Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2018 TCDP 15

Date : Le 1er juin 2018

Numéro(s) du/des dossier(s) : T1656/01111

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Chris Hughes

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Transports Canada

l'intimé

Décision

Membre : Olga Luftig

 


Table des matières

I. La décision relative à la détermination de la responsabilité 1

II. L’audience relative aux mesures de redressement demandées et la décision 1

III. Les mesures de redressement demandées par le plaignant 2

IV. L’analyste de la sûreté maritime ou l’analyste du renseignement 3

A. Commentaires sur la preuve documentaire 4

V. Les dispositions législatives portant sur les droits, les chances et les avantages dont une victime de discrimination a été privée 5

VI. Les observations de clôture de l’intimé sur le poste d’analyste de la sûreté maritime 5

VII. La déposition du plaignant 7

A. Les questions de preuve concernant d’autres plaintes relatives aux droits de la personne 26

VIII. Le témoignage des témoins de l’intimé 28

A. M. Timothy Shorthouse 28

B. Mme Lea-Anne Domae 34

C. La crédibilité du témoignage des témoins de l’intimé 47

IX. Si l’intimé avait nommé le plaignant au poste d’analyste de la sûreté maritime PM-04 en 2004, l’aurait-il nommé plus tard à un poste d’inspecteur TI-06? 49

A. Quel est le critère juridique qu’il convient d’appliquer à la demande de mesures de redressement, soit une promotion au poste d’inspecteur TI-06? 49

B. La position de l’intimé 50

C. La position du plaignant 50

D. L’analyse du critère juridique appliqué sous le régime de la LCDP en vue d’établir la perte d’un poste dans le contexte de l’emploi 51

E. Les facteurs dont il faut tenir compte pour décider de la promotion à un poste TI-06 54

F. Autres observations du plaignant 54

G. La position de l’intimé 57

H. Les observations en réplique du plaignant 61

I. Analyse concernant la demande d’intégration du plaignant à un poste TI-06 62

X. Le Tribunal devrait-il intégrer le plaignant au poste d’analyste du renseignement au niveau PM-04? 69

A. La position de l’intimé 69

B. La position du plaignant 71

C. Analyse 73

XI. La perte de salaire et d’avantages sociaux 75

A. La position et les observations du plaignant 75

B. La position et les observations de l’intimé 78

C. Le procès-verbal de règlement 80

D. La position du plaignant 81

E. La position de l’intimé 82

F. La question concernant le témoignage du plaignant au sujet du procès‑verbal de règlement 84

G. Le procès-verbal de règlement était-il admissible en preuve? 84

H. Le montant du règlement, ou un élément quelconque de ce dernier, est-il pertinent à l’égard de la demande d’indemnité pour perte de salaire du plaignant? 86

I. Analyse 87

J. Le Tribunal devrait-il radier du dossier le témoignage du plaignant sur son interprétation de la clause no 7 du procès-verbal de règlement? 89

K. Analyse concernant l’issue possible de la plainte relative à l’ASFC 89

L. Analyse concernant la conclusion de discrimination que le Tribunal a tirée dans la décision RHDCC 89

M. Analyse concernant le montant et la durée de l’indemnité pour perte de salaire et d’avantages sociaux 90

N. La détermination du point d’expiration de la période d’indemnisation pour perte de salaire 91

O. L’atténuation des dommages 96

XII. Le fait d’accorder une indemnité pour perte de salaire et une intégration constitue-t-il une double indemnisation? 99

XIII. Autres indemnités et avantages 100

A. Analyse concernant le temps supplémentaire 100

B. L’indemnité pour frais médicaux et dentaires 103

C. Analyse 103

D. La position de l’intimé 104

E. Analyse 104

F. Le paiement du coût des services d’un actuaire ou d’un comptable en vue du calcul de la majoration 105

G. Le rajustement rétroactif des pensions 105

H. Les congés de vacances, congés de maladie, congés de décès, congés de bénévolat et congés pour obligations familiales 106

I. L’ordonnance de confidentialité – Demande d’indemnité pour préjudice moral 107

J. Le préjudice moral 107

La position du plaignant 108

La position de l’intimé 109

K. Analyse de la demande d’indemnité pour préjudice moral 110

L. Indemnité spéciale 111

M. L’intimé s’est-il livré à l’acte discriminatoire de façon délibérée? 112

La position du plaignant 112

La position de l’intimé 112

Analyse 112

N. L’intimé s’est-il livré à l’acte discriminatoire de manière inconsidérée? 113

Analyse 114

O. Les intérêts 116

XIV. Les ordonnances de maintien de la compétence 116

XV. L’ordonnance de confidentialité, conformément à l’article 52 de la LCDP 117

XVI. L’ordonnance de redressement prévue à l’article 53 de la LCDP 118

 


I. La décision relative à la détermination de la responsabilité

[1] Le 27 janvier 2008, M. Chris Hughes (le plaignant) a déposé une plainte (la plainte) auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) à l’encontre de Transports Canada (Transports Canada ou l’intimé). Il alléguait que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son endroit en raison de sa déficience – son état dépressif – dans le cadre d’une série de quatre (4) concours en ne le nommant à aucun des postes annoncés, ce qui est contraire à l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C., 1985, c. H-6 (la Loi ou la LCDP). Il alléguait par ailleurs que l’intimé avait exercé des représailles contre lui, ce qui est contraire à l’article 14.1 de la Loi.

[2] La première audience tenue par le Tribunal n’a porté que sur la question de la responsabilité. En bref, dans la décision Chris Hughes c. Transports Canada, 2014 TCDP 19 (la décision relative à la détermination de la responsabilité ou la DDR), le membre instructeur Malo a conclu, à l’alinéa 342(a) : la « plainte du plaignant en ce qui a trait à la […] demande de poste d’analyste de la sûreté maritime (PM-04) est maintenue en vertu des dispositions de l’article [sic] 7a) de la LCDP ».

[3] Le membre instructeur Malo a décidé que le plaignant n’avait pas établi une preuve prima facie de discrimination dans le cadre du premier concours concernant le poste d’inspecteur, classé dans le groupe TI, au sixième niveau (inspecteur TI-06) et que l’intimé n’avait pas fait preuve de discrimination à l’encontre du plaignant dans le cadre de deux autres concours concernant des postes d’inspecteur TI-06, et il a rejeté ces trois allégations. L’allégation de représailles a été rejetée elle aussi.

II. L’audience relative aux mesures de redressement demandées et la décision

[4] Le Tribunal a tenu une audience relative aux mesures de redressement demandées (l’audience relative aux mesures de redressement demandées). Il s’agit ici de la décision qui y fait suite. À moins d’indication contraire, toutes les références faites à des témoignages dans la présente décision désignent ceux qui ont été faits à l’audience relative aux mesures de redressement demandées.

III. Les mesures de redressement demandées par le plaignant

[5] Le plaignant a demandé les mesures de redressement qui suivent dans son document portant sur les mesures de redressement demandées (appelé à l’audience le « document C-11 », lequel n’a pas été déposé en tant que pièce), de pair avec des changements et des ajouts présentés à l’audience relative aux mesures de redressement demandées :

  • sa nomination au poste d’analyse de la sûreté maritime PM-04, rétroactivement au 8 mai 2006, ainsi que sa nomination au poste d’inspecteur TI-06 en date du 1er janvier 2007; cette mesure de redressement demandée a été changée lors de l’audience relative aux mesures de redressement demandées pour une date située à la fin de l’année 2008, quand l’intimé n’a nommé aucun inspecteur à la suite de son avis de déploiement de TI-06 de 2008;
  • un paiement représentant :
  1. le salaire perdu, d’un montant de 581 697,97 $;

  2. les avantages sociaux perdus; des frais d’un montant total de 22 500 $; le plaignant sollicite également une ordonnance portant que l’intimé continue de payer ses factures de soins médicaux et dentaires jusqu’à ce qu’on l’ait réintégré dans les régimes fédéraux d’assurance de soins médicaux et dentaires;

  3. des frais totalisant 22 500 $, et détaillés plus loin dans la présente décision;

  4. des primes de quart, des primes de fin de semaine et du temps supplémentaire d’un montant total de 225 000 $;

  5. la restitution de 15 semaines de crédits de congés de maladie;

  6. en rétablissement, le paiement en espèces des indemnités de congé annuel;

  7. un crédit de 9 jours pour congé de bénévolat ou le paiement de la valeur en espèces;

  8. un crédit de 45 jours pour congé pour obligations familiales;

  9. une indemnité pour préjudice moral et une indemnité spéciale d’un montant total de 40 000 $;

  10. le rajustement de la pension de retraite du plaignant et un paiement rétroactif à 2006, comme si le plaignant avait été employé de façon continue depuis 2006;

  11. les intérêts sur toutes les sommes qui précèdent, aux taux affichés de la Banque du Canada;

  12. un montant de majoration, calculé par un actuaire, pour toute obligation fiscale négative résultant de l’un quelconque des paiements;

  • à titre de solutions de rechange aux mesures de redressement que constituent la nomination au poste d’inspecteur TI-06 et l’indemnité pour perte de salaire d’un montant de 581 697,97 $, la nomination à un poste d’analyste au groupe et au niveau PM-04, rétroactivement au 8 mai 2006, de même qu’une indemnité pour perte de salaire de 508 684,60 $;
  • à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, le plaignant a demandé que l’intimé paie les frais d’un comptable ou d’un actuaire en vue du calcul de tout montant de majoration;
  • à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, le plaignant a réclamé le salaire et tous les avantages sociaux connexes, de même que le remboursement des frais relatifs aux soins de santé, pour la période s’étendant depuis la date de la fin des demandes formulées dans le document C-11, soit le mois d’août 2015, et la date de l’intégration, advenant que le Tribunal ordonne son intégration;
  • à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, le plaignant a demandé que le Tribunal demeure compétent pour ce qui était de trancher toutes les questions susceptibles de découler de la mise en application de la décision relative aux mesures de redressement demandées.

IV. L’analyste de la sûreté maritime ou l’analyste du renseignement

[6] La fonction publique fédérale (la fonction publique) classe le poste d’analyste de la sûreté maritime dans le groupe PM, au quatrième niveau, soit PM-04. Dans la présente décision relative aux mesures de redressement demandées, ce poste est qualifié de poste d’« analyste » ou d’« analyste PM-04 », et défini comme un poste d’analyste de la sûreté maritime (PM-04). À la date de l’audience, l’intimé donnait à ce même poste le nom d’« analyste du renseignement ».

A. Commentaires sur la preuve documentaire

[7] Le Tribunal a qualifié de document de référence le recueil du plaignant intitulé [traduction] « Aperçu des éléments de preuve concernant le poste d’analyste de la sûreté maritime PM-04 ». La table des matières de ce document est précédée d’un document intitulé [traduction] « Aperçu des éléments de preuve du plaignant », lequel constitue essentiellement un sommaire, rédigé par le plaignant, des divers éléments de preuve et faisant référence à des pièces ou à des transcriptions découlant de l’audience relative à la détermination de la responsabilité, jointes en tant qu’onglets. Tous les autres documents faisant partie du document de référence ont été admis en preuve à l’audience relative à la détermination de la responsabilité.

[8] L’intimé est d’avis que la décision relative à la détermination de la responsabilité et les diverses pièces se passent de commentaires. Il ne s'est pas opposé à ce que le Tribunal autorise à déposer l’Aperçu des éléments de preuve du plaignant, mais il a fait remarquer qu’il n’était pas d’accord avec l’exactitude ou la véracité du contenu de ce document. Pour arriver à la présente décision, je ne me suis pas fondée sur [traduction] le document Aperçu des éléments de preuve du plaignant.

[9] Sauf indication contraire, je me suis fondée sur les éléments suivants : les pièces découlant de l’audience relative à la détermination de la responsabilité qui ont été incluses dans les éléments de preuve à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, les nouvelles pièces documentaires déposées à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, la décision relative à la détermination de la responsabilité, ainsi que les témoignages rendus à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, que j’ai considérés comme fiables.

V. Les dispositions législatives portant sur les droits, les chances et les avantages dont une victime de discrimination a été privée

[10] Le paragraphe 53(2) de la Loi indique en partie ce qui suit :

À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut […] ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

[…]

b) d’accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l’acte l’a privée;

VI. Les observations de clôture de l’intimé sur le poste d’analyste de la sûreté maritime

[11] Pendant ses arguments et ses observations de clôture, l’avocat de l’intimé a déclaré :

[traduction]
À l’évidence, nous souscrivons, comme nous y sommes tenus, à la conclusion qu’a tirée le membre instructeur Malo à propos du concours PM-04 à l’issue duquel on aurait déterminé que M. Hughes était en droit de faire essentiellement partie d’un bassin de six (6) candidats, dont quatre ont été finalement sélectionnés. Nous y souscrivons et, en fait, nous allons jusqu’à dire que nous sommes d’accord pour dire qu’il y a une chance probable que, dans ce groupe, il serait devenu PM-04 à ce moment-là. Cela s’explique par le fait que nous avons aussi entendu la déposition de notre propre témoin […oublie son nom pendant un instant], Mme Domae, à savoir que même si seuls quatre des six candidats ont été sélectionnés au départ, les deux autres ne l’ont pas été – l’un a été exclu parce qu’il ne répondait pas à l’exigence de sécurité, l’autre a refusé le poste – elle a dit en fait que les deux autres postes avaient été finalement pourvus. Il semble donc raisonnable de dire que si M. Hughes n’avait, en fait, pas refusé le poste et s’il avait répondu aux exigences de sécurité, il aurait probablement, je ne devrais pas dire probablement, il serait devenu PM-04 à ce moment-là.

Quand j’ai demandé à l’avocat de l’intimé si, par « à ce moment-là », il voulait dire le mois de mai 2006, il a répondu :

[traduction]
Je pense que c’est à peu près cela. Il nous a été impossible de cerner une date précise en examinant le document lui-même, mais nous ne contestons pas le fait qu’il semble s’agir là d’un moment raisonnable.

[12] Mme Lea-Anne Domae est la témoin à laquelle l’avocat de l’intimé a fait référence. Cette personne est la gestionnaire des ressources humaines de l’intimé pour la région du Pacifique.

Analyse

[13] J’ai trouvé que Mme Domae s’était exprimée de manière franche et sincère, et que sa déposition était digne de foi et fiable. Par exemple, en contre-interrogatoire, elle a admis avec franchise et sans délai qu’elle ne connaissait pas personnellement le plaignant, pas plus qu’elle n’était au courant de son curriculum vitæ, car elle était entrée au service de l’intimé en 2011. Cependant, elle connaissait l’historique du concours relatif aux postes d’analyste de 2005-2006, elle savait de quelle façon Transports Canada pourvoyait les postes d’analyste en question en puisant dans le bassin de candidats admissibles et elle était au courant de ce qui était arrivé aux personnes qui avaient été nommées (c.-à-d. que, à la date d’audience, elle savait si ces personnes travaillaient encore à Transports Canada ou non, de même que leur situation).

[14] Je tiens compte des conclusions finales de l’avocat de l’intimé ainsi que de son accord que le plaignant aurait été nommé à un poste d’analyste, et du fait que l’intimé n’a pas contesté que le mois de mai 2006 était, pour cette nomination, un moment raisonnable.

[15] Je conclus donc, conformément à l’alinéa 53(2)b) de la Loi, que l’une des chances dont le plaignant a été privé par suite de l’acte discriminatoire de l’intimé a été sa nomination, en mai 2006, au poste [à plein temps] d’une durée indéterminée d’analyste de la sûreté maritime, PM-04.

[16] Le plaignant souhaite également être nommé au poste d’inspecteur TI-06 à compter du 1er janvier 2007 ou d’une autre date (je traite plus loin des dates proposées), parce que si l’intimé l’avait nommé au poste d’analyste en mai 2006, il l’aurait plus tard promu au poste d’inspecteur TI-06. Il soutient que l’une des raisons qui étayent sa prétention selon laquelle il serait devenu inspecteur est l’expérience qu’il aurait acquise en tant qu’analyste.

[17] Je conclus qu’il convient donc d’évaluer les éléments de preuve qui ont été présentés au sujet des rôles et des fonctions des deux postes d’analyste et d’inspecteur TI-06, ainsi que des qualifications et des compétences qu’ils exigent.

VII. La déposition du plaignant

[18] Le plaignant a travaillé comme agent de recouvrement, au niveau PM-01, auprès de l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) et plus tard auprès de l’Agence du revenu du Canada (ARC) pendant dix années consécutives, soit de février 1995 à décembre 2005. Pendant cette période, en 2002, en 2003 et en 2004, il a été nommé trois fois au poste d’agent des douanes intérimaire, au niveau PM-02. Il a quitté l’ARC dans des circonstances qu’il a qualifiées d’obligation de démissionner dans le cadre d’un règlement. Il ne voulait pas s’en aller.

[19] Entre le mois d’août 2005 et l’année 2007, le plaignant a postulé pour quatre postes auprès de Transports Canada : un poste d’analyste et trois postes d’inspecteur TI-06.

[20] L’intimé lui a dit qu’il avait été exclu au premier concours relatif au poste d’inspecteur TI-06 parce qu’il avait obtenu une note de 60 au test de communication écrite (TCE345), alors que la note de passage était de 70. Pour ce qui est du deuxième concours relatif au poste d’inspecteur TI-06, l’intimé lui a dit qu’il avait été exclu parce qu’il n’avait pas assez d’expérience en matière d’enquêtes. Au troisième concours, l’intimé lui a dit qu’il manquait d’expérience en matière d’enquêtes approfondies.

[21] Aux dires du plaignant, si l’intimé l’avait embauché comme analyste en mai 2006, il aurait acquis de l’expérience en matière d’enquêtes approfondies. Il a fondé cette affirmation sur la connaissance qu’il avait des fonctions d’analyste, fonctions qui, selon lui, consistent à passer au crible de grandes quantités de données sur les navires arrivants, à évaluer les risques ainsi qu’à décider et à cibler quels navires doivent être inspectés. Il a pensé qu’il aurait consulté de nombreux types différents de bases de données en vue de vérifier si les membres d’équipage des navires avaient un casier judiciaire. Il a dit considérer qu’en tant qu’analyste, il mènerait tous les jours des enquêtes approfondies. Il a fondé cette connaissance sur le temps qu’il avait passé aux Douanes, un service dans lequel on procédait à ce genre de vérifications. Il a déclaré qu’il était assez sûr que les fonctions d’analyste étaient semblables à celles qu’il accomplissait à titre d’agent des douanes intérimaire.

[22] Avant les concours relatifs aux postes d’analyste et d’inspecteur, le plaignant avait assisté à une réunion tenue par M. John Lavers, président du Comité de sélection, formé de trois membres, qui était chargé du concours relatif aux postes d’analyste. M. Lavers avait déclaré aux personnes présentes que de nombreux postes étaient disponibles. Le plaignant a dit de la Section de la sûreté maritime qu’il s’agissait d’une entité tout à fait nouvelle : le gouvernement fédéral en créait trois en réponse aux attaques terroristes du 11 septembre 2001, ainsi qu’à celles qui avaient eu lieu en Espagne en 2004 et en Angleterre en 2005. Le gouvernement voulait implanter l’une de ces sections à Victoria (Colombie-Britannique).

[23] Le plaignant a déclaré qu’étant donné qu’en août 2006, une seule personne avait été reconnue compétente et avait été nommée au poste d’inspecteur TI-06 à Esquimalt (C.-B.), M. VK, cet inspecteur aurait eu sous ses ordres trois ou quatre analystes. On pourrait donc conclure qu’en août 2006, il y avait un sérieux manque d’inspecteurs pour cette section de la sûreté maritime.

[24] Selon l’imprimé des Services d’annuaires gouvernementaux électroniques (SAGE) du 3 août 2015, M. VK occupe toujours un poste d’inspecteur TI-06. Le plaignant a estimé que vingt inspecteurs TI-06 étaient nommés dans ce document des SAGE.

[25] Le premier poste d’inspecteur TI-06 pour lequel le plaignant a présenté sa candidature était affiché dans un avis d’emploi externe, prenant fin le 3 octobre 2005. Il a déclaré qu’un avis externe est ouvert au public et que les concours restreints sont de nature interne, c’est-à-dire destinés uniquement aux membres de la fonction publique fédérale.

[26] Dans le cadre du premier concours relatif aux postes TI-06, le plaignant a passé un test de connaissances écrit qu’il a qualifié de très difficile et qui obligeait le candidat à faire preuve de connaissances en matière de lois et de procédures judiciaires et quasi-judiciaires pertinentes. La seule personne à obtenir un résultat supérieur à celui du plaignant avait été la personne qui avait été embauchée à la suite de ce concours, M. VK. Le résultat que le plaignant avait obtenu, soit 52 sur 56, ou 93 %, était supérieur à celui de quatre autres personnes qui avaient plus tard été embauchées à titre d’inspecteur.

[27] Le 26 juin 2006, l’intimé a écrit au plaignant pour l’informer qu’il avait échoué au TCE345 et que son résultat demeurerait valide pendant un temps indéterminé, sauf s’il repassait le test écrit. Le moment le plus tôt où il a pu le faire était le 7 octobre 2006. Le plaignant a confirmé en contre-interrogatoire que chaque candidat était obligé de réussir le TCE345 pour pouvoir devenir TI-06.

[28] Dans la décision relative à la détermination de la responsabilité, le membre instructeur Malo a conclu que le plaignant n’avait pas établi une preuve prima facie de discrimination à l’égard du premier concours relatif au poste d’inspecteur TI-06 (DDR, au par. 268).

[29] Le plaignant a produit la pièce C-13 en tant qu’imprimé des SAGE au sujet de M. TS; cet imprimé désigne M. TS comme inspecteur stagiaire de la sûreté des transports. Il a déclaré que M. TS était passé d’un poste de stagiaire à un poste de TI-06 à temps plein parce qu’il était un employé interne; l’intimé avait veillé à ce qu’il rehausse ses compétences et l’avait fait passer du niveau inférieur de stagiaire à celui de TI-05 et, ensuite, au niveau TI-06, une chance que le plaignant n’a pas eue.

[30] Le concours relatif au deuxième poste TI-06, soit celui d’inspecteur régional de la sûreté des transports et des préparatifs d’urgence, avait comme date de clôture le 3 août 2006. Le plaignant a déclaré que ce concours s’appliquait au même poste que le premier concours relatif au poste TI-06. Il a dit croire qu’à la date du 3 août 2006, il aurait été analyste depuis quelques mois et qu’il aurait présenté sa candidature, en tant qu’employé interne, au poste TI-06, pour lequel il aurait pu être embauché.

[31] Selon la position et le témoignage du plaignant, en général, dans le cas des avis d’emploi internes, la barre n’est pas placée très haut au chapitre des facteurs liés à l’expérience parce que les ministères veulent effectuer leurs promotions à l’interne. Il avait été témoin de cela à maintes reprises dans de nombreux ministères. En bref, sa position était la suivante : il est plus facile d’être promu à l’interne que d’être nommé de l’extérieur.

[32] Le 18 septembre 2006, s’exprimant au nom de l’intimé, Mme S. Wood, qui était membre du Comité de sélection établi pour le concours relatif au poste d’analyse, qui travaillait elle aussi dans le domaine des ressources humaines et qui était chargée de fournir au Comité de sélection des renseignements relatifs aux ressources humaines, a transmis au plaignant un courriel indiquant que la note de passage du TCE345 avait été abaissée de 70 à 60 dans le cas du deuxième concours relatif aux postes TI-06. Dans le courriel qu’il a envoyé au plaignant le 12 octobre 2006, l’intimé lui a dit qu’il avait été exclu de ce deuxième concours parce qu’il n’avait pas l’expérience requise pour procéder à des enquêtes. Le plaignant a exprimé l’avis qu’il aurait pu acquérir cette expérience à titre d’analyste.

[33] Le plaignant a présenté en preuve le rapport du Comité de sélection, lequel montrait que le deuxième concours relatif à un poste TI-06 s’était soldé par sept nominations. Il a fait remarquer qu’après la nomination de M. VK en août 2006, il n’y avait pas eu d’autres nominations avant les mois de février et d’avril 2007. Le plaignant a considéré qu’il y avait un besoin manifeste en TI-06.

[34] La position du plaignant, réitérée dans son témoignage, était qu’après l’avoir embauché à titre d’analyste, l’intimé l’aurait affecté très facilement à un poste d’inspecteur TI-06 intérimaire. L’intimé l’aurait fait à cause de son expérience dans le domaine des douanes, à cause de l’expérience qu’il aurait acquise à titre d’analyste ainsi que du besoin en TI-06. Le changement apporté à la note de passage du TCE345 signifiait qu’il l’avait réussi. L’intimé l’avait déjà évalué par rapport à un grand nombre des exigences requises en matière de compétences et d’aptitudes lors du concours relatif aux postes d’analyste, et il considérait donc qu’il était déjà essentiellement qualifié pour le poste TI-06. De plus, M. Ron Perkio, qui avait siégé au Comité de sélection pour les concours de recrutement d’analystes et de TI-06, savait que le plaignant avait obtenu un bon résultat au concours relatif aux postes d’analyste.

[35] Une autre raison pour laquelle le plaignant estimait qu’on l’aurait affecté à un poste de TI-06 intérimaire était le fait que les normes applicables à une affectation intérimaire ne sont pas les mêmes que pour un concours en bonne et due forme. En réponse à ma question au sujet du fait de savoir s’il y avait un besoin en TI-06 intérimaires, le plaignant a répondu qu’il y avait de nombreuses ouvertures; l’intimé n’avait que M. VK en 2006. Ensuite, sept autres personnes avaient été embauchées en février et en avril 2007 à la suite du deuxième concours relatif aux postes TI-06.

[36] À la suite du troisième concours relatif aux postes TI-06, dont la date de clôture était le 2 avril 2007, l’intimé a embauché six autres inspecteurs en octobre 2007. L’effectif complet était de 19 ou 20 inspecteurs. Le plaignant a fait remarquer que trois des personnes embauchées avaient aussi obtenu un résultat de 60 au TCE345.

[37] Le plaignant a parlé de M. JL, un employé interne. Il a dit croire qu’un papillon adhésif joint à la demande de M. JL signalait que ce dernier avait été tout d’abord exclu et ensuite réintégré. L’onglet 26, le Recueil des mesures de redressement du plaignant, contenait une copie de la demande de M. JL et, sur la première page de cette dernière, figurait une copie d’une note manuscrite. Je n’ai pas réussi à lire la note tout entière; elle indiquait : [traduction] « L se trouvait dans la pile des “exclus” ». La note originale n’a pas été produite à l’audience relative aux mesures de redressement demandées. Le plaignant a considéré que l’intimé avait accordé à M. JL, un employé interne, le bénéfice du doute, ce qu’il n’avait pas fait pour le plaignant, qui n’était pas un employé. Il a déclaré que M. JL avait été réintégré du fait de son expérience en matière d’enquêtes. Il a affirmé que M. JL avait toutefois moins d’expérience que lui (une expérience de quelques mois, par opposition aux sept années et demie du plaignant dans le domaine de l’application de la loi), et qu’il avait obtenu, au chapitre des connaissances, des notes inférieures aux siennes lors du test de connaissances de 2005. M. JL a pourtant été embauché.

[38] L’onglet 27, le Recueil des mesures de redressement du plaignant, est l’avis d’emploi concernant le troisième concours relatif aux postes TI-06, prenant fin le 2 avril 2007, et pour lequel le plaignant avait présenté sa candidature. L’intimé a nommé six autres TI-06 en octobre 2007 à la suite de ce concours.

[39] Le plaignant a présenté en preuve les demandes de certaines des autres personnes qui avaient elles aussi présenté leur candidature à chacun des trois concours relatifs aux postes TI-06. Il a fait valoir que ces demandes montraient que la plupart des personnes embauchées avaient des antécédents à titre d’inspecteur des douanes ou dans le domaine fiscal. Le plaignant avait les deux.

[40] M. VK a été nommé inspecteur TI-06 le 8 août 2006, et cinq semaines plus tard, un courriel de Sonya Wood, daté du 18 septembre 2006, montre que l’intimé a abaissé à 60 la note de passage relative au TCE345. Le plaignant a exprimé l’avis que l’intimé aurait dû l’embaucher à titre d’analyste le 8 mai 2006 et que, peu après avoir embauché M. VK, l’intimé aurait déplacé le plaignant du poste d’analyste de la sûreté maritime au poste d’inspecteur, pour qu’il travaille avec M. VK, parce qu’il aurait été logique sur le plan professionnel de le faire.

[41] Le plaignant a produit un document exposant en détail les mesures de dotation en personnel qui avaient été prises pour les inspecteurs TI-06 dans la région du Pacifique entre le 1er janvier 2005 et le 10 juillet 2008 (le nombre des mesures de dotation en personnel concernant les TI-06 qui ont été prises en 2005-2008). Ce document montre qu’au cours de cette période l’intimé avait embauché douze personnes par voie d’avis externe, deux par voie d’avis interne et une par la voie d’une embauche interne non annoncée. Il avait le sentiment qu’il aurait pu être embauché soit par la voie de l’avis interne, soit par celle de l’embauche interne non annoncée s’il avait été embauché en 2006 au poste d’analyste. Il a signalé que l’une des personnes était désignée par la mention « ACIN », ce qui voulait dire « nomination intérimaire ». Il a considéré que cela prouvait qu’il y avait eu des nominations intérimaires, et que l’intimé pouvait recourir à cette option.

[42] Le plaignant a déclaré que la liste des postes vacants présentée en preuve montre qu’en juillet 2008, même après les trois processus de dotation en inspecteurs TI-06, l’intimé n’avait toujours pas assez de personnel et avait encore cinq postes de TI vacants (je signale que quatre de ces postes vacants étaient des postes d’inspecteur TI-06; le cinquième était un poste d’inspecteur TI-05).

[43] Le plaignant a déclaré qu’après son départ de l’ARC, chaque fois qu’il décrochait un emploi au gouvernement fédéral, il vérifiait les avis d’emplois vacants auxquels n’avaient accès que les employés du gouvernement.

[44] Il a présenté la pièce C-14, un avis de déploiement concernant un inspecteur TI-06 et prenant fin le 8 octobre 2008 (l’avis de déploiement de TI-06 de 2008). Il a considéré que les exigences, relativement aux facteurs de l’expérience ou des relations interpersonnelles, étaient moins strictes que les exigences qui s’appliquaient aux mêmes facteurs pour les trois postes d’inspecteur à l’égard desquels il avait présenté sa candidature. À ses yeux, l’avis de déploiement de TI-06 de 2008 illustrait que, pour les employés internes, la barre était placée moins haut.

[45] Il a estimé qu’étant donné qu’il avait réussi le test des connaissances, qu’il répondait au critère des qualités personnelles au moment où il avait présenté sa candidature au poste d’analyste PM-04 et qu’il avait acquis de l’expérience à titre d’inspecteur des douanes, on l’aurait essentiellement considéré comme qualifié pour le poste TI-06.

[46] Le plaignant a présenté les pièces suivantes, qu’il avait obtenues du site Web du Conseil du Trésor :

  1. la pièce C-15 est l’annexe A-1 de la convention collective conclue entre le Conseil du Trésor et l’Alliance de la fonction publique du Canada (AFPC) pour le groupe PM, qui a expiré le 20 juin 2011. Cette convention contient les taux de rémunération applicables au niveau PM-04, de même que les dispositions prévues au titre des congés de maladie, des congés annuels, des congés pour obligations familiales, des congés pour décès et des congés de bénévolat;
  2. la pièce C-16 est l’annexe A-1 de la convention collective en vigueur entre le 21 juin 2011 et le 20 juin 2014, conclue entre le Conseil du Trésor et l’AFPC, pour le groupe PM, et qui a remplacé la pièce C-15;
  3. la pièce C-17 est un document qui, d’après le plaignant, contient les sections de la convention collective qui s’appliquent aux inspecteurs TI (Convention collective des TI) et qui est venu à expiration le 21 juin 2011;
  4. la pièce C-18 est un extrait de la Convention collective des TI, qui s’applique à la période du 22 juin 2011 au 21 juin 2014.

[47] Le plaignant s’est servi des extraits des conventions collectives pour déterminer les montants de salaire perdus et les autres sommes et crédits qu’il souhaite obtenir à titre de mesures de redressement, lesquelles sont énoncées dans le document C-11.

[48] Le plaignant a déclaré que les montants de salaire indiqués dans les conventions collectives sont annuels. Pour calculer ses pertes salariales, dans le cas de chaque année, il a commencé par utiliser la période du 8 mai - la date d’embauche en 2006 qu’il a proposée - au 21 juin, soit la date d’expiration annuelle de chaque grille salariale prévue par la convention collective. Il a alors réparti le montant au prorata et l’a combiné au reste de l’année. Il a ensuite soustrait la rémunération qu’il avait reçue d’autres employeurs au cours de la période précisée, à l’exception de la période du 1er janvier au 31 mars 2006, soit avant la discrimination. Il a expliqué qu’à la date anniversaire de l’embauche d’une personne, cette dernière passe de l’étape 1 à l’étape 2 du tableau illustré dans les conventions collectives et que, chaque année, cet employé reçoit également une augmentation économique jusqu’à ce qu’il atteigne le montant maximal que prévoit la grille salariale.

[49] L’onglet 42, le recueil des mesures de redressement du plaignant, renferme une série des feuillets T4 du plaignant, lesquels font état des revenus d’emploi qu’il a gagnés au cours de diverses années ainsi que les prestations d’assurance-emploi (AE) qu’il a touchées.

[50] Le plaignant a déclaré qu’à titre d’employé fédéral, ses dépenses en matière de soins dentaires, de médicaments et de soins médicaux auraient été couvertes. Il a sollicité une ordonnance portant que l’intimé lui accorde les prestations de soins médicaux, de soins dentaires et de médicaments correspondant à sa politique relative aux employés nommés pour une période indéterminée, et ce, rétroactivement au 8 mai 2006. À l’époque où il était marié, son épouse soumettait ses dépenses de soins de santé à son régime, qui assurait le plaignant à 100 %. À partir de la page 5 de la pièce C‑19, il y a des factures de soins médicaux, de soins dentaires et de produits pharmaceutiques datées du 21 septembre 2011 à l’année 2015, et le plaignant réclame la somme arrondie de 7 000 $.

[51] Le plaignant a déclaré que John Lavers avait dit aux candidats que la Section maritime fonctionnerait 24 heures sur 24, sept jours sur sept, et qu’il y aurait de nombreuses primes de quart et de temps supplémentaire. Le temps supplémentaire est le temps de travail qui excède la semaine de travail ordinaire de 37,5 heures. Dans la présente décision, les primes de quart, les primes de fin de semaine et les heures supplémentaires sont désignées, collectivement, par l’expression « temps supplémentaire ».

[52] Le plaignant a déclaré qu’à l’époque où il travaillait à l’ARC et à l’ASFC, jamais il n’avait refusé d’effectuer du temps supplémentaire, et qu’il en aurait fait autant à Transports Canada.

[53] L’intimé n’avait pas de feuillets T4 de 2006 et de 2007 pour les employés de la Section maritime. Le plaignant a donc estimé le temps supplémentaire qui s’appliquait à ces deux années en prenant pour base les années ultérieures, et en présumant que les années 2006 et 2007 étaient celles qui avaient compté le plus de temps supplémentaire parce que, à ce moment-là, l’intimé manquait de personnel.

[54] La pièce C-20 renferme les T4 de l’employée E pour les années 2008 à 2014, celles sur lesquelles le plaignant a fondé ses demandes relatives au temps supplémentaire pour les années 2009 à 2012. L’employée E était une analyste du Centre des opérations de la sûreté maritime (COSM), qui avait travaillé à cet endroit de 2006 à 2012; E avait opté pour un licenciement volontaire en 2012, conformément à des mesures de réaménagement des effectifs. Mme Domae, s’exprimant au nom de l’intimé, a plus tard témoigné au sujet de cette employée.

[55] Pour 2008, le plaignant a réduit son estimation du temps supplémentaire à 15 000 $ car, à cause de ses interventions chirurgicales oculaires, il n’aurait pas été en mesure d’effectuer du temps supplémentaire.

[56] En se servant des T4 de l’employée E pour la période de 2009 à 2012, il a comparé le salaire de base des PM-04 indiqué dans la convention collective au montant inscrit sur les feuillets T4 de cette employée pour ces années, et il a attribué au temps supplémentaire tout montant supérieur au salaire que prévoyait la convention collective.

[57] Le feuillet T4 de 2009 de l’employée E faisait état de 88 000 $. Dans la convention collective, le salaire des PM-04 était de 58 000 $. Le plaignant a donc estimé le temps supplémentaire de cette employée à 30 000 $.

[58] Pour 2010, le feuillet T4 de l’employée E faisait état de 73 000 $. Le plaignant ignorait à quel échelon se situait cette employée dans la grille salariale – l’échelle salariale était de 57 000 $ à 62 000 $. Il a présumé que le salaire ordinaire était de 61 000 $, et donc que cette employée avait effectué pour 12 000 $ environ de temps supplémentaire.

[59] Pour 2011, le feuillet T4 de l’employée E faisait état de 85 000 $. Le plaignant a considéré que cette employée qui, présumait-il, avait été embauchée trois ans plus tôt, se serait trouvée au haut de l’échelle salariale en 2011, où elle aurait gagné 65 000 $; il a donc estimé que cette employée avait effectué pour tout juste moins de 20 000 $ de temps supplémentaire.

[60] En 2012, le feuillet T4 de l’employée E faisait état de 94 300 $. En 2012, le niveau supérieur de l’échelle salariale des PM-04 était de 66 400 $; le plaignant a donc calculé que cette employée avait effectué pour 28 000 $ environ de temps supplémentaire.

[61] Pour 2013 et 2014, le plaignant a calculé pour chaque année la somme de 25 000 $, conformément aux deux années précédentes, car l’employée E avait accepté un licenciement volontaire en 2012.

[62] Le plaignant a déclaré que les conventions collectives prévoyaient un jour de congé rémunéré chaque année pour du travail bénévole. Il demande soit un crédit rétroactif de neuf jours (de 2006 à 2015) s’il est intégré ou, sinon, le paiement en espèces de la valeur de neuf jours de bénévolat.

[63] Le plaignant a déclaré qu’à l’ADRC et à l’ARC, il avait fini par obtenir jusqu’à quatre semaines de congés annuels. Il a ajouté que si l’intimé l’avait embauché en mai 2006, les conventions collectives prévoyaient que sa période de service antérieure aurait compté dans le calcul de son droit à des heures de congé. Quand un employé accumule des heures de congé et qu’il n’utilise pas chaque année la totalité de son temps de congé, la valeur des congés restants lui est payée en espèces.

Quand j’ai demandé s’il avait pris des vacances à l’époque où il travaillait à l’ARC, il a répondu qu’il en avait peut-être pris une ou deux fois, mais jamais autant que les heures auxquelles il avait droit. Les conventions collectives prévoyaient qu’un employé ne pouvait reporter plus de 262,5 heures à l’année financière suivante. Ceux dont le nombre d’heures était supérieur à ce chiffre recevaient un paiement en espèces. Il a calculé que le nombre total d’heures s’appliquant à la période de neuf ans qui s’était écoulée entre 2006 et 2015 s’élevait à 1 667,8 heures. Il a soustrait de ce chiffre les 262,5 heures qu’il pouvait reporter à sa première année à Transports Canada s’il était intégré. Le plaignant a fait valoir qu’il devrait commencer à travailler avec 262,5 heures de congés annuels « en banque », et recevoir un paiement en espèces représentant la différence de 1 405,3 heures.

[64] Le plaignant a dit s’être servi de la même logique pour calculer les crédits de congé pour obligations familiales ainsi que les jours de bénévolat. Il a soutenu qu’il aurait eu droit à cinq jours de congé pour obligations familiales pour chaque année incluse dans la période de 2006 à 2015, soit 45 jours en tout.

[65] Le plaignant a déclaré, et ma conclusion est la même, que l’article 46 de la convention collective donne droit à un employé à sept jours de congé pour décès en cas de décès d’un membre de sa famille. Le plaignant se serait prévalu de ce congé en 2010, quand son père est mort. Il aurait eu besoin d’au moins une semaine de plus, de sorte qu’il aurait pris une semaine de congé de maladie.

[66] Le plaignant demande un crédit de quinze semaines au titre des congés de maladie (les congés de maladie), au motif que s’il avait été un fonctionnaire permanent depuis mai 2006, il aurait accumulé quinze jours de congés de maladie par année. Il est arrivé à un chiffre de 145 jours en calculant au prorata l’année 2006 et en calculant ensuite le cumul annuel.

[67] Il a été victime d’une déchirure de la rétine, suivie de deux décollements rétiniens, et il a subi par la suite des interventions chirurgicales à l’œil droit le 19 août, le 2 septembre et le 20 novembre 2008, et son rétablissement l’aurait obligé à s’absenter du travail pendant un délai d’au moins quatorze semaines, ce qui fait qu’un droit restant à quinze semaines de congé devrait lui être crédité.

[68] Le plaignant a fait valoir dans le document C-11 que les conventions collectives prévoyaient treize jours fériés rémunérés chaque année. Il soutient que les jours fériés pourraient être pris en compte relativement à l’utilisation des congés de maladie parce qu’il n’aurait pris que quatre jours de maladie dans une semaine lorsqu’un jour férié rémunéré tombait un jour se situant dans la période de son incapacité pour raisons d’ordre médical.

[69] Le plaignant a déclaré que la raison pour laquelle il demandait que sa pension de l’ARC et de l’ADRC soit rajustée comme si elle avait été continue – c’est-à-dire, comme s’il n’avait pas obtenu le droit d’accès à sa pension pour cause de difficultés financières en décembre 2006 - était qu’il n’y aurait pas eu accès si l’intimé l’avait embauché en mai 2006. La pension aurait donc été continue. Il a demandé que le service des pensions de retraite du gouvernement fédéral (ACURIS) calcule ce que sa pension aurait été, de pair avec les retenues ou les cotisations de l’employé, ainsi que les cotisations de l’employeur.

[70] Le plaignant a dactylographié la pièce C-21, un résumé de preuves sur l’indemnité spéciale, pour s’en servir comme aide-mémoire à l’audience. Il a considéré qu’il était nécessaire de le faire parce qu’il craignait d’être bouleversé et d’oublier quelque chose d’important au moment de témoigner, en raison des neuf années qui s’étaient écoulées entre l’année 2006 et la date de l’audience. L’intimé ne s’est pas opposé à ce que le plaignant se serve de la pièce C-21, dans la mesure où il avait une chance de le contre‑interroger sur ce document. J’ai moi-même passé en revue la pièce C‑21 et j’ai fondé mes constatations et ma conclusion en partie sur ce document, mais davantage sur le témoignage du plaignant.

[71] M. Hughes a déclaré que [traduction] « au cours des neuf dernières années », survivre lui avait coûté la totalité de ses économies. Il lui avait fallu encaisser sa pension de retraite fédérale pour survivre en 2009, en 2010 et en 2011. À la fin de 2006, il avait prévu qu’il aurait de la difficulté à trouver du travail, de sorte qu’il avait retiré sa pension fédérale en décembre 2006 afin de pouvoir y avoir accès plus tard. Il ne l’aurait pas fait si Transports Canada l’avait embauché. Comme sa pension aurait augmenté pendant les neuf années précédant la date de l’audience, il a subi une lourde perte financière en encaissant sa pension.

[72] Il avait le sentiment que Transports Canada avait été au courant dès le départ qu’il était déprimé, il aurait su que la discrimination aurait aggravé son état dépressif, et c’est bien ce qui était arrivé. Son état dépressif, son stress et son anxiété ont empiré au fil des ans. La situation s’est répercutée sur son mariage, très houleux depuis quatre ans, avant d’atteindre son point de rupture à la fin de 2011. Il a attribué ce fait aux difficultés financières causées par la discrimination, ainsi que par le litige mettant en cause la Commission et le Tribunal. Il a déclaré que l’effondrement de son mariage a été marqué par beaucoup de stress, de disputes et de pleurs. En raison de l’incertitude entourant sa situation financière au cours de la période de 2006 à 2015, le couple n’a pas eu d’enfants.

[73] Pendant une bonne partie de cette période, il a été soit inquiet au sujet de sa situation financière, soit réellement aux prises avec des difficultés financières, et il a presque fait faillite une dizaine de fois environ. À deux reprises, il a dû emprunter de l’argent à ses parents qui, à leur tour, ont emprunté la somme de 7 500 $ à leur église afin de pouvoir lui prêter cet argent. Il les a remboursés grâce aux fonds qu’il a reçus en retirant sa pension de retraite. Entre 2008 et 2010, son père, atteint de la maladie de Parkinson, était très malade. Il lui était impossible d’aider ses parents, mais ceux-ci l’aidaient. Le fait de ne pas être en mesure d’aider son père financièrement, par exemple en retenant pour lui les services d’une aide familiale afin d’éviter qu’il soit placé dans un établissement de soins de santé pendant les six derniers mois de sa vie, l’a plongé dans un état de profonde détresse.

[74] À un certain moment, juste avant le décès de son père, entre les mois de mars et de mai 2010, son niveau d’anxiété était très élevé parce qu’il pensait souffrir de sclérose en plaques, de SLA ou de la maladie de Parkinson. Cela lui était venu à l’esprit parce qu’il avait de la difficulté à garder le cou droit, ainsi qu’à marcher lors de ses pauses pendant qu’il travaillait à la Garde côtière, car il avait de la difficulté à tenir sur ses jambes. Il a déclaré qu’il avait l’impression qu’il allait s’effondrer. Il souffrait de tics nerveux. Son médecin lui avait fait passer des examens et lui avait dit qu’il ne souffrait d’aucune de ces affections. Après avoir pris connaissance de la situation du plaignant, le médecin lui a dit qu’il souffrait d’un niveau aigu de stress et d’anxiété.

[75] Au fil des ans, il a suivi des séances de counseling un certain nombre de fois, mais il n’a pas pu se souvenir de manière précise s’il l’avait fait au cours de la période susmentionnée. Son médecin avait parlé avec lui de manières de réduire son degré d’anxiété, comme de faire des promenades, d’essayer de rester actif, de regarder des comédies ou des films, de se tenir loin de l’alcool et de la caféine et d’avoir des amis qui l’appuyaient. À l’âge de 25 ans, il avait cessé de consommer de l’alcool parce que, en raison de ses antécédents familiaux, cela aurait pu être un problème. Mais ce n’était pas un problème pour lui.

[76] Les quelques fois où il avait réussi à trouver du travail, cela l’avait aidé à ne pas se trouver dans une situation financière difficile. Mais les emplois qu’il avait réussi à décrocher étaient de courte durée, et il replongeait ensuite dans ses problèmes financiers. Il avait travaillé pendant cinq mois en 2013, et pendant six mois en 2014, auprès du ministère de l’Enfance et de la Famille de la Colombie-Britannique, dans ce qu’il a appelé un [traduction] « poste auxiliaire ».

[77] En réponse à ma question sur le fait de savoir si son épouse avait travaillé au cours de leur mariage, il a répondu que oui, et il a émis l’hypothèse que si elle n’avait pas travaillé, il aurait été plus rapidement à court d’argent.

[78] Son solde hypothécaire était de 200 000 $, mais il lui avait fallu refinancer son hypothèque en 2012 et en 2013, afin de pouvoir survivre durant ces années, de sorte que son hypothèque avait augmenté à 260 000 $. En août 2014, il avait dû vendre la maison pour avoir accès au capital restant. Sa mère avait hypothéqué sa propre maison pour lui prêter la somme de 10 000 $. Il avait dû la rembourser, et rembourser aussi des amis qui lui avaient prêté de l’argent. Sa marge de crédit était à son maximum. La portion non grevée de sa maison n’avait pas duré longtemps et, en novembre 2014, il était de nouveau endetté. Il a dit qu’à ce moment, il était sans logement, et qu’il vivait à l’hôtel.

[79] De 2006 à 2012, il n’était pas souvent allé au gymnase, avait pris du poids et s’était isolé de ses amis. Il avait cessé de jouir de la vie. En novembre 2014, même s’il avait emporté deux affaires relatives aux droits de la personne, le gouvernement ne l’avait pas payé. Il allait entreprendre une grève de la faim en 2014 jusqu’à ce qu’on le paye. L’échec d’une réunion de règlement global concernant ces affaires l’avait dévasté.

[80] En contre-interrogatoire, il a convenu qu’après l’échec de la réunion de règlement global, il a bel et bien réglé les deux plaintes qu’il avait déposées contre Ressources humaines et Développement des compétences Canada (RHDCC), ainsi qu’en fait foi un procès-verbal de règlement signé le 7 janvier 2015 (le procès-verbal, ou le procès‑verbal de règlement), aux termes duquel une somme d’argent lui a été versée. Ce règlement avait été négocié après la conclusion de discrimination que le Tribunal avait tirée dans l’affaire Chris Hughes c. Ressources humaines et Développement des compétences Canada, 2012 TCDP 22 (la décision RHDCC). Des questions de preuve ont été soulevées au sujet de l’admission et de la pertinence du procès-verbal, ainsi qu’au sujet du témoignage du plaignant sur un aspect particulier de ce procès-verbal. Ces questions sont analysées en détail plus loin dans la présente décision.

[81] Le plaignant s’est dit fort contrarié quand, au cours de l’audience relative à la détermination de la responsabilité de 2013, il a découvert que le Comité de sélection chargé du concours relatif aux postes d’analyste PM-04 avait, au moment d’évaluer sa candidature, noté « VG » [« Very good », c’est-à-dire « Très bien » ou « TB »] en lien avec le critère de sélection [traduction] « Attention au détail » sur la copie originale de son rapport, mais que cette mention « TB » avait été effacée. Il a déclaré qu’il avait été [traduction] « très contrariant » pour lui de savoir qu’il aurait dû réussir et être embauché en 2006 et que l’intimé s’étant donné autant de mal, et qu’il avait été obligé de vivre [traduction] « tout cet enfer ». Il a exprimé l’avis que cet effacement était une [traduction] « opération de camouflage », déclenchée par sa demande d’accès à l’information concernant le rapport du Comité de sélection.

[82] Pour ce qui est de sa demande subsidiaire d’intégration au poste d’analyste ainsi que de la perte de salaire relative à ce poste, le plaignant a déclaré qu’il avait déterminé le montant de la perte de salaire en recourant essentiellement au même processus que celui qu’il avait utilisé pour le poste TI-06. Il a fondé sa réclamation sur la date anniversaire du 8 mai 2006 comme étant la date à laquelle il aurait dû être embauché, et il s’est servi du salaire versé aux analystes qui était indiqué dans les conventions collectives.

[83] Il a été demandé au plaignant de commenter l’observation de l’intimé selon laquelle le Tribunal ne devrait pas l’intégrer à un poste d’inspecteur TI-06 parce que, après l’emploi qu’il avait exercé à l’ARC, ses antécédents professionnels consistaient seulement en des emplois temporaires, jamais en des emplois permanents. Il a répondu que si l’intimé l’avait embauché au poste d’analyse et ensuite promu au poste d’inspecteur TI-06, il n’aurait jamais été obligé de postuler pour d’autres emplois dans le secteur public et auprès d’entreprises privées. Ces emplois lui avaient rapporté la moitié de ce qu’il aurait gagné s’il avait été au service de l’intimé. À titre d’exemples, il a exercé des emplois de bureau, a travaillé brièvement comme chauffeur de service de messageries pour Howard Johnson et il nettoyé des toilettes. Aucun de ces emplois n’était permanent; tous étaient temporaires.

[84] À l’audience, le plaignant a présenté en preuve des feuillets T4 concernant un certain nombre d’autres employés, à l’appui de sa réclamation pour perte de salaire. Ces feuillets ont été désignés comme suit :

Feuillet T4 de l’employé R pour 2010 – Pièce C-22

Feuillet T4 de l’employé Q pour 2014 – Pièce C-23

Feuillet T4 de l’employé O pour 2014 – Pièce C-24

Feuillet T4 de l’employé P pour 2011 – Pièce C-25

Feuillet T4 de l’employé N pour 2011 – Pièce C-26

La preuve n’a pas porté sur la question de savoir si ces autres employés étaient des analystes ou des inspecteurs, et je ne puis donc pas en tenir compte pour trancher la demande relative à la perte de salaire.

[85] Dans sa lettre du 21 mars 2006, l’intimé a informé le plaignant que sa demande concernant le poste d’analyste de la sûreté maritime n’avait pas été retenue (la décision relative à la détermination de la responsabilité, au par. 49).

[86] Le plaignant a passé d’autres examens du gouvernement fédéral, à part ceux qui s’appliquaient aux concours relatifs à un poste d’analyste et d’inspecteur. En 2006, dans le cadre d’un processus de sélection différent, il a passé l’examen de compétence générale de niveau 1 (CG1) et a obtenu un résultat de 47 sur 50. Cet examen porte sur le volet « aptitude au travail » et il vérifie les compétences en matière d’alphabétisation, de chiffres et de mathématiques. Pendant qu’il travaillait au Service de recouvrement, à l’ARC, il a passé un examen portant sur les lois applicables et a obtenu un résultat de 100 % à l’égard des politiques, des procédures et des dispositions législatives en matière de droit fiscal. En 2006, lorsqu’il avait présenté sa candidature en vue d’un poste lié à l’assurance-emploi auprès de Service Canada, il avait dû passer le « test 720 » et avait obtenu un excellent résultat.

[87] Le plaignant détient un diplôme en administration de bureau informatisée, qu’il a reçu du Career Development Institute. Pendant qu’il travaillait à l’ARC, il a suivi la première année d’un cours en comptabilité financière menant à un diplôme de comptable général agréé, au Camosun College de Victoria, payé par l’ARC.

[88] Les feuillets T4 du plaignant pour l’année 2006 établissent que, cette année-là, il a travaillé à la fois pour le gouvernement du Canada et le gouvernement de la Colombie‑Britannique, dans le cadre de postes temporaires.

[89] Il est également ressorti de la preuve que, pendant la période de neuf mois s’étendant du 13 septembre 2007 au 27 juin 2008, le plaignant a travaillé pour RHDCC dans le cadre d’un poste temporaire, à titre de commis de niveau 4 (CR-04), plus précisément en tant qu’agent de prestation de services. RHDCC a prolongé sa période de travail à deux reprises, mais pas plus.

[90] Le plaignant a déclaré que les trois opérations chirurgicales oculaires qu’il avait subies en août, en septembre et en novembre 2008 ont eu une incidence sur sa vision pendant une période d’environ un an et demi à deux ans.

[91] En contre-interrogatoire, le plaignant a déclaré qu’entre le mois d’avril 2010 et la fin du mois d’août ou la première semaine de septembre 2010 environ, il a travaillé à la Garde côtière canadienne à titre de commis préposé à la rémunération et aux congés. Il s’agissait d’un poste de nature temporaire, qui n’avait pas été renouvelé. Il ne croyait pas qu’il y avait une possibilité d’obtenir plus tard un emploi soit temporaire soit permanent au sein de la Garde côtière.

[92] En 2011, le plaignant a travaillé pour Elections British Columbia dans le cadre d’un poste temporaire d’une durée d’environ six semaines lors du référendum sur la TVH, un poste dans le cadre duquel il avait ouvert des boîtes de scrutin, compté et vérifié des bulletins de vote et gagné la somme de 3 374,80 $. Toutes les personnes embauchées pour le référendum l’étaient pour une courte durée. Le feuillet T4 de 2012 indique qu’il a touché un revenu de 648,97 $ du gouvernement du Canada.

[93] De juillet à novembre 2013, le plaignant a travaillé à la Childcare Subsidy Branch du ministère du Développement de l’enfance et de la Famille, dans le cadre d’un poste à court terme, à titre de commis aux comptes. Il y a travaillé de nouveau du 1er mai 2014 au 31 octobre 2014, dans le cadre d’un contrat auxiliaire, comportant d’autres fonctions administratives. Il a touché des prestations d’assurance-emploi (AE) de novembre à décembre 2014. À l’époque où l’audience relative aux mesures de redressement demandées a eu lieu, il ne recevait pas de prestations d’AE et était sans travail depuis le 31 octobre 2014.

[94] Le plaignant a présenté un feuillet T4 faisant état de gains d’un montant de 14 184,25 $ reçus en 2014 du gouvernement de la Colombie-Britannique. Cela est conforme au témoignage du plaignant.

[95] Le plaignant a confirmé que, à la date de l’audience tenue en 2015, il n’avait pas trouvé de travail permanent. Il a fait référence au document C-11, où il est indiqué, au numéro 2, page 5 et au numéro 12, page 12, qu’en 2015 il n’a touché aucun revenu. Je signale que l’année 2015 était incomplète à la date de son témoignage ainsi que de la présentation de la preuve documentaire.

[96] Le plaignant a déclaré qu’il consultait tous les jours des sites d’emplois sur Internet. À titre d’exemple, il vérifiait le site Emplois GC, où la plupart des ministères fédéraux annoncent leurs postes vacants, le site d’emplois de la province de la Colombie-Britannique, la banque d’emplois de RHDCC, le site d’emplois du district de Saanich, ainsi que le site du Camosun College de l’Université de Victoria. En plus de postuler pour tous les emplois pour lesquels il s’estimait qualifié – plusieurs centaines selon son estimation – il s’était présenté un certain nombre de fois au bureau de l’AE quand il était mis à pied afin qu’on l’aide à trouver du travail auprès d’entreprises avec lesquelles l’AE concluait des ententes en sous‑traitance à cette fin.

[97] En 2009, tout juste après la fin de ses trois interventions chirurgicales oculaires, l’une de ces entreprises l’avait évalué et avait conclu qu’il présentait d’importants obstacles à l’emploi et qu’il était admissible à un programme de subventions salariales de 50 % (l’évaluation de l’AE de 2009). Dans le cadre de ce programme, le gouvernement fédéral paierait à un employeur qui l’embaucherait 50 % de son salaire. Il s’était servi d’une lettre de l’entreprise indiquant qu’il était admissible au programme pour postuler à des emplois.

[98] Les importants obstacles à l’emploi étaient dus en partie au décollement de sa rétine et aux interventions chirurgicales oculaires connexes, qui entraînaient une sensibilité à la lumière et faisaient en sorte que sa vision, à ce moment-là, n’était pas aussi bonne. Le plaignant a estimé que ses problèmes de vision ont duré pendant une période d’un an et demi à deux ans. Il avait parlé au bureau de l’AE de ses antécédents de dépression. Les responsables de l’AE savaient aussi que l’ASFC ne fournissait pas de références à l’appui de ses demandes d’emploi et qu’il avait quitté l’ARC à la suite d’un règlement confidentiel, après y avoir travaillé pendant dix ans. Il avait aussi présenté une demande à un certain nombre d’agences de placement temporaire et d’entreprises de navires de croisières, ainsi que pour de nombreux emplois à l’échelle fédérale et provinciale. Il a déclaré que sa recherche d’emploi était un emploi à temps plein en soi.

[99] En contre-interrogatoire, quand on lui a demandé pourquoi il n’avait pas postulé à un autre poste d’inspecteur TI-06 depuis 2007, le plaignant a répondu qu’il ne se souvenait pas d’avoir vu d’avis externes pour un autre poste vacant. Il vérifiait tous les jours le site Web d’emplois du gouvernement fédéral. Il a dit croire qu’il aurait présenté sa candidature s’il avait vu les avis d’emploi vacant.

[100] Le plaignant a reconnu en contre-interrogatoire qu’il avait des problèmes de dos. Il a déclaré que cela n’avait pas d’incidence sur son embauche mais que lorsqu’il cherchait du travail, il ne postulait pas pour des emplois de nature agricole, pour des emplois obligeant à soulever constamment des objets ou pour des travaux de construction lourde. Il a également admis qu’à l’époque où il avait travaillé à RHDCC il avait dû demander des mesures d’accommodement quand ses maux de dos avaient empiré et il avait plus tard demandé des mesures d’accommodement pour son état dépressif.

[101] Le plaignant a confirmé en contre-interrogatoire ne pas avoir suivi d’études postsecondaires depuis qu’il a présenté sa candidature à un poste d’analyste en 2005. En réinterrogatoire, il a déclaré qu’à sa connaissance, l’intimé ne l’a jamais exclu des concours relatifs à un poste PM-04 ou TI-06 parce qu’il n’a pas suivi de telles études, pas plus qu’il a été évoqué que ce fait était susceptible de faire obstacle à son avancement.

A. Les questions de preuve concernant d’autres plaintes relatives aux droits de la personne

[102] Lors du contre-interrogatoire, quand l’avocat de l’intimé a demandé au plaignant de confirmer qu’il avait encore des plaintes relatives aux droits de la personne à l’encontre de l’ASFC qui étaient en suspens et qu’il avait porté plainte contre d’autres employeurs, son avocat s’est opposé à cette demande, la jugeant peu pertinente : le Tribunal avait déjà conclu que Transports Canada aurait dû embaucher le plaignant, et le fait d’avoir porté plainte contre l’ASFC était donc peu pertinent.

[103] La position de l’intimé était la suivante : ces autres plaintes relatives aux droits de la personne qui avaient été déposées à l’encontre d’autres employeurs étaient pertinentes car elles établissaient que les antécédents de travail du plaignant montraient que celui-ci avait eu des démêlés avec divers employeurs, dont l’ARC et l’ASFC et d’autres encore depuis ce temps. L’existence de ces plaintes montrait qu’il avait pour habitude de ne pas trouver un emploi durable et qu’il avait de la difficulté à occuper un poste pendant un temps quelconque; ces antécédents dénotaient peut-être qu’il était une personne qui n’aurait vraisemblablement pas de chances de trouver un emploi durable dans l’avenir. Cette position faisait partie de l’argumentation de l’intimé, et les formulaires de plainte contribuaient à étayer ce fait et à établir ces antécédents dans le cadre de cet argument. Le plaignant avait déposé contre d’autres employeurs des plaintes semblables à celle qu’il avait déposée contre Transports Canada. Les autres formulaires de plainte exposent en détail certains des problèmes que le plaignant a eus avec d’autres employeurs.

[104] De plus, l’intimé a soutenu que même si certaines des plaintes étaient justifiées, les formulaires de plainte faisaient ressortir les problèmes que le plaignant avait eus avec ces employeurs et montraient que, pendant toute sa carrière, celui-ci avait eu des démêlés avec de nombreux employeurs. Cette tendance était pertinente à l’égard d’une partie de l’argumentation générale de l’intimé.

[105] Le plaignant a dit de l’argument de l’intimé qu’il s’agissait, en fait, d’une affirmation selon laquelle le gouvernement canadien exercerait des représailles parce qu’il avait déposé des plaintes relatives aux droits de la personne. À son avis, la position de l’intimé mettait en question son droit de déposer une plainte relative aux droits de la personne.

[106] Il ne m’a pas semblé que les observations de l’intimé revenaient à dire que le plaignant n’avait pas le droit de déposer une plainte relative aux droits de la personne ou qu’il était quelque peu inévitable que l’on exerce des représailles. J’ai déclaré à l’audience qu’il y avait une raison pour laquelle la Loi existe et qu’il s’agissait de remédier à des actes de discrimination. N’importe qui peut se prévaloir des processus prévus, dans la mesure où sa plainte cadre avec les paramètres de la Loi. J’ai aussi dit que le plaignant avait le droit de déposer des plaintes relatives aux droits de la personne et que je ne tirerais aucune inférence défavorable parce qu’il l’avait fait.

[107] J’ai décidé d’entendre les éléments de preuve et d’admettre deux formulaires de plainte qui avaient été déposés contre l’ASFC (les pièces R-6 et R-7). Le second formulaire était en fait une version modifiée du premier, que, selon le plaignant, la CCDP n’avait pas accepté pour dépôt. J’ai dit aux parties que je n’accorderais pas beaucoup de poids aux détails exposés dans les formulaires de plainte, mais que je porterais une certaine attention à la question des autres plaintes, relativement aux mesures de redressement demandées dans la plainte dont il était question en l’espèce.

[108] Le plaignant a confirmé en contre-interrogatoire que, le 25 janvier 2005, il a déposé une plainte contre l’ASFC (pièce R-6), sollicitant un dédommagement et son intégration rétroactive à l’ASFC. Cette intégration rétroactive daterait d’avant son projet d’intégration rétroactive à Transports Canada. Au moment où l’audience relative aux mesures de redressement a été entendue en l’espèce, il restait encore au Tribunal à instruire la plainte visant l’ASFC.

VIII. Le témoignage des témoins de l’intimé

A. M. Timothy Shorthouse

[109] À la date de l’audience relative aux mesures de redressement demandées, M. Timothy Shorthouse était gestionnaire à Transports Canada. Il a déclaré qu’il était gestionnaire intérimaire, à un poste de niveau PM-06. Son poste d’attache est celui d’agent du renseignement supérieur, classé au niveau PM-05, un poste qu’il a occupé pendant un mois avant d’être nommé gestionnaire intérimaire. Avant de devenir agent du renseignement supérieur, il avait exercé les fonctions d’analyste PM-04 (poste aujourd’hui appelé « analyste du renseignement ») durant six ans, soit depuis le 1er juillet 2009. Il détient un diplôme universitaire. Il a été embauché au poste d’analyste PM-04 à la suite d’un concours tenu en 2008 et, à cette époque, le fait de détenir un diplôme universitaire était une exigence nouvelle.

[110] À titre d’agent du renseignement supérieur, il supervise une équipe de cinq analystes et veille à ce que ceux-ci répondent aux attentes de l’intimé en matière de rapports sur les menaces pour la sécurité et sur les renseignements de sécurité à l’échelon national. Il travaille à l’heure actuelle à la Base des Forces canadiennes Esquimalt (l’« Arsenal maritime »). C’est à cet endroit qu’est situé le Centre des opérations de la sûreté maritime (COSM), en colocation avec divers organismes partenaires du gouvernement fédéral. Le COSM est un centre de fusionnement du renseignement et une installation à vocation militaire, et le bâtiment qu’il occupe est un milieu de haute sécurité.

[111] Il a décrit le poste d’analyste comme un travail de bureau dans le cadre duquel, pendant la majeure partie de la journée, le titulaire passe son temps à surveiller des sources de renseignement à mesure qu’elles entrent. Le travail comporte un important volet de rédaction de rapports, qui se compare aux travaux de recherche et d’écriture que l’on fait à l’université; il consiste aussi à évaluer des sources d’information différentes et à travailler avec les organismes partenaires. L’analyste rédige des évaluations pour le compte du sous‑ministre, pour des cadres supérieurs de Transports Canada ainsi que pour d’autres éléments du gouvernement.

[112] Les analystes sont également assujettis à des changements de priorité. Il n’existe donc rien de tel qu’une journée caractéristique car, suivant la menace possible, la journée peut varier considérablement; il est possible que l’analyste doive tout laisser tomber et produire une évaluation ou un rapport très rapidement au sujet d’un renseignement susceptible de donner lieu à une action particulière. Avec cette réserve, le témoin a décrit la journée caractéristique d’un analyste du renseignement. Elle commencerait habituellement par une réunion avec les organismes partenaires, réunion au cours de laquelle les participants discuteraient des priorités de la journée, examineraient les nouveaux éléments de renseignement reçus et discuteraient de toute information relative à une menace. L’analyste évaluerait les menaces posées par les navires porte-conteneurs et commerciaux arrivants, et il travaillerait avec les organismes partenaires. S’il n’y avait aucune inquiétude potentielle sur le plan des menaces ou de la sécurité, l’analyste serait alors laissé à lui-même pour le reste de la journée, et il mènerait des recherches, évaluerait des renseignements et rédigerait des rapports à l’intention du milieu du renseignement de sécurité.

[113] Toutefois, si, par exemple, des navires transportant des migrants étaient en arrivage, les analystes auraient à produire une note d’information avant la fin de la journée, ce qui pourrait accroître la pression exercée sur leurs tâches. Cette pression pourrait être considérable. Si l’on décelait une menace, les analystes mettraient de côté leurs autres tâches, travailleraient de concert avec les organismes partenaires et produiraient en collaboration une forme quelconque d’évaluation ou de document sur la menace en question de façon à pouvoir fournir des conseils à des fonctionnaires supérieurs. Les analystes recourraient aux mêmes compétences qu’ils appliquaient au moment où ils effectuaient leurs tâches stratégiques quotidiennes, mais ils travailleraient à un rythme différent et sous une pression différente.

[114] M. Shorthouse a décrit le poste d’inspecteur TI-06 comme étant un poste de nature réglementaire, aujourd’hui appelé « inspecteur de la sûreté maritime ». Il a qualifié les TI‑06 d’experts en réglementation au COSM. Leur rôle consiste à s’assurer que l’on respecte la réglementation de Transports Canada pour tout ce qui est régi par ce ministère, ce qui inclut les ports et les navires. Pour exercer cette mission, ils montent à bord des navires afin de s’assurer que ceux-ci sont en ordre et ils examinent des documents. Ils en font autant avec les ports, s’assurant que leurs mesures de sécurité matérielle sont conformes aux exigences réglementaires de Transports Canada.

[115] Quand on lui a demandé de quel genre de connaissances un TI-06 aurait besoin qui seraient différentes de celles dont un analyste a besoin, M. Shorthouse a répondu que les TI-06 sont presque toujours d’anciens agents d’application de la loi. Il y a beaucoup d’anciens agents de police, tant au COSM qu’à Vancouver. Ces personnes ont une vaste expérience en matière d’application de la loi. Par exemple, certains ont dix ou vingt ans d’expérience en tant qu’agents de police à Vancouver ou au Royaume-Uni, ou de l’expérience à titre d’agents d’application de la loi auprès de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. La principale différence par rapport au poste d’analyste est que les inspecteurs comprennent réellement bien les aspects techniques de la réglementation, c’est-à-dire ce en quoi consiste le respect de la réglementation et la manière de s’assurer que les navires et les ports y sont conformes. Ils sont les experts en matière de vulnérabilité et de risques matériels.

[116] M. Shorthouse n’a pas pu indiquer le nombre exact d’inspecteurs TI-06 que comptait la région. En contre-interrogatoire, il a reconnu ne pas avoir examiné les antécédents du nombre total d’environ vingt inspecteurs TI-06 que comptait la liste des SAGE concernant la région du Pacifique de l’intimé pour déterminer s’ils avaient travaillé dans le domaine de l’application de la loi. En contre-interrogatoire, il a déclaré qu’au chapitre de l’application de la loi, l’exigence relative au poste d’inspecteur TI-06 était d’avoir acquis de l’expérience en matière d’application de la réglementation. Il incombait au gestionnaire d’embauche de décider si le fait d’avoir été un agent d’application de la loi proprement dit était une exigence à remplir.

[117] Il a dit de l’analyste que celui-ci reste assis à son bureau et évalue des renseignements, une tâche qui requiert un ensemble de compétences nettement différent de celui de l’inspecteur. Pour le poste d’analyste, l’ensemble de compétences requis à ce moment-là comportait la détention d’un diplôme universitaire. Les fonctions comprenaient une bonne part de recherches, d’analyses et d’évaluations d’éléments de renseignement contradictoires. Il était nécessaire d’avoir une grande expérience sur le plan de la capacité de produire des renseignements susceptibles de mener à la prise d’une action particulière ou à la tenue d’une séance d’information, à l’intention d’un sous-ministre ou d’un groupe de sous-ministres.

[118] Il a dit que l’ensemble de compétences et l’expérience qu’exigeait le travail d’inspecteur TI-06 étaient si différents de ceux qui étaient exigés d’un analyste qu’ils étaient presque comme [traduction] « des pommes et des oranges », et qu’il n’y avait aucun lien entre eux. Le poste TI-06 nécessitait des connaissances liées au fait de travailler sur le terrain et d’examiner des documents afin de s’assurer qu’ils étaient légitimes et non frauduleux. Les inspecteurs étaient des experts en matière de réglementation et en matière d’application de la règlementation.

[119] M. Shorthouse a déclaré que, dans le cas des inspecteurs TI-06, une journée caractéristique se passait principalement sur le terrain, à effectuer des inspections. Ils pouvaient monter à bord de différents navires de croisière et se rendre dans des ports en vue d’évaluer la sécurité. Ils procédaient à des entretiens, examinaient l’infrastructure et veillaient à ce que des contrôles d’accès soient en place. Ils retournaient ensuite au bureau et rédigeaient un rapport post mortem, s’occupaient des problèmes de conformité et y donnaient suite.

[120] Selon son expérience, connaître la réglementation applicable ne suffit pas. Il a dit de lui-même qu’il avait une connaissance très solide de la réglementation grâce à ses six années de travail comme analyste, mais qu’il lui fallait quand même soumettre encore à un inspecteur ses questions concernant la réglementation. Il a ajouté que l’application de la loi et les mesures à prendre sur ce plan étaient un savoir-faire différent de celui de l’analyste.

[121] Pour ce qui était de la question de savoir si, à titre d’analyste PM-04, il était possible de parfaire ses compétences de manière à pouvoir accéder à un poste de TI-06, M. Shorthouse a déclaré n’avoir jamais été témoin d’une telle progression dans un sens ou dans l’autre, c’est-à-dire un analyste qui deviendrait inspecteur ou vice versa. Il a souligné qu’à bien des égards, il s’agissait de postes très [traduction] « opposés ». L’un s’occupait du renseignement et l’autre de l’application de la réglementation. Dans le cas d’un analyste, les compétences requises avaient trait à la rédaction, à l’évaluation et aux séances d’information; dans le cas d’un TI-06, les compétences requises étaient liées au fait de se rendre dans un port ou de monter à bord d’un navire, de vérifier si tout était conforme et de prendre ensuite, le cas échéant, des mesures d’application. Il a constaté que, même en travaillant avec les inspecteurs faisant partie de son équipe, les analystes travaillaient fort peu avec les TI-06.

[122] M. Shorthouse a également déclaré que, selon son expérience, il n’avait jamais vu un analyste se voir offrir un poste d’inspecteur TI-06 à titre intérimaire. Il a convenu avec l’avocat du plaignant qu’il pouvait y avoir assez régulièrement des affectations intérimaires et qu’elles pouvaient aider une personne à améliorer ses perspectives de carrière. Il a ajouté que ces affectations duraient généralement moins de quatre mois. Il ignorait s’il se pouvait qu’un analyste soit nommé à titre d’inspecteur TI-06 intérimaire. Il pensait que la probabilité que cela survienne dépendrait de la concurrence, mais il a dit qu’il était fort peu probable qu’une personne soit nommée TI-06 à titre intérimaire sans que l’on recoure à un processus annoncé. Il a ajouté qu’un inspecteur TI-06 devait détenir des pouvoirs délégués, ce qui prenait au moins six mois à obtenir. Sans ces pouvoirs, la personne ne pouvait pas réellement s’acquitter des fonctions et des obligations inhérentes au travail d’un inspecteur TI-06. En réponse à ma question, M. Shorthouse a répondu que Transports Canada nommerait un intérimaire pour certains postes, la règle générale étant que l’absence du titulaire devait être de plus de trois jours. Un intérimaire n’était habituellement pas nommé en vue de combler une absence pour cause de maladie.

[123] On lui a demandé de commenter la possibilité qu’une personne soit embauchée comme analyste PM-04 en août 2006 et ensuite nommée inspecteur TI-06 le 1er janvier 2007. M. Shorthouse a présumé que la progression proposée ne serait pas fondée sur le poste d’analyste, parce que les compétences dont avait besoin un analyste et que celui-ci perfectionnerait n’étaient pas celles sur lesquelles on s’appuierait pour devenir inspecteur. Aucune fonction n’est commune aux deux postes, et ceux-ci requièrent des compétences très différentes.

[124] En contre-interrogatoire, quand on lui a demandé s’il disait qu’il était impossible qu’un analyste devienne un inspecteur TI-06, M. Shorthouse a répondu qu’avec une expérience et des titres de compétence appropriés, rien n’était impossible. Il a convenu qu’il ne connaissait pas personnellement le plaignant, qu’il n’était pas au courant de ses antécédents, de son expérience, de ses études ou de ses connaissances, et qu’il n’était donc pas en mesure de dire si le plaignant aurait pu devenir inspecteur après avoir travaillé comme analyste.

[125] M. Shorthouse a également déclaré en contre-interrogatoire qu’il n’avait jamais travaillé comme inspecteur et qu’il basait son témoignage concernant le poste d’inspecteur sur les observations qu’il avait faites en travaillant avec les quatre inspecteurs que comptait l’équipe du COSM, et qui se trouvaient de l’autre côté de la pièce par rapport à lui. Il ne les accompagnait pas lors d’une inspection. Il a aussi fondé son témoignage sur l’expérience qu’il avait acquise en travaillant en étroite collaboration avec les inspecteurs régionaux en poste à Vancouver, mais sans toutefois les observer personnellement. Il a aussi acquis des informations sur le poste d’inspecteur à cause du rôle que jouent les analystes en fournissant des services de soutien du renseignement pour un élément particulier des fonctions des inspecteurs, soit l’inspection des navires et des ports. Les analystes fournissaient aux inspecteurs des évaluations de menace. Pour répondre aux besoins de leurs clients, les analystes devaient savoir ce que les inspecteurs faisaient et les responsabilités qu’ils assumaient. M. Shorthouse a convenu en contre-interrogatoire que les analystes avaient une assez bonne connaissance du travail que faisaient réellement les TI-06.

[126] M. Shorthouse a déclaré qu’à la date de l’audience, le poste d’inspecteur TI-06 comportait deux exigences en matière d’études : soit un diplôme d’études postsecondaires, qui devait être un diplôme universitaire tel qu’un baccalauréat, soit une combinaison d’études et d’expérience, ce qui comprenait une expérience plus pertinente ainsi que des études assimilables à celles menant à l’obtention d’un diplôme. Il n’y avait aucune preuve indiquant que le diplôme ou les études devaient être liés aux fonctions du poste.

[127] Il a déclaré que dans l’avis de déploiement de TI-06 de 2008 qui s’appliquait à un processus de dotation prenant fin le 8 octobre 2008 (pièce C-14), les qualifications essentielles étaient un diplôme d’études secondaires ou un diplôme équivalent décerné par un établissement d’enseignement canadien. Il s’agissait là des qualifications qui étaient requises en 2008. Il ignorait à quel moment cela avait changé.

[128] En contre-interrogatoire, on a aussi posé des questions à M. Shorthouse sur les exigences essentielles en matière d’études qui s’appliquaient en 2008 au poste d’analyste PM-04, et plus précisément sur l’ajout de la détention d’un diplôme universitaire à la liste des qualifications essentielles. M. Shorthouse a convenu que si une personne ne détenant pas un diplôme universitaire avait été nommée à un poste d’analyste avant 2008, l’absence de diplôme universitaire n’aurait pas eu d’incidence sur son emploi.

[129] Il a dit ne pas souscrire à l’argument de l’avocat du plaignant selon lequel les exigences en matière d’études d’un poste peuvent parfois différer, selon que le processus de dotation est externe ou interne. Il a dit qu’il n’y avait pas de différence.

B. Mme Lea-Anne Domae

[130] Mme Lea-Anne Domae s’est jointe à Transports Canada en 2011. Elle occupait le poste de gestionnaire des Services de ressources humaines (RH) pour la région du Pacifique, c’est-à-dire la Colombie-Britannique. Elle était chargée d’une équipe de deux conseillers et d’un adjoint, tous trois en RH. L’équipe fournissait à ses clients de la région du Pacifique des services de dotation en personnel, des services de réaménagement des effectifs, des services de relations de travail et d’autres services de RH de nature générale. Elle était la personne chargée des services de dotation en personnel et de réaménagement des effectifs pour l’intimé, dans la région du Pacifique.

[131] Mme Domae a témoigné qu’à titre de gestionnaire des services de RH, elle s’était familiarisée avec des postes tels que ceux d’analyste et d’inspecteur TI-06 dans le secteur de Victoria. En contre-interrogatoire, elle a reconnu qu’elle n’avait pas une connaissance personnelle des faits liés aux processus de dotation en personnel visés par la présente plainte, soit le concours relatif aux postes d’analyste de 2005-2006 et les concours relatifs aux postes d’inspecteur TI-06 de 2005-2007, appelés collectivement les « concours ». Si elle était au courant de ces concours c’était parce que, à titre de gestionnaire régionale chargée de la dotation en personnel, elle était généralement au fait de la majorité des mesures de dotation en personnel qui avaient lieu et de celles qui avaient eu lieu antérieurement dans la région du Pacifique. Elle a déclaré que l’intimé conservait ses dossiers de dotation pendant au moins cinq ans. Elle connaissait donc bien les dossiers et les résultats des concours, et elle était au courant des cheminements de carrière des personnes que l’intimé avait nommées à la suite de ces concours.

[132] Mme Domae a déclaré que tous les postes de la Fonction publique comportaient une exigence en matière de cote de sécurité ou de fiabilité en tant que condition d’emploi, ce qui voulait dire qu’avant d’être embauchée, une personne était tenue de satisfaire à cette exigence. Il ne s’agissait pas d’un critère de mérite, et les vérifications de sécurité étaient établies après que l’intimé avait sélectionné les candidats qu’il souhaitait embaucher, mais avant de procéder à leur embauche proprement dite. En 2006, les postes d’analyste exigeaient une cote « Secret »; à l’époque de son témoignage, la cote exigée était « Très secret ».

[133] Lors du concours relatif aux postes d’analyste de 2006, six personnes ont été considérées comme aptes à être nommées à un poste d’analyste. L’intimé les a inscrites sur une liste d’admissibilité. Sur ces six personnes, une a refusé le poste et une autre n’a pas répondu à l’exigence en matière de sécurité. Entre les mois de mai et d’octobre 2006, l’intimé a nommé les quatre personnes encore inscrites sur la liste d’admissibilité.

[134] Mme Domae a déclaré qu’à la date de l’audience, l’intimé n’employait plus aucune des quatre personnes nommées, et elle a ensuite décrit ce qui s’était passé dans le cas de chacune d’entre elles.

[135] Mme Domae a indiqué que le budget fédéral de 2010 contenait un programme appelé « Plan d’action pour la réduction du déficit », qui obligeait à réduire la taille de la fonction publique, une mesure connue sous le nom de « réaménagement des effectifs ». Le COSM était tenu de réduire le nombre de ses analystes de sept à cinq, et il a donc fallu en mettre deux à pied.

Pour ce qui était des six postes d’inspecteur TI-06 qui existaient à l’époque, il était nécessaire de les réduire à quatre.

[136] L’employé F avait été nommé au poste d’analyste en mai 2006 et, en février 2008, il a accepté d’être muté à l’Agence de sécurité publique et a quitté l’intimé.

[137] L’employée E avait été nommée au poste d’analyste en juin 2006 et elle a occupé techniquement ce poste jusqu’en août 2014. À la suite des mesures de réaménagement des effectifs, cette employée s’est portée volontaire en 2012 pour un programme de mise à pied qui incluait l’octroi d’un congé sans solde de 2012 à 2014. Quand l’employée E a été mise à pied, elle a choisi une option lui donnant droit à un paiement forfaitaire de 60 000 $, indiqué sur un feuillet T4 applicable à l’année 2012 (pièce C-20). En 2014, après deux années de congé sans solde, l’employée E toucherait sa dernière indemnité de départ, qui inclurait le paiement en espèces représentant les heures accumulées qui lui restaient, la période de congé restante ainsi qu’une indemnité de départ d’un montant d’environ 4 000 $.

[138] Les analystes visés par l’Entente de réaménagement des effectifs, qui faisait partie de la convention collective, disposaient de plusieurs options s’ils étaient mis à pied, dont une appelée « mesure de soutien à la transition », qui comportait le versement d’un paiement forfaitaire ainsi qu’un départ volontaire de la fonction publique. Le paiement forfaitaire que l’employée E a reçu était fondé sur ses années de service. Mme Domae ignorait combien d’années de service l’employée E avait accumulées.

[139] L’employé G a été nommé au poste d’analyste en août 2006 et il a occupé son poste jusqu’au 26 octobre 2008, date à laquelle il a accepté plusieurs affectations à son niveau. Il a par la suite accepté quelques affectations intérimaires à titre d’agent de l’environnement au sein d’une direction différente. En 2012, il a pris un congé sans solde. Au cours de la même année, les mesures de réaménagement des effectifs ont aussi touché cet employé, qui s’est porté volontaire pour être mis à pied. L’option que l’employé G a choisie a mené à son départ volontaire en juin 2012.

[140] L’employée C a été embauchée à titre d’analyste en octobre 2006 et elle a occupé ce poste jusqu’au 29 août 2009. Elle a ensuite pris deux périodes de congé sans solde, suivies d’un congé parental de sept mois. Aussitôt après, elle a déménagé et a pris un congé de réinstallation d’une durée de cinq ans. Cette employée est toujours au service de Transports Canada, mais elle n’occupe plus un poste au COSM. À la date de l’audience, cette employée avait un statut de bénéficiaire de priorité au sein de la fonction publique. Si, au mois de mars 2016, l’employée C n’était pas nommée à un poste dans la Fonction publique, elle serait mise à pied.

[141] Dans son témoignage, Mme Domae a identifié un tableau nommant les sept analystes en poste auxquels Transports Canada avait envoyé une lettre en avril 2012 pour leur annoncer qu’ils seraient touchés par les mesures de réaménagement des effectifs. Elle a déclaré que dans la fonction publique, les mises à pied étaient fondées sur le mérite, et non sur l’ancienneté. Essentiellement, les personnes considérées comme les [traduction] « plus méritantes » étaient conservées, et les [traduction] « moins méritantes » étaient mises à pied.

[142] En juin 2012, l’intimé a informé les cinq analystes restants qu’ils ne seraient pas mis à pied parce que les deux premiers analystes s’étaient portés volontaires pour une mise à pied et qu’il avait de ce fait opéré les coupures qu’on lui avait imposées.

[143] Mme Domae a identifié des pièces concernant les deux analystes qui s’étaient portés volontaires pour une mise à pied (les employés E et G), c’est-à-dire des documents indiquant les options que ces employés avaient choisies, ainsi que l’approbation écrite de l’intimé.

[144] Pour ce qui était de la section des inspecteurs TI-06, il y avait déjà deux postes vacants. Mme Domae a déclaré que l’intimé avait répondu à l’objectif des réductions sans mettre à pied des TI-06, c’est-à-dire en supprimant les deux postes vacants.

[145] Mme Domae a parlé de l’avis de déploiement de TI-06 de 2008 (pièce C‑14). Ce document invitait les personnes occupant un poste au sein de la fonction publique, au niveau TI-06 ou à un niveau équivalent, à présenter leur candidature. Elle a dit qu’un déploiement ressemblait à une demande de mutation. Le niveau TI-06 nécessitait une cote de sécurité de niveau « Secret ». Dans le cadre du concours qui a suivi, l’intimé n’a nommé personne car aucun des candidats ne répondait aux qualifications relatives au poste d’inspecteur.

[146] Mme Domae a comparé l’avis de déploiement de TI-06 de 2008 à l’énoncé des critères de mérite qui s’appliquait au concours relatif aux postes d’analyste de 2005-2006. Elle a indiqué que le groupe des inspecteurs techniques était une catégorie tout à fait différente du groupe des analystes. L’avis de déploiement de TI-06 de 2008 énonçait les qualifications relatives à un poste d’inspecteur opérationnel dont Transports Canada avait besoin. Par exemple, un poste TI nécessitait des qualifications liées à des tâches d’enquête et d’inspection. Ces qualifications étaient différentes de celles qui étaient exposées dans un énoncé des critères de mérite concernant les analystes. L’analyste était un gestionnaire de programme qui effectuait des tâches de renseignement. Ce travail nécessitait des qualifications tout à fait différentes, c’est-à-dire des qualifications relatives à l’analyse de renseignements ainsi qu’à la rédaction de rapports. Mme Domae a déclaré que les deux postes comportaient des qualifications très différentes, en raison du travail à effectuer.

[147] Quand on lui a demandé s’il se pouvait qu’un analyste soit déployé à un poste d’inspecteur TI-06, Mme Domae a répondu qu’un inspecteur TI-06 se trouvait dans une catégorie d’employés tout à fait différente. Il s’agissait d’un inspecteur de niveau opérationnel – le premier niveau d’inspecteur à Transports Canada. Pour pouvoir exercer les fonctions d’inspecteur TI-06, il était nécessaire d’avoir acquis l’expérience nécessaire, d’avoir suivi la formation dispensée par le ministère et d’obtenir de ce dernier la délégation requise pour pouvoir procéder à des inspections pour son compte.

[148] Mme Domae a expliqué que pour pouvoir s’acquitter de toutes les fonctions d’inspection inhérentes à un poste de TI-06, il était nécessaire d’avoir suivi avec succès une formation et d’obtenir la délégation ministérielle requise pour procéder aux inspections. La formation durait habituellement entre un et deux ans. En contre-interrogatoire, elle a déclaré que, dans certains cas, la personne nommée occupait au départ le poste et suivait ensuite la formation prescrite en vue d’obtenir l’autorisation de délégation nécessaire.

[149] Pour ce qui était de la possibilité qu’un analyste obtienne une affectation intérimaire à titre d’inspecteur TI-06, Mme Domae a déclaré que cela ne se faisait habituellement pas. À cause des exigences en matière d’expérience et de délégation de pouvoirs à remplir en vue de procéder à des inspections, les postes d’inspecteur TI-06 n’étaient habituellement pas des postes auxquels Transports Canada pouvait affecter des intérimaires; le poste TI‑06 était le premier niveau opérationnel du poste d’inspecteur. Elle a déclaré que les TI‑06 pouvaient avoir des possibilités d’intérim au niveau TI-07 ou TI-08. En réponse à ma question quant au fait de savoir si un analyste pouvait être nommé TI-06 par intérim, Mme Domae a indiqué qu’elle n’était au courant d’aucun cas de ce genre, parce que les analystes n’avaient pas l’expérience requise. Essentiellement, un analyste n’agirait pas comme inspecteur, parce qu’il ne s’agissait pas du travail que faisaient les analystes. Elle a reconnu ne pas être au courant de ce que l’intimé avait pu faire sur le plan des affectations intérimaires en 2006 et en 2007 car, à cette époque, elle n’était pas à son service.

[150] Des questions ont été posées à Mme Domae à propos de son témoignage selon lequel l’employé G avait eu quelques affectations intérimaires à titre d’agent de l’environnement après l’année 2008. Elle a déclaré en contre-interrogatoire que de telles affectations temporaires pouvaient avoir lieu pour des raisons différentes, mais qu’elle ne connaissait pas les détails concernant la manière dont les affectations intérimaires de l’employé G avaient eu lieu. Elle a émis l’hypothèse qu’étant donné que cet employé avait agi en tant que « PC », c’est-à-dire spécialiste des sciences physiques au sein du groupe scientifique de l’intimé, il possédait le degré d’études et les qualifications requises pour accomplir des tâches environnementales.

[151] Dans un contre-interrogatoire additionnel, Mme Domae a déclaré qu’elle ne connaissait aucun analyste qui avait été nommé au poste d’inspecteur TI-06 par intérim. Elle a dit aussi que l’intimé ne nommait des intérimaires qu’en cas d’absences, par exemple à cause d’un congé ou pour une autre raison. De plus, étant le premier niveau opérationnel d’inspection, le poste d’inspecteur TI-06 n’était pas un poste auquel l’intimé aurait affecté un intérimaire. Les inspecteurs s’appuyaient habituellement les uns les autres dans le cas d’une absence. Un inspecteur avait besoin de pouvoirs délégués pour faire le travail, des pouvoirs pour lesquels il y avait une formation à suivre. Sans cette formation, la personne ne pouvait pas agir comme intérimaire. En contre-interrogatoire, Mme Domae a aussi reconnu qu’elle n’aurait pas su ce que l’intimé avait fait au sujet des affectations intérimaires en 2006-2007, une époque où elle n’était pas au service de Transports Canada.

[152] Quand on lui a demandé si, selon son expérience, il était normal ou inusité qu’un analyste finisse par devenir un inspecteur TI-06, Mme Domae a répondu que ce n’était pas courant à cause de la grande différence qu’il y avait entre les activités. Il y avait même des unités de négociation différentes dans la convention collective. Elle a expliqué qu’un « PM » était une catégorie administrative et de programme, et que les « TI » étaient des catégories techniques. Les TI étaient des inspecteurs et des enquêteurs qui effectuaient des tâches concrètes, qui veillaient au respect des lois et des règlements et qui imposaient des sanctions. Selon elle, il s’agissait d’un travail tout à fait différent de celui des analystes.

Mme Domae a déclaré qu’aucun des TI-06 que comptait à ce moment-là le COSM n’avait été analyste auparavant et que, d’après son expérience générale, elle ignorait si des TI avaient déjà travaillé comme analystes. Elle a reconnu en contre-interrogatoire qu’elle ne pouvait pas faire de commentaires sur la question de savoir si les éléments qui précèdent se seraient nécessairement appliqués au plaignant.

[153] Mme Domae a indiqué que la pièce R-15 était un tableau qui décrivait les processus de dotation en TI qui avaient eu lieu de 2006 à 2010. Ce document montrait le nombre de jours au cours desquels un avis d’emploi était affiché, combien de candidats il y avait dans le cadre de chaque processus, le nombre de personnes sélectionnées ou présélectionnées au premier point d’élimination, le nombre de personnes considérées comme qualifiées, c’est-à-dire celles qui répondaient à la totalité des exigences du poste, de même que le nombre de personnes « nommées », c’est-à-dire les candidats que l’intimé avait effectivement embauchés. Certains de ces processus de dotation étaient de nature externe.

[154] La terminologie avait changé en 2005 : « CO » voulait dire Concours ouvert, c’est‑à‑dire ouvert au public; « NE », pour Nomination externe, avait remplacé « Concours ouvert ». Les processus de sélection par voie de NE étaient ouverts au public.

[155] Mme Domae a identifié des concours externes tenus en 2007, 2008, 2009 et 2010 pour des postes de TI-06. Les concours tenus en 2008 et en 2009 ont duré jusqu’en 2010, mais ils n’ont constitué qu’un seul processus chacun.

[156] Le concours de 2010 était à la fois un processus de NI (nomination interne) et de NE (nomination externe), c’est-à-dire qu’il s’agissait d’un processus simultanément interne et externe. L’intimé avait donc lancé un avis qui s’adressait aux employés de la fonction publique du Canada tout entier, ainsi qu’au grand public à l’échelle nationale. Il y avait eu 1 800 candidats dans le cadre du processus de 2010. Ce dernier s’appliquait à plusieurs niveaux, mais il incluait les TI-06.

[157] Mme Domae a décrit la première étape d’examen comme étant ce que l’intimé appelait le processus de « sélection », qui ressemblait à la présélection de candidats. Cette étape consistait habituellement à évaluer les demandes écrites par rapport aux critères d’études et d’expérience relatifs aux postes. Ceux qui répondaient au premier critère étaient considérés comme « sélectionnés », ou présélectionnés, et ils passaient ensuite à l’étape d’évaluation suivante. La sélection préliminaire menait à un nombre de candidats qui était supérieur au nombre de candidats qui se qualifiaient au bout du compte.

[158] Le processus d’embauche comportait ensuite d’autres étapes, comme des examens, des entretiens et des vérifications des références. À chaque étape, suivant les résultats de cette dernière, on décidait de conserver un candidat pour la course au poste, ou de l’éliminer. Il s’agissait habituellement d’un processus d’évaluation en plusieurs étapes et, à chaque stade, des candidats étaient éliminés jusqu’à ce que l’intimé finisse par obtenir un bassin de candidats qualifiés.

[159] Le plus souvent, les candidats subissaient des tests de connaissances. Il arrivait très souvent que l’intimé recoure à un ou plusieurs tests normalisés. Transports Canada se servait des tests normalisés du Centre de psychologie du personnel (CPP). Il y avait toujours un entretien.

[160] L’étape finale était habituellement celle de la vérification des références. Les candidats étaient soumis à des évaluations à diverses étapes et, essentiellement, s’ils répondaient aux exigences d’une étape, ils passaient ensuite à la suivante.

[161] L’intimé évaluait également les « qualifications constituant un atout »; celles-ci n’étaient pas forcément des exigences, mais des qualifications souhaitables à détenir et qui aidaient à exécuter les fonctions. Ces qualifications pouvaient être invoquées en tout temps au cours du processus, du début jusqu’à la fin, et l’examen des atouts était, pour l’intimé, une autre façon d’évaluer l’admissibilité des candidats à l’emploi.

[162] Quand on lui a demandé s’il y avait des différences et des difficultés entre le fait d’être capable d’obtenir un poste à titre d’employé fédéral et le fait d’obtenir un poste en étant candidat de l’extérieur, Mme Domae a déclaré que non. Elle a donné à titre d’exemple le concours de TI‑06 de 2010, qui comportait simultanément un processus interne et un processus externe, et qui avait eu recours, pour chaque processus, au même énoncé des critères de mérite. Tous les candidats avaient été évalués en fonction des mêmes critères, et les mêmes outils d’évaluation avaient été utilisés du début jusqu’à la fin.

[163] Le témoignage de Mme Domae a inclus des descriptions de postes de spécialiste au sein du groupe TI, à la Direction des opérations de la sûreté maritime, à Victoria. Cette entité comptait un poste d’inspecteur TI-05, expressément créé pour se spécialiser et mettre l’accent sur la conformité des petits bâtiments. Le poste obligeait son titulaire à détenir un certificat d’aptitude en matière de petits bâtiments. Il y avait un poste d’inspecteur d’électricité TI-06, qui obligeait les candidats à détenir un diplôme en génie électrique, ou un diplôme ou un certificat en technologie de l’électricité connexe. Victoria comptait également six inspecteurs de l’aviation civile, dont les postes étaient spécialisés en aéronautique. Ils devaient détenir une licence en techniques de maintenance des aéronefs, avoir suivi des études dans ce domaine et posséder une expérience des produits aéronautiques pour pouvoir effectuer ce type d’inspection.

[164] À Vancouver, Transports Canada comptait aussi de nombreux postes d’inspecteurs spécialisés, qui nécessitaient des qualifications spécialisées, mais elle ignorait combien il y en avait. Elle a confirmé qu’il y avait quelques postes d’inspecteur TI-06 qui ne nécessitaient pas une formation spécifique, comme le poste d’inspecteur régional des transports.

[165] Il a été demandé à Mme Domae si, selon son expérience, le test de connaissances destiné aux inspecteurs TI-06 était le même que celui que l’on faisait passer aux analystes. Elle a répondu que non, et que ces tests seraient tout à fait différents étant donné que le poste d’analyste comportait, sur le plan des connaissances, des qualifications très différentes de celles d’un poste d’inspecteur TI. Un analyste devait connaître les techniques de recherche et d’analyse, ainsi qu’avoir des connaissances liées à la sécurité, au renseignement et à la sécurité en matière de transport. Un TI-06 devait connaître les lois et les règlements applicables à son travail d’inspection, les processus d’enquête et les processus judiciaires et quasi judiciaires auxquels il aurait affaire, ainsi que les sanctions à imposer en cas de non-respect.

[166] Quand on lui a demandé si les résultats d’un test de connaissances écrit pour l’un des processus relatifs aux TI-06 pouvaient servir à un futur processus relatif aux TI-06, ou s’il fallait que le candidat passe de nouveau le test, Mme Domae a tout d’abord répondu que, dans la fonction publique, chaque processus de dotation est indépendant. Dans un autre processus relatif aux TI-06, l’intimé créerait de nouveaux outils d’évaluation. Il pouvait concevoir un processus tout à fait différent, en se fondant sur les lacunes relevées dans le bassin de candidats ou sur les besoins futurs. Par exemple, dans un test des connaissances, le critère des connaissances ou celui des aptitudes pouvaient être rédigés exactement de la même manière, mais être évalués d’une façon tout à fait différente, suivant les besoins du moment. Les RH gardaient également à l’esprit que si un candidat avait passé le test depuis peu, on changeait ce dernier juste pour essayer d’uniformiser les règles du jeu.

[167] Les résultats du test de connaissances écrit que le plaignant a passé le 29 novembre 2005 pour le poste d’inspecteur TI-06 ressemblaient, selon elle, à ceux d’un test que l’intimé avait lui-même mis au point, et non d’un test du CPP, parce que ce dernier avait son propre modèle. Mme Domae a confirmé qu’un test du CPP, qui était habituellement normalisé, comportait une période de validité. Selon elle, les candidats pouvaient se servir des résultats obtenus jusqu’à une certaine date, ou jusqu’à ce qu’ils décident de repasser le test. Je signale que la preuve a établi qu’après l’expiration de la date de validité, le candidat devait repasser le test s’il souhaitait se servir des résultats dans le cadre d’un autre concours. Il pouvait décider de repasser le test avant la fin de la période de validité.

[168] Mme Domae a déclaré qu’il était possible que l’on réutilise les résultats du test de connaissances dans le cadre d’un processus de sélection ultérieur si le gestionnaire d’embauche décidait à court terme d’évaluer les critères exactement de la même façon, en se servant exactement des mêmes outils. Cela serait toutefois inusité car les gestionnaires voulaient s’assurer de ne pas utiliser de nouveau les mêmes outils d’évaluation, surtout dans le cas des candidats qui avaient pris part au processus de sélection précédent.

[169] Mme Domae a aussi déclaré qu’au cours de l’année, les analystes effectuaient du temps supplémentaire. Dans le passé, ils travaillaient par quarts et ils auraient reçu des primes de quart et de fin de semaine, dont le montant varierait suivant le quart. L’intimé attribuait le temps supplémentaire en fonction des personnes qui étaient intéressées à en faire et qui étaient disponibles. Habituellement, au cours des dernières années, les primes de temps supplémentaire avaient varié de 3 000 $ à 7 000 $ par année. Entre les années 2008 et 2010, qui précédaient les Jeux olympiques, les tâches de sécurité avaient augmenté, et les analystes avaient gagné en moyenne un montant d’environ 10 000 $ à 12 000 $ par année en temps supplémentaire.

[170] Mme Domae a parlé de M. TS, un agent de la sécurité nautique au service de Transports Canada, à Victoria. Dans le cadre des mesures de réaménagement des effectifs, son poste avait été éliminé en 2012. L’intimé cherchait des moyens de le garder, de même que ses collègues, à son service. Il essayait de faire tout ce qui était possible pour conserver ses employés. Transports Canada était parvenu à transférer un poste de TI-04 vacant de la région de l’Atlantique au COSM et d’y affecter M. TS. Un poste de TI-04, c’est-à-dire un poste d’inspecteur de niveau inférieur et subalterne, était comparable à celui d’un TI-06. L’intimé avait besoin d’effectuer des tâches supplémentaires en lien avec les petits bâtiments et, grâce à l’expérience qu’il avait acquise sur le plan de la conformité, de l’inspection, des enquêtes et de l’application de la loi dans le domaine des petits bâtiments, TS convenait bien au poste. En fin de compte, Transports Canada a pu l’affecter à ce poste et n’a pas dû le mettre à pied en 2012. Dans le cadre d’un processus non annoncé, l’intimé l’a plus tard nommé à un poste d’inspecteur TI-06, un poste qu’il occupait encore à la date de l’audience.

[171] En contre-interrogatoire, Mme Domae a déclaré que l’intimé savait directement que TS travaillait pour Transports Canada depuis sa nomination. Dans son cas, comme le poste de TI-04 ne faisait pas régulièrement partie du COSM, l’intimé avait dû le transférer. Il ne lui était pas permis de le créer.

[172] Mme Domae a également expliqué comment fonctionnait le système des cotes de sécurité. Une fois que l’intimé constatait qu’un candidat répondait aux critères de mérite, celui-ci devait quand même répondre à diverses conditions d’emploi non fondées sur le mérite avant qu’il puisse le nommer. Parmi ces conditions figuraient les suivantes : obtenir la cote de sécurité, confirmer sa disposition à effectuer des déplacements, à effectuer de nombreuses heures de temps supplémentaires et à travailler dans des espaces clos, prouver que l’on détenait un permis de conduire valide, subir un examen médical, et remplir les autres conditions d’emploi. Dans les cas où les personnes considérées avaient besoin de la cote de sécurité « Secret » ou « Très secret », c’était la GRC et le SCRS qui procédaient aux vérifications et qui fournissaient les renseignements nécessaires à l’intimé, lequel décidait en fin de compte s’il y avait lieu d’accorder la cote ou non. Mme Domae a déclaré que quand la cote de sécurité des analystes était passée de « Secret » à « Très secret », vers 2007-2008, l’intimé avait réévalué les analystes qui étaient en poste en vue de l’obtention de la cote « Très secret ».

[173] Mme Domae a reconnu en contre-interrogatoire qu’elle ne connaissait pas le plaignant et qu’elle n’avait aucune connaissance directe de ses qualifications et de son expérience, hormis ce qu’elle avait appris en consultant les dossiers. Elle a également reconnu qu’elle ne pouvait pas faire de commentaires précis sur le fait de savoir s’il aurait pu passer d’un poste d’analyste à un poste d’inspecteur TI-06.

[174] Mme Domae savait que l’intimé avait nommé deux personnes aux deux postes d’analyste restants, mais elle ignorait à quel moment ou de quelle façon ces postes avaient été pourvus.

[175] Mme Domae a parlé de l’employé M. Elle n’était pas sûre que cet employé était l’un de ceux que l’intimé avait nommés aux deux postes d’analyste restants.

[176] Mme Domae a déclaré que l’employé M s’était joint à Transports Canada à titre d’UM‑7, une catégorie utilisée par le Centre de la sécurité des télécommunications et équivalente au groupe PM. En 2008, Transports Canada avait pu déployer M à un poste d’analyste PM-04. Cet employé avait une vaste expérience du renseignement militaire, et il avait travaillé avec le ministère de la Défense nationale et de nombreux autres organismes du renseignement dans le cadre de plusieurs projets de renseignement. En 2011, M avait passé avec succès un processus de sélection de PM-05. Il avait aussi été chargé de diriger plusieurs équipes de projet de renseignement, un travail qui était semblable à celui qu’il avait fait plus tard au poste de PM-06. Lorsqu’il a été nommé PM-06, M détenait un baccalauréat et une maîtrise.

[177] À la date de l’audience, le COSM comptait quatre analystes de niveau PM-04, plus un poste vacant. Ces chiffres ne tenaient pas compte des postes disponibles ailleurs dans la région du Pacifique. Les quatre postes d’inspecteur TI-06 du COSM étaient pourvus.

[178] Mme Domae a confirmé en contre-interrogatoire qu’aucun des inspecteurs actuellement en poste n’avait été touché par les mesures de réaménagement des effectifs.

[179] Il a été demandé à Mme Domae en contre-interrogatoire à quels postes et à quel endroit dans la région du Pacifique travaillaient les vingt-six inspecteurs qui avaient été nommés au cours de la période de 2006 à 2010. Elle a répondu qu’elle ignorait le nombre actuel de TI-06 dans la région. Elle a ajouté que le nombre total de vingt-six inspecteurs dont faisait état le tableau qu’elle avait établi ne constituait pas un total cumulatif. Les données du tableau pouvaient représenter des nominations et des vacances liées à l’attrition, et pas nécessairement à une croissance. Il pouvait y avoir toutes sortes de raisons pour lesquelles l’intimé avait pourvu ces postes d’inspecteur. Les données de Mme Domae ne contenaient aucune ventilation entre l’attrition et l’embauche de remplacement, par opposition à l’embauche d’employés additionnels.

[180] Le processus de dotation qui a été lancé en 2010 pour les postes d’inspecteur TI-06 était un processus à plusieurs niveaux et de grande envergure, et il s’est étalé sur deux ans. L’intimé avait encore des bassins de recrutement actifs qui découlaient de ce processus à certains des niveaux, et c’était la raison pour laquelle, à la date où l’audience a eu lieu, il n’y avait eu aucun autre processus de dotation depuis 2010.

[181] Quand on lui a demandé en contre-interrogatoire s’il y avait des situations dans lesquelles il pouvait y avoir des exigences différentes entre les processus de dotation internes et externes, Mme Domae a répondu que cela dépendait en fait des besoins du gestionnaire d’embauche à ce moment-là. Ce gestionnaire pouvait fixer les qualifications en se fondant sur les besoins du moment où à venir, et ces besoins étaient les éléments sur lesquels les qualifications seraient fondées.

[182] Mme Domae a confirmé en contre-interrogatoire que, au cours de la période de 2005 à 2008, une seule nomination d’inspecteur intérimaire avait été faite et trois processus de dotation d’inspecteur externes et non annoncés avaient eu lieu. Elle a expliqué qu’un processus de dotation externe et non annoncé voulait dire qu’il était tenu sans concours. On y recourait, en général et le plus souvent, pour combler une pénurie importante. Les candidats étaient quand même évalués. Il s’agissait d’un processus de dotation nettement moins fréquent et d’une application très restreinte, et avant que l’intimé puisse y recourir, il était nécessaire de satisfaire à au moins un des huit critères précisés.

C. La crédibilité du témoignage des témoins de l’intimé

[183] J’ai considéré que M. Shorthouse et Mme Domae ont témoigné de manière honnête, franche et directe, et j’ai conclu que chacun de leurs témoignages était fiable. Mme Domae a reconnu avec franchise qu’elle n’était pas personnellement au courant des qualifications ou des caractéristiques du plaignant, et qu’elle avait fondé les connaissances qu’elle avait de lui sur ce qui figurait dans les dossiers de dotation de l’intimé, parce qu’elle n’était pas au service de Transports Canada à l’époque où avaient eu lieu les concours relatifs aux postes d’analyste et d’inspecteur qui avaient été tenus entre 2005 et 2007. M. Shorthouse a lui aussi reconnu qu’il n’avait pas une connaissance personnelle et directe du plaignant.

[184] En tenant compte du fait que ces deux personnes ne connaissaient pas personnellement le plaignant et qu’elles n’avaient pas eu de rapports avec lui lors des concours relatifs aux postes d’analyste et d’inspecteur, je tiens compte des aspects suivants :

  1. à l’époque où l’audience a eu lieu, M. Shorthouse était analyste depuis six ans. Il était devenu l’agent principal du renseignement à Esquimalt, où il supervisait une équipe de cinq analystes et, à la date de l’audience, il exerçait les fonctions de gestionnaire intérimaire. Il avait donc une connaissance directe des qualifications, du rôle, des fonctions et des compétences requises qui se rattachaient au poste d’analyste;

  2. à titre de gestionnaire des RH pour la région du Pacifique, et étant au service de Transports Canada depuis quatre ans à la date à laquelle l’audience a eu lieu, Mme Domae connaissait bien les processus des dotation de l’intimé, dont : les mesures de réaménagement des effectifs, les cheminements de carrière des analystes que l’intimé avait embauchés dans le cadre du concours relatif aux postes d’analyste de 2006, ainsi que les compétences exigées pour les postes d’analyste PM-04 et d’inspecteur TI-06. Elle connaissait également les cheminements de carrière de TS et de JL, deux inspecteurs TI-06 auxquels le plaignant s’était particulièrement comparé lors de son témoignage. Enfin, elle savait de quelle façon on recourait aux affectations intérimaires, et elle était en mesure de parler de la possibilité qu’un analyste exerce à titre intérimaire les fonctions d’inspecteur;

  3. les témoignages de M. Shorthouse et de Mme Domae étaient semblables, pour ce qui était des compétences qu’exigeaient le poste d’analyste et le poste d’inspecteur. De plus, leurs témoignages étaient cohérents quant à la probabilité qu’un analyste obtienne une affectation intérimaire à titre d’inspecteur, ou soit promu à ce poste;

  4. j’ai eu l’impression que ni M. Shorthouse ni Mme Domae n’avaient une mission particulière autre que celle de témoigner avec franchise et honnêteté;

  5. de plus, j’admets qu’après avoir travaillé en compagnie d’inspecteurs de niveau TI‑06 pendant six ans et après leur avoir fourni des rapports, M. Shorthouse a acquis des connaissances générales et fiables sur le rôle, les fonctions et les compétences qu’exige le poste d’inspecteur TI-06.

IX. Si l’intimé avait nommé le plaignant au poste d’analyste de la sûreté maritime PM-04 en 2004, l’aurait-il nommé plus tard à un poste d’inspecteur TI-06?

[185] Le plaignant a fait remarquer que s’il avait été analyste PM-04 à compter du 8 mai 2006, il y aurait eu une « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » que l’intimé le nomme à un poste d’inspecteur TI-06, conformément au critère qu’a établi le juge Marceau dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Morgan [1992] 2 CF 401, 1991 CanLII 8221 (CAF) (Morgan), au paragraphe 14. Le plaignant sollicite son intégration au poste d’inspecteur TI-06 à compter du 1er janvier 2007 ou, subsidiairement, à l’automne de 2008 au plus tard, moment où l’avis de déploiement de TI-06 de 2008 n’a permis de pourvoir à aucun des cinq postes disponibles.

A. Quel est le critère juridique qu’il convient d’appliquer à la demande de mesures de redressement, soit une promotion au poste d’inspecteur TI-06?

[186] Pour examiner cette demande, j’énonce plus en détail le critère de l’arrêt Morgan que le juge Marceau a formulé :

[14] […] Il me semble qu’il ne faut pas confondre la preuve d’une perte véritable et de son lien avec l’acte discriminatoire avec la preuve de l’ampleur de la perte. Pour démontrer l’existence du préjudice donnant droit à l’indemnité, il n’était pas nécessaire de démontrer que, n’eût été l’acte discriminatoire, le plaignant aurait certainement obtenu le poste. De plus, aux fins d’établir le préjudice, point n’est besoin de démontrer la probabilité de celui-ci. À mon avis, la preuve d’une possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse, suffit à démontrer l’existence du préjudice […]

B. La position de l’intimé

[187] L’intimé est d’avis que le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » qui est énoncé dans l’arrêt Morgan n’est plus valide. Les paragraphes 6 et 44 à 46 de l’arrêt Chopra c. Canada (Procureur général), 2007 CAF 268 (Chopra CAF) indiquent que le critère consiste maintenant à déterminer s’il est probable [les italiques sont de moi] que le plaignant serait devenu inspecteur. Autrement dit, c’est le critère civil de la prépondérance des probabilités qui s’applique.

C. La position du plaignant

[188] Le plaignant a fait valoir que le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » demeure le critère juridique approprié, et que celui-ci a été reconnu par le Tribunal, la Cour fédérale et la Cour d’appel fédérale. Le juge Marceau a exprimé l’avis qu’une plainte n’as pas à établir la probabilité que, n’eût été de l’acte discriminatoire, le plaignant aurait été nommé à ce poste. L’existence d’une possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse, suffisait plutôt pour prouver la perte que le plaignant avait subie. Le juge Marceau a ensuite déclaré que s’il existait une preuve quant à la certitude, ce fait pourrait avoir une incidence sur l’ampleur des dommages subis.

[189] Le plaignant a fait valoir que les décisions qui suivent ont confirmé et appliqué le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse », et qu’il lui suffisait d’établir qu’il y avait une preuve qu’il aurait peut-être obtenu un poste TI‑06 :

a. dans la décision Canada (Procureur général) c. Uzoaba, [1995] 2 RCF 569 (Uzoaba CF), au paragraphe 25, la Cour fédérale a confirmé l’intégration, par le Tribunal, de M. Uzoaba à un poste de niveau supérieur parce qu’il existait une preuve d’une possibilité sérieuse qu’il aurait obtenu la promotion;

b. dans la décision Canada (Procureur général) c. Brooks, 2006 CF 1244 (Brooks), au paragraphe 41, la Cour fédérale a cité les propos du juge Marceau dans l’arrêt Morgan, disant qu’un plaignant était uniquement tenu de prouver une possibilité sérieuse que, n’eût été de l’acte discriminatoire, il aurait obtenu le poste en question. Dans la décision Brooks, la Cour a ensuite fait remarquer que « [l]es différents degrés de probabilité sont uniquement pertinents lorsqu'il s'agit d'apprécier l'étendue du préjudice subi […] » (ibidem, au par. 42);

c. l’arrêt Chopra CAF, précité, au paragraphe 21, a cité les propos du juge Marceau dans l’arrêt Morgan et, au paragraphe 22, a indiqué que le juge des requêtes avait adopté le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse ». Au paragraphe 27, la Cour d’appel a déclaré qu’indépendamment de l’absence de majorité, le juge des requêtes avait considéré le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » comme étant l’état du droit. Elle a fait remarquer que la position du juge des requêtes « n’a pas été contestée dans les plaidoiries présentées devant nous ». Dans l’arrêt Chopra CAF, la Cour n’a pas eu recours à une démarche différente, et elle n’a pas dit qu’elle rejetait ce critère. Si la Cour d’appel fédérale avait voulu infirmer des années de jurisprudence sur le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse », elle l’aurait fait spécifiquement et aurait dit pourquoi.

D. L’analyse du critère juridique appliqué sous le régime de la LCDP en vue d’établir la perte d’un poste dans le contexte de l’emploi

[190] Le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » qu’a énoncé le juge Marceau dans l’arrêt Morgan, précité, était l’une des trois opinions judiciaires formulées dans cette affaire, mais il a fini par être retenu comme le critère applicable dans des décisions du Tribunal et des décisions judiciaires ultérieures.

[191] En 1995, la Cour fédérale a confirmé ce critère dans la décision Uzoaba CF, précitée, au paragraphe 25. Je signale que la Cour a décrété :

Si M. Uzoaba avait été rétabli à un poste de niveau supérieur en l'absence d'éléments de preuve indiquant que la promotion était raisonnablement prévisible, le Tribunal aurait alors commis une erreur. […] Certains éléments de preuve indiquaient qu'il existait une possibilité sérieuse que M. Uzoaba aurait [obtenu la promotion qu’il voulait].

La Cour a ensuite renvoyé expressément le lecteur au critère de la « possibilité sérieuse » du juge Marceau, dans l’arrêt Morgan, précité.

[192] En 2006, dans la décision Brooks, précitée, la Cour fédérale a renvoyé au Tribunal la question de l’intégration et de la perte de salaire parce qu’il avait commis une erreur en appliquant le critère de la prépondérance des probabilités plutôt que celui de la « possibilité sérieuse » à la question de savoir si le plaignant aurait obtenu un poste, n’eût été de l’acte discriminatoire de l’intimé.

[193] Dans la décision relative à la détermination de la responsabilité qu’il a rendue dans l’affaire Canada (Human Rights Commission) c. Canada (Dept. of National Health and Welfare) (No.5) (2001), 40 C.H.R.R. D/396 (T.C.D.P.) (la décision Chopra sur la responsabilité), le Tribunal a conclu que le Dr Chopra s’était vu privé de la possibilité d’accéder à un poste intérimaire pour des raisons d’ordre discriminatoire. Il a conclu que si le Dr Chopra avait été affecté au poste intérimaire qu’il visait, « il aurait acquis l’expérience de gestion récente nécessaire pour franchir l’étape de la présélection » (décision Chopra sur la responsabilité, au par. 266; décision Chopra sur les mesures de redressement, 2004 TCDP 27, au par. 4). C’était le rejet, par la Cour fédérale, de la demande de contrôle judiciaire concernant la décision Chopra sur les mesures de redressement qui était en appel devant la Cour d’appel fédérale.

[194] Dans l’arrêt Chopra CAF, précité, outre les passages que le plaignant a cités plus tôt, la Cour a décrit les principes juridiques que le Tribunal avait appliqués dans la décision Chopra sur les mesures de redressement :

a) « le Tribunal s’est dit convaincu qu’“un plaignant qui demande réparation parce qu’on lui a refusé de façon discriminatoire l’accès à un poste plus élevé n’a qu’à fournir la preuve qu’il existait une ‘sérieuse possibilité’ de réussite” » (Chopra CAF, au par. 4, citant la décision Chopra sur les mesures de redressement, au par. 11);

b) « Par ailleurs, le montant de l’indemnité dépend des chances qu’avait le plaignant d’accéder à ce poste » (ibidem, citant la décision Chopra sur les mesures de redressement, au par. 33).

[195] En résumé, la Cour d’appel fédérale n’a trouvé rien à redire à propos du recours au critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » en tant que principe juridique à appliquer en vue d’établir la perte réelle d’un poste, et elle a confirmé que la probabilité [les italiques sont de moi] que la personne obtienne le poste en question ne devait être prise en compte qu’au moment de décider de l’étendue de l’indemnité à laquelle la victime avait droit.

[196] Je conclus donc que l’arrêt Chopra CAF a confirmé le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse ».

[197] Le plaignant a présenté les décisions qui suivent à titre d’autres exemples d’affaires dans lesquelles le Tribunal a ordonné qu’une personne soit promue :

  1. dans Grover c. Canada (National Research Council), [1992] C.H.R.D. No 12 (Grover), le Tribunal a ordonné la promotion de M. Grover. Je signale qu’il n’a pas été fait référence dans cette décision au critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse »;

  1. dans Green c. Canada (Public Service Commission), [1998] C.H.R.D. No. 5 (Green), le Tribunal a ordonné que Mme Green soit nommée à un poste PM-06. Au stade du contrôle judiciaire, la Cour fédérale a confirmé que le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » était celui qu’il convenait d’appliquer, faisant remarquer que « pour établir le préjudice, soit la perte d'un emploi ou d'une promotion, il n'est pas nécessaire de démontrer la probabilité – il suffit [au plaignant] de faire la preuve d'une possibilité, pourvu qu'elle soit sérieuse » (Canada (P.G.) c. Green [2000] 4 CF 629, au par. 142).

Je conclus par ailleurs que le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » impose un fardeau moins lourd à un plaignant qui sollicite son intégration en tant que mesure de redressement, mais il n’écarte pas l’obligation de disposer de preuves suffisantes pour établir l’existence de cette possibilité sérieuse.

E. Les facteurs dont il faut tenir compte pour décider de la promotion à un poste TI-06

[198] Dans les conclusions finales du plaignant, le délai de promotion proposé, c’est-à-dire entre le 1er janvier 2007 et l’automne de 2008, était un peu flou, car il a proposé d’autres dates d’intégration, y compris à n’importe quel moment. Tant dans le document C-11 que dans son témoignage, le plaignant s’est servi de la date du 1er janvier 2007 comme début de la période de promotion possible. Son avocat a fait valoir que la date de fin de la période était l’automne de 2008. Pour les raisons indiquées dans l’analyse relative à cette mesure de redressement demandée, je conclus que la période s’étendant entre le 1er janvier 2007 et l’automne de 2008 est celle qu’il convient d’utiliser pour déterminer si le plaignant aurait obtenu un poste d’inspecteur TI-06.

F. Autres observations du plaignant

[199] Le plaignant a fait valoir qu’aux paragraphes 209 et 210 de la décision Hughes relative à la détermination de la responsabilité, le Tribunal a appliqué le critère énoncé dans la décision Shakes c. Rex Pak Limited (1989), 3 C.H.R.R. D/1001 (Shakes), et modifié par la décision Premakumar c. Air Canada (2002) 42 C.H.R.R. D/63 (T.C.D.P.), pour conclure que le plaignant avait établi une preuve prima facie de discrimination lors des deuxième et troisième concours relatifs aux postes d’inspecteur TI-06. Il a été conclu dans les décisions Shakes et Premakumar que l’un des éléments à prouver au moment d’établir une preuve prima facie dans le contexte de l’emploi était qu’un plaignant devait être qualifié pour le poste que l’employeur souhaitait pourvoir. À cet égard, il a été conclu dans la décision relative à la détermination de la responsabilité que M. Hughes était qualifié pour les deuxième et troisième postes TI-06.

[200] Le plaignant a précisé qu’au paragraphe 280 de la DDR, en traitant du deuxième processus de sélection concernant les postes TI-06, le membre instructeur Malo s’est exprimé clairement; il a fait remarquer, en partie : « [b]ien que le Tribunal puisse admettre que le plaignant se soit déchargé de son fardeau de preuve afin d’établir une preuve prima facie à l’effet qu’il aurait eu les qualifications requises pour cet emploi […] ». Le plaignant fait valoir que cette conclusion n’a pas été tirée à propos des critères de sélection, mais plutôt à propos de l’emploi lui-même. Au paragraphe 288, le membre instructeur Malo a écrit que le plaignant s’était déchargé de son fardeau de preuve de façon prima facie devant établir qu’il avait les qualifications essentielles pour la troisième demande relative aux postes TI-06. Le plaignant a donc conclu que, sur ce fondement, ces conclusions étaient tout ce dont le Tribunal avait besoin pour ordonner sa promotion à un poste d’inspecteur TI-06.

[201] La principale différence entre les postes d’analyste et d’inspecteur sur laquelle l’intimé s’est fondé était le fait que le poste d’analyste était plus ou moins un travail de bureau, tandis que le travail d’inspecteur consistait à se rendre sur le terrain, à effectuer des enquêtes proprement dites, à monter à bord de navires, à se rendre dans des ports, etc. La bonne façon de formuler la question était celle de savoir si le plaignant détenait les qualifications d’enquête nécessaires pour le travail d’inspecteur. Au paragraphe 288 de la DDR, le membre instructeur Malo a tiré la conclusion de fait que le plaignant possédait une certaine expérience en matière d’enquêtes et, plus particulièrement, qu’il possédait une « grande expérience dans la conduite d’enquêtes ».

[202] Le plaignant a fait valoir que sa demande concernant le poste d’inspecteur TI-06 montrait qu’il avait acquis auprès de l’ARC et de l’ASFC une expérience en matière d’application de la loi ainsi qu’en matière d’enquêtes. Cela comprenait une expérience acquise en travaillant au port de Victoria à titre d’inspecteur des douanes pendant plusieurs étés, un port dans lequel des gens se déplaçaient constamment à bord d’embarcations, ce qui, a-t-il soutenu, consistait à effectuer un travail semblable à celui que faisaient les inspecteurs TI-06. Sa demande montrait aussi de quelle façon, à titre d’inspecteur des douanes, il avait effectué des enquêtes pour son propre compte.

[203] M. Shorthouse a déclaré que les analystes étaient bien au courant de ce que faisaient les inspecteurs car, au moment de rédiger un rapport à l’intention de ces derniers, ils avaient besoin de savoir ce que ces inspecteurs cherchaient. Si M. Hughes avait été nommé à un poste d’analyste, il aurait acquis encore plus d’expérience et de connaissances au sujet du poste d’inspecteur TI-06, ce qui l’aurait rendu encore plus qualifié.

[204] De plus, Mme Domae a déclaré que, pour certains des inspecteurs, il y avait un programme de formation d’une durée d’un ou deux ans et que, souvent, ce programme de formation commençait après que les inspecteurs avaient été nommés à leur poste. De l’avis du plaignant, cette preuve devrait dissiper tout doute quant au fait de l’intégrer à ce poste.

[205] Dans le cadre du premier processus de sélection relatif aux postes d’inspecteur TI‑06, le plaignant avait obtenu un résultat de 60 au TCE345, et la note de passage était de 70, de sorte qu’il n’était pas allé plus loin. Lors des deux processus de dotation suivants concernant les postes d’inspecteur, la note de passage avait été abaissée à 60, de sorte qu’il aurait réussi. Le TCE était universel. Selon M. Hughes, ce test pouvait être utilisé dans d’autres situations. Le résultat obtenu au TCE345 était, en l’espèce, une preuve que le plaignant était qualifié ou non.

[206] Les demandes des candidats retenus aux postes d’inspecteur montraient qu’un grand nombre d’entre eux, comme VK, avaient acquis une expérience des douanes identique à celle du plaignant.

[207] Dans le test de connaissances écrit concernant les postes d’inspecteur, le plaignant avait obtenu un résultat supérieur à celui de M. TS, qui avait fini par obtenir un poste TI‑06.

[208] Il est ressorti de la preuve qu’il y avait une forte demande en inspecteurs TI-06 et que, à l’automne de 2008, l’intimé avait cinq postes à pourvoir, ainsi qu’il était annoncé dans l’avis de déploiement de TI-06 de 2008. Cependant, comme Mme Domae l’avait déclaré, personne n’avait été nommé à la suite de l’avis de déploiement.

  1. Le plaignant a fait remarquer que M. Y avait été initialement exclu et ensuite réintégré et que cette personne avait, en matière d’enquêtes, moins d’expérience que lui. Il a exprimé l’avis qu’en raison de la disponibilité de postes d’inspecteur, du besoin élevé et du fait que l’intimé aurait été au courant de l’intérêt du plaignant à l’époque où il occupait le poste d’analyste, celui-ci aurait postulé pour un poste d’inspecteur et l’intimé aurait vraisemblablement trouvé un moyen de le lui accorder.
  2. Le plaignant a fait valoir que les différences entre le poste d’analyste et le poste d’inspecteur étaient peu pertinentes; la question n’était pas de savoir si les postes étaient identiques ou différents, mais plutôt si le plaignant était qualifié, et ce dernier a soutenu que oui.
  3. Il a également fait remarquer que, dans leurs témoignages, les deux témoins de l’intimé avaient convenu qu’ils ne pouvaient pas dire si le plaignant était qualifié ou non pour le poste d’inspecteur.
  4. Le plaignant a affirmé que la condition d’un diplôme d’études postsecondaire n’était pas pertinente car, en 2007, soit la période en question, il ne s’agissait pas d’une exigence à remplir pour le poste d’inspecteur, et cela ne l’aurait pas exclu. Il a fait remarquer qu’il ressortait de la pièce R-15 que les inspecteurs n’étaient pas soumis à une exigence d’études entre les années 2006 et 2010 et qu’il aurait donc pu présenter sa candidature à ces postes.
  5. Pour ce qui est du témoignage de M. Shorthouse, à savoir que certains des inspecteurs étaient auparavant des agents d’application de la loi, le plaignant a fait remarquer que ce témoin avait convenu en contre-interrogatoire que le fait d’avoir occupé un poste d’agent d’application de la loi n’était pas une exigence – cela dépendait du gestionnaire d’embauche.
  6. Enfin, le plaignant a affirmé que les mesures de réaménagement des effectifs n’auraient pas eu d’effet sur lui en tant qu’inspecteur parce que l’intimé avait fini par supprimer deux postes déjà vacants en vue d’opérer les réductions requises. Aucun autre inspecteur n’avait été mis à pied, de sorte que le plaignant serait encore au travail.

[209] Aux dires du plaignant, tous les éléments qui précèdent écartaient tout doute qu’il y avait une « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » qu’il aurait obtenu le poste d’inspecteur TI-06.

G. La position de l’intimé

[210] Les observations de l’intimé quant aux chances qu’avait le plaignant d’être nommé à un poste d’inspecteur TI-06 s’appuyaient sur sa position selon laquelle le critère applicable à une telle nomination était la prépondérance des probabilités, et non celui de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse ». L’intimé a fait valoir qu’il ressortait des preuves qui suivent qu’il était assurément moins que probable que le plaignant aurait été capable d’obtenir un poste TI-06 après être devenu analyste PM-04.

[211] L’élément le plus important était que le membre instructeur Malo n’avait relevé aucun acte discriminatoire dans les deuxième et troisième concours relatifs aux postes d’inspecteur TI‑06. Dans la DDR, il avait reconnu que le plaignant n’avait pas établi qu’il avait acquis de l’expérience en matière d’enquêtes (la deuxième demande relative aux postes d’inspecteur) ou qu’il avait acquis une vaste expérience dans la conduite d’enquêtes (la troisième demande relative au poste d’inspecteur).

[212] Pour ce qui est de l’argument du plaignant selon lequel le membre instructeur Malo avait relevé une preuve prima facie à l’égard des deux processus relatifs aux postes d’inspecteur TI-06, l’intimé a soutenu que le membre instructeur Malo n’avait examiné que le premier volet du critère de la décision Premakumar. Il décidait simplement si le plaignant était qualifié ou non. Dans ce contexte, tout ce qui se passait, c’était que le plaignant avait été exclu à l’étape de la demande. Il s’agissait là de la première étape du processus. Le membre instructeur Malo avait examiné les demandes du plaignant et avait déterminé si, à son avis, ce dernier répondait aux qualifications. Au paragraphe 271 de la DDR, il est indiqué que la demande contenait les qualifications requises. Cependant, le membre instructeur n’était pas la personne la mieux placée pour se prononcer sur cette question. Aux paragraphes 275 et 276 de la DDR, il a écrit :

[275] Se limitant à une question précise […] si effectivement le plaignant possédait les qualifications requises […], le Tribunal peut difficilement se prononcer et réviser les critères qui ont été appliqués quand à cette question précise par le Comité de sélection.

[276] À cet égard, l’intimé a fait comparaître monsieur William Keenleyside afin de répondre adéquatement à la question de savoir si effectivement le plaignant possédait l’expérience requise pour ce poste.

[213] En conséquence, de l’avis de l’intimé, le membre instructeur Malo n’a pas procédé à une application classique du critère de la décision Shakes. Il ne l’a plutôt fait qu’en partie et, ensuite, il s’en est remis à l’intimé pour vérifier si sa preuve paraissait raisonnable.

[214] Au paragraphe 280 de la DDR, le Tribunal a admis que le plaignant s’était effectivement acquitté du fardeau d’établir une preuve prima facie de discrimination au sujet du second concours relatif aux postes d’inspecteur TI-06. Cependant, il a ensuite conclu : « l’analyse de cette question relève du Comité de sélection et des critères dont il a été tenus [sic] compte, mais à partir de la preuve qui a été déposée au Tribunal, je ne peux conclure que cette explication n’était pas crédible où qu’il s’agissait d’un prétexte ». De l’avis de l’intimé, cet énoncé n’étayait pas le fait que Transports Canada aurait dû accepter la demande du plaignant, pas plus qu’il ne s’agissait d’une conclusion que le plaignant aurait dû obtenir le poste. Il s’agissait plutôt simplement de la façon dont le membre instructeur Malo avait décidé d’examiner la preuve afin de déterminer s’il y avait une explication raisonnable à l’exclusion.

[215] L’intimé a souligné le paragraphe 288 de la DDR, où le membre instructeur a conclu, à la suite d’une simple lecture de la demande du plaignant concernant le troisième poste TI‑06, qu’il détenait les qualifications nécessaires. Toutefois, au paragraphe 299, le membre instructeur a plus tard conclu que l’explication donnée par le témoin de l’intimé était digne de foi et raisonnable.

[216] Selon l’intimé, dans la DDR, le membre instructeur a appliqué une version modifiée du critère de la décision Premakumar parce qu’il n’a pas comparé la demande du plaignant à celle d’autres candidats en vue de déterminer si d’autres personnes méritaient plus, ou moins, le poste.

[217] Cela dit, dans les demandes du plaignant, aucune preuve n’indiquait qu’il aurait dû obtenir ces postes ou qu’il aurait même dû être sélectionné. Dans la DDR, aucune conclusion n’établissait qu’il aurait dû devenir TI-06.

[218] Dans les observations de l’intimé, les conclusions formulées dans la DDR, à savoir qu’une preuve prima facie avait été établie, signifient seulement que le plaignant avait établi qu’on aurait dû le sélectionner. Toutefois, après la sélection, les candidats avaient à franchir un certain nombre d’obstacles : les tests, les entretiens et la vérification des références. Pour le plaignant, il était inexact de laisser entendre que cela revenait à conclure qu’il aurait été qualifié pour un poste d’inspecteur TI-06 ou qu’il aurait été nommé à ce poste. Par exemple, pour l’un des postes TI-06, il y avait eu 240 demandes : 61 avaient été sélectionnées, et une personne avait obtenu le poste. Une seule chance sur 61 d’être sélectionné n’équivalait pas à une probabilité d’obtenir le poste.

[219] L’intimé a soutenu que la nomination au poste d’analyste n’aurait pas eu d’incidence sur l’aptitude du plaignant à occuper un poste d’inspecteur TI-06. M. Shorthouse avait déclaré que cela revenait à comparer des pommes et des oranges, et Mme Domae avait dit qu’elle n’avait jamais été témoin d’une telle progression de carrière. Les compétences requises pour l’un des postes n’étaient pas transférables à l’autre. Les deux témoins de l’intimé ont déclaré qu’il y avait des ensembles de compétences différents, représentant des cheminements de carrière très différents, et qu’il y avait des différences marquées dans la nature des deux emplois.

[220] L’intimé a également souligné le témoignage de Mme Domae selon lequel il n’aurait pas été plus facile pour le plaignant d’obtenir le poste d’inspecteur TI-06 à l’interne que cela l’aurait été pour un candidat présentant une demande à l’externe.

[221] L’intimé a fait valoir qu’il y avait fort peu de chances que le plaignant aurait été affecté à titre intérimaire à un poste TI-06. De plus, il n’aurait pas été déployé d’un poste d’analyste PM-04 à un poste d’inspecteur TI-06 parce que le poste se situait à un niveau différent du sien et qu’il n’aurait pas eu les pouvoirs délégués nécessaires.

[222] L’intimé a convenu que le plaignant avait passé avec succès un test de connaissances mais, d’après le témoignage de Mme Domae, les tests de connaissances étaient habituellement différents dans chacun des processus de dotation. Le test de connaissances précis que le plaignant avait passé n’était pas un test normalisé du CPP, de sorte qu’il aurait dû en refaire un autre. Il aurait également eu besoin d’une vérification des références dans le cas d’un poste TI-06 et, comme le dossier l’a montré, il avait eu beaucoup de difficulté à obtenir des références de ses anciens employeurs. De plus, le Tribunal n’avait nullement conclu que son incapacité à obtenir ces références était due à de la discrimination.

H. Les observations en réplique du plaignant

[223] Le plaignant a affirmé que, dans la DDR, le membre instructeur Malo a cité le critère de la décision Premakumar tout entier. En plus des paragraphes que le plaignant avait déjà mentionnés, au paragraphe 270 le membre instructeur Malo a précisément posé la première question extraite de la décision Premakumar : le plaignant avait-il les qualifications requises pour l’emploi en cause? Au paragraphe 280, le membre instructeur a conclu que oui. De plus, il a déclaré dans la DDR que le plaignant était qualifié pour le troisième poste TI. Au paragraphe 285, il a écrit que le Tribunal avait à se demander si le plaignant avait établi une preuve prima facie qu’il possédait les qualifications pour l’emploi en cause. Le plaignant a fait valoir que la conclusion du membre instructeur Malo n’était soumise à aucune restriction ou limite, et qu’elle ne pouvait être interprétée que d’une seule façon.

[224] Le plaignant a fait valoir que la preuve de ce qui était arrivé à d’autres analystes PM‑04, qui avaient été nommés en 2006 – date à laquelle le plaignant aurait dû l’être – n’était pertinente que si elle jetait de la lumière sur ce que la progression de carrière du plaignant aurait été. Celui-ci a fait valoir que le fait de tirer des inférences à partir du cheminement d’autres analystes ne serait que pure conjecture. Ce que ces personnes avaient fait était le résultat de leurs circonstances de vie et de leurs choix. Rien n’indiquait que le plaignant aurait eu affaire aux mêmes circonstances, ni même fait les mêmes choix. Cette preuve ne prouvait rien au sujet de ce que le plaignant aurait fait, ou de ce qui lui serait arrivé.

[225] Pour ce qui est de l’évaluation de l’AE de 2009, à savoir que le plaignant avait d’importants obstacles à l’emploi, la position de ce dernier était que cette évaluation n’avait pas porté sur l’aptitude du plaignant à occuper un poste TI-06; il s’agissait uniquement d’une évaluation générale de sa situation. Il aurait été conjectural de présumer que cette conclusion aurait eu une incidence sur son aptitude à occuper le poste TI-06.

[226] Fait plus important, les obstacles mentionnés dans l’évaluation de l’AE étaient liés au moins en partie aux deux déficiences de M. Hughes – le stress et l’état dépressif – et l’intimé ne pouvait pas se fonder sur ces deux aspects des obstacles, puisque cela constituerait un acte discriminatoire. Transports Canada aurait à tenir compte de l’état dépressif du plaignant. L’évaluation de l’AE était donc dénuée de toute pertinence.

[227] L’élément principal des observations du plaignant était que celui-ci aurait occupé un poste d’analyste PM-04 au moment en question et qu’il y avait de très bonnes chances qu’il aurait été promu. Essentiellement, il y avait une possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse, qu’à un certain stade il aurait été promu. S’il n’avait pas été victime de discrimination, il aurait obtenu le poste d’analyste PM-04. Il aurait travaillé à cet endroit, où des postes d’inspecteur TI-06 étaient vacants. Même s’il n’y avait pas eu de discrimination dans les concours relatifs aux postes TI-06, s’il avait décroché le poste d’analyste PM-04, il aurait eu une meilleure chance d’accéder à un poste TI-06. C’est donc dire que cela aurait été une « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse ».

I. Analyse concernant la demande d’intégration du plaignant à un poste TI-06

[228] Je signale qu’à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, un grand nombre des observations du plaignant sur ses qualifications à l’égard du poste d’inspecteur TI-06 étaient les mêmes que celles qu’il avait formulées lors de l’audience relative à la détermination de la responsabilité. Par exemple, il a fait valoir que même si le Tribunal avait conclu que les raisons invoquées par l’intimé pour rejeter ses demandes n’étaient pas discriminatoires, le fait qu’il avait mené de nombreuses enquêtes en son propre nom constituait une expérience pertinente.

[229] Je signale cependant que le membre instructeur Malo a jugé crédible le témoignage de M. Fu, membre du Comité de sélection chargé du troisième concours relatif aux postes TI-06 qui avait exclu la demande du plaignant à la première étape, parce que son expérience en matière d’enquêtes n’était ni liée au travail en cause ni importante. Le membre instructeur Malo a conclu que le Comité de sélection avait la latitude voulue pour vérifier si le plaignant détenait l’expérience recherchée dans le cadre du concours (DDR, aux par. 132, 133, 136, 138, 141, 142, 292, 295, 298 et 299).

[230] Le fond du témoignage et des observations du plaignant sur sa nomination à un poste TI-06 était axé sur la période débutant le 8 mai 2006, date à laquelle il aurait dû être nommé à un poste d’analyste PM-04, et se terminant le 1er janvier 2007, ou au plus tard à l’automne de 2008, un moment où, d’après la preuve, il y avait cinq postes d’inspecteur TI‑06 vacants. Le plaignant a soutenu qu’il aurait présenté sa candidature à titre d’employé interne à un poste d’inspecteur TI-06 et que l’intimé l’aurait promu à ce poste, et ce, pour les raisons suivantes :

  1. il était qualifié pour occuper le poste, parce que le membre instructeur Malo avait conclu, dans la DDR, qu’il avait établi une preuve prima facie dans deux des trois postes d’inspecteur TI-06 et que le membre instructeur avait tiré ces conclusions en se fondant sur les critères énoncés dans les décisions Shakes et Premakumar, lesquels comprenaient la détermination de la question de savoir si un plaignant était qualifié pour un poste;

  2. à titre d’analyste, il aurait acquis plus d’expérience pertinente au poste d’inspecteur TI-06 et il se serait familiarisé avec les fonctions des inspecteurs;

  3. l’intimé avait besoin d’inspecteurs TI-06 au cours de la période applicable;

  4. il y avait une sérieuse possibilité qu’il aurait pu obtenir un poste de TI-06 intérimaire, ce qui lui aurait procuré plus d’expérience pertinente et aurait étayé ses chances d’être promu à un poste d’inspecteur;

  5. les candidats internes avaient moins d’exigences à remplir que les candidats externes issus du grand public.

Le plaignant a soutenu que, pour ces raisons, il aurait eu une « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse », d’accéder au poste TI-06.

[231] Dans la décision Uzoaba, précitée, le Tribunal avait en main ce qu’il a considéré comme une preuve digne de foi que M. Uzoaba aurait été promu s’il n’avait pas été victime de discrimination. Cette preuve incluait la déposition des témoins de l’intimé au sujet des capacités de M. Uzoaba, ainsi qu’une évaluation favorable que l’intimé avait faite au sujet de M. Uzoaba, indiquant que celui-ci serait vraisemblablement promu s’il corrigeait certaines faiblesses (Uzoaba, Tribunal). Le Tribunal avait aussi examiné des preuves concernant la promotion de certains des collègues de M. Uzoaba.

[232] Dans la décision Grover, précitée, il y avait une preuve admise que M. Grover aurait été promu si l’intimé n’avait pas fait preuve de discrimination à son endroit.

[233] Dans la décision Green, précitée, il y avait une preuve abondante que Mme Green suivait la trajectoire menant à une carrière accomplie aux échelons supérieurs de la direction, qu’elle était une employée exemplaire dont les évaluations du rendement étaient excellentes et qu’elle aurait eu des chances d’obtenir d’autres promotions, n’eût été de la discrimination dont l’intimé avait fait preuve.

[234] Dans l’affaire qui m’est soumise, je conclus que la preuve n’étaye aucune des observations du plaignant au sujet de sa promotion au poste d’inspecteur TI-06, et ce, pour les raisons qui suivent.

[235] Même s’il a été conclu dans la décision relative à la détermination de la responsabilité que le plaignant était qualifié pour deux des postes d’inspecteur (DDR, aux par. 203, 280 et 288), le Tribunal est arrivé à cette conclusion au moment de décider si le plaignant avait établi une preuve prima facie de discrimination, en appliquant ce que le membre instructeur Malo a appelé le seuil requis « extrêmement bas » pour établir une preuve de discrimination (DDR, au par. 203). Pour ce faire, le membre instructeur a cité le critère énoncé dans la décision Shakes, précitée, modifiée par la décision Premakumar, précitée.

[236] Toutefois, les conclusions du membre instructeur Malo, à savoir que le plaignant avait établi une preuve prima facie de discrimination à l’égard des deux concours relatifs aux postes d’inspecteur TI-06, n’ont pas mis pour autant fin à l’affaire. D’autres constatations et conclusions pertinentes ont été tirées dans la DDR au sujet des demandes du plaignant.

[237] Le Tribunal a également conclu que les raisons pour lesquelles l’intimé n’avait pas sélectionné ou nommé M. Hughes étaient dignes de foi, raisonnables et non prétextées (DDR, aux par. 280, 282, 298 et 299). En fait, il a conclu que « le Comité de sélection avait la latitude nécessaire afin de vérifier si effectivement un candidat possédait l’expérience recherchée pour les besoins de cette application [sic] » (ibidem, au par. 209).

[238] Le fait que le plaignant a établi un preuve prima facie de discrimination ne peut écarter le fait que le Tribunal a ensuite conclu que les raisons pour lesquelles l’intimé ne l’avait pas embauché à la suite des deuxième et troisième concours relatifs aux postes d’inspecteur TI-06 étaient dignes de foi et raisonnables, et qu’elles relevaient des pouvoirs et de la capacité qu’avait le Comité de sélection de rendre une décision. On ne peut faire abstraction du fait que, en définitive, le membre instructeur Malo a souscrit à la conclusion du Comité de sélection, à savoir que le plaignant n’avait pas l’expérience requise pour les deux postes d’inspecteur TI-06.

[239] Je conclus qu’il y a une différence marquée entre le fait d’établir une preuve prima facie de discrimination qu’une personne était qualifiée pour un poste, au vu de la norme de la preuve prima facie qui existait à la date de la DDR, et celui de décider en fin de compte que la personne était qualifiée pour le poste lui-même. Je ne conclus pas que le fait que le plaignant ait établi une preuve prima facie de discrimination dans deux des concours relatifs aux postes d’inspecteur TI-06 démontre qu’il était qualifié pour le poste.

[240] Il est important de signaler qu’avant que la Cour suprême du Canada se prononce dans l’affaire Québec (C.D.P.D.J) c. Bombardier Inc., la jurisprudence relative à la LCDP indiquait qu’une preuve prima facie comportait quelque chose de moins qu’une appréciation complète de la preuve : voir les affaires Beattie c. AINC, 2014 TCDP 1, au par. 93; Filgueira c. Garfield Container Transport Inc., 2006 CF 785, aux par. 15, 24, 30 et 31; Lincoln c. Bay Ferries, 2004 CAF 204, au par. 22; Canada (P.G.) c. Lambie, 1996 CanLII 3940 (CF). Le membre instructeur Malo a donc appliqué ce qu’il a appelé le « seuil bas » au paragraphe 203 de la DDR.

[241] Je souscris au témoignage de M. Shorthouse selon lequel les compétences en matière de recherche, d’analyse, d’évaluation et de rédaction qui sont requises et appliquées dans le cadre du poste d’analyste PM-04 étaient tout à fait différentes des compétences en matière d’inspection et de connaissance de la réglementation qui étaient requises et appliquées dans le cadre du poste d’inspecteur TI-06. Il a fait une analogie entre les compétences et l’expérience requises dans le cadre de ces deux emplois et le fait de comparer des pommes et des oranges. Il voulait dire par là, selon moi, qu’il n’y avait pas de comparaison parce que les emplois étaient trop différents.

[242] Je tiens compte du fait que M. Shorthouse n’est devenu analyste que le 1er juillet 2009 et qu’il ne connaissait donc pas le plaignant ni les compétences que celui-ci possédait. Le témoin n’avait pas non plus une connaissance personnelle des systèmes de promotion qui existaient entre le mois de mai 2006 et le 1er juillet 2009. Je tiens également compte du fait que M. Shorthouse ne travaillait pas à Transports Canada au moment des événements qui avaient donné lieu à la plainte, et qu’il n’en avait pas une connaissance personnelle.

[243] En revanche, au moment où l’audience relative aux mesures de redressement demandées a eu lieu, le témoin était analyste depuis six ans; je conclus donc qu’il avait une connaissance fiable du poste en question. De plus, il n’avait jamais vu d’analystes nommés inspecteur intérimaire, pas plus qu’il n’en avait vu promus au rang d’inspecteur.

[244] Le témoignage de Mme Domae a fait écho à celui de M. Shorthouse, tant pour ce qui était des nettes différences entre les fonctions des deux postes que de la lointaine possibilité qu’un analyste PM-04 soit promu inspecteur TI-06.

[245] Je signale que Mme Domae ne connaissait pas personnellement le plaignant, pas plus qu’elle n’était au courant de ses compétences ou de son expérience, car elle n’était entrée au service de l’intimé qu’en 2011. De plus, elle n’avait pas participé personnellement aux concours en litige. Cependant, , je signale que Mme Domae avait accès au dossier relatif au concours PM-04 de 2005-2006 et elle le connaissait, et qu’elle avait accès aux dossiers des personnes que l’intimé avait nommées à la suite du processus de dotation en personnel et elle les connaissait. Soit à cause des dossiers, soit à cause de sa participation personnelle, elle connaissait également les voies qu’avaient suivies les personnes nommées sur le plan professionnel. Son témoignage a établi qu’elle était également au courant des exigences et des fonctions des différents niveaux que comportaient les postes d’inspecteur TI. Sa faible connaissance personnelle directe du plaignant, ou de ses compétences ou de son expérience, est également contrebalancée par le fait qu’elle était la gestionnaire des ressources humaines de l’intimé pour la région du Pacifique depuis 2011. Au cours de cette période, elle avait été témoin de la mise en œuvre du Plan de réduction (appelé aussi « mesures de réaménagement des effectifs ») qui avait eu lieu de 2012 à 2014. Je conclus donc que son témoignage sur les cheminements de carrière du groupe des personnes nommées aux postes de PM-04 en 2006-2007 est fiable. Je souscris à son témoignage selon lequel aucune des quatre personnes nommées à un poste d’analyste PM-04 dans ce groupe n’est ensuite passée à un poste d’inspecteur TI-06.

[246] Je signale et reconnais qu’entre le 1er janvier 2005 et le 10 juillet 2008, il n’y a eu qu’une seule nomination non annoncée à un poste de TI-06 intérimaire. Cependant, aucune preuve n’a été présentée à propos du fait de savoir si cet employé intérimaire était issu du groupe PM-04 ou d’un autre groupe, ou s’il avait été autrefois un inspecteur TI-06. Aucune preuve n’a été produite non plus sur les antécédents de cette personne, sur sa situation ou sur quoi que ce soit d’autre au sujet de cette nomination intérimaire. Vu le manque de preuves pertinentes de cette nature, je conclus que cette seule affectation intérimaire ne prouve rien d’autre que le simple fait qu’elle a eu lieu. Cette mesure ne peut amener à conclure, même selon le critère de la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse », que le plaignant aurait été nommé à un poste d’inspecteur TI-06 intérimaire, s’il avait occupé un poste d’analyste PM-04.

[247] Je préfère le témoignage de M. Shorthouse et de Mme Domae à celui du plaignant pour ce qui est de décider s’il y avait une possibilité sérieuse qu’un analyste PM-04 soit nommé à un poste d’inspecteur TI-06 intérimaire. Je souscris au témoignage de ces deux personnes qu’il y avait fort peu de chances qu’une telle nomination ait lieu. Tous deux ont cité l’exigence des pouvoirs délégués, et M. Shorthouse a inclus dans ses raisons que les ensembles de connaissances des deux emplois étaient trop différents; il a aussi indiqué qu’il fallait au moins six mois avant d’obtenir les pouvoirs délégués qui permettaient à un inspecteur TI-06 d’effectuer son travail. Mme Domae a également déclaré qu’étant donné que le poste TI-06 était le premier niveau des postes d’inspecteur opérationnel et que ce poste exigeait que son titulaire détienne les pouvoirs délégués, l’intimé n’avait habituellement pas recours à des intérimaires pour remplacer un Inspecteur TI-06 en cas d’absence ou de vacance.

[248] Il est également ressorti de la preuve que le passage du poste d’analyste PM-04 au poste d’inspecteur TI-06 n’était pas une progression habituelle, que ce soit pour une période indéterminée ou à titre intérimaire.

[249] Je conclus qu’il est ressorti de la preuve qu’entre 2006 et 2010, l’intimé avait besoin d’inspecteurs TI-06. Je souscris au témoignage de Mme Domae selon lequel la raison pour laquelle il n’y avait pas eu de processus de dotation en TI-06 entre l’année 2010 et la date de l’audience était que l’intimé était encore en train de placer des candidats qualifiés qui avaient pris part au vaste concours tenu en 2010.

[250] Je signale que le plaignant a comparé ses résultats d’examen supérieurs à ceux de M. TS, qui avait été nommé inspecteur TI-06 en 2012. Il a fait valoir que l’intimé voulait accorder une promotion à M. TS, un employé en poste, et qu’il l’avait donc fait. Lui-même n’avait pas eu cette possibilité, car il n’était pas un employé en poste, alors qu’il aurait dû l’être. Il est toutefois ressorti du témoignage de Mme Domae que M. TS faisait déjà partie du groupe des inspecteurs TI, mais à un échelon inférieur : TI-04. Il avait acquis de l’expérience sur le plan de la conformité des petits bâtiments. L’intimé avait besoin d’une personne qui avait cette expérience particulière dans sa Direction de la sûreté maritime à Victoria. M. TS a donc été élevé au rang d’inspecteur TI-06, en passant non pas par le poste d’analyste, mais plutôt par les postes de niveau inférieur du groupe des inspecteurs. Autrement dit, il a atteint le poste TI-06 en suivant la filière des inspecteurs, et non celle des PM. Le cheminement de carrière de M. TS n’indique pas celui qu’aurait suivi le plaignant en tant qu’analyste PM-04. Je conclus que la preuve relative à M. TS n’étaye pas la position du plaignant.

[251] Je souscris au témoignage de M. Shorthouse selon lequel, si l’intimé avait nommé le plaignant comme analyste en 2006, son emploi n’aurait pas été touché par les changements apportés en 2008 aux exigences en matière d’études du poste d’analyste (la nouvelle condition qu’était la détention d’un diplôme universitaire). C’est-à-dire qu’il aurait bénéficié d’un droit acquis.

[252] Je conclus toutefois, en me fondant sur la preuve, que l’expérience acquise en tant qu’analyste PM-04 n’aurait pas procuré l’expérience en matière d’enquêtes qu’exigeait le poste d’inspecteur TI-06.

[253] Je conclus également qu’il n’est pas ressorti de la preuve une « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » que si l’intimé avait nommé le plaignant à un poste d’analyste PM-04, celui-ci aurait été nommé par la suite à un poste d’inspecteur TI-06 à titre intérimaire.

[254] Le plaignant a postulé pour trois postes d’inspecteur TI-06 entre 2005 et 2007 et, vers le milieu de l’année 2007 environ, il s’était retrouvé exclu des trois concours. Je conclus que le plaignant – même avec une expérience d’analyste – n’aurait pas été en mesure d’obtenir moins d’un an plus tard ce qu’il n’avait pas pu obtenir avant. Il est ressorti de la preuve que l’expérience acquise en tant qu’analyste ne l’aurait pas aidé à obtenir le poste d’inspecteur TI-06.

[255] Je conclus que, contrairement aux décisions Uzoaba, Grover et Green, précitées, presque aucune preuve ne montre que le plaignant avait la « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » d’être nommé au poste d’inspecteur TI-06. Les demandes qu’il avait présentées dans le cadre des trois concours relatifs aux postes TI-06 ont été infructueuses, et ce, pour des raisons non discriminatoires; essentiellement, il ne possédait pas l’expérience requise.

[256] La totalité des preuves relatives à cette question n’ont pas permis d’établir l’existence d’une « possibilité, pourvu qu’elle soit sérieuse » que si le plaignant avait occupé un poste d’analyste PM-04 en 2006, l’intimé l’aurait promu à un poste d’inspecteur TI-06 à l’automne de 2008. Le Tribunal rejette la demande de mesure de redressement demandée par le plaignant, soit son intégration à un poste d’inspecteur TI-06.

X. Le Tribunal devrait-il intégrer le plaignant au poste d’analyste du renseignement au niveau PM-04?

A. La position de l’intimé

[257] Au vu du témoignage de Mme Domae quant à la manière dont l’intimé avait pourvu les postes d’analyste PM-04 en 2006, ce dernier a convenu que, n’eût été de la discrimination exercée, le plaignant aurait été nommé en tant qu’analyste vers le mois de mai 2006. Il n’a toutefois pas convenu que le Tribunal devrait intégrer le plaignant à ce poste. Il n’a pas contesté que le Tribunal a le pouvoir discrétionnaire d’ordonner l’intégration d’un employé mais il a soutenu que, dans la présente affaire, le Tribunal ne devrait pas le faire. Les observations de l’intimé étaient les suivantes :

  1. Comme on l’a laissé entendre dans l’arrêt Ontario (Human Rights Commission) c. Naraine, 2001 CanLII 21234 (C.A. Ont.) (arrêt Naraine), après un délai démesuré, il ne convient peut-être pas de nommer une personne à un poste.

  2. De nombreux facteurs sont intervenus au cours des neuf années qui se sont écoulées entre le mois de mai 2006 et la date de l’audience, des facteurs qui ont peut-être eu une incidence sur la capacité du plaignant de faire ce qu’il pouvait faire antérieurement. Par exemple, celui-ci se trouvait maintenant dans une situation où l’on considérait qu’il avait d’importants obstacles à l’emploi. Ce fait à lui seul ne devrait pas faire obstacle à son intégration, mais il s’agit d’un facteur dont le Tribunal devrait tenir compte. Les situations changent à la longue. Sa capacité d’accéder au poste d’analyste à une certaine époque n’est peut-être pas la même qu’elle l’était au moment où l’audience a eu lieu.

  3. La preuve de ce qui est arrivé aux autres personnes que l’intimé avait nommées au poste d’analyste PM-04 en 2006 était pertinente : deux d’entre elles ont été touchées par les mesures de réaménagement des effectifs, l’employée E a duré jusqu’en 2014, un autre employé a duré jusqu’en 2013, l’employée C a travaillé jusqu’en 2010 mais, à la date de l’audience, elle se trouvait dans une situation incertaine, et l’employé F a travaillé de 2006 à 2008. Tous ces éléments ont mis en lumière le fait que ces carrières ne durent pas éternellement. Dans l’arrêt Naraine, précité, la Cour d’appel a laissé entendre qu’après un long délai, il ne convient peut‑être pas de réintégrer un employé.

[258] L’intimé a souscrit à la position du plaignant, à savoir que si le Tribunal ordonnait son intégration, il faudrait qu’il obtienne la cote de sécurité requise et que l’intimé dispose d’un poste vacant.

B. La position du plaignant

[259] Le plaignant a fait valoir que la Loi est de nature réparatrice. Dans la DDR, le Tribunal a conclu que l’intimé avait fait preuve de discrimination à son endroit dans le cadre du processus de dotation en analystes de 2005-2006, et ce, en raison d’une déficience, une maladie mentale. Pour mettre le plaignant dans la situation où il se serait trouvé s’il n’y avait pas eu de discrimination, il faudrait que le Tribunal le nomme à un poste d’analyste PM-04.

[260] Le plaignant a également fait valoir ce qui suit :

  1. Il est ressorti de la preuve qu’un changement avait été apporté en 2008 aux exigences en matière d’études concernant le poste d’analyste PM-04, lequel exigerait dorénavant que les candidats aient suivi des études postsecondaires ou des études équivalentes (un diplôme universitaire ou l’équivalent). Cependant, M. Shorthouse a déclaré que si le plaignant avait été nommé en 2006, le changement apporté en 2008 n’aurait pas eu d’effet sur son maintien en poste. En tant que titulaire, ce dernier aurait bénéficié d’un droit acquis.

  2. Le plaignant était qualifié pour le poste à l’époque où l’intimé a exercé la discrimination. Il s’agissait là du moment pertinent à prendre en compte aux fins de son intégration. Le fait d’être qualifié ou non à la date de l’audience importait peu.

  3. Il n’y avait aucune preuve que l’intimé subirait un préjudice si le plaignant était intégré.

  4. Le témoignage de Mme Domae a confirmé que, à la date de l’audience, un poste d’analyste était ouvert.

  5. D’après le témoignage de Mme Domae, le plaignant n’aurait pas perdu son poste d’analyste à la suite des mesures de réaménagement des effectifs prises en 2012. Deux analystes s’étaient portés volontaires pour une mise à pied, et les cinq analystes restants n’avaient pas été touchés. N’eût été de la discrimination, le plaignant aurait été l’un des cinq restants, et il occuperait encore ce poste à la date de l’audience.

[261] Le plaignant a fait valoir que le jugement rendu dans l’arrêt Naraine (précité) se distingue nettement de la présente affaire, et qu’il n’a aucune incidence sur celle-ci. Il y avait dans cet arrêt de nombreux facteurs qui militaient contre la réintégration et qui n’étaient pas présents en l’espèce. Par exemple, dans l’arrêt Naraine, après avoir été renvoyé par la société Ford (« Ford »), M. Naraine avait été embauché par la suite par la société General Motors (« GM ») (au par. 68). De plus, dans cette affaire, la Commission, en première instance, avait décidé de réintégrer M. Naraine même si elle avait conclu que la responsabilité de Ford avait [traduction] « pris fin » quand ce dernier avait obtenu un emploi à GM (au par. 69). Troisièmement, dans l’affaire Naraine, la Commission, en première instance, a manifestement conclu que le fait que GM avait renvoyé M. Naraine n’avait pas réactivé la responsabilité de Ford (au par. 68, citant le par. 75 de la décision de la Commission). Enfin, dans l’affaire Naraine, un arbitre avait conclu qu’il était justifié que Ford congédie M. Naraine.

[262] De plus, le plaignant a présenté d’autres observations au sujet de la question du délai :

  1. Le délai ne devrait pas faire obstacle à la mesure de redressement que constitue l’intégration dans les circonstances de l’espèce.

  2. Le Tribunal devrait suivre la décision Hamilton-Wentworth District School Board c. Fair, 2014 ONSC 2411 (C. div. Ont.) (décision Fair), dans laquelle la question du délai a été évoquée aux paragraphes 40 et 43. La Cour a convenu qu’il n’y avait pas lieu de faire obstacle à l’objectif des dispositions réparatrices du Code des droits de la personne de l’Ontario à cause de l’écoulement du temps, un facteur sur lequel Mme Fair n’avait en grande partie aucune emprise.

  3. Dans le même ordre d’idées, le délai survenu en l’espèce n’était pas imputable au plaignant.

  4. Il convenait d’interpréter la Loi de manière large et appropriée; il serait incompatible avec cette dernière de restreindre la mesure de redressement demandée pour une simple question de délai.

  5. Dans le meilleur des cas, le délai pourrait être une preuve qu’il ne faudrait pas accorder l’intégration demandée, mais la seule existence d’un délai ne devrait pas en soi faire obstacle à l’octroi d’une telle mesure de redressement – il faut qu’il y ait une raison.

[263] Le plaignant a cité un certain nombre de jugements dans lesquels il a été ordonné de réintégrer ou d’intégrer l’employé après de longs délais, dont les suivants :

  • la décision Brooks, précitée, où la Cour a conclu que la décision rendue par le Tribunal en 2004 de ne pas examiner les mesures de redressement demandées (réintégration ou rémunération rétroactive), sept ans après l’acte discriminatoire en question, était une erreur, et elle a infirmé cette décision (au par. 48);

  • Culic c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 1 (Culic), une décision dans laquelle la plaignante avait quitté le lieu de travail en 2001, et le Tribunal avait décidé de la réintégrer six ans plus tard;

  • la décision Green, précitée, où le gros des actes discriminatoires avait eu lieu en 1987 et 1988 et où, plus de dix ans plus tard, il avait été ordonné que Mme Green soit réintégrée et promue;

  • la décision Grover, précitée, où la plupart des incidents discriminatoires avaient eu lieu en 1986 et où la décision du Tribunal d’intégrer M. Grover et de lui accorder une promotion avait été rendue six ans plus tard;

  • la décision Uzoaba CF, précitée, une affaire dans laquelle il y avait eu de nombreux incidents de discrimination pendant toutes les années 1980, et où la décision du Tribunal de réintégrer l’employé et de lui accorder une promotion avait été rendue en 1994.

C. Analyse

[264] L’objectif principal de la Loi est de nature réparatrice. Cette dernière vise à remédier aux effets d’un acte discriminatoire, plutôt qu’à conclure qu’une faute a été commise ou à infliger une sanction.

[265] Nul ne conteste qu’en 2008, l’intimé a changé les exigences relatives aux études qui s’appliquaient aux postes d’analyste PM-04, en exigeant des candidats qu’ils détiennent un diplôme d’études postsecondaires. En contre-interrogatoire, M. Shorthouse a déclaré – et j’y souscris – que le changement d’exigences n’aurait pas coûté son poste à un titulaire nommé antérieurement, ni eu sur lui un effet quelconque. Le plaignant aurait bénéficié d’un droit acquis.

[266] Je conclus que ce que le plaignant a perdu par suite de la discrimination que l’intimé avait exercée est le poste d’une durée indéterminée d’analyste, au groupe et au niveau PM‑04 (un poste aujourd’hui appelé « analyste du renseignement »).

[267] Je conclus également qu’il y a un lien de causalité direct entre la discrimination que l’intimé a exercée et le fait que le plaignant a perdu le poste d’analyste PM-04 d’une durée indéterminée.

[268] Je tiens compte du fait que, dans les conclusions et les observations finales qu’il a présentées à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, l’intimé a fait valoir que, compte tenu du témoignage de Mme Domae, le plaignant aurait été nommé au poste d’analyste de la sûreté maritime vers le mois de mai 2006.

[269] De plus, pour décider s’il convient d’intégrer une personne, l’écoulement du temps ne peut pas être le seul facteur déterminant. Cela minerait l’objet réparateur de la Loi. Ce qui importe ce sont les faits qui entourent la situation : la relation entre l’intimé et le plaignant était-elle rompue? L’écoulement du temps a-t-il eu une incidence marquée sur la capacité du plaignant d’occuper le poste? (Hamilton-Wentworth District School Board c. Fair, 2016 ONCA 421 (arrêt Fair), au par. 95.)

[270] Le plaignant n’ayant jamais travaillé pour l’intimé, nul ne peut prétendre que la relation de travail était rompue.

[271] Pour ce qui est de la question de savoir si l’écoulement du temps a eu une incidence marquée sur la capacité du plaignant d’occuper le poste, il n’y avait aucune preuve que l’intimé avait reclassé le poste d’analyste du niveau « 04 » à un niveau supérieur, même si en 2008, il avait ajouté la détention d’un diplôme d’études postsecondaires aux exigences en matière d’études que comportait le poste en question. Je conclus, au vu de la preuve, que le poste est demeuré au niveau « 04 », et que ce fait est révélateur et pertinent. Il est raisonnable de conclure, selon moi, que, indépendamment de l’ajout d’un diplôme d’études postsecondaires aux exigences en matière d’études, du changement de la cote de sécurité requise, laquelle est passée de « Secret » à « Très secret », ainsi que des années qui se sont écoulées depuis la tenue du concours relatif aux postes d’analyste en 2005-2006, la nature fondamentale et les fonctions du poste n’ont pas assez changé pour que cela relève le niveau de classification, de sorte que le plaignant aurait à acquérir des compétences ou des caractéristiques d’un degré supérieur à celles dont il avait fait montre avec succès dans le cadre du concours susmentionné.

[272] Je conclus donc que, sous réserve de l’alinéa 54a) de la Loi et à condition que M. Hughes réponde à toutes les conditions d’embauche requises – y compris la cote de sécurité, l’intimé est tenu de l’intégrer dès la première occasion raisonnable à titre d’analyste du renseignement PM-04. Aucune preuve n’a été présentée au sujet du fait de savoir si le plaignant a une préférence quant à l’endroit où il souhaite travailler mais, étant donné qu’il avait présenté sa candidature pour le poste qui se trouvait au COSM, à Esquimalt, et qu’il vit à Victoria, le poste d’analyste du renseignement PM‑04 devrait être situé à Esquimalt (Colombie-Britannique), sauf s’il s’en présente un à Vancouver, et à condition que le plaignant soit disposé à déménager dans cette ville.

XI. La perte de salaire et d’avantages sociaux

A. La position et les observations du plaignant

[273] Le plaignant estime que, si le Tribunal décide de l’intégrer à un poste d’analyste ou à un poste d’inspecteur, l’intimé devrait l’indemniser pour la totalité du salaire et du temps supplémentaire qu’il a perdus, ainsi que pour la totalité des avantages sociaux, dont les prestations de retraite, d’invalidité et d’assurance de soins médicaux et dentaires et d’assurance-médicament, et ce, depuis le moment où il aurait dû être nommé à un poste d’analyste PM-04 en mai 2006 jusqu’à la date de son intégration. L’argument du plaignant repose sur le fait que, si l’intimé l’avait embauché au moment où il aurait dû le faire, il serait encore à son service. Le plaignant a précisé qu’il sollicitait les pertes réelles subies, c’est‑à‑dire les augmentations salariales prévues par les conventions collectives, de même que toute augmentation salariale négociée à l’égard des années pertinentes, et en déduisant seulement le revenu qu’il avait tiré d’un emploi au cours de cette période.

[274] Les observations du plaignant à l’appui de ces mesures de redressement étaient les suivantes :

  1. Il y avait un lien de causalité évident et non équivoque entre les montants que le plaignant demandait au titre de la perte du salaire et des avantages sociaux et la conduite discriminatoire de l’intimé.

  2. À part la preuve du témoin de l’intimé au sujet du temps supplémentaire, et à part les arguments de nature juridique, il n’y avait aucune preuve contestant le calcul que le plaignant avait fait de ses pertes, et cela incluait l’atténuation de ces dernières. Le calcul du plaignant était fondé sur son témoignage, sur la preuve documentaire des revenus d’emploi (pièce C-18) qu’il avait présentée ainsi que sur les extraits des conventions collectives.

  3. La preuve du plaignant étayait essentiellement ses diverses prétentions et ses divers calculs.

  4. À part l’atténuation des pertes, il n’y avait aucune raison logique pour limiter les demandes du plaignant. Le critère d’atténuation désigne le fait qu’une personne est tenue d’essayer de chercher du travail, encore que cette personne ne soit pas obligée d’accepter n’importe quel travail. La preuve figurant dans le dossier, à savoir que le plaignant avait fait de grands efforts pour atténuer les dommages que lui causait la perte de salaire, n’a pas été contredite. Dans son témoignage, le plaignant a décrit en détail les efforts qu’il avait faits pour trouver du travail après que l’intimé ne l’avait pas nommé comme analyste. De plus, à cause de la récession de 2008, il n’était pas facile de trouver un emploi. Ces deux facteurs établissaient qu’il n’y avait aucune raison de déduire quoi que ce soit à cause d’un manque de conformité à l’obligation d’atténuer son préjudice.

  5. Le plaignant a présenté sa candidature pour les processus relatifs aux postes d’inspecteur TI-06 en 2006 et en 2007. Il a tenté à trois reprises d’accéder à l’un de ces postes. Une personne raisonnable n’aurait pas postulé après cela, parce que l’intimé n’avait de cesse de lui dire qu’il avait besoin de plus d’expérience. Le plaignant ne pouvait pas en acquérir davantage parce qu’il était sans travail. Il ne lui aurait donc servi à rien de présenter sa candidature pour un poste d’inspecteur TI‑06 ultérieur. Le simple fait qu’une personne ne présente pas sa candidature pour un ou deux emplois ne veut pas dire que cette personne ne s’est pas acquittée de son obligation d’atténuer ses dommages, notamment s’il existe une preuve incontestée, dont des témoignages présentés en contre-interrogatoire, que le plaignant a soumis des centaines de demandes d’emploi.

  6. Il est ressorti de la preuve présentée au membre instructeur Malo que le plaignant avait accepté des emplois dont la rémunération, dans certains cas, était nettement inférieure à celle qu’il aurait touchée à Transports Canada. Par exemple, il avait effectué des tâches d’entretien chez Howard Johnson. Il s’était conformé à son obligation d’atténuer ses dommages. Il avait tout fait ce que l’on pouvait faire dans les circonstances.

  7. L’intimé a admis que le plaignant aurait été nommé en 2006. Ce dernier a fait valoir qu’avec un peu de chance, il aurait continué à travailler jusqu’à aujourd’hui. Le plaignant avait donc droit à une indemnisation complète, moins les revenus d’emploi qu’il avait touchés.

  1. Le plaignant se trouvait dans la même situation que M. Willoughby dans l’affaire Willoughby c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 45 (Willoughby), où le Tribunal a décrété que « [s]i la SCP n’avait pas refusé de continuer à l’employer, M. Willoughby aurait toujours eu un emploi » (par. 96). Il aurait touché un salaire. Dans la décision Willoughby, le Tribunal a ordonné à l’employeur de payer au plaignant les avantages sociaux qu’il aurait reçus.

B. La position et les observations de l’intimé

[275] À l’audience relative aux mesures de redressement demandées, l’intimé n’a adopté aucune position à propos de l’exactitude des calculs bruts du plaignant quant à la perte de salaire. Cependant, il a fait valoir que s’il indemnisait le plaignant pour perte de salaire, le Tribunal devait tenir compte du fait que la Couronne avait déjà payé au plaignant des fonds au titre de son emploi auprès de RHDCC, conformément au procès-verbal de règlement relatif à ses plaintes et à sa poursuite civile contre RHDCC.

[276] L’intimé a fait valoir que l’atténuation des dommages subis était un facteur très important que le Tribunal devait prendre en considération :

  1. Selon l’arrêt Chopra CAF, précité, le Tribunal devrait tenir compte de l’atténuation des dommages subis. Après avoir signalé la conclusion du Tribunal selon laquelle le Dr Chopra n’avait pas atténué comme il faut ses dommages (par. 7, Chopra CAF, précité), la Cour d’appel fédérale n’avait relevé aucune erreur dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal de limiter la perte de salaire pour cette raison.

  2. En l’espèce, le plaignant n’avait pas atténué ses dommages parce qu’il n’avait pas postulé pour un emploi d’inspecteur TI-06 dans le cadre de concours externes tenus en 2008 et en 2009. Vu la demande du plaignant d’être intégré à un poste TI-06, celui-ci aurait dû présenter sa candidature dans le cadre des concours tenus en 2008 et en 2009. On ignorait s’il aurait obtenu l’emploi, mais il aurait dû présenter sa candidature. Il n’y avait aucune preuve qu’il l’avait fait. De plus, aucune explication n’a été donnée quant à la raison pour laquelle il n’aurait pas vu ces concours, alors qu’il consultait tous les jours les sites Web pertinents, comme il a déclaré l’avoir fait. Les obligations de Transports Canada en matière de perte de salaire devraient prendre fin en 2009 à cause du défaut du plaignant d’atténuer ses dommages à ce stade.

  3. Le plaignant était tenu d’atténuer ses dommages en mettant tout en œuvre pour trouver un emploi au cours de la période postérieure à l’acte discriminatoire commis. Pendant les neuf années qui s’étaient écoulées entre la date de l’acte discriminatoire et la date de l’audience, il lui avait été impossible d’obtenir un emploi permanent.

[277] L’intimé a également fait valoir que les antécédents d’emploi du plaignant n’établissaient pas qu’il était un employé à long terme qui s’était bâti une carrière à un endroit précis. Il avait, de façon caractéristique, une brève période d’emploi, suivie d’une forme quelconque de bouleversement, ce qui l’amenait à quitter cet emploi, à se trouver sans travail, à trouver de nouveau un travail de courte durée, et ainsi de suite. Ces antécédents ne donnaient pas à penser que Transports Canada aurait été son lieu de carrière jusqu’à présent.

[278] L’intimé a souligné les plaintes encore en suspens que le plaignant avait déposées contre l’ASFC, des plaintes déposées en janvier 2005 et dans lesquelles il soutenait qu’il aurait dû obtenir une nomination d’une durée indéterminée, qui datait d’avant le moment où il avait présenté sa candidature à Transports Canada. Si le membre instructeur du Tribunal chargé de trancher les plaintes relatives à l’ASFC venait à intégrer le plaignant, cela voudrait dire que celui-ci n’aurait jamais présenté sa candidature à Transports Canada.

[279] L’intimé a fait valoir qu’à un certain moment, ses obligations envers le plaignant devraient prendre fin, et il a présenté plusieurs autres dates auxquelles la période d’indemnisation devrait s’arrêter :

  • le 13 septembre 2007, quand le plaignant a commencé à travailler à RHDCC. Après avoir travaillé à RHDCC pendant neuf mois, le plaignant avait déposé des plaintes, qui avaient amené le Tribunal à conclure que RHDCC aurait dû le garder à son service. En fin de compte, les plaintes s’étaient soldées par un règlement. C’est donc dire que le fardeau imposé à Transports Canada devrait prendre fin le 13 septembre 2007, la date à laquelle le plaignant était entré au service de RHDCC;

  • en 2008, quand le plaignant n’a pas postulé pour les postes annoncés d’inspecteur TI‑06. Cette date a été proposée à la lumière de l’argument formulé par le plaignant à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, à savoir qu’il aurait eu droit à une promotion au poste d’inspecteur TI-06;

  • au plus tard, à une date quelconque en 2009 ou en 2010, quand le plaignant a omis une fois de plus de postuler pour les postes annoncés d’inspecteur TI-06.

[280] Outre ce qui précède, l’intimé a fait valoir qu’en accordant une indemnisation pour perte de salaire, le Tribunal devrait tenir compte des montants que le plaignant avait touchés à titre d’indemnité pour perte de salaire à la suite du règlement qu’il avait conclu avec RHDCC. Il était nécessaire d’effectuer cette soustraction afin d’éviter une double indemnité pour perte de salaire, conformément à l’arrêt Chopra CAF, précité, au paragraphe 46.

[281] L’intimé a également soutenu qu’en mettant fin aux obligations de Transports Canada envers le plaignant, le Tribunal devrait tenir compte du fait que, dans la décision rendue en octobre 2012, ce dernier a conclu que RHDCC avait fait preuve de discrimination à l’encontre du plaignant et que cette conclusion de discrimination devrait mettre fin aux obligations de Transports Canada.

[282] L’intimé a fait valoir que si M. Hughes était devenu un analyste PM-04 en étant nommé à partir du même bassin que les autres candidats, il était pertinent, pour le calcul de la perte de salaire, de voir ce qui était arrivé à ceux qui avaient été nommés en 2006. Comme il a été mentionné plus tôt, deux employés avaient été touchés par les mesures de réaménagement des effectifs : l’employée E avait duré jusqu’en 2014; un autre employé avait duré jusqu’en 2013; l’employé C avait été employée jusqu’en 2010, mais la situation de son poste était en suspens à l’époque où l’audience a été tenue; et l’employé F avait travaillé de 2006 à 2008. Cette preuve soulignait que ces carrières n’étaient pas indéfinies et que le simple fait qu’une personne obtenait ce poste ne voulait pas dire que celui-ci durerait éternellement.

C. Le procès-verbal de règlement

[283] Avant de déterminer si, pour évaluer le droit du plaignant à une indemnité pour perte de salaire, le Tribunal devrait prendre en compte une partie quelconque des fonds du règlement, il me faut traiter des questions de preuve concernant le procès-verbal de règlement.

D. La position du plaignant

[284] Le plaignant s’est opposé à ce que l’on admette le procès-verbal en preuve. Il s’est également opposé à l’argument de l’intimé selon lequel le Tribunal devait prendre en compte dans l’indemnité qu’il accordait au plaignant une partie des fonds qui avaient été payés au plaignant, en application du procès-verbal de règlement. Les objections du plaignant étaient fondées sur les raisons suivantes :

  1. Le procès-verbal, à première vue, n’indiquait aucune somme d’argent à titre d’indemnité pour perte de salaire.

  2. La clause no 7 du procès-verbal ne faisait aucunement référence à une indemnité pour perte de salaire. Il y était simplement question de la somme à payer à titre de [traduction] « dommages-intérêts ». Quand une personne perd son emploi, cette personne est tenue d’atténuer ses propres dommages en tentant de trouver un autre emploi, et tout montant de revenu tiré d’un emploi exercé au cours de la même période que celle visée par la réclamation pour perte de salaire peut être déduit du montant de l’indemnité à payer à l’égard de cette réclamation. Ce principe vise à éviter toute surindemnisation. Cependant, d’autres fonds, comme les gains de loterie, ne peuvent être soustraits de l’indemnité à payer dans le cadre d’une réclamation pour perte de salaire.

  3. La clause no 11 du procès-verbal indiquait ceci : [traduction] « Aucun feuillet T4 ne sera délivré à l’égard des montants à payer aux termes de la présente entente ». Si les fonds à payer aux termes du procès-verbal s’étaient appliqués à une perte de salaire, l’employeur aurait été légalement tenu d’émettre un feuillet T4. Cependant, l’employeur, le gouvernement du Canada (RHDCC), ne l’a pas fait. On s’attendrait à ce que le gouvernement fédéral se conforme à ses propres règles de droit fiscal. RHDCC a convenu de ne pas délivrer un feuillet T4 et, de ce fait, les fonds ne pouvaient pas être versés à titre de salaire. Il s’agissait là de la meilleure preuve que les sommes d’argent mentionnées à la clause no 11 ne constituaient pas un salaire.

  4. La clause no 11 indiquait aussi que [traduction] « […] la portion “intérêts” de la présente entente fera l’objet d’un feuillet T ». RHDCC était uniquement tenu de délivrer un feuillet T à l’égard du paiement des intérêts.

  5. De plus, la clause no 11 indiquait : [traduction] « L’intimé confirme qu’il n’adopte aucune position quant à la question de savoir si ces fonds sont imposables et, advenant que la question soit soulevée, il continuera de n’en adopter aucune ».

  6. L’avocat de l’intimé avait déclaré plus d’une fois que le procès-verbal n’indiquait pas si les fonds à payer étaient un salaire. Par conséquent, de l’avis du plaignant, les fonds ne pouvaient pas être liés à une atténuation des dommages et n’étaient pas pertinents.

  7. Le procès-verbal a non seulement réglé les deux plaintes relatives aux droits de la personne qui avaient été déposés contre RHDCC, mais aussi l’action civile que le plaignant avait engagée contre ce ministère. Conformément au procès-verbal de règlement, il a retiré son action civile et a dégagé RHDCC/EDSC de tout autre recours juridique auquel il aurait pu avoir droit, compte tenu des faits qui sous‑tendaient les plaintes et l’action civile.

  8. L’intimé a lui-même admis que le libellé du procès-verbal était ambigu. Même s’il a fait valoir que la renonciation énoncée à la clause no 11 au sujet de sa non‑responsabilité à l’égard de toute demande que les instances fiscales pourraient faire au sujet des fonds du règlement étayait la notion selon laquelle les fonds étaient un montant de salaire, il s’agissait d’une clause que les employeurs demandaient toujours. Par conséquent, de l’avis du plaignant, l’exonération d’impôt n’ajoutait rien à l’argument de l’intimé.

E. La position de l’intimé

[285] L’intimé a soutenu que le Tribunal devrait à la fois admettre en preuve le procès‑verbal de règlement et prendre en compte une partie des fonds accordés par le règlement au moment de se prononcer sur le montant de l’indemnité pour perte de salaire à accorder au plaignant. La position de l’intimé était fondée sur ce qui suit :

  1. La clause no 12 du procès-verbal prévoyait que la Couronne pouvait introduire le procès‑verbal de règlement en preuve dans le cadre de toute autre audience relative aux droits de la personne du plaignant devant le Tribunal (qu’il s’agisse d’une audience relative à la détermination de la responsabilité ou d’une audience relative aux mesures de redressement demandées).

  2. Même si la clause no 7 du procès-verbal ne précisait pas que le montant à payer était à titre de salaire, il était possible de déduire que ce n’était pas à titre de préjudice moral – ou d’indemnité spéciale – parce que le procès-verbal traitait de ces catégories d’indemnité et prévoyait un paiement à cet effet aux clauses nos 4 et 5.

  3. La meilleure preuve indiquant que les fonds mentionnés à la clause no 7 étaient à titre de salaire – et constituaient potentiellement un revenu – était que cette clause indiquait expressément que les fonds servaient d’indemnité pour des dommages subis entre les mois de mars 2006 et de janvier 2008, ainsi que depuis le mois de juin 2008. Ces périodes correspondaient à celle au cours de laquelle RHDCC avait employé le plaignant ou, à son avis, aurait dû l’employer. La clause no 7 mentionnait par ailleurs que les fonds étaient versés [traduction] « conformément au paragraphe 53(2) de la LCDP », laquelle disposition traitait des indemnités pour perte de salaire.

  4. En conséquence, pour éviter toute double indemnité pour perte de salaire, le Tribunal devrait prendre en compte une partie de la somme payée aux termes du règlement conclu avec RHDCC dans l’indemnité pour perte de salaire qu’il accorderait. Ce principe a été reconnu dans l’arrêt Chopra CAF, précité.

F. La question concernant le témoignage du plaignant au sujet du procès‑verbal de règlement

[286] En réinterrogatoire, il a été demandé au plaignant de quelle façon il comprenait la clause no 7 et, plus précisément, si l’argent qui y était mentionné comportait une compensation salariale. L’intimé s’est opposé à la question, pour les raisons suivantes :

  1. la façon dont le plaignant comprenait la clause no 7 importait peu, car il était représenté par un avocat au moment où il avait négocié le règlement;

  2. la réponse du plaignant était liée à des discussions de règlement qui avaient mené à la conclusion d’une entente, et ces discussions étaient protégées par privilège;

  3. l’entente se passait d’explications.

[287] La réponse du plaignant à l’objection, par l’entremise de son avocat, était que le Tribunal se devait de l’autoriser à répondre à la question, pour les raisons suivantes :

  • l’intimé avait mis en cause le règlement;

  • la question était liée à la position du plaignant au sujet d’un élément particulier du procès-verbal de règlement, et non des discussions qui entouraient le règlement.

[288] J’ai décidé que la réponse du plaignant à la question pourrait se révéler pertinente et je lui ai ordonné d’y répondre. Après sa réponse, l’intimé a renouvelé son opposition à la question posée et à la réponse donnée, et il a demandé au Tribunal de radier du dossier la réponse du plaignant.

[289] Le plaignant a répondu, par l’entremise de son avocat, que même s’il n’y avait pas lieu de lui verser une double indemnité, on ignorait quelle partie, si partie il y avait, du procès‑verbal de règlement constituait un montant de salaire. On ne pouvait donc pas déterminer quel montant soustraire de l’indemnité demandée en l’espèce.

G. Le procès-verbal de règlement était-il admissible en preuve?

[290] Après avoir entendu les observations des parties sur la question et passé en revue le procès-verbal, j’ai admis ce dernier en preuve pour les raisons suivantes.

[291] À la clause no 12 du procès-verbal, RHDCC/EDSC a convenu que la totalité des conditions du règlement demeureraient strictement confidentielles, à moins que la loi en prescrive la divulgation et, par ailleurs, que :

[traduction]
[…] aucune des parties ne peut le divulguer, directement ou indirectement, à quiconque autre que ses représentants juridiques ou conseillers financiers, sauf que le présent procès-verbal de règlement peut être déposé en preuve par la Couronne fédérale ou le plaignant lors de toute audience tenue devant le TCDP (stade de détermination de la responsabilité ou stade des mesures de redressement demandées) ou de toute autre instance judiciaire ou administrative à laquelle la Couronne fédérale est partie, dans le cadre de sa défense, sous réserve du droit du plaignant de s’opposer à ce que la preuve soit produite dans le cadre des autres instances judiciaires ou administratives ou pour faire valoir par ailleurs qu’elle ne peut avoir d’incidence sur les mesures de redressement accordées dans ces affaires.

[292] J’ai conclu qu’il ressortait d’une simple lecture du libellé de la clause no 12 que chacune des parties au procès-verbal de règlement avait envisagé que l’autre partie pouvait essayer de produire le procès-verbal en preuve dans le cadre d’une instruction portant sur les autres plaintes relatives aux droits de la personne du plaignant, y compris dans le cadre de n’importe quelle audience relative aux mesures de redressement demandées, et ce, sous réserve de son droit de s’opposer à son admissibilité, ou à tout autre argument portant que le procès-verbal n’avait pas d’incidence sur les mesures de redressement demandées. J’ai déterminé que le procès-verbal de règlement constituait une entente écrite antérieure des parties qui prévoyait le scénario qui s’est effectivement concrétisé à l’audience relative aux mesures de redressement demandées. Comme il est également envisagé à la clause no 12, l’avocat du plaignant s’y est opposé au motif que le procès-verbal n’était pas pertinent parce que, à première vue, il n’incluait aucun paiement à titre de perte de salaire.

[293] De plus, ni l’une ni l’autre des parties n’a évoqué la question de la confidentialité au sujet du procès-verbal de règlement lui-même. J’ai signalé que l’alinéa 50(3)c) de la Loi prévoit que, lors d’une audience, le membre instructeur qui préside l’instruction est habilité à « […] recevoir […] des renseignements […] par tout autre moyen qu’il estime indiqué », dans la mesure où ces renseignements ne sont pas confidentiels.

[294] En conséquence, compte tenu de la manière dont j’interprète la clause no 12 et du fait que ni l’une ni l’autre des parties n’a évoqué la question de la confidentialité au sujet du procès-verbal de règlement lui-même, j’ai conclu que les parties ont renoncé à tout privilège qui pouvait exister à l’égard du procès-verbal lui-même pour les besoins de la présente audience. Le procès-verbal de règlement est donc admissible à cette fin, conformément à l’alinéa 50(3)c). Si je me trompe en admettant le procès-verbal pour les raisons qui précèdent, je me fonde sur l’exception bien établie au privilège relatif à un règlement, lequel prévoit qu’un règlement est admissible dans la mesure où il le faut pour éviter toute surindemnisation. Cela étant, le procès-verbal a été désigné en tant que partie de la pièce R-9. Le procès-verbal de règlement est toutefois confidentiel, et il n’est possible de le consulter qu’à partir du dossier officiel, ainsi qu’il est ordonné ci-après.

[295] Quant au fait de savoir si le procès-verbal de règlement est pertinent, ainsi qu’au poids – s’il y en a – qu’il convient de lui accorder, ces deux questions sont analysées ci‑après.

H. Le montant du règlement, ou un élément quelconque de ce dernier, est-il pertinent à l’égard de la demande d’indemnité pour perte de salaire du plaignant?

[296] La position que l’intimé a exprimée à l’audience relativement aux mesures de redressement demandées était la suivante :

  • La clause no 7 du procès-verbal indique que l’argent dont il y est question est lié à l’alinéa 53(2)c) de la Loi, qui envisage d’indemniser la victime « de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire ». L’intimé est arrivé à cette conclusion parce que le procès-verbal traite d’une indemnité pour préjudice moral dans une clause différente – la seule indemnité qui reste logiquement concerne la perte de salaire.
  • Par conséquent, le montant payé aux termes de la clause no 7 constituait une indemnité pour perte de salaire à l’égard de l’emploi que le plaignant avait exercé auprès de RHDCC.

  • Le procès-verbal était ambigu quant à la question de savoir si la clause no 7 a trait à l’indemnité pour perte de salaire.

  • La clause no 11 indique que la Couronne n’est responsable du paiement d’aucune somme que les autorités fiscales peuvent percevoir sur tout montant payé aux termes du règlement. Elle indique aussi que l’intimé ne prend aucune position quant à la question de savoir si les fonds sont imposables, et que, si jamais la question était évoquée plus tard, l’intimé continuerait de n’en prendre aucune.

I. Analyse

[297] Je souscris à l’argument du plaignant selon lequel seuls les montants de revenu tirés d’un emploi exercé au cours de la même période que celle que vise la demande pour perte de salaire peuvent être déduits d’une indemnité pour perte de salaire. L’intimé n’a pas contesté cet argument. Il a plutôt fait savoir que le Tribunal se devait de conclure que le paiement visé à la clause no 7 du procès-verbal de règlement constituait un paiement lié à l’emploi que le plaignant avait exercé auprès de RHDCC, ainsi qu’au moment où, d’après la décision du Tribunal, le plaignant aurait dû être au service de ce ministère.

[298] La clause no 7 du procès-verbal indique ce qui suit (montant et numéros de dossier du Tribunal supprimés) :

[traduction]
« 7. L’intimé [RHDCC/EDSC] paiera au plaignant la somme de [] $ pour l’indemniser des dommages subis entre les mois de mars 2006 et de janvier 2008 (numéro de dossier), ainsi qu’entre le mois de juin 2008 et le moment présent (numéro de dossier différent), conformément au paragraphe 53(2) de la LCDP ».

[299] La clause no 11 du procès-verbal prévoit ce qui suit : [traduction] « Aucun feuillet T4 ne sera délivré en lien avec les montants à payer aux termes de la présente entente ». De plus, à la clause no 11, la Couronne fédérale confirme ceci : [traduction] « […] elle ne prend pas position sur la question de savoir si ces fonds sont imposables, et si la question est un jour soulevée elle continuera de n’en prendre aucune ».

[300] L’intimé a soutenu que la clause no 7 fait sûrement référence au salaire, conformément à l’alinéa 53(2)c) de la Loi, parce que les clauses nos 4 et 5 du procès-verbal prévoient une indemnité pour préjudice moral (53(2)e)) et pour dommages délibérés et inconsidérés (53(3)), respectivement, et que, par voie d’élimination, la seule partie du paragraphe 53(2) qui s’applique de manière raisonnable est l’alinéa 53(2)c). Il est incontestable, selon moi, que la clause no 7 indique seulement que les paiements qui y sont prévus sont accordés [traduction] « conformément au paragraphe 53(2) de la LCDP ». Je conclus que ce paragraphe porte sur un éventail de mesures de redressement. Je conclus par ailleurs qu’en plus d’une indemnité pour perte de salaire, l’alinéa 53(2)c) de la Loi autorise également à indemniser la victime des dépenses entraînées par l’acte discriminatoire. On ne peut donc pas dire que la clause no 7 du procès-verbal ne faisait référence qu’à un paiement pour perte de salaire.

[301] Je signale également ce qui suit : RHDCC a convenu de ne pas émettre un feuillet T4 pour les montants que prévoit le procès-verbal, ce qui inclut la clause no 7; RHDCC a convenu de n’adopter aucune position quant à la question de savoir si les fonds étaient imposables; si les fonds étaient un salaire, ils seraient imposables; l’intimé a convenu que le procès-verbal était ambigu quant à la question de savoir si la clause no 7 était liée à une perte de salaire; et les parties au procès-verbal ont clairement envisagé l’émission de « feuillets T » aux fins de l’impôt parce qu’elles ont prescrit qu’un feuillet T‑5 soit émis pour la portion « intérêts » des fonds de règlement. Je signale également que le procès-verbal réglait une action civile engagée par le plaignant, action dont les détails n’ont pas été présentés en preuve. Ce fait ajoute davantage d’ambiguïté au sens à donner au procès-verbal. Je conclus donc que ce dernier n’indiquait pas que les fonds à payer aux termes de celui-ci constituaient une indemnité pour perte de salaire. J’estime donc qu’aucuns des fonds que le plaignant a reçus aux termes du procès-verbal de règlement ne peuvent être déduits d’une indemnité pour perte de salaire que le Tribunal ordonnera.

J. Le Tribunal devrait-il radier du dossier le témoignage du plaignant sur son interprétation de la clause no 7 du procès-verbal de règlement?

[302] Il est ressorti de la preuve que le procès-verbal était peu pertinent pour ce qui était de la question de l’indemnité pour perte de salaire. Il est donc inutile d’y faire référence ou d’analyser le très bref témoignage que le plaignant a fait sur la nature de cette clause. Cependant, ce témoignage ne sera pas retranché de l’enregistrement audio de l’audience, qui fait partie du dossier officiel. Mais cet enregistrement sera conservé séparément et considéré comme « confidentiel » et, comme il est ordonné ci-après, il ne pourra être consulté qu’à partir du dossier officiel.

K. Analyse concernant l’issue possible de la plainte relative à l’ASFC

[303] Je conclus que les plaintes que le plaignant a déposées à l’encontre de l’ASFC sont une affaire distincte. Ces plaintes avaient trait à des faits qui sont survenus avant ceux qui ont donné lieu à la plainte dont il est question en l’espèce, et je conclus qu’elles sont peu pertinentes à l’égard des questions qui me sont soumises, ainsi qu’à l’égard des décisions rendues en l’espèce. Si, comme l’intimé l’a laissé entendre, le Tribunal qui instruit les plaintes relatives à l’ASFC conclut que le plaignant avait le droit d’être intégré avant l’intégration qu’ordonne la présente décision, il reviendra au plaignant d’examiner cette situation. Le Tribunal est tenu de rendre la présente décision relative aux mesures de redressement demandées en se fondant sur les conclusions et les pièces pertinentes dont il était question dans la décision relative à la détermination de la responsabilité, et en prenant pour base les éléments de preuve et les observations qui ont été présentés à l’audience relativement aux mesures de redressement demandées. Le Tribunal ne devrait pas tenir compte de l’issue conjecturale d’une autre instruction.

L. Analyse concernant la conclusion de discrimination que le Tribunal a tirée dans la décision RHDCC

[304] Je souscris à l’argument que le plaignant a invoqué en réplique, à savoir que Transports Canada ne devrait pas pouvoir se fonder sur l’acte discriminatoire d’un autre ministère, à savoir RHDCC, pour se dégager de toute responsabilité vis-à-vis de la discrimination qu’il a lui-même exercée. Le plaignant a soutenu que la décision RHDCC que le Tribunal a rendue ne change pas le fait que le plaignant a droit à un redressement de la part de l’intimé. Je signale également que l’emploi que le plaignant a occupé à RHDCC en 2007-2008 était de nature temporaire – il s’agissait d’un emploi d’une durée déterminée. L’emploi d’analyste à Transports Canada aurait été d’une durée indéterminée, c’est-à-dire un emploi à temps plein, et non temporaire (ce que l’on appelle parfois un emploi « permanent »).

M. Analyse concernant le montant et la durée de l’indemnité pour perte de salaire et d’avantages sociaux

[305] L’alinéa 53(2)c) de la Loi indique que le Tribunal peut inclure l’aspect suivant dans une ordonnance rendue contre la personne qui s’est livrée à l’acte discriminatoire reproché :

c) […] indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;

[306] La notion qui sous-tend la majeure partie de l’article 53 de la Loi, et cela inclut l’alinéa 53(2)c), est que la perte pour laquelle la victime sollicite une indemnité ou une restitution doit être imputable à l’acte discriminatoire commis. Il doit y avoir un lien de causalité entre les deux.

[307] Le plaignant n’a pas contesté qu’il devrait y avoir des limites au versement d’une indemnité pour perte de salaire, ainsi qu’il a été reconnu dans l’arrêt Chopra CAF (précité), au paragraphe 37. En analysant l’alinéa 53(2)c), la Cour a fait état de deux de ces limites.

[308] La première limite était l’existence obligatoire d’« un lien de causalité entre l’acte discriminatoire et la perte alléguée ». (Voir aussi, à cet égard, l’arrêt Tahmourpour c. Canada, 2010 CAF 192, aux par. 39 à 48.)

[309] La seconde limite était le pouvoir discrétionnaire que la Loi confère au Tribunal de rendre une ordonnance d’indemnisation portant sur « […] la totalité ou […] la fraction des pertes de salaire entraînées par l’acte discriminatoire. L’exercice de ce pouvoir discrétionnaire doit obéir à des principes ». [Souligné dans l’original.]

[310] Je conclus que la question la plus importante qui oppose les parties en ce qui a trait à la demande relative à la perte de salaire et d’avantages sociaux est la période sur laquelle devrait porter l’indemnisation de ces pertes.

N. La détermination du point d’expiration de la période d’indemnisation pour perte de salaire

[311] Le plaignant a fait valoir que l’indemnité pour perte de salaire et d’avantages sociaux devrait être rétroactive au 8 mai 2006, et courir jusqu’à la date de fin des calculs contenus dans son document sur les mesures de redressement demandées (C‑11), soit le mois d’août 2015. De plus, à l’audience, il a demandé que si le Tribunal rendait une ordonnance d’intégration, il ordonne également l’octroi d’une indemnité pour la totalité du salaire et des avantages sociaux, ainsi que le remboursement de toutes les dépenses liées aux soins de santé à compter de la date de fin susmentionnée, et ce, jusqu’à son intégration proprement dite à un poste d’inspecteur TI-06 ou à un poste d’analyste PM-04.

[312] L’une des questions que le Tribunal doit trancher consiste donc à savoir s’il y a un lien de causalité entre la capacité qu’avait le plaignant de gagner un revenu en 2015 et l’acte discriminatoire que l’intimé a commis en 2006. Pour les raisons qui suivent, je conclus que la preuve n’a pas permis d’établir l’existence de ce lien.

[313] Il est ressorti de la preuve que le plaignant est entré au service de RHDCC dans le cadre d’un poste d’une « durée déterminée » ou temporaire le 13 septembre 2007. RHDCC a renouvelé cette durée à deux reprises, mais pas une troisième fois, et le plaignant a cessé d’y travailler le 27 juin 2008. En 2012, dans la décision Hughes c. RHDCC, précitée, le Tribunal a décidé que, dans les circonstances, ce non-renouvellement constituait un acte discriminatoire au sens de l’article 7 de la Loi.

[314] Le 20 juin 2007, l’intimé a rejeté la candidature du plaignant au troisième poste d’inspecteur TI-06 pour lequel il avait postulé (DDR, au par. 292).

[315] L’un des feuillets T4 du plaignant pour l’année 2007 (recueil des mesures de redressement du plaignant, onglet 42) indique que celui-ci a gagné moins de 1 000 $ auprès d’un employeur de la Colombie-Britannique constitué en société à numéro. Le gouvernement fédéral a émis un autre feuillet T4 pour l’année 2007, vraisemblablement en lien avec l’emploi qu’il exerçait à RHDCC.

[316] Le seul feuillet T4 émis pour l’année 2008 qui a été présenté en preuve émanait lui aussi du gouvernement fédéral, et je conclus que le revenu d’emploi inscrit est lié lui aussi à l’emploi qu’il exerçait à RHDCC.

[317] Il est ressorti de la preuve que le plaignant a subi des interventions chirurgicales à l’œil droit aux mois d’août, de septembre et de novembre 2008, dans le but de corriger un décollement rétinien. J’accepte son témoignage selon lequel il lui a été impossible de travailler pendant les quatorze semaines correspondant à son rétablissement à la suite de ces interventions chirurgicales. J’accepte également que, par la suite, pendant une période d’un an et demi à deux ans environ, il a souffert d’une vision trouble.

[318] J’accepte le témoignage du plaignant selon lequel, en 2009, après les interventions chirurgicales oculaires, un entrepreneur en matière d’assurance-emploi a évalué l’état du plaignant et a conclu que celui-ci présentait d’importants obstacles à l’emploi. Il avait donc droit à ce que le gouvernement fédéral subventionne la moitié de la rémunération qu’aurait à payer un employeur qui l’embauchait. Je conclus que l’un des aspects de ces obstacles était son état dépressif, qui était exacerbé en partie par l’acte discriminatoire de l’intimé.

[319] Le seul feuillet T4 pour l’année 2009 que le plaignant a présenté en preuve indique qu’il a reçu du gouvernement fédéral un revenu d’emploi de moins de 1 000 $. Aucune preuve n’a été présentée sur ce que cet emploi représentait. Il n’y avait aucune autre preuve de revenu d’emploi en 2009.

[320] La pièce C-19, page 2, est une lettre datée du 21 janvier 2010, de la part de l’optométriste du plaignant. Cette date semble inexacte car la lettre fait référence au mois de mars 2010, une date postérieure au 21 janvier 2010, encore que, selon moi, cette erreur est peu pertinente. La lettre indique qu’en mars 2010, le plaignant souffrait de deux décollements du vitré à l’œil gauche, qui ne nécessitaient pas une intervention chirurgicale. Cependant, à cause des « corps flottants » qui en résultaient, cela entravait sa vision.

[321] Je considère que ses troubles de vision ne l’ont pas empêché d’obtenir un poste de bureau temporaire auprès de la Garde côtière canadienne entre le mois d’avril 2010 et une date située à la fin du mois d’août ou au début du mois de septembre 2010. Un feuillet T4 pour l’année 2010 indique que le revenu qu’il a tiré de cet emploi s’élevait à 14 879,15 $. Il a déclaré qu’il ne pensait pas qu’il y aurait d’autres perspectives de travail au sein de la Garde côtière.

[322] Je souscris au témoignage du plaignant selon lequel il a présenté sa candidature auprès d’autres employeurs entre les années 2006 et 2011 et qu’il n’a obtenu aucun des postes qui l’intéressaient. La preuve a établi qu’en 2011, il a travaillé pour l’organisme Elections British Columbia pendant six semaines.

[323] En 2012, le gouvernement du Canada a émis à M. Hughes un feuillet T4 pour un montant de moins de 1 000 $. Aucune preuve n’a été présentée au sujet de l’emploi auquel ce montant était lié.

[324] Pendant cinq mois en 2013, et pendant six mois en 2014, il a occupé des postes temporaires auprès du ministère de l’Enfance de la Colombie-Britannique.

[325] Je signale que le 19 août 2014, le médecin du plaignant a fourni un certificat médical à Service Canada pour des prestations de maladie liées à l’assurance-emploi. Ce certificat indique que le plaignant souffrait d’une [traduction] « dépression réactive », qu’il avait besoin d’un congé du [traduction] « lieu de travail » et qu’il lui serait impossible de travailler jusqu’au 15 septembre 2014 (pièce C-19, p. 3). Je signale également que le 2 décembre 2014, ce même médecin a fourni un autre certificat médical pour des prestations de maladie liées à l’assurance-emploi. Ce certificat indique que le plaignant souffrait d’une [traduction] « profonde anxiété et dépression et poussée active récemment dues à divers facteurs externes » [sic partout], et qu’il ne pourrait pas travailler avant [traduction] « au moins » le 1er janvier 2015. Il a touché des prestations d’assurance‑emploi en novembre et en décembre 2014.

[326] Au milieu du mois d’août 2015, le plaignant n’avait pas travaillé cette année-là.

[327] Je conclus qu’en août 2015, le plaignant avait posé sa candidature et obtenu divers postes auprès de divers employeurs. Il avait aussi postulé pour des postes qu’il n’avait pas obtenus. C’est donc dire qu’il y avait des employeurs autres que l’intimé qui avaient rejeté ses demandes d’emploi après l’acte discriminatoire que l’intimé avait commis. Il y avait eu aussi d’autres faits subséquents qui avaient contribué à rompre le lien de causalité entre la perte de salaire du plaignant et l’acte discriminatoire de l’intimé.

[328] Dans ses observations de clôture, l’intimé a convenu que le plaignant aurait été nommé vers le mois de mai 2006. Le plaignant a fait valoir que la date aurait été le 8 mai 2006, car il avait obtenu une note supérieure à celle d’une autre personne qui avait été nommée à cette date-là. L’intimé n’a pas contesté que le 8 mai 2006 était la date de nomination. Je conclus qu’il est raisonnable de fixer au 8 mai 2006 la date à laquelle le plaignant aurait été nommé au poste d’analyste. Je tiens compte du fait qu’à cette date-là M. Hughes était au service de RHDCC, à un poste temporaire toutefois. Il a subi une intervention chirurgicale oculaire en 2008, ce qui n’avait rien à voir avec la discrimination que l’intimé avait exercée. Cependant, s’il avait travaillé pour l’intimé à titre d’analyste, il aurait eu accès à un congé de maladie payé ou à une forme quelconque de prestations d’invalidité de la part de l’assureur-invalidité de l’intimé. En 2009, l’Assurance-emploi a évalué qu’il présentait d’importants obstacles à l’emploi en raison de ses interventions chirurgicales oculaires et de ses troubles de vision. J’accepte son témoignage selon lequel il avait fait part à l’Assurance-emploi de sa déficience, c’est-à-dire de son état dépressif. Je souscris à son témoignage selon lequel sa déficience (l’état dépressif) avait été aggravée par la discrimination dont l’intimé a fait preuve à son endroit. Je conclus qu’il est raisonnable de conclure qu’en 2009, il aurait bénéficié d’une forme quelconque de prestations d’invalidité de longue durée de la part de l’assureur tiers de l’intimé. Je considère de plus que cette situation aurait duré jusqu’en avril 2010, date à laquelle il serait revenu effectuer au moins une partie du travail d’analyste, comme en témoigne le fait qu’il a travaillé pour la Garde côtière à un poste de bureau à compter d’avril 2010. De plus, l’intimé aurait pris à son endroit des mesures d’accommodement au travail si, en avril 2010, sa vision altérée posait encore problème.

[329] La preuve a également établi qu’un nombre élevé d’analystes du renseignement faisant partie de la cohorte embauchée en 2006 – l’année dans laquelle M. Hughes l’aurait été – avaient quitté ce poste en 2011.

[330] Je tiens compte du fait que le départ des autres analystes du renseignement de la cohorte de 2006 était attribuable à des raisons personnelles, et que M. Hughes n’aurait peut-être pas eu de raisons de s’en aller. Néanmoins, le fait que, cinq ans plus tard, ce n’était pas toutes les six personnes initialement nommées qui travaillaient encore comme analystes établit qu’un délai de cinq ans était une période d’occupation raisonnable du poste avant que les titulaires changent d’emploi.

[331] Je conclus que, cinq ans après le 8 mai 2006, le lien de causalité entre l’acte discriminatoire de l’intimé et la perte de salaire et d’avantages sociaux du plaignant s’était rompu, par suite de l’accumulation de faits intermédiaires survenus au cours de cette période : le nouvel emploi du plaignant auprès de RHDCC; ses interventions chirurgicales oculaires et les conséquences en découlant, lesquelles n’étaient pas attribuables à l’acte discriminatoire de l’intimé; l’emploi ultérieur du plaignant auprès de la Garde côtière en 2010; le témoignage du plaignant selon lequel il avait envoyé des [traduction] « centaines » de demandes d’emploi, ce qui amène à conclure que, pendant toute cette période, de nombreux autres employeurs éventuels avaient rejeté les demandes d’emploi du plaignant; et, enfin, le fait qu’un nombre élevé des autres analystes de la cohorte de 2006 ne travaillaient plus comme analystes cinq ans plus tard.

[332] Je conclus donc qu’il est juste et raisonnable d’exercer le pouvoir discrétionnaire dont jouit le Tribunal pour indemniser la victime des « pertes de salaire […] entraînées par l’acte », aux termes de l’alinéa 53(2)c), et ce, en imposant les limites suivantes à la période d’indemnisation pour perte de salaire du plaignant : l’indemnité sera égale à ce que le plaignant aurait gagné, y compris les avantages sociaux auxquels il aurait eu droit, à titre d’analyste de la sûreté maritime aux groupe et niveau PM-04 au cours de la période du 8 mai 2006, inclusivement, au 7 mai 2011, inclusivement. L’indemnité englobera les augmentations qu’il aurait touchées aux termes des conventions collectives applicables. Tout revenu tiré d’un emploi au cours de chacune de ces années sera soustrait de l’indemnité.

O. L’atténuation des dommages

[333] Nul n’a contesté qu’il y avait lieu que le Tribunal tienne compte du fait de savoir si le plaignant avait atténué ses dommages sur le plan salarial. Les deux parties ont convenu du principe qu’il ne devrait pas y avoir de double indemnité pour perte de salaire.

[334] La preuve a établi qu’après que l’intimé ne l’a pas embauché en 2006, le plaignant n’a jamais obtenu un emploi d’une durée indéterminée (à plein temps, permanent) au sein du secteur public, ni un emploi permanent à temps plein au sein du secteur privé.

[335] La preuve a établi qu’en 2006 et 2007 le plaignant a posé sa candidature pour divers postes auprès de l’intimé et d’autres ministères fédéraux, dont RHDCC, où il a décroché un poste temporaire en septembre 2007. Je tiens compte du fait que les demandes que le plaignant a présentées dans le cadre des concours tenus en 2006-2007 pour le poste d’inspecteur TI-06 démontre qu’il s’est efforcé d’atténuer ses dommages. Je souscris à son témoignage selon lequel il a présenté sa candidature pour de nombreux autres postes, y compris auprès d’organismes de placement temporaire privés, des sociétés de navires de croisière, et d’autres. Il a déclaré qu’il avait présenté sa candidature pour des centaines de postes, et que la recherche d’un travail était en soi un emploi à plein temps.

[336] L’intimé a fait valoir que le plaignant aurait dû présenter sa candidature pour les processus de sélection d’inspecteurs TI-06 de 2008, de 2009 et de 2010 (pièce R-15), vu l’affirmation qu’il a faite à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, à savoir qu’il était qualifié pour le poste d’inspecteur TI-06, et en raison de sa demande d’intégration à titre d’inspecteur TI-06.

[337] Je signale le témoignage du plaignant selon lequel, s’il avait vu les avis de 2008‑2010 concernant les postes TI-06, il aurait posé sa candidature. Il a fait valoir aussi qu’aucune personne raisonnable n’aurait présenté sa candidature pour les processus de 2008-2010 après avoir subi un refus à trois reprises, et après s’être trouvée dans l’impossibilité d’acquérir l’expérience en matière d’enquête dont elle avait besoin pour cet emploi.

[338] La preuve a établi que l’avis de déploiement de TI-06 de 2008, qui annonçait des postes d’inspecteur, ne s’adressait qu’aux employés de la fonction publique qui se situaient au même niveau qu’un inspecteur TI-06, ou à un niveau équivalent. Je souscris au témoignage de Mme Domae selon lequel un déploiement ressemble à une mutation. Aucune preuve n’a été présentée au sujet de la date à laquelle cet avis de déploiement avait été lancé. Sa date de clôture était le 8 octobre 2008.

[339] Le plaignant a cessé de travailler pour RHDCC le 27 juin 2008. Aucune preuve n’a permis d’établir si son groupe et niveau (CR-04) étaient semblables ou équivalents à ceux d’un poste de TI-06. Pour pouvoir présenter sa candidature, il aurait fallu que la classification du poste que le plaignant occupait à RHDCC soit équivalente à un poste TI‑06, ce qui n’a pas été établi. De plus, il aurait fallu qu’il présente sa demande avant le 27 juin 2008 au plus tard, soit la date à laquelle il avait cessé de travailler pour RHDCC. Il n’y avait aucune preuve qu’il était admissible à présenter une demande. Pour ce qui était des concours relatifs aux postes d’inspecteur TI-06 de 2008, de 2009 et de 2010 dont il est question à la pièce R-15, Mme Domae a déclaré précisément que les concours de 2009 et de 2010 étaient combinés et qu’il s’agissait dans les deux cas d’affectations internes et externes. Le plaignant aurait‑il dû s’inscrire à ces concours?

[340] Même s’il a déclaré qu’il se serait inscrit à ces concours s’il en avait entendu parler, je conclus qu’en 2009-2010, le plaignant n’avait pas l’expérience en matière d’enquêtes que ces postes exigeaient. Même s’il a affirmé de façon constante pendant toute l’audience relative aux mesures de redressement demandées qu’il possédait les qualifications requises pour un poste d’inspecteur TI-06, il a été conclu dans la décision relative à la détermination de la responsabilité qu’il n’était pas qualifié pour les concours TI-06 qui avaient été tenus en 2005, en 2006 et en 2007. Je conclus qu’en 2010, rien n’avait changé sur le plan de ses qualifications de façon à le rendre admissible à ces concours. En fait, l’avis de déploiement de TI-06 de 2008 comportait comme qualification constituant un atout l’obtention d’un [traduction] « certificat ou diplôme d’études postsecondaires ». Bien qu’une qualification constituant un atout ne soit pas une condition essentielle et que la preuve n’ait pas établi que cet atout était inclus dans les concours de 2008-2010, il n’en demeure pas moins que le plaignant ne le possédait pas et que cela l’aurait désavantagé dans le cadre de ces concours. Cela soulève donc l’autre question de savoir quelle aurait été la possibilité sérieuse de décrocher un poste TI-06 en 2008, en 2009 ou en 2010.

[341] Je conclus donc que le fait de ne pas avoir présenté une demande pour les postes d’inspecteur TI-06 en 2008-2010 n’établit pas en soi qu’il n’a pas atténué ses dommages attribuables à la perte de salaire.

[342] Je conclus que le plaignant aurait eu de la difficulté à obtenir un emploi en 2009, à cause des interventions chirurgicales oculaires qu’il avait subies et qui entravaient sa vision, ainsi qu’à cause de son état dépressif qui, a-t-il dit, avait été exacerbé en 2008 et en 2009. J’arrive à cette conclusion malgré l’offre faite par le Programme d’assurance-emploi aux éventuels employeurs de subventionner la moitié de sa rémunération en raison des importants obstacles à l’emploi qu’il présentait. J’accepte et trouve raisonnable aussi qu’en raison de ses problèmes de dos, il ne pouvait pas poser sa candidature pour des emplois qui obligeaient à soulever des objets lourds ou à effectuer des travaux de construction ou de nature agricole.

[343] La preuve a établi qu’en avril 2010, il a exercé de nouveau un emploi à temps partiel.

[344] Le seul feuillet T4 du plaignant pour l’année 2012 fait état d’un montant de moins de 1 000 $ à titre de revenu d’emploi. Ce feuillet T4 m’amène à conclure que tout revenu d’emploi qu’il a gagné en 2012 était négligeable.

[345] J’accepte qu’il a continué de présenter des demandes d’emploi et je conclus qu’il a réussi en partie à obtenir du travail, comme l’indiquent ses feuillets T4 pour les années 2013 et 2014, lesquels font état d’emplois à temps partiel pour la Colombie-Britannique.

[346] La preuve a établi que le plaignant n’a pas obtenu un emploi d’une durée indéterminée au cours des neuf années qui se sont écoulées entre l’acte discriminatoire de l’intimé (2006) et l’audience relative aux mesures de redressement demandées (2015). La preuve a également établi qu’il avait travaillé de manière assez constante pour l’ADRC, l’ARC et l’ASFC entre 1995 et 2005, sous réserve de la prise d’un congé pour cause de stress.

[347] Je conclus que la preuve a établi que le plaignant a fait des efforts raisonnables pour atténuer les dommages qu’il avait subis pour cause de perte de salaire.

XII. Le fait d’accorder une indemnité pour perte de salaire et une intégration constitue-t-il une double indemnisation?

[348] Je tiens à souligner que cette conclusion au sujet de la perte de salaire et d’avantages sociaux est une mesure de redressement distincte par rapport à celle de l’intégration à un poste d’analyste PM-04, ordonnée plus tôt. Les deux mesures de redressement reposent chacune sur des considérations juridiques et factuelles différentes.

[349] Je garde à l’esprit la conclusion de la Cour, dans l’affaire Naraine, précitée, où la Commission avait conclu que la responsabilité de Ford envers M. Naraine avait [traduction] « pris fin » au moment où ce dernier avait trouvé un emploi comparable chez un autre employeur. La Cour a jugé qu’une telle conclusion était incompatible avec l’ordonnance par laquelle la Commission avait réintégré M. Naraine à un emploi auprès de Ford (arrêt Naraine, précité, au par. 71). Je signale que l’intimé n’a pas fait valoir que le fait de limiter dans le temps le lien existant entre l’acte discriminatoire et la perte de salaire était incompatible avec une intégration – l’argument de l’intimé s’appuyait sur la notion que le Tribunal devrait éviter d’accorder une double indemnité en tenant compte d’une somme d’argent que le plaignant avait reçue conformément au procès-verbal de règlement, et l’intimé a fait valoir que, pour des raisons précédemment exposées, il n’y avait pas lieu d’intégrer le plaignant au poste d’analyste ou d’inspecteur.

[350] Les limites imposées à l’octroi d’une indemnité pour perte de salaire et d’avantages sociaux dans la présente décision relative aux mesures de redressement demandées ne reposent pas sur l’idée que cet octroi « met fin » à la responsabilité de l’intimé envers le plaignant, même si ce dernier a obtenu des postes de nature temporaire en 2007 et en 2010. Ces limites sont plutôt fondées sur le fait que la Loi limite une indemnité pour perte de salaire à la rémunération dont la victime a été privée en raison de l’acte discriminatoire. J’ai conclu que le niveau de revenu que le plaignant a touché cinq ans après que le poste PM-04 lui a été refusé n’était plus « entraîné » par l’acte discriminatoire de l’intimé.

[351] Une conséquence constante et directe de l’acte discriminatoire de l’intimé est la perte, pour le plaignant, d’un poste d’une durée indéterminée, celui d’analyste du renseignement de la sûreté maritime, appelé aujourd’hui « analyste du renseignement ». Il est incontesté que l’acte discriminatoire en question n’a pas simplement privé le plaignant d’une possibilité de postuler pour l’emploi : n’eût été de l’acte discriminatoire, le plaignant aurait obtenu l’emploi en question.

A. Analyse concernant le temps supplémentaire

[352] Le plaignant sollicite une indemnité de 225 000 $ pour perte de rémunération du temps supplémentaire, et ce, pour la période du 8 mai 2006 au 31 août 2015. Dans la présente décision, l’expression « temps supplémentaire » désigne tout temps excédant la semaine de travail ordinaire de 37,5 heures, et cela inclut les heures supplémentaires, les primes de fin de semaine et les primes de quart.

[353] Nul ne conteste que les analystes PM-04 et les inspecteurs TI-06 ont effectué du temps supplémentaire. Il y a eu un désaccord au sujet du montant de la rémunération du temps supplémentaire que le plaignant aurait gagné. Le témoignage du plaignant et celui de Mme Domae étaient nettement différents pour ce qui était de la quantité de temps supplémentaire qu’un analyste effectuerait.

[354] Je souscris au témoignage du plaignant selon lequel, à l’ARC, il n’avait jamais refusé d’effectuer du temps supplémentaire et qu’il en aurait fait de même à Transports Canada. Je signale que le plaignant a témoigné avec franchise et qu’il a reconnu dans ses estimations écrites qu’en raison de ses interventions chirurgicales oculaires, il aurait effectué moins de temps supplémentaire pendant une partie de l’année 2008.

[355] Mme Domae a déclaré que l’intimé offrait du temps supplémentaire aux personnes qui étaient disponibles et disposées à travailler et que les analystes en avaient effectué, surtout au cours de la période de 2008 à 2010, qui avait précédé les Jeux olympiques. Cette preuve établissait que, dans le cas des analystes du COSM, la situation du temps supplémentaire était différente de celle qu’avait connue le plaignant à l’époque où il avait travaillé à l’ARC et à l’ASFC. Celui-ci a déclaré qu’à l’ARC, ses collègues refusaient effectivement d’effectuer du temps supplémentaire. Cependant, s’il avait été embauché au COSM, ses collègues analystes auraient aussi effectué du temps supplémentaire. Je conclus donc que le plaignant n’aurait pas été le seul analyste – ou l’un des très rares analystes – à effectuer du temps supplémentaire. De ce fait, il n’aurait pas gagné autant d’argent en faisant du temps supplémentaire que ce qu’il avait estimé dans le document C‑11 ainsi que dans son témoignage.

[356] La méthode qu’a employée le plaignant pour calculer le temps supplémentaire applicable aux années 2008 et aux années suivantes a consisté à se reporter au relevé des revenus d’emploi (T4) de l’employée E, à le comparer au salaire que cette employée aurait touché d’après les conventions collectives applicables et à présumer que tout ce qui excédait ce salaire était du temps supplémentaire. Je ne souscris pas à cette analyse, car la preuve n’a pas établi selon la prépondérance des probabilités qu’elle était exacte. Je conclus qu’elle ne l’est pas parce que Mme Domae a déclaré qu’en 2012, l’employée E avait reçu une somme forfaitaire de 60 000 $ pour sa mise à pied volontaire dans le cadre des mesures de réaménagement des effectifs. Elle a déclaré que cette somme forfaitaire était incluse dans le feuillet T4 de l’employée E pour l’année 2012, lequel faisait état d’un revenu d’emploi d’un montant de 94 332,93 $ (pièce C-20).

[357] Je conclus que le calcul du plaignant, à savoir que l’employée E avait gagné 28 000 $ en temps supplémentaire en 2012, n’est pas établi, et que le montant du temps supplémentaire, s’il y en a, que l’employée E a gagné en 2012 ne peut pas être déterminé à partir du feuillet T4. Je conclus que cette incertitude jette également suffisamment de doutes sur les autres calculs de temps supplémentaire du plaignant pour que l’on ne puisse pas dire que la preuve a établi, selon la prépondérance des probabilités, que ces calculs sont exacts.

[358] L’intimé n’avait aucun feuillet T4 d’un analyste pour les années 2006 et 2007 à fournir au plaignant. Ce dernier a déclaré que pour calculer la rémunération du temps supplémentaire effectué au cours de ces deux années, il avait présumé que l’intimé manquait de personnel et il avait donc estimé que le montant du temps supplémentaire était de 25 000 $ et de 30 000 $, respectivement. Dans son témoignage, Mme Domae n’a pas précisé s’il y avait eu d’éventuels gains en 2006 et 2007 au chapitre du temps supplémentaire. Elle a toutefois déclaré que le montant de temps supplémentaire moyen que les analystes avaient gagné au cours des quelques années précédant l’audience variait entre 3 000 $ et 7 000 $ et que, pour les années 2008 à 2010, qui avaient précédé les Jeux olympiques, le temps supplémentaire avait augmenté à un montant variant entre 10 000 $ et 12 000 $ chaque année.

[359] Le chiffre de 10 000 $ à 12 000 $ par année traduisait une hausse de la rémunération du temps supplémentaire. Il s’agit là d’une hausse importante. Je conclus donc que les estimations du plaignant au sujet de la rémunération du temps supplémentaire en 2006 et en 2007 ne sont pas raisonnables parce que les chiffres équivalent, d’après la preuve de l’intimé, à au moins le double du montant de la fourchette supérieure des gains moyens réalisés au cours des années 2008 à 2010.

[360] J’ai tenu compte des éléments suivants : le témoignage du plaignant selon lequel il effectuait du temps supplémentaire chaque fois que l’ARC lui en offrait, le fait qu’il n’avait pas pu effectuer autant de temps supplémentaire en 2008 à cause de ses interventions chirurgicales oculaires, et le témoignage de Mme Domae à propos des paramètres du temps supplémentaire moyen qu’accomplissaient les analystes. Je conclus qu’il est raisonnable d’attribuer au plaignant les montants supérieurs des gains de temps supplémentaire moyens, à l’intérieur de la fourchette dont Mme Domae a parlé. De ces montants, il y a lieu de déduire la somme de 3 000 $ en 2008 et de 2 000 $ en 2009, pour tenir compte de la période de récupération et de rétablissement du plaignant après ses interventions chirurgicales oculaires. Je conclus qu’il aurait été moins en mesure d’effectuer du temps supplémentaire au cours de cette période de récupération et de rétablissement.

[361] À l’audience relative aux mesures de redressement demandées, aucune preuve n’a été présentée au sujet de la rémunération du temps supplémentaire que le plaignant aurait gagnée auprès d’autres employeurs pendant la période compensatoire. Je conclus que le plaignant a droit à la somme de 46 100 $ à titre d’indemnité pour perte de rémunération de temps supplémentaire par suite de la discrimination que l’intimé a exercée. La répartition de cette indemnité à l’égard de chacune des années est la suivante :

2006 (au prorata, du 8 mai au 31 déc.) : 4 800 $

2007 : 7 000 $

2008 : 9 000 $

2009 : 10 000 $

2010 : 12 000 $

2011 (au prorata, du 1er janv. au 7 mai) : 3 300 $

[362] Le plaignant soutient que, n’eût été de la discrimination, il aurait bénéficié d’une assurance de soins médicaux, dentaires et de santé à compter du mois de mai 2006, date à laquelle il aurait dû être nommé au poste d’analyste. Il sollicite précisément le remboursement des frais médicaux, des frais dentaires et d’autres frais de santé à la pièce C-19.

[363] Il sollicite également une ordonnance portant que l’intimé lui rembourse les frais de cette nature qu’il a pu engager entre la date de la fin des demandes qu’il a présentées au titre des frais médicaux, dentaires et de santé dans le document C-11 et la date de son intégration aux régimes d’assurance dentaire et médicale de la fonction publique.

C. Analyse

[364] Le plaignant a déclaré qu’à l’époque où il était marié, ses frais médicaux, dentaires et de santé étaient soumis à l’assureur de son épouse, qui en remboursait la totalité. La preuve n’a pas établi la date du mariage, ni la date précise de la séparation ou du divorce, mais le plaignant a déclaré que son mariage s’était rompu à la fin de l’année 2011. Je laisserai donc aux parties le soin d’arriver à une entente au sujet des assurances médicales, dentaires et de santé auxquelles le plaignant aurait eu droit à titre d’analyste PM‑04 au cours de la période du 8 mai 2006 au 7 mai 2011. Le Tribunal demeurera compétent, et si les parties n’arrivent pas à s’entendre, l’une ou l’autre pourra en aviser le Tribunal par écrit, dans les 90 jours suivant la date de la présente décision relative aux mesures de redressement demandées, et ce, de la même façon que pour le droit aux congés et de la manière indiquée dans les ordonnances qui suivent.

[365] Je conclus que le plaignant a engagé la totalité des frais médicaux et dentaires qui sont décrits à la pièce C-19 après le 7 mai 2011. Au vu de ma conclusion antérieure, il n’y a pas de lien de causalité entre l’acte discriminatoire de l’intimé et les frais que le plaignant a personnellement engagés après cette date. Le fait de ne pas avoir pu obtenir une assurance pour ces frais n’était pas attribuable à l’acte discriminatoire de l’intimé. Le Tribunal rejette cette demande.

L’indemnité pour frais liés au refinancement du domicile du plaignant

[366] Le plaignant sollicite le remboursement des frais qu’il a engagés par suite du refinancement de son domicile en 2012 et en 2013, ainsi que de la commission de courtage immobilier et des frais juridiques qui ont été payés en lien avec le refinancement et la vente de son domicile conjugal en 2014.

D. La position de l’intimé

[367] L’intimé a fait valoir qu’il y a un lien de causalité insuffisant entre l’acte discriminatoire et les frais que le plaignant a engagés en lien avec le refinancement hypothécaire et la vente du domicile conjugal.

E. Analyse

[368] Je conclus que le fait que le plaignant a refinancé l’hypothèque grevant son domicile conjugal en 2012 et en 2013 n’est pas attribuable à la discrimination que l’intimé a exercée en 2006. Dans l’intervalle, il avait présenté des demandes d’emploi qui s’étaient révélées infructueuses, il avait occupé d’autres postes temporaires et il avait subi des problèmes de vision qui n’avaient rien à voir avec l’intimé et qui avaient eu une incidence négative sur sa situation financière. La vente du domicile conjugal en 2014 était une décision financière personnelle, et elle était peut-être aussi liée à la rupture du mariage. La preuve n’a pas permis d’établir que ces frais découlaient de l’acte discriminatoire de l’intimé. Ces faits financiers sont survenus après la fin de la période d’indemnisation pour perte de salaire qui a été fixée plus tôt. Dans la mesure où ces faits ont pu être causés en partie par la capacité restreinte du plaignant de gagner sa vie au cours de la période de 2006 à 2011 (par opposition à l’acte discriminatoire lui-même), cette perte est déjà compensée par l’indemnité pour perte de salaire. L’article 53 de la Loi autorise le Tribunal à indemniser la victime d’un acte discriminatoire du salaire dont cette dernière a été privée, mais pas des éléments auxquels ce salaire aurait été consacré. Le Tribunal rejette ces demandes.

F. Le paiement du coût des services d’un actuaire ou d’un comptable en vue du calcul de la majoration

[369] Le plaignant a demandé qu’il soit ordonné à l’intimé de payer les frais des services d’un comptable ou d’un actuaire, qui calculerait le montant du paiement de majoration qu’il souhaitait obtenir de l’intimé. Ce paiement dédommagerait le plaignant de toute conséquence fiscale négative découlant de la réception, en un seul montant forfaitaire, de l’équivalent de plusieurs années de perte de salaire et de temps supplémentaire. Dans la plupart des cas, toutefois, le Tribunal s’attend à ce que le payeur fasse les calculs nécessaires, à ses propres frais (voir, par exemple, la décision Chopra, Tribunal, au par. 52). Je conclus que l’ordonnance appropriée est celle qui correspond au modèle indiqué dans la décision Chopra, et il en est tenu compte dans l’ordonnance qui suit.

G. Le rajustement rétroactif des pensions

[370] Dans son témoignage, le plaignant a établi qu’il a retiré sa pension de retraite de l’ADRC/ARC en décembre 2006, afin d’être en mesure d’avoir accès à ces fonds en cas de besoin, parce qu’il estimait qu’il aurait de la difficulté à trouver du travail. Il a déclaré qu’il ne l’aurait pas fait si Transports Canada l’avait embauché en mai 2006. Selon son témoignage, s’il avait été embauché en mai 2006, comme il aurait dû l’être, sa pension aurait été transférée à l’intimé et elle aurait continué à augmenter sans perturbations de 2006 à 2015, conformément à la convention collective. Il a donc été privé de cette augmentation.

[371] Bien que je reconnaisse que l’acte discriminatoire de l’intimé a eu lieu en mai 2006 et que le plaignant a retiré sa pension à la fin de décembre 2006, une proximité dans le temps n’établit pas en soi un lien de causalité avec un acte discriminatoire. Je conclus que l’accès du plaignant à sa pension a été attribuable à une décision financière volontaire et indépendante personnelle. Je tiens également compte du fait qu’il a bénéficié de l’avantage des fonds de retraite qu’il a touchés. Je conclus donc qu’il n’y avait pas de lien de causalité suffisant entre le fait d’accéder à la pension et l’acte discriminatoire que l’intimé a commis en ne l’embauchant pas à titre d’analyste. Le Tribunal rejette cette demande.

H. Les congés de vacances, congés de maladie, congés de décès, congés de bénévolat et congés pour obligations familiales

[372] Les conventions collectives établissent que le plaignant aurait eu droit aux jours fériés (ce qui aurait pu avoir une incidence sur son droit à des congés de maladie), à ses congés de maladie, ses congés annuels, ses congés de décès, ses congés de bénévolat et ses congés pour obligations familiales s’il avait travaillé comme analyste PM-04. Je laisse aux parties le soin de négocier et de convenir d’un règlement des demandes de congé du plaignant, en prenant pour base la période d’ajustement du salaire du plaignant, qui s’étend du 8 mai 2006 au 7 mai 2011, à titre d’analyste au groupe et niveau PM-04. Le Tribunal demeurera compétent et, advenant que les négociations achoppent, l’une ou l’autre des parties pourra demander que les demandes relatives aux congés soient tranchées par le Tribunal, conformément à l’ordonnance qui suit.

I. L’ordonnance de confidentialité – Demande d’indemnité pour préjudice moral

[373] À l’audience relative aux mesures de redressement demandées, le plaignant a demandé que l’on considère comme confidentielle une petite partie de son témoignage sur le préjudice moral. L’intimé n’a adopté aucune position quant au fait de savoir si ce témoignage pouvait être mentionné dans la décision relative aux mesures de redressement demandées, mais il a présumé que le Tribunal en tiendrait compte.

[374] L’article 52 de la Loi prévoit que les instructions sont publiques. Cependant, l’alinéa 52(1)c) autorise le membre instructeur à rendre toute ordonnance en vue d’assurer la confidentialité de l’instruction, à la condition qu’il soit convaincu que :

il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique;

Je suis persuadée que la divulgation d’une partie particulière du témoignage que le plaignant a fait à l’audience relative aux mesures de redressement demandées lui causerait une contrainte excessive, et que cette contrainte l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que cette partie de l’instruction soit publique. Le témoignage en question figure à l’annexe « A » de la présente décision, il est marqué « Confidentiel » et, même s’il fait partie de la présente décision relative aux mesures de redressement demandées, il ne sera pas publié.

J. Le préjudice moral

[375] Le plaignant sollicite l’indemnité maximale de 20 000 $ que prévoit l’alinéa 53(2)e) de la Loi, lequel prescrit que le Tribunal peut ordonner à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire d’indemniser la victime « qui a souffert un préjudice moral ».

La position du plaignant

[376] Le plaignant a fait valoir qu’il avait reçu tous les documents relatifs aux processus de sélection et que seule l’évaluation le concernant contenait des passages effacés.

[377] Le plaignant a déclaré que son état dépressif avait empiré après l’acte discriminatoire que l’intimé avait commis. Il n’était guère allé au gymnase, il avait pris du poids et il avait commencé à s’isoler de sa famille et de ses amis. Les gestes de l’intimé l’avaient dévasté.

[378] Le plaignant a cité comme précédents plusieurs décisions dans le cadre desquelles le Tribunal avait ordonné l’octroi d’une indemnité pour préjudice moral, et ce, aux fourchettes ou aux montants les plus élevés. La présente décision ne fait référence qu’à celles de ces décisions qui sont considérées comme pertinentes.

[379] Dans la décision Douglas c. SLH Transport Inc., 2010 TCDP 1, l’employeur avait licencié M. Douglas pendant qu’il attendait de subir une intervention chirurgicale au genou. Ce licenciement soudain avait été un coup cruel porté à une personne qui avait des antécédents de problèmes d’anxiété. La situation l’avait plongé dans un état de dépression, d’anxiété et de désespoir. Le Tribunal avait accordé la somme de 15 000 $ pour préjudice moral (par. 79). Selon le plaignant, les facteurs en jeu dans la présente affaire étaient semblables : il avait vécu une forme encore plus extrême de discrimination et le résultat avait été encore plus marqué que dans le cas de M. Douglas.

[380] La décision Stringer c. Conseil du Trésor (M.D.N.) et Administrateur général (M.D.N.), 2011 CRTFP 110, était une décision rendue en vertu de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, qui confère aux arbitres le pouvoir d’interpréter et d’appliquer la LCDP. Ces derniers peuvent donc ordonner l’octroi de dommages-intérêts pour préjudice moral, ainsi qu’une indemnité spéciale. Le plaignant a fait remarquer que l’affaire Stringer contenait un excellent résumé du droit applicable et qu’elle incluait de nombreuses décisions du TCDP. Au paragraphe 27 de cette décision, il était fait référence à la décision Pepper c. Administrateur général (M.D.N.), 2008 CRTFP 71. Au paragraphe 30, la décision Stringer faisait référence à la décision Johnstone c. Canada (A.S.F.C.) 2010 TCDP 20, et, au paragraphe 35, elle mentionnait la décision Hughes  c. Élections Canada, 2010 TCDP 4. Le plaignant a fait valoir que sa situation était semblable à l’affaire Johnstone, ainsi qu’à l’affaire Richards c. C.N.R., 2010 TCDP 24, laquelle est analysée au paragraphe 34 de la décision Stringer. Dans les décisions Johnstone et Richards, ce sont des montants relativement élevés qui ont été accordés.

[381] Dans la décision Warman c. Kyburz, 2003 TCDP 18, le Tribunal a analysé la question d’une indemnité pour préjudice moral aux paragraphes 106 à 110. Les circonstances étaient différentes de celles dont il est question en l’espèce, mais le type de conséquences que M. Warman avait subi était semblable à celui que le plaignant avait vécu, en ce sens que sa situation l’inquiétait et qu’il avait ressenti des effets sur sa vie de tous les jours. La façon dont les conséquences avaient continué de toucher M. Warman dans sa situation était semblable à l’expérience qu’avait vécue le plaignant en l’espèce.

[382] Le plaignant a souligné que l’acte discriminatoire de l’intimé avait eu sur lui un effet extrême. Le premier effet avait été l’existence même de l’acte discriminatoire, et le second résultait du fait d’avoir découvert qu’il avait été victime de discrimination.

La position de l’intimé

[383] L’intimé a fait valoir que la mention « TB » [Très bien] était un commentaire préliminaire, qui donnerait lieu en fin de compte à un résultat numérique après un contrôle des références. Le résultat numérique était basé sur les réponses et le contrôle des références, qui vérifiait la réponse initiale du candidat. Ce fait est ressorti du témoignage de Sonya Wood. L’intimé a fait valoir que le résultat clé était le résultat numérique. Toutes les demandes contenaient partout des annotations faites au crayon, comme « TB » et « NG » [« Not good » ou « Pas bien »]. La demande du plaignant n’était rien de plus qu’un de ces documents-là. De plus, aucune preuve n’a été présentée, soit à l’audience relative à la détermination de la responsabilité, soit à l’audience relative aux mesures de redressement demandées, pour indiquer que l’effacement de cette annotation avait été fait délibérément. Selon la preuve, les dossiers et les guides de cotation étaient des documents de travail, que s’échangeaient de nombreuses personnes, et rien n’expliquait pourquoi l’effacement avait eu lieu. L’intimé a également fait valoir que s’il avait voulu dissimuler l’acte discriminatoire, il aurait pu carrément se débarrasser de la demande du plaignant. Il a tout de même été conclu dans la décision relative à la détermination de la responsabilité que, malgré l’effacement de la mention « TB », l’acte discriminatoire de l’intimé était indirect ou involontaire. Cette conclusion devrait réduire l’indemnité pour préjudice moral à un montant inférieur aux 20 000 $ que sollicitait le plaignant.

[384] L’intimé a aussi fait valoir qu’au moment de se prononcer sur l’indemnité pour préjudice moral, le Tribunal devrait tenir compte du fait que le plaignant avait déposé d’autres plaintes relatives aux droits de la personne contre d’autres organismes fédéraux, y compris une plainte simultanément déposée contre l’ASFC, qui portait sur une période antérieure à celle dont il était question en l’espèce (pièce R-6).

K. Analyse de la demande d’indemnité pour préjudice moral

[385] L’alinéa 53(2)e) de la Loi autorise le Tribunal à « indemniser […] la victime qui a souffert un préjudice moral ».

[386] Il est ressorti de la preuve que le plaignant avait déposé d’autres plaintes contre d’autres intimés qui l’avaient employé, des plaintes qui portaient sur des périodes datant d’avant et après l’acte discriminatoire de l’intimé dont il est question en l’espèce.

[387] Le plaignant a gagné des revenus nettement inférieurs à cause de l’acte discriminatoire qu’a commis l’intimé en ne l’embauchant pas à titre d’analyste, et j’admets que cette situation, ainsi que le litige connexe, ont pu avoir exercé de fortes pressions sur son mariage. Son témoignage selon lequel cette situation a entraîné la rupture de son mariage à la fin de l’année 2011 n’a pas été contesté, et j’y souscris. Il ressortait de son témoignage que la situation avait causé au plaignant des problèmes et de la tristesse, et cela avait eu une incidence négative sur son état dépressif.

[388] Le plaignant a subi un préjudice moral considérable. Je conclus que, sous l’angle de l’audience relative aux mesures de redressement demandées, il y a eu un certain nombre de chevauchements entre le préjudice moral découlant de l’acte discriminatoire que l’intimé a commis en 2006 et le préjudice moral découlant de l’acte discriminatoire que RHDCC a commis en 2008. Je conclus qu’il s’agit là d’un facteur de dépréciation dans mon évaluation de la demande que le plaignant a présentée aux termes de l’alinéa 53(2)e).

[389] Cependant, le préjudice moral découlant de l’acte discriminatoire de l’intimé s’est fait sentir de nouveau en 2013, quand l’effacement de la mention « TB » a été découvert à l’audience relative à la détermination de la responsabilité. La mention effacée était liée à la qualification à laquelle le plaignant, lui avait-on dit, ne satisfaisait pas – l’attention au détail – et à cause de laquelle l’intimé ne l’embaucherait pas à titre d’analyste. La preuve présentée à l’audience relative à la détermination de la responsabilité ainsi qu’à l’audience relative aux mesures de redressement demandées n’a pas établi comment et pourquoi la mention « TB » avait été effacée, et on ne le saura peut-être jamais. Mais il est incontestable que cela est arrivé.

[390] Dans son témoignage, le plaignant a décrit de quelle façon, après ne pas avoir décroché le poste d’analyste, son état dépressif a empiré. Ce fait, conjugué à la façon dont la nouvelle révélation de l’effacement de la mention « TB » à l’audience relative à la détermination de la responsabilité de 2013 l’a affecté, ainsi que son profond état de dépression et de détresse au sujet de sa situation en novembre 2014, m’amène à conclure qu’il convient d’accorder une indemnité de 15 000 $ pour le préjudice moral que le plaignant a subi par suite de l’acte discriminatoire de l’intimé. Pour ce faire, j’ai tenu compte du fait qu’une partie de l’état de dépression et de détresse qui est ressorti de la preuve du plaignant était attribuable à l’acte discriminatoire de RHDCC.

L. Indemnité spéciale

[391] Le paragraphe 53(3) de la Loi indique :

Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

M. L’intimé s’est-il livré à l’acte discriminatoire de façon délibérée?

La position du plaignant

[392] Le plaignant a fait valoir que l’effacement de la mention « TB » représentait un caractère délibéré assez évident, et était assimilable à une [traduction] « dissimulation » de l’acte discriminatoire qui n’a été découverte qu’au cours de l’audience relative à la détermination de la responsabilité de 2013, occasion à laquelle l’intimé avait présenté le document original. M. Lavers, qui présidait le Comité de sélection chargé du concours relatif aux postes d’analyste, était au courant de l’état dépressif du plaignant et s’était servi d’une référence neutre pour lui attribuer une note d’échec à l’égard du critère de l’« attention au détail », même si les réponses que le plaignant avait données au moment de son entretien avaient été considérées comme « TB » et auraient dû se traduire par une note élevée. La note d’échec avait coûté au plaignant le poste d’analyste.

La position de l’intimé

[393] L’intimé s’est opposé à la demande d’indemnité du plaignant pour cause d’acte discriminatoire délibéré ou inconsidéré. L’indemnité pour acte délibéré ou inconsidéré était axée sur la conduite de l’intimé, et non sur les dommages que le plaignant avait subis. La seule conclusion tirée dans la décision relative à la détermination de la responsabilité était que l’acte discriminatoire en question était indirect ou involontaire. De ce fait, de l’avis de l’intimé, il n’y a pas eu d’acte discriminatoire délibéré ou inconsidéré, et le plaignant n’a pas droit à une indemnité spéciale quelconque.

Analyse

[394] Le témoignage concernant l’effacement de la mention « TB » a été principalement entendu au cours de l’audience relative à la détermination de la responsabilité. Dans la décision consécutive, le Tribunal a conclu que l’effacement de cette mention était un « élément circonstanciel additionnel », relativement à l’acte discriminatoire, et il « a considéré cette situation comme étant troublante au regard des faits du présent dossier » (DDR, au par. 240).

[395] Une conclusion de caractère délibéré dans le cadre d’un acte discriminatoire requiert un élément d’intention (Canada (Procureur général) c. Johnstone, 2013 CF 113 (Johnstone CF), au paragraphe 155, décision modifiée pour d’autres raisons par 2014 CAF 110.

[396] Au paragraphe 253 de la décision relative à la détermination de la responsabilité, le Tribunal a conclu que « même de façon indirecte où non intentionnellement, la preuve de discrimination a été établie » dans le cadre du concours relatif aux postes d’analyste. Le membre instructeur a tiré cette conclusion même s’il a jugé que les circonstances entourant l’effacement de la mention « TB » étaient « troublante[s] » (DDR, au par. 240).

[397] À l’audience relative à la détermination de la responsabilité, le membre instructeur était le mieux placé pour évaluer les témoins qui s’étaient exprimés à cette occasion, de même que la crédibilité de leur témoignage. Ces témoins comprenaient M. John Lavers et Mme Sonya Wood, qui avaient pris directement part au processus de sélection des analystes. Je suis donc d’avis que la conclusion que le Tribunal a tirée dans la décision relative à la détermination de la responsabilité, à savoir que l’acte discriminatoire que l’intimé avait commis était involontaire, empêche de conclure, dans la décision relative aux mesures de redressement demandées, que l’intimé s’est livré délibérément à l’acte discriminatoire.

N. L’intimé s’est-il livré à l’acte discriminatoire de manière inconsidérée?

[398] Le plaignant a fait valoir ce qui suit à l’appui d’une conclusion de conduite inconsidérée.

[399] À l’audience relative à la détermination de la responsabilité, Mme Wood, qui témoignait pour le compte de l’intimé, a admis que l’effacement de la mention « TB » avait eu lieu, mais elle n’a pas pu l’expliquer. La question de l’effacement de cette mention, en lien avec le critère de l’attention au détail, était importante pour la demande d’indemnité spéciale, parce qu’elle démontrait l’existence d’une conduite inconsidérée.

[400] Le plaignant avait essayé de fournir à M. Lavers des renseignements sur ses qualifications et son expérience, notamment au sujet de son attention au détail, et il avait eu de la difficulté à obtenir des références, mais il en avait finalement obtenu de M. Bill DiGiustini. À la même époque environ, le plaignant avait fait état de sa déficience à M. Lavers, qui présidait le Comité de sélection. Quand M. Lavers avait demandé à M. DiGiustini si M. Hughes avait le souci du détail, M. DiGiustini n’avait pas pu faire de commentaires et avait fourni une référence essentiellement neutre au sujet de ce critère. M. Lavers avait toutefois accordé au plaignant une note d’échec à l’égard de ce critère, en se fondant sur la référence de M. DiGiustini. Le plaignant a soutenu qu’il y avait eu de nombreuses preuves à l’époque qui montraient qu’il avait le souci du détail. Il avait présenté une série de renseignements montrant qu’il possédait cette qualité, et il y avait une note dans ces renseignements qui soulignait son comportement minutieux. Le plaignant a qualifié les gestes de M. Lavers d’inconsidérés. Il a fait valoir que sa situation était semblable à celle dont il était question dans les décisions Johnstone (précitée) et Richards (précitée), où des montants relativement élevés avaient été accordés pour un acte discriminatoire délibéré et inconsidéré. Le plaignant a fait remarquer que le Tribunal avait depuis toujours exercé son pouvoir discrétionnaire pour adjuger le montant maximal dans les cas les plus flagrants (Premakumar c. Air Canada, 2002 CanLII 23561, au par. 107).

Analyse

On entend par « acte inconsidéré » celui qui témoigne d’un mépris ou d’une indifférence quant aux conséquences et d’une manière d’agir téméraire ou insouciante.

(Johnstone CF, ibidem).

[401] Dans la décision relative à la détermination de la responsabilité, le Tribunal a conclu que Mme Wood avait « écarté du revers de la main » tous les documents du plaignant qui contenaient divers commentaires illustrant certains aspects de la capacité du plaignant d’être « attentif aux détails » (DDR, au par. 249). Le Tribunal a également conclu que le président du Comité de sélection, M. Lavers, ne s’était pas demandé pourquoi des personnes qui avaient auparavant fourni de bonnes références à propos du plaignant avaient par la suite refusé d’en fournir pour le poste d’analyste PM-04 (DDR, au par. 228). Le Tribunal a conclu que M. Lavers n’avait pas « effectué une analyse sérieuse et exhaustive de toute la documentation fournie par le plaignant […] devant lui permettre de comprendre que ce dernier satisfaisait au critère de l’attention au détail» (DDR, au par. 251). Le Tribunal a par ailleurs conclu que « monsieur Lavers au moment de l’analyse du dossier du plaignant aurait très certainement pu faire plus et faire preuve d’une plus grande ouverture d’esprit tenant compte de la documentation fournie par le plaignant » (ibidem). Il était indiqué dans la décision relative à la détermination de la responsabilité, au paragraphe 241 :

Encore une fois, le Tribunal a de la difficulté à s’expliquer le comportement du Comité de sélection plus particulièrement après que madame Sonya Wood dans un courriel daté du 7 février 2006 […] ait indiqué que le Comité de sélection devait et devrait utiliser toute autre option ou outil afin de permettre au Comité de sélection d’arriver à une conclusion dans le cadre d’une application.

[402] Le Tribunal a également fait référence aux courriels par lesquels Mme Wood avait conseillé à M. Lavers de se fonder sur tous les renseignements utiles en vue d’évaluer les candidats. Il a fait remarquer qu’en dépit de tous les documents que le plaignant lui avait fournis, « [l]a preuve a révélé que monsieur Lavers avait manifesté sa préférence afin de communiquer avec des personnes directement plutôt que de s’en référer aux documents qui lui avaient été soumis » (DDR, au par. 225).

[403] Les gestes qui précèdent, considérés ensemble, établissent que l’intimé a fait abstraction des conséquences de ses actes et a fait preuve d’indifférence à leur égard. Dans ce contexte, il s’est livré de manière inconsidérée à l’acte discriminatoire visant le plaignant.

[404] Cependant, la preuve n’a pas établi que le caractère inconsidéré de l’intimé avait atteint le niveau de conduite dont l’ASFC avait fait preuve dans l’affaire Johnstone, précitée, où cette partie n’avait pas tenu compte d’une ordonnance antérieure du Tribunal au sujet des questions de discrimination semblables.

[405] Je conclus qu’il convient que l’intimé paie au plaignant une indemnité de 5 000 $ pour la conduite inconsidérée dont il a fait preuve en exerçant de la discrimination à son encontre.

O. Les intérêts

[406] Le paragraphe 53(4) de la Loi indique :

Sous réserve des règles visées à l’article 48.9, le membre instructeur peut accorder des intérêts sur l’indemnité au taux et pour la période qu’il estime justifiés.

[407] Il convient que l’intimé paie au plaignant des intérêts sur l’indemnité ordonnée dans la présente décision relative aux mesures de redressement. L’intimé paiera au plaignant les intérêts accumulés au cours de la période du 8 mai 2006 jusqu’à la date du paiement, conformément à l’ordonnance qui suit.

XIV. Les ordonnances de maintien de la compétence

[408] Le Tribunal s’attend à ce que les parties tentent de négocier le règlement de tout litige que les mesures de redressement ordonnées sont susceptibles de causer. Cela dit, il conserve par la présente la compétence de trancher tout litige pouvant survenir à l’égard de la quantification ou de la mise en œuvre de l’une quelconque des mesures de redressement ordonnées. La partie qui demandera au Tribunal de trancher les questions qui précèdent est tenue de signifier et de déposer un avis à cet effet, et ce, au plus tard un an après la date de la présente décision.

[409] Le Tribunal s’attend également à ce que les parties tentent de négocier et d’adopter le règlement des demandes relatives aux congés de décès, aux congés de maladie, aux jours fériés, aux congés de vacances, aux congés pour obligations familiales, aux congés de bénévolat et aux autres demandes relatives aux soins médicaux, dentaires, pharmaceutiques et autres services de santé qui s’appliquent au cours de la période de compensation salariale du 8 mai 2006 au 7 mai 2011. Si les parties n’arrivent pas à s’entendre sur le règlement des demandes relatives aux congés et aux services de santé qui précèdent, le Tribunal demeure compétent pour trancher tout litige que ces demandes sont susceptibles de causer. La partie qui demandera au Tribunal de trancher les demandes qui précèdent est tenue de signifier et de déposer un avis à cet effet au plus tard dans les 90 jours qui suivent la date de la présente décision.

XV. L’ordonnance de confidentialité, conformément à l’article 52 de la LCDP

  1. Le procès-verbal de règlement, soit la pièce R-9, ne peut être divulgué, sauf si la Loi sur les Cours fédérales ou les Règles des Cours fédérales l’exigent. Le greffe assurera la confidentialité de ce document, et le versera dans une enveloppe scellée, marquée « Confidentiel ».
  2. Le greffe assurera la confidentialité de l’annexe « A », jointe ci-après, et la versera dans une enveloppe scellée, marquée « Confidentiel ».
  3. Le greffe ne publiera pas l’annexe « A » sur le site Web du Tribunal.
  4. L’annexe « A » ne pourra être divulguée, sauf si la Loi sur les Cours fédérales ou les Règles des Cours fédérales l’exigent.
  5. Le greffe du Tribunal assurera la confidentialité de l’enregistrement audio que détient le Tribunal au sujet des renseignements liés à la pièce R-9 et à l’annexe « A » (l’enregistrement confidentiel). Cet enregistrement confidentiel ne pourra pas être divulgué, sauf si la Loi sur les Cours fédérales et les Règles des Cours fédérales l’exigent.
  6. Dans les cas où il ne sera pas raisonnablement possible de séparer l’enregistrement confidentiel du reste de l’enregistrement audio, la totalité de l’enregistrement audio sera considérée comme confidentielle, conformément aux prescriptions qui précèdent, et désignée en tant que telle.
  7. Dans les cas où il sera raisonnablement possible de séparer l’enregistrement confidentiel du reste de l’enregistrement audio, la partie séparée sera considérée comme confidentielle, conformément aux prescriptions qui précèdent, et désignée en tant que telle.

XVI. L’ordonnance de redressement prévue à l’article 53 de la LCDP

  1. L’intimé intégrera le plaignant, sous réserve de la cote de sécurité requise, à la première occasion raisonnable et sans concours, au poste d’analyste du renseignement au groupe et au niveau PM-04, de pair avec tous les avantages sociaux connexes. Le poste sera situé à Esquimalt (Colombie-Britannique) ou à Vancouver (Colombie-Britannique), à la condition que le plaignant soit disposé à déménager.
  2. Aussitôt après l’intégration du plaignant au poste d’analyste du renseignement PM‑04, l’intimé dispensera au plaignant une formation adaptée à ce poste, en tenant compte du temps écoulé depuis que l’acte discriminatoire a été commis.
  3. L’intimé paiera au plaignant une indemnité pour le salaire (exclusion faite du temps supplémentaire) que le plaignant aurait gagné à titre d’analyste de la sûreté maritime au groupe et au niveau PM-04, au cours de la période du 8 mai 2006 au 7 mai 2011, y compris toute augmentation salariale prévue par les conventions collectives applicables, et sous réserve de toutes les retenues auxquelles sont habituellement soumis les employés nommés pour une période indéterminée.
  4. De l’indemnité prévue au paragraphe 3 de la présente ordonnance de redressement, l’intimé soustraira un montant équivalant aux revenus d’emploi que le plaignant a touchés pendant chacune des années de la période.
  5. L’indemnité pour perte de salaire est assujettie aux obligations qu’imposent aux parties les articles 45 et 46 de la Loi sur l’assurance-emploi.
  6. L’intimé cotisera la totalité des montants qu’il aurait cotisés à tous les régimes de retraite auxquels aurait adhéré le plaignant, en tant qu’employé nommé pour une période indéterminée, pendant la période du 8 mai 2006 au 7 mai 2011.
  7. L’intimé paiera au plaignant la somme de 46 100 $ à titre d’indemnité pour la rémunération du temps supplémentaire perdue au cours de la période du 8 mai 2006 au 7 mai 2011, sous réserve des retenues habituellement prélevées sur cette forme de rémunération.
  8. L’intimé paiera au plaignant un montant de majoration suffisant pour couvrir tout montant supplémentaire d’impôt sur le revenu à payer à la suite de l’ordonnance imposée à l’intimé de payer au plaignant, sous la forme d’un montant forfaitaire, le salaire habituel, le temps supplémentaire ainsi que tous les avantages imposables qu’il aurait par ailleurs acquis au cours de la période du 8 mai 2006 au 7 mai 2011.
  9. Aux termes de l’alinéa 53(2)e) de la Loi, l’intimé paiera au plaignant la somme de 15 000 $ à titre d’indemnité pour préjudice moral découlant de l’acte discriminatoire commis.
  10. Aux termes du paragraphe 53(3) de la Loi, l’intimé paiera au plaignant la somme de 5 000 $ à titre d’indemnité pour l’acte discriminatoire inconsidéré que l’intimé a commis.
  11. Aux termes du paragraphe 53(4) de la Loi, ainsi que du paragraphe 9(12) des Règles de procédure du Tribunal, l’intimé paiera au plaignant des intérêts sur les indemnités ordonnées, depuis le 8 mai 2006 jusqu’à la date du paiement. Ces intérêts seront à taux simple, calculés sur une base annuelle, à un taux équivalent au taux (série mensuelle) fixé par la Banque du Canada. L’accumulation des intérêts sur les indemnités accordées en vertu de l’alinéa 53(2)e) ou du paragraphe 53(3) ne pourra en aucun cas donner lieu à une indemnité totale supérieure aux montants maximaux qui y sont prescrits.

Signée par

Olga Luftig

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 1 juin 2018

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1656/01111

Intitulé de la cause : Chris Hughes c. Transports Canada

Date de la décision du Tribunal : Le 1er juin 2018

Date et lieu de l’audience : Du 10 au 12 août 2015

Victoria (Colombie-Britannique)

Comparutions :

David Yazbeck, pour le plaignant

Aucune comparution , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Kevin Staska et Malcolm Palmer, pour l'intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.