Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien

des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human

Rights Tribunal

Référence : 2019 TCDP 11

Date : Le 4 mars 2019

No de dossier : T1340/7008

Entre :

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

- et -

Assemblée des Premières Nations

les plaignantes

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Procureur général du Canada

(représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien)

l’intimé

- et -

Chiefs of Ontario

- et -

Amnistie Internationale

- et -

Nation Nishnawbe Aski

les parties intéressées

 

Décision sur requête

 

Membres : Sophie Marchildon et Edward P. Lustig

 



I.  Contexte

[1]  Les plaignantes, la Société de soutien à l’enfance et à la famille de Premières Nations du Canada (la Société de soutien) et l’Assemblée des Premières Nations (l’APN), ont déposé une plainte en matière de droits de la personne en vertu de l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP) à l’encontre de l’intimé, Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC), alléguant que celui-ci fait preuve de discrimination fondée sur la race ou l’origine nationale ou ethnique dans la fourniture de services aux enfants et aux familles des membres des Premières Nations vivant dans des réserves et au Yukon, en finançant ces services de façon inéquitable ou insuffisante.

[2]  Dans une décision datée du 14 mars 2011 (2011 TCDP 4), le Tribunal a accueilli la requête qu’avait présentée AADNC en vue de faire rejeter la plainte au motif que les questions qui y étaient soulevées excédaient sa compétence (la requête relative à la compétence). Cette décision a par la suite fait l’objet d’une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada.

[3]  Le 18 avril 2012, dans l’affaire Canada (Commission des droits de la personne) c. Canada (Procureur général), 2012 CF 445, la Cour fédérale a annulé la décision rendue par le Tribunal sur la requête relative à la compétence. La Cour fédérale a renvoyé l’affaire à une formation du Tribunal différemment constituée afin qu’elle soit réexaminée conformément à ses selon les motifs exposés. L’appel de cette décision interjeté par l’intimé a été rejeté par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Commission canadienne des droits de la personne, 2013 CAF 75.

[4]  En juillet 2012, une nouvelle formation, présidée par Mme Sophie Marchildon et composée des membres instructeurs Réjean Bélanger et Edward Lustig, a été constituée pour examiner de nouveau l’affaire (voir 2012 TCDP 16). Le Tribunal a rejeté la requête présentée par l’intimé en vue de faire instruire de nouveau la requête relative à la compétence et il a statué que la plainte serait instruite sur le fond (voir 2012 TCDP 17).

[5]  La plainte a par la suite été modifiée et des allégations de représailles y ont été ajoutées (voir 2012 TCDP 24). Au début de juin 2015, la formation a conclu que les allégations de représailles étaient fondées en partie (voir 2015 TCDP 14).

[6]  Dans Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et autre c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 TCDP 2 (la décision), la formation a conclu que les plaignants avaient établi le bien-fondé de leur plainte selon laquelle les enfants et les familles des Premières Nations vivant dans des réserves et au Yukon se voient refuser l’égalité des services à l’enfance et à la famille ou sont défavorisés à l’occasion de la dans la fourniture de services à l’enfance et à la famille, en violation de l’article 5 de la LCDP.

[7]  Dans cette décision, la formation a jugé que la définition et la mise en œuvre du principe de Jordan par le Canada étaient étroites et inadéquates, ce qui entraînait des lacunes dans la prestation de services, des retards et des refus pour les enfants des Premières Nations. En fait, les retards étaient inhérents au processus de traitement des cas potentiels visés par le principe de Jordan. De plus, l’approche adoptée par le Canada pour traiter les cas visés par le principe de Jordan était axée seulement sur les conflits entre les gouvernements fédéral et provinciaux concernant des enfants atteints de déficiences multiples, plutôt que sur les conflits de compétence (y compris entre ministères fédéraux) mettant en cause tous les enfants des Premières Nations et non uniquement ceux souffrant de déficiences multiples. En conséquence, il a été ordonné à AADNC d’appliquer immédiatement le principe de Jordan en lui donnant sa pleine portée et tout son sens (voir la décision, par. 379 à 382, 458 et 481). La décision et les ordonnances connexes n’ont pas été contestées au moyen d’un contrôle judiciaire.

[8]  Dans la décision 2017 TCDP 14, le Tribunal a exigé que le Canada fonde sa définition et son application du principe de Jordan sur des principes clés, dont l’un était que le principe de Jordan est un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité et qui s’applique également à tous les enfants des Premières Nations, qu’ils vivent dans une réserve ou non.

[9]  Le Canada a contesté certains aspects de la décision 2017 TCDP 14 par voie de contrôle judiciaire, mais s’est par la suite désisté après que le Tribunal a rendu une ordonnance sur consentement. Les modifications ne visaient essentiellement que quelques aspects des ordonnances sur consentement des parties, les échéanciers et les conférences sur le cas. Aucune partie de ce contrôle judiciaire ne remettait en question ou ne contestait l’ordonnance du Tribunal selon laquelle la définition du principe de Jordan et sa mise en œuvre par le Canada doit s’appliquer également à tous les enfants des Premières Nations, qu’ils vivent dans une réserve ou non.

[10]  Dans la décision 2017 TCDP 35, le Tribunal a modifié ses ordonnances afin de tenir compte des modifications proposées par les parties. La définition du principe de Jordan ordonnée par la formation et acceptée par les parties est reproduite ci-dessous :

i. Le principe de Jordan est un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité et qui s’applique également à tous les enfants des Premières Nations, qu’ils vivent dans une réserve ou non. Il n’est pas limité aux enfants qui sont en situation de déficience ou qui ont, à court terme, des affections médicales ou sociales particulières générant des besoins critiques à recevoir des services de santé et des services sociaux ou ayant une incidence sur leurs activités de la vie quotidienne.

ii. Le principe de Jordan répond aux besoins des enfants des Premières Nations en s’assurant qu’il n’y a pas de lacunes dans les services gouvernementaux qui sont offerts à ces enfants. Il peut notamment répondre aux lacunes dans la prestation des services de santé mentale, d’éducation spécialisée, de kinésithérapie, d’orthophonie et de physiothérapie, ainsi que dans l’obtention d’équipement médical.

iii. Lorsqu’un service gouvernemental, y compris une évaluation de service, est offert à tous les autres enfants, le ministère contacté en premier doit payer pour les services, sans tenir de conférence de gestion administrative de cas, procéder à un examen des politiques, naviguer à travers les différents services, ou toute autre procédure administrative semblable avant que le service recommandé soit approuvé et qu’un financement soit fourni. Le Canada peut uniquement tenir des conférences de gestion de cas cliniques avec des professionnels possédant des compétences et une formation pertinentes avant l’approbation et le financement du service recommandé, dans la mesure où de telles consultations sont raisonnablement nécessaires pour déterminer les besoins cliniques du demandeur. Si des professionnels possédant des compétences et une formation pertinentes sont déjà assignés au dossier d’un enfant d’une Première Nation, le Canada consulte ces professionnels et ne fait appel à d’autres professionnels que si ceux assignés au dossier ne sont pas en mesure de fournir l’information clinique nécessaire. Le Canada peut également consulter la famille, la collectivité de la Première Nation ou les fournisseurs de services pour financer les services dans les délais impartis aux sousalinéas 135(2)(A)(ii) et 135(2)(A)(ii.1) lorsque les services sont disponibles. Le Canada déploiera tous les efforts raisonnables afin de s’assurer que le financement est fourni dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti si le service n’est pas disponible. Après l’approbation et le financement du service recommandé, le ministère contacté en premier pourra se faire rembourser par un autre ministère ou gouvernement.

iv. Lorsqu’un service gouvernemental, y compris une évaluation de service, n’est pas nécessairement offert à tous les autres enfants ou, s’il excède la norme en matière de soins, le ministère contacté en premier doit évaluer les besoins particuliers de l’enfant afin de déterminer s’il est opportun de lui offrir le service demandé au nom du principe de l’égalité réelle en matière de fourniture de services, par souci de prestation de services adaptés aux particularités culturelles et/ou de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Lorsque de tels services sont offerts, le ministère contacté en premier doit payer pour les services, sans tenir des conférences de gestion de cas administratives, procéder à un examen des politiques, naviguer à travers les différents services ou toute autre procédure administrative semblable avant l’approbation et le financement du service recommandé. Une conférence de gestion de cas clinique peut être tenue seulement aux fins prévues au sous-alinéa 135(1)(B)(iii). Le Canada peut également consulter la famille, la collectivité de la Première Nation ou les fournisseurs de services pour financer les services dans les délais impartis aux sousalinéas 135(2)(A)(ii) et 135(2)(A)(ii.1) lorsque les services sont disponibles. Le Canada déploiera tous les efforts raisonnables afin de sassurer que le financement est fourni dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti si le service n’est pas disponible. Une fois que le service recommandé aura a été fourni, le ministère contacté en premier pourra demander à un autre ministère ou au gouvernement de le rembourser.

v. Bien que le principe de Jordan puisse s’appliquer aux conflits de compétence entre les gouvernements (c.àd. entre les gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux) et aux conflits de compétences entre les ministères d’un même gouvernement, un tel conflit n’est pas une condition nécessaire à l’application du principe de Jordan. C. Le Canada n’utilisera pas ni ne diffusera une définition du principe de Jordan qui restreigne d’une manière quelconque les principes énoncés au point 1B.

[11]  Les parties qui ont discuté de la question en marge de la procédure du Tribunal ne sont pas encore parvenues à un consensus. Par conséquent, la Société de soutien demande maintenant au Tribunal de se prononcer sur la conformité aux ordonnances de ce Tribunal de la définition d’un « enfant d’une Première Nation » donnée par le Canada aux fins de la mise en œuvre du principe de Jordan.

[12]  Dans une décision récente (2019 TCDP 7), la formation a jugé que la meilleure façon d’aborder la question de la définition d’un « enfant d’une Première Nation » était de tenir une audience en bonne et due forme. La présidente de la formation a demandé aux parties de présenter des arguments fondés sur le droit international, y compris la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), les récentes conclusions du Comité des droits de l’homme des Nations Unies (CDHNU) sur la décision McIvor, selon lesquelles la discrimination fondée sur le sexe persiste dans la Loi sur les Indiens, le droit autochtone, les droits de la personne et l’égalité réelle, le droit constitutionnel et d’autres aspects afin que la formation puisse prendre une décision éclairée concernant la définition d’un « enfant d’une Première Nation » après l’audience à venir. De plus, la formation a mentionné ce qui suit :

Il est primordial d’effectuer cette analyse dans une optique multidimensionnelle, étant donné les incompatibilités probables entre la DNUDPA et la Loi sur les Indiens. En outre, si la version actuelle de la Loi sur les Indiens est discriminatoire et exclut des groupes de femmes et d’enfants, il est possible que, n’eût été cette discrimination fondée sur le sexe, les enfants exclus soient considérés comme admissibles à l’inscription en vertu de la Loi sur les Indiens. Dans ces circonstances, l’enfant serait évalué par le Canada en vertu des critères d’admissibilité du principe de Jordan pour l’inscription des enfants des Premières Nations ne vivant pas habituellement dans les réserves et qui n’ont pas le statut d’Indien. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une décision finale sur la politique actuelle du Canada en vertu du principe de Jordan, la formation veut aussi s’assurer de concevoir des réparations efficaces qui mettent un terme à la discrimination et empêchent qu’elle ne se reproduise. Inutile de dire qu’elle ne peut tolérer une autre forme de discrimination pendant qu’elle rend ses ordonnances de réparation. D’où la nécessité d’une audience en bonne et due forme sur cette question, au cours de laquelle toutes les parties se pencheront sur ce qui précède. (Voir 2019 TCDP 7, par. 22)

[13]  En outre, des droits ancestraux importants ont été reconnus dans cette décision :

Au cours de l’audition de la requête du 9 janvier 2019, Mme Marchildon, la présidente de la formation, a exprimé le désir de la formation de respecter les droits inhérents des peuples autochtones à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale, y compris leur droit de déterminer leur citoyenneté, dans l’élaboration de toutes ses mesures de réparation. Un autre point important est que la formation reconnaît non seulement que ces droits sont inhérents aux peuples autochtones, mais qu’ils sont aussi des droits de la personne d’une importance primordiale. Dans la décision et celles qui ont suivi, la formation a reconnu les pratiques racistes, oppressives et coloniales exercées par le Canada à l’égard des peuples autochtones et enchâssées dans les programmes et systèmes canadiens (voir par exemple la décision 2016 TCDP 2, au paragraphe 402). Par conséquent, elle n’ignore pas que toute réparation qu’elle ordonne doit prendre ces éléments en considération. En fait, dans la décision 2018 TCDP 4, la formation a élaboré une ordonnance créative et novatrice pour s’assurer d’offrir des mesures de réparation immédiates efficaces aux enfants des Premières Nations tout en respectant les principes de la DNUDPA, la relation de nation à nation, les droits des Autochtones à l’autonomie gouvernementale et les droits des détenteurs de droits autochtones. Elle a demandé aux parties de lui faire part de leurs observations, et les parties n’ont formulé aucune suggestion ou observation au sujet de ces ordonnances en particulier. La formation a toujours insisté sur la nécessité de veiller à ce que l’intérêt supérieur de l’enfant soit respecté dans ses mesures de réparation et sur la nécessité d’éliminer la discrimination et d’empêcher qu’elle ne se reproduise. (Voir 2019 TCDP 7, par. 23).

[14]  Par ailleurs, à la lumière de ses conclusions et de ses motifs, de son approche à l’égard des mesures de réparation et de ses ordonnances antérieures dans la présente affaire mentionnées ci-dessus, et conformément aux alinéas 53(2)a) et b) de la LCDP, la formation a décidé d’ordonner que, en attendant la décision concernant la conformité aux ordonnances du Tribunal de la définition du Canada de l’expression « enfant d’une Première Nation » aux fins de l’application du principe de Jordan, et afin de s’assurer que les ordonnances du Tribunal sont efficaces, le Canada fournisse aux enfants de Premières Nations vivant hors réserve qui ont des besoins urgents ou mettant leur vie en danger, mais qui n’ont pas de statut en vertu de la Loi sur les Indiens (et ne sont pas admissibles à ce statut), les services nécessaires pour répondre à ces besoins urgents ou mettant leur vie en danger, conformément au principe de Jordan. La formation a également ajouté que l’ordonnance sera exécutée conformément à plusieurs principes (voir 2019 TCDP 7, par. 87 à 92).

[15]  Le 30 janvier 2019, le Congrès des Peuples Autochtones (CPA) a écrit au Tribunal pour lui demander la permission de participer à l’affaire relativement à la portée de l’admissibilité du principe de Jordan en lien avec les enfants n’ayant pas le statut d’Indien et vivant hors réserve.

Requête pour agir en qualité de partie intéressée

[16]  Une telle requête doit être présentée au Tribunal au moyen d’un avis de requête (articles 3 et 8 des Règles de procédures du Tribunal canadien des droits de la personne) ou en demandant au Tribunal de déroger aux règles en raison de circonstances précises et justifiables (voir le paragraphe 1(4) des Règles de procédures). Le CPA n’a choisi aucune de ces options. Il a plutôt fourni une lettre générale pour indiquer qu’il souhaitait participer à l’instance afin de présenter son opinion sur la question. La lettre elle-même n’était pas très détaillée et ne contenait pas les renseignements qui sont habituellement fournis dans ces types de requêtes afin que les parties puissent fournir une réponse adéquate et que le Tribunal puisse rendre une décision éclairée. Néanmoins, le Tribunal s’est écarté des pratiques habituelles et a demandé aux parties ce qu’elles pensaient de la requête du CPA en tenant compte de plusieurs facteurs : bien que les dates de l’audience sur la question de la définition d’un « enfant d’une Première Nation » ne soient pas encore confirmées, l’audition aurait lieu très bientôt; la formation devait trancher la requête en vue d’obtenir réparation présentée par la Société de soutien concernant les cas d’enfants de Premières Nations vivant hors réserve et sans le statut d’Indien qui sont confrontés à des situations d’urgence ou mettant leur vie en danger; la formation devait trancher la requête du CPA avant la prochaine audience et avant de fournir d’autres directives aux parties concernant l’échange de documents sur cette question et, enfin, la formation devait s’assurer que si elle accueillait la requête du CPA, tout le monde aurait suffisamment de temps pour répondre aux observations écrites du CPA avant l’audience sans entraîner de retards, puisque la formation avait compétence pour instruire l’affaire jusqu’au 31 mars 2019 seulement. En conséquence, la formation a choisi une façon imparfaite, mais rapide d’aborder la question dans les circonstances. De plus, elle s’est assurée de bien tenir compte des préoccupations des parties dans sa décision.

[17]  Lorsqu’elle a examiné les commentaires et les objections des parties, la formation espérait que le CPA y répondrait dans sa réplique. Il l’a fait, mais en partie seulement.

[18]  L’APN s’oppose à la participation du CPA pour un certain nombre de motifs rationnels qui seront exposés dans les présentes. Elle soutient qu’aucune position claire n’est présentée concernant la portée de l’admissibilité du principe de Jordan relativement aux enfants n’ayant pas le statut d’Indien qui vivent hors réserve. Dans sa lettre, le CPA n’indique aucunement la pertinence des observations qu’il souhaite déposer concernant cette question ni en quoi sa participation sera utile au Tribunal. Il est donc difficile de se prononcer sur sa demande de participation. Toutefois, la requête semble s’aligner de façon significative sur les positions déjà exprimées par les parties à l’instance, ce qui devrait soulever des questions quant à la valeur de la participation du CPA par rapport au règlement de l’affaire. En outre, l’APN fait valoir qu’il est évident que l’intérêt du CPA envers l’instance chevauche la position de la Société de soutien. Habituellement, la partie qui présente une demande d’intervention ou de participation apporte un point de vue nouveau ou différent sur l’affaire afin d’aider le juge des faits et du droit. D’après la lettre du 30 janvier du CPA, cela ne serait pas le cas en l’espèce. L’APN soutient que la participation du CPA créerait un fardeau indu pour les parties si elles étaient tenues de répondre à des arguments répétitifs soulevés par un intervenant. Le rôle d’un intervenant n’est pas de simplement présenter un argument en vue d’appuyer une partie. L’APN craint également que les intervenants proposés présentent des observations qui vont au-delà des faits et des questions soulevées par les parties. Cela éloignerait l’attention des questions soulevées par les plaignantes et n’aiderait pas la formation.

[19]  Par ailleurs, l’APN affirme que le CPA n’a pas indiqué qu’il y aurait un préjudice si sa demande de participation était rejetée, ce qui soulève des questions concernant sa qualité pour agir. Comme les Chiefs of Ontario l’ont fait remarquer, le CPA n’est ni un titulaire de droits, ni un gouvernement autochtone, ni un organisme politique ayant le pouvoir d’agir au nom des Premières Nations. L’APN partage ce point de vue et, comme les Chiefs of Ontario, elle représente aussi les intérêts des titulaires de droits dans cette affaire, mais à l’échelle nationale. Le CPA est plutôt un organisme composé de membres qui ne sont pas des titulaires de droits en l’espèce, et les regroupements qu’il représente sortent du cadre de la présente plainte. L’APN craint que si la demande du CPA est accueillie, sa participation entraîne du retard et empêche les procédures de progresser de manière rapide et efficace, causant ainsi un préjudice aux peuples des Premières Nations et les privant de mesures de réforme et de réparations à moyen et à long terme. De plus, la présente instance pose déjà des défis importants et exceptionnels en termes de gestion de cas pour les parties et le Tribunal. La participation du CPA en tant qu’intervenant ne ferait qu’amplifier ces défis. L’APN soutient que la possibilité d’un autre retard dans les audiences à venir l’emporte sur tout avantage prétendu. En se fondant sur ce qui précède, l’APN demande à la formation de rejeter la demande de participation du CPA.

[20]  Les Chiefs of Ontario s’opposent également à la demande du CPA pour des raisons similaires, et certaines de ces raisons ont déjà été mentionnées ci-dessus dans les observations de l’APN.

[21]  Les Chiefs of Ontario soutiennent qu’ils travaillent avec l’unité de coordination des services sociaux, leur comité des services sociaux et la Table technique sur le bien-être de l’enfant et de la famille de l’Ontario pour toutes les questions importantes liées à cette instance. Les positions des Chiefs of Ontario proviennent directement des titulaires de droits : les chefs des Premières Nations de l’Ontario.

[22]  Les Chiefs of Ontario soutiennent également que les Premières Nations représentent leurs citoyens et agissent dans leur intérêt, que ceux-ci vivent dans une réserve ou non. Ils défendent déjà l’équité dans le traitement des Premières Nations vivant hors réserve, comme le démontrent leurs travaux au sein du Comité de consultation sur la protection de l’enfance concernant la prolongation du financement des services de représentants de bande aux citoyens des Premières Nations vivant hors réserve. Les Chiefs of Ontario continueront de fournir au Tribunal les opinions des Premières Nations de l’Ontario sur le traitement des citoyens des Premières Nations vivant hors réserve.

[23]  Les Chiefs of Ontario ajoutent que les autres parties à l’instance, y compris eux‑mêmes, participent activement aux initiatives de bien-être des enfants et des familles des Premières Nations depuis des dizaines d’années. Par contre, le CPA n’a fourni aucune preuve de son expérience ou de son expertise dans les affaires relatives au bien‑être des enfants et des familles, à l’égalité réelle ou à tout domaine lié au principe de Jordan. Le CPA a fourni quelques détails sur la nature ou le contenu proposé de ses observations; toutefois, cela fait trois ans que la décision originale a été rendue et tout retard supplémentaire dans les procédures est inacceptable pour les Chiefs of Ontario.

[24]  La Commission a présenté des arguments juridiques exhaustifs sur la question d’autoriser un tiers à participer à une instance, basés sur les règles de procédure du Tribunal et la jurisprudence. Elle mentionne également que la lettre du CPA n’aborde pas quelques-uns des principes clés qui sont habituellement examinés par le Tribunal lorsqu’il doit trancher une requête pour agir en qualité de partie intéressée.

[25]  Par exemple, la Commission mentionne que même si le CPA veut faire valoir que les enfants de Premières Nations n’ayant pas le statut d’Indien et vivant hors réserve devraient être admissibles en vertu du principe de Jordan, il ne précise pas les observations juridiques qu’il prévoit présenter à l’appui de cette position et n’explique pas comment ces observations pourraient différer de celles des autres parties.

[26]  En outre, le CPA n’a pas précisé les droits de participation exacts qu’il cherche à obtenir. Par exemple, souhaite-t-il simplement présenter des arguments basés sur le dossier existant ou cherche-t-il plutôt à obtenir le droit de déposer ses propres éléments de preuve ou de contre-interroger une partie sur des affidavits déjà déposés en l’instance?

[27]  Dans les circonstances, il est difficile pour la Commission de prendre une position ferme quant à la demande du CPA. À cette étape, la Commission a indiqué qu’elle ne s’opposait pas en principe à la demande du CPA.

[28]  Cependant, la Commission soutient que tout octroi du statut de partie intéressée doit respecter les concepts suivants : 1. Tout droit de participation devrait se limiter précisément à la question dont le Tribunal est saisi, soit celle de savoir si l’approche actuelle du Canada pour déterminer l’admissibilité aux services financés couverts par le principe de Jordan permet de contrer adéquatement les pratiques discriminatoires établies dans les jugements précédents du Tribunal. 2. Étant donné l’étape où en est rendue l’instance et l’urgence de trancher l’affaire avant la fin de la période pendant laquelle le Tribunal a encore compétence (qui prend fin le 31 mars 2019), le CPA ne devrait pas être autorisé à retarder les procédures de quelque façon que ce soit. À cet égard, nous comprenons que la question de l’admissibilité en vertu du principe de Jordan doit être tranchée les 27 et 28 mars. Cela veut donc dire que si le CPA est autorisé à participer à l’instance, il devra déposer ses documents avant ces dates et être prêt à se prononcer sur le fond de la question à ces dates.

[29]  La Nation Nishnawbe Aski ne prend pas position quant à la demande du CPA.

[30]  La Société de soutien ne prend pas position sur la demande du CPA, mais soutient que si la demande est accueillie, le CPA devrait avoir le droit de se prononcer seulement sur certaines considérations et ne devrait pas être autorisé à déposer de nouveaux éléments de preuve. De plus, la Société de soutien demandera l’autorisation de déposer des observations additionnelles si le CPA obtient le statut de partie intéressée.

[31]  Le procureur général du Canada (PGC) reconnaît que le CPA s’intéresse à la question et ne s’oppose pas à sa participation dans les limites mentionnées. Cependant, il demande au Tribunal de rendre une ordonnance précisant les conditions de la participation et exigeant que le CPA dépose ses arguments juridiques rapidement afin que le Canada puisse déposer une réponse écrite. En outre, le PGC demande que le CPA n’ait pas le droit de déposer des éléments de preuve à l’appui de ses arguments, car il n’est qu’un intervenant et devrait être tenu d’utiliser le dossier tel qu’il a été constitué par les parties.

[32]  Enfin, le PGC indique que, pour pouvoir fixer les dates de dépôt, le Tribunal devra fixer une date pour la présentation des arguments sur la question et que, puisque le Tribunal est déjà saisi d’une requête en réparation provisoire à l’égard de la question, la présentation des arguments devrait être fixée à la prochaine date d’audience disponible du Tribunal, soit à la fin mars.

II.  Droit

[33]  Aux termes du paragraphe 50(1) de la LCDP et de l’article 3 et du paragraphe 8(1) des Règles de procédure du Tribunal (03-05-04), l’octroi du statut de partie intéressée relève du pouvoir discrétionnaire du Tribunal. Cela étant, le Tribunal est maître de sa procédure, sous réserve des règles de justice naturelle (voir Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 RCS 560, p. 568-569; et Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et autres c. Procureur général du Canada (pour le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 2013 TCDP 16, par. 50 et 2016 TCDP 11, par. 2).

[34]  Dans cette dernière affaire, la formation a tranché une autre requête pour agir en qualité de personne intéressée à l’étape de la détermination des mesures de réparation et a élaboré une approche globale applicable au cas par cas qui inclut l’adoption de certaines conditions concernant l’étendue de la participation :

Les demandes visant l’obtention du statut de partie intéressée sont tranchées au cas par cas, en tenant compte des circonstances particulières de l’instance et des questions qui sont en train d’être examinées. Une personne ou une organisation peut se voir accorder le statut de partie intéressée si l’instance a des incidences sur elle et si elle peut aider le Tribunal à trancher les questions dont il est saisi. Cette aide doit apporter un éclairage différent aux thèses défendues par les autres parties et contribuer à la prise de décision par le Tribunal. Par ailleurs, en vertu du paragraphe 48.9(1) de la LCDP, l’un des principes qui doit sous-tendre la décision sur l’étendue de la participation d’une partie intéressée est que le Tribunal doit instruire les plaintes sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique (voir Nkwazi c. Service correctionnel Canada, 2000 CanLII 28883 (TCDP), par. 22-23; Schnell c. Machiavelli and Associates Emprize Inc., 2001 CanLII 25862 (TCDP), par. 6; Warman c. Lemire, 2008 TCDP 17, par. 6-8; et Walden et autres c. Procureur général du Canada (représentant le Conseil du Trésor du Canada et Ressources humaines et Développement des compétences Canada), 2011 TCDP 19, par. 22-23). (Voir 2016 TCDP 11, par. 3). (Soulignement ajouté).

[35]  Cette approche globale a également été utilisée par le président du Tribunal, M. David Thomas, dans l’affaire Attaran c. Citoyenneté et Immigration Canada (voir 2018 TCDP 6, par. 12, 21 et 22). De plus, dans l’affaire Attaran, un certain nombre de conditions particulières faisait partie de l’ordonnance octroyant le statut de partie intéressée (voir 2016 TCDP 6, par. 24). La formation adopte une démarche similaire en l’espèce et fournira des détails supplémentaires ci-dessous.

Intérêt dans l’instance et aide devant être fournie

[36]  Selon les observations du CPA, ce dernier est l’une des cinq organisations autochtones nationales (OAN) reconnues par le gouvernement du Canada. Il compte dix organisations affiliées provinciales/territoriales qui travaillent ensemble afin d’améliorer les conditions socioéconomiques des peuples des Premières Nations vivant hors réserve (qui ont le statut d’Indien ou non), des peuples métis et des Inuits du sud du Labrador, qui résident dans des collectivités urbaines ou rurales de partout au Canada. Le CPA s’efforce de promouvoir et de faire progresser les intérêts communs et l’égalité des chances de ses membres grâce à l’action collective, à l’éducation, à la recherche ainsi qu’à l’analyse et à la réforme des politiques. Il défend le droit des enfants autochtones à l’accessibilité des programmes et des services, particulièrement lorsque leur santé nécessite des soins urgents.

[37]  Le CPA soutient que ses membres qui n’ont pas le statut d’Indien seront touchés par la décision du Tribunal dans cette affaire. Il ajoute que l’intérêt direct en l’espèce est de savoir si les enfants qui n’ont pas le statut d’Indien auront accès à des services en vertu du principe de Jordan.

[38]  Par ailleurs, le CPA, qui avait soutenu l’affaire ayant mené à l’arrêt Daniels (Daniels c. Canada (Affaires indiennes et du Nord canadien), 2016 CSC 12, [2016] 1 R.C.S. 99) de la Cour suprême, soutient que cet arrêt établit clairement la responsabilité du gouvernement fédéral à l’égard des enfants n’ayant pas le statut d’Indien. De plus, il affirme que la décision unanime de la Cour suprême du Canada précise que les Métis et les Indiens non inscrits relèvent de la compétence du gouvernement fédéral et de l’obligation de fiduciaire.

[39]  Dans sa réponse, le CPA a mentionné que le Tribunal avait jugé, dans l’affaire 2017 TCDP 14, que la définition d’un « enfant d’une Première Nation » ne devait pas être indûment restreinte. Malgré cette ordonnance, le CPA soutient que le Canada a limité la définition d’un « enfant d’une Première Nation » aux enfants ayant le statut d’Indien, excluant ainsi un grand nombre d’enfants des Premières Nations. Le CPA fait valoir que le Canada ne respecte pas l’état actuel du droit.

[40]  En outre, le CPA convient que les parties ont analysé en détail le droit applicable, mais il affirme que la réparation demandée, soit l’engagement des organisations touchées à la formulation d’une définition d’un « enfant de Première Nation », est viciée, pratiquement incompatible avec l’inclusivité requise dans la portée de la définition elle-même, et requiert qu’il soit consulté.

[41]  Enfin, le CPA soutient qu’il veut présenter des observations sur les mesures de réparation, l’honneur de la Couronne et l’égalité réelle.

[42]  La formation a reçu des renseignements contradictoires de la part des parties concernant la nature de l’organisation du CPA et les membres qu’il représente. Cependant, le Canada admet que le CPA s’intéresse à la question de l’applicabilité du principe de Jordan.

[43]  D’après les observations du CPA, il semble que ce dernier défende plusieurs droits autochtones, y compris les droits individuels des personnes des Premières Nations non inscrites vivant hors réserve et leur accès aux programmes fédéraux.

[44]  Dans une décision antérieure sur la question de la qualité de parties intéressées, la formation a écrit ceci :

L’audience relative au bien-fondé de la plainte est terminée et la preuve sur ces questions, close. Le rôle de la formation à ce stade-ci de l’instance est de concevoir une ordonnance qui tienne compte des circonstances particulières de l’affaire et des conclusions déjà tirées dans la décision. Les clarifications des mesures de réparation accordées et le processus de mise en œuvre de la décision dont s’occupe le Tribunal ne doivent pas être confondus avec le rôle d’une commission d’enquête ou d’une tribune visant la consultation de l’une ou de l’ensemble des parties. Dans le cas contraire, chaque collectivité ou organisme des Premières Nations pourrait demander d’intervenir dans la présente instance pour partager ses propres connaissances et expériences ainsi que sa culture et son histoire. Le traitement de telles demandes, à plus forte raison l’admission de nouvelles parties dans les procédures en cours, entraverait de façon importante la capacité de la formation de finaliser son ordonnance. (Voir 2016 TCDP 11, par.14)

[45]  Dans ce contexte, une organisation qui se joint à l’instance à cette étape avancée doit enrichir le dossier dont le Tribunal est déjà saisi et aider les décideurs à créer des mesures de réparation efficaces sans retarder la procédure. Les obligations du Canada envers les Métis et les personnes des Premières Nations non inscrites découlant de l’arrêt Daniels sont bien plus vastes que le processus du Tribunal. Cependant, étant donné la nature de la question et les critères utilisés par le Canada pour déterminer qui est admissible à des services en vertu du principe de Jordan, la formation comprend que le CPA souhaite présenter des observations sur les mesures de réparation.

[46]  Cela étant dit, la Société de soutien a fondé sa requête sur l’arrêt Daniels et a demandé que le principe de Jordan s’applique aux enfants de Premières Nations n’ayant pas le statut d’Indien et vivant hors réserve. Comme le CPA a soutenu l’affaire visée dans l’arrêt Daniels, la formation est convaincue qu’il apporterait une expertise additionnelle qui pourrait enrichir les délibérations du Tribunal. La formation croit également que la position exprimée dans les observations du CPA appuie la position de la Société de soutien et la réparation demandée. Toutefois, la formation est également d’avis que le CPA peut apporter un point de vue différent pour ce qui est de la réparation qui les touche.

[47]  En outre, la formation a abordé l’honneur de la Couronne et la relation de fiduciaire envers les peuples autochtones dans sa décision (voir 2016 TCDP 2, par. 87 à 110). Elle a également formulé des conclusions et rédigé des motifs élaborés sur les principes de l’égalité réelle dans sa décision et ses jugements.

[48]  Le seul autre problème qui demeure possiblement est que le CPA soutient que la réparation est viciée s’il n’est pas consulté. Concernant cette question particulière, la formation aimerait examiner la position du CPA. Elle a examiné les préoccupations des parties concernant la conception d’une ordonnance et croit que l’ordonnance ci-dessous répond à ces préoccupations. La formation octroie au CPA un statut limité de partie intéressée, sous certaines conditions :

  • Le CPA ne participera pas à la gestion de l’instance;
  • Le CPA n’est pas autorisé à déposer des éléments de preuve et doit accepter le dossier de la preuve tel qu’il est;
  • Le CPA est autorisé à présenter des observations écrites d’au plus 30 pages, axées sur la portée de l’admissibilité et/ou de l’efficacité des mesures de réparation visées par le principe de Jordan pour les enfants des Premières Nations n’ayant pas le statut d’Indien et vivant hors réserve. Le CPA ne participera pas aux autres questions dont le Tribunal est saisi. Le CPA ne retardera pas les procédures et doit déposer ses observations au plus tard le 13 mars 2019. Étant donné le court délai qui précède l’audience sur cette question, tout retard sera réputé être une renonciation par le CPA à son droit de participer aux procédures. La formation demande également au CPA de fournir plus de détails sur son organisation, ses travaux et les membres qu’il représente, étant donné les arguments de l’APN et des Chiefs of Ontario;
  • Le CPA est autorisé à présenter des observations orales s’il le souhaite, mais seulement aux dates fixées par le Tribunal et pour une durée maximale de 45 minutes. Ce droit à des observations orales peut être refusé par la formation si elle juge que les observations écrites ne font que répéter les observations des autres parties et/ou qu’elles n’apportent aucun point de vue nouveau et/ou qu’elles sont fondées sur des éléments de preuve qui ne figurent pas au dossier du Tribunal. Dans un tel cas, la formation examinera les observations écrites du CPA dans le cadre de ses délibérations, en même temps que les observations et les arguments oraux des autres parties.

III.  Conclusion

[49]  Il existe également une différence importante entre le fait de déterminer qui peut être qualifié d’« enfant d’une Première Nation » en tant que citoyen d’une Première Nation et qui est un « enfant d’une Première Nation » ayant le droit de recevoir des services en vertu du principe de Jordan et quels sont les critères d’admissibilité appropriés à utiliser dans ce dernier cas.

[50]  La formation a déjà indiqué qu’elle reconnaît les droits de la personne et les droits inhérents à l’autodétermination et à l’autonomie gouvernementale des Premières Nations ainsi que l’importance de respecter ces droits (voir 2019 TCDP 7, par. 23, 89 et 91).

IV.  Ordonnance

[51]  La formation accueille la requête du CPA en partie.

[52]  La formation octroie au CPA un statut limité de partie intéressée, aux conditions suivantes :

  • Le CPA ne participera pas à la gestion de l’instance;
  • Le CPA n’est pas autorisé à déposer des éléments de preuve et doit accepter le dossier de la preuve tel qu’il est;
  • Le CPA est autorisé à présenter des observations écrites d’au plus 30 pages, axées sur la portée de l’admissibilité et/ou de l’efficacité des mesures de réparation visées par le principe de Jordan pour les enfants de Premières Nations n’ayant pas le statut d’Indien et vivant hors réserve. Le CPA ne participera pas aux autres questions dont le Tribunal est saisi. Le CPA ne retardera pas les procédures et doit déposer ses observations au plus tard le 13 mars 2019. Étant donné le court délai qui précède l’audience sur cette question, tout retard sera réputé être une renonciation par le CPA à son droit de participer aux procédures. La formation demande également au CPA de fournir plus de détails sur son organisation, ses travaux et les membres qu’il représente étant donné les arguments de l’APN et des Chiefs of Ontario;
  • Le CPA est autorisé à présenter des observations orales s’il le souhaite, mais seulement aux dates fixées par le Tribunal et pour une durée maximale de 45 minutes. Ce droit à des observations orales peut être refusé par la formation si elle juge que les observations écrites ne font que répéter les observations des autres parties et/ou qu’elles n’apportent aucun point de vue nouveau et/ou qu’elles sont fondées sur des éléments de preuve qui ne figurent pas au dossier du Tribunal. Dans un tel cas, la formation examinera les observations écrites du CPA dans le cadre de ses délibérations, en même temps que les observations et les arguments oraux des autres parties.

Les parties ou parties intéressées qui souhaitent répondre aux observations écrites du CPA peuvent le faire d’ici le 20 mars 2019.

Le CPA remettra sa réponse, le cas échéant, au plus tard le 25 mars 2019.

Signée par

Sophie Marchildon

Présidente de la formation

 

Edward P. Lustig

Membre instructeur

 

Ottawa (Ontario)

Le 4 mars 2019


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du Tribunal : T1340/7008

Intitulé de la cause : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord Canada)

Date de la décision du Tribunal : Le 4 mars 2019

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

David Taylor , avocat de Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, la plaignante

Stuart Wuttke , avocat de l’Assemblée des Premières Nations, la plaignante

Brian Smith , avocat de la Commission canadienne des droits de la personne

Robert Frater, c.r. , avocat de l’intimé

Maggie Wente, avocate des Chiefs of Ontario, une partie intéressée

Akosua Matthews, avocat de la Nation Nishnawbe Aski, une partie intéressée

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