Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2018 TCDP 32

Date : 29 novembre 2018

Numéro du dossier : T1706/6111R

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Norman Murray

le plaignant

 

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Commission de l’immigration et du statut de réfugié

l'intimée

 

Décision sur requête

Membre : Ronald Sydney Williams



I.  Introduction

[1]  En prévision de l’audition de la présente affaire, l’intimée a présenté une requête pour faire radier certains paragraphes des exposés des précisions (EDP) déposés par le plaignant et par la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP), et pour demander des précisions supplémentaires au plaignant. La présente décision porte sur cette requête.

II.  Contexte

[2]  Le plaignant est un Afro-Canadien noir qui travaille depuis 1989 à titre d’agent préposé aux cas au bureau régional de Toronto de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la CISR).

[3]  Le ou vers le 23 avril 2004, la CCDP a reçu une plainte du plaignant où celui-ci alléguait avoir été victime de discrimination au sens des articles 7, 10, 12 et 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, ch. H-6 (la LCDP). Dans cette plainte, le plaignant affirmait essentiellement que lui-même et d’autres employés travaillant dans les installations de la CISR à Toronto étaient victimes de discrimination systémique qui empêchait leur avancement professionnel et maintenait les employés noirs à des postes de niveaux inférieurs.

[4]  La CCDP a rejeté l’ensemble de la plainte du plaignant, ce qui a donné lieu à une demande de contrôle judiciaire devant la Cour fédérale du Canada, instruite par l’Honorable madame la juge Hansen (T-1796-08).

[5]  Dans une ordonnance rendue par la juge Hansen le 18 août 2009, la portée de la plainte a été définie avec le consentement des parties. Cette ordonnance renvoyait la question de la discrimination systémique à la CCDP afin de mener une enquête supplémentaire concernant l’examen de la situation des minorités visibles au bureau régional de la CISR, à Toronto, au cours des douze mois précédant le dépôt de la plainte, et portant surtout sur les aspects suivants :

  1. la concentration des minorités visibles dans les postes de niveau inférieur;
  2. la sous-représentation des minorités visibles dans les postes permanents.

[6]  Ce faisant, la juge Hansen n’a pas modifié la décision par laquelle la CCDP avait rejeté tous les autres aspects de la plainte.

[7]  Le 29 juillet 2011, la CCDP a demandé au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) d’instruire la plainte.  

[8]  Le 4 janvier 2013, le membre Lustig a rejeté la plainte (voir 2013 TCDP 2) en concluant que le sujet de l’instance avait déjà été tranché par le Tribunal de la dotation de la fonction publique (le TDFP).

[9]  Le 11 février 2014, dans une autre décision rendue au terme d’un contrôle judiciaire, l’Honorable madame la juge Bédard, de la Cour fédérale du Canada, a statué que la décision déjà rendue par le TDFP n’empêchait pas la CCDP d’enquêter sur les allégations relatives à de la discrimination systémique qui aurait eu lieu au bureau régional de Toronto de l’intimée au cours de la période allant de mars 2003 à mars 2004 (voir 2014 CF 139).  

III.  Requête en radiation de l’intimée

A.  Avis de requête

[10]  Le 27 avril 2016, l’intimée a présenté une requête visant à obtenir :

  1. une ordonnance radiant de l’EDP du plaignant les paragraphes 1, 2, 3, 23, 24 et 26 et le sous-paragraphe 28 a);
  2. une ordonnance visant à préciser les paragraphes et sous-paragraphes suivants de l’EDP du plaignant : 24, 25, 26f), l), m), n), o), p), q), s), t), u) et v) et 27b);
  3. une ordonnance radiant de l’EDP de la CCDP les paragraphes et sous‑paragraphes suivants : 21, 28, 29, 30, 31, 32, 51, 52, 53, 54, et 62 a), c), d), e), f), g) et h);
  4. une ordonnance enjoignant au plaignant et à la CCDP de signifier et de déposer, dans un délai précis, des EDP modifiés énonçant les allégations, les mesures de redressement recherchées et les documents demandés qui s’inscrivent dans la portée de la plainte;
  5. une ordonnance prolongeant le délai de signification et de dépôt de l’EDP de l’intimée jusqu’à une date précise après la signification et le dépôt des EDP modifiés du plaignant et de la CCDP.

B.  Observations de la partie requérante

[11]  L’intimée souhaite voir radier la plupart des paragraphes susmentionnés, au motif qu’ils contiennent des allégations de discrimination dépassant la portée de la plainte telle qu’elle a été confirmée et restreinte par la juge Bédard. En ce qui concerne le paragraphe 62 de l’EDP de la CCDP, l’intimée soutient que les demandes de divulgation qui y sont énoncées devraient être radiées, car elles ne sont pas pertinentes quant à la plainte. 

[12]  L’intimée avance en outre que l’affaire Basudde c. Santé Canada 2005 TCDP 21 (« Basudde ») confère le pouvoir de radier des paragraphes dans un EDP si ceux-ci traitent de questions dont n’est pas saisi le Tribunal. Dans la décision Basudde, le Tribunal a tranché qu’il ne pouvait radier certains aspects de la plainte que la CCDP lui avait soumise, mais qu’il lui était possible de radier des paragraphes d’un EDP parce que « [l]'examen des plaidoiries rel[evait] du cadre normal des fonctions du Tribunal » (voir le paragraphe 5).

[13]  L’intimée s’appuie sur le libellé du paragraphe 6 des Règles de procédure du Tribunal (les Règles), qui prévoit qu’un EDP doit notamment préciser les faits pertinents que la partie cherche à établir à l’appui de sa cause et les questions de droit que soulève la cause. L’intimée souligne également qu’un EDP doit comprendre des renseignements qui se rapportent à l’affaire dont le Tribunal est saisi.  

[14]  Bien que l’intimée reconnaisse que l’EDP peut contenir des renseignements qui, à des fins de mise en contexte, dépassent la portée du litige – par exemple, une chronologie des événements ayant mené à la plainte –, elle soutient que l’EDP devrait être exempt d’allégations de discrimination ayant déjà été radiées ou de renseignements non pertinents qui pourraient porter à confusion, induire en erreur ou compromettre l’enquête devant le Tribunal.

[15]  De l’avis de l’intimée, la raison en est que les EDP sont déterminants quant à l’étendue de la divulgation de documents, ainsi qu’à l’égard des éléments de preuve et des arguments qui peuvent être admis pendant l’audience. En effet, un EDP qui comprend des allégations dépassant la portée de la plainte mène à une instruction plus vaste et plus complexe qu’elle ne devrait l’être, alors qu’un EDP bien rédigé permet une procédure plus efficace et plus rapide.

[16]  L’intimée affirme que l’ordonnance de la juge Hansen n’a rien changé à la décision de la CCDP de rejeter un certain nombre d’allégations contenues dans la plainte, à savoir notamment :

  1. que la CISR n’avait pas offert un milieu de travail exempt de harcèlement;
  2. que la CISR appliquait des politiques discriminatoires faisant appel à des examens normalisés;
  3. que la CISR offrait un milieu de travail malsain.

[17]  Par ailleurs, l’intimée souligne que la juge Hansen n’a pas renvoyé, aux fins d’une enquête plus poussée, l’allégation particulière de discrimination fondée sur l’article 7 de la LCDP. Ce résultat a été confirmé dans les motifs de la juge Bédard, qui a déclaré que la décision de la CCDP de rejeter l’ensemble de la plainte n’était annulée que dans la mesure où elle se rapportait aux allégations précises mentionnées dans l’ordonnance de la juge Hansen.

[18]  L’intimée fait valoir que les allégations et affirmations factuelles contestées contenues dans l’EDP du plaignant vont au-delà de la simple mise en contexte, en ajoutant qu’elles dépassent manifestement l’objet, la portée géographique et la période visés par la plainte. À cet égard, elle mentionne en particulier :

  1. les allégations fondées sur l’article 7 de la LCDP, sur lesquelles la CCDP a décidé de ne pas enquêter et qui ne figuraient pas dans l’ordonnance de la juge Hansen;
  2. les allégations d’obstacles systémiques à la CISR liés à un climat de travail malsain, au harcèlement et à l’utilisation d’examens normalisés, qui ont été rejetées par la CCDP et auxquelles l’ordonnance de la juge Hansen n’a pas redonné vie;
  3. les allégations dirigées contre la CISR dans son ensemble, contrairement à la décision de la juge Bédard selon laquelle la plainte est limitée au bureau régional de Toronto de la CISR;
  4. les allégations ne concernant pas la période visée par la plainte, comme précisé dans la décision de la juge Bédard, c’est-à-dire la période allant de mars 2003 à mars 2004.

[19]  L’intimée renvoie également à des parties de l’EDP de la CCDP qui vont au-delà de la simple mise en contexte, et qui ne reconnaissent pas que la portée de la plainte se limite au bureau régional de Toronto de la CISR et à la période comprise entre mars 2003 et mars 2004. Plus particulièrement, la CCDP mentionne un processus de dotation de 2007 visant à pourvoir de nouveaux postes de groupe et de niveau PM-05 ainsi qu’une vérification de la dotation effectuée par la Commission de la fonction publique, les deux étant postérieurs à la période visée.

[20]  En outre, dans son EDP, la CCDP demande la divulgation de documents datant [traduction] « de 2002 à aujourd’hui », en déployant peu ou pas d’efforts pour axer ses demandes sur les questions de la concentration et de la représentation des minorités visibles au bureau régional de Toronto entre mars 2003 et mars 2004. Tout en reconnaissant que certains documents pertinents pourraient devoir provenir de l’extérieur du bureau régional de Toronto ou encore dépasser la période précisée, l’intimée affirme que la quantité de documents demandés par la CCDP apparaît comme une recherche à l’aveuglette.

[21]  Le fait de laisser les EDP en l’état et de traiter des préoccupations de l’intimée à l’audience exigerait que celle-ci consacre beaucoup de temps et de ressources à la divulgation d’un grand nombre de documents non pertinents, et pourrait accaparer inutilement le temps et les ressources du Tribunal. Une telle approche serait contraire à l’article 48.9 de la LCDP et aux Règles.

[22]  Enfin, l’intimée demande des précisions supplémentaires sur certaines allégations qui relèvent de la plainte et qui sont contenues dans l’EDP du plaignant.

 

C.  Observations du plaignant

[23]  En termes simples, le plaignant estime que la Cour fédérale n’a pas limité la portée de la plainte de discrimination systémique qu’à une seule période, et qu’il faut en réalité examiner les préjugés inconscients et les stéréotypes au même titre que toute action ou inaction d’un employeur pour pouvoir déterminer l’existence d’une telle discrimination.

[24]  Dans son EDP, le plaignant a affirmé que, même si elle avait pris racine au cours de la période de 2003 à 2004, la discrimination systémique à l’endroit des employés racialisés à la CISR s’était poursuivie au-delà de cette période. Il a déclaré qu’il occupait le même poste de niveau inférieur depuis qu’il avait commencé à travailler pour la CISR, 27 ans auparavant, et que, bien qu’il ait cherché à profiter de possibilités d’avancement, il s’était vu offrir uniquement des postes par intérim.  

[25]  Le plaignant soutient que l’objectif de l’EDP est de définir les questions, d’éviter les surprises, de permettre aux parties de se préparer à l’audience et de faciliter celle-ci. Les parties ont le droit de connaître les faits importants sur lesquels les autres parties cherchent à fonder leurs allégations. Ces faits importants comprennent des renseignements généraux et le contexte des allégations en cause. Les faits allégués dans un EDP doivent être potentiellement pertinents quant aux questions en litige. Le plaignant ajoute qu’une plainte de discrimination systémique est distincte d’une plainte individuelle de discrimination. La discrimination systémique est enracinée dans des attitudes et des croyances préjudiciables à l’égard des employés racialisés.

[26]  Sur ce point, le plaignant s’est appuyé sur la décision Chopra c. Santé Canada, 2008 TCDP 39, au paragraphe 255 :

La discrimination systémique en milieu de travail […] résulte de la simple application de procédures établies de recrutement, d’embauchage et de promotion, dont aucune n’est nécessairement conçue pour promouvoir la discrimination. La discrimination systémique est souvent involontaire. Elle résulte de l’application de pratiques et politiques établies qui ont une incidence négative sur l’embauchage et les perspectives d’avancement d’un groupe donné. Elle est accentuée par les attitudes des gestionnaires et des collègues qui acceptent des visions stéréotypées conduisant à la ferme conviction que les membres du groupe concerné sont incapables d’accomplir telle ou telle tâche, même si cette conclusion est objectivement fausse […] [non souligné dans l’original]

[27]  Le plaignant affirme donc que, pour établir la responsabilité, les tribunaux des droits de la personne entendront généralement des témoignages pertinents de discrimination systémique qui ne se limitent pas à la période visée par la plainte. En ce qui concerne les pertes indemnisables subies, le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’imposer des limites rétroactives. Cependant, il n’a pas le pouvoir de restreindre la période d’indemnisation pour l’avenir, même si cela signifie qu’il entendra des témoignages sur les systèmes et pratiques appliqués par l’employeur jusqu’à la date de l’audience afin de trouver une mesure de redressement appropriée.

[28]  Le plaignant affirme que rien, dans l’ordonnance de la juge Hansen ou dans la décision de la juge Bédard, n’a figé la plainte dans le temps. De plus, la décision de la CCDP de renvoyer la plainte ne contenait aucune indication qu’elle avait l’intention de limiter dans le temps la portée de l’enquête du Tribunal.

[29]  En ce qui concerne les affirmations de l’intimée selon lesquelles certaines allégations dépassent la portée de la plainte, le plaignant soutient ce qui suit :

  1. Les allégations d’environnement de travail malsain et de harcèlement à l’endroit d’employés racialisés font partie de l’objet de la plainte, car elles fournissent un contexte important à la plainte et peuvent servir de preuve circonstancielle. Les allégations au sujet de l’utilisation d’examens normalisés sont pertinentes, car elles démontrent l’existence de politiques neutres créant des obstacles à l’avancement des employés racialisés, en plus d’éclairer la question de savoir pourquoi les employés racialisés sont concentrés dans des postes de niveau inférieur.
  2. Les allégations de discrimination systémique qui concernent plus généralement l’ensemble de la CISR sont pertinentes quant à la question de savoir s’il existe de la discrimination systémique à Toronto. La preuve circonstancielle relative à l’organisation en général peut permettre de conclure à l’existence d’une telle discrimination, au bureau de Toronto en particulier.
  3. Les allégations qui ne visent pas la période 2003­2004 sont pertinentes, car la question de savoir s’il y a eu discrimination systémique au cours de cette période nécessite une enquête rétroactive, et englobe également la question de savoir si cette discrimination se poursuit à ce jour. Les faits relatifs à l’ensemble du parcours professionnel des employés racialisés sont donc importants pour déterminer s’il y a eu discrimination systémique au cours de la période visée; ils ont en outre une incidence sur la réparation à accorder aux victimes, ainsi que sur les mesures nécessaires pour éviter que la situation ne se reproduise.
  4. En ce qui concerne le fait que l’intimée s’oppose aux références à l’article 7 de la LCDP qui sont faites dans l’EDP, le plaignant reconnaît que la présente plainte, telle qu’elle a été renvoyée au Tribunal, porte sur la discrimination systémique au sens de l’article 10. Toutefois, le plaignant constate que les éléments de preuve attestant de la discrimination à son égard sont toujours pertinents et que, si la plainte est jugée fondée, il a le droit de demander la même forme de réparation que celle indiquée dans son EDP.

[30]  En réponse à la demande de précisions supplémentaires, le plaignant affirme que les précisions sont suffisantes comme elles ont été rédigées; que la demande elle-même qualifie erronément la procédure du plaignant; et que l’intimée demande dans certains cas plus de renseignements que nécessaire; par exemple, la divulgation de la preuve. Par ailleurs, le plaignant affirme qu’il est prématuré pour l’intimée de demander des précisions supplémentaires avant que le tribunal n’ait statué sur la requête en radiation. En effet, une décision accueillant la requête pourrait changer radicalement la nature de la plainte. Cependant, une décision la rejetant pourrait justifier le report de la demande d’autres précisions jusqu’à ce que l’intimée ait terminé sa production de documents.   

D.  Observations de la CCDP

[31]  La CCDP estime que la question en litige consiste à savoir si le Tribunal devrait déterminer la nature de la plainte à l’étape préliminaire et priver le plaignant et la CCDP d’une occasion pleine et entière de présenter des éléments de preuve et des arguments juridiques relatifs à l’enquête et au fond de la plainte.

[32]  La CCDP soutient ce qui suit :

[traduction]

« […] il n’y a rien, dans la décision de la juge Bédard, qui laisse entendre que le Tribunal devrait refuser d’entendre les allégations relatives au fond de la plainte ou ne pas tenir compte de son obligation légale de donner aux parties la possibilité pleine et entière de présenter des éléments de preuve et des arguments juridiques à l’appui de leurs positions respectives. »

[33]  La CCDP déclare que la requête est prématurée et qu’elle ne tient pas compte de l’objet des Règles du Tribunal, qui est de permettre que toutes les parties à une instruction aient la possibilité pleine et entière de se faire entendre (voir l’alinéa 1(1)a) des Règles). Le paragraphe 6 des Règles, qui régit les EDP, n’emporte pas la création d’un exposé conjoint des faits; les parties ne sont pas tenues de s’entendre sur leurs positions respectives.

[34]  La CCDP soutient que son EDP, dans son intégralité, traite de la composante systémique de la plainte du plaignant et contient des affirmations factuelles portant sur la nature continue de la discrimination systémique en cause.

[35]  À l’appui de son allégation selon laquelle la requête est prématurée, la CCDP invoque le paragraphe 50(1) de la LCDP, qui oblige le Tribunal à fournir aux parties « […] la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, des éléments de preuve ainsi que leurs observations ».

[36]  La CCDP renvoie à la décision Emmett c. Agence du revenu du Canada, 2013 TCDP 12 (« Emmett »), une autre affaire de discrimination systémique en matière d’emploi dans laquelle, comme en l’espèce, l’intimée a déposé une requête pour limiter la portée de la plainte de discrimination systémique à une période précise. Dans l’affaire Emmett, le Tribunal a conclu qu’il n’y avait pas lieu de rejeter les demandes de mesures de redressement qui n’étaient pas visées par la période couverte par la plainte avant d’avoir reçu les éléments de preuve au sujet du bienfondé de la plainte.  

[37]  La CCDP invoque l’affaire Bailie et autres c. Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada, 2011 TCDP 17 (« Bailie »), au paragraphe 20, dans laquelle le Tribunal a refusé de radier un plaidoyer, et conclu que les questions soulevées dans les requêtes dont il était saisi devaient être abordées lors de l’audience et après la présentation des éléments de preuve. Dans Bailie, le Tribunal a constaté que la LCDP et les Règles n’autorisaient pas expressément le Tribunal à radier un EDP.

[38]  La CCDP soutient par ailleurs que dans l’affaire Sugimoto c. Banque Royale du Canada, 2006 TCDP 2, le Tribunal a réitéré l’importance de disposer d’un dossier de preuve complet avant de déterminer la portée de la plainte. Dans les circonstances, le Tribunal a conclu qu’une décision sur le bien-fondé de la plainte ne devrait pas être rendue sans le bénéfice d’une audience complète.

[39]  La CCDP déclare enfin que la demande de l’intimée de restreindre considérablement le débat entourant la plainte de discrimination systémique [traduction] « […] nuit à la capacité du Tribunal d’enquêter sur le fond de la plainte », ce qui aurait pour effet de compromettre la réalisation de l’objectif réparateur de la LCDP.

E.  Partie requérante – Réponse

[40]  En réponse, l’intimée affirme que la décision initiale de la CCDP de rejeter la plainte était fondée sur la conclusion qu’il n’était pas justifié de poursuivre l’enquête.

[41]  L’intimée fait également observer qu’il n’y avait aucune preuve indiquant que la limite temporelle établie par la juge Hansen était liée à la limite prévue à l’article 41 de la LCDP, ni aucune preuve établissant que cette disposition ne s’appliquait pas à l’enquête du Tribunal.

[42]  En outre, étant donné que le plaignant a consenti à l’ordonnance de la juge Hansen, il a également consenti à ce que les allégations et la période visée par sa plainte de discrimination systémique soient circonscrites. En fait, le plaignant s’est appuyé sur cette période restreinte dans le cadre de la procédure de révision judiciaire, devant la juge Bédard, pour soutenir que la présente instruction par le Tribunal ne constituait pas une remise en cause inadmissible de l’affaire déjà tranchée par le TDFP.

[43]  L’intimée considère que la jurisprudence citée par les autres parties est distincte de la présente affaire, compte tenu des jugements des juges Hansen et Bédard. En l’espèce, la Cour fédérale s’est prononcée sur l’étendue de la plainte renvoyée pour instruction. De plus, on ne saurait invoquer la nécessité d’une mise en contexte comme motif pour redonner vie à une allégation rejetée. 

[44]  Une décision du Tribunal de radier des paragraphes d’un EDP dénués de pertinence par rapport à une plainte circonscrite n’aurait pas pour effet d’enfreindre le paragraphe 50(1) de la LCDP.

[45]  S’il s’avère que des éléments de preuve concernant des faits qui dépassent la portée géographique ou temporelle de la plainte pourraient aider le Tribunal à élaborer une mesure de redressement appropriée, de tels faits ne justifient pas une conclusion voulant que tous les renseignements provenant de l’ensemble de la CISR à partir de 2002 soient pertinents.

[46]  L’intimée relève que sa demande visant à obtenir des précisions supplémentaires est toujours valide, dans l’éventualité où le Tribunal déciderait de ne pas radier les paragraphes contestés des EDP. Cette demande est nécessaire pour que l’intimé sache comment répondre aux EDP. Par exemple, de plus amples précisions permettraient à l’intimée de savoir sur quels autres groupes de comparaison le plaignant aurait l’intention de s’appuyer, ou quels problèmes de transparence il allègue en ce qui concerne les processus d’évaluation.

[47]  La demande de précisions n’est pas prématurée. Le plaignant devrait connaître, avant d’être éventuellement tenu de modifier son EDP, la mesure dans laquelle il est censé fournir des précisions.  

[48]  Enfin, en choisissant d’inclure les demandes de divulgation dans son EDP, la CCDP a obligé l’intimée à traiter ces demandes dans sa requête en radiation. 

IV.  Cadre juridique

[49]  L’article 10 de la LCDP, qui traite des politiques ou des pratiques discriminatoires, est ainsi libellé :

10 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a)  de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b)  de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

 

[50]  Quant au paragraphe 6(1) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne, il se lit comme suit :

6(1) Chaque partie doit signifier et déposer dans le délai fixé par le membre instructeur un exposé des précisions indiquant :

a) les faits pertinents que la partie cherche à établir à l’appui de sa cause;

b) sa position au sujet des questions de droit que soulève la cause;

c) le redressement recherché;

d) les divers documents qu’elle a en sa possession – pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n’est invoqué – et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle;

e) les divers documents qu’elle a en sa possession – pour lesquels un privilège de non-divulgation est invoqué – et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle;

f. les noms des divers témoins – autres que les témoins experts – qu’elle a l’intention de citer ainsi qu’un résumé du témoignage prévu de chacun d’eux.

V.  Analyse

[51]  L’intimée présente un argument convaincant lorsqu’elle paraphrase le paragraphe 6 des Règles du Tribunal en déclarant que l’EDP doit comprendre des renseignements qui sont liés à l’affaire dont le Tribunal est saisi. J’admets également le principe selon lequel les faits qui ont mené à la discrimination présumée peuvent figurer dans l’EDP, mais qu’il faut faire preuve de prudence avant d’y inclure des allégations de discrimination qui ont déjà été radiées ou encore des renseignements qui pourraient semer la confusion, dans le cadre de l’instruction.

[52]  À mon avis, l’intimée étaye sa requête lorsqu’elle déclare, au paragraphe 25 de ses observations écrites :

 

 

 

[traduction]

« La raison [du principe susmentionné] est que les EDP sont déterminants pour tout ce qui suivra. La portée de la divulgation des documents est déterminée par les EDP, tout comme le sont la preuve et les arguments qui peuvent être admis au cours de l’audience. Ainsi, en énonçant dans un EDP des allégations qui ne font pas partie de la plainte, l’instruction de la plainte devant le Tribunal devient plus vaste et plus complexe qu’elle ne devrait l’être. »

 

[53]  En revanche, à l’appui de son argument selon lequel l’EDP peut être suffisamment général pour fournir le contexte entourant la portée précise de la plainte établie par la juge Hansen, le plaignant cite l’arrêt R c. Spence, 2005 CSC 71, dans lequel, aux paragraphes 31 et 32, la Cour suprême du Canada a admis d’office l’omniprésence des préjugés inconscients et cachés à l’endroit des personnes racialisées, et le fait que le recours à des stéréotypes raciaux négatifs est largement répandu dans notre société. J’adhère à l’idée que les préjugés sont « bien vivants » dans nos communautés.

[54]  L’ordonnance de la juge Hansen de la Cour fédérale du Canada énonce ce qui suit au paragraphe 3 :

La question de la discrimination systémique est renvoyée à la Commission pour qu’un nouvel enquêteur mène une enquête supplémentaire afin d’examiner la situation des minorités visibles au bureau régional de Toronto de la CISR pendant la période de 12 mois précédant le dépôt de la plainte, en s’attachant surtout à ce qui suit : 

a. concentration des minorités visibles dans les postes de niveau inférieur;

b. sousreprésentation des minorités visibles dans les postes permanents.

[55]  Dans le cadre du contrôle judiciaire de la décision par laquelle le membre Lustig avait rejeté la plainte en se fondant sur les principes de l’autorité de la chose jugée et d’abus de procédure, la juge Bédard de la Cour fédérale a déclaré, au paragraphe 54 de son jugement :

Selon moi, les événements entourant la plainte de M. Murray ne peuvent mener qu’à une seule conclusion : le Tribunal a été saisi des allégations propres à la discrimination systémique mentionnées dans l’ordonnance de la juge Hansen pour la période de mars 2003 à mars 2004.

[56]  Au paragraphe 68, la juge Bédard a ajouté ce qui suit :

[…] à la suite de l’ordonnance de la juge Hansen, laquelle a été rendue sur consentement de toutes les parties, la plainte de M. Murray a été manifestement restreinte pour ne porter que sur des allégations précises de discrimination systémique pendant une période donnée. Par conséquent, seules des portions précises de la plainte ont fait l’objet d’une nouvelle enquête par la Commission, et seules les allégations visées par la nouvelle enquête pouvaient être renvoyées au Tribunal. Ces allégations avaient trait à la concentration des employés des minorités visibles dans les postes de niveau inférieur et à leur sous‑représentation dans les postes permanents de niveau supérieur au bureau régional de Toronto de la CISR pour la période précise de mars 2003 à mars 2004. [Souligné dans l’original.]

[57]  Bien que la décision de la juge Hansen ait été claire quant à la portée limitée de la plainte, je n’ai trouvé aucun motif dans sa décision justifiant la prémisse voulant que le plaignant ne puisse soumettre des faits pertinents quant aux racines de la discrimination systémique et à sa présence dans le milieu de travail avant la période de mars 2003 à mars 2004. Je conviens que de tels faits pourraient aider à situer la plainte de M. Murray dans son contexte. La discrimination systémique est un phénomène continu, qui a des origines profondes dans l’histoire et dans les attitudes sociétales; elle ne peut être isolée sous forme d’acte ou de déclaration unique (Alliance de la fonction publique du Canada c. Canada (Ministère de la Défense nationale), 1996 CanLII 4067 (CAF)].

[58]  En revanche, l’intimée admet que les documents et les faits importants échappant à la portée temporelle ou géographique de la plainte telle qu’elle a été renvoyée au Tribunal pourraient être inclus de façon appropriée dans son propre EDP, notamment [traduction] « [...] pour expliquer comment la CISR a amélioré au fil du temps ses pratiques en matière d’équité en emploi [...] ». 

[59]  J’ai de la difficulté à accepter la prémisse selon laquelle les EDP devraient se limiter aux précisions qui se situent dans les limites de la période de mars 2003 à mars 2004. Je ne crois pas que  c’était l’objectif de la décision de la juge Bédard. Bien qu’il s’agisse de la période visée par la plainte, je suis d’accord avec la déclaration du plaignant, au paragraphe 29 de ses observations, selon laquelle [traduction] « [...] limiter arbitrairement la preuve à une période donnée entraverait considérablement la capacité du plaignant à établir l’existence d’une discrimination systémique, une forme de discrimination qui est intrinsèquement difficile à prouver, et minerait l’objectif réparateur de la législation sur les droits de la personne ».

[60]  En fin de compte, il appartient au Tribunal de déterminer, en se fondant sur la preuve dont il a pris connaissance, si le plaignant a fait l’objet d’une discrimination systémique au cours de la période visée. Mais le plaignant ne devrait pas être « menotté » par des exigences en matière de preuve si astreignantes qu’il lui est impossible de prouver qu’il y a eu discrimination systémique (Radek c. Henderson Development (Canada) Ltd. 2005 BCHRT 302, au paragraphe 505; Starblanket c. Service correctionnel du Canada, 2014 TCDP 29, au paragraphe 24).

[61]  L’intimée souligne que la Cour suprême a depuis longtemps reconnu que les tribunaux ont le pouvoir de fixer leurs propres procédures (Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1989] 1 R.C.S. 560). L’alinéa 6(1)a) des Règles dispose que les EDP doivent préciser « […] les faits pertinents que la partie cherche à établir à l’appui de sa cause » [non souligné dans l’original]. Il n’appartient pas à la partie adverse de déterminer à l’avance quels sont les faits importants à l’appui de la cause d’une partie. La décision est prise à l’audience devant le Tribunal, et c’est au Tribunal qu’il revient de déterminer quels sont les faits qui étayent ou non la cause de l’une ou l’autre partie.

[62]  Après avoir examiné les 17 paragraphes mentionnés dans l’avis de requête comme faisant état de faits qui dépassent la portée de la plainte, ainsi que les objections de l’intimée, dont la teneur est en grande partie similaire (voir le paragraphe 18 ci-dessus), je suis arrivé aux conclusions ci-après.

[63]  Bon nombre des paragraphes contestés ne reproduisent pas expressément la précision géographique ou temporelle énoncée dans l’ordonnance de la juge Hansen (c.-à-d.. le bureau régional de Toronto, et la période de mars 2003 à mars 2004). Souvent, des allégations générales y sont formulées au sujet de la discrimination systémique qui serait pratiquée à l’endroit d’employés racialisés à la CISR, et qui se traduirait par une concentration de ces employés aux postes de niveau inférieur et par leur sous‑représentation dans les postes de niveau supérieur. Toutefois, je ne suis pas d’avis que la simple absence de précisions géographiques ou temporelles dans ces allégations dénote une intention des rédacteurs des EDP de plaider des faits qui sont nécessairement en dehors de la portée de la plainte telle que renvoyée au Tribunal. Radier ces allégations au motif qu’elles pourraient – hors contexte – être interprétées d’une manière qui les situerait hors du cadre du renvoi aurait pour effet d’introduire dans les procédures du Tribunal un niveau de formalisme qui n’est pas envisagé par le paragraphe 48.9(1) de la LCDP.

[64]  En outre, dans la mesure où les paragraphes contestés font référence à des événements antérieurs à la période visée de mars 2003 à mars 2004, il est clair que de tels événements peuvent servir de contexte utile pour comprendre la dynamique à l’œuvre pendant la période en tant que telle. L’intimée a essentiellement concédé la même chose dans ses observations.

[65]  Dans la mesure où les événements allégués sont postérieurs à la période visée, ceux-ci sembleraient naturellement pertinents pour l’examen de toute demande de réparation, si la plainte est fondée relativement à la période de mars 2003 à mars 2004. Ce principe s’étend aux références faites à la discrimination persistante ou aux conséquences et aux effets de la discrimination alléguée. Par exemple, les références à un [traduction] « milieu de travail malsain » (EDP du plaignant, paragraphe 2), à un milieu de travail [traduction] « empoisonné » [EDP du plaignant, sous-paragraphe 26f)] ou au [traduction] « harcèlement » (ibid.) sont faites dans le contexte de détails apportés aux effets présumés de la discrimination systémique (qui, par exemple, contribue à un milieu de travail malsain, etc.). Je ne considère pas ces simples références comme une résurgence d’allégations rejetées par la CCDP, puisqu’à mon sens elles ne sont pas, à elles seules, des sources de responsabilité. 

[66]  Parmi les autres faits subséquents qui pourraient éclairer l’examen d’un recours ou d’une demande de mesures de redressement, on compte les observations sur le cadre des politiques et des pratiques de dotation de l’intimée (EDP de la CCDP, paragraphe 21), et plus précisément, les allégations sur les pratiques de dotation de l’intimée en 2007 (EDP de la CCDP, paragraphe 29). Bien que l’intimée invoque le fait que le TDFP a rejeté les allégations du plaignant concernant ses pratiques de dotation en 2007, je ne crois pas que le paragraphe vise à débattre à nouveau de la question qui a été tranchée par le TDFP. Le jugement de la juge Bédard indique clairement que la décision du TDFP n’empêche pas le Tribunal d’enquêter sur les allégations concernant la période de 2003 à 2004. Selon les conclusions tirées en ce qui a trait à cette période clé, les événements subséquents pourraient très bien s’avérer pertinents quant à la mesure de redressement demandée, et l’on ne saurait les rejeter au motif qu’ils dépassent la portée de la plainte.

[67]  Bien qu’on puisse dire que certains paragraphes contestés des EDP manquent de précision d’un point de vue géographique, le fait qu’ils fassent référence à l’expérience du plaignant indique clairement qu’ils concernent le bureau régional de Toronto, où il a travaillé toute sa carrière.

[68]  À un certain moment, l’intimée laisse entendre que le plaignant s’est éloigné de l’aspect privilégié dans la plainte renvoyée, à savoir les employés subalternes (EDP du plaignant, paragraphe 26). Mais, par la même occasion, l’intimée invite le lecteur à déduire du paragraphe une portée tout simplement dénuée de fondement. En fait, le paragraphe mentionne clairement les employés racialisés concentrés au niveau PM-01, et sous‑représentés aux niveaux PM-05 et PM-06. Ce qui est conforme à l’ordonnance de la juge Hansen.

[69]  L’intimée conteste également la référence du plaignant à l’utilisation d’examens normalisés comme étant l’une des causes de cette concentration (EDP du plaignant, sous‑paragraphe 26n)]. Cette simple référence ne m’apparaît pas comme une tentative de redonner vie à une allégation rejetée par la CCDP, car je ne crois pas que le plaignant la présente comme une source autonome de responsabilité.

[70]  Enfin, je constate que seulement deux paragraphes dépassent, à mon avis, la portée acceptable de la plainte telle qu’elle a été renvoyée. Aux paragraphes 1 et 28 de l’EDP du plaignant, il est fait référence à l’article 7 de la LCDP. Cette référence est inappropriée parce que la plainte, telle que renvoyée au Tribunal pour instruction, est fondée sur l’article 10. Le plaignant le reconnaît. En outre, le plaignant ne conteste pas l’affirmation de l’intimée selon laquelle la CCDP avait décidé de ne pas traiter l’aspect de la plainte portant sur l’article 7. J’ordonnerais donc que les références à l’article 7 de la LCDP soient radiées de chacun de ces deux paragraphes, car leur présence risque de semer la confusion, d’induire en erreur ou de nuire à l’instruction.

[71]  En guise de dernière observation sur la requête en radiation, j’aimerais souligner que, sous réserve des dispositions de l’ordonnance rendue en l’espèce, il appartiendra au Tribunal d’entendre la preuve présentée par toutes les parties afin de permettre à celles-ci de se faire entendre pleinement et pour donner au Tribunal la possibilité d’examiner leurs allégations respectives figurant dans leurs EDP. Je rappelle aux parties que le Tribunal a le pouvoir d’exclure des éléments de preuve non pertinents, et de limiter la présentation d’éléments de preuve qui sont pertinents dans le cas où leur effet préjudiciable sur la conclusion en temps opportun de l’instance l’emporte sur leur valeur probante.

[72]  Il reste à examiner la demande de l’intimée visant à obtenir des précisions au sujet d’un certain nombre d’allégations contenues dans l’EDP du plaignant. Je conviens avec le plaignant qu’une telle demande est prématurée, car il serait plus efficace d’attendre que l’intimée ait produit ses documents, conformément à l’article 6 des Règles, avant de décider si des précisions supplémentaires sont nécessaires. La production de documents par l’intimée pourrait inciter le plaignant à fournir volontairement des précisions supplémentaires. Je conviens également que les parties n’ont pas à « plaider la preuve » dans leur EDP (Alliance de la Fonction publique du Canada (local 70396) c. Société du Musée canadien des civilisations, 2005 TCDP 17, paragraphe 20). 

[73]  Il reste également un certain nombre de demandes de divulgation en suspens en l’espèce. Comme il a été indiqué précédemment, la requête en radiation elle-même est constituée en partie d’une opposition à plusieurs demandes de divulgation faites dans l’EDP de la CCDP. J’espère que la présente décision sur la portée de la plainte mènera à la résolution de ces demandes entre les parties, sans que le Tribunal ait à intervenir davantage. Toutefois, dans le cas contraire, des décisions supplémentaires pourraient s’avérer nécessaires.

VI.  Ordonnance

[74]  Le Tribunal ordonne, par la présente, que les références à l’article 7 de la LCDP soient radiées du paragraphe 1 et du paragraphe 28 de l’exposé des précisions du plaignant.

Signée par

Ronald Sydney Williams

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 29 novembre 2018

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1706/6111R

Intitulé de la cause : Norman Murray c. Commission de l’immigration et du statut de réfugié

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 29 novembre 2018

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Représentations écrites par :

David Yazbeck , pour le plaignant

Ikram Warsame , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Christine Mohr et Liz Tinker , pour l'intimée

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