au-delà de la règle de preuve et constitue un droit substantiel essentiel au bon fonctionnement de notre système de justice, qui ne nécessite pas une évaluation des intérêts dans chaque cas. Il s’agit d’un privilège générique qui comporte une présomption de non-divulgation [7] . »

(iii)  Privilège d’intérêt public

[28]  Les FAC revendiquent également le privilège d’intérêt public, faisant valoir que les documents relatifs au projet de DOAD demandés par la Commission sont le produit du processus d’élaboration de nouvelles politiques des FAC et du MDN.

[29]  À l’appui de sa position, l’intimée a fourni un affidavit utile provenant du lieutenant‑colonel Pierre Sasseville, qui est directeur de l’examen externe au Bureau du directeur général, Gestion intégrée des conflits et des plaintes, vice-chef d’état-major de la Défense. Selon l’affidavit du lieutenant-colonel Sasseville, les FAC ont communiqué aux autres parties le projet de politique sur les troubles d’apprentissage daté du 13 décembre 2017 [traduction] « par souci de transparence et pour donner aux parties un portrait du contexte actuel et la possibilité de discuter d’un règlement éventuel de l’affaire », de même que pour donner à la Commission l’occasion de formuler des commentaires sur la politique. Il est difficile de savoir si cette invitation à formuler des commentaires a été communiquée à la Commission au moment où le projet de politique a été fourni.

[30]  L’affidavit du lieutenant-colonel Sasseville précise également qu’il n’y avait pas de politique des FAC sur les troubles d’apprentissage qui traitait précisément du TAFC au moment où le plaignant avait passé le TAFC en octobre 2014, bien que la création d’une telle politique sur les troubles d’apprentissage ait été envisagée et discutée au sein des FAC et de son bureau à la Direction des droits de la personne et de la diversité (DDPD) depuis 2004. Il affirme que le processus officiel d’élaboration de la DOAD a commencé en 2014 sous la direction de la DDPD et d’un groupe de travail composé de plusieurs membres haut placés du bureau du Chef du personnel militaire, d’un avocat du Juge-avocat général et des Services juridiques du MDN et des FAC, du directeur de la santé mentale, du Collège militaire royal du Canada et de l’Aviation royale canadienne.

[31]  Selon l’affidavit du lieutenant-colonel Sasseville, le projet de DOAD sur les troubles d’apprentissage est le produit du processus d’élaboration de nouvelles politiques ou de modification importantes aux politiques existantes suivi par les FAC et le MDN, et le processus d’élaboration des politiques comporte plusieurs étapes, notamment celles du lancement, de la consultation, de la rédaction, de la révision, de la publication et de la promulgation.

[32]  Il affirme que la politique et son analyse ont été rédigées en consultation avec les FAC et leurs intervenants et que, une fois rédigée, la politique a fait l’objet d’une relecture, de commentaires et de recommandations internes. Il affirme que le projet de DOAD est toujours à l’étude et sera parachevé une fois approuvé par le commandant du Commandement du personnel militaire. Il ne peut pas prévoir la date d’approbation officielle de la DOAD, mais, une fois qu’elle sera terminée, une copie sera transmise à la Commission et au plaignant.

[33]  L’affidavit du lieutenant-colonel Sasseville précise les catégories de documents que les FAC refusent de divulguer en raison du privilège d’intérêt public, à savoir les comptes rendus de discussions ou de décisions, les exposés aux comités décisionnels, comme le Conseil des Forces armées, la correspondance portant sur l’approbation de la DOAD en matière de troubles d’apprentissage par le Chef du personnel militaire, la correspondance entre les membres du groupe de travail sur la DOAD en matière de troubles d’apprentissage, l’information demandée et recueillie par le groupe de travail, les documents organisationnels du groupe de travail, les documents produits par le groupe de travail, les thèses de recherche, les rapports de consultants, les projets de DOAD, les documents liés au classement des options de politiques, les avis ou conseils juridiques, les documents liés à l’approbation de la DOAD, les projets de formulaires de demande de mesures d’adaptation aux troubles d’apprentissage et les modifications proposées aux documents existants pour tenir compte des troubles d’apprentissage.

[34]  Les FAC font valoir que les conseils et les recommandations contenus dans ces documents ont été formulés dans un contexte où la confidentialité était attendue, et soutiennent que la divulgation de ces documents entraverait le caractère franc et ouvert des discussions nécessaires aux délibérations et à l’élaboration de politiques au sein des FAC, [traduction] « en suscitant des préoccupations concernant l’accès et l’analyse du public du processus d’élaboration des politiques ».

[35]  Les FAC soulignent que le privilège d’intérêt public découle de la règle de preuve de la common law liée à la sécurité nationale ou au fonctionnement efficace du gouvernement. [Traduction] « Il ne s’agit pas à proprement parler d’un privilège de la Couronne, mais plutôt d’une immunité d’intérêt public qui relève de l’appréciation de la cour/du Tribunal. La question de savoir si l’exemption de divulgation sert l’intérêt public suppose de faire un choix entre des intérêts opposés, qui exigent la confidentialité d’un côté et la divulgation de l’autre [8] . »

[36]  Les FAC parlent ensuite des lois sur l’accès à l’information et la protection des renseignements personnels, comme la Loi sur l’accès à l’information [9] du gouvernement fédéral et ses équivalents provinciaux. En ce qui concerne les exceptions prévues à ces lois quant à la divulgation de conseils ou de recommandations de politiques émanant de fonctionnaires, les FAC affirment que [traduction] « le législateur préserve la confidentialité des conseils fournis par les fonctionnaires pour garantir l’ouverture, la franchise et l’impartialité des discussions et des conseils sur les différents dossiers et pour préserver la neutralité et l’efficacité de la fonction publique ». Elles invoquent un certain nombre de décisions dans lesquelles les tribunaux ont conclu que, sous le régime des lois sur l’accès à l’information, il faut accorder aux gouvernements une certaine confidentialité dans le processus d’élaboration des politiques, car un examen minutieux du public des conseils donnés par les fonctionnaires pourrait détruire la crédibilité et l’efficacité du gouvernement et entraver la circulation ouverte et franche des communications au sein des ministères [10] .

[37]  Enfin, les FAC affirment que, si le Tribunal décide que le privilège d’intérêt public s’applique aux documents demandés, il ne sera pas nécessaire d’introduire une instance distincte devant la Cour fédérale du Canada au titre de l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada.

D.  Réplique de la Commission aux observations de l’intimée

(i)  Pertinence

[38]  En ce qui concerne l’argument des FAC selon lequel le Tribunal ne devrait pas avoir à examiner l’argument de l’EPJ, parce que la principale question à trancher est celle de savoir si le plaignant a établi qu’il y a eu discrimination prima facie, la Commission affirme qu’il ne s’agit pas d’une objection valide à une demande de production, car il n’appartient pas à une partie de présumer que le Tribunal rendra des décisions clés en sa faveur sur des questions contestées. Comme les FAC ont invoqué l’EPJ pour leur défense, les documents qui sont potentiellement pertinents à cette défense doivent être communiqués, sous réserve seulement des revendications de privilège ou d’immunité.

[39]  La Commission soutient également que l’intimée n’a rien fait d’autre que d’affirmer simplement que les documents demandés ne sont pas pertinents à l’analyse de l’EPJ. La Commission ne souscrit pas à la position des FAC selon laquelle elles n’avaient pas de politique sur les mesures d’adaptation pour les troubles d’apprentissage pendant les périodes en question, affirmant que leur politique, en fait, était qu’aucun accommodement ne serait fourni relativement au TAFC. Quoi qu’il en soit, les FAC n’ont [traduction] « fourni aucune autre explication ni cité de précédent applicable et n’ont aucunement réagi aux observations de la Commission concernant le sens et la signification de l’arrêt Meiorin ».

(ii)  Secret professionnel de l’avocat

[40]  La Commission fait remarquer que l’alinéa 6(1)e) des Règles du Tribunal exige que chaque partie produise une liste de tous les documents potentiellement pertinents pour lesquels le secret professionnel est invoqué. Elle fait remarquer que les FAC n’ont pas précisé quels documents étaient protégés par le secret professionnel de l’avocat et que, si le Tribunal convient que les documents visés par la demande du projet de DOAD doivent être produits, il devrait enjoindre aux FAC de fournir des listes de documents à jour, dont une liste des documents qui sont censés être protégés en tout ou en partie par le secret professionnel de l’avocat. Cela permettrait à la Commission et au plaignant d’examiner la liste et de soulever leurs préoccupations s’ils estiment que le secret professionnel n’a pas été revendiqué à juste titre pour certains documents.

(iii)  Privilège d’intérêt public

[41]  La Commission renvoie à la jurisprudence dans laquelle le Tribunal a statué que, lorsque le gouvernement souhaite invoquer l’immunité d’intérêt public, il a deux possibilités : i) invoquer l’immunité en vertu de la common law, auquel cas le Tribunal peut examiner le bien-fondé de la demande; ou, ii) attester l’existence d’un intérêt public déterminé au titre de l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, auquel cas le Tribunal n’a pas compétence pour trancher la question, et toute objection à l’immunité invoquée doit être traitée par demande à la Cour fédérale du Canada [11] . La Commission fait remarquer que, comme les FAC ne mentionnent pas l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, sauf pour dire qu’elles pourraient se prévaloir de cette disposition plus tard si le Tribunal n’accepte pas leurs arguments, il semble que les FAC aient choisi d’invoquer l’immunité sous le régime de la common law, ce qui signifie que le Tribunal devrait se prononcer sur le bien-fondé de leur revendication d’immunité d’intérêt public.

[42]  La Commission affirme que dans l’administration de la justice, il est dans l’intérêt public d’accorder aux parties à un litige l’accès complet à tous les renseignements potentiellement pertinents, mais elle reconnaît que, dans certaines circonstances particulières, le gouvernement peut invoquer l’immunité en vertu de la common law pour ne pas divulguer certains documents, au motif que la divulgation des renseignements porterait préjudice à un intérêt public déterminé. Cependant, il incombe au gouvernement d’établir l’existence de l’intérêt public justifiant l’immunité invoquée. Ce faisant, le gouvernement doit fournir des documents les plus complets possible se rattachant aux renseignements en jeu et expliquer la nature des intérêts qu’il cherche à protéger [12] . Un décideur peut choisir d’examiner les documents en question, s’il est utile de le faire pour statuer sur une demande, à moins que le gouvernement ne puisse établir que cela serait contraire à l’intérêt public [13] .

[43]  La Commission fait remarquer que les tribunaux qui examinent les demandes d’immunité d’intérêt public ont établi plusieurs facteurs que le Tribunal devrait prendre en considération avant de décider si l’immunité doit être accordée ou non, ce que j’aborderai dans la section Analyse ci-dessous.

[44]  La Commission souligne que les FAC n’ont cité aucun cas où le Tribunal ou une cour a appliqué une immunité collective aux types de documents demandés en l’espèce, dans le contexte d’une demande d’ordonnance de production en litige. Les FAC s’appuient plutôt sur des exceptions prévues par la législation sur l’accès à l’information et la jurisprudence connexe, qui, selon la Commission, se rattachent à des cas différents. La Commission fait remarquer que la Cour d’appel fédérale a déclaré qu’il est important de ne pas confondre les régimes légaux d’accès à l’information et la divulgation de la preuve dans le cadre normal d’un litige [14] . La Commission fait valoir que rien dans la législation sur l’accès à l’information ne suggère que les cours ou tribunaux doivent envisager ou appliquer dans d’autres contextes les exceptions prévues par la loi.

[45]  La Commission soutient que d’accueillir la demande générique très large des FAC aurait une incidence profonde sur les affaires de droits de la personne ayant le gouvernement pour intimé. La Commission cite à titre d’exemple l’éventail d’affaires dont le Tribunal est actuellement saisi et qui portent sur la prestation de services par le gouvernement, comme les services d’aide à l’enfance et à la famille ou les services de police destinés aux personnes vivant dans les réserves. La Commission fait remarquer que, dans ces cas, il arrive souvent que soient produits des documents gouvernementaux qui divulguent des conseils ou des recommandations internes formulés par des fonctionnaires relativement à l’évaluation ou à l’éventuelle réforme des politiques gouvernementales [15] . La Commission soutient que, si les FAC réussissent à obtenir une immunité collective qui les exempte de l’obligation de divulguer le type de documents en question, même lorsqu’ils sont potentiellement pertinents, [traduction] « un obstacle important aura été érigé qui compromettra la poursuite en bonne et due forme de ces affaires et de la présente affaire », ce qui irait à l’encontre des objectifs de la Loi et constituerait un recul important par rapport à l’égalité réelle.

[46]  Enfin, la Commission fait remarquer que les FAC ont déjà produit le projet de DOAD, qui reflète les conseils et les recommandations stratégiques de fonctionnaires, et qui semble être le même type de document que ceux qui, selon les FAC désormais, ne peuvent être produits sans préjudicier l’intérêt public : [traduction] « si le projet de DOAD a pu être divulgué, alors les autres documents demandés le pourraient aussi. »

[47]  La Commission affirme que le Tribunal devrait rejeter la revendication d’immunité d’intérêt public des FAC en vertu de la common law et rendre l’ordonnance de production demandée par la Commission, sous réserve uniquement du privilège du secret professionnel de l’avocat.

IV.  Questions à trancher

[48]  Le Tribunal devrait-il accueillir la demande de la Commission et rendre une ordonnance obligeant les FAC à produire des documents relatifs au projet de DOAD?

[49]  Pour répondre à cette question, je dois me pencher sur chacune des objections soulevées par les FAC relativement à la demande du projet de DOAD de la Commission. Plus précisément, je dois répondre aux questions suivantes :

  • i) Les documents demandés par la Commission sont-ils pertinents par rapport à l’instance?

  • ii) Les documents sont-ils visés par le secret professionnel de l’avocat?

  • iii) Les documents sont-ils visés par le privilège d’intérêt public de la common law?

V.  Analyse

A.  Pertinence des documents relatifs au projet de DOAD

[50]  Le Tribunal a examiné de nombreuses requêtes en divulgation et en production de documents, dans le cadre desquelles ont été établis certains principes qui guident le Tribunal lorsqu’il est appelé à statuer sur une telle requête préalable à l’audience. Le principe le plus fondamental est que toutes les parties ont droit à une audience équitable, ce qui exige que « l’intéressé soit informé des allégations formulées contre lui et ait la possibilité d’y répondre [16] . » Dans le cadre de cette exigence d’équité procédurale, chaque partie a le droit d’obtenir des éléments de preuve pertinents en la possession ou sous la garde de la partie adverse [17] . Lorsque la question de savoir si un document doit être produit est en litige, le principe de la « pertinence potentielle » est appliqué. Pour qu’un document soit potentiellement pertinent, il doit y avoir un lien rationnel entre les documents demandés et les faits, questions ou formes de réparation demandées par les parties [18] . La question de la pertinence potentielle des documents doit être tranchée au cas par cas [19] .

[51]  Il incombe à la partie requérante d’établir le lien rationnel, mais le seuil de pertinence potentielle est peu élevé, et il a été reconnu dans la jurisprudence que la tendance qui se dessine favorise une communication de documents plus étendue que moins étendue [20] . Cela ne signifie pas que la demande peut être spéculative ou équivaloir à une « partie de pêche [21] . » Les documents demandés doivent être décrits de façon minutieuse, et la demande ne doit pas être trop large ou trop générale [22] .

[52]  Les FAC n’ont pas dit que la demande de la Commission équivalait à une « partie de pêche » ni qu’elle était trop large. En effet, les FAC ont été en mesure de décrire des documents particuliers visés par la demande et qu’elles refusent de produire.

[53]  En ce qui concerne l’argument des FAC selon lequel les documents relatifs au projet de DOAD ne sont pas pertinents parce que, à leur avis, comme le plaignant ne peut établir une discrimination prima facie, l’analyse de l’EPJ est inutile, je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’il ne s’agit pas d’une objection valide à une demande de production. À l’étape actuelle, je dois seulement examiner si les documents demandés sont potentiellement pertinents par rapport aux faits, questions ou formes de réparation demandées par les parties. Je ne peux conjecturer sur les arguments qui l’emporteront à l’audience, pas plus qu’une partie ne devrait présumer à cette étape que le Tribunal tranchera en sa faveur les faits ou questions contestés.

[54]  Dans ses observations, la Commission a établi le type de questions que le Tribunal devra examiner afin de déterminer si les FAC ont cherché à trouver des méthodes de rechange pour les candidats ayant des troubles d’apprentissage, et pourquoi les normes plus inclusives possiblement définies n’ont pas été mises en œuvre. Voici le genre de « questions importantes » que les tribunaux doivent se poser selon la Cour suprême du Canada pour déterminer si une norme est raisonnablement nécessaire pour réaliser le but légitime lié au travail, ce qui constitue le troisième volet du critère de l’arrêt Meiorin. Le Tribunal applique régulièrement le critère de l’arrêt Meiorin lorsqu’un employeur soutient, sous le régime de l’alinéa 15(1)a) et du paragraphe 15(2) de la Loi [23] , qu’une norme discriminatoire prima facie est en fait une EPJ. Ce sont les FAC elles-mêmes qui ont invoqué la défense de l’EPJ dans leurs actes de procédure.

[55]  Les FAC n’ont pas fourni d’explication ou d’arguments convaincants ni cité de précédents applicables en ce qui a trait aux observations de la Commission concernant le sens et la signification du critère de l’arrêt Meiorin, et elles n’ont pas répondu à l’argument de la Commission selon lequel les documents relatifs au projet de DOAD pourraient être pertinents par rapport à une réparation d’intérêt public. Elles disent simplement que le processus d’élaboration et le moment de la rédaction de la politique sur les troubles d’apprentissage ne sont pas pertinents au regard de l’examen, par le Tribunal, de la question de savoir si le TAFC est une EPJ, parce que les FAC ont reconnu ne pas avoir eu de politique sur les mesures d’adaptation pour les troubles d’apprentissage en octobre 2014, lorsque le plaignant a passé le TAFC pour la deuxième fois. Cependant, selon l’affidavit du lieutenant‑colonel Sasseville, les FAC envisageaient la création d’une politique sur les troubles d’apprentissage et en discutaient à la DDPD depuis 2004, soit bien avant la première demande d’enrôlement du plaignant en 2009.

[56]  Je suis d’accord avec la Commission pour dire que les documents visés par sa demande du projet de DOAD pourraient aider la Commission et le plaignant à répondre à une défense d’EPJ, en plus d’aider le Tribunal à répondre aux questions importantes qui devront éventuellement être posées s’il doit effectuer une analyse de l’EPJ. Je suis d’avis que la Commission a établi le lien rationnel nécessaire pour conclure que les documents demandés sont potentiellement pertinents par rapport à la défense possible des FAC fondée sur l’EPJ.

[57]  Je conviens également que, si une discrimination prima facie est établie et que les FAC ne peuvent pas prouver que le TAFC est une EPJ, les documents relatifs au projet de DOAD pourraient aider le Tribunal à déterminer quel type de réparation d’intérêt public devrait être prescrit, ce qui les rend potentiellement pertinents à cet égard.

[58]  Même si le Tribunal n’examine jamais la défense de l’EPJ ni les réparations dans le cadre de l’instruction de la plainte, à cette étape préliminaire de l’instance le seuil de la pertinence potentielle est bas, et la requête de la Commission atteint ce seuil.

[59]  Les documents potentiellement pertinents doivent être produits, sous réserve uniquement de la revendication d’un privilège ou d’une immunité, ce que j’aborderai ci-dessous.

B.  Secret professionnel de l’avocat

[60]  Le secret professionnel de l’avocat est un droit substantiel et un privilège générique qui comporte une présomption de non-divulgation [24] . Parmi les documents relatifs au projet de DOAD que les FAC refusent de produire, il y a des [traduction] « avis ou conseils juridiques », qui seraient probablement protégés par ce privilège.

[61]  Toutefois, la Commission a raison de dire que les Règles du Tribunal exigent que les parties échangent des listes de tous les documents potentiellement pertinents pour lesquels un privilège est revendiqué. Je suis d’accord pour dire que, comme j’ai conclu que les documents relatifs au projet de DOAD sont potentiellement pertinents et, ainsi que je l’explique ci-dessous, ne sont pas assujettis à l’immunité d’intérêt public, les FAC doivent fournir des listes de documents à jour, y compris une liste indiquant les documents qui, selon elles, sont visés en tout ou en partie par le secret professionnel de l’avocat.

C.  Privilège d’intérêt public

[62]  La common law reconnaît que, dans certaines circonstances particulières, les gouvernements peuvent revendiquer l’immunité [25] pour ne pas divulguer certains documents au motif que leur divulgation serait préjudiciable à un intérêt public déterminé; par exemple, l’intérêt public qu’il y a à protéger le pays d’un préjudice à la sécurité nationale ou aux relations internationales susceptible d’être causé par la divulgation de secrets d’État [26] ou, comme le veut l’argument en l’espèce, d’un préjudice au processus décisionnel et au fonctionnement du gouvernement qui pourrait être causé par la divulgation d’autres documents gouvernementaux [27] .

[63]  De telles revendications d’immunité peuvent toutefois donner lieu à des conflits entre différents intérêts publics qui doivent être soupesés par le décideur. De fait, [traduction] « [l]a question de savoir si la prépondérance joue en faveur de la divulgation ou de l’immunité dépend des circonstances de chaque affaire [28] . » En l’espèce, je dois trancher la question de savoir si l’intérêt public dans l’administration de la justice, qui favorise l’accès complet des parties à un litige à tous les renseignements potentiellement pertinents afin qu’elles connaissent la cause qu’elles doivent faire valoir, l’emporte sur la préoccupation des FAC selon laquelle la divulgation des documents relatifs au projet de DOAD nuira à son processus d’élaboration de politiques.

[64]  La Commission suggère au Tribunal de tenir compte des facteurs suivants [29] au moment de décider si l’immunité d’intérêt public devrait être accordée :

  • a) La valeur probante des éléments de preuve recherchés et la mesure dans laquelle ils seront nécessaires pour bien trancher les questions en litige [30] .

  • b) L’objet du litige [31] .

  • c) L’effet de la non-divulgation sur la perception du public à l’égard de l’administration de la justice [32] .

  • d) La question de savoir si la demande comprend une allégation d’acte répréhensible du gouvernement (le cas échéant, la revendication d’immunité peut être motivée par des intérêts personnels plutôt que par un souci sincère d’assurer le secret des renseignements [33] ).

  • e) Le temps écoulé depuis les communications [34] .

  • f) L’ordre de gouvernement d’où proviennent les communications [35] .

  • g) Le caractère délicat des renseignements (et la mesure dans laquelle une partie ou la totalité des renseignements a déjà été publiée [36] ).

[65]  La plupart de ces facteurs sont tirés de l’arrêt Carey c. Ontario de la Cour suprême du Canada [37] . Dans le récent arrêt de la Cour d’appel de la Nouvelle-Écosse Nova Scotia (Attorney General) v. Judges of the Provincial Court and Family Court of Nova Scotia [38] , la Cour a souligné ce qui suit :

[traduction]

[43] Les « facteurs de l’arrêt Carey » régissent les décisions portant sur l’immunité d’intérêt public et la divulgation de documents de la Couronne (p. ex. Leeds c. Alberta (Minister of the Environment) (1990), 1990 CanLII 5933 (AB QB), 106 A.R. 105 (Q.B.)).

[66]  Pour déterminer si les FAC revendiquent à juste titre l’immunité d’intérêt public, j’examinerai les facteurs susmentionnés dans la mesure où ils s’appliquent aux circonstances en l’espèce.

[67]  a) Le premier facteur est « la valeur probante des éléments de preuve recherchés ». J’ai déjà conclu que les documents relatifs au projet de DOAD sont potentiellement pertinents à une analyse de l’EPJ ainsi qu’à une réparation d’intérêt public. Par conséquent, je conviens que la valeur probante des documents relatifs au projet de DOAD est considérable. La satisfaction de ce critère favorise la divulgation des documents.

[68]  b) Le deuxième facteur est l’« objet du litige », qui, selon la Commission, milite en faveur de la divulgation complète. Cette dernière précise que la plainte repose sur des allégations de discrimination fondée sur la déficience, à la fois à cause du refus d’accorder une réelle égalité des chances d’emploi et à cause de la politique générale de refuser toute mesure d’adaptation aux candidats qui passaient le TAFC. La Commission affirme qu’il s’agit d’enjeux importants touchant des droits de la personne quasi constitutionnels et se rattachant à des aspects systémiques qui revêtent une importance pour le grand public. Je conviens que les documents demandés sont directement liés à l’objet du litige, ce qui milite en faveur de la divulgation.

[69]  c) et d) La Commission soutient également que, comme les FAC sont à la fois la partie qui revendique l’immunité et l’intimée déclarée, la non-divulgation aurait un effet néfaste sur la perception de l’administration de la justice. La plainte comprend une allégation d’acte répréhensible de la part du gouvernement, soit la discrimination dans ses politiques d’embauche et le défaut de prendre des mesures d’adaptation pour les personnes ayant des troubles d’apprentissage. Je suis d’avis que la non-divulgation de ces documents pourrait effectivement nuire à la perception du public à l’égard du processus d’audience du Tribunal, car le fait de refuser l’accès aux documents demandés pourrait compromettre la capacité de la Commission et du plaignant de répondre à toutes les questions soulevées dans le cadre de la procédure. Ces deux facteurs favorisent la divulgation des documents.

[70]  e) En ce qui concerne « le temps écoulé depuis les communications », il semble en l’espèce qu’il y ait toujours des discussions concernant la création et l’approbation de la politique sur les troubles d’apprentissage. La jurisprudence donne à penser que, dans les situations où une décision est en instance, surtout une décision importante (par exemple une décision du Cabinet), cela pourrait jouer en faveur de la non-divulgation [39] . Cependant, je crois qu’il est important de tenir compte de la [traduction] « nature de la politique en question [40]  » lors de l’examen de ce facteur. Dans l’arrêt Carey, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

[L]e palier du processus décisionnel dont il s’agit n’est qu’un élément parmi beaucoup d’autres à prendre en considération. Plus importantes encore, à ce qu’il me semble, sont la nature de la politique en question et la teneur précise des documents. Aussi, en ce qui concerne la protection du processus décisionnel, le moment où sera divulgué un document ou un renseignement constitue un facteur extrêmement important. La révélation des discussions et des projets du Cabinet au stade de l’élaboration ou dans d’autres situations où le public s’intéresse vivement à ces choses risquerait de nuire gravement au bon fonctionnement du gouvernement par le Cabinet, mais cela n’est guère le cas lorsqu’il s’agit d’une politique de moindre importance qui a cessé depuis longtemps de susciter beaucoup d’intérêt parmi le public [41] .

[71]  En l’espèce, il s’agit d’une politique qui, bien qu’importante, est essentiellement une politique en matière de personnel qui sera finalement approuvée par le commandant du Commandement du personnel militaire. Pour citer le juge LaForest dans l’affaire Carey, « son importance n’est certainement pas capitale [42]  ». Les FAC ne sont pas en mesure de préciser le moment de l’approbation finale, et il semble que la politique en soit à l’étape de l’élaboration depuis environ cinq ans. Je comprends que les FAC sont une grande organisation hiérarchique, mais je ne suis pas convaincue que la nature continue du processus décisionnel à l’égard de cette politique milite fortement en faveur de la non‑divulgation des documents.

[72]  f) De même, en ce qui concerne « l’ordre de gouvernement d’où proviennent les communications », je suis d’accord avec la Commission pour dire qu’il semble que les documents demandés aient été, pour la plupart, créés par un groupe de travail ou sous sa direction, en consultation avec les intervenants, bien que, comme le note la Commission, même les documents émanant du Cabinet ne soient pas automatiquement exemptés de divulgation lorsque l’intérêt public invoqué est lié à la « franchise » ou à l’efficacité du gouvernement [43] . Ce facteur favorise la divulgation des documents.

[73]  g) Enfin, en ce qui concerne « le caractère délicat des renseignements », je constate que les FAC ont déjà communiqué aux autres parties un projet de la politique sur les troubles d’apprentissage. Bien qu’elles affirment dans leurs observations que cela a été fait pour faciliter les discussions en vue d’un règlement ou pour obtenir la rétroaction de la Commission, le projet a été produit dans le cadre de la communication et de l’échange de documents en vue de l’audience, et non dans le cadre de discussions en vue d’un règlement.

[74]  De plus, comme la Commission le fait remarquer, les FAC n’affirment pas que la communication du contenu des documents causerait un préjudice particulier. Elles ne prétendent pas que la production des documents relatifs au projet de politique sur les troubles d’apprentissage menacerait la sécurité nationale ou nuirait aux relations internationales. Les FAC ont plutôt présenté une revendication d’immunité large et générique visant des conseils ou des recommandations stratégiques que le gouvernement ou des fonctionnaires auraient formulés dans une attente de confidentialité. Elles soutiennent que les documents doivent être visés par l’immunité de divulgation parce que les fonctionnaires ou d’autres personnes qui ont contribué à la rédaction de la politique s’attendaient à ce que leurs conseils et recommandations demeurent confidentiels, et que le fait de les fournir aux autres parties en l’espèce entraverait le caractère ouvert et franc des discussions dont ont besoin les FAC pour élaborer leurs politiques, en suscitant des préoccupations du fait que le public aurait accès au processus d’élaboration des politiques et pourrait le scruter à la loupe.

[75]  La Commission fait remarquer que les revendications génériques d’immunité d’intérêt public sont moins susceptibles d’être accueillies que les revendications fondées sur le contenu, surtout lorsque, comme en l’espèce, elles sont fondées sur ce que les tribunaux appellent l’« argument relatif à la franchise [44]  ». La Cour suprême du Canada n’a pas complètement exclu l’argument relatif à la franchise, mais elle a déclaré qu’« il est bien facile d’en exagérer l’importance [45]  ». La Cour doutait « que la faible possibilité qu’une communication quelconque puisse avoir à être produite aux fins d’un procès ait un effet appréciable sur la franchise de communications confidentielles. Indubitablement, cette notion a été mise à rude épreuve par les tribunaux [46] . » La Commission soutient que [traduction] « l’argument général relatif à la franchise soulevé par les FAC ne devrait pas suffire à établir l’immunité en l’espèce ».

[76]  Compte tenu du type de documents que les FAC refusent de produire — comme des comptes rendus de discussions ou de décisions, des exposés aux comités, la correspondance entre les membres du groupe de travail et l’information demandée et recueillie par le groupe de travail, ainsi que ses documents organisationnels, ses thèses de recherche, les rapports de consultants et des projets de formulaires de demande de mesures d’adaptation aux troubles d’apprentissage, et d’autres projets de la DOAD —, il est difficile de voir en quoi empêcher leur divulgation pourrait être plus important que d’assurer une audience équitable devant le Tribunal. Je ne vois pas pourquoi les documents à l’origine de l’élaboration d’une politique sur les mesures d’adaptation à l’égard des candidats ou des membres des FAC qui ont des troubles d’apprentissage mériteraient la même protection que des documents contenant des secrets d’État.

[77]  Les préoccupations des FAC au sujet de l’examen public de leur processus d’élaboration de politiques sont prématurées, étant donné que tout document dont la production serait ordonnée sera fourni uniquement aux autres parties à la présente instance à l’heure actuelle. Le Tribunal ne reçoit pas de copies des documents, à moins qu’ils ne deviennent des éléments de preuve à l’audience; les FAC peuvent alors demander que certains documents demeurent confidentiels conformément au paragraphe 52(1) de la Loi.

[78]  Je suis d’accord avec la Commission pour dire que les demandes d’immunité d’intérêt public doivent être présentées au Tribunal et tranchées suivant la Loi et les principes de common law. Les FAC n’ont pas appuyé leur argument concernant l’immunité d’intérêt public visant les documents demandés sur de la jurisprudence ou d’autres précédents, pas plus qu’elles n’ont abordé les facteurs examinés ci-dessus. Elles se sont plutôt fondées sur les précédents liés aux régimes d’accès à l’information, qui défendent des intérêts différents de ceux en jeu dans une instance relative aux droits de la personne. Lorsque, comme en l’espèce, un intimé revendique l’immunité d’intérêt public devant le Tribunal, le Tribunal doit établir un équilibre entre, d’une part, les considérations d’intérêt public soulevées par l’intimé et, d’autre part, les intérêts du plaignant qui fait valoir ses droits quasi constitutionnels ainsi que l’intérêt public dans la réparation et l’éradication de la discrimination. Le Tribunal doit tenir compte du paragraphe 50(1) de la Loi, qui garantit à toutes les parties « la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter [...] des éléments de preuve ainsi que leurs observations. » La divulgation pleine et entière est une condition préalable essentielle pour assurer le respect du paragraphe 50(1). Comme de tels facteurs ne sont pas pris en compte dans le contexte de l’accès à l’information (où différents intérêts entrent en conflit), les deux régimes ne peuvent être assimilés. Les FAC peuvent se voir accorder des protections procédurales dans la présente instance, comme la production limitée des documents et la possibilité d’une ordonnance de confidentialité, mais, dans le contexte de l’accès à l’information, on présume que les renseignements demandés seront largement diffusés ou publiés.

[79]  Comme le fait remarquer la Commission, le Tribunal a déjà ordonné la production de documents gouvernementaux qui contiennent des conseils ou des recommandations internes formulés par des fonctionnaires en ce qui a trait à la politique du gouvernement, et je ne suis pas d’avis que les circonstances en l’espèce justifient de s’écarter de ces décisions antérieures du Tribunal.

[80]  En conclusion, je ne crois pas que le fait d’ordonner la transmission des documents relatifs au projet de DOAD aux autres parties à l’étape actuelle nuirait à l’intérêt public d’assurer des discussions franches et ouvertes dans le processus de délibération et d’élaboration de politiques des FAC, ou nuirait autrement au fonctionnement efficace du gouvernement. Après avoir apprécié l’ensemble des facteurs énoncés ci-dessus, je conclus que l’intérêt public dans l’administration de la justice, qui favorise un accès complet des parties à tous les renseignements potentiellement pertinents quant à leur cause, l’emporte sur l’intérêt des FAC d’empêcher le public de scruter à la loupe son processus d’élaboration de politiques. Par conséquent, j’ordonne la production des documents relatifs au projet de DOAD, sous réserve uniquement du secret professionnel de l’avocat, comme il est mentionné ci-dessus.

[81]  Pour les motifs qui précèdent, la requête modifiée de la Commission est accueillie.

VI.  Ordonnance

  • i) Que les FAC transmettent au Tribunal et aux autres parties des listes de documents à jour, dont une liste indiquant les documents qui, selon elles, sont protégés en tout ou en partie par le secret professionnel de l’avocat.

  • ii) Sous réserve uniquement du secret professionnel de l’avocat, que l’intimée produise immédiatement les documents ci-après demandés par la Commission, à savoir :

Tout document ayant mené à création du projet de DOAD, qu’il s’agisse de documents de recherche, de propositions de politiques, de notes d’information, de projets antérieurs ou autres, et précisant l’état d’avancement du projet de DOAD. Cela comprend, sans s’y limiter, les comptes rendus de discussions ou de décisions, les exposés aux comités décisionnels, comme le Conseil des Forces armées, la correspondance portant sur l’approbation de la DOAD en matière de troubles d’apprentissage par le Chef du personnel militaire, la correspondance entre les membres du groupe de travail sur la DOAD en matière de troubles d’apprentissage, l’information demandée et recueillie par le groupe de travail, les documents organisationnels du groupe de travail, les documents produits par le groupe de travail, les thèses de recherche, les rapports de consultants, les projets de DOAD, les documents liés au classement des options de politiques, les documents liés à l’approbation de la DOAD, les projets de formulaires de demande de mesures d’adaptation aux troubles d’apprentissage et les modifications proposées à des documents existants pour tenir compte des troubles d’apprentissage.

  • iii) Les parties ne peuvent utiliser les documents produits en vertu de la présente ordonnance qu’aux fins de la présente instance et ne doivent pas les fournir à des personnes ou entités de l’extérieur.

  • iv) La divulgation de ces documents ne signifie pas qu’ils seront admissibles en preuve à l’audience, et toute question à cet égard devra être traitée durant l’audience. Si les FAC souhaitent s’opposer à ce que des renseignements contenus dans ces documents soient intégrés à des dossiers publics, elles devraient également le faire valoir à l’audience, suivant le paragraphe 52(1) de la Loi.

Signé par

Colleen Harrington

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

26 mars 2019

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T2220/4217

Intitulé de la cause : T.P. c. Forces armées canadiennes

Date de la décision du Tribunal : 26 mars 2019

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Observations écrites :

Tom Beasley, pour le plaignant

Brian Smith, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Helen Park, pour l’intimée



[1] Je crois comprendre que DOAD correspond à « Directives et ordonnances administratives de la défense ».

 

[2] Turner c. Agence des services frontaliers du Canada, 2018 TCDP 9, par. 25; Brickner c. Gendarmerie royale du Canada, 2017 TCDP 28, aux par. 4-6.

[3] Colombie-Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. BCGSEU, [1999] 3 R.C.S. 3 (arrêt Meiorin).

[4] Meiorin, ibid., au par. 54.

[5] Ibid., au par. 65.

[6] Ibid., au par. 65.

[7] Voir l’affaire Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. University of Calgary, [2016] 2 RCS 555, 2016 CSC 53, aux par. 2, 34 et 38-44.

[8] Les FAC citent les arrêts Bisaillon c. Keable, [1983] 2 RCS 60, aux par. 97; R c. Richards (1997), 34 O.R. (3d) 244 (ON CA); Carey c. Ontario, [1986] 2 RCS 637.

[9] L.R.C. 1985, ch. A-1

[10] Untel c. Ontario (Finances), [2014] 2 RCS 3; Conseil canadien des œuvres de charité chrétienne c. Canada (Ministre des Finances), [1999] 4 CF 245; 3430901 Canada Inc. c. Canada (Ministre de l’Industrie), [2002] 1 CF 421, 2001 CAF 254.

[11] Warman c. Marc Lemire, 2007 TCDP 37, par. 13. Voir aussi l’affaire Starblanket c. Service correctionnel du Canada, 2014 TCDP 29, aux par. 52-53.

[12] Carey c. Ontario, [1986] 2 R.C.S. 637, au par. 40.

[13] Carey, ibid., aux par. 106-109.

[14] Ritchie c. Canada (Procureur général), 2017 CAF 114, par. 47.

[15] Par exemple, Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada, 2014 TCDP 2, par. 29-32, 50 et 72-74; Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2, aux par. 260-272; Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien), 2017 TCDP 14, aux par. 42-51; Grand chef Stan Louttit et al c. Procureur général du Canada, 2013 TCDP 3, par. 21-30; Grand chef Stan Louttit et al. c. Procureur général du Canada, 2017 TCDP 18, aux par. 15-18, 36-41, 42-44 et 59-61.

[16] Voir l’affaire Charkaoui c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2007 CSC 9, au par. 53; Palm c. International Longshore and Warehouse Union, Local 500 et al., 2012 TCDP 11, au par. 9; Egan c. Agence du revenu du Canada, 2017 TCDP 33, au par. 29.

[17] Alinéas 6(1)d) et e) des Règles de procédure du Tribunal; Guay c. Canada (Gendarmerie royale), 2004 TCDP 34, par. 40; Malenfant c. Videotron S.E.N.C., 2017 TCDP 11, au par. 26.

[18] Guay, ibid., par. 42; Warman c. Bahr, 2006 TCDP 18, par. 6; Egan c. Agence du revenu du Canada, supra note 16, par. 31; Turner c. Agence des services frontaliers du Canada, 2018 TCDP 1, par. 30.

[19] Warman, ibid., au par. 9.

[20] Warman, ibid., au par. 6; Egan, supra note 16, au par. 31.

[21] Guay, supra note 17, par. 43; Egan, supra note 16, au par. 32.

[22] Guay, ibid.; Turner, supra note 18, au par. 25.

[23] Par. 15(1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

  • a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l’employeur qui démontre qu’ils découlent d’exigences professionnelles justifiées;

par. 15(2) Les faits prévus à l’alinéa (1)a) sont des exigences professionnelles justifiées [...] s’il est démontré que les mesures destinées à répondre aux besoins d’une personne ou d’une catégorie de personnes visées constituent, pour la personne qui doit les prendre, une contrainte excessive en matière de coûts, de santé et de sécurité. 

[24] Alberta (Information and Privacy Commissioner) c. University of Calgary, supra note 7, par. 2, 34, 38-44.

[25] Au par. 38 de la décision Carey, supra note 12, le juge LaForest a affirmé ce qui suit : « [...] l’intérêt du public à ce qu’un document ne soit pas communiqué ne constitue pas un privilège de la Couronne. Il s’agit plus exactement d’une immunité d’intérêt public, d’une immunité qui, en dernière analyse, relève de l’appréciation du tribunal. »

[26] Carey, ibid., au par. 43.

[27] Sopinka, Lederman et Bryant, The Law of Evidence in Canada, 4e éd. (LexisNexis Canada : 2014), p. 1055, au par. 15.1.

[28] Ibid., p. 1073, au par. 15.46

[29] Ces facteurs sont énoncés dans The Law of Evidence, ibid., p. 1073-1074.

[30] R. v. Meuckon (1990), 57 C.C.C. (3d) 193, [1990] B.C.J. 1552 (BCCA).

[31] Gold c. Canada, [1986] 2 C.F. 129 (CAF).

[32] Carey, supra note 12.

[33] Ibid.

[34] Ibid.

[35] Ibid.

[36] Ibid.

[37] Ibid, par. 79-84.

[38] [2018] N.S.J. 448, 2018 NSCA 83.

 

[39] Voir par exemple l’affaire Nova Scotia Provincial Judges’ Association c. Nova Scotia (Attorney General), 2018 NSSC 13, par. 177-178; Carey, supra note 12, aux par. 79 et 83.

[40] Dans l’arrêt Nova Scotia Provincial Judges’ Association c. Nova Scotia (Attorney General), ibid., le juge des requêtes décrit [traduction] la « nature de la politique en question » comme [traduction] « premier facteur de l’arrêt Carey » (par. 144). La Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a confirmé l’examen et l’application des facteurs énoncés dans l’affaire Carey par le juge des requêtes (supra note 38, par. 46).

[41] Carey, supra note 12, par. 79.

[42] Ibid., au par. 82.

[43] Ibid., aux par. 79 à 83.

[44] The Law of Evidence, supra note 27, p. 1076 : [traduction] « Le gouvernement soutient souvent que la divulgation d’une certaine catégorie de communications aurait un effet dissuasif sur la franchise et l’ouverture des membres du gouvernement dans leurs discussions et leurs débats. »

[45] Carey, supra note 12, au par. 46.

[46] Carey, ibid., au par. 46.

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