Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2017 TCDP 38

Date : le 11 décembre 2017

Numéros du dossier : T2162/3616

Entre :

Serge Lafrenière

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Via Rail Canada Inc.

l'intimée

Décision sur requête

Membre : Anie Perrault

 



La plainte et la requête

[1]  Il s’agit ici d’une requête préliminaire de Serge Lafrenière (le plaignant) en vertu de l’article 52 (1) (c) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) déposée le 20 novembre dernier demandant au Tribunal canadien des de la personne (le Tribunal) d’ordonner la confidentialité de tous les documents versés au dossier officiel du Tribunal dans l’affaire mentionnée en titre, et cela jusqu’en juin 2018. 

[2]  Cette requête du plaignant fait suite à une demande d’accès reçue par le Tribunal d’une tierce partie qui demande d’obtenir copie de plusieurs documents versés dans le cadre de cette affaire au dossier officiel du Tribunal.  Cette demande d’accès survient alors que le dossier est prêt à être entendu mais ne l’a pas encore été.

[3]  Je ne mentionnerai pas ici tous les faits allégués dans le litige principal, mais essentiellement, il s’agit d’une plainte déposée par le plaignant dans laquelle il soutient qu’il a été traité différemment et qu’il s’est vu injustement décerner des points de pénalité dans son dossier disciplinaire, le tout ayant mené à son congédiement le 5 octobre 2012.  Le motif de discrimination allégué dans ce dossier et retenu par le Tribunal est la déficience.

[4]  Via Rail Canada Inc. (l’intimée) et la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) n’ont déposée aucune représentation suite à la requête en ordonnance de confidentialité déposée par le plaignant et n’ont pris aucune position sur la question, s’en remettant tous les deux à la décision de ce Tribunal. 

L’article 52 de la LCDP

[5]  En vertu de l’art. 52 de la LCDP, la règle veut que l’instruction d’un dossier devant le Tribunal soit publique.

[6]  Mais toujours en vertu de l’article 52 de la LCDP, le Tribunal peut, dans des circonstances bien précises, et s’il en est convaincu, prendre toute mesure ou rendre toute ordonnance qu’il juge nécessaire pour assurer la confidentialité de l’instruction.  Ces circonstances bien précises sont définies à l’art. 52 (1) de la LCDP. 

[7]  Le plaignant repose ici sa demande sur les circonstances décrites à l’alinéa c) de l’art. 52 (1), soit :

c) il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’à la société à ce que l’instruction soit publique;

Analyse

  1. L’article 52 de la LCDP

[8]  La règle est claire, un dossier traité devant ce Tribunal le sera publiquement.  L’instruction d’un dossier est publique.

[9]  Le Tribunal est d’avis que la conduite d’une instruction publique suppose d’assurer l’accès public aux documents versés au dossier officiel du Tribunal – formulaire de plainte, lettres émanant de la Commission et adressées au Tribunal, exposés des précisions, requêtes, pièces déposées en preuve, enregistrements sonores de la procédure, et motifs des décisions relatives aux requêtes ainsi que décision finale, s’il y a lieu. Ceci n’est pas une liste exhaustive.

[10]  Cela est cohérent avec le principe de transparence quasi judiciaire auquel souscrit ce Tribunal.  Il découle de ce principe que le Tribunal doit veiller à ne pas entraver l’accès du public à notre procédure d’instruction.

[11]  Cela me permet d’ajouter que le Tribunal ne prendra pas de décision en fonction de qui fait une demande d’accès, mais plutôt en fonction du public en général.  L’article 52 de la LCDP se préoccupe de l’accès au dossier par n’importe quel membre du public, y compris des demandeurs éventuels.  Il ne régit pas le droit des individus particuliers à y avoir accès.  Donc, pour les fins plus générales de l’article 52, l’identité d’un demandeur d’informations (qui pourrait être suivi par d’autres) n’a aucune pertinence.

[12]  Revenons à la requête provisoire sur laquelle je dois rendre décision.  Cette requête du plaignant n’est malheureusement pas grandement étayée.  Elle indique simplement et de façon très générale ce pourquoi le plaignant recherche une ordonnance de confidentialité de la part de ce Tribunal pour tous les documents versés au dossier.

[13]  Ainsi le plaignant s’exprime comme suit dans sa requête : « Les documents faisant l’objet de cette demande (d’accès à l’information) contiennent des informations personnelles qui pourraient nuire à mes chances d’obtenir un emploi convenable dans l’attente de ma réintégration chez Via Rail Canada ».

[14]  Le plaignant n’indique pas quels sont les documents en particulier qui pourraient lui nuire.  Cette requête porte en effet sur tous les documents versés au dossier officiel du Tribunal.  Cela m’apparait beaucoup trop large.  

[15]  De plus, le plaignant ne décrit pas, ni n’explique ses craintes et en quoi la divulgation d’informations personnelles contenues dans tous ces documents constitue un risque suffisamment sérieux à son égard qui permettrait à ce Tribunal de juger que cet intérêt personnel l’emporterait sur l’intérêt que l’instruction demeure publique.  

[16]  À mon avis, les informations très générales décrites par le plaignant en une seule phrase dans sa requête ne constituent pas des motifs suffisants justifiant une ordonnance du Tribunal allant à l’encontre du principe général qui dicte que l’instruction soit publique.

[17]  J’ajouterais d’ailleurs qu’à ce stade de la procédure – ce dossier n’ayant pas encore été entendu - plusieurs de ces informations ne sont que des allégations qui restent à être prouvées ou réfutées devant ce Tribunal.

B.  La loi sur l’accès à l’information

[18]  Dans sa requête, le plaignant fait également référence à la Loi sur l’accès à l’information et à la Loi sur la protection des renseignements personnels.

[19]  Le Tribunal canadien des droits de la personne, quoiqu’un Tribunal de juridiction fédérale, n’est plus assujetti à ces deux lois.  (Voir la Loi no 1 sur le plan d’action économique de 2014, L.C. 2014, ch. 20, articles 384, 423). 

[20]  Par contre, le Tribunal, lorsqu’il fait face à une demande d’accès aux documents versés au dossier officiel comme il l’est présentement dans cette affaire, répond à de telles demandes en biffant les identificateurs personnels très délicats qui n’ajoutent rien à la compréhension de l’instance par le public, comme par exemple : 

  i.  dates de naissance

  ii.  adresses résidentielles

  iii.  adresses électroniques personnelles

  iv.  numéros de téléphone personnels

  v.  numéros d’identification émis par le gouvernement (p. ex. NAS, numéro de passeport) 

[21]  Le Tribunal caviarde ces informations systématiquement, même en l’absence d’une requête en ordonnance de confidentialité.

C.  Autres motifs

[22]  De plus, dans ce dossier, déjà trois décisions sur requêtes préliminaires ont été rendues et publiées sur le site web du Tribunal.  Ces décisions sont publiques et tous les citoyens y ont accès.

[23]  Il m’apparait que limiter l’accès aux documents versés au dossier officiel du Tribunal dans cette affaire, comme le demande le plaignant, alors que déjà trois décisions détaillées comportant des informations assez précises sur ce litige sont publiques, ne ferait aucun sens.

[24]  La première décision portant sur une requête en radiation déposée par l’intimée a d’ailleurs été rendue publique et est accessible depuis plus de 6 mois sur le site web du Tribunal.

Conclusion

[25]  Pour toutes ces raisons, le Tribunal rejette la requête en ordonnance de confidentialité du plaignant.

[26]  Le Tribunal ordonne que les documents visés par la demande d’accès de la tierce partie soient rendus accessible dans les 30 jours suivant la date de cette décision, à moins qu’il n’y ait demande de contrôle judiciaire de celle-ci.  Les renseignements personnels et très délicats dont la nature est décrite au paragraphe 20 des motifs de cette décision seront biffés des documents en question avant d’être remis au requérant de la demande d’accès.

Signée par

 

Anie Perrault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 11 décembre 2017

 

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2162/3616

Intitulé de la cause : Serge Lafrenière c. Via Rail Canada Inc.

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 11 décembre 2017

Requête écrite décidée sans comparution des parties

Observations écrites :

Serge Lafrenière, pour lui-même

 

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