Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal's coat of arms

Tribunal canadien
des droits de la personne

Référence:  2018 CHRT 26

Date: le 31 août 2018

Numéro du dossier : T2152/2616

Entre:

Gordon Ledoux

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

La Première Nation de Gambler

l’intimée

Décision

Membre:  Alex G. Pannu

 



I.  Plainte

[1]  Gordon Ledoux est le plaignant dans la présente affaire. Il allègue que l’intimée, la Première Nation de Gambler (« Gambler »), lui a fait subir un traitement différent et défavorable, des actes discriminatoires et qu’elle lui a refusé certains services, en contravention des articles 5 et 6 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (« la LCDP »). M. Ledoux allègue également avoir subi des représailles de la part de l’intimée, en violation de l’article 14.1 de la LCDP.

[2]  L’intimée soutient que le plaignant n’a pas réussi à démontrer l’existence de la discrimination. Subsidiairement, dans le cas où M. Ledoux aurait prouvé qu’il a bien été victime de discrimination, elle affirme avoir fourni un motif justifiable et raisonnable pour expliquer la discrimination.

[3]  La plainte a été déposée en vertu des articles 5 et 6 de la LCDP. Selon l’article 5, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public, d’en priver un individu ou de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture. Selon l’article 6, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de locaux commerciaux ou de logements, de priver un individu de leur occupation ou de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture.

[4]  M. Ledoux, qui est atteint d’une maladie cardiaque et qui a des problèmes de mobilité, est une personne ayant une déficience. La déficience est un motif de distinction illicite.

[5]  M. Ledoux a également formulé une allégation de discrimination en vertu de l’article 14.1 de la LCDP, aux termes duquel constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

[6]  Les deux parties étaient représentées par un avocat lors de l’audience de cinq jours tenue à Russell, au Manitoba. La Commission canadienne des droits de la personne (« la Commission »), dont le mandat d’intérêt public consiste à chercher des réparations pour contrer les actes discriminatoires et prévenir tout acte semblable dans l’avenir, a participé à l’audience. Les deux parties ont fait comparaître un certain nombre de témoins pour qu’ils déposent sous serment et présentent des éléments de preuve.

II.  Éléments relatifs au traitement différent et défavorable ainsi qu’aux représailles

[7]  Dans le but de clarifier le domaine du droit se rapportant au fardeau de la preuve qui incombe à un plaignant, le Tribunal s’écarte de la description du fardeau imposé à un plaignant comme étant celui de la preuve prima facie. Le plaignant doit plutôt établir une preuve qui appuie les allégations qui ont été faites et qui, si on lui ajoute foi, est complète et suffisante pour justifier une décision en sa faveur [1] .

[8]  Pour prouver le bien‑fondé de sa plainte, le plaignant doit démontrer qu’il possède une caractéristique protégée contre la discrimination par la LCDP, qu’il a subi un effet préjudiciable relativement au service concerné et que cette caractéristique protégée a été un facteur de l’effet préjudiciable [2] .

[9]  La Cour suprême du Canada a développé cette définition dans Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation) [Bombardier] [3]  :

[56] […] on exige du [demandeur], non pas la preuve d’un « lien causal » mais plutôt d’un simple « lien » ou « facteur », [et] il n’en demeure pas moins que le demandeur doit démontrer, par prépondérance des probabilités, l’existence des trois éléments constitutifs de la discrimination. Pour cette raison, l’existence du « lien » ou du « facteur » doit être établie par preuve prépondérante.

[10]  La Cour suprême a ajouté que concrètement, cela signifiait que l’intimé pouvait présenter soit des éléments de preuve réfutant l’allégation de discrimination, soit une défense justifiant la discrimination, ou les deux. En l’absence d'une justification établie par l’intimé, la présentation d’une preuve prépondérante à l’égard de ces trois éléments sera suffisante pour permettre au Tribunal de conclure à la violation de la LCDP. Par ailleurs, si l’intimé parvient à justifier sa décision, il n’y aura pas de violation, et ce, même si le plaignant prouve ses allégations [4] .

[11]  Gordon Ledoux doit prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu’il a subi un effet préjudiciable en raison des actes commis par l’intimée et que sa déficience a été un facteur de cet effet préjudiciable.

[12]  Gordon Ledoux a également déposé une plainte de représailles. Dans Tabor c. La Première nation Millbrook [5] , le Tribunal a souligné que les plaintes de représailles ne sont pas fondées sur un motif de distinction illicite, mais plutôt sur une plainte précédente du plaignant concernant ses droits. Par conséquent, pour que le plaignant établisse l’existence de représailles, il doit démontrer qu’il a déposé auparavant une plainte en matière de droits de la personne en vertu de la LCDP, qu’il a subi, par suite du dépôt de sa plainte, un effet préjudiciable et que la plainte a été un facteur de l’effet préjudiciable. Toutefois, le plaignant n’est pas tenu de prouver l’intention de l’intimé.

III.  Témoignages

Gordon Ledoux

[13]  Gordon Ledoux est un ancien chef de Gambler. Après avoir fait carrière dans diverses provinces, principalement dans le domaine de la construction, il est revenu à Gambler en 2001, à la suite d’une deuxième crise cardiaque. Il est devenu administrateur de l’aide sociale, puis conseiller et enfin chef en 2008. Il a démissionné de son poste de chef en 2012 en raison de problèmes de santé, dont le diabète et des douleurs neuropathiques, qui l’obligent à se déplacer en fauteuil roulant la plupart du temps.

[14]  M. Ledoux a déclaré qu’après avoir quitté son poste de chef, Gambler payait 200 $ par mois pour qu’il bénéficie d’un service d’aide à domicile. Cet aidant faisait la cuisine, la lessive et de légers travaux ménagers, en plus de changer ses pansements. Il a affirmé n’avoir jamais demandé ce service. Les paiements versés pour l’aide à domicile de M. Ledoux ont cessé en septembre 2012. M. Ledoux a affirmé qu’il n’a jamais été informé du fait que ce service cesserait et qu’il n’a jamais été consulté à cet égard.

[15]  En 2012, comme sa santé se détériorait et qu’il se remettait d’une fracture de la hanche, M. Ledoux a dû utiliser un fauteuil roulant. Il lui était difficile d’accéder à son domicile, à Gambler, à cause des escaliers. Son frère, David Ledoux, qui lui a succédé en tant que chef de Gambler, a installé une rampe de motoneige improvisée, pour améliorer l’accès en fauteuil roulant. David a également offert à son frère un quadriporteur. Gordon pouvait utiliser son quadriporteur pour monter et descendre la rampe de motoneige, mais il avait besoin d’aide s’il voulait s’y déplacer en fauteuil roulant.

[16]  Gordon a déclaré qu’à sa sortie de l’hôpital en février 2012, il avait demandé à David d’installer une rampe permanente mieux adaptée. Il a affirmé que la nouvelle rampe avait été partiellement installée, en mars 2013, mais que son installation n’avait été achevée qu’en mai 2013.

[17]  Gordon a affirmé qu’en 2013, Gabe Tanner, le responsable des questions relatives au logement à Gambler, l’avait informé qu’il y avait un problème avec le réservoir d’eau de sa maison. Gordon a déclaré que Gabe lui avait dit qu’il porterait la question à l’attention du chef et du conseil de la Première Nation. Le réservoir d’eau de Gordon a été remplacé le 7 octobre 2013, soit deux jours après que ce dernier fut parti s’installer au Dakota Oyate Lodge (le « foyer de soins »).

[18]  Gordon a déclaré qu’il voulait essayer le programme d’aide à la vie autonome offert au foyer de soins. Il avait parlé de son projet à David, qui l’avait encouragé dans sa démarche, puisqu’il pouvait revenir à Gambler s’il n’aimait pas l’expérience. Gordon a affirmé avoir écrit une lettre à David et au conseil le 20 septembre 2013, dans laquelle il précisait qu’il resterait au foyer de soins pour un certain temps et que Robert Tanner habiterait dans sa maison en son absence.

[19]  Gordon a affirmé que sa voisine, Diane Ford, l’avait appelé deux jours après qu’il eut quitté Gambler pour l’informer que la Gendarmerie royale du Canada (GRC) avait expulsé Robert Tanner de sa maison. Gordon a dit avoir appris que sa sœur, Roxanne Brass, avait emménagé dans sa maison peu de temps après. Il a affirmé que par la suite, il avait reçu une lettre, datée du 25 novembre 2013, dans laquelle Gambler alléguait qu’il avait violé son contrat de logement en omettant de demander au préalable une autorisation pour que Robert Tanner puisse s’installer chez lui.

[20]  Gordon a déclaré que, quelque temps après qu’il eut déposé sa plainte en matière de droits de la personne, en 2016, il avait reçu d’un membre de Gambler une copie d’une circulaire administrative, datée du 16 mars 2016, que le chef et le conseil avaient adressée aux résidents de Gambler et dans laquelle il était mentionné ce qui suit : [traduction] « En raison des coûts élevés occasionnés par les plaintes relatives aux droits de la personne déposées contre elle, la Première Nation de Gambler ne sera plus en mesure de payer pour les cruches d’eau des ménages. À compter d’aujourd’hui, les membres de la Première Nation de Gambler devront payer eux-mêmes les cruches d’eau de leur ménage. »

David Ledoux

[21]  David Ledoux a succédé à son frère, Gordon Ledoux, au poste de chef de la Première Nation de Gambler, en mai 2012.

[22]  Dans son témoignage, David a déclaré qu’en 2012, après qu’il fut devenu chef, un agent des services de financement d’Affaires autochtones et Développement du Nord Canada (AADNC) l’avait informé que les paiements de soutien à domicile versés à Robert Tanner pour les soins à domicile de Gordon étaient effectués à partir des fonds destinés à financer les soins prodigués à domicile par des infirmiers ou autres soignants. Si Gambler continuait de payer les soins à domicile à des personnes non admissibles à partir de ce compte réservé aux soins de santé, AADNC veillerait à ce que les fonds ainsi dépensés soient « récupérés », c’est‑à‑dire à ce qu’ils soient remboursés par Gambler. David a déclaré que, suivant cet avis, il avait pris la décision, en août 2012, de cesser de payer Robert Tanner pour les soins à domicile. Il n’avait pas informé Gordon de sa décision. Il ne se souvenait pas à quel moment Gordon avait abordé le sujet avec lui.

[23]  David a affirmé qu’au moment où il avait succédé à son frère comme chef, Gordon avait des problèmes de mobilité l’obligeant à utiliser un fauteuil roulant et une canne. Lorsque Gordon a mentionné à David que cela ne lui déplairait pas de sortir et de rendre visite à des gens, David lui a acheté un quadriporteur avec son propre argent. Lorsque Gordon a également mentionné qu’il ne voulait pas laisser son fauteuil roulant à l’extérieur, parce qu’il craignait de se le faire voler, David a déclaré avoir apporté chez Gordon une ancienne rampe de motoneige pour qu’il puisse sortir plus facilement son fauteuil roulant de la maison. David a affirmé avoir averti Gordon de ne pas utiliser son fauteuil roulant sur la rampe de motoneige.

[24]  Bien qu’il ne se souvienne pas de la date, David a affirmé que Shawna Susinski, une infirmière de Gambler, lui avait demandé si elle pouvait rendre visite à Gordon pour déterminer ses besoins en matière de santé. Selon David, c’est lors de cette rencontre que Gordon avait demandé à ce qu’une rampe d’accès appropriée soit installée pour remplacer la rampe de motoneige. David a affirmé que, comme Gambler n’avait pas les fonds nécessaires pour financer la rampe de Gordon, il avait cherché différentes sources de financement. David a déclaré qu’il avait communiqué avec la Société canadienne d’hypothèques et de logement (« la SCHL »), qui finançait un programme appelé Logements adaptés  aînés autonomes (le « programme LAAA ») visant à fournir du matériel de soins de santé, mais que, pour être admissible, la personne devait être âgée de plus de 65 ans. Le programme LAAA n’avait pas non plus de fonds disponibles avant le prochain exercice, c.‑à‑d.  après le 31 mars.

[25]  Pour financer la rampe, David a utilisé des fonds octroyés par AADNC pour moderniser le bureau du conseil de bande de Gambler. Il a utilisé l’argent destiné à l’installation d’une rampe d’accès au bureau du conseil de bande pour construire celle de Gordon. L’installation de la rampe de Gordon a commencé en mars 2013 et s’est terminée au mois de mai suivant.

[26]  En ce qui concerne le réservoir d’eau brisé chez Gordon, David a déclaré dans son témoignage que Gordon ne lui en avait jamais parlé et qu’il ne se souvenait pas non plus que Nathan Tanner, le conseiller de Gambler responsable du logement, l’eût mis au fait de problèmes concernant des réservoirs d’eau à remplacer à Gambler. Il a affirmé que c’était probablement Gabe Tanner, qui distribuait l’eau à Gambler, qui lui avait parlé des réservoirs. David a affirmé que les réservoirs d’eau n’avaient pas été commandés par ce dernier, mais plutôt par Jason Smith, le responsable de l’entretien de Gambler.

[27]  David a affirmé qu’il ne savait pas que Gordon était parti s’installer au foyer de soins, étant donné qu’il n’avait pas lu la lettre que celui-ci avait rédigée lors de son départ le 20 septembre 2013. Il a déclaré avoir appris le départ de Gordon le 5 octobre 2013 seulement, lorsqu’une aînée lui avait téléphoné pour lui dire que Gordon avait quitté sa maison et que Robert Tanner y habitait. L’aînée avait demandé à David de faire sortir Robert de là pour éviter que la maison ne soit endommagée. David a affirmé qu’il s’était rendu chez Gordon ce jour‑là avec la GRC et Roxanne Brass, leur sœur, et qu’il avait expulsé Robert Tanner. Selon David, la GRC lui avait conseillé de veiller à ce que quelqu’un habite dans la maison pour empêcher que des squatters s’y installent. Roxanne avait emménagé ce jour‑là ou peu de temps après.

[28]  David a admis avoir autorisé la circulaire administrative avisant les membres de la bande que Gambler ne paierait plus pour les cruches d’eau à cause [traduction] « du coût élevé des plaintes relatives aux droits de la personne ». Il a déclaré que cette annonce faisait suite au fait que Gambler avait dû payer un certain montant en rapport avec une autre plainte en matière de droits de la personne déposée par un autre membre.

IV.  Questions en litige et analyse

[29]  Les questions que doit examiner le Tribunal sont les suivantes :

  1. L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 5 de la LCDP, en cessant les versements de 200 $ par mois pour les services d’aide à domicile?
  2. L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 6 de la LCDP, en ne lui construisant pas une rampe d’accès lorsqu’il en a fait la demande?
  3. L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 5 de la LCDP, en omettant de réparer ou de remplacer son réservoir d’eau?
  4. L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 6 de la LCDP, en lui refusant le droit de revenir habiter chez lui après son installation au foyer de soins?
  5. L’intimée a‑t‑elle exercé des représailles contre le plaignant, en contravention de l’article 14.1 de la LCDP, en envoyant une circulaire administrative aux membres de Gambler indiquant qu’elle ne paierait plus pour les cruches d’eau à cause du coût des plaintes relatives aux droits de la personne?

[30]  Afin d’analyser toutes ces questions, il est possible de s’appuyer sur le contexte utile décrit par les deux principaux témoins, Gordon et David Ledoux, dans leur témoignage, lorsqu’ils ont exprimé leur point de vue sur la gouvernance de la Première Nation de Gambler.

[31]  Gordon Ledoux a affirmé que lorsqu’il est devenu chef de Gambler, il comprenait déjà bien le processus de gouvernance, étant donné qu’il y avait déjà pris part en tant qu’administrateur de l’aide sociale, puis conseiller. Il a affirmé très bien connaître les différents programmes et les exigences relatives aux rapports financiers. Gordon a dit qu’il savait comment transférer de l’argent d’un programme à un autre pour financer des projets particuliers. Il a décrit comment, sous son administration, beaucoup de choses s’étaient passées à Gambler, dont la construction de maisons et l’embauche de nombreux membres de la bande.

[32]  David Ledoux, par contre, semblait dépassé à ses débuts en tant que chef, affirmant que les conseillers et lui devaient gérer les différents portefeuilles – finances, logement, santé et éducation – avec peu de soutien. Il a indiqué qu’au début de son mandat, Gambler en était à la phase deux du processus de gestion avec AADNC, parce qu’elle avait dépassé son budget. Il a expliqué que la phase trois était plus sérieuse, puisque AADNC assurerait alors l’administration de Gambler. Il a décrit les efforts qu’il avait faits pour réduire le nombre d’employés à Gambler et régulariser la situation financière de la Première Nation.

[33]  La dynamique familiale est un autre facteur qui entre en ligne de compte. Certains frères et sœurs étaient proches l’un de l’autre et d’autres pas. Le manque de communication entre les parties a été aggravé par la froideur entre certains frères et sœurs, par exemple entre Gordon et David Ledoux, ce qui a contribué à créer des malentendus et un climat de méfiance réciproque.

[34]  Ce contexte aide à comprendre la conduite des parties, au moment d’examiner les diverses questions en litige.

[35]  Aux fins d’analyse des questions qui suivent, les parties ont convenu et la preuve a démontré que les problèmes de santé et de mobilité de Gordon constituaient une déficience et donc une caractéristique protégée en vertu de la LCDP.

L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 5 de la LCDP, en cessant de verser le paiement de 200 $ par mois pour les services d’aide à domicile?

[36]  Gordon a déclaré dans son témoignage qu’il n’avait pas demandé à recevoir des soins à domicile et que c’est l’infirmière en soins de santé qui l’a proposé. Les documents financiers de la bande indiquent que Gordon a commencé à bénéficier des services d’aide à domicile en 2011, alors qu’il était encore chef. Toutefois, selon Gordon, les services auraient été demandés par l’infirmière en santé, qui n’avait pas de lien de dépendance avec le conseil de bande même si elle travaillait pour lui. Quoi qu’il en soit, compte tenu de tous les autres éléments de preuve présentés, il est probable que l’approbation finale du chef et du conseil était requise.

[37]  Selon les documents déposés en preuve, il existait deux programmes pouvant offrir des services d’aide à domicile aux membres de la bande. Le premier était le Programme d’aide à la vie autonome, financé par AADNC. Ce programme était offert à toutes les personnes [traduction] « qui vivent dans une réserve […] qui ont fait l’objet d’une évaluation officielle par un professionnel qualifié […] indiquant qu’elles ont besoin de services de soutien social non médicaux et qui n’ont pas les moyens d’obtenir ces services autrement ». La composante des soins à domicile permettait de fournir une aide financière pour les soins personnels non médicaux dispensés aux adultes ayant besoin d’aide pour accomplir les activités quotidiennes, comme l’entretien ménager, la préparation des repas et les soins auxiliaires. Les critères d’admissibilité s’appliquaient aux membres des bandes touchant des prestations d’assurance sociale.

[38]  L’autre programme, connu comme le Programme de soins à domicile et en milieu communautaire des Premières nations et des Inuits (PSDMCPNI), était financé par Santé Canada et visait à offrir des services de soins à domicile et en milieu communautaire. Selon le témoignage d’Abbey Vorlicek, actuelle directrice des soins de santé de Gambler et infirmière responsable des soins à domicile et en milieu communautaire, les fonds de ce programme servaient exclusivement à payer le salaire du personnel infirmier et d’autres membres du personnel médical qualifié. Le type de services de soutien personnel à domicile offerts par Robert Tanner, qui n’est pas un professionnel de la santé qualifié, n’aurait pas rempli les conditions d’admissibilité à ce programme.

[39]  Les documents financiers déposés en preuve lors de l’audience indiquent que les montants versés pour les services d’aide à domicile de Gordon provenaient du PSDMCPNI de Santé Canada. Gordon l’a admis dans son témoignage. Compte tenu des critères de ce programme et du fait que Robert Tanner et les fournisseurs qui l’ont précédé n’étaient pas des professionnels de la santé qualifiés, selon la définition qui en est donnée, Gordon n’avait pas droit à ces montants.

[40]  Même si les montants avaient été versés dans le cadre du Programme d’aide à la vie autonome d’AADNC, Gordon n’y aurait pas eu droit non plus, puisqu’il ne bénéficiait pas de l’aide sociale. Gordon n’aurait pas dû recevoir des services d’aide à domicile payés par Gambler. Dans leur témoignage, David Ledoux et Abbey Vorlicek ont tous deux déclaré que le gouvernement fédéral pouvait demander à récupérer les paiements admissibles. David Ledoux a déclaré que, suivant l’avis reçu d’AADNC, il a cessé les paiements effectués pour les soins à domicile, étant donné qu’ils n’auraient pas dû être versés.

[41]  Puisque Gordon n’était pas admissible aux services d’aide à domicile, l’interruption du financement de ces services ne constitue pas un effet préjudiciable ni un traitement différent, au sens de l’analyse exposée dans Moore.

[42]  Bien que soit évoquée dans certains manuels de politiques, la possibilité de présenter une demande non officielle de services d’aide à domicile malgré l’inadmissibilité, Mme Vorlicek a déclaré qu’il fallait connaître cette possibilité pour pouvoir demander expressément une telle exemption. Rien ne démontre que David Ledoux le savait. Selon les faits et les critères d’admissibilité aux services d’aide à domicile prévus dans les programmes de Santé Canada et d’AADNC, je suis convaincu que Gordon n’y était pas admissible et qu’il n’a pas fait l’objet de discrimination lorsque le paiement de ces services a cessé.

[43]  En fait, Gordon a affirmé qu’il n’avait pas demandé à recevoir des soins à domicile et a déclaré plus tard, dans son témoignage, qu’il n’en avait pas besoin. Il a dit que, lorsque les paiements pour les soins à domicile ont cessé, il n’a pas contesté la décision auprès de David Ledoux ou du conseil de bande. En outre, Gordon n’a fourni aucune preuve que la cessation des paiements versés pour les soins à domicile pouvait être assimilée, de quelque façon que ce soit, à un acte discriminatoire de la part de l’intimée. En réalité, la preuve a démontré que ces paiements avaient cessé du fait que Gordon n’y avait pas droit.

[44]  Il aurait été préférable que David consulte Gordon, au préalable, avant de cesser les paiements pour les soins à domicile. Aussi, si Gordon avait fait savoir à David qu’il avait besoin de ces services, une autre solution aurait pu être envisagée. Toutefois, ni l’un ni l’autre ne l’a fait.

[45]  Selon la preuve dont je dispose, je conclus que le plaignant n’a pas prouvé qu’il a été victime de discrimination lorsque les paiements pour ses soins à domicile ont été interrompus.

L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 6 de la LCDP, en ne lui construisant pas une rampe d’accès lorsqu’il en a fait la demande?

[46]  Gordon Ledoux allègue que Gambler a fait preuve de discrimination à son endroit en ne lui fournissant pas une rampe d’accès à son domicile, lorsqu’il en a fait la demande, et qu’en outre, la rampe n’était pas pleinement fonctionnelle une fois installée.

[47]  Il a été question pour la première fois de cette rampe quelque temps après que David Ledoux fut devenu chef de Gambler en 2012. Gordon lui a dit qu’il ne voulait pas laisser son fauteuil roulant et son quadriporteur à l’extérieur de la maison de peur de se les faire voler. David a apporté et installé chez Gordon une ancienne rampe de motoneige pour lui permettre d’entrer son fauteuil roulant et son quadriporteur dans la maison la nuit et lui a recommandé de ne pas utiliser ces derniers sur la rampe de fortune, puisqu’elle n’était pas assez solide.

[48]  Dans leur témoignage, David et son épouse, Rose Ledoux, ont tous deux déclaré que Shawna Susinski, l’infirmière de Gambler, leur avait demandé de rendre visite à Gordon pour déterminer s’il avait des besoins en lien avec ses problèmes de santé. Bien qu’aucune des parties n’ait pu préciser la date à laquelle cela s’était produit (affirmant, par exemple, que ce n’était pas l’hiver), je crois que c’était probablement à l’automne 2012. Lors de cette rencontre au domicile de Gordon, ce dernier a demandé pour la première fois à Gambler qu’on lui installe une rampe d’accès appropriée.

[49]  Gambler a commencé la construction d’une rampe d’accès à la maison de Gordon en mars 2013, mais les travaux ne se sont achevés qu’en mai 2013.

[50]  Je n’accepte pas la prétention de l’intimée selon laquelle la construction d’une rampe d’accès au domicile d’un membre de la bande vivant dans la réserve ne peut pas vraiment être considérée comme un bien, un service, une installation ou un hébergement destinés au public, étant donné que Gambler n’avait pas de politiques générales ou particulières en matière de logement exigeant la fourniture d’une telle rampe d’accès aux membres de la bande. Au lieu de considérer la question comme une violation possible de l’article 5 de la LCDP, je crois qu’il est plus approprié de l’examiner sous l’angle de l’article 6 – si Gambler, en fournissant un logement à ses membres, était tenue de fournir une rampe d’accès à celui qui en avait besoin.

[51]  Dans Conseil des Canadiens avec déficiences c. VIA Rail Canada inc., la Cour suprême du Canada établit le principe général selon lequel la « notion d’accommodement raisonnable reconnaît que les personnes ayant une déficience ont le même droit d’accès que celles n’ayant pas de déficience [6]  ».

[52]  Le temps écoulé entre ce qui est vraisemblablement la première fois où une rampe a été demandée et la construction de celle‑ci a eu un effet préjudiciable sur le plaignant. Cependant, au vu de la preuve, je juge que la déficience de Gordon n’a pas été un facteur ayant contribué au temps écoulé avant que la rampe d’accès soit installée.

[53]  Le plaignant allègue que l’intimée a fait preuve de discrimination à son égard, en raison de sa déficience, en ignorant sa demande ou en retardant la construction de la rampe. J’estime que cette allégation n’est pas étayée par la preuve. Celle‑ci démontre plutôt que l’intimée, en particulier David Ledoux, a pris des mesures qui ont permis la construction de la rampe, malgré les restrictions financières et les contraintes bureaucratiques.

[54]  À la demande de Gordon Ledoux, David Ledoux lui a payé un quadriporteur de sa poche. Il a installé une ancienne rampe de motoneige chez Gordon pour remplacer les planches que ce dernier utilisait comme rampe. Lorsque Gordon a demandé qu’une rampe d’accès appropriée soit installée, David a immédiatement entrepris de trouver les fonds nécessaires à la construction de cette rampe.

[55]  Il est facile d’examiner les états financiers de Gambler rétrospectivement et de dire que des fonds étaient disponibles dans son budget, au cours de la période visée, pour financer la construction de la rampe d’accès. Toutefois, au moment où la demande a été faite, les fonds requis pour construire une rampe d’accès au domicile de Gordon n’étaient pas disponibles, et il fallait trouver l’argent nécessaire pour financer la rampe.

[56]  David a communiqué avec la SCHL pour voir s’il pouvait obtenir des fonds à travers leur programme LAAA. Toutefois, Gordon n’était pas admissible à ce programme, étant donné qu’il n’avait pas encore 65 ans. Les documents financiers montrent que Gambler était en situation déficitaire et que de nouveaux fonds ne seraient disponibles qu’après le 31 mars, au début du nouvel exercice.

[57]  David a déniché des fonds qui devaient servir à construire une rampe d’accès au bureau du conseil de bande et les a utilisés pour en installer une chez Gordon. Dans son témoignage, Jason Smith a déclaré avoir construit la rampe en mars 2013, même si c’était encore l’hiver et que la construction ne pourrait être achevée à cause du sol gelé au pied de la rampe, parce que l’argent devait être dépensé avant la fin de l’exercice. Au lieu d’attendre le prochain exercice ou de dépenser des fonds qui n’étaient pas prévus au budget pour construire la rampe de Gordon, l’intimée a trouvé une façon créative de payer pour cette rampe. Je juge que l’intimée avait un motif justifiable pour expliquer le temps écoulé avant d’obtenir les fonds nécessaires pour financer la rampe de Gordon. Enregistrer un déficit simplement pour payer la rampe de Gordon aurait soumis l’intimée à une contrainte excessive.

[58]  M. Smith a terminé la construction de la rampe en mai 2013, lorsque le sol a été suffisamment dégelé. Malgré les plaintes de Gordon au sujet de la rampe non terminée, la preuve démontre que ce dernier pouvait y utiliser son quadriporteur et y déplacer son fauteuil roulant. Il avait besoin d’aide uniquement pour descendre son fauteuil roulant de la rampe partiellement terminée, et cela n’a duré que quelques mois. Cette situation n’était peut‑être pas idéale, mais il s’agissait assurément d’un accommodement raisonnable, selon l’arrêt Central Okanagan School District c. Renaud [7] .

[59]  Il est souvent précisé dans la jurisprudence, en matière de droits de la personne, qu’il est difficile de prouver la discrimination au moyen d’une preuve directe. Étant donné que la discrimination flagrante est rare, une grande partie de la preuve est de nature circonstancielle. Dans Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada [Basi], le Tribunal lui‑même a laissé entendre que les membres devraient tenir compte de toute la preuve circonstancielle pour déterminer s’il en ressort ce qui est décrit comme « de subtiles odeurs de discrimination [8]  ».

[60]  Lorsque j’examine l’ensemble des éléments de preuve présentés, y compris la preuve circonstancielle, je ne peux pas déceler de subtiles odeurs de discrimination dans les gestes posés par l’intimée lors de la fourniture de la rampe d’accès. La preuve ne démontre pas que la discrimination était un facteur ayant contribué à l’effet préjudiciable causé par le fait que la rampe n’a pas été construite au moment où Gordon en a fait pour la première fois la demande. Toutefois, elle montre bien que l’intimée avait un motif justifiable pour expliquer le temps écoulé avant de procéder à l’installation de la rampe (article 15 de la LCDP).

L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 5 de la LCDP, en omettant de réparer ou de remplacer son réservoir d’eau?

[61]  Le plaignant a allégué que l’intimée n’avait pas réparé ou remplacé un réservoir d’eau brisé à son domicile et que cela lui avait causé un effet préjudiciable. Gordon Ledoux allègue que le défaut d’agir de Gambler au sujet de son réservoir d’eau s’inscrivait dans un plan d’actes discriminatoires pratiqués par l’intimée à son égard à cause de sa déficience, dans le but de le forcer à quitter Gambler. Selon Gordon, la cessation des soins à domicile et le temps écoulé avant de lui fournir une rampe d’accès, comme expliqué précédemment, s’inscrivaient dans ce plan. En outre, Gordon soutient que le fait que son réservoir d’eau a été remplacé après qu’il eut quitté Gambler pour aller s’installer au foyer de soins appuie son allégation.

[62]  Gordon a affirmé que c’est Gabe Tanner, qui assure la distribution de l’eau dans les maisons équipées de réservoirs à Gambler, qui lui a dit que son réservoir présentait une fissure. Gordon a déclaré avoir dit à Gabe qu’il avait besoin d’un nouveau réservoir d’eau, et Gabe l’a plus tard informé qu’il avait mis le chef et le conseil au fait de sa demande. Gordon a affirmé que cela s’était produit environ six mois avant son départ pour le foyer de soins en octobre 2013. Au cours de son contre‑interrogatoire, il a admis qu’il n’avait pas informé David Ledoux ni Nathan Tanner, le responsable du portefeuille lié à l’eau, de sa demande.

[63]  Dans son témoignage, David Ledoux a déclaré qu’il n’avait pas commandé le réservoir d’eau pour la maison de Gordon lors de la commande de deux autres réservoirs. Jason Smith a déclaré lors de son témoignage qu’il avait coordonné la livraison de trois réservoirs d’eau à Gambler. Le nouveau réservoir d’eau a été installé le 7 octobre 2013, bien qu’aucun élément de preuve ne permette de déterminer clairement le moment où il avait été commandé. M. Smith a déclaré qu’il discutait avec Gabe Tanner de la question des réservoirs d’eau défectueux à Gambler depuis un certain temps déjà. M. Smith a dit que les réservoirs avaient dû être approuvés par David Ledoux ou Nathan Tanner.

[64]  La preuve a démontré que Gabe Tanner s’était rendu compte, dans le cadre de ses fonctions, que des réservoirs d’eau étaient défectueux. Il a discuté de la question et de la nécessité de remplacer ces réservoirs avec Jason Smith, qui en a ensuite parlé avec David Ledoux et Nathan Tanner. La date précise n’est pas déterminée, mais à un certain moment, le chef et le conseil ont approuvé l’achat de nouveaux réservoirs d’eau pour trois maisons de Gambler, dont celle de Gordon.

[65]  La preuve ne démontre pas qu’une tentative, délibérée ou non, a été faite pour retarder l’installation des réservoirs d’eau, dans un geste isolé ou organisé, pour forcer Gordon à quitter sa maison de Gambler. La preuve montre plutôt qu’un problème avec l’eau de Gordon a été découvert par Gabe Tanner, et non par Gordon. L’information a été transmise à Jason Smith, qui a informé le chef et le conseil de diverses questions en matière de construction et d’entretien. Le chef et le conseil ont décidé que Gordon et d’autres personnes avaient besoin de nouveaux réservoirs d’eau et ont ensuite commandé et fait installer ces derniers. Tout cela s’est déroulé sur une période d’environ six mois.

[66]  Le plaignant n’a pas fourni de preuve démontrant qu’il avait subi un effet préjudiciable du fait que son réservoir d’eau était défectueux, puisqu’il avait continué à utiliser l’eau de cette source. Il n’a pas présenté d’éléments de preuve à l’appui d’un quelconque lien avec tout effet préjudiciable que lui aurait causé l’intimée en raison de sa déficience. Je conclus que le fait que le réservoir d’eau a été installé au domicile de Gordon après le départ de ce dernier pour le foyer de soins n’était qu’une coïncidence.

L’intimée a‑t‑elle fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en contravention de l’article 6 de la LCDP, en lui refusant le droit de revenir habiter chez lui après son installation au foyer de soins?

[67]  Gordon Ledoux a allégué que l’intimée avait fait preuve de discrimination à son égard, en raison de sa déficience, lorsqu’elle a autorisé Roxanne Brass à prendre possession de sa maison le lendemain de son installation au foyer de soins pour faire l’essai de l’aide à la vie autonome. Dans son témoignage, Gordon a déclaré avoir reçu un appel de sa voisine, Diane Ford, le 5 octobre 2013, qui l’a informé que David et Roxanne se trouvaient chez lui avec la GRC pour expulser Robert Tanner.

[68]  Gordon affirme que l’expulsion était une tentative préméditée pour le faire partir de Gambler, parce que, selon lui, David voyait sa déficience comme un [traduction] « fardeau pour Gambler ». À l’appui de cette allégation, il a cité le témoignage de Curtis Ducharme, un ancien directeur des services de santé de Gambler.

[69]  Dans son témoignage, M. Ducharme a déclaré que, lors d’une promenade en voiture avec David Ledoux (la date n’a pas été précisée, mais c’était probablement en 2013), le sujet de la rampe d’accès de Gordon avait été soulevé, et David avait dit que Gordon était un fardeau pour la communauté. Dans son témoignage, David a nié avoir tenu de tels propos. Il a affirmé qu’il parlait alors d’une autre affaire. Lors de son témoignage, M. Ducharme a dit clairement se souvenir que David avait émis un tel commentaire. David gardait un souvenir imprécis des faits. Aucune autre preuve n’a été présentée pour corroborer l’une ou l’autre de ces réponses contradictoires.

[70]  Gordon a affirmé que, lorsqu’il avait été informé de l’expulsion de Robert Tanner de sa maison, il avait essayé d’appeler David pour protester. Il a prétendu avoir essayé d’appeler à de nombreuses reprises avec le téléphone de son beau‑frère, Ken Oertel, qui lui rendait visite. Cependant, les relevés téléphoniques ne montrent aucun appel au bureau de Gambler ou au domicile de David.

[71]  David a affirmé s’être rendu au domicile de Gordon en amenant Roxanne Brass avec lui, et avoir demandé à la GRC d’expulser Robert Tanner, à la suite d’un appel reçu d’une aînée, Vitaline Tanner. David a déclaré que, avant de recevoir l’appel, il ne savait pas que Gordon était parti. La preuve n’indique pas comment l’aînée Tanner savait que Gordon était parti s’installer au foyer de soins en laissant Robert Tanner seul dans la maison qu’il avait quittée.

[72]  David a déclaré que la raison pour laquelle il avait fait expulser Robert Tanner était qu’il voulait protéger la maison de Gordon, étant donné que Robert avait déjà squatté une maison à Gambler, laquelle avait été endommagée. David a affirmé que, suivant l’avis de la GRC, il a demandé à Roxanne d’emménager dans la maison de Gordon pour empêcher les squatters (Robert Tanner ou d’autres, vraisemblablement) de s’y installer.

[73]  Dans son témoignage, Rose Ledoux a corroboré le fait que Vitaline Tanner avait appelé David pour se plaindre que Robert Tanner avait été laissé seul au domicile de Gordon. Roxanne Brass a déclaré dans son témoignage que David l’avait amenée chez Gordon, parce qu’il ne voulait pas affronter Robert Tanner seul.

[74]  Les témoignages au sujet de la version de l’intimée quant aux faits ayant mené à l’expulsion de Robert Tanner n’ont pas été contredits en contre‑interrogatoire. La preuve n’appuie pas l’allégation selon laquelle l’intimée aurait prémédité l’expulsion de Robert Tanner afin de priver Gordon de sa maison.

[75]  Cependant, les mesures prises par l’intimée après l’expulsion me conduisent à une conclusion différente sur la question de savoir s’il y a eu discrimination.

[76]  Gordon n’a pas été en mesure de fournir la preuve qu’il avait tenté de communiquer avec David après l’expulsion de Robert Tanner de sa maison, bien qu’il ait prétendu l’avoir fait. Pourtant, de leur côté, ni David ni Roxanne Brass, qui s’est décrite comme la principale aidante de Gordon, n’avaient fait un quelconque effort pour communiquer avec Gordon immédiatement après l’expulsion.

[77]  Au lieu de cela, l’intimée a envoyé à Gordon, à une mauvaise adresse, une lettre datée du 15 octobre 2013, dans laquelle elle prétendait qu’en omettant d’obtenir au préalable l’autorisation requise pour que Robert Tanner puisse vivre dans sa maison, Gordon avait violé la politique de Gambler en matière de logement. Lorsqu’une autre lettre, datée du 25 novembre 2013, concernant des arriérés de loyer est enfin parvenue à Gordon au foyer de soins, ce dernier a transmis un avis d’appel de son expulsion à Gambler, mais il n’a jamais obtenu de réponse. En novembre 2013, le chef et le conseil ont également signé une circulaire administrative dans laquelle ils attribuaient la résidence de Gordon à Roxanne Brass.

[78]  L’intimée a affirmé qu’elle avait tout à fait le droit d’expulser Gordon, non seulement en raison des arriérés de loyer, mais également parce qu’il n’avait pas respecté l’une des conditions de son contrat de logement, en ne demandant pas au chef et au conseil leur autorisation afin que Robert Tanner puisse demeurer dans sa maison en son absence. Pourtant, ce n’est qu’après que Gordon fut parti s’installer au foyer de soins que Gambler a soulevé la question des arriérés de loyer. En outre, bien que David ait prétendu n’avoir jamais lu, avant son départ, la lettre de Gordon disant qu’il partait faire l’essai du foyer de soins, David savait assurément, au moment où la lettre du 15 octobre a été envoyée à Gordon, que ce dernier n’avait pas abandonné sa maison, mais qu’il était parti s’installer au foyer de soins pour une période indéterminée. Il m’apparaît que les raisons invoquées par l’intimée pour expliquer ses actes, après le départ de Gordon, visaient simplement à justifier le déménagement de Roxanne Brass dans la maison de Gordon et l’obligation de ce dernier de rester au foyer de soins.

[79]  L’intimée a fait valoir que Gordon aurait pu quitter le foyer de soins à tout moment et revenir à Gambler. En réalité, cela s’est produit une fois, dans de tristes circonstances, lors desquelles Gordon a fait une rechute qui l’a forcé à être hospitalisé, alors qu’il effectuait un bref séjour chez des parents à Gambler, après quoi il est retourné vivre au foyer de soins.

[80]  Il est possible que l’intimée croie sincèrement que Gordon est mieux au foyer, où il reçoit les soins dont il a besoin. Cependant, elle ne pouvait pas savoir cela lorsqu’elle a profité de son départ là‑bas pour prendre possession de sa maison. En outre, il est hypocrite de la part de l’intimée de laisser entendre que Gordon peut revenir à Gambler quand il le désire, alors qu’il n’a pas de maison où vivre et qu’il ne bénéficie pas du soutien dont il a besoin pour mener une vie normale.

[81]  L’intimée fait valoir que la présente affaire est analogue à l’affaire Stewart c. Elk Valley Coal Corporation, en ce sens que Gordon s’est vu refuser le droit d’occuper sa maison uniquement parce qu’il a violé son contrat et la politique de logement de Gambler, et non à cause de sa déficience. Toutefois, contrairement à la décision rendue par la Cour d’appel de l’Alberta dans Stewart [9] , je conclus que la déficience du plaignant a été un facteur qui a empêché ce dernier de revenir s’installer à Gambler, sans un logement convenable ou le soutien nécessaire.

[82]  L’intimée n’a pas réussi à réfuter de façon satisfaisante l’existence de la discrimination démontrée par le plaignant. Bien que je juge que la preuve est insuffisante pour étayer une conclusion selon laquelle l’expulsion de Gordon a été préméditée lorsque ce dernier est parti s’installer au foyer de soins, je conclus que les mesures prises par l’intimée pour concrétiser l’occupation de la maison de Gordon par Roxanne Brass, par exemple en la rendant responsable du paiement des services publics, constituaient des actes discriminatoires, étant donné que Gordon s’est vu refuser le droit d’occuper son logement en raison de sa déficience, en contravention de l’article 6 de la LCDP. La preuve circonstancielle des mesures prises par l’intimée après l’expulsion m’amène effectivement à déceler « de subtiles odeurs de discrimination », selon le concept exposé dans Basi.

L’intimée a‑t‑elle exercé des représailles contre le plaignant, en contravention de l’article 14.1 de la LCDP, en envoyant une circulaire administrative aux membres de Gambler indiquant qu’elle ne paierait plus pour les cruches d’eau à cause du coût des plaintes relatives aux droits de la personne?

[83]  La circulaire administrative envoyée par l’intimée le 16 mars 2016 aux résidents de Gambler, pour les informer qu’elle ne paierait plus pour l’eau embouteillée à cause du [traduction« coût élevé des plaintes relatives aux droits de la personne », constituait manifestement un acte de représailles contre Gordon, en contravention de l’article 14.1 de la LCDP.

[84]  La plainte formulée par Gordon contre l’intimée avait été déposée en septembre 2014; les résidents de Gambler étaient donc très bien au fait de cette plainte lorsque la circulaire administrative leur a été envoyée.

[85]  L’intimée a prétendu que la circulaire administrative était directement liée à un paiement qu’elle avait dû verser à un autre plaignant à l’époque, dans une autre affaire en rapport avec les droits de la personne. Même si tel était le motif, l’intention n’a pas d’importance au moment de décider s’il y a eu discrimination. La mesure prise par l’intimée a été considérée, à juste titre, par le plaignant et d’autres membres de Gambler, comme Curtis Ducharme et Peter Vermette, qui ont témoigné, comme une sanction visant à punir Gordon en raison de sa plainte pour atteinte aux droits de la personne, ainsi que d’autres personnes à l’origine de plaintes semblables, et comme une façon de dissuader de futures allégations en matière de droits de la personne.

[86]  Dans l’affaire Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada c. Procureur général du Canada, le TCDP a examiné le droit en matière de représailles et a conclu qu’il doit y avoir au moins une perception raisonnable que des représailles ont été exercées [10] .

[87]  Je n’accepte pas l’argument de l’intimée selon lequel il n’y a pas eu discrimination parce que les bouteilles d’eau étaient un luxe, et non un service, et que, puisque tous les membres de la Première Nation ont cessé de les recevoir, Gordon n’a pas été ostracisé. Je considère plutôt que le fait de mettre fin à un service que les membres de la bande avaient l’habitude de recevoir, en rejetant la responsabilité sur un des leurs, en partie du moins, revient à punir un groupe entier à cause des gestes de quelques‑uns. Gordon a été touché, même s’il n’habitait pas à Gambler, étant donné que certains membres de la bande, sachant qu’il avait déposé des plaintes contre l’intimée en matière de droits de la personne, lui auraient fait porter le blâme. Cela correspond à la définition de discrimination énoncée à l’article 14.1.

V.  Décision

[88]  En me fondant sur la preuve, je conclus que l’intimée n’a pas posé d’actes discriminatoires à l’encontre du plaignant en vertu de l’article 5 de la LCDP.

[89]  En ce qui concerne les services d’aide à domicile que l’intimée a cessé de fournir au plaignant, je conclus qu’il ne s’agissait pas là d’un acte discriminatoire fondé sur la déficience du plaignant. Cette mesure résultait du fait que le plaignant n’était pas admissible à ces services, dans le cadre de l’un ou de l’autre des programmes de financement en place.

[90]  En outre, le plaignant prétend qu’il était discriminatoire de la part de l’intimée de ne pas construire la rampe d’accès qu’il avait demandée, en respectant la qualité qu'il voulait et le délai qu’il avait prévu. Au vu de la preuve présentée, je ne suis pas d’accord avec le plaignant. Je constate que l’intimée a d’abord installé une rampe d’accès temporaire, lorsqu’elle a réalisé que le plaignant en avait besoin. Par la suite, lorsqu’elle a su qu’une rampe mieux adaptée était nécessaire pour que le plaignant puisse accéder à sa maison avec son quadriporteur également, elle a trouvé les fonds nécessaires et construit une rampe de qualité, dans un délai raisonnable. Le fait que la rampe n’ait pas été construite immédiatement ou que deux mois se soient écoulés avant que celle‑ci ne soit terminée, en raison du sol gelé, n’établit pas l’existence de discrimination de la part de l’intimée, en contravention de l’article 6 de la LCDP.

[91]  Le plaignant a tenté de brosser le tableau d’un plan d’actes discriminatoires commis délibérément dans le but de l’éloigner de Gambler. Dans ces actes ou omissions, il y a le défaut de réparer ou de remplacer le réservoir d’eau souterrain brisé de sa maison. La preuve a démontré que le réservoir d’eau du plaignant figurait parmi un certain nombre de réservoirs qu’il fallait remplacer à Gambler. Le problème du plaignant vient du fait que son réservoir a été remplacé seulement deux jours après que Roxanne Brass eut emménagé dans sa maison.

[92]  Cependant, je ne pense pas, selon la preuve, qu’il y a eu une tentative délibérée de retarder le remplacement du réservoir du plaignant dans le but de le chasser de sa maison. J’estime que la preuve montre qu’il s’agit là de la procédure normale voulant qu’après la découverte des dommages, une approbation et des fonds soient demandés par Gambler pour l’achat de nouveaux réservoirs et le remplacement éventuel de plusieurs réservoirs d’eau en même temps, dont celui de Gordon. Je conclus que l’intimée n’a pas fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en raison de sa déficience, et qu’elle ne lui a pas réservé un traitement différent ou défavorable.

[93]  Bien que la personne désignée par le plaignant pour garder sa maison ait été expulsée un jour seulement après qu’il fut parti s’installer au foyer de soins et que sa sœur ait alors emménagé dans sa maison, la preuve n’est pas suffisante pour établir qu’il s’agissait là d’une tentative préméditée pour chasser Gordon de Gambler. L’intimée a fourni une explication raisonnable pour justifier ses actes lors de l’expulsion proprement dite.

[94]  Toutefois, je suis persuadé que les efforts déployés par l’intimée, qui a invoqué les arriérés de loyer et la violation de la politique de Gambler tout en faisant fi de l’appel de Gordon, étaient des prétextes trouvés pour refuser à ce dernier la possibilité de réintégrer son domicile. Il n’est pas raisonnable d’accepter l’allégation de l’intimée selon laquelle Gordon pouvait retourner à Gambler en tout temps, dans la mesure où elle a pris activement des mesures pour l’empêcher de récupérer sa maison. Bien que cela n’ait jamais été mentionné explicitement dans la preuve, même si l’intimée croyait sincèrement que Gordon était mieux au foyer de soins, cette idée ne l’absout pas d’un comportement discriminatoire. Il est clair pour moi que l’intimée ne voulait pas que le plaignant revienne à Gambler et qu’en demandant à Roxanne Brass d’emménager dans sa maison, elle a refusé à Gordon le droit d’occuper son logement et a fait preuve de discrimination à son égard, en raison de sa déficience.

[95]  Au moment où la circulaire administrative de Gambler a été envoyée aux membres de la bande pour les informer que l’eau embouteillée ne leur serait plus fournie gratuitement [traduction« à cause du coût élevé des plaintes relatives aux droits de la personne », la population de Gambler savait que Gordon avait déposé une plainte en la matière. L’explication selon laquelle cette circulaire administrative visait uniquement les plaintes relatives aux droits de la personne déposées antérieurement par un autre membre de la Nation n’est pas plausible. La circulaire administrative visait manifestement à rejeter la responsabilité sur Gordon, en partie du moins, pour la perte d’un service offert aux membres de la bande. Cela constitue un acte de représailles contraire à l’article 14.1 de la LCDP.

VI.  Réparation

[96]  Je conclus que l’intimée a fait preuve de discrimination à l’égard du plaignant, en lui refusant le droit d’occuper sa maison, en contravention de l’article 6 de la LCDP. Pour cet acte discriminatoire, j’accorde la somme de 5 000 $ au plaignant pour préjudice moral. Je ne conclus pas que les actes de l’intimée étaient délibérés, puisque cette dernière n’a pas cherché consciemment, au départ, à priver Gordon de sa maison. Pourtant, les mesures qu’elle a prises après coup pour justifier l’expulsion de Robert Tanner et l’occupation de la maison du plaignant, érigeant ainsi des obstacles au retour de Gordon, étaient à tout le moins inconsidérées. J’accorde une somme additionnelle de 2 500 $ au plaignant.

[97]  En ce qui concerne les frais que le plaignant a dû engager pour demeurer au foyer de soins, parce qu’il n’était pas en mesure de réintégrer sa maison à Gambler, il a demandé à être remboursé des coûts d’hébergement correspondant à quatre (4) années passées au foyer de soins, à raison de 1 100 $ par mois, pour un total de 52 800 $. Toutefois, si le plaignant était resté dans sa maison à Gambler, il aurait dû payer pour son loyer, sa nourriture et ses autres frais de subsistance. Pour rendre une décision plus raisonnable quant au montant à accorder, il me faut tenir compte de ces coûts.

[98]  En outre, d’après le témoignage du plaignant et de Della Mansoff, l’infirmière en chef au foyer de soins, il est clair que Gordon n’aurait pas pu retourner à Gambler avant un certain temps, en raison de son état de santé. Par conséquent, j’accorde au plaignant la somme de 500 $ par mois, pendant 3 ans et demi, pour un total de 21 000 $ [alinéa 53(2)d) de la LCDP], pour les frais engagés.

[99]  J’ordonne en outre à l’intimée d’inscrire le nom de Gordon sur la liste d’attente pour un logement à Gambler, avec un statut prioritaire, afin qu’il obtienne une maison accessible en fauteuil roulant qui répond raisonnablement à ses besoins. Bien entendu, il appartient à Gordon de décider s’il souhaite ou non retourner vivre à Gambler.

[100]  Je conclus que l’intimée a commis un acte de représailles contre le plaignant, en envoyant aux membres de Gambler une circulaire administrative qui, essentiellement, rejetait en partie la responsabilité sur Gordon pour le fait qu’elle cessait de fournir de l’eau embouteillée. Pour l’acte de représailles commis en contravention de l’article 14.1 de la LCDP, j’accorde la somme de 2 500 $ au plaignant, en vertu de l’alinéa 53(2)e). Bien que je conclue que ce geste n’était pas délibéré, il était malgré tout inconsidéré, compte tenu du libellé de la circulaire administrative et du fait que Gambler avait déjà été citée par le Tribunal pour un acte de représailles commis dans une affaire antérieure en matière de droits de la personne, sans rapport avec la présente affaire. En vertu du paragraphe 53(3) de la LCDP, j’accorde au plaignant la somme additionnelle de 2 500 $.

[101]  Des intérêts simples devront être payés sur les indemnités accordées, au taux d’escompte annuel moyen établi par la Banque du Canada [paragraphe 53(4) de la LCDP]. Ces intérêts courent à compter de la date du dépôt de la plainte jusqu’à la date du paiement des indemnités accordées et des dépenses engagées.

[102]  La question de l’intérêt public entre également en ligne de compte. Je suis d’accord avec les observations de la Commission au sujet des réparations d’intérêt public. Je rends donc une ordonnance, en vertu de l’alinéa 53(2)a), enjoignant à l’intimée de cesser tout acte discriminatoire et de prendre des mesures, en consultation avec la Commission, pour veiller à ne plus exercer de discrimination à l’avenir. Ces mesures comprendront notamment l’obligation pour l’intimée de présenter à la Commission, aux fins d’examen et d’approbation, les politiques sur les droits de la personne qui incluent un processus d’examen interne et qui sont communiquées publiquement aux membres de Gambler. En outre, Gambler devra consulter la Commission en vue de retenir les services d’un spécialiste des droits de la personne, qui offrira une formation au chef et au conseil de Gambler, aux employés et à tout membre intéressé de la Première Nation.

Signé par :

Alex G. Pannu

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 31 août 2018

 

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal: T2152/2616

 

Intitulé de la cause: Gordon Ledoux c. La Première Nation de Gambler

Date de la décision : 31 août 2018

Date et lieu de l’audience: 31 juillet au 4 août 2017

Russell, Manitoba

Représentations:

Jason Stitt , pour le plaignant

John Unrau , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Kevin Hoy , pour l’intimée

 



[9] 2015 ABCA 225, conf. par 2017 CSC 30.

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