Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Titre : Tribunal's coat of arms - Description : Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

 

Référence : 2017 TCDP  35

Date : le 2 novembre 2017

Numéro du dossier : T1340/7008

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada

 

– et –

 

Assemblée des Premières Nations

les plaignantes

– et –

 

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

– et –

 

Procureur général du Canada

 

(représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien)

 

l’intimé

– et –

 

Chiefs of Ontario

 

– et –

 

Amnistie Internationale

 

– et –

 

Nation Nishnawbe‑Aski

les parties intéressées

 

Décision

 

Membres instructeurs : Sophie Marchildon et Edward Lustig

 


[1]  Le 26 mai 2017, la formation a rendu sa décision sur les mesures d’aide immédiates liées au principe de Jordan, sous la référence 2017 TCDP 14 (« les ordonnances du 26 mai »).

[2]  Le 23 juin 2017, le Canada a présenté une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de certains aspects des ordonnances du 26 mai par laquelle il cherchait à obtenir l’annulation des paragraphes qui lui interdisaient de tenir des conférences sur la gestion de cas et l’obligeaient à faire l’évaluation initiale et à rendre une décision dans un délai de 12 à 48 heures suivant la réception de la demande.

[3]  La Société de soutien, l’APN, Santé Canada et les représentants d’AANC ont conclu une entente en octobre 2017. Celle‑ci était fondée sur les principes suivants :

  1. Dans les cas où des professionnels possédant une expertise clinique, recommandent un service pour un enfant d’une Première Nation, c’est le service recommandé qui doit être étudié aux fins d’approbation et non un service différent;
  2. Conférences de gestion de cas
  1. Il est légitime de tenir des conférences de gestion de cas cliniques (discussions sur les besoins d’un prestataire de service avec les professionnels assignés à son dossier ayant une expertise pertinente) lorsqu’on a raisonnablement besoin de plus amples renseignements pour comprendre les besoins cliniques d’un enfant d’une Première Nation;

  2. Lorsqu’une conférence de gestion de cas clinique est raisonnablement nécessaire pour comprendre les besoins cliniques d’un enfant d’une Première Nation et, que des professionnels ayant une expertise pertinente sont déjà assignés au dossier de l’enfant de la Première Nation, ce sont ces professionnels qui doivent être consultés;

  3. Quand une conférence de gestion de cas clinique a lieu, la décision sur la demande de service doit être rendue dans les 12 heures suivant la réception de tous les renseignements nécessaires pour les cas urgents et, dans les 48 heures de la réception de tous les renseignements nécessaires, dans les cas non urgents;

  4. Les conférences de gestion administratives (discussions intragouvernementales ou intergouvernementales portant sur les mécanismes entourant la prestation des services) ne doivent pas retarder la réception des services par un enfant d’une Première Nation;

  5. Lorsqu’il s’agit d’un cas où un service est disponible, le Canada peut, dans le délai imparti pour le type de cas à l’étude, consulter la famille de l’enfant d’une Première Nation, la collectivité de la Première Nation ou des fournisseurs de services pour financer le service;

  6. Dans les cas où le service recommandé est approuvé mais non-disponible, le Canada devra déployer tous les efforts raisonnables afin de s’assurer que le financement soit fourni dans un délai qui correspond, autant que possible, à celui prescrit pour le type de cas à l’étude.

  1. Délais
  1. Dans certains cas, où les besoins en matière de services ne sont pas clairs, il n’est peut‑être pas dans l’intérêt supérieur de l’enfant de la Première Nation qu’une décision relative aux services soit prise en moins de 48 heures;

  2. Dans les cas urgents, où il est raisonnablement prévisible, qu’un préjudice irréparable se matérialise, une intervention d’urgence immédiate est prise jusqu’à ce qu’une intervention plus complète puisse être élaborée et mise en œuvre;

  3. Les conférences de gestion de cas visant des groupes (qui portent sur les lacunes dans les services qui touchent un grand nombre d’enfants) devraient être traitées différemment des conférences sur le cas d’un enfant en particulier, et il est raisonnable que les décisions concernant un groupe soient prises dans un délai d’une semaine pour les cas non urgents, et dans les 48 heures pour les cas urgents où un préjudice irrémédiable n’est pas raisonnablement prévisible;

  1. Les retards dans les services dus à un manque d’information au sujet des besoins cliniques d’un enfant d’une Première Nation devraient faire l’objet d’un suivi et de rapports dans le cadre du processus de présentation de rapports du Tribunal.

[4]  Le 31 octobre 2017, la Société de soutien a présenté une requête par écrit dans le but d’obtenir une ordonnance modifiant certaines dispositions des ordonnances du 26 mai. Les modifications sont exposées dans la pièce A jointe à l’affidavit de Doreen Navarro (« les modifications proposées »). Les modifications proposées donnent effet à une entente qui a été conclue entre la Société de soutien plaignante, l’Assemblée des Premières Nations plaignante et le Canada intimé à cet égard. La documentation à l’appui de la requête de la Société de soutien fait valoir que les modifications proposées régleraient les questions dont est saisie la Cour fédérale dans la demande de contrôle judiciaire présentée par le Canada.

[5]  Le Canada intimé, l’Assemblée des Premières Nations, la Commission, l’organisme Chiefs of Ontario, la Nation Nishnawbe‑Aski et Amnistie Internationale ont tous confirmé par écrit qu’ils consentent au redressement demandé dans la requête de la Société de soutien.

[6]  Selon les documents joints à la requête, les modifications proposées devraient faire en sorte que le Canada soit en mesure de se conformer aux ordonnances du 26 mai et que ses préoccupations soient prises en compte de manière à assurer l’égalité réelle pour les enfants des Premières Nations, tout en offrant aux enfants des Premières Nations des services adaptés sur le plan culturel et en protégeant leurs intérêts supérieurs.

[7]  Après avoir étudié les documents à l’appui de la requête ainsi que les consentements produits par l’APN, le Canada, la Commission, l’organisme Chiefs of Ontario, la Nation Nisnawbe-Aski (la NNA) et Amnistie Internationale, notre formation a décidé de modifier les ordonnances du 26 mai conformément aux modifications proposées. Au paragraphe 4A des ordonnances du 26 mai, la formation indique qu'elle conserve compétence à l’égard des ordonnances susmentionnées pour s’assurer qu’elles sont exécutées de façon efficace et ce, afin de utile les clarifier ou de les préciser, au besoin. La formation est d’avis que les modifications proposées servent à clarifier ou à préciser les ordonnances du 26 mai et que, par conséquent, elles sont visées par la rétention de sa compétence.

[8]  La formation trouve encourageant d’apprendre que toutes les parties et les parties intéressées en l’espèce consentent au redressement demandé dans la requête et qu’elles sont arrivées à un règlement dans l’espoir de pouvoir collaborer, sans avoir à recourir à une instance en contrôle judiciaire. La présente décision incorpore ce règlement ainsi que le libellé des modifications proposées aux ordonnances rendues le 26 mai par notre formation. La formation adopte les modifications proposées telles qu’elles sont énoncées dans l’ordonnance ci‑dessous et ce, conformément à l’alinéa 53(2)(a) de la Loi. Les modifications aux ordonnances du 26 mai sont indiquées dans le texte ci-dessous (les suppressions sont rayées et les ajouts sont soulignés). Par souci de commodité, une copie finale des ordonnances du 26 mai modifiées est jointe à la présente décision. 

[9]  Enfin, la formation désire préciser que son acceptation des modifications aux ordonnances du 26 mai et proposées par les parties, n’a pas pour effet de modifier l’une ou l’autre des mesures de redressement qu’elle a ordonnées précédemment.

ORDONNANCE

[10]  Pour les motifs énoncés ci‑dessus, la formation modifie les ordonnances qu’elle a rendues le 26 mai 2017 dans le cadre de sa décision sur les mesures d’aide immédiates liées au principe de Jordan (2017 TCDP 14), en remplaçant le paragraphe 135 de la décision par le paragraphe suivant :

[135]  Conformément à ce qui précède, les ordonnances de la formation sont les suivantes :

1.  Définition du principe de Jordan

  1. En date de la présente décision, le Canada cessera de s’appuyer sur les définitions du principe de Jordan qui ne se conforment pas aux ordonnances de la formation rendues dans 2016 TCDP 2, 2016 TCDP 10, 2016 TCDP 16 et dans la présente décision, et cessera de les perpétuer.
  2. En date de la présente décision, la définition utilisée par le Canada se fondera sur les principes clés suivants afin de définir et d’appliquer le principe de Jordan :
  1. Le principe de Jordan est un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité et qui s’applique également à tous les enfants des Premières Nations, qu’ils vivent dans une réserve ou non. Il n’est pas limité aux enfants qui sont en situation de déficience ou qui ont, à court terme, des affections médicales ou sociales particulières générant des besoins critiques à recevoir des services de santé et des services sociaux ou ayant une incidence sur leurs activités de la vie quotidienne.

  2. Le principe de Jordan répond aux besoins des enfants des Premières Nations en s’assurant qu’il n’y a pas de lacunes dans les services gouvernementaux qui sont offerts à ces enfants. Il peut notamment répondre aux lacunes dans la prestation des services de santé mentale, d’éducation spécialisée, de kinésithérapie, d’orthophonie et de physiothérapie, ainsi que dans l’obtention d’équipement médical.

  3. Lorsqu’un service gouvernemental, y compris une évaluation de service, est offert à tous les autres enfants, le ministère contacté en premier doit payer pour les services, sans tenir de conférence de gestion administrative de cas, procéder à un examen des politiques, naviguer à travers les différents services, ou toute autre procédure administrative semblable avant que le service recommandé soit approuvé et qu’un financement soit fourni.Le Canada peut uniquement tenir des conférences de gestion de cas cliniques avec des professionnels possédant des compétences et une formation pertinentes avant l’approbation et le financement du service recommandé, dans la mesure où de telles consultations sont raisonnablement nécessaires pour déterminer les besoins cliniques du demandeur. Si des professionnels possédant des compétences et une formation pertinentes sont déjà assignés au dossier d’un enfant d’une Première Nation, le Canada consulte ces professionnels et ne fait appel à d’autres professionnels que si ceux assignés au dossier ne sont pas en mesure de fournir l’information clinique nécessaire. Le Canada peut également consulter la famille, la collectivité de la Première Nation ou les fournisseurs de services pour financer les services dans les délais impartis aux sous‑alinéas 135(2)(A)(ii) et 135(2)(A)(ii.1) lorsque les services sont disponibles. Le Canada déploiera tous les efforts raisonnables afin de s’assurer que le financement est fourni dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti si le service n’est pas disponible. Après l’approbation et le financement du service recommandé, le ministère contacté en premier pourra se faire rembourser par un autre ministère ou gouvernement.

  4. Lorsqu’un service gouvernemental, y compris une évaluation de service, n’est pas nécessairement offert à tous les autres enfants ou, s’il excède la norme en matière de soins, le ministère contacté en premier doit évaluer les besoins particuliers de l’enfant afin de déterminer s’il est opportun de lui offrir le service demandé au nom du principe de l`égalité réelle en matière de fourniture de services, par souci de prestation de services adaptés aux particularités culturelles et/ou de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Lorsque de tels services sont offerts, le ministère contacté en premier doit payer pour les services, sans tenir des conférences de gestion de cas administratives, procéder à un examen des politiques, naviguer à travers les différents services ou toute autre procédure administrative semblable avant l’approbation et le financement du service recommandé. Une conférence de gestion de cas clinique peut être tenue seulement aux fins prévues au sous-alinéa 135(1)(B)(iii). Le Canada peut également consulter la famille, la collectivité de la Première Nation ou les fournisseurs de services pour financer les services dans les délais impartis aux sous‑alinéas 135(2)(A)(ii) et 135(2)(A)(ii.1) lorsque les services sont disponibles. Le Canada déploiera tous les efforts raisonnables afin de s’assurer que le financement est fourni dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti si le service n’est pas disponible. Une fois que le service recommandé aura a été fourni, le ministère contacté en premier pourra demander à un autre ministère ou au gouvernement de le rembourser.

  5. Bien que le principe de Jordan puisse s’appliquer aux conflits de compétence entre les gouvernements (c.‑à‑d. entre les gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux) et aux conflits de compétences entre les ministères d’un même gouvernement, un tel conflit n’est pas une condition nécessaire à l’application du principe de Jordan.

  1. Le Canada n’utilisera pas ni ne diffusera une définition du principe de Jordan qui restreigne d’une manière quelconque les principes énoncés au point 1B.
  2. Le Canada réexaminera les demandes antérieures de financement qui ont été refusées soit en application du principe de Jordan ou autrement à partir du 1er avril 2009 pour veiller au respect des principes susmentionnés. Le Canada terminera cet examen d’ici le 1er novembre 2017.

2.  Traitement et suivi des cas liés au principe de Jordan

  1. Le Canada élaborera des processus ou modifiera ceux liés au principe de Jordan pour s’assurer que les normes suivantes sont mises en œuvre d’ici le 28 juin 2017 :
  1. Le ministère contacté en premier doit évaluer les besoins particuliers d’un enfant qui demande des services en vertu du principe de Jordan ou qui pourrait être admissible en vertu de ce principe.

  2. L’évaluation initiale et le traitement des demandes présentées par des particuliers doivent être faites dans un délai de 12 à 48 heures suivant la réception de la demande le premier contact établi relativement à une demande de service. Si un préjudice irréparable est raisonnablement prévisible, le Canada déploiera tous les efforts raisonnables pour assurer une intervention d’urgence immédiate jusqu’à ce qu’une intervention plus complète puisse être élaborée et mise en œuvre. Dans tous les autres cas d’urgence, la demande sera évaluée et traitée dans un délai de 12 heures suivant le premier contact établi relativement à une demande de service. Si de plus amples renseignements sont raisonnablement nécessaires pour rendre une décision, une conférence de gestion de cas clinique peut être tenue aux fins décrites au sous-alinéa 135(1)(B)(iii). Dans les cas non urgents, s’il est impossible d’obtenir les renseignements nécessaires dans le délai de 48 heures, les représentants du gouvernement du Canada collaboreront avec le demandeur dans le but de recueillir les renseignements nécessaires et rendre la décision dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti de 48 heures. Dans tous les cas, une fois que les représentants du gouvernement du Canada auront obtenu les renseignements nécessaires, la décision sera rendue en moins de 12 heures pour les cas urgents, et en moins de 48 heures pour les cas non urgents.

ii.1 L’évaluation initiale et le traitement des demandes présentées par des groupes doivent être faites dans un délai d’une semaine suivant le premier contact établi relativement à une demande de service. Si un préjudice irréparable est raisonnablement prévisible, le Canada déploiera tous les efforts raisonnables pour assurer une intervention d’urgence immédiate jusqu’à ce qu’une intervention plus complète puisse être élaborée et mise en œuvre. Dans tous les autres cas de demandes urgentes présentées par un groupe, la demande sera évaluée et traitée dans un délai de 48 heures.

  1. Le Canada cessera d’imposer des retards de service pour cause de conférences de gestion de cas administratives , d’examen des politiques, de navigation à travers les différents services ou toute autre procédure administrative semblable avant l’approbation et le financement du service recommandé.Le Canada ne tiendra des conférences de geston de cas cliniques qu’aux fins décrites au sous-alinéa 135(1)(B)(iii).

  2. Si la demande est acceptée, le ministère contacté en premier paiera pour le service sans tenir de conférence de gestion de cas administrative, procéder à un examen des politiques, une navigation à travers les différents services ou toute autre procédure administrative semblable avant qu’un financement soit fourni.

  3. Si la demande est rejetée, le ministère contacté en premier informera le demandeur, par écrit, de son droit d’interjeter appel de la décision, du processus d’appel, des renseignements qu’il devra fournir, du moment auquel le Canada devra décider de l’appel et du fait que des motifs écrits lui seront fournis si l’appel est rejeté.

  1. Le Canada mettra en œuvre des systèmes et des processus internes fiables d’ici le 28 juin 2017 pour s’assurer que tous les cas potentiellement liés au principe de Jordan ont été ciblés et traités, y compris les cas où le demandeur ne sait pas si le principe de Jordan s’applique.
  2. Le Canada élaborera des systèmes internes fiables d’ici le 27 juillet 2017 pour effectuer un suivi des éléments suivants : le nombre de demandes qu’il reçoit et qui sont liées au principe de Jordan ou qui pourraient être considérées comme étant des affaires liées à ce principe, la raison de la demande et le service demandé, l’avancement de chaque cas, le résultat de la demande (acceptée ou refusée) et les motifs applicables, et les délais liés au règlement de chaque cas, y compris le temps nécessaire pour que le gouvernement du Canada demande et reçoive les renseignements supplémentaires nécessaires à la compréhension des besoins cliniques du demandeur, et une déclaration indiquant le moment où le service a été fourni.
  3. Le Canada fournira au Tribunal un rapport et des affidavits le 15 novembre 2017 et tous les 6 mois suivant la mise en œuvre des systèmes internes susmentionnés; ces documents doivent décrire le suivi des cas liés au principe de Jordan. La nécessité d’établir de nouveaux rapports conformément à la présente ordonnance sera revue le 25 mai 2018.

3.  Rendre publiques la définition et l’approche jugées conformes au principe de Jordan

  1. D’ici le 9 juin 2017, le Canada affichera un lien très clair et visible vers les renseignements sur le principe de Jordan, y compris la définition conforme aux présentes ordonnances, sur les pages d’accueil d’AANC et de Santé Canada.
  2. D’ici le 28 juin 2017, le Canada devra faire une annonce télévisée bilingue (en français et en anglais) sur le Réseau de télévision des peuples autochtones pour fournir des détails sur la nouvelle définition du principe de Jordan et les processus afférents et qui se conforment aux présentes ordonnances.
  3. D’ici le 9 juin 2017, le Canada communiquera avec tous les intervenants qui ont reçu des documents sur le principe de Jordan depuis le 26 janvier 2016 et les informera par écrit des conclusions et des ordonnances contenues dans la présente décision.
  4. D’ici le 27 juillet 2017, le Canada réexaminera les ententes conclues avec les organismes de prestations de services qui assurent la coordination des services dans le cadre de l’initiative « L’enfant d’abord » et apportera les changements requis pour que ces ententes reflètent adéquatement la définition et la portée du principe de Jordan, établies dans la présente ordonnance.
  5. D’ici le 27 juillet 2017, le Canada consultera les plaignantes, la Commission et les parties intéressées pour élaborer des documents de formation et de sensibilisation du public relativement au principe de Jordan et financer l’élaboration de ces documents (qui doivent mentionner la décision et les décisions subséquentes); le Canada veillera, d’autre part, à ce que ces documents soient distribués au public, aux responsables du principe de Jordan, aux membres du comité exécutif de surveillance, aux gestionnaires responsables de l’application du principe de Jordan et de l’initiative « L’enfant d’abord », aux collectivités des Premières Nations, aux services d’aide sociale à l’enfance et aux autres intervenants ou bailleurs de fonds concernés.

4.  Maintien de la compétence et production de rapports

  1. La formation conserve compétence à l’égard des ordonnances susmentionnées pour s’assurer qu’elles sont exécutées de façon efficace et utile et pour les clarifier ou les préciser, au besoin. La formation conservera compétence à l’égard de ces ordonnances jusqu’au 25 mai 2018; à ce moment, elle déterminera si elle doit rester saisie de cette question au-delà de cette date.
  2. Le Canada signifiera et déposera des rapports et des affidavits précisant qu’il se conforme à chacune des ordonnances susmentionnées d’ici le 15 novembre 2017.
  3. Les plaignantes et les parties intéressées fourniront une réponse écrite au rapport du Canada d’ici le 29 novembre 2017 et indiqueront (1) si elles souhaitent contre‑interroger les affiants du Canada et (2) si elles souhaitent que la formation rende des ordonnances supplémentaires.
  4. Le Canada peut fournir une réponse, le cas échéant, d’ici le 6 décembre 2017.
  5. La formation examinera les délais relatifs au contre‑interrogatoire des affiants du Canada et les rapports à venir une fois que les parties auront soumis leurs observations relativement aux ordonnances 4(C) et 4(D).

Signée par

Sophie Marchildon

Présidente de la formation

Edward P. Lustig

Membre instructeur

Ottawa (Ontario)

Le 2 novembre 2017



Annexe

[135]  Conformément à ce qui précède, les ordonnances du Tribunal sont les suivantes :

1.  Définition du principe de Jordan

  1. En date de la présente décision, le Canada cessera de s’appuyer sur les définitions du principe de Jordan qui ne se conforment pas aux ordonnances de la formation rendues dans 2016 TCDP 2, 2016 TCDP 10, 2016 TCDP 16 et dans la présente décision, et cessera de les perpétuer.
  2. En date de la présente décision, la définition utilisée par le Canada se fondera sur les principes clés suivants afin de définir et d’appliquer le principe de Jordan :
  1. Le principe de Jordan est un principe qui place l’intérêt de l’enfant en priorité et qui s’applique également à tous les enfants des Premières Nations, qu’ils vivent dans une réserve ou non. Il n’est pas limité aux enfants qui sont en situation de déficience ou qui ont, à court terme, des affections médicales ou sociales particulières générant des besoins critiques à recevoir des services de santé et des services sociaux ou ayant une incidence sur leurs activités de la vie quotidienne.

  2. Le principe de Jordan répond aux besoins des enfants des Premières Nations en s’assurant qu’il n’y a pas de lacunes dans les services gouvernementaux qui sont offerts à ces enfants. Il peut notamment répondre aux lacunes dans la prestation des services de santé mentale, d’éducation spécialisée, de kinésithérapie, d’orthophonie et de physiothérapie, ainsi que dans l’obtention d’équipement médical.

  3. Lorsqu’un service gouvernemental, y compris une évaluation de service, est offert à tous les autres enfants, le ministère contacté en premier doit payer pour les services, sans tenir de conférence de gestion administrative de cas, procéder à un examen des politiques, naviguer à travers les différents services, ou toute autre procédure administrative semblable avant que le service recommandé soit approuvé et qu’un financement soit fourni. Le Canada peut uniquement tenir des conférences de gestion de cas cliniques avec des professionnels possédant des compétences et une formation pertinentes avant l’approbation et le financement du service recommandé, dans la mesure où de telles consultations sont raisonnablement nécessaires pour déterminer les besoins cliniques du demandeur. Si des professionnels possédant des compétences et une formation pertinentes sont déjà assignés au dossier d’un enfant d’une Première Nation, le Canada consulte ces professionnels et ne fait appel à d’autres professionnels que si ceux assignés au dossier ne sont pas en mesure de fournir l’information clinique nécessaire. Le Canada peut également consulter la famille, la collectivité de la Première Nation ou les fournisseurs de services pour financer les services dans les délais impartis aux sous alinéas 135(2)(A)(ii) et 135(2)(A)(ii.1) lorsque les services sont disponibles. Le Canada déploiera tous les efforts raisonnables afin de s’assurer que le financement est fourni dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti si le service n’est pas disponible. Après l’approbation et le financement du service recommandé, le ministère contacté en premier pourra se faire rembourser par un autre ministère ou gouvernement.

  4. Lorsqu’un service gouvernemental, y compris une évaluation de service, n’est pas nécessairement offert à tous les autres enfants ou, s’il excède la norme en matière de soins, le ministère contacté en premier doit évaluer les besoins particuliers de l’enfant afin de déterminer s’il est opportun de lui offrir le service demandé au nom du principe de l`égalité réelle en matière de fourniture de services, par souci de prestation de services adaptés aux particularités culturelles et/ou de protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. Lorsque de tels services sont offerts, le ministère contacté en premier doit payer pour les services, sans tenir des conférences de gestion de cas administratives, procéder à un examen des politiques, naviguer à travers les différents services ou toute autre procédure administrative semblable avant l’approbation et le financement du service recommandé. Une conférence de gestion de cas clinique peut être tenue seulement aux fins prévues au sous-alinéa 135(1)(B)(iii). Le Canada peut également consulter la famille, la collectivité de la Première Nation ou les fournisseurs de services pour financer les services dans les délais impartis aux sous alinéas 135(2)(A)(ii) et 135(2)(A)(ii.1) lorsque les services sont disponibles. Le Canada déploiera tous les efforts raisonnables afin de s’assurer que le financement est fourni dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti si le service n’est pas disponible. Une fois que le service recommandé aura a été fourni, le ministère contacté en premier pourra demander à un autre ministère ou au gouvernement de le rembourser.

  5. Bien que le principe de Jordan puisse s’appliquer aux conflits de compétence entre les gouvernements (c. à d. entre les gouvernements fédéral, provinciaux ou territoriaux) et aux conflits de compétences entre les ministères d’un même gouvernement, un tel conflit n’est pas une condition nécessaire à l’application du principe de Jordan.

  1. Le Canada n’utilisera pas ni ne diffusera une définition du principe de Jordan qui restreigne d’une manière quelconque les principes énoncés au point 1B.
  2. Le Canada réexaminera les demandes antérieures de financement qui ont été refusées soit en application du principe de Jordan ou autrement à partir du 1er avril 2009 pour veiller au respect des principes susmentionnés. Le Canada terminera cet examen d’ici le 1er novembre 2017.

2.  Traitement et suivi des cas liés au principe de Jordan

  1. Le Canada élaborera des processus ou modifiera ceux liés au principe de Jordan pour s’assurer que les normes suivantes sont mises en œuvre d’ici le 28 juin 2017:
  1. Le ministère contacté en premier doit évaluer les besoins particuliers d’un enfant qui demande des services en vertu du principe de Jordan ou qui pourrait être admissible en vertu de ce principe.

  2. L’évaluation initiale et le traitement des demandes présentées par des particuliers doivent être faites dans un délai de 48 heures suivant le premier contact établi relativement à une demande de service. Si un préjudice irréparable est raisonnablement prévisible, le Canada déploiera tous les efforts raisonnables pour assurer une intervention d’urgence immédiate jusqu’à ce qu’une intervention plus complète puisse être élaborée et mise en œuvre. Dans tous les autres cas d’urgence, la demande sera évaluée et traitée dans un délai de 12 heures suivant le premier contact établi relativement à une demande de service. Si de plus amples renseignements sont raisonnablement nécessaires pour rendre une décision, une conférence de gestion de cas clinique peut être tenue aux fins décrites au sous-alinéa 135(1)(B)(iii). Dans les cas non urgents, s’il est impossible d’obtenir les renseignements nécessaires dans le délai de 48 heures, les représentants du gouvernement du Canada collaboreront avec le demandeur dans le but de recueillir les renseignements nécessaires et rendre la décision dans un délai qui correspond autant que possible au délai imparti de 48 heures. Dans tous les cas, une fois que les représentants du gouvernement du Canada auront obtenu les renseignements nécessaires, la décision sera rendue en moins de 12 heures pour les cas urgents, et en moins de 48 heures pour les cas non urgents.

ii.1  L’évaluation initiale et le traitement des demandes présentées par des groupes doivent être faites dans un délai d’une semaine suivant le premier contact établi relativement à une demande de service. Si un préjudice irréparable est raisonnablement prévisible, le Canada déploiera tous les efforts raisonnables pour assurer une intervention d’urgence immédiate jusqu’à ce qu’une intervention plus complète puisse être élaborée et mise en œuvre. Dans tous les autres cas de demandes urgentes présentées par un groupe, la demande sera évaluée et traitée dans un délai de 48 heures.

  1. Le Canada cessera d’imposer des retards de service pour cause de conférences de gestion de cas administratives , d’examen des politiques, de navigation à travers les différents services ou toute autre procédure administrative semblable avant l’approbation et le financement du service recommandé. Le Canada ne tiendra des conférences de geston de cas cliniques qu’aux fins décrites au sous-alinéa 135(1)(B)(iii).

  2. Si la demande est acceptée, le ministère contacté en premier paiera pour le service sans tenir de conférence de gestion de cas administrative, procéder à un examen des politiques, une navigation à travers les différents services ou toute autre procédure administrative semblable avant qu’un financement soit fourni.

  3. Si la demande est rejetée, le ministère contacté en premier informera le demandeur, par écrit, de son droit d’interjeter appel de la décision, du processus d’appel, des renseignements qu’il devra fournir, du moment auquel le Canada devra décider de l’appel et du fait que des motifs écrits lui seront fournis si l’appel est rejeté.

  1. Le Canada mettra en œuvre des systèmes et des processus internes fiables d’ici le 28 juin 2017 pour s’assurer que tous les cas potentiellement liés au principe de Jordan ont été ciblés et traités, y compris les cas où le demandeur ne sait pas si le principe de Jordan s’applique.
  2. Le Canada élaborera des systèmes internes fiables d’ici le 27 juillet 2017 pour effectuer un suivi des éléments suivants : le nombre de demandes qu’il reçoit et qui sont liées au principe de Jordan ou qui pourraient être considérées comme étant des affaires liées à ce principe, la raison de la demande et le service demandé, l’avancement de chaque cas, le résultat de la demande (acceptée ou refusée) et les motifs applicables, et les délais liés au règlement de chaque cas, y compris le temps nécessaire pour que le gouvernement du Canada demande et reçoive les renseignements supplémentaires nécessaires à la compréhension des besoins cliniques du demandeur, et une déclaration indiquant le moment où le service a été fourni.
  3. Le Canada fournira au Tribunal un rapport et des affidavits le 15 novembre 2017 et tous les 6 mois suivant la mise en œuvre des systèmes internes susmentionnés; ces documents doivent décrire le suivi des cas liés au principe de Jordan. La nécessité d’établir de nouveaux rapports conformément à la présente ordonnance sera revue le 25 mai 2018.

3.  Rendre publiques la définition et l’approche jugées conformes au principe de Jordan

  1. D’ici le 9 juin 2017, le Canada affichera un lien très clair et visible vers les renseignements sur le principe de Jordan, y compris la définition conforme aux présentes ordonnances, sur les pages d’accueil d’AANC et de Santé Canada.
  2. D’ici le 28 juin 2017, le Canada devra faire une annonce télévisée bilingue (en français et en anglais) sur le Réseau de télévision des peuples autochtones pour fournir des détails sur la nouvelle définition du principe de Jordan et les processus afférents et qui se conforment aux présentes ordonnances.
  3. D’ici le 9 juin 2017, le Canada communiquera avec tous les intervenants qui ont reçu des documents sur le principe de Jordan depuis le 26 janvier 2016 et les informera par écrit des conclusions et des ordonnances contenues dans la présente décision.
  4. D’ici le 27 juillet 2017, le Canada réexaminera les ententes conclues avec les organismes de prestations de services qui assurent la coordination des services dans le cadre de l’initiative « L’enfant d’abord » et apportera les changements requis pour que ces ententes reflètent adéquatement la définition et la portée du principe de Jordan, établies dans la présente ordonnance.
  5. D’ici le 27 juillet 2017, le Canada consultera les plaignantes, la Commission et les parties intéressées pour élaborer des documents de formation et de sensibilisation du public relativement au principe de Jordan et financer l’élaboration de ces documents (qui doivent mentionner la décision et les décisions subséquentes); le Canada veillera, d’autre part, à ce que ces documents soient distribués au public, aux responsables du principe de Jordan, aux membres du comité exécutif de surveillance, aux gestionnaires responsables de l’application du principe de Jordan et de l’initiative « L’enfant d’abord », aux collectivités des Premières Nations, aux services d’aide sociale à l’enfance et aux autres intervenants ou bailleurs de fonds concernés.

4.  Maintien de la compétence et production de rapports

  1. La formation conserve compétence à l’égard des ordonnances susmentionnées pour s’assurer qu’elles sont exécutées de façon efficace et utile et pour les clarifier ou les préciser, au besoin. La formation conservera compétence à l’égard de ces ordonnances jusqu’au 25 mai 2018; à ce moment, elle déterminera si elle doit rester saisie de cette question au-delà de cette date.
  2. Le Canada signifiera et déposera des rapports et des affidavits précisant qu’il se conforme à chacune des ordonnances susmentionnées d’ici le 15 novembre 2017.
  3. Les plaignantes et les parties intéressées fourniront une réponse écrite au rapport du Canada d’ici le 29 novembre 2017 et indiqueront (1) si elles souhaitent contre interroger les affiants du Canada et (2) si elles souhaitent que la formation rende des ordonnances supplémentaires.
  4. Le Canada peut fournir une réponse, le cas échéant, d’ici le 6 décembre 2017.
  5. La formation examinera les délais relatifs au contre interrogatoire des affiants du Canada et les rapports à venir une fois que les parties auront soumis leurs observations relativement aux ordonnances 4(C) et 4(D).

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1340/7008

Intitulé de la cause : Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations c. Procureur général du Canada (représentant le ministre des Affaires autochtones et du Nord canadien)

Date de la décision du Tribunal : le 2 novembre 2017

Requête instruite par écrit sans comparution des parties

Observations écrites par :

David Taylor, Anne Levesque, Sarah Clarke et Sébastien Grammond, avocats de la Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada, la plaignante

 

Stuart Wuttke et David Nahwegahbow, avocats de l’Assemblée des Premières Nations, la plaignante

 

Daniel Poulin et Samar Musallam, avocats de la Commission canadienne des droits de la personne

 

Jonathan Tarlton, Patricia MacPhee et Robert Frater, avocats du procureur général du Canada, l’intimé

 

Maggie Wente et Krista Nerland, avocates de Chiefs of Ontario, la partie intéressée

 

Julian N. Falconer, Akosua Matthews et Anthony Morgan, avocats de la Nation nishnawbe‑aski, la partie intéressée

 

Justin Safayeni, avocat d’Amnistie Internationale

 

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