Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2018 TCDP 8

Date : le 13 mars 2018

Numéro du dossier : T2207/2917

 

Entre :

Cecilia Constantinescu

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service Correctionnel Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Gabriel Gaudreault

 



I.  Contexte de la présente requête

[1]  Le 20 février 2018, le Tribunal canadien des droits de la personne (Tribunal) a été saisi d’une requête déposée par Mme Cecilia Constantinescu (plaignante) visant à obtenir, de la part du Service correctionnel Canada (intimé), plusieurs précisions entourant une déclaration écrite de M. Pierre Durdu et qui a été divulguée par l’intimé dans sa liste de pièces Annexe A, sous la pièce jointe 20. 

[2]  Plus précisément, la requête de la plaignante vise à obtenir la production de plusieurs documents justificatifs relatifs à ladite déclaration notamment :

  1. un ou des documents attestant de la date de production de la déclaration écrite;

  2. un document attestant de l’endroit où la déclaration écrite a été produite;

  3. les conditions de la production de la déclaration écrite ainsi que l’identité et le titre professionnel des personnes présentes lors de cette production; et

  4. une copie des notes écrites ou une transcription certifiée de l’enregistrement audio qui a conduit à la production de la déclaration écrite;

[3]  L’intimé a déposé, à l’égard de cette demande, des représentations écrites le 26 février 2018. La plaignante a eu l’opportunité de transmettre une réplique le 2 mars 2018. J’ai eu l’opportunité de lire et de considérer les représentations de la plaignante et de l’intimé ainsi que les documents et la jurisprudence qu’ils y ont attachés. Encore une fois et dans un souci de concision, je n’ai pas l’intention de reprendre en détails les représentations des parties.

II.  Remarques préliminaires

[4]  J’aimerais tout d’abord mentionner aux parties que la question de la déclaration écrite de M. Durdu a été un sujet déjà abordé par le Tribunal et les parties à l’étape de la gestion préalable du dossier et du processus de divulgation de la preuve. Le contenu et les explications de la présente décision ne sont pas totalement inconnus des parties et ont déjà été exprimés par le Tribunal. La plaignante a pris la décision de déposer, en toute connaissance de cause, une demande relative à la déclaration écrite de M. Durdu conformément à la Règle 3(1) des Règles de procédures du Tribunal (Règles).

[5]  Le Tribunal estime que la présente requête dont il est saisi soulève des questions qui ont déjà tranchées par le Tribunal lors d’un appel conférence. Je rappelle que de déposer une requête afin que le Tribunal reconsidère, réexamine ou retranche des questions déjà jugées est un recours extraordinaire. Je suis d’avis que s’il en était autrement, ce type de requêtes pourrait porter atteinte aux principes relatifs au caractère définitif des décisions prises par les cours de justice et les tribunaux ainsi qu’à l’intégrité de l’administration de la justice.

[6]  Généralement, le Tribunal n’a pas pour pratique de réexaminer une question qui a déjà été tranchée. Si cet aspect avait été clairement invoqué devant le Tribunal, j’aurais fort probablement accordé le rejet et ce, uniquement sur cette base. Cependant, l’intimé n’a pas spécifiquement soulevé et détaillé cette question et ce faisant, je considère qu’il ne serait pas approprié de rejeter la présente requête sur ce fondement.

[7]  Par contre, je rappelle aux parties que la multiplication des requêtes, surtout lorsque les sujets ont préalablement été abordés, pourraient allonger le processus quasi-judiciaire. Au même titre, la multiplication des requêtes ou le dépôt de requêtes redondantes ou inutiles pourraient, dans des cas plus extrêmes, être considérés comme abusives ou vexatoires. Le Tribunal est également le gardien des principes de justice naturelle et d’équité procédurale et ce, conformément au paragraphe 48.9(1) de la Loi canadienne des droits de la personne (Loi ou LCDP). Bien que les procédures du Tribunal doivent être moins formalistes et plus expéditives, elles ne doivent pas être abusives ou vexatoires.

[8]  Conséquemment, j’invite les parties à faire preuve de prudence et de diligence lorsqu’elles demandent au Tribunal de réexaminer ou reconsidérer des questions déjà tranchées.

III.  La question en litige

[9]  La question en litige est la suivante : est-ce que le Tribunal devrait ordonner à l’intimé de produire et divulguer les documents et informations qui sont demandés par la plaignante?

IV.  Le droit et l’analyse

[10]  La Cour suprême a réitéré à de plusieurs reprises que les tribunaux sont maîtres de leurs propres procédure. La Cour suprême énonçait ce principe dans la décision Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 RCS 560 (Prassad) :

[…] Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l’égard de sa procédure.  En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez euxEn l’absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l’équité et, dans l’exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle.  Il est donc clair que l’ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

[Le Tribunal souligne]

[11]  Ce faisant, le Tribunal détient la discrétion afin de déterminer la manière dont il reçoit la preuve.

[12]  Cette discrétion doit être appliquée en tenant compte non seulement des principes dégagés par la Common Law, mais aussi des barèmes que prescrit la Loi, LRC (1985), ch H-6 (Prassad aux pp. 568-569).  Le paragraphe 48.9(1) de la Loi indique que :

L’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique.

Le paragraphe 50(2) et l’alinéa 50(3)(e) de la Loi prévoient que :

50 (2) [Le membre instructeur] tranche les questions de droit et les questions de fait dans les affaires dont il est saisi en vertu de la présente partie.

50(3) Pour la tenue de ses audiences, le membre instructeur a le pouvoir :

 (e) de trancher toute question de procédure ou de preuve.

Finalement, la règle 9(4) des Règles prévoit que :

9(4) À défaut du consentement des parties, un document figurant dans un cahier de preuve documentaire ne peut devenir un élément de preuve tant qu’il n’a pas été présenté à l’audience et admis en preuve par le membre instructeur.

[13]  Il faut garder à l’esprit que le Tribunal n’est pas une cour de justice à proprement parlé et conséquemment, il n’est pas nécessairement assujetti aux mêmes règles. Comme expliqué au paragraphe 35 de la décision Temple c. Horizon International Distributors, 2017 TCDP 30 (Temple) :

Les règles et l’admissibilité de la preuve devant le Tribunal sont moins formalistes que celles prévues devant un tribunal judiciaire. Le Tribunal peut donc recevoir des déclarations écrites par tout autre moyen qu’il estime indiqué, conformément à l’article 50(3)(c) de la Loi.

[14]  C’est notamment la raison pour laquelle le Tribunal pourrait, par exemple, accepter de la preuve par ouï-dire ou décider que l’authentification des documents n’est pas nécessaire (Temple au para. 34). La Loi et les Règles ne commandent pas le dépôt de pièces certifiées ou authentifiées. De même, les parties n’ont pas l’obligation de détailler les conditions de production de documents. En d’autres mots, le Tribunal peut recevoir des éléments de preuve par tout moyen qu’il estime indiqué et ce, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire (alinéa 50(3)(c) LCDP).

[15]  Il est important de comprendre que le stade de la divulgation des documents est différent du stade de l’admission des éléments de preuve lors des audiences du Tribunal (voir Malenfant c. Vidéotron s.e.n.c., 2017 TCDP 11 au para. 29). Comme expliqué dans la décision Association des employé(e)s de télécommunication du Manitoba inc. c. Manitoba Telecom Services, 2007 TCDP 28, au paragraphe 4 :

[…] La production de documents est assujettie au critère de la pertinence potentielle, qui n'est pas un critère très exigeant. Il doit y avoir une certaine pertinence entre le document ou les renseignements demandés et la question en litige. Il ne fait aucun doute qu'il est dans l'intérêt public de veiller à ce que tous les éléments de preuve pertinents soient disponibles dans le cadre d'une affaire comme celle en l'espèce. Une partie a le droit d'obtenir les renseignements ou les documents qui sont pertinents quant à l'affaire ou qui pourraient l'être. Cela ne veut pas dire que ces documents ou renseignements seront admis en preuve ou qu'on leur accordera une importance significative.

[Le Tribunal souligne]

[16]  À l’étape de la divulgation, les parties ne font que s’échanger les divers documents en leur possession et qui sont potentiellement pertinents aux questions que soulève la plainte.

[17]  Suivant la divulgation des documents potentiellement pertinents, les parties sélectionnent les documents qu’ils veulent déposer en preuve lors de l’audience et organisent lesdits documents dans un cahier de preuve. Un document ne peut devenir un élément de preuve tant qu’il n’a pas été présenté à l’audience et admis en preuve par le membre instructeur (Règle 9(4)). 

[18]  Contrairement aux soumissions de la plaignante, rien dans la Loi ou dans les Règles n’empêche une partie de divulguer aux autres parties un document qui peut poser certaines questions de fiabilité.

[19]  Selon la Règle 9(4) et les pratiques courantes du Tribunal, les parties peuvent tester la fiabilité et l’authenticité de la preuve en cours d’audiences notamment en interrogeant ou contre-interrogeant divers témoins. Lorsque les parties mettent en preuve des éléments de preuve incluant par exemple des déclarations écrites, toutes les questions relatives à la fiabilité et l’authenticité seront, au cas par cas, évaluées par le membre instructeur.

[20]  C’est avec tous ces éléments de preuve qui ont été clarifiés à l’audience que le Tribunal peut baser sa décision finale (Société de soutien à l’enfance et à la famille des Premières Nations du Canada et al. c. Procureur général du Canada, 2014 TCDP 2 au paras. 58, 63, 69).

[21]  Tel que récemment réitérer par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Stewart c. Elk Valley Coal Corp., 2017 CSC 30, « [i]l appartient au tribunal d’apprécier la preuve, d’établir les faits et de tirer des inférences raisonnables des faits » (au para. 20). C’est le rôle exclusif du Tribunal d’admettre la preuve à l’audience et qui, suite à l’instruction de la plainte (et non lors du processus de divulgation des documents), accorde le poids et la crédibilité nécessaires à la preuve qui lui a été soumise.

[22]  Dans le cas de la déclaration de M. Pierre Durdu qui n’est pas datée ni signée, il appert de la liste des témoins des parties que M. Durdu sera appelé comme témoin à l’audience. Ce faisant, les parties auront, si elles le désirent, l’opportunité d’interroger et de contre-interroger celui-ci de manière complète, significative et de clarifier le contenu de sa déclaration écrite, ainsi que les circonstances entourant sa production (voir Chuba c. Canada (Tribunal canadien des droits de la personne) (CAF), [1984] ACF no 1013). Les parties auront également l’opportunité de lui poser d’autres questions relatives, par exemple, à de potentielles autres déclarations qu’il a ou aurait pu faire. 

[23]  Le Tribunal imagine qu’il sera également appelé à lire la déclaration écrite de M. Durdu et à en évaluer la fiabilité, le poids et la crédibilité. Encore faut-il que cette déclaration soit admise en preuve lors de l’audience et nous ne sommes pas encore à ce stade. Je me permets de réitérer qu’à l’étape de la divulgation, les parties ne font que s’échanger les documents. Si M. Durdu témoigne à l’audience, non seulement le Tribunal pourra évaluer la crédibilité et la fiabilité d’une telle déclaration, mais il pourra également évaluer son témoignage lui-même. En d’autres mots, si les parties désirent soulever quelconque doutes sur la fiabilité et l’authenticité de certains éléments de preuve ou que les parties veulent attaquer la crédibilité de M. Durdu, elles auront le loisir de le faire lors des audiences et ce sera au Tribunal de trancher ces questions et d’accorder le poids nécessaire à la preuve qui lui a été soumise. Cependant, soulever des objections à l’étape de la divulgation est prématuré.

[24]  Dans la même veine, le Tribunal est sensible aux préoccupations de la plaignante à l’égard de la crédibilité des témoins.  Ainsi, je rappelle aux parties qu’une personne entrave l’action d’un membre du Tribunal dans l’instruction de la plainte, commet une infraction sous l’alinéa 60(1)(b) de la Loi. De plus, l’article 59 de la Loi interdit à quiconque de menacer, intimider ou discriminer une personne qui témoigne au procès. Cet article protège l’intégrité du processus devant notre Tribunal puisqu’il s’agit d’un incitatif pour les témoins de témoigner sans crainte de sanctions notamment de leur employeur s’il devait témoigner contre lui. Or, quiconque commet une infraction sous l’alinéa 60(1)(b) ou l’article 59 de la Loi pourrait potentiellement faire l’objet d’une poursuite en vertu du paragraphe 60(4) de la Loi et ce, par ou avec le consentement du Procureur général du Canada.

[25]  Pour toutes ces raisons, je suis d’accord avec les soumissions de l’intimé voulant que les conclusions recherchées par la plaignante dans le cadre de sa requête ne s’inscrivent pas dans le contexte de la divulgation documentaire, mais plutôt de l’audience et de l’administration de la preuve. En conséquence, les demandes 1, 2, et 3, de la plaignante énumérée au deuxième paragraphe de la présente décision sont rejetées.

[26]  Concernant la quatrième et dernière demande de la plaignante (soit, une copie des notes écrites ou une transcription certifiée de l’enregistrement audio qui a conduit à la production de la déclaration écrite), j’aimerais souligner que si d’autres documents ou déclarations entourant la déclaration non-datée et non-signées de M. Durdu existent, l’intimé a l’obligation de les divulguer.

[27]  Or, la procureure de l’intimé a déjà manifesté son engagement à refaire les vérifications nécessaires avec son client au sujet de d’autres déclarations potentielles. Ces vérifications doivent être sérieuses, exhaustives et ne doivent pas être limitées aux balises et aux conditions en matière de demande d’accès qui pourraient être régis par d’autres lois fédérales ou provinciales. L’intimé doit divulguer tous les éléments de preuve potentiellement pertinents qu’il a en sa possession (Règle 6(1)). Étant donné l’engagement de l’intimé, le Tribunal est satisfait qu’il ne soit pas nécessaire d’émettre une ordonnance à ce sujet à ce stade-ci.

[28]  D’ailleurs, je comprends que Mme Constantinescu a, depuis les dernières années, fait beaucoup de démarches afin de récupérer des documents auprès de l’intimé et de d’autres institutions gouvernementales notamment par l’entremise des demandes d’accès. Je comprends également qu’elle a mis beaucoup de temps et d’énergie afin de récupérer ces documents. Je suis sensible au fait que les plaignants, pour avoir accès à des documents, doivent souvent accomplir ces différentes démarches qui sont parfois laborieuses, complexes et épuisantes. Je suis également conscient que les demandes d’accès à l’information d’institutions gouvernementales sont régies par des lois spécifiques et des règlements et que les accès aux documents font l’objet de conditions et de balises particulières. Malheureusement, ces conditions et balises ne sont pas de la compétence ou de la juridiction du Tribunal. Je ne peux donc intervenir à ce sujet.

[29]  Il faut se rappeler que dans le processus du Tribunal, la divulgation ne fait intervenir aucune des conditions ou balises en matière d’accès à l’information que la plaignante aurait pu notamment rencontrer dans ses différentes demandes. Comme le seuil de la pertinence potentielle au Tribunal est peu élevé et donc, plus large et inclusif, il est fort à parier que Mme Constantinescu ait reçu de nouveaux documents qui n’avait pas préalablement été divulgués dans le processus de ses demandes d’accès.

[30]  Ceci étant dit, j’aimerais souligner que si d’autres documents ou déclarations entourant la déclaration non-datée et non-signées de M. Durdu existent et sont dans la possession de l’intimé, ce dernier a l’obligation de les divulguer. Je le rappelle, la pertinence potentielle est un seuil très bas et la tendance est à plus de divulgation que moins (Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 42 au para. 11 (Gaucher)).

[31]  Si, par exemple, un enregistrement audio de la déclaration de M. Durdu existait et était dans la possession de l’intimé, sans hésitation, ce matériel serait considéré comme potentiellement pertinent au litige et devrait faire l’objet d’une divulgation par l’intimé, à moins qu’un privilège ne soit invoqué. Je rappelle que cette obligation ne s’étend pas à la création de documents à des fins de divulgation (Gaucher au para. 17) et ce faisant, l’intimé n’aurait pas à transmettre une transcription certifiée d’un tel enregistrement.

[32]  Finalement, j’ai déjà écrit dans la décision Polhill c. la Première Nation Keeseekoowenin, 2017 TCDP 34, aux paragraphes 51 à 54, que les plaintes en matière des droits de la personne sont sensibles et concernent la dignité des individus ainsi que leur estime d’eux-mêmes. J’ai déjà invité les parties à faire preuve de respect dans leurs procédures. J’estime que ce respect va dans les deux sens. Je ne doute nullement de la gamme d’émotions profondes et intenses que peuvent vivre les parties, et surtout Mme Constantinescu, dans ce difficile processus. Cependant, je crois qu’il est dans l’intérêt de tous, incluant les intérêts de la justice et les intérêts du public, que les parties fassent preuve de retenue dans leurs représentations. Je demanderais donc aux parties de faire preuve de respect et de courtoisie et d’éviter, à tout prix, de formuler certains commentaires touchant l’intégrité des personnes incluant leur intégrité professionnelle.

V.  La décision

[33]  Pour ces raisons, je rejette la requête de la plaignante.

Signée par

Gabriel Gaudreault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 13 mars 2018

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2207/2917

Intitulé de la cause : Cecilia Constantinescu c. Service Correctionnel Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 13 mars 2018

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par:

Cecilia Constantinescu, pour elle même

Patricia Gravel et Paul Deschênes, pour l'intimé

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